ASSEMBLÉE NATIONALE


DÉLÉGATION

AUX DROITS DES FEMMES

ET À L'ÉGALITÉ DES CHANCES

ENTRE LES HOMMES ET LES FEMMES

COMPTE RENDU N° 4

Mardi 6 novembre 2001

(17 heures)

Présidence de Mme Martine Lignières-Cassou, présidente

SOMMAIRE

 

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Auditions sur le suivi de l'application des lois relatives à l'IVG et à la contraception :

- M. André Lienhart, président de la Société française d'anesthésie et de réanimation (S.F.A.R.)

- Mme Janine Mossuz-Lavau, directrice de recherche au Centre d'etude de la vie politique (CEVIPOF) .

- Mme Marie-France Casalis, conseillère technique auprès de la déléguée aux droits des femmes d'Ile-de-France, Mme Emmanuelle Piet, médecin de PMI et M. Jean-Claude Magnier, président de l'Association des centres d'orthogénie de l'AP-HP

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La Délégation aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes a entendu M. André Lienhart, président de la Société française d'anesthésie et de réanimation (S.F.A.R.)

Mme Martine Lignières-Cassou, présidente : La Délégation aux droits des femmes a été chargée par la commission des affaires sociales du suivi de l'application de la loi relative à l'IVG et à la contraception. C'est à ce titre que nous avons le plaisir d'accueillir aujourd'hui M. André Lienhart, président de la Société française d'anesthésie et de réanimation, chargée d'établir à l'intention des 8 500 anesthésistes de France un code de bonnes pratiques professionnelles.

Il nous a semblé indispensable, Monsieur le président, de recueillir votre point de vue sur l'application de la loi relative à l'IVG et à la contraception, dans la mesure où les médecins anesthésistes, avec l'allongement des délais légaux de l'IVG, vont être davantage sollicités pour participer aux IVG tardives, qui, - semble-t-il - se pratiquent essentiellement sous anesthésie générale.

De nombreux médecins anesthésistes se sont montrés préoccupés par la possibilité qu'offre la nouvelle législation de réaliser une anesthésie générale chez une personne mineure, sans autorisation parentale. Quel doit être, selon vous, le rôle exact de l'adulte accompagnant la mineure et quelle est la marche à suivre en cas de complications ? Quels sont précisément les problèmes rencontrés par les médecins anesthésistes et quelles sont leurs réticences ?

Pour répondre à ces interrogations, la SFAR a estimé nécessaire d'élaborer des recommandations, validées par le conseil d'administration du 19 septembre 2001 et diffusées à tous ses adhérents.

Pouvez-vous nous préciser le contenu de ces recommandations ? Ont-elle fait l'objet d'une concertation avec le ministère de l'emploi et de la solidarité ? La circulaire d'application du 28 septembre 2001 apporte-t-elle des réponses suffisantes aux questions que se posent les médecins ?

M. André Lienhart : Il est vrai que peu après la parution au Journal officiel de la nouvelle loi, la SFAR a été interrogée, durant l'été, par un certain nombre de ses membres. La première de leurs préoccupations concernait l'anesthésie générale effectuée sur des personnes mineures. C'est pourquoi il nous est apparu indispensable de rédiger un texte, qui n'est pas à strictement parler une recommandation, mais qui a été validé par notre conseil d'administration. Il ne fait que reprendre les termes de la loi, selon laquelle l'anesthésie pratiquée sur des personnes mineures est licite, dès lors que l'on s'est entouré des précautions indiquées dans la loi.

Pour répondre à votre question concernant la circulaire du 28 septembre 2001, j'observerai en premier lieu qu'elle n'est pas parvenue encore à ce jour dans tous les lieux où elle aurait dû l'être. Je l'ai reçue et l'ai communiquée, mais je ne peux pas dire qu'elle me soit parvenue par les canaux habituels. La circulaire répète que l'anesthésie générale est licite dans ce cadre, mais ne donne aucune indication sur la marche à suivre. Or, notre Société est interrogée par ses membres qui veulent savoir quelle est la procédure concrète à suivre. La loi est claire : elle indique qu'une personne majeure accompagne la mineure dans l'ensemble de sa démarche. Pour nous, la démarche anesthésique commence dès la consultation en vue de l'anesthésie générale. C'est pourquoi nous avons recommandé que cette personne majeure accompagnante soit présente au moment de la consultation, pour pouvoir entendre un certain nombre des conseils prodigués à la mineure et pour les commenter avec elle ensuite.

