ASSEMBLÉE NATIONALE

COMMISSION SPÉCIALE

chargée d'examiner la proposition de loi organique
relative aux lois de finances

COMPTE RENDU N° 12

(Application de l'article 46 du Règlement)

Mercredi 31 janvier 2001
(Séance de 9 heures 30)

Présidence de M. Philippe Auberger, vice-Président,
puis de M. Raymond Forni, Président

SOMMAIRE

- Suite de l'examen de la proposition de loi organique (n° 2540) (M. Didier Migaud, Rapporteur)

 

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- Art.  6

2

- Art. 14

14

- Art. 22

18

- Art.  7

3

- Art. 15

15

- Art. 23

19

- Art.  8

11

- Art. 16

17

- Art. 24

19

- Art.  9

11

- Art. 17

17

- Art. 25

19

- Art. 10

12

- Art. 18

17

- Art. 26

19

- Art. 11

12

- Art. 19

18

- Art. 27

19

- Art. 12

12

- Art. 20

18

   

- Art. 13

12

- Art. 21

18

   

La Commission a poursuivi, sur le rapport de M. Didier Migaud, Rapporteur, l'examen de la proposition de loi organique (n° 2540) relative aux lois de finance, présentée par M. Didier Migaud.

Article 6 : La comptabilisation des recettes et des dépenses :

La Commission a examiné un amendement de M. Philippe Auberger, tendant à introduire une comptabilité en droits constatés en lieu et place de la comptabilité de caisse prévue par l'article 6, afin de garantir une comptabilisation sincère des recettes.

M. Jean-Pierre Delalande a regretté que la proposition de loi ne retienne pas l'obligation de comptabiliser une recette au moment où elle devient exigible. L'introduction d'une comptabilité en droits constatés est inéluctable : soit on prévoit de l'établir immédiatement, soit il faudra remettre l'ouvrage sur le métier dans quelques années. La question s'est posée dans les mêmes termes pour le budget de la sécurité sociale. Lorsque l'Etat disposera d'une comptabilité patrimoniale dynamique, le système des droits constatés s'imposera de lui-même.

M. Jean-Jacques Jégou a estimé que la comptabilisation au titre de l'exercice des recettes non fiscales prévues par les lois de finances imposait de viser les sommes « dues », et non les sommes « encaissées ».

M. Charles de Courson a rappelé que si l'on souhaitait une plus grande sincérité budgétaire, et, notamment, éviter les manipulations de fin d'exercice si souvent critiquées par la Cour des comptes, il fallait remplacer les notions de recettes et de dépenses par celles de produits et de charges. L'encaissement comme critère de comptabilisation des recettes est évidemment suspect, puisqu'il permet, à la fin de l'exercice, d'effectuer des ajustements portant sur 10 à 15 milliards de francs. Il faut donc retenir le principe d'une comptabilité budgétaire en droits constatés, sur les mêmes bases que la comptabilité privée. La proposition prévoit d'ailleurs le principe d'une présentation en droits constatés dans la loi de règlement, ce qui amène à s'interroger sur l'intérêt de l'article 6.

Le Rapporteur a considéré que l'inscription d'une recette non fiscale dans une loi de finances n'emportait pas obligation pour le Gouvernement de la percevoir. Les « droits constatés » ne sont pas des « droits obligés ». Cependant, ceci laisse entier le problème de la lisibilité et de la transparence du budget. Un système de caisse ouvre certes la voie à des ajustements par le biais d'un décalage opportun des encaissements ou des décaissements, mais un système en droits constatés ouvre également la voie à des appréciations « choisies » laissant place à l'arbitraire. On peut par exemple, dans ce système, émettre des créances fiscales fictives, les inscrire dans le budget et ne pas les recouvrer. Il vaut mieux en rester à une comptabilité de caisse, pour ce qui est de la présentation et de l'exécution du budget, et présenter les comptes de l'Etat selon les principes comptables de droit commun, notamment une comptabilisation des opérations en droits constatés. Aucun pays au monde ne s'est risqué jusqu'ici à passer de la comptabilité de caisse à la comptabilité en droits constatés pour ses opérations budgétaires et la Cour des comptes, elle-même, émet les plus expresses réserves sur l'opportunité d'un tel bouleversement.

La Commission a rejeté cet amendement.

Elle a également rejeté deux amendements de M. Jean-Jacques Jégou, tendant aux mêmes fins et portant, le premier, sur la comptabilisation des recettes et, le second, sur celle des dépenses.

La Commission a adopté l'article 6 sans modification.

Article 7 : La budgétisation par objectifs : les missions et les programmes :

La Commission a examiné un amendement présenté par M. Jean-Pierre Delalande, visant à spécialiser, à l'intérieur des ministères, les crédits selon leur nature. Selon le dispositif proposé, les crédits de personnel, de fonctionnement et d'investissement feraient ainsi l'objet d'enveloppes « étanches » les unes par rapport aux autres. Des règles de spécialité particulières seraient, par ailleurs, introduites s'agissant des crédits d'intervention : ceux-ci seraient spécialisés par programmes, répondant chacun à des objectifs spécifiques, les crédits d'intervention étant fongibles à l'intérieur de chacun de ces programmes.

M. Jean-Pierre Delalande a précisé que la proposition de loi, qui repose sur une spécialisation des crédits par programme, aurait pour effet d'obliger les ministères à répartir leurs crédits de personnel, de fonctionnement, d'intervention et d'investissement entre leurs programmes, selon les différents objectifs qu'ils poursuivent. Une telle répartition aboutirait à une spécialisation artificielle des crédits, l'administration risquant alors de céder à la tentation de « découper » ses activités, afin de les faire entrer dans le cadre de chaque programme. Les dépenses de personnel étant alors fragmentées entre les différents programmes, les ministères perdront toute vision d'ensemble de leurs effectifs. Il lui est donc apparu indispensable d'introduire une spécialisation des crédits par nature de dépense, tout en retenant une spécialisation plus fine pour les crédits d'intervention. Cette spécialisation des crédits, plus claire et plus réaliste, permettra une véritable gestion du personnel. Cette démarche lui paraît fondamentale pour assurer une bonne appréhension des programmes et donnerait une plus grande marge de man_uvre aux administrations.

Le Rapporteur ne s'est pas déclaré convaincu par cette proposition, considérant que la spécialisation des crédits selon leur nature portera atteinte à la nécessaire fongibilité. Or, l'un des objectifs majeurs de la réforme proposée est précisément de permettre, à l'intérieur de chaque programme, une fongibilité des crédits que l'amendement remet en cause. Cette fongibilé devrait permettre d'encourager les économies : selon le dispositif de la proposition de loi, les administrations seraient ainsi en mesure de réaliser, le cas échéant, des économies sur leurs frais de personnel et de les affecter aux investissements.

