ASSEMBLÉE NATIONALE


DÉLÉGATION

AUX DROITS DES FEMMES

ET À L'ÉGALITÉ DES CHANCES

ENTRE LES HOMMES ET LES FEMMES

COMPTE RENDU N° 27

Mardi 12 décembre 2000


(Séance de 18 heures 30)

Présidence de Mme Martine Lignières-Cassou, présidente

SOMMAIRE

 

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- Examen du rapport annuel d'activité de la Délégation présenté par Mme Martine Lignières-Cassou

- Examen du rapport de Mme Hélène Mignon sur le projet de loi (n° 2415) de modernisation sociale

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La Délégation aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes a examiné son rapport d'activité pour l'année 2000 présenté par Mme Martine Lignières-Cassou.

Mme Martine Lignières-Cassou, présidente, a observé que ce rapport ne constituait pas le bilan complet de l'activité de la Délégation et qu'il convenait de se référer aux différents rapports d'information sur les projets et propositions de loi dont elle avait été saisie au cours de l'année pour avoir une vue exhaustive de son activité législative.

Le présent rapport d'information a été conçu comme une analyse de l'impact du travail de la Délégation et s'est attaché à montrer, pour chacun des thèmes qu'elle a approfondis, dans quelle mesure les recommandations de la Délégation ont été prises en compte au cours de la discussion législative.

Mme Martine Lignières-Cassou a relevé que de nombreuses recommandations avaient trouvé une expression législative dans les travaux des commissions, puis en séance publique, et souligné l'impact privilégié des recommandations de la Délégation en matière d'IVG et de contraception puisqu'elle-même, ayant été désignée rapporteure par la commission des affaires culturelles, familiales et sociales, avait pu faire adopter des amendements traduisant l'ensemble des préoccupations exprimées par la Délégation.

Elle s'est félicitée que le rôle de la Délégation ait été reconnu par les commissions permanentes et elle a salué le partenariat harmonieux qui s'est établi avec la commission des affaires culturelles, familiales et sociales et son président M. Jean Le Garrec.

Elle a indiqué que le rapport d'activité annuel comprendrait également les comptes rendus de trois auditions de la Délégation qui n'avaient pu trouver place dans des rapports d'information.

Elle a ensuite évoqué l'activité internationale de la Délégation, sa participation à la session extraordinaire de l'Assemblée générale des Nations Unies (Pékin + 5) au mois de juin 2000 et la Conférence des commissions parlementaires de l'égalité des chances entre les femmes et les hommes des pays de l'Union européenne et du Parlement européen qui s'est tenue à Berlin les 17 et 18 novembre 2000. Mme Catherine Picard ayant été la représentante de la Délégation à cette Conférence, elle lui a demandé d'en présenter un bref compte rendu.

Mme Catherine Picard a d'abord évoqué la réunion préparatoire du 10 septembre 2000 qui réunissait les présidents de commissions ou leurs représentants et à laquelle elle avait participé en tant que représentante de Mme Martine Lignières-Cassou. Au cours de cette réunion, ont été discutés les thèmes susceptibles d'être abordés à la prochaine Conférence en 2001, notamment les violences faites aux femmes et la prostitution. Mais le débat a surtout porté sur le problème de la présidence de la prochaine Conférence, sur le financement de son organisation et sur la création ou non d'un bureau permanent pour cette Conférence.

Tous ces thèmes ont été à nouveau évoqués à la Conférence des 17 et 18 novembre à Berlin, à laquelle elle-même et Mme Maryse Bergé-Lavigne, sénatrice, ont représenté les Délégations de l'Assemblée nationale et du Sénat. Mais les débats ont d'abord porté sur le thème retenu pour la Conférence - l'orientation professionnelle des jeunes filles - sujet développé par trois experts, malheureusement sans propositions véritablement novatrices et sans qu'à son avis soit ménagé un temps suffisant pour l'expression des parlementaires nationaux.

La Conférence s'est ensuite poursuivie au siège de l'entreprise Deutsche Telekom, entreprise modèle en matière de droits des femmes, et un débat s'est instauré avec, notamment, le secrétaire d'Etat allemand à l'industrie. Relevant le caractère trop technique de ce débat, Mme Catherine Picard a indiqué qu'elle avait alors pris la parole pour rappeler, de manière plus politique, les différentes actions menées par le Gouvernement de M. Lionel Jospin en faveur des femmes.