En effet, lors de cette consultation, nous allons évoquer les avantages de l'anesthésie, ses risques éventuels et les précautions à prendre. Nous allons également remettre un formulaire d'information et nous voulons pouvoir dire à la personne majeure accompagnante de le revoir tranquillement avec la mineure, afin qu'elle comprenne mieux la situation.

En ce qui concerne la question de la confidentialité de la consultation, il nous parait tout à fait possible, même si nous ne l'avons pas écrit dans ce texte, de séparer deux parties dans la consultation d'anesthésie :

- un colloque singulier avec la jeune fille, auquel il n'est pas question qu'une autre personne assiste. C'est d'ailleurs une recommandation que nous préconisons à l'égard des parents, parce qu'un enfant qui souhaite se confier à un médecin doit pouvoir le faire en dehors de la présence de ses parents ;

- une autre partie de la consultation, plus centrée sur l'information et les recommandations à donner à la mineure lorsqu'elle rentre chez elle, lui conseillant notamment de faire attention à ce qui peut se passer pendant la nuit suivant l'IVG et lui indiquant les personnes à prévenir en cas de problème. Voilà pourquoi il nous semble important que soit présente une personne majeure, qui puisse se faire le relais de ces recommandations auprès de la mineure.

Certes, ces recommandations n'ont pas à figurer dans le texte de loi, car ce sont des indications de pratique médicale. Toutefois, elles ont été perçues de façon plutôt favorable par notre milieu, qui y voit une façon concrète et simple d'agir.

En ce qui concerne votre question sur notre concertation avec le ministère, je peux vous répondre par la négative. Nous n'avons nullement été consultés avant l'adoption de loi. Néanmoins, à propos du dossier-guide qui va être publié et dont il est fait mention dans la circulaire du 28 septembre, nous souhaiterions une certaine collaboration.

A cette occasion, j'ai relu le dossier-guide 2000 qui ne parle pas de l'anesthésie générale, sauf pour indiquer qu'il vaut mieux ne pas y recourir. Il souligne, en effet, qu'une bonne anesthésie locale est largement plus efficace et qu'elle entraîne moins de complications qu'une anesthésie générale. C'est à peu près tout ce qui est dit de l'anesthésie dans le texte du dossier-guide 2000.

Il est clair que dans le texte du dossier-guide 2001, étant donné qu'il faudra prendre en considération l'allongement des délais à 12-14 semaines, l'anesthésie générale sera de pratique constante. Il nous semblerait donc utile d'indiquer qu'il y a une consultation préalable d'anesthésie, pour éviter que les femmes demandant une IVG ne soient surprises. Ensuite, il conviendrait de communiquer l'intérêt à avoir, lors de la consultation d'anesthésie, un parent ou une personne majeure accompagnant la femme qui souhaite interrompre sa grossesse. Il faudrait qu'il puisse y avoir une communication en amont, afin que la femme qui prend la décision d'IVG, ait en tête non seulement des idées générales, mais aussi la façon concrète dont l'IVG va être pratiquée et les différents rendez-vous à prendre.

En ce qui concerne les mineures et la possibilité qui leur est offerte de garder le secret à l'égard de leurs parents, une préoccupation s'est fait jour, même si elle est minoritaire parmi les appels que nous avons reçus : qui prévenir en cas d'accident ? Il est évident que le nouveau texte de loi, qui rend licite l'acte dans un certain nombre de cas où il ne l'était pas auparavant, ne dit rien en ce qui concerne les complications éventuelles.

Nous ne nous en étonnons pas, mais nous avons à faire face à l'éventualité d'une situation dans laquelle la mineure aurait gardé le secret à l'égard de ses parents et devrait rester hospitalisée en raison d'une complication grave (accident d'anesthésie ou, plus fréquemment, de type chirurgical). La question qui nous est alors posée est de savoir qui prévenir et comment. Doit-on continuer à garder le secret ou non ?

Nous avons recommandé, s'il s'agit d'une situation très grave, de prévenir les parents et de demander à la personne majeure accompagnante de continuer à jouer son rôle de relais. En effet, si c'est un membre de la famille, il nous paraît humainement plus convenable que l'information aux parents soit communiquée par cette personne.