Cet amendement a été rejeté.

La Commission a ensuite examiné trois amendements tendant à supprimer le monopole de l'initiative gouvernementale pour la création d'une mission, le premier présenté par M. Jean-Jacques Jégou, le second par M. Jacques Brunhes et le troisième par M. Jean-Pierre Delalande.

M. Jean-Jacques Jégou a considéré qu'en l'absence d'une modification de l'article 40 de la Constitution, prévoir que seule une disposition de loi de finances d'initiative gouvernementale pouvait créer une mission était inutile, dans la mesure où toute création de mission constituerait une aggravation de charge, sanctionnée par l'article 40 précité.

M. Jacques Brunhes a jugé que la définition des missions relevait des prérogatives fondamentales du Parlement : il n'est pas envisageable qu'il renonce à cette faculté.

M. Jean-Pierre Delalande a estimé que la rédaction proposée assurait une prééminence excessive de l'exécutif sur le législatif. Certes, le plus souvent ce sera le Gouvernement qui définira et proposera les missions, mais pourquoi interdire au Parlement d'en créer une ? Pourquoi ne pas permettre au Parlement, par exemple lors du débat d'orientation budgétaire, qui pourrait avoir lieu en juin, de déterminer une liste indicative des missions, le Gouvernement ayant toujours la possibilité de la modifier en cas de besoin d'ici le dépôt du projet de loi de finances ?

Le Rapporteur a indiqué que le sort final de la réforme ne dépendait pas de cet article et qu'il convenait de se focaliser sur des points plus importants s'agissant des pouvoirs du Parlement. Il est légitime que la définition des missions des ministères, sur lesquelles le Parlement sera appelé à voter, soit du ressort du Gouvernement et que celles-ci ne puissent donc être multipliées à l'envi. C'est d'ailleurs aujourd'hui le cas, puisque le nombre de votes, à l'exclusion du vote des amendements, est défini par l'ordonnance du 2 janvier 1959 s'agissant des titres et par le Gouvernement s'agissant des ministères.

Il a, en revanche, souligné qu'avec le Président Emmanuelli, il s'était battu pour introduire une distinction entre l'unité de vote des crédits et l'unité de spécialité que constituent les programmes, afin de préciser les capacités d'intervention des parlementaires. Plutôt que de défendre un droit d'initiative parlementaire sur les missions, qui n'ont d'autre portée juridique que de servir de support aux votes, mieux vaut défendre ce droit d'amendement sur les programmes. Il s'agit du véritable enjeu de la réforme si l'on entend permettre au Parlement de procéder à des réallocations de crédits au sein de la charge que constitue une mission.

M. Philippe Auberger, vice-Président, s'est interrogé sur le caractère rigoureux de cette distinction au regard de la Constitution de 1958, qui prévoit que l'initiative du projet de loi de finances appartient au Gouvernement. Or, la question des rapports entre le Parlement et le Gouvernement doit être traitée dans le cadre de la Constitution.

M. Henri Emmanuelli a rappelé que les dispositions proposées à l'article 48 tendaient à préciser les prescriptions de l'article 40 de la Constitution s'agissant de la capacité d'intervention des parlementaires sur les programmes. Si le droit d'amendement du Parlement devait être étendu également aux missions, on peut s'interroger sur le sort réservé par le Conseil constitutionnel à cette précision nécessaire à l'équilibre d'ensemble de la réforme.

M. Jean-Pierre Delalande a précisé que le Gouvernement n'était pas exempt d'erreurs dans la présentation des crédits : en 1997 il n'y avait ni budget, ni ministère de la ville. La présentation au Parlement, dans le cadre du débat d'orientation budgétaire, des projets gouvernementaux en matière de nomenclature des missions pourrait être une solution de compromis, qui ne remettrait pas en cause le rôle du Gouvernement.

M. Gilles Carrez s'est déclaré favorable à l'amendement présenté par M. Jean-Jacques Jégou, considérant que le monopole reconnu à l'initiative gouvernementale était une précision inutile et vexatoire, qui présentait l'inconvénient de mettre en évidence une sujétion du Parlement.

M. Henri Emmanuelli a rappelé que cette solution remettrait en cause l'équilibre même du compromis sur lequel reposait la proposition de loi organique, alors que celui-ci avait pu être difficilement obtenu.

M. Jean-Jacques Jégou a retiré son amendement.

La Commission a rejeté les deux autres amendements.

Elle a ensuite examiné un amendement présenté par M. Jacques Brunhes tendant à préciser la définition du programme ministériel : les objectifs qu'ils poursuivent seraient définis, non plus en fonction de résultats attendus, mais à partir de finalités d'intérêt général.

M. Jacques Brunhes a déclaré que le groupe communiste était favorable à la mise en _uvre d'indicateurs de qualité et de résultats, mais que ces derniers ne pouvaient avoir de sens que s'ils se détachaient d'une vision strictement comptable des besoins économiques et sociaux de la population.

Le Rapporteur a proposé un sous-amendement, tendant à indiquer que les programmes concourent à la réalisation d'un ensemble d'objectifs définis en fonction de finalités d'intérêt général et des résultats attendus. Il a souhaité que la définition des programmes ne soit pas d'une précision telle qu'elle porte, au bout du compte, atteinte à la capacité d'amendement des parlementaires.

La Commission a adopté ce sous-amendement, puis elle a adopté l'amendement ainsi modifié.

La Commission a examiné un amendement de M. Philippe Auberger, ayant pour objet de préciser que la liste des programmes susceptibles d'être inscrits dans une loi de finances devait être arrêtée par le Parlement lors du débat d'orientation budgétaire de l'année qui précède.

M. Jean-Pierre Delalande a jugé cette disposition particulièrement opportune : afin de donner du sens à l'autorisation budgétaire du Parlement, il importe que la liste des programmes entre lesquels seront ventilés les crédits autorisés par le Parlement, soit également arrêtée par celui-ci.

M. François Goulard a estimé qu'il s'agissait là d'une question primordiale : l'essentiel du débat parlementaire doit porter sur la définition des programmes, d'où la nécessité de pouvoir en discuter et d'en fixer une liste.

M. Gilles Carrez a considéré que cet amendement tirait la conséquence logique du maintien du monopole de l'initiative gouvernementale pour la définition des missions et qu'il convenait, en contrepartie, que le Parlement soit associé à la définition des programmes à l'occasion du débat d'orientation budgétaire.

