ASSEMBLÉE NATIONALE


DÉLÉGATION
À L'AMÉNAGEMENT ET AU DÉVELOPPEMENT
DURABLE DU TERRITOIRE

COMPTE RENDU N°4

mercredi 7 novembre 2001
(Séance de 10 heures 30)

Présidence de M. Philippe Duron, président

SOMMAIRE

 

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- Audition de M. Jean-Pierre BLAZY, Député-Maire de Gonesse, sur la création d'un nouvel aéroport à vocation internationale

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La délégation à l'aménagement et au développement durable du territoire a entendu M. Jean-Pierre BLAZY, Député-Maire de Gonesse, sur la création d'un nouvel aéroport à vocation internationale.

M. le Président : Mes chers collègues, nous recevons aujourd'hui M. Jean-Pierre Blazy, député-maire de Gonesse, à qui je souhaite la bienvenue devant cette délégation, ainsi que nos collègues, MM. Gilles de Robien et Charles de Courson, qui nous font l'amabilité de participer aujourd'hui à cette réunion.

En 1997, pour limiter les nuisances supportées par les riverains de Roissy, le ministre des transports, M. Jean-Claude Gayssot, décidait de plafonner à 55 millions de passagers le trafic de cet aéroport.

Afin de pouvoir accueillir les passagers attendus en surplus par les scenarii des schémas de services collectifs, le gouvernement a annoncé il y a un an la création d'un nouvel aéroport international en région parisienne.

Huit sites se sont portés candidats, auxquels s'est ajoutée une alternative lyonnaise qui, sans être formellement candidate, a été défendue par le maire de Lyon ici même, devant cette délégation. Enfin, au cours des six derniers mois, s'est déroulé un débat public. Il avait été convenu avec M. Pierre Zémor, à qui a été confiée la Démarche d'utilité concertée pour un site aéroportuaire international (DUCSAI), de ne pas interférer avec celui-ci. C'est donc au terme de ce débat que nous avons engagé une série d'auditions.

La délégation souhaite réfléchir surtout - j'allais dire "souhaitait" étant donné la proposition faite aujourd'hui par le ministre des transports - à l'implantation d'un nouvel aéroport sous l'angle de l'aménagement du territoire et en déterminer les conséquences sur la population et le développement régional.

De multiples questions se posent à nous, en particulier celles de savoir :

- comment remédier aux nuisances existant à Roissy et à Orly, qui demeureront malgré la nouvelle création de plate-forme,

- quels sont les paramètres essentiels pour le choix d'un site,

- comment on peut éviter de refaire les mêmes erreurs pour la nouvelle infrastructure,

- dans quelle mesure on peut conduire une politique volontariste pour développer les aéroports de province et faire en sorte que le deuxième objectif stratégique de la loi d'orientation et d'aménagement durable du territoire puisse être pris en compte.

Je rappelle que ce deuxième objectif était de décider d'amener à un niveau de métropole internationale quatre ou cinq grandes agglomérations françaises. Il est bien évident que, sans une série de liaisons intra-européennes, cet objectif ne peut être atteint.

Nous allons donner la parole à M. Jean-Pierre Blazy, qui est un acteur très concerné par le transport aérien, nous pourrons ensuite, les uns et les autres, l'interroger ou faire part à la délégation des remarques que tel ou tel site peut nous inspirer.

M. Jean-Pierre BLAZY : Monsieur le Président, je vous remercie tout d'abord de bien vouloir m'entendre sur la question de l'implantation d'une troisième plate-forme aéroportuaire internationale dans le grand bassin parisien.

Il est évident qu'au moment où je vous parle - on le sait -, un nouvel élément est intervenu, puisqu'un journal titre aujourd'hui à la une sur la proposition du ministre des transports qui a été discutée hier dans une réunion interministérielle et qui consiste à retenir Chaulnes, l'un des sites proposés dans le cadre du débat public qui s'est achevé récemment.

Je voudrais avant tout faire part de ma position sur ce choix qui me paraît indispensable et dont l'opportunité a d'ailleurs été décidée dans le cadre des schémas de services collectifs par le gouvernement et le Premier ministre il y a un an, le débat public s'étant ensuite engagé dans le cadre de la Commission nationale du débat public à propos de la recherche d'un site. Aujourd'hui, le moment est venu, pour le gouvernement, de prendre position.

Evidemment, on peut poursuivre le débat sur l'opportunité et, de ce point de vue, je voudrais me situer dans le cadre de ce qu'on doit appeler aujourd'hui le développement durable du transport aérien.

En effet, que veut dire "développement durable du transport aérien pour aujourd'hui et demain" ? Dans le débat sur l'opportunité du troisième aéroport, je pense que, finalement, trois thèses s'affrontent.

La première a été exprimée clairement et c'est celle je qualifierai d'"hyper libérale". Elle consiste à dire qu'il faut déplafonner Roissy et Orly et, de ce fait, elle ne prend pas en compte l'exigence environnementale qui est fortement posée aujourd'hui. Cela revient par conséquent à développer les aéroports parisiens.

Il y a une deuxième thèse que je qualifierai d'"environnementaliste" et qui, si on la pousse jusqu'à sa logique extrême, pourrait finalement aboutir, sinon à remettre en question le transport aérien, en tout cas à limiter fortement son développement.

Il reste la troisième thèse que je souhaite défendre et que j'appelle celle du développement durable. Cela consiste à concevoir le développement du transport aérien en conciliant deux exigences.

La première est une exigence économique. Je pense en effet qu'en dépit de l'effet de conjoncture actuel (qui est d'ailleurs quelque peu antérieur aux événements du 11 septembre mais qui est aggravé par la situation provoquée par les attentats terroristes aux États-Unis et dont on ne sait pas combien de temps il va durer, et qui crée une dépression dans l'évolution du transport et du trafic aériens en Europe et dans le monde), il faut bien convenir - toutes les études le montrent - que la demande structurelle de transport aérien va se poursuivre et reprendra une fois passée la dépression actuelle.

La deuxième est une exigence environnementale. Il est maintenant clair depuis plusieurs années, et les indices sont convergents à ce point de vue, qu'il est nécessaire, dans le domaine du transport aérien (on a sans doute du retard par rapport au transport terrestre), de prendre en compte l'exigence environnementale que ce soit en France ou en Europe.

Tout d'abord, je voudrais souligner les avancées qui ont été réalisées sur la question de l'implantation du troisième aéroport dans le grand bassin parisien depuis plus de cinq ans.

Il faut d'abord rappeler le rapport qui a été présenté par M. Jacques Douffiagues en mars 1996 au nom de la mission d'étude de la desserte aérienne du grand bassin parisien, qui préconisait la réservation aussi rapide que possible d'un site. Le rapport arrivait à la conclusion suivante (c'est un intertitre dans les conclusions de ce rapport) : "Le nouvel aéroport : une solution subsidiaire dans un futur incertain. La réservation d'un site : une mesure de sauvegarde pour un avenir ouvert".

On sait que le gouvernement de l'époque, le gouvernement Juppé, a réservé le site de Beauvilliers, situé dans la région Centre, en Eure-et-Loir.