Le sujet le plus épineux de la Conférence - celui de savoir quel serait le pays qui présiderait et organiserait la Conférence en 2001 - n'a pas trouvé sa solution au terme de celle-ci, la Suède, pourtant présente, n'ayant pas fait connaître sa position définitive.

L'établissement d'un groupe de travail qui devrait réfléchir à l'opportunité de la création et aux modalités de fonctionnement d'un bureau permanent de la Conférence a été décidé, mais le souhait de la Délégation française de figurer dans ce groupe de travail n'a finalement pas été retenu.

Mme Martine Lignières-Cassou, présidente, a ensuite souhaité procéder avec les membres de la Délégation à un échange de vues sur les travaux futurs de la Délégation et sur le thème d'étude qui pourrait être retenu pour l'année 2001.

Mme Danielle Bousquet a indiqué qu'elle avait d'abord pensé au thème de la précarité des femmes, car ce sont elles qui affrontent le plus souvent cette situation, mais qu'elle l'avait ensuite écartée parce que le projet de loi de modernisation sociale traitait du problème de la précarité dans le travail.

Elle a donc proposé un autre thème d'étude, celui de la place des femmes de plus de soixante ans, après leur sortie du marché du travail, ce thème pouvant recouvrir des sujets très divers comme les retraites, les pensions de réversion ou la santé.

Mme Martine Lignières-Cassou, présidente, a fait observer que, bien que la lutte contre la précarité de l'emploi figure dans le projet de loi de modernisation sociale, il ne lui semblait pas possible de rejeter d'emblée un tel thème qui couvrait un secteur extrêmement vaste et important. Il lui a semblé que le thème des retraites et des pensions de réversion devrait plutôt être retenu pour l'année 2002.

Elle a évoqué les thèmes législatifs sur lesquels la Délégation devrait certainement travailler au cours de l'année 2001, notamment certains aspects du droit de la famille ainsi que la révision des lois bioéthiques qui devrait intervenir au printemps 2001.

Elle a souligné qu'il conviendrait également de travailler sur d'autres domaines concernant la santé des femmes, notamment la prévention des cancers du sein et l'ostéoporose.

Mme Yvette Roudy a estimé indispensable que la Délégation fasse connaître son opinion sur la réforme des lois bioéthiques.

Appartenant à la mission d'information commune préparatoire au projet de loi de révision des "lois bioéthiques" de juillet 1994, elle a insisté sur la nécessité d'approfondir la réflexion sur leur incidence sur la santé des femmes. Elle a observé en effet que tous les traitements par fécondation in vitro ou par clonage thérapeutique ont des effets en termes de santé publique et peuvent engendrer des risques de commerce du corps des femmes (trafic d'ovocytes, notamment).

Elle a exprimé des doutes sur le respect de la date prévue pour l'examen de ce texte à l'Assemblée nationale - avril 2001 - tout en soulignant son caractère d'urgence et le retard pris par rapport à d'autres pays européens.

Elle s'est demandée s'il ne conviendrait pas de saisir le président de l'Assemblée nationale du souhait de la Délégation de s'exprimer sur cette question. Elle a évoqué l'idée d'organiser un colloque à l'Assemblée nationale sur ce thème.

Enfin, trouvant extrêmement choquante l'image de la femme que véhiculent certaines publicités actuelles, elle a estimé qu'il y avait lieu de réfléchir à l'élaboration d'une proposition de loi anti-sexiste.

Mmes Hélène Mignon et Marie-Thérèse Boisseau ont partagé le sentiment de Mme Yvette Roudy sur la nécessité d'une réflexion propre de la Délégation sur le sujet de la bioéthique.

Mme Marie-Thérèse Boisseau a également souligné l'importance du thème "femmes et précarité", relevant que les femmes constituent la majorité des chômeurs et qu'il faut parvenir à les réintégrer dans la sphère économique et culturelle.

Après avoir rappelé son souhait d'organiser un colloque sur le thème "femmes du Nord, femmes du Sud", Mme Martine Lignières-Cassou, présidente, a remercié les membres de la Délégation de leurs propositions et indiqué que le thème d'étude annuel de la Délégation serait décidé lors de la prochaine réunion de celle-ci.

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La Délégation a ensuite examiné le rapport de Mme Hélène Mignon, sur le projet de loi (n° 2415) de modernisation sociale.