Le Rapporteur a précisé que des dispositions transitoires figurant à l'article 55 permettraient d'associer le Parlement à la définition des nomenclatures envisagées pour les missions et les programmes. Il a fait part de sa crainte que l'adoption d'une liste de programmes au moment du débat d'orientation budgétaire n'ait pour effet de figer le débat sur le nombre de programmes, dès la conclusion de ce débat et de rendre ainsi difficile le dépôt d'amendements au moment de la discussion du projet de loi de finances. Le débat d'orientation budgétaire reste généralement un débat de politique générale et descend rarement au niveau des unités de spécialité budgétaire. Il serait dommage que la « culture de Bercy », qui parfois imprègne les parlementaires, les handicape dans leur capacité à proposer d'autres programmes lors de la discussion du projet de loi de finances.

M. Jean-Jacques Jégou a déposé un sous-amendement visant à prévoir que la liste en cause sera non pas « arrêtée par le Parlement » mais « présentée au Parlement », en précisant que cette nouvelle rédaction constituait un compromis satisfaisant.

Le Rapporteur a suggéré une autre solution, consistant à prévoir que la liste des programmes devrait figurer dans les documents présentés par le Gouvernement dans le cadre du débat d'orientation budgétaire.

M. François Goulard a rappelé qu'il importait que la liste des programmes ne soit pas figée. Il est donc nécessaire d'en discuter dès le débat d'orientation budgétaire, car il sera beaucoup plus difficile de remettre en cause cette liste si l'on se contente de l'examiner lors de la discussion du projet de loi de finances. Il a estimé que la suggestion du Rapporteur conduirait à faire de la liste des programmes un document annexe, qui ne ferait donc pas l'objet d'un débat.

M. Charles de Courson s'est rallié à la proposition du Rapporteur, tout en s'étonnant que la création d'un programme puisse résulter d'une initiative parlementaire, ce qui, selon lui, posait problème au regard des dispositions de l'article 40 de la Constitution.

Le Rapporteur a observé que, dans le cadre des dispositions en vigueur, les parlementaires ont déjà la faculté de créer une unité de spécialité, c'est-à-dire un chapitre. Les difficultés soulevées par l'amendement pourraient être résolues lors de l'examen de l'article 36 de la présente proposition de loi organique, par le biais d'un renforcement du contenu du débat d'orientation budgétaire. Il a enfin rappelé que la jurisprudence du Conseil constitutionnel était marquée par le souci de préserver les prérogatives du Gouvernement en matière de préparation du projet de loi de finances.

M. Gilles Carrez a rappelé l'absence de vote lors du débat d'orientation budgétaire. La liste des programmes ne saurait donc être transmise qu'à titre informatif.

M. Jean-Pierre Delalande, avec l'accord de son auteur, a retiré cet amendement.

La Commission a ensuite examiné un amendement de M. Yves Cochet, prévoyant que les crédits ouverts sur chaque programme pourraient comprendre des autorisations pluriannuelles et des crédits de paiement.

M. Yves Cochet a souligné que cet amendement visait à « consolider » la notion de pluriannualité, qui constituait l'un des points forts du texte initial de la proposition du Rapporteur. Il a précisé qu'il ne s'agissait pas d'entraver les capacités d'action d'une nouvelle majorité, mais d'empêcher la remise en cause de certaines politiques indispensables, comme cela fut le cas, en 1986, s'agissant de la maîtrise de l'énergie.

M. Gilles Carrez a apporté son soutien à cet amendement.

Le Rapporteur a rappelé que l'objectif poursuivi par M. Yves Cochet était satisfait par le I de l'article 8 de la proposition de loi organique.

M. Yves Cochet a retiré son amendement, tout en regrettant que le mot « pluriannualité » ne figure pas expressément dans cet article.

La Commission a ensuite examiné un amendement de M. Jean-Jacques Jégou, tendant à supprimer la possibilité d'instituer un programme comportant des crédits globaux pour dépenses accidentelles.

M. Jean-Jacques Jégou a souligné que ce programme faisait exception à la présentation des programmes par titre et constituait donc un obstacle au vote éclairé du Parlement. La gestion des programmes a été prévue de manière souple, ce qui permettra, par conséquent, de faire face à des dépenses accidentelles, par le biais des crédits existant ou, à défaut, par virement de crédits provenant d'autres programmes, comme l'autorise l'article 13 de la proposition de loi organique. Il a également fait valoir que son amendement visait à renforcer le principe de responsabilité des gestionnaires et à respecter pleinement le principe de la présentation par titre des programmes.

Le Rapporteur a jugé que cet amendement n'était pas raisonnable et qu'il convenait de maintenir des crédits globaux pour dépenses accidentelles, qui, par nature, ne peuvent être ventilés par programme, tout en encadrant cette faculté.

La Commission a rejeté cet amendement.

Elle a ensuite examiné un amendement de M. Philippe Auberger, tendant à supprimer le caractère indicatif de la présentation des crédits par titre.

M. Jean-Pierre Delalande a observé qu'il s'agissait de donner toute sa signification à l'autorisation budgétaire du Parlement et à son pouvoir d'amendement. Il importe, en effet, que les crédits des programmes de chaque ministère soient récapitulés par titre et que le vote du Parlement soit effectué par ministère et par titre, si l'on entend préserver le pouvoir d'amendement du Parlement sur les crédits : à défaut, le vote du Parlement sera, au sein des programmes, dépourvu d'effet contraignant compte tenu de la fongibilité des crédits.

Le Rapporteur a noté que cet amendement était cohérent avec un amendement précédemment présenté par le même auteur, mais qu'il risquait de remettre en cause la fongibilité des crédits.

M. Philippe Auberger, vice-Président, a fait valoir que sa proposition tenait compte de la jurisprudence actuelle du Conseil constitutionnel, évitant ainsi aux dispositions en cause une annulation au titre de l'article 40 de la Constitution, alors que la récapitulation des crédits par mission pourrait éventuellement être contestée.

M. Jean-Pierre Delalande a constaté que la notion de fongibilité pouvait être conçue de deux façons différentes : soit une fongibilité verticale par type de crédits, soit une fongibilité horizontale au sein d'un programme. Il a estimé que la rédaction actuelle de l'article 7 risquait de favoriser les dépenses de fonctionnement au détriment des dépenses d'investissement.

Le Rapporteur a jugé, en revanche, que l'amendement introduirait des rigidités inutiles dans la gestion des crédits, alors que la réforme vise à offrir des marges de man_uvre accrues aux gestionnaires

M. Gilles Carrez a rappelé que certaines administrations centrales avaient déjà expérimenté la faculté de redéployer leurs crédits. Le danger principal susceptible de résulter de la fongibilité des crédits était que celle-ci ne se traduise par des redéploiements de crédits en faveur des dépenses de personnel et au détriment des dépenses de fonctionnement, et non en faveur des dépenses de fonctionnement au détriment des dépenses d'investissement. Il a considéré que ces expériences étaient intéressantes et qu'il convenait d'éviter de rigidifier les compétences des gestionnaires.