En même temps, les Parisiens que nous sommes ont considéré que cette décision était surtout un leurre pour faire accepter, à l'époque, (n'oublions pas que nous étions alors plongés dans un débat très vif avec de nombreuses manifestations de rue), l'extension de l'aéroport de Roissy qui, depuis, comme vous le savez, a été confirmée par l'actuel gouvernement.

Etant devenu moi-même parlementaire en 1997, j'ai travaillé sur ces questions et j'étais alors membre de la commission de la production et des échanges. C'est ainsi que j'ai produit, en 1999, un rapport intitulé "Réconcilier développement aéroportuaire et qualité de l'environnement". En effet, compte tenu de l'évolution rapide du trafic aérien au cours de la deuxième partie de la décennie 1990, il est très vite apparu que les précautions des conclusions du rapport Douffiagues n'étaient plus de mise puisque celui-ci n'envisageait la saturation du trafic parisien qu'à l'horizon 2015-2030 et ne proposait, comme je l'ai rappelé, que la réservation d'un site.

Aujourd'hui, la situation des plates-formes parisiennes en termes de trafic est devenue critique et il faut dire que les experts se sont trompés. Lorsque M. Jean-Claude Gayssot, au nom du gouvernement, à l'automne 1997, a confirmé l'extension de Roissy, il a accompagné sa décision d'un certain nombre d'engagements selon lesquels Roissy ne pourrait pas dépasser 55 millions de passagers qui ne seraient de toute façon atteints qu'à l'horizon 2015. Il ne pouvait évidemment avancer cela qu'en se fondant sur les paroles des experts.

Or on sait que les effets conjugués de la libéralisation du transport aérien, de la libéralisation du ciel européen, qui s'est alors achevée, et de la reprise de la croissance ont entraîné un développement très important, jusqu'à ces derniers mois, du trafic dans le monde, en Europe et en France.

Aujourd'hui, en Ile-de-France, on a constaté un fort développement du trafic aérien dans la période récente. On a vu en même temps l'émergence de l'exigence environnementale du fait même de son augmentation très rapide. S'agissant de Roissy, je vous rappelle qu'au cours des derniers mois, proportionnellement, le trafic de nuit s'est beaucoup plus développé que le trafic de jour, rendant encore plus prégnantes la demande environnementale et l'exaspération des populations.

On arrive donc à une situation que je qualifierai de "saturation environnementale". Cela ne veut pas dire forcément saturation du trafic et des capacités. Cela veut dire que l'on a atteint un niveau d'acceptation par les populations qui est devenu indépassable.

A Orly, le couvre-feu a été instauré, mais ce n'est toujours pas le cas à Roissy, même si, depuis 1997, des mesures de restriction assorties de sanctions ont été prises pour les avions les plus bruyants, mais encore une fois, elles demeurent insuffisantes au regard de l'augmentation très forte du trafic.

Face à cette situation de saturation environnementale, des engagements ont été pris. A Orly, ils sont anciens et connus. A Roissy, ils sont plus récents et datent de 1997, comme je l'ai rappelé. Je citerai notamment cet engagement important qui consiste à limiter un maximum le trafic de Roissy à 55 millions de passagers par an.

Evidemment, on pourrait se demander pourquoi on fixe ce chiffre à 55 millions de passagers à Roissy alors que, à Orly, on a défini un plafond en termes de mouvements, à hauteur de 250 000 mouvements. Effectivement, ce ne sont pas les passagers qui font du bruit mais les avions et on aurait dû exprimer ce seuil en mouvements.

A cet égard, pour bien vous montrer à quel point les experts se sont trompés, je voudrais citer les chiffres qui figuraient dans l'enquête publique réalisée en 1996 au sujet de l'extension de l'aéroport de Roissy. Les prévisions de trafic, selon les experts, à l'horizon 2015, étaient de 55 millions de passagers et de 480 000 mouvements à Roissy. Or, au 31 décembre 2000 (je ne peux que citer les chiffres de 2000, bien évidemment), on en était à 518 000 mouvements et à plus de 48 millions de passagers, ce qui veut dire que l'on se rapproche du plafond de 55 millions de passagers que l'on aurait pu atteindre en 2002 ou 2003 et qui sera atteint maintenant à une autre échéance. Je considère que ce sera peut-être 2005 ou 2006, mais que cela nous donne un répit qui est de toute façon, très limité.

A partir de là, il faut prévoir l'avenir : c'est notre responsabilité d'élus et aussi celle des pouvoirs publics, mais le prévoir ne veut pas dire, comme vous l'avez souligné, monsieur le Président, reproduire les erreurs du passé.

A partir du moment où on considère qu'une infrastructure nouvelle est nécessaire - c'est la position du gouvernement sur l'opportunité - et qu'il ne faut pas reproduire les erreurs du passé, il est nécessaire d'imaginer le portrait robot de l'aéroport du XXIe siècle.

Jusqu'à maintenant, on a fait l'aéroport - c'était une autre période - dans la ville, ou très près de la ville, et on a cru, en choisissant le site de Roissy, que l'on choisissait un aéroport loin de la ville. On s'est trompé sur ce point et c'est une erreur dont on subit aujourd'hui les conséquences. En effet, quand on a choisi Roissy, on ne pouvait pas ignorer que la zone urbanisée était très proche, à partir du moment où l'orientation des pistes est-ouest était retenue.

On pourra toujours dire que l'on a laissé l'urbanisation se développer et c'est vrai en partie, mais cela a été fait sous la responsabilité de l'État, c'est-à-dire qu'à l'époque, on n'a pas envisagé des plans d'exposition au bruit avec des périmètres suffisamment larges, ce qui a été l'erreur majeure, mais en même temps, la zone urbanisée était déjà proche.

Je prendrai l'exemple de ma commune. A Gonesse, située à 4 ou 5 kilomètres du seuil des pistes, on comptait, avant la mise en service de l'aéroport, au moment du recensement de 1968, 21 000 habitants. Aujourd'hui, le recensement de 1999 fait état de 25 000 habitants. En termes de population, il n'y a eu qu'une croissance modérée en l'espace de trente ans. Cependant, une urbanisation, notamment pavillonnaire, avec une extension du tissu urbain - c'est incontestable -, a été rendue possible du fait des permis de construire qui ont été signés par mes prédécesseurs, et d'abord par l'État, avant la décentralisation.

Je voulais souligner ce point parce qu'il est très important. A partir du moment où on retiendra un site, on devra prendre toutes les dispositions indispensables pour ne pas exposer des populations aux nuisances aéronautiques, qu'il s'agisse des populations les plus proches ou de celles qui sont plus éloignées. En effet, il faut savoir (c'est la raison pour laquelle, samedi prochain, dans les rues de Paris, il y aura une manifestation importante des Franciliens) que les nuisances se sont diffusées sur une zone qui s'est sans cesse élargie du fait de l'augmentation du trafic.

Cela m'amène à poser la question suivante : ne pourrait-on pas concevoir, demain, de faire l'aéroport pour la ville, mais en dehors de la ville, et relié à celle-ci par des accès terrestres performants, en une distance-temps (parce que ce n'est pas la distance en kilomètres qui compte, mais la distance-temps) la plus brève possible ? Je pense que c'est possible grâce à l'intermodalité active, au TGV et à l'autoroute et qu'à partir de là, on peut éloigner l'aéroport du centre-ville.