Mme Hélène Mignon, rapporteure, a rappelé que la Délégation avait été saisie par la commission des affaires culturelles, familiales et sociales du projet de loi de modernisation sociale déposé en mai dernier. Les dispositions du projet de loi concernant le travail de nuit ayant déjà fait l'objet d'un rapport d'information présenté par Mme Nicole Bricq, dans le cadre de la deuxième lecture de la proposition de loi sur l'égalité professionnelle entre les femmes et les hommes, restaient à examiner les dispositions sur la validation des acquis de l'expérience professionnelle. Celle-ci concerne les femmes et les hommes, mais davantage les femmes en raison de leurs difficultés d'accès à la formation professionnelle. Elles ont en effet actuellement deux fois moins accès que les hommes à une action de formation tout au long de leur vie.

Mme Hélène Mignon s'est dite sensibilisée à cette question par des témoignages de femmes dans sa circonscription, qui, licenciées après dix ou quinze ans d'une expérience professionnelle de secrétariat, ne peuvent retrouver un travail, l'employeur exigeant une formation de niveau BTS.

Ayant reçu les organisations syndicales et patronales, Mme Hélène Mignon a pu faire état de l'approbation par les partenaires sociaux de l'ensemble des dispositions qui reconnaissent à toute personne engagée dans la vie active le droit à faire valider les acquis de son expérience par l'acquisition d'un diplôme ou d'un titre à finalité professionnelle. Cette expérience - d'une durée d'au moins trois ans - pourra être d'ordre professionnel, mais aussi tenir compte d'une expérience bénévole et dans la vie associative. Il convient de noter cependant que les acquis de l'expérience professionnelle ne revêtent pas la même signification pour les syndicats et pour le patronat, ce dernier faisant appel davantage à la notion de compétences, dans une nouvelle logique d'organisation du travail imposée par la mondialisation.

Mme Hélène Mignon a souligné la complexité des démarches à accomplir et du dossier à constituer. Aussi, un soutien et un accompagnement, qui pourraient être organisés par les comités régionaux et départementaux de la formation professionnelle, devront être apportés aux candidats à la validation. Ces derniers devraient pouvoir bénéficier d'un congé, souhaité par les syndicats, analogue au congé de bilan de compétences. Pour les salariés à temps partiel, principalement des femmes, le problème est de savoir si ce congé, comme d'ailleurs les temps de formation, devrait être pris ou non sur le temps de travail.

Mme Hélène Mignon a également fait observer que les contenus de l'expérience du travail social, en association ou à domicile, seront difficiles à définir par l'Etat, en particulier par le ministère de la jeunesse et des sports.

Elle a ensuite présenté ses propositions de recommandations.

Mme Martine Lignières-Cassou, présidente, a estimé qu'en cas de validation partielle, lorsqu'un contrôle complémentaire paraît nécessaire au jury, le candidat à la validation devrait être prioritaire pour bénéficier d'une formation, que ce soit dans le cadre du plan de formation de l'entreprise ou au titre du congé individuel de formation.

La Délégation a ensuite adopté les recommandations proposées par la rapporteure et modifiées pour tenir compte de cette dernière observation.

RECOMMANDATIONS ADOPTÉES
PAR LA DÉLÉGATION

1. Le droit de toute personne engagée dans la vie active de faire reconnaître son expérience en vue de l'acquisition d'un diplôme ou d'un titre à finalité professionnelle doit s'accompagner de l'ouverture d'un droit à un congé reconnu dans le code du travail et pris en charge.

2. L'entreprise devra favoriser les actions d'information et de sensibilisation à la nouvelle procédure de validation des acquis de l'expérience professionnelle, notamment par les comités d'entreprises dans le cadre de leurs actions sociales et culturelles. Les candidats à la validation des acquis de l'expérience professionnelle devront bénéficier d'un soutien et d'un accompagnement.

3. Les salariés à temps partiel devront bénéficier, au même titre que les salariés à temps plein, de l'accès à la validation des acquis de l'expérience professionnelle.

4. En cas de validation partielle, le candidat à la validation des acquis de l'expérience doit être prioritaire dans l'accès à la formation.

5. Les ministères valideurs devront s'efforcer de définir les contenus et référentiels des activités sociales ou bénévoles à prendre en compte pour la validation des acquis de l'expérience et les diplômes ou titres correspondants ; une représentation de ces activités dans les instances consultatives chargées de donner un avis à la création des titres et des diplômes à finalité professionnelle par l'Etat devra être organisée.

6. Le décret en Conseil d'Etat précisant la constitution des jurys devra veiller à une représentation équilibrée entre les femmes et les hommes dans ces jurys, particulièrement lorsque la validation concerne un secteur d'activité où les femmes sont majoritaires.

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