La Commission a rejeté cet amendement.

La Commission a examiné un amendement de M. Jacques Brunhes, tendant à supprimer le plafonnement par programme des crédits ouverts sur le titre des dépenses de personnel.

M. Jacques Brunhes a considéré que l'adoption de son amendement constituerait une avancée démocratique en permettant une fongibilité en faveur des dépenses de personnel.

Le Rapporteur s'est opposé à l'amendement, en rappelant l'intérêt que présentait sa proposition d'une fongibilité asymétrique des crédits. Il a également souligné la nécessité de préciser les plafonds de crédits de personnel par programme : ces plafonds, qui, en aucun cas, ne remettent en cause le statut de la fonction publique, permettront au Parlement d'exercer un véritable contrôle sur les effectifs employés par l'Etat.

La Commission a rejeté cet amendement.

Elle a examiné un amendement du même auteur, tendant à supprimer le plafonnement par ministère des autorisations des emplois rémunérés par l'Etat.

M. Jacques Brunhes a également considéré que cette restriction limitait la fongibilité des crédits de façon injustifiée.

Le Rapporteur a fait part de sa difficulté à comprendre le sens des amendements présentés qui, en cas d'adoption, auraient pour effet de limiter le pouvoir du Parlement en matière de contrôle des emplois ministériels et des crédits de personnel. Il s'agirait donc d'une remise en cause des droits du Parlement.

La Commission a rejeté cet amendement.

Elle a ensuite examiné un amendement de M. Jérôme Cahuzac, ayant pour objet de prévoir que les plafonds des autorisations des emplois rémunérés par l'Etat doivent être fixés par mission et non par ministère.

M. Jérôme Cahuzac a estimé que des plafonds d'emplois au niveau du ministère se situeraient à un niveau trop élevé lorsque les effectifs sont particulièrement importants, comme par exemple l'Education nationale. Il faudrait donc que les plafonds des autorisation d'emplois soient fixés au niveau de la mission.

Le Rapporteur a déclaré partager cette préoccupation, mais aboutir à des conclusions différentes. La proposition de loi organique comporte, d'une part, un plafonnement des emplois rémunérés par ministère, et d'autre part, un plafonnement des crédits de personnel par programme. Ainsi, la rigidité induite par le deuxième dispositif est atténuée par le premier, ouvrant la voie à des redéploiements au sein des ministères, et ce sans porter atteinte à l'autorisation parlementaire. En fait, le plafonnement des emplois au niveau de la mission aurait des effets pernicieux sur l'efficacité de la dépense publique en apportant un facteur de rigidité dans la gestion du personnel.

M. Henri Emmanuelli a fait valoir que la modernisation de l'Etat supposait une certaine souplesse de gestion des personnels.

Après avoir réaffirmé que le plafonnement des emplois par ministère n'était pas satisfaisant pour des effectifs importants, M. Jérôme Cahuzac a cependant admis que la fixation par mission de ce plafond d'emplois pouvait sembler problématique pour les « petits » ministères. Il a donc proposé une formule de compromis laissant au Gouvernement le choix de proposer les plafonds des emplois autorisés par ministère ou par mission.

M. Gilles Carrez a estimé qu'il était paradoxal de prévoir un vote du Parlement sur le plafond des emplois autorisés par ministère, alors que l'exécution budgétaire est opérée par programme. Certes, certains ministères pourraient être dotés d'une seule mission, mais cette architecture ne devrait pas être une règle générale.

M. François Goulard a estimé que le plafonnement des emplois au niveau de la mission devait être prévu par la loi organique.

Le Rapporteur a rappelé que les dépenses de personnel seraient plafonnées à l'échelon du programme. Il a précisé que le ministère de l'économie, des finances et de l'industrie aurait souhaité un plafonnement des emplois au niveau de la mission, voire du programme, pour une raison évidente : cela augmenterait la rigidité en matière de gestion du personnel. La rédaction qu'il propose a pour but de combiner un plafond global d'emplois fixé par ministère avec un plafond de crédits de personnel fixé par programme, afin d'introduire de la souplesse.

M. Henri Emmanuelli a estimé que ce serait une erreur que de laisser au Gouvernement le soin de déterminer l'échelon pertinent de plafonnement des emplois.

Le Président Raymond Forni a abondé en ce sens, estimant qu'il s'agirait là d'un affaiblissement du rôle du Parlement.

M. François Goulard a jugé au contraire qu'était en jeu la détermination des engagements du Gouvernement envers le Parlement et que chaque ministre devrait, en conséquence, s'engager sur des besoins en personnel pour chacune des missions de son ministère.

M. Jean-Pierre Delalande a insisté sur le fait que la loi organique devait faire clairement apparaître le niveau auquel s'exercerait la responsabilité en matière de gestion des ressources humaines : soit au niveau du ministre, soit à celui du chef de mission, ce qui mettait en évidence l'intérêt de l'amendement proposé par M. Jérôme Cahuzac.

M. Gilles Carrez a estimé que la fixation par mission des plafonds des autorisations d'emplois permettrait d'identifier, au sein de chaque ministère, un responsable de la gestion des ressources humaines. Il a évoqué le cas de certains ministères dotés d'effectifs élevés, où la direction du personnel n'a en fait aucune prise sur leur gestion, qui dépend en réalité des directions opérationnelles, donnant l'exemple du ministère de l'économie, des finances et de l'industrie.

Le Président Raymond Forni a souhaité résumer les prises de position : le ministère de l'économie, des finances et de l'industrie semblerait hostile à la rédaction proposée par le Rapporteur, qui, en revanche, recueillerait l'agrément des ministères gestionnaires en raison des éléments de souplesse qu'elle introduit. Il apparaît donc inopportun de modifier la rédaction proposée par le Rapporteur, compte tenu du risque de renforcement des pouvoirs du ministère chargé des finances que comporterait une autre rédaction.

Le Rapporteur a indiqué que sa proposition était inspirée, non par le souci d'une quelconque « gentillesse » à l'égard des ministères à forts effectifs, mais par celui de l'intérêt de l'Etat. Il a ajouté que le Gouvernement s'était engagé à associer le Parlement à la mise en place de la nouvelle nomenclature.

M. Jérôme Cahuzac a annoncé qu'il s'abstiendrait sur le vote de son amendement, car son point de vue, comme celui du Rapporteur, était également défendable.