Evidemment, on pourra m'objecter que des expériences à l'étranger ont échoué. Tous les adversaires de ce type de solution présentent l'échec de Mirabel, à Montréal. Ils oublient simplement de dire que, dans cet exemple précis, on n'a pas prévu des accès terrestres performants, notamment le TGV. C'est la raison pour laquelle cela n'a pas marché. Un aéroport, effectivement, ce ne sont pas uniquement des pistes et des aérogares ; ce sont aussi des accès terrestres qui doivent être performants.

Comme je ne veux pas être trop long et puisque je devrai répondre aux questions, il est peut-être maintenant préférable que nous ayons un échange.

M. le Président : Merci beaucoup, M. Jean-Pierre Blazy. Nous allons ouvrir la discussion. M. Gilles de Robien souhaitait pouvoir s'exprimer à l'issue de cette communication.

M. Gilles de ROBIEN : Vous êtes très aimable, monsieur le Président, de me permettre de m'exprimer devant vous et devant votre délégation. Après l'excellent exposé de M. Jean-Pierre Blazy dont je souscris à la plupart des termes, je suis heureux d'intervenir de façon très brève, tout d'abord pour m'étonner d'une décision que l'on apprend par la presse et qui apparaît comme les prémices d'une décision quasiment définitive.

Je viens ici pour vous dire à quel point je suis opposé, avec des raisons objectives, au choix du site qui semble être retenu, au moins par le ministre des transports aujourd'hui et qui a peut-être été retenu aussi par le comité interministériel de cette nuit.

Je vous rappelle qu'en 1997, ce n'est pas sans raison que M. Jacques Douffiagues n'avait pas retenu le site de Chaulnes ni, d'ailleurs, aucun autre site dans la Somme. Il s'était aperçu que la Somme avait des qualités environnementales et des espaces dédiés à l'agriculture : les premières terres de France, dit-on, l'un des deux greniers à blé de la France avec la Beauce. Voilà pour l'histoire.

Aujourd'hui, le site qui semble être retenu est, pour moi, le plus mauvais de tous les sites qui ont été imaginés. Je ne veux pas rentrer dans la problématique Paris-province, encore que ce débat m'apparaisse aussi comme le débat du pot de fer contre le pot de terre, la province étant, par définition, du côté de la terre, mais c'est le plus mauvais site parce que, tout d'abord, c'est le plus éloigné de Paris : 125 kilomètres. Il y en avait d'autres, que je ne défends pas, mais qui étaient moins mauvais, plus proches de Paris ou de Roissy.

Ensuite, c'est un site qui n'est pas du tout relié à Roissy, contrairement à ce qu'on dit. En effet, on dit par ailleurs qu'il faut que le site soit relié par une ligne TGV dédiée mais, aujourd'hui, la ligne TGV Paris-Lille est déjà quasiment saturée au point de vue des liaisons et des fréquences. Il n'est donc pas question d'utiliser cette ligne et il faudra en construire de toute façon une nouvelle. Choisir le site de Chaulnes parce qu'il est près d'une ligne TGV est donc un non-sens puisqu'il faudra en construire de toute façon une autre.

Troisièmement, choisir ce site le long de l'autoroute A 1 est encore plus audacieux et un non-sens. En effet, ceux qui prennent cette autoroute savent qu'il s'agit de l'une des plus dangereuses de France à cause de l'énorme trafic de poids lourds. Tout le monde le reconnaît et la société des autoroutes du nord et de l'est de la France (SANEF) elle-même est extrêmement inquiète pour les prochaines années. C'est d'ailleurs pourquoi elle défend le principe d'une autoroute A 24 qui relierait un jour Lille à Amiens et qui ne passerait pas par Chaulnes. Vous voyez donc que ce site de Chaulnes, s'il était retenu, ne serait pas relié, à moins de construire une nouvelle autoroute le long de l'autoroute A 1, ce qui me semble pour le moins un caprice en termes d'aménagement du territoire et, surtout, une gabegie en termes de dépenses.

L'A 1 est saturée, le TGV ne peut pas être utilisé, la gare dite d'Ablaincourt-Pressoir ne peut pas être utilisée et les motifs qui font choisir Chaulnes sur le plan des liaisons ne peuvent pas être retenus du fait de l'éloignement du TGV et de l'autoroute.

Sur les questions d'environnement, comme je l'ai dit tout à l'heure, ce sont les terres les plus fécondes de France.

Sur le plan de l'économie, je rappelle que l'on va commencer par détruire des milliers d'emplois parce que le site a, dans son environnement immédiat, une très grosse entreprise de conserverie qui s'appelle Bonduelle et que celle-ci s'y est déjà déclarée hostile, puisqu'elle serait obligée de déménager ses emplois et son usine si ce site était retenu.

Enfin, il reste le principal des arguments. Evidemment, vous allez me dire que je parle en tant que maire d'Amiens et président de la communauté d'agglomération d'Amiens (vingt communes de sensibilité très diverses), mais on choisit le site dont l'axe de décollage passera sur le plus grand bassin de population de Picardie. Vous remarquez que le rectangle passe et frôle Amiens, mais en réalité, l'axe de décollage est bien le plein ouest.

Il suffit de voir la carte qui a paru avec une photo dans la presse pour se rentre compte qu'elle est fausse, c'est-à-dire qu'elle a été quelque part truquée. On met Amiens bien plus au nord qu'elle ne l'est alors qu'en réalité, chacun comprendra qu'Amiens est bien au croisement de l'A 16 et de l'A 29. On met Amiens au moins à un centimètre au-dessus de l'A 16 et de l'A 29, c'est-à-dire à au moins 15 km au-dessus de la réalité afin d'échapper au couloir aérien qui verra des décollages toutes les minutes ou toutes les 90 secondes au-dessus du premier bassin de population de Picardie.

Voilà les raisons pour lesquelles je suis très opposé à ce site qui n'est défendu par quasiment personne, sauf par les entreprises de travaux publics qui, de toute façon, auront des travaux à réaliser quelque part s'il y a un troisième aéroport. Ils n'ont donc pas à faire un choix de site. Ils ont défendu tous les sites parce que, j'imagine, ils veulent faire progresser leur chiffre d'affaires. Il est défendu également par les industries métallurgiques, mais je pense qu'elles seront contentes d'avoir un troisième site à construire quelque part également. Je ne vois donc pas par qui il est réellement défendu.

Enfin, sur un plan un peu plus général, j'en viens à des aspects d'environnement et de développement durable. C'est peut-être le seul point qui me fait diverger de l'orateur précédent. Il y a deux façons d'envisager l'environnement et, pour en parler, je prendrai l'exemple des ordures ménagères.

Quand on fait un site pour traiter les ordures ménagères, soit on concentre toutes les ordures sur un rayon de 300 km et c'est là que ces ordures seront traitées, c'est-à-dire que c'est sur ce point qu'il y aura des trafics et des nuisances, on traite le site le mieux possible et on essaie de faire de la qualité bien concentrée à un endroit donné, soit on les étale. C'est ce que l'on faisait autrefois : on comblait tous les fonds de vallée avec, à droite et à gauche, des ordures ménagères.

