ASSEMBLÉE NATIONALE


DÉLÉGATION
À L'AMÉNAGEMENT ET AU DÉVELOPPEMENT
DURABLE DU TERRITOIRE

COMPTE RENDU N°5

Mercredi 21 novembre 2001
(Séance de 9 heures 30)

Présidence de M. Philippe Duron, président

SOMMAIRE

 

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- Examen du rapport de M. Philippe DURON sur la création d'un nouvel aéroport à vocation internationale

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La délégation à l'aménagement et au développement durable du territoire a examiné le rapport de M. Philippe Duron, président, sur la création d'un nouvel aéroport à vocation internationale

M. Philippe Duron, président, a rappelé que la décision du gouvernement de créer un nouvel aéroport international était fondée sur la croissance attendue du transport aérien, les schémas multimodaux de services collectifs de transport retenant une croissance de trafic de 3,4 % par an. Le Livre blanc de la Commission européenne sur la politique des transports à l'horizon 2010 estime, pour sa part, que "l'Europe ne pourra pas faire l'économie de nouvelles infrastructures aéroportuaires". Une incertitude demeure toutefois après les attentats du 11 septembre 2001 aux États-Unis quant à leur impact à terme sur le trafic aérien.

Le transport aérien est un secteur en pleine évolution, si bien que plusieurs défis doivent être relevés, dont il faudra tenir compte au cours des prochaines années. Les capacités aéroportuaires ne sont pas optimisées, les riverains acceptant de plus en plus mal les nuisances générées par un aéroport : c'est pourquoi le gouvernement a été amené à plafonner en 1997 l'activité de Roissy à 55 millions de passagers par an, celle d'Orly étant déjà limitée à 250 000 mouvement annuels. D'autres pays sont confrontés aux mêmes difficultés : à la suite d'un accord entre la Suisse et l'Allemagne, le nombre de mouvements annuels de l'aéroport de Zurich a été ramené de 150 000 à 100 000. Pour la plupart des aéroports, la limite n'est plus seulement technique, mais environnementale. C'est ainsi que le Livre blanc estime indispensable de "réconcilier la croissance du transport aérien avec l'environnement". Il est de plus en plus nécessaire de prendre en compte les indicateurs du développement durable.

Parallèlement, le paysage du transport aérien européen se recompose. La Commission prévoit d'autoriser les compagnies européennes à fusionner et de revoir le cadre des relations internationales. Actuellement, l'exercice des droits de trafic aérien est réglé par accords bilatéraux entre des États membres de l'Union européenne et les États-Unis. La Commission souhaite désormais "communautariser" la nationalité des compagnies aériennes européennes dans les rapports avec les pays tiers : ce serait l'Union européenne qui négocierait les conditions d'accès aux plates-formes aéroportuaires. Elle envisage en outre la recomposition du ciel européen, afin de remédier à son morcellement : une réflexion est en cours pour faciliter des liaisons plus directes.

M. Philippe Duron, président, a ensuite présenté quelques propositions. Il a estimé indispensable de reconquérir la confiance de la population, l'amélioration de la situation des riverains de Roissy et d'Orly ne pouvant attendre la construction du nouvel aéroport. Il est, en premier lieu, nécessaire de limiter les vols de nuit, particulièrement mal tolérés, et par conséquent, de regrouper une partie du fret sur des plates-formes situées dans des zones faiblement peuplées, Vatry, par exemple, conçu pour le fret. Il a également mis l'accent sur la nécessité d'augmenter la taille des avions et l'emport moyen pour limiter le nombre de mouvements ; la mise en place des hubs a en effet entraîné une réduction de la taille moyenne des avions, les compagnies aériennes privilégiant la fréquence des vols, plutôt qu'une desserte limitée avec de gros porteurs, ce qui favorise la congestion. Cette situation et les nuisances qu'elle entraîne imposent une réflexion approfondie. Les avions les plus bruyants doivent être retirés de la circulation, et la réglementation relative au bruit complétée, de même que celle portant sur les règles de constructibilité : il conviendra, dans ce domaine, de ne pas renouveler les erreurs du passé en empêchant le développement de l'urbanisation dans la zone de l'aéroport grâce à des périmètres de protection autour de la plate-forme et à la prise en compte des couloirs aériens.

M. Philippe Duron, président, a ensuite mis l'accent sur la nécessité de valoriser les aéroports régionaux. Ceux-ci manquent actuellement de communications internationales suffisantes et souffrent d'une clientèle trop peu importante. Une stratégie volontariste doit donc être développée pour laquelle le gouvernement a d'ailleurs prévu une enveloppe de cinq milliards de francs de prêts sur trente ans.

Il convient enfin de stimuler le développement du réseau ferroviaire en encourageant soit la substitution du train à l'avion quand la distance le permet, soit l'intermodalité et la complémentarité des deux modes de transport.

Il a enfin précisé que la réflexion de l'internalisation des coûts externes du transport aérien devait être poursuivie. Une directive européenne prévue à l'horizon 2003 vise à internaliser les coûts externes liés à l'environnement, le kérosène ne supportant actuellement aucune taxation, conformément aux accords internationaux. Le coût des dessertes terrestres devrait également pris en compte.

M. Serge Poignant s'est demandé si le choix du site de Chaulnes, situé à 130 kms de Paris était pertinent et a déploré l'absence de réflexion complète sur les différentes hypothèses possibles.

M. Philippe Duron, président, a rappelé que l'Europe avait besoin d'aéroports internationaux complémentaires, dans les années à venir, que dans tous les pays concernés leur installation était délicate, que tous les choix possibles en France étaient contestés. Il a estimé que, du fait de la saturation des plates-formes belges et néerlandaises, le choix du nord de la France pouvait s'expliquer par le souci de capter vers Paris certains trafics. Il a également indiqué que, du fait de la recomposition du transport aérien européen en cours, des sites à l'est seraient peut-être plus pertinents ultérieurement, alors qu'actuellement, le ciel, dans cette zone, était encombré par les vols militaires, mais que cette réflexion n'était qu'amorcée.

Il a ensuite souligné l'importance de l'impératif d'aménagement du territoire, rappelant que la loi d'orientation pour l'aménagement et le développement durable du territoire (LOADDT) du 25 juin 1999 prévoyait "le renforcement de pôles de développement à vocation européenne et internationale, susceptibles d'offrir des alternatives à la région parisienne". Pour y parvenir, les villes concernées doivent bénéficier de liaisons adaptées, non seulement avec Paris, mais aussi avec d'autres villes européennes, dans le cadre du polycentrisme maillé prôné aussi bien par la DATAR que par le schéma de développement de l'espace communautaire.

Mme Marie-Françoise Pérol-Dumont a estimé important que la délégation énonce des propositions et les a jugées positives.

M. Serge Poignant a déclaré qu'il ne partageait pas le choix du gouvernement, ce qui le conduisait à s'abstenir à propos du projet du rapport, mais qu'il était favorable à la valorisation des aéroports régionaux et a demandé si le kérosène était taxé dans certains pays.

M. Philippe Duron, président, a répondu que seuls les États-Unis et la Suède avaient instauré une taxe très faible sur ce carburant, et qu'il convenait de poursuivre la réflexion à ce sujet, le transport aérien devant contribuer à la lutte contre l'effet de serre.

La Délégation à l'aménagement et au développement durable du territoire a autorisé, en application de l'article 7 de son règlement intérieur, la publication du rapport sur la création d'un nouvel aéroport à vocation internationale.


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