La Commission a rejeté cet amendement.

La Commission a examiné un amendement de M. Philippe Auberger, introduisant, dans le cadre de l'examen de la première partie de la loi de finances, un vote global sur la récapitulation des crédits ouverts au titre des dépenses de personnel et des plafonds des autorisations des emplois rémunérés par l'Etat, et prévoyant, à cette occasion, un débat sur la politique de recrutement, de formation et de rémunération de la fonction publique, ainsi que sur la question des retraites.

M. Philippe Auberger a précisé qu'il souhaitait mettre fin à la situation actuelle de confusion, où les plafonds d'emplois autorisés ne sont pas respectés.

Le Rapporteur a considéré que cette proposition était satisfaite par l'article 31 de la proposition de loi organique, qui consacrait le principe d'un vote sur le plafond des autorisations d'emplois rémunérés par l'Etat. Ce vote permettra de débattre au sein des assemblées de la politique de la fonction publique.

M. Jean-Pierre Delalande a jugé qu'il serait pertinent d'évoquer également la politique de la fonction publique à l'occasion du débat d'orientation budgétaire, la discussion engagée sur ce sujet, lors de l'examen du projet de loi de finances de l'année, intervenant trop tard. Le débat d'orientation budgétaire constitue le cadre adapté pour une vision d'ensemble et de long terme de l'évolution des effectifs de la fonction publique

M. Philippe Auberger a observé que le dispositif qu'il suggérait était plus complet que celui proposé par le Rapporteur à l'article 31.

Le Président Raymond Forni s'est interrogé sur la portée exacte de l'amendement, dans la mesure où un vote est toujours l'occasion d'un débat au sein des assemblées parlementaires.

Le Rapporteur a estimé que la proposition de M. Philippe Auberger ne relevait pas du champ de la loi organique, mais, le cas échéant, de normes de rang inférieur.

M. Philippe Auberger a déclaré ne pas partager cette opinion : compte tenu des dispositions de l'article 47 de la Constitution, l'initiative d'un débat lors de l'examen du projet de loi de finances relève du seul Gouvernement. L'inscription d'une obligation de débat dans le texte de la loi organique apparaît donc opportune, la rédaction de l'article 31 ne semblant pas suffisamment précise.

L'amendement a été retiré et l'article 7 ainsi modifié a été adopté.

Article 8 : La nature des crédits ouverts par les lois de finances : autorisations d'engagement et crédits de paiement :

M. Yves Cochet a retiré un amendement tendant à définir des autorisations pluriannuelles et des crédits de paiement, le Rapporteur ayant indiqué que l'article 8 satisfaisait aux objectifs visés.

La Commission a adopté l'article 8 sans modification.

Article 9 : Le caractère limitatif des crédits et des plafonds des autorisations d'emplois :

La Commission a examiné un amendement de M. Philippe Auberger, tendant à rendre limitatifs les crédits ouverts, par ministère, sur chaque titre.

M. Philippe Auberger a jugé indispensable de limiter la fongibilité entre les différents titres. Le caractère illimité de la fongibilité entre les crédits de fonctionnement et les crédits d'investissement fait que l'article d'équilibre et le vote sur cet article perdraient tout leur sens. Il a précisé qu'il n'était pas opposé au principe de la fongibilité, mais a estimé opportun de limiter son extension.

Le Rapporteur a fait valoir que le caractère asymétrique de la fongibilité des crédits au sein d'un programme offrait des garanties suffisantes, les crédits de personnel constituant un plafond, et a estimé qu'il fallait éviter de rigidifier le cadre budgétaire. Si une administration va à l'encontre des décisions du Parlement et ne remplit pas ses objectifs, il sera toujours possible, sur initiative parlementaire, de modifier la nomenclature l'année suivante et de créer des programmes encadrant de façon plus stricte la capacité d'appréciation des gestionnaires. La fongibilité des crédits n'est donc pas un obstacle dirimant à l'exercice du pouvoir financier du Parlement.

M. Gilles Carrez s'est associé aux préoccupations de M. Philippe Auberger, mais a jugé que le risque d'un basculement des crédits d'investissement vers les dépenses de fonctionnement était limité, l'essentiel étant préservé grâce au plafonnement des crédits de personnel.

M. Jean-Jacques Jégou s'est associé aux observations de l'orateur précédent.

La Commission a rejeté cet amendement, puis a adopté l'article 9 sans modification.

Article 10 : Les crédits évaluatifs :

La Commission a adopté l'article 10 sans modification.

Article 11 : La compétence du pouvoir réglementaire dans la gestion des crédits ouverts et des plafonds des autorisations d'emplois fixés par les lois de finances :

La Commission a adopté un amendement de précision du Rapporteur, puis l'article 11 ainsi modifié.

Article 12 : Répartition des crédits globaux :

Après avoir considéré comme sans objet un amendement de M. Jean-Jacques Jégou tirant les conséquences de la suppression du programme pour dépenses accidentelles qu'il proposait à l'article 7, la Commission a adopté cet article sans modification.

Article 13 : Les virements et transferts de crédits entre programmes :

La Commission a examiné un amendement présenté par M. Jean-Pierre Delalande visant à supprimer toute possibilité de virements de crédits entre les programmes d'un même ministère.

M. Jean-Pierre Delalande a estimé que le maintien de la procédure de virement de crédit, même dans la limite de 3%, n'était plus justifié compte tenu de la fongibilité des crédits, en dehors des crédits de personnel, dont bénéficieraient les ministères. Il convient donc, dans un esprit de cohérence de supprimer cette faculté.

M. Jean-Jacques Jégou s'est associé aux préoccupations de M. Jean-Pierre Delalande, mais a précisé qu'il n'en tirait pas la même conclusion, jugeant plus opportun de limiter à 1% des crédits initiaux de chaque programme le montant des virements susceptibles d'intervenir.

M. François Goulard a jugé que la procédure des virements et transferts se concevait parfaitement dans le cadre actuel de l'ordonnance organique, mais n'apparaissait pas aussi opportune dans le cadre de la réforme, compte tenu de la logique de responsabilisation introduite par la proposition. Relevant que les transferts étaient autorisés exclusivement entre programmes poursuivant des objectifs similaires, il s'est interrogé sur la pertinence de cette définition : n'est-il pas dans la logique de la réforme que d'affecter un unique programme à un objectif donné ?