En termes d'environnement, soit on étale les nuisances à la France entière, soit on essaie de faire de la qualité là où il y a déjà un site qui répond à la demande et a déjà des structures et des infrastructures. Comme je suis plutôt partisan de la concentration et de la qualité sur un seul site, je pense qu'il ne faut pas étaler les nuisances. Quand on aura fait l'aéroport de Picardie, le cas échéant, on dira qu'on va le plafonner à 25 millions, après quoi il faudra peut-être en refaire un autre et on prendra peut-être Lille ou Reims. De cette façon, on n'aura plus un couloir aérien mais une ruche d'abeilles au-dessus de nos têtes.

Voilà ce que je voulais dire sur cette "pré-décision" que nous avons apprise dans les journaux.

M. le Président : Merci de votre contribution à ce débat, monsieur le Député, mais aussi monsieur le Maire, puisque c'est surtout avec cette qualité que vous êtes intervenu ce matin. Souhaitez-vous intervenir, Monsieur de Courson ?

M. Charles de COURSON : Je ferai une petite intervention devant la délégation, monsieur le Président, pour essayer en trois points de...

M. le Président : ...défendre l'aéroport de Vatry ?

M. Charles de COURSON : C'est beaucoup plus général que cela. J'y viendrai néanmoins.

La première question qui est posée est de savoir s'il faut une nouvelle plate-forme aéroportuaire. Techniquement, cela dépend, bien entendu, de l'évolution du trafic. On peut dire qu'à très long terme, il faudra, un jour, une troisième plate-forme aéroportuaire. Le problème, c'est que la réponse est liée au fait de savoir quand. Techniquement, nous avons encore du temps devant nous, mais le problème n'est pas technique ; il est environnemental. Il s'agit de savoir s'il est possible, pour ceux de nos concitoyens qui sont autour de la plate-forme de Roissy, mais aussi des autres plates-formes et des plates-formes futures (parce qu'on a la fâcheuse tendance, dans ce débat, à croire que l'on résoudra les problèmes de Roissy en délocalisant le bruit chez les autres), d'accepter des solutions alternatives et non pas simplement la solution existante.

Deuxième question : faut-il décider aujourd'hui d'un nouveau site et d'une troisième plate-forme ? Techniquement, on a encore deux ou trois ans, surtout avec ce qui s'est passé. On peut attendre 2002 ou 2003 ; il n'y a pas d'urgence à six mois. Le problème, c'est qu'il y a une urgence politique au sens que les citoyens en ont assez et que nous sommes dans une démocratie ! C'est ainsi.

Ces deux préalables étant posés, je dois dire que, quelle que soit la décision ou la non-décision, nous avons été habitués à des décisions annulées six mois plus tard : nous sommes à la veille d'élections et on peut se demander ce qui se passera dans six mois. Nul ne peut le dire et il y a le précédent de Beauvillers. On a lié la création de la troisième et de la quatrième pistes de Roissy avec le choix de Beauvillers, le gouvernement suivant l'a annulé et il ne s'est rien passé pendant cinq ans. Nous sommes maintenant de nouveau dans cette situation.

Je veux dire que, quelles que soient les positions que l'on a sur ces questions environnementales et techniques, il faut gérer une quinzaine d'années sans nouvelle plate-forme. C'est bien le problème qu'auront tous les gouvernements, quels qu'ils soient.

Dans ce cas, comment fait-on pour rendre supportable la croissance du trafic, même si elle est peut-être moins forte pendant un an ou deux ?

Il me semble que le problème central ne se pose pas seulement à la proximité des aéroports ; il porte aussi sur les couloirs aériens et la proximité des aéroports. On parle en effet souvent des riverains des aéroports, mais il faut parler aussi de ceux qui sont survolés et dont le problème est tout aussi important. Il s'agit de réduire le bruit. On peut envisager une dizaine de solutions pour ce faire et elles vont jusqu'à l'interdiction totale, surtout la nuit. En effet, nos concitoyens demandent d'avoir au moins la paix entre 22 ou 23 heures et 5 ou 6 heures du matin pour pouvoir dormir tranquilles.

Pour réduire le bruit, il faut également considérer l'évolution des moteurs et l'évolution du nombre de mouvements en tenant compte des capacités d'emport de plus en plus importantes avec la nouvelle génération d'Airbus, en 2006 ou 2007. C'est incontestable. On pourra donc faire probablement, pour le même trafic, un peu moins de mouvements.

De là à croire que le troisième aéroport, s'il voit un jour le jour, résoudra les problèmes et réduira le nombre de mouvements, toutes les expériences qui ont été faites montrent l'inverse.

Il faut donc trouver des solutions empiriques réduisant le bruit, notamment autour de Roissy, en jouant sur un ensemble de claviers et non pas sur un seul. En effet, ce n'est pas le troisième aéroport qui résoudra le problème mais un ensemble de mesures. Quelles peuvent être ces mesures ?

On peut prendre, premièrement, des mesures de mise sous quota, en faisant à Roissy ce qui a été fait à Orly, c'est-à-dire un nombre maximum de rotations.

Deuxièmement, on peut répartir les rotations. A long terme, cela aboutirait à interdire un certain nombre de créneaux de nuit ou à les réduire très considérablement.

Troisièmement, comme, de toute façon, le trafic augmente, à moins de considérer que nous sommes assez suicidaires pour prendre des mesures tout seuls dans notre coin indépendamment de ce qui se passe en Europe, il s'agit d'avoir une politique européenne en la matière, politique qui, aujourd'hui, n'existe pas. Il n'y a pas de politique européenne dans le domaine de la gestion aéroportuaire ou dans la gestion des nuisances aéroportuaires, ce qui me paraît gravissime, parce que les plus malins auront toujours la tentation, en étant plus intelligents que les autres, de capter un certain nombre de trafics en fixant des normes environnementales beaucoup plus faibles que les voisins. Certains l'ont pratiqué et le pratiquent d'ailleurs déjà sur certaines plates-formes aéroportuaires.

L'une des grandes mesures à prendre serait donc la restriction du trafic de nuit pour les vols de voyageurs et les plates-formes à proximité des grandes agglomérations. Cela dit, comment peut-on les accueillir ? En effet, quand on regarde les créneaux d'utilisation de nuit, on s'aperçoit qu'il s'agit beaucoup de fret, même s'ils concernent aussi un peu les voyageurs.

Ne serait-il donc pas possible, monsieur le Président, que Vatry constitue l'un des éléments d'une solution pour résoudre un certain nombre de problèmes liés au fret ? Par exemple, est-il raisonnable de maintenir Fedex à Roissy ? Ils sont à 120 000 tonnes aujourd'hui, d'après ce qu'ils nous ont expliqué quand nous sommes allés les voir avec le futur ministre de l'environnement, et ils nous ont dit qu'ils passeraient à 240 000 tonnes en 2004, avec une utilisation importante des créneaux de nuit dans leurs rotations pour des raisons de correspondance horaire.