Après que le Président Raymond Forni eut rappelé que la rédaction de cet article résultait d'un compromis, le Rapporteur a indiqué que les transferts étaient indispensables pour mettre en _uvre, sur le terrain, des politiques à caractère interministériel. En ce qui concerne les virements, il faut convenir de l'opportunité d'une certaine souplesse de gestion, au-delà de la fongibilité des crédits. Le niveau de 3% peut être considéré comme raisonnable ; correspond déjà à une concession de la part du Gouvernement, qui aurait souhaité ouvrir aux ministères des possibilités de virement nettement supérieures.

Le Président Raymond Forni a tenu à rendre hommage, à cet égard, à la ténacité et à la constance du Rapporteur. Même si le point d'équilibre trouvé dans le cadre d'un compromis peut toujours être jugé insatisfaisant, le texte proposé représente, en tout état de cause, un progrès.

M. Jean-Jacques Jégou a indiqué qu'il réservait pour le débat en séance publique sa proposition visant à réduire à 1% le niveau des virements de crédits.

Après que M. Jean-Pierre Delalande eut insisté sur le fait qu'il convenait de considérer le niveau des virements autorisés au regard des masses en jeu, qui s'élèvent à 57 milliards, M. Henri Emmanuelli a fait observer qu'il serait pénalisant pour tout gouvernement d'être privé de marge de man_uvre, alors que les prévisions ne sont jamais parfaitement fiables à 2% ou 3% près. Le compromis proposé par le Rapporteur représente une solution tout à fait acceptable.

M. Philippe Auberger a estimé que l'autorisation budgétaire donnée par le Parlement perdrait son sens, dès lors que la fongibilité et les transferts et virements des crédits permettraient des écarts « horizontaux » et « verticaux » par rapport aux lois de finances.

Après que le Rapporteur eut fait valoir que la réforme envisagée était essentielle pour que les parlementaires retrouvent de réelles prérogatives en matière de dépenses, la Commission a rejeté cet amendement.

La Commission a ensuite examiné un amendement présenté par M. Jacques Brunhes, visant à supprimer le plafonnement des virements autorisés entre les programmes d'un même ministère.

L'amendement a été retiré.

La Commission a examiné un amendement de M. Jean-Jacques Jégou, visant à limiter ces virements à 1% du montant initiaux des programmes concernés au lieu de 3%.

Cet amendement a été également retiré.

La Commission a adopté l'article 13 sans modification.

Article 14 : Les décrets d'avance :

La Commission a examiné un amendement présenté par M. Jacques Brunhes, tendant à étendre aux commissions parlementaires compétentes, autres que les commissions chargées des finances, la faculté d'émettre un avis préalablement à la publication de tout décret d'avance.

M. Jacques Brunhes a précisé que les commissions compétentes devaient être beaucoup plus impliquées qu'aujourd'hui dans la préparation et le vote du budget. Actuellement, la Commission des finances exerce une véritable hégémonie : les autres commissions n'interviennent que par la voix des rapporteurs pour avis, qui doivent se limiter à des considérations vagues et générales. Ceci est très frustrant et prive le débat parlementaire de compétences spécifiques qui ne méritent pas cette indignité. Il faut développer le rôle des commissions permanentes dans le débat budgétaire. Or, le texte de la proposition de loi organique ne prévoit rien à cet égard.

Le Rapporteur a estimé que, fort logiquement, la Commission des finances devrait alors être saisie de tous les projets de lois, qui ont tous une incidence financière. Chacun voit le danger d'un tel engrenage et les risques de blocage qui en résulteraient. Il est préférable d'associer les commissions non financières à l'examen des budgets qui les concernent, dans le cadre de la procédure des commissions élargies, qui a d'ailleurs été instituée pour répondre à des critiques inspirées des mêmes considérations que celles de M. Brunhes.

Le Président Raymond Forni a redit son engagement pour le décloisonnement des travaux des commissions. Cependant, cela doit se faire de préférence dans le cadre du Règlement de l'Assemblée nationale, qui prévoit d'ailleurs que les réunions des commissions sont ouvertes à tous les députés. Les dispositions nécessaires pour satisfaire aux objectifs de cet amendement ne relèvent pas d'une loi organique, mais des règles de fonctionnement interne de l'Assemblée nationale, qui devront être aménagées notamment en vue de permettre une meilleure circulation de l'information.

M. Jacques Brunhes a estimé que les députés ne participent pas aux travaux des commissions dont ils ne sont pas membres parce qu'ils n'y ont pas le droit de vote. Il aurait été souhaitable que la loi organique revoie le rôle des commissions permanentes.

M. Jean-Pierre Delalande a proposé d'introduire, dans le Règlement de l'Assemblée nationale, des règles permettant de constituer, autour de chaque rapporteur spécial de la Commission des finances, une équipe associant les rapporteurs pour avis des différentes commissions, afin de mieux contrôler l'action du Gouvernement.

L'amendement a été retiré.

La Commission a ensuite examiné un amendement présenté par M. François Goulard, tendant à supprimer les dispositions imposant de soumettre tout décret d'avance, avant sa publication, à l'avis des commissions de l'Assemblée nationale et du Sénat chargées des finances.

M. François Goulard a considéré que faire rendre un simple avis à ces commissions revenait à ravaler les assemblées au rang d'instances purement consultatives.

Le Rapporteur a rappelé que les dispositions prévoyant un avis préalable des commissions chargées des finances visaient à répondre à des préoccupations largement partagées. En tout état de cause, mieux vaut être consulté qu'ignoré.

La Commission a rejeté cet amendement, puis adopté l'article 14 sans modification.

Article 15 : Les annulations de crédits :

La Commission a examiné un amendement présenté par M. Yves Cochet, tendant à réserver aux seules lois de finances rectificatives la capacité de procéder à des annulations de crédits.

M. Yves Cochet a précisé qu'il s'agissait de redonner un peu de pouvoir au Parlement, l'ordonnance du 2 janvier 1959 accordant des prérogatives exorbitantes au ministre chargé des finances.

Le Rapporteur a considéré que la rédaction de l'article 15 était équilibrée et laissait une marge de man_uvre acceptable au Gouvernement, qui doit avoir la capacité de réagir face à une situation imprévue, tout en ayant l'obligation d'informer le Parlement. Les annulations ne seraient plus effectuées par arrêté du ministre chargé des finances, mais par décret, ce qui restaure le pouvoir d'arbitrage du Premier ministre. Ce n'est que si les annulations sont susceptibles de dépasser un seuil déterminé qu'il faudra avoir recours à une loi de finances rectificative. Le Gouvernement ayant fait valoir le risque de voir les crédits dont l'annulation est proposée, dépensés pendant les délais requis par l'adoption d'une loi de finances rectificative, la procédure de suspension des crédits concernés pendant la discussion du texte répond au souci de prévenir de tels errements.

La Commission a rejeté cet amendement.

La Commission a ensuite examiné, en discussion commune, un amendement présenté par M. Jérôme Cahuzac, prévoyant, en matière de décret d'annulation, une procédure d'avis préalable identique à celle prévue en matière de décret d'avance, et un amendement présenté par M. Jacques Brunhes, tendant à étendre au bénéfice des autres commissions le dispositif d'information prévu par l'article 15 au profit des commissions des finances de l'Assemblée nationale et du Sénat.

M. Jérôme Cahuzac a précisé que l'avis des commissions des finances préalable à tout décret d'annulation ne peut faire obstacle à la régulation budgétaire et ne gêne donc pas l'action du Gouvernement, tout en confortant le rôle financier du Parlement.

Le Rapporteur a estimé que les décrets d'annulation se différencient nettement des décrets d'avance, l'atteinte à l'autorisation budgétaire donnée par le Parlement étant moindre. Dans le cas d'une ouverture de crédits supplémentaires par décret d'avance, il y a une atteinte forte à cette autorisation budgétaire, ce qui justifie un avis préalable des commissions. En revanche, annulation de crédits peut, d'une certaine manière, être considérée comme relevant d'un pouvoir d'appréciation du Gouvernement, puisque l'autorisation est réputée constituer un plafond, mais n'est pas une obligation de dépenses, ainsi que l'a réaffirmé le Conseil d'Etat. Il reste qu'en tout état de cause, le Parlement doit être informé.

M. Jérôme Cahuzac a réaffirmé l'intérêt qu'il y aurait à étendre aux décrets d'annulation la procédure d'avis préalable prévue pour les décrets d'avance, étant entendu qu'elle ne limite en rien les marges de man_uvre du Gouvernement.

Le Rapporteur a rappelé son attachement à des raisonnements juridiques rigoureux, qui l'a conduit à proposer que l'intervention des commissions parlementaires soit proportionnée à l'atteinte portée à l'autorisation budgétaire.

Après que M. François Goulard eut demandé en quoi l'information des autres commissions compétentes poserait un problème, le Rapporteur a accepté d'étendre à celles-ci la procédure d'information visée au deuxième alinéa de l'article 15.

La Commission a rejeté l'amendement de M. Jérôme Cahuzac et adopté l'amendement de M. Jacques Brunhes, compte tenu de modifications rédactionnelles suggérées par le Rapporteur.

La Commission a examiné un amendement présenté par M. Jean-Jacques Jégou, ayant pour objet de supprimer les deux derniers alinéas de cet article.

M. Jean-Jacques Jégou a rappelé que, dans le passé, des annulations de crédit très importantes décidées quelques semaines seulement après l'adoption du projet de loi de finances avait défrayé la chronique, dans la mesure où les économies précédemment déclarées irréalisables étaient subitement devenues possibles. Il a noté que si le taux de 1,5% prévu pour le montant maximum de crédits annulés par décret était retenu, cela représentait environ 30 milliards de francs et que, même en deçà d'un tel montant, il était légitime qu'un collectif budgétaire soit exigé pour procéder à des annulations significatives. Il convient également d'obtenir une information précise sur les crédits « gelés », dans la mesure où 90% des crédits gelés sont en général annulés par la suite. Le Gouvernement disposera déjà de beaucoup de souplesse de gestion grâce aux premiers articles de la proposition de loi organique et il convient que le Parlement n'accepte plus d'être traité comme il a pu l'être par le passé.

Le Rapporteur a estimé que l'adoption de cet amendement entraînerait un recul, en supprimant l'exigence que les crédits soient désormais annulés par décret, et non par arrêté, comme actuellement, et en supprimant le plafonnement. Il a fait part de son intention d'être particulièrement ferme sur cet article lors des débats en séance publique, si une souplesse supplémentaire était demandée par le Gouvernement pour les annulations.

La Commission a rejeté cet amendement.

Elle a rejeté un amendement présenté par M. Jean-Pierre Delalande, tendant à ramener à 1% des crédits ouverts par la loi de finances de l'année le montant cumulé des crédits annulables par décret.

La Commission a ensuite adopté l'article 15 ainsi modifié.

Article 16 : Les reports de crédit :

M. Yves Cochet a retiré deux amendements, le premier tendant à prévoir la possibilité de fixer des plafonds pluriannuels pour les autorisations d'emplois, le second, visant à renforcer l'information et le pouvoir du Parlement par l'inscription des reports et de leur affectation dans une loi de finances rectificative.

La Commission a ensuite examiné un amendement présenté par M. Yves Cochet, ayant pour objet d'indiquer que les crédits reportés d'un exercice à l'autre sont retracés dans la loi de finances de l'exercice nouveau.

M. Yves Cochet a indiqué que, dans un souci de « traçabilité », cet amendement visait à permettre aux parlementaires de mieux apprécier les moyens demandés dans les lois de finances.

Le Rapporteur a indiqué que ce souci était satisfait par le b du 5° de l'article 38, lequel précise le contenu des annexes explicatives par ministère.

M. Yves Cochet a retiré cet amendement.

La Commission a adopté l'article 16 sans modification.

Article 17 : Les dérogations autorisées au principe d'universalité :

La Commission a adopté un amendement rédactionnel présenté par le Rapporteur, visant à compléter les principes généraux applicables aux procédures d'affectation de recettes, en tirant la conséquence de la décision du Conseil constitutionnel n° 94-351 DC du 29 décembre 1994, relative à la loi de finances pour 1995.

Elle a ensuite adopté l'article 17 ainsi modifié.

Article 18 : Les procédures de fonds de concours et de rétablissement de crédit :

La Commission a examiné quatre amendements présentés par M. Yves Cochet, ayant respectivement pour objet :

- de préciser que le rattachement au budget général des versements communautaires est effectué selon la procédure des fonds de concours ;

- de préciser que les fonds de concours sont prévus et évalués chaque année dans la loi de finances initiale ;

- d'établir que les fonds de concours sont clairement individualisés dans la nomenclature budgétaire en prévision comme en exécution ;

- de soumettre à l'autorisation du Parlement l'assimilation de certains produits à des fonds de concours.

Après que M. Yves Cochet eut souligné que ces amendements participaient d'un même souci de lisibilité, le Rapporteur a jugé opportun de ne pas figer dans une loi organique les modalités de rattachement des fonds communautaires au budget général et précisé que les autres amendements présentés étaient en large partie satisfaits.

La Commission a rejeté ces amendements, puis elle a adopté l'article 18 sans modification.

Article 19 : Les catégories de comptes annexes :

La Commission a adopté l'article 19 sans modification.