Est-il raisonnable de maintenir une entreprise comme Fedex dont 70 % du trafic est du transit ? On devrait s'interroger pour savoir s'il ne faudrait pas délocaliser du fret dans des plates-formes situées en zone rurale avec une très grande protection aux alentours afin de maintenir la qualité environnementale pour tous les habitants concernés.

C'est l'une des idées sur lesquelles nous avons fondé le projet de Vatry, en disant qu'inéluctablement, on aura besoin de ce genre de plate-forme pour ce type de trafic.

Pour terminer, Fedex dit, en se fondant sur le contrat qui a été signé, que si on lui donne un ou deux milliards, la délocalisation serait peut-être possible. Après tout, ne vaut-il pas mieux payer un ou deux milliards pour délocaliser Fedex plutôt que de continuer à empoisonner pendant quinze ans la vie des habitants vivant autour de Roissy et sur les couloirs d'accès ?

Je poserai la même question pour l'Aéropostale. Bien entendu, si vous faites venir le président de La Poste et si vous lui dites qu'il n'est plus question qu'il utilise ses 22 appareils de nuit, il dira : "Jamais ! Vous allez me dégrader la qualité de mon service", ce qui n'est pas tout à fait faux, d'ailleurs. Il faut savoir qu'il ne s'agit que de rotations nocturnes, par définition. Il faudra donc peut-être lui payer autour d'un milliard pour délocaliser l'Aéropostale mais, là encore, n'est-ce pas la sagesse de payer un milliard à La Poste française en essayant de voir comment on peut réorganiser les tournées de ramassage afin de ne pas trop dégrader la qualité du service rendu, sachant qu'il faut apprécier la qualité du service aussi au regard des nuisances créées aux populations survolées ? C'est une deuxième piste.

On peut encore les multiplier en examinant la situation créneau par créneau. Certains ont suggéré, en effet, que l'on regarde les créneaux des vols point à point de passagers en se demandant si on ne pourrait pas soulager les plates-formes existantes d'un certain nombre de ces vols. Là encore, cela se négocie, comme toute chose.

En tout cas, il faut arrêter de croire qu'il existe une solution unique pour répondre aux problèmes posés. Il n'y a pas de solution unique et, dans les quinze ans, seule l'addition de plusieurs éléments de solutions pourrait contribuer à résoudre le problème, qui est beaucoup plus environnemental que technique.

Personnellement, je pense que c'est tout à fait possible mais que cela suppose une gestion fine du problème et non pas de grandes décisions politiques qui font croire que l'on résout les difficultés alors que l'on ne résout rien du tout.

Enfin, je souhaiterais que l'on arrête de nous faire considérer que la France est un modèle en la matière. Nous sommes le pays dans lequel le pourcentage du trafic de voyageurs est le plus concentré ; sur les plates-formes parisiennes, il est de l'ordre de 65 à 70 % et, pour le fret, on en est à presque les trois quarts. On peut donc parler de deux tiers pour les passagers et de trois quarts pour le fret alors que, d'après les quelques vagues souvenirs que j'ai de géographie, je crois savoir que l'agglomération parisienne représente 20 % de la population française. C'est donc une situation totalement singulière.

Certes, je ne suis pas de ceux qui disent qu'il est facile de lutter contre le centralisme économique français. C'est même très difficile, mais entre cette situation et une situation allemande ou même anglaise, il y a de la marge. Là encore, même s'il ne faut pas attendre monts et merveilles du développement des plates-formes régionales, quelques marges de man_uvre existent, et on peut aussi penser à d'autres utilisations de nouveaux modes de transport, dont le TGV. Là encore, ce n'est pas une solution qui permettra de résoudre les problèmes mais un ensemble de solutions.

M. le Président : Merci, monsieur de Courson. Le dernier point que vous évoquez, le rééquilibrage au profit d'un certain nombre de plates-formes de province est envisagé dans le schéma de services collectifs. Il est en effet prévu que les grands aéroports de province devraient au moins doubler leur trafic : Lyon, par exemple, passerait de 6 à 15 millions dans les vingt ans qui viennent.

Cela étant dit, la prévision de croissance du trafic aérien, qui a été évaluée dans le schéma de services collectifs à 4 % par an, ce qui est d'ailleurs peut-être excessif, est le prolongement des courbes liées à la reprise de la croissance économique. Sur ce point, on peut effectivement se demander si l'on connaît un moment d'affaiblissement momentané ou plus durable.

On peut aussi s'interroger sur deux autres éléments.

Le premier est liée à l'évolution du trafic aérien qui va vraisemblablement se concentrer au niveau de quelques compagnies en Europe et non plus de compagnies nationales : peut-être trois à quatre, comme le disait le président de la Lufthansa la semaine dernière. On peut donc penser que l'organisation en hub de ces compagnies va modifier la géographie de ce transport, mais peut aussi renforcer la concentration qui existe.

L'autre point qui me semblerait intéressant d'explorer et que l'on n'explore pas assez, ce serait une approche plus européenne du trafic aérien. Mme de Palacio dit d'ailleurs qu'en ce qui concerne l'encombrement du ciel européen, de gros progrès de productivité doivent être faits si l'on compare la capacité du ciel américain et du ciel européen. Elle pense que l'espace aérien européen est sous utilisé ou mal utilisé et que l'on peut doubler l'efficacité de nos mouvements.

Je pense aussi qu'il faudrait réfléchir à la mise en place de réseaux d'aéroports en Europe et que les phénomènes de concentration peuvent nous y aider, si nous avons ce souci de travailler en collaboration et non pas seulement en concurrence.

M. Charles de COURSON : Je me permettrai de revenir sur ce que vous disiez tout à l'heure au sujet des conséquences sur notre problème de l'évolution des structures des compagnies aériennes et de leur réorganisation, surtout avec la quasi faillite d'une partie d'entre elles du fait des événements récents. Entre nous, cela ne peut que s'aggraver.

Hier, certains députés ont auditionné M. Jean-Cyril Spinetta qui a été, assez brutalement, "à la Spinetta", d'une très grande clarté. Il a dit en effet : "Nous ne pouvons optimiser notre gestion qu'à travers ces grandes alliances qui finiront peut-être un jour par des fusions, non pas par des alliances purement européennes mais en général transatlantiques".

Or sa thèse consiste à dire : "à grande compagnie, grand hub". En effet, si British Airways est en train de plonger et a perdu sa place de numéro 1 incontestée en Europe, c'est à cause du hub londonien.

M. Jean-Pierre BLAZY : En fait, il n'y a pas de hub londonien.

M. Charles de COURSON : Justement. C'est parce que les autorités britanniques n'ont pas été capables de les doter d'un hub digne de ce nom. C'est pourquoi British Airways s'est fait rattraper par Air France.

L'évolution économique, hélas, va dans le sens inverse des préoccupations de la délégation et c'est bien le problème. Quand on a parlé des plates-formes de province à M. Spinetta, il a dit : "vous rigolez ? Leur problème est d'être bien reliées au hub parisien et non pas de faire des lignes directes. Tous ceux qui s'y sont essayés, American Airlines et Delta Airlines, et ont arrêté ! Tout le monde s'est planté !" Sa thèse est donc de dire qu'il lui faut un hub le plus important possible.