Article 20 : Les règles générales applicables aux comptes annexes :

La Commission a adopté un amendement rédactionnel présenté par le Rapporteur, visant à clarifier la règle du report de solde pour les comptes annexes et à éviter toute confusion entre le résultat budgétaire de l'année et le solde du compte.

La Commission a ensuite adopté l'article 20 ainsi modifié.

Article 21 : Le compte de gestion des participations de l'Etat :

La Commission a examiné un amendement présenté par M. Jean-Pierre Delalande, tendant à supprimer la possibilité de compléter les recettes du compte de gestion des participations de l'Etat par une subvention inscrite sur le budget général.

M. Jean-Pierre Delalande a considéré que les dépenses de ce compte devaient rester dans la stricte limite des recettes tirées des opérations patrimoniales de l'Etat, sans possibilité de subvention d'équilibre.

Le Rapporteur a estimé que cette interdiction pouvait poser problème lorsqu'il est nécessaire de répondre à un besoin urgent de dotation en capital, alors que le compte n'a pas encore encaissé de recettes suffisantes. Il s'agit d'une reprise du fonctionnement actuel du compte d'affectation spéciale n° 902-24. Ce qui est important, c'est l'interdiction sans ambiguïté d'opérer, à partir de ce compte, des versements au profit du budget général.

La Commission a rejeté cet amendement, puis elle a adopté l'article 21 sans modification.

Article 22 : Le compte de gestion de la dette et de la trésorerie de l'Etat :

La Commission a examiné un amendement présenté par M. Yves Cochet, visant à conférer un caractère limitatif aux prévisions de dépenses et de découvert du compte de gestion de la dette et de la trésorerie de l'Etat.

M. Yves Cochet a précisé qu'il s'agissait de limiter les marges de man_uvre du Gouvernement en la matière.

Votre Rapporteur a fait part de son scepticisme en notant que le compte était, justement, doté d'un découvert parce qu'il n'est guère possible d'évaluer précisément la prévision de dépenses.

La Commission a rejeté cet amendement, puis elle a adopté l'article 22 sans modification.

Article 23 : Les comptes d'opérations monétaires :

La Commission a adopté l'article 23 sans modification.

Article 24 : Les comptes de concours financiers :

La Commission a rejeté un amendement présenté par M. Yves Cochet, visant à conférer un caractère limitatif aux crédits des comptes ouverts au profit des Etats étrangers.

Elle a ensuite adopté l'article 24 sans modification.

Article 25 : La définition des ressources et des charges de trésorerie :

La Commission a adopté l'article 25 sans modification.

Article 26 : Les règles applicables aux opérations de trésorerie :

M. Jean-Pierre Delalande s'est interrogé sur la conformité au principe de la liberté du commerce et de l'industrie de la disposition figurant au 4° de cet article, précisant que les emprunts émis par l'Etat sont libellés en euros.

Après que le Rapporteur eut précisé que cette disposition ne concernait en fait que la dénomination de ces emprunts, la Commission a adopté l'article 26 sans modification.

Article 27 : Le principe de sincérité des lois de finances :

La Commission a examiné un amendement présenté par M. Philippe Auberger, prévoyant, d'une part, que les informations et prévisions transmises en vue de l'examen d'un projet de loi de finances doivent être cohérentes avec les hypothèses économiques sur lesquelles repose le rapport économique et financier, l'évolution de l'ensemble des prélèvements obligatoires, les prévisions triennales des finances publiques transmises aux institutions communautaires, ainsi qu'avec les comptes consolidés des administrations publiques établis par la comptabilité nationale, et indiquant, d'autre part, qu'un rapport spécifique de cohérence est joint à tout projet de loi de finances.

M. Philippe Auberger a estimé nécessaire d'assurer une parfaite cohérence entre les prévisions du projet de loi de finances, du projet de loi de financement de la sécurité sociale et du programme triennal de finances publiques.

Le Rapporteur a fait part de ses craintes que ces ajouts ne soient source de confusion au regard de la définition même de la sincérité.

Pour M. Philippe Auberger, l'expérience montre bien qu'il n'y a jamais de cohérence complète entre le rapport économique et financier et le projet de loi de finances, notamment en raison des divergences entre des données transmises par le ministère de l'économie et des finances et celles établies par le ministère des affaires sociales. Il est donc indispensable d'assurer une cohérence d'ensemble vis-à-vis des prévisions qui sont transmises à la Commission européenne.

Le Président Raymond Forni s'est déclaré sensible à cette argumentation, indiquant ne pas voir de contradiction entre les dispositions de l'amendement et le texte de l'article.

Le Rapporteur a estimé qu'il convenait d'aborder avec prudence la question complexe de la définition du principe de sincérité des lois de finances, afin de ne pas laisser une latitude trop importante aux interprétations jurisprudentielles.

Le Président Raymond Forni a fait valoir que cohérence et sincérité constituaient deux notions distinctes.

Mme Nicole Bricq a déclaré ne pas bien comprendre les réticences du Rapporteur à l'égard de l'amendement proposé, dans la mesure où nombre de députés réclamaient cette cohérence. La Commission européenne exige d'ailleurs un tel effort. En outre, il s'agit simplement de cohérence et non pas de consolidation, exercice qui pourrait être plus périlleux.

M. Gilles Carrez a déclaré que le principe de sincérité était vague et difficile à définir, alors que la notion de cohérence constituait probablement un bon angle pour aborder les lois de finances. Il s'agit d'une percée conceptuelle décisive et il serait regrettable de s'en priver.

M. Henri Emmanuelli a déclaré partager l'analyse du Rapporteur. L'objectif de la réforme est de procéder à un rééquilibrage des pouvoirs en faveur du Parlement et d'introduire une certaine souplesse de gestion, et non de fixer dans la loi organique des choix de politique économique.

M. François Goulard a considéré que les craintes du Rapporteur pouvaient également s'appliquer à l'interprétation de la notion de sincérité. Une définition claire des deux notions de sincérité et de cohérence est parfaitement possible.

Le Président Raymond Forni a estimé que l'évocation de la cohérence ne devrait pas soulever de difficulté dans un article relatif à la sincérité.

M. Henri Emmanuelli a jugé que la référence à la notion de cohérence risquait de favoriser le développement d'un contrôle d'opportunité.

M. Yves Cochet a considéré que la notion de sincérité avait l'avantage de l'ancienneté et était, en quelque sorte, principielle, alors que celle de cohérence était beaucoup plus statique.

Le Président Raymond Forni a déclaré qu'il comprenait désormais en quoi consistait la suprématie conceptuelle de la Commission des finances.

La Commission a rejeté cet amendement, puis elle a adopté l'article 27 sans modification.


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