J'avais envie de lui dire : "Monsieur Spinetta, heureusement que vous n'êtes pas ministre des transports !" Il faut être conscient que c'est un problème grave.

M. Pierre COHEN : J'aimerais revenir sur le premier débat, car je crois que le rôle de la délégation est de donner un avis. Nous pouvons au moins nous poser quelques questions. Comme c'est, à mon avis, un sujet à répétition, du fait du poids politique de la période, et comme il est possible que le dossier soit de nouveau examiné ultérieurement, je pense qu'il est bon d'aller au bout de toutes les portes qui ont été ouvertes à ce stade de la procédure.

Je suis sensibilisé sur le problème de Toulouse et des risques chimiques, et je considère que beaucoup trop d'élus enfourchent le cheval de l'éloignement du risque le jour où un problème grave surgit. Au préalable, il faut commencer à réduire tous les risques avant d'aboutir, selon la position de M. Jean-Pierre Blazy, à les éloigner. Dans un premier temps, en effet, quel que soit l'endroit où l'aéroport sera créé, la problématique de la nuisance et du risque restera posée.

Je pense donc que la réflexion relative aux moyens qui permettent de rendre supportable un aéroport est à mettre en préalable avant de commencer à parler simplement de l'éloignement.

Des questions se posent, comme le problème du niveau de saturation et d'acceptabilité pour les gens qui habitent à proximité d'une plate-forme. Il est vrai qu'a priori, un aéroport comme Roissy pouvait se permettre davantage de trafic mais que la décision d'un plafonnement oblige maintenant à parler d'un éventuel troisième aéroport.

Je suis convaincu que la notion de répartition sur plusieurs aéroports, Lyon étant le leader de ce concept, sur Toulouse, Nantes et Lille aurait permis aussi de passer à une phase nouvelle.

Pour ma part, il me semble donc qu'il faudrait, au préalable, évoquer les nuisances et les risques avant de parler d'éloignement.

Par ailleurs, la logique de l'aménagement du territoire et du développement concerté par rapport à une logique économique me semble une notion intéressante.

M. de ROBIEN, à la limite, ne pense qu'à l'endroit où on va décider d'implanter l'aéroport pour décider que ce projet n'est pas bon parce qu'il est contraire à l'intérêt local. Il est plus important de dessiner grosso modo la solution plutôt que de n'intervenir qu'au moment où on a l'impression que cela va nous tomber dessus.

Je reviendrai particulièrement sur le premier argument qu'il a donné en disant que c'est une mauvaise solution parce qu'il serait à 120 km,. Je suis convaincu que Roissy était déjà une mauvaise solution parce qu'il était près de Paris et que, si on met le troisième aéroport à 50 ou 60 km, la ville va le "rattraper".

L'histoire a montré que lorsque l'endroit choisi n'est pas urbanisé, mais qu'il n'est pas loin d'une ville, celle-ci progresse et trente ans plus tard on se retrouve avec des problèmes importants.

Je résume donc ma position en disant qu'il faut, premièrement, raisonner avec ce qui existe, évidemment, mais la réponse a été déjà donnée ; deuxièmement, prendre en compte l'ensemble des aéroports de province et même - pourquoi pas - les aéroports européens ; troisièmement, estimer que, si on doit vraiment avoir un troisième aéroport, cela doit être dans un endroit relativement éloigné de Paris. Je ne parle pas pour la Picardie, en l'occurrence, parce que je n'ai pas d'avis sur le site exact, mais il est clair que cela ne doit pas être à la porte de Paris, sans quoi nous serons confrontés ultérieurement au même problème qu'avec Roissy.

M. Jean-Pierre BLAZY : Je pense que la délégation de l'aménagement du territoire doit être sensible au concept de développement durable. Il faut donc considérer le problème à différents niveaux et à différentes échelles.

Au niveau mondial, on constate la mondialisation des échanges, l'accélération de la circulation des hommes et des marchandises et la libéralisation du transport aérien. Evidemment, on pourrait dire qu'il faut remettre tout cela en question. À partir du moment où on ne le dit pas, cette donne est incontournable et il faut sans doute, là aussi, imaginer de nouvelles régulations.

Ensuite, il faut tenir compte d'un espace national qui fait lui-même partie d'un espace plus large : l'espace européen. En France, on a le souci de penser en termes de développement durable et d'aménagement du territoire. Or nous sommes maintenant dans la situation suivante : en dépit de l'effet de conjoncture, nous aurons une croissance du transport aérien qui va se poursuivre. Toutes les études convergent, avec des chiffres qui peuvent être nuancés et différents, pour prévoir qu'il y aura une forte demande de transport aérien dans l'avenir.

A partir de là, il faut bien évidemment favoriser le développement des aéroports de province. D'ailleurs, j'observe que, malgré le développement des aéroports parisiens, surtout de Roissy, et du hub d'Air France à Roissy, leur croissance a fortement augmenté. Tous les chiffres le montrent.

Cette croissance pourra donc se poursuivre et il n'y a pas de contradiction entre la croissance des aéroports parisiens et celle des aéroports de province.

Ensuite, il faut favoriser le développement du TGV et, là aussi, on voit bien que le TGV n'est qu'une alternative partielle au transport aérien, puisqu'on sait bien qu'au-delà de deux heures, et surtout de trois heures (on va pouvoir le vérifier avec Paris-Marseille), le TGV n'est plus concurrentiel par rapport à l'avion. Cependant, le TGV a gagné certaines parts de marché sur l'avion et c'est positif.

Dans le cadre des schémas de services collectifs, il est donc prévu le développement de Lyon Saint-Exupéry et la création d'un nouvel aéroport dans le grand ouest : celui de Notre Dame-des-Landes à Nantes.

En même temps, on sait que les experts peuvent se tromper (on a vu tout à l'heure qu'ils se sont trompés dans un passé tout récent), mais on sait quand même que Lyon ne peut pas être le troisième aéroport parisien. Sauf à remettre en question la mondialisation et la libéralisation des échanges, on voit bien que Paris restera la seule et unique porte d'entrée du trafic intercontinental en Europe et que, en revanche, les aéroports de province pourront être des hubs secondaires (Lyon est déjà un hub secondaire pour Air France) et pourront donc se développer pour les liaisons inter-européennes et même internationales, mais certainement pas pour le trafic intercontinental. L'échec d'Air France et Delta Airlines sur la ligne Lyon/New-York (échec que, personnellement, je n'aurais pas souhaité) le montre à l'évidence.

A partir de là, il faut accueillir, d'ici 2015 à 2020, plusieurs dizaines de millions de passagers supplémentaires en Ile-de-France, le dernier chiffre cité faisant état de 30 millions.

Sur ce point, je voudrais répondre à M. Pierre Cohen. En effet, je ne dis pas qu'il faut éloigner les risques : nous garderons Roissy et Orly. Le troisième aéroport n'est pas la fin de Roissy. D'ailleurs, le troisième aéroport devra fonctionner en système avec les aéroports parisiens. Il s'agit bien du troisième aéroport parisien, mais d'un aéroport du XXIème siècle, éloigné de la ville, c'est-à-dire de Paris, bien évidemment, mais relié de façon performante à celle-ci.

Il ne s'agit pas de vouloir éloigner les risques et de ne pas les avoir puisque nous les avons. Alors qu'aujourd'hui, Concorde reprend ses vols, en tant que maire de Gonesse, je sais ce que sont les risques, sachant qu'au-delà de Concorde, les risques sont les avions avec le trafic de jour et le trafic de nuit, qui s'est beaucoup développé. C'est un risque quotidien avec lequel nous vivons.

Il ne s'agit donc pas d'éloigner les risques mais de les maîtriser. Pour moi, la conception du développement durable, ce n'est pas le développement non maîtrisé. Il y a des limites, et comme personne ici ne remet en question le transport aérien et l'avion, la réponse à la question doit se faire en termes d'offre aéroportuaire. C'est toute la politique qu'il faut concevoir dans le cadre d'une conception équilibrée de l'aménagement du territoire et du développement durable.

M. le Président : La question que je poserai serait éventuellement celle qui a été évoquée par notre collègue M. Charles de Courson. Est-ce que, afin de limiter les nuisances et améliorer de la qualité environnementale de Roissy, le transfert du fret, notamment du fret des intégrateurs, peut apparaître comme l'une des solutions satisfaisantes ou, en tout cas, comme l'une des solutions favorables à l'environnement des zones riveraines de Roissy ?

M. Jean-Pierre BLAZY : Incontestablement oui. De toute manière, à partir du moment où le gouvernement aura fait son choix, où nous aurons un calendrier prévisionnel clairement établi, où ce ne sera pas un leurre, comme l'a été Beauvilliers, et où il existe un engagement clair de limiter Roissy à 55 millions de passagers, il faut gérer une période transitoire entre aujourd'hui et la mise en service du nouvel aéroport et prendre des décisions dès maintenant, notamment en ce qui concerne le fret, y compris l'Aéropostale, la nuit.

A cet égard, Vatry existe ; c'est un site qui peut et qui doit jouer un rôle. Je pense donc qu'il faut dès maintenant inciter très fortement les compagnies à aller à Vatry. Vatry pourrait être concerné par le fret mais aussi - je lance l'idée - par le charter, puisque les charters volent la nuit. Arrêtons de dire qu'il n'y a que le fret la nuit. Il y a le fret, évidemment, mais il faut savoir qu'actuellement, le trafic de Fedex n'est qu'en début de nuit.

Par conséquent, pour l'avenir, il faut prendre une décision claire sur la délocalisation de Fedex. Ce ne sera pas une décision simple mais elle sera courageuse. On peut aussi délocaliser le charter, car on sait bien que les passagers des charters acceptent (on le voit bien avec la liaison de point à point entre Beauvais et l'Angleterre) de faire quelques dizaines de kilomètres pour se rendre à l'aéroport.

On doit pouvoir le faire et il faut donc prendre des mesures fortement incitatives, voire contraignantes, pour cela.

M. Charles de COURSON : Je voudrais revenir sur les questions qui ont été évoquées par notre collègue M. Pierre Cohen, qui est parti de l'idée, qui est exacte jusqu'à présent, qu'à chaque fois que l'on crée une infrastructure aéroportuaire, l'urbanisation gagne autour de celle-ci. Seulement, il faut savoir qu'il en est ainsi du fait d'une totale défaillance en termes d'aménagement du territoire, parce qu'il n'y avait pas de grand schéma directeur d'aménagement et d'urbanisme (SDAU) gelant complètement les terrains concernés.

M. Pierre COHEN : Tant que l'on aura un schéma de cohérence territoriale (SCOT), cela ne se fera pas.

M. le Président : L'État peut intervenir, quand même.

M. Charles de COURSON : Tout à fait. Je veux dire par là que ce n'est pas du tout inévitable.

Pour prendre l'exemple de Vatry, il faut savoir qu'à Vatry, trois communes ont fait un SDAU sur cinq ans dans lequel elles ont complètement interdit toute construction autour de la plate-forme aéroportuaire. Naturellement, il est beaucoup plus facile de le faire quand vous êtes dans une zone rurale de très faible densité plutôt que lorsque vous êtes déjà dans des sites urbanisés.

En fait, si un outil existe maintenant juridiquement (qui est ce que nous avons fait volontairement à Vatry) le droit français reste défaillant. En effet, le droit français est un droit du sol et non pas un droit du survol. Autrement dit, nous n'avons pas, dans les plans d'urbanisme, de contraintes liées au survol aérien et il faudrait donc compléter le droit de l'urbanisme.

M. Pierre COHEN : Et le plan d'exposition au bruit (PEB) ?

M. Charles de COURSON : Le PEB ne concerne que la plate-forme et non pas le couloir aérien. M. Jean-Pierre Blazy vous dira que Montmorency n'est pas concernée par le PEB et que c'est bien le problème, parce que les nuisances sont tout aussi importantes sur les zones survolées et dans les zones d'approche qu'à proximité.

Il faudrait donc aller plus loin dans la protection environnementale en prenant une disposition législative pour l'étendre aux couloirs d'approche.

M. Jean-Pierre BALLIGAND : Je suis assez d'accord avec ce qui vient d'être dit. Simplement, il faut être clair sur plusieurs points.

Je commencerai par la localisation du troisième aéroport. On peut y introduire une notion d'aménagement du territoire, mais on ne fait pas l'aménagement du territoire contre un outil industriel. Nous avons connu cela autrefois : on impose des décisions et on installe des unités de production à tel ou tel endroit. On voit combien de temps cela dure quand on décrète ce genre de chose.

Prenons les problèmes dans l'ordre.

Premièrement, on constate un accroissement du trafic, et ce ne sont pas les événements du 11 septembre qui vont changer les choses. Faire des extrapolations à partir du ralentissement n'est pas sérieux. Cela peut durer six mois, un an ou même plus, mais ce n'est pas la tendance à long terme. Aujourd'hui, on est bien obligé de regarder les courbes d'accroissement. Ce n'est pas la réduction du temps de travail à 35 heures qui va changer cette tendance. C'est exactement l'inverse.

On peut être contre la déréglementation mais la déréglementation aboutit aussi à la baisse des tarifs. Je pense donc que le politique ne va rien décréter ; il est obligé d'en prendre acte. Les faits sont là. C'est la première donnée forte.

La deuxième donnée à laquelle je tiens tout particulièrement en tant que membre de la commission des finances, c'est que nous avons la chance d'avoir une entreprise et qu'il faut bien en tenir compte. Il s'agit d'une entreprise qui fonctionne assez bien aujourd'hui, qui a été remise sur pied, qui a été recapitalisée, qui s'appelle Air France et qui a créé un outil industriel. Le hub est en effet un outil industriel et il est incontournable.

Il faut donc que les solutions que l'on va essayer de prôner soient compatibles et articulables avec le hub. C'est la raison pour laquelle cela induit des localisations assez précises. Il est clair que les localisations ne peuvent être, dans cette logique, qu'en bonne articulation.

On a vu qu'articuler Roissy avec Orly n'était pas une grande réussite, même si on peut raconter tout ce qu'on veut. Cela ne fonctionne pas pour l'outil industriel. Certains avaient peut-être tablé sur le fait qu'Air France serait en déconfiture. En fait, Air France va être l'une des trois compagnies internationales de navigation aérienne qui va survivre.

M. Charles de COURSON : En Europe.

M. Jean-Pierre BALLIGAND : Oui, en Europe, mais on pourra quand même parler aussi des États-Unis.

Je pense donc qu'il faut arrêter d'opposer les problématiques d'aménagement à des outils industriels quand on a eu assez de mal à en faire des entreprises intéressantes.

Par conséquent, il faut une localisation soit au nord-est, soit au nord, même si, bien entendu, on n'est pas obligé de suivre aveuglément Air France ou la DGAC.

Je ne rentrerai pas dans la discussion sur le fait de savoir s'il faut agrandir Roissy ou diminuer les nuisances. Tout le monde est d'accord, d'autant plus que, de toute façon, l'agrandissement de Roissy est en cours et M. Jean-Pierre Blazy est bien placé pour le savoir. De même, les quatre grands aéroports de province vont monter en puissance, c'est acquis. Par conséquent, il faut tenir compte du temps qu'il faudra pour faire le troisième aéroport.

Il y a aussi Vatry. Face à ce pari un peu aventureux de la part du Conseil général de consacrer Vatry au fret, il faut faire en sorte que le fret puisse s'y développer. Des efforts doivent être faits , comme cela a été dit tout à l'heure par le président de la délégation, mais de là à dire que ce sera le troisième aéroport, ce n'est pas vrai non plus.

M. Charles de COURSON : Ce n'est pas possible, de toute façon.

M. Jean-Pierre BALLIGAND : Il faut donc trouver des solutions qui soient, encore une fois, au nord-est, c'est-à-dire près de Reims, ou au nord, c'est-à-dire dans la Somme.

Ensuite, il faut essayer d'aller jusqu'au bout de la logique. On peut essayer de limiter les impacts. La tendance lourde dont parlait M. Pierre Cohen tout à l'heure existe, c'est-à-dire que la ville a tendance à se construire autour d'un aéroport. Ce mouvement est naturel, contrairement à ce que disent les opposants à tout aéroport. Nous en avons eu un exemple avec Roissy.

Je suis du département de l'Aisne et originaire d'une famille d'agriculteurs et je peux dire que nous connaissons bien Roissy. Quand nous étions enfants, Roissy était une plaine à céréales.

M. Jean-Pierre BLAZY : Une plaine à céréales riche, comme M. de Robien l'a dit tout à l'heure.

M. Jean-Pierre BALLIGAND : Or que s'est-il passé avant le transfert aux collectivités locales du plan d'occupation des sols (parce qu'on accuse toujours les maires) ? L'État délivrait les permis de construire. Il en est de même avec la décentralisation, parce qu'on n'arrive pas à maîtriser les évolutions.

Cela dit, on peut prévoir des zones non edificandi, à condition, comme le disait M. Charles de Courson, d'élargir un certain nombre de critères. Il faut probablement faire évoluer nos textes législatifs en la matière.

On pourra trouver des solutions pour le fret en interdisant toute construction, mais on sait bien que ce sera plus compliqué pour le transport de passagers, qui nécessite de l'hôtellerie et des services à la population. Arrêtons donc de dire n'importe quoi. Il faut un vrai projet.

Je voudrais conclure sur un problème d'aménagement du territoire.

Quitte à choquer, je dirai que le développement n'est pas patent du tout dans certaines zones du grand bassin parisien. On le constate quand il n'y a pas de croissance démographique et quand les taux de chômage sont moyens ou encore assez élevés après la période de croissance que nous avons connue. Il faut donc regarder tout cela parce que, dans le grand bassin parisien, il existe des poches de stagnation de développement qui font qu'un aéroport international est un élément non négligeable.

M. le Président : Cela représente 30 000 emplois.

M. Jean-Pierre BALLIGAND : La région rémoise et la Somme ont des taux de chômage assez élevés. Il faut être sérieux. Je ne suis pas là pour "vendre" l'Aisne, qui ne veut pas de l'aéroport, sauf moi, mais, il faut que l'on garde à l'esprit cette problématique.

Enfin, je dirai en conclusion au président que, à propos de l'aménagement du territoire, la question de l'articulation avec des flux venant du nord est importante.

Pour être clair, la localisation au nord ou au nord-est de Roissy, compatible obligatoirement avec le hub, doit aussi être considérée - ce n'est pas suffisamment le cas - au niveau européen. La Commission européenne dit qu'il faut bien considérer l'outil industriel que l'on peut mettre en place, parce que la saturation de la Belgique et des Pays-Bas fait qu'entre Paris et Bruxelles il y a peut-être des projets à réaliser qui seraient intéressants en termes de rentabilité et pour renforcer un outil industriel.

M. le Président : Ce serait un élargissement de la banane bleue.

M. Charles de COURSON : Nous sommes entre l'agglomération parisienne et la banane bleue.

M. Jean-Pierre BLAZY : En marge de la banane bleue.

M. le Président : Il s'agit de rentrer au milieu d'un système polycentrique.

M. Jean-Pierre BLAZY : J'ai une dernière chose à dire. Il ne faut pas reproduire les erreurs du passé. La tendance naturelle à ce que l'urbanisation rejoigne l'aéroport, que chacun a observée, a été une erreur et il faut donc planifier les choses de façon rigoureuse. En effet, comme un aéroport crée des emplois, il faut en même temps prévoir des logements, mais il ne faut pas les situer dans l'axe des pistes, contrairement à ce qu'on a fait à Paris, ce qui a été une erreur majeure.

Il faut donc un plan d'exposition au bruit suffisamment large, bien conçu et concerté avec les collectivités locales concernées, bien évidemment, dans le cadre des schémas de cohérence territoriale et des schémas d'aménagement. Cela me paraît vraiment un impératif.

Aujourd'hui encore, dans ma ville, comme aucun élargissement du PEB n'est prévu, je peux continuer à construire et signer des permis en toute légalité !

Je vais vous donner une idée des contradictions auxquelles nous sommes soumis. Je suis maire depuis 1995 et j'ai hérité d'une ZAC lancée par mon prédécesseur à laquelle j'ai décidé de mettre un terme alors que je peux signer les permis, ce qui entraîne un déficit prévisionnel de 8 millions de francs. Cela fait trois ans que j'interpelle le ministère et, évidemment, il n'existe aucune disposition pour me venir en aide. Par conséquent, pour ne pas exposer de nouvelles populations au bruit, vais-je devoir payer aux riverains actuels, ceux qui subissent les nuisances, le déficit d'une opération de ZAC ?

Il faut que l'on nous aide à sortir de ces contradictions. Il faut donc une planification rigoureuse, au niveau local, que ce soit pour les aéroports existants, à propos des erreurs qui ont été commises ou pour l'avenir.

M. Jean-Pierre BALLIGAND : Quelle conclusion, monsieur le Président !

M. le Président : Cela m'épargne une conclusion, en effet.

Je remercie d'abord M. Jean-Pierre Blazy de sa contribution et je vous remercie tous de vos interventions multiples. La semaine prochaine, nous allons auditionner la Commission européenne, qui sera représentée par le Directeur du transport aérien. Si vous êtes disponibles, je vous invite à nous rejoindre.


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