A cet égard, il nous paraît normal de prévenir l'adulte accompagnant de cette éventualité, par exemple au moment de la consultation pré-anesthésique. Ainsi, lors de cette consultation, d'une part, on préviendrait la mineure des précautions à prendre, puis on demanderait à la personne majeure accompagnante de répercuter à la mineure ces précautions. D'autre part, on informerait cette personne majeure qu'en cas de problème lors de l'acte d'IVG, elle sera sollicitée pour servir d'intermédiaire auprès de la famille.

J'évoquerai maintenant l'allongement des délais à 12-14 semaines. Nous avons également été interrogés sur ce point, mais cette préoccupation ne figure pas dans le texte que nous avons rédigé, tout simplement parce que l'essentiel de ce problème ne se situe pas dans notre discipline. Dans un certain nombre de centres, les IVG chirurgicales sont réalisées par des médecins généralistes, et non par des gynécologues-obstétriciens ayant une certaine compétence chirurgicale. Les recommandations de l'ANAES, qui font état de la nécessité d'un bloc opératoire, montrent bien qu'il faut un environnement technique spécifique. Selon l'ANAES, l'opérateur doit avoir suivi une formation, sans que ne soit précisé de quelle formation il s'agit. Doit-on comprendre que seul un gynécologue-obstétricien est habilité à réaliser cet acte ou alors qu'un généraliste ayant une certaine habitude peut le faire jusqu'à 8 semaines ? Doit-il y avoir des formations particulières pour l'opérateur, lorsqu'il s'agit de grossesses de 12-14 semaines ? Je ne sais que répondre aujourd'hui aux membres qui me posent la question suivante : "Ai-je le droit de pratiquer une anesthésie générale, sachant que l'opérateur n'a pas le diplôme de gynécologue-obstétricien ou de chirurgien" ? Je vais interroger les gynécologues-obstétriciens sur ce point, mais la réponse ne sera pas facile.

Une autre question concernant les IVG à 12-14 semaines porte sur la personne qui va prendre soin de la femme à son retour au domicile, car notre préoccupation, ce sont les complications. Elles ne sont pas fréquentes, mais notre travail est de faire en sorte qu'elles soient le plus rares possible et, si jamais elles surviennent, de les détecter en temps utile et de les traiter convenablement.

Souvent l'IVG est pratiquée en ambulatoire, c'est-à-dire que la femme rentre chez elle le soir même de l'opération. Quand l'environnement est convenable, il n'y a aucun souci particulier à se faire. Toutefois, comme ces femmes sont souvent dans des situations de détresse et que nous ne connaissons pas la situation au domicile, nous souhaitons la présence de la personne majeure accompagnante, afin de ne pas laisser repartir une femme chez elle sans savoir si elle a le téléphone, pour au moins appeler une ambulance ou l'hôpital, en cas de saignements.

Dans le cas des IVG à 12-14 semaines, statistiquement, il y a plus d'anesthésies générales, donc nous sommes plus souvent impliqués, de même qu'il y a un peu plus de complications, sans que les chiffres soient très élevés. C'est pourquoi nous essayons de mettre en place en amont, si possible dès la première consultation, un environnement favorable pour la jeune femme et de veiller à ce que le dossier-guide attire à la vigilance sur cette surveillance à domicile.

Mme Martine Lignières-Cassou, présidente : Je souhaiterais, au préalable, faire une remarque d'ordre général. Le nombre des mineures qui ne peuvent pas ou ne pourront pas solliciter une autorisation parentale, selon les estimations que nous avions pu faire lors de la discussion du projet de loi, se situe entre 5 et 10 % de la population des mineures. Environ 10 000 mineures sont enceintes chaque année en France et 7 000 d'entre elles procèdent à une IVG. On peut donc supposer qu'une population d'environ 500 mineures par an pourraient se retrouver en situation de ne pouvoir être accompagnées par l'un des deux parents.

Ma première question portera sur votre appréciation du texte de loi, et notamment de son article 7. Vous a-t-il rassuré en ce qui concerne la responsabilité des anesthésistes pour des opérations sur des mineures ne bénéficiant pas de l'autorisation parentale ? Nous avions souhaité une rédaction qui vous décharge de toute responsabilité, notamment par rapport aux parents. Cette rédaction vous convient-elle ?

M. André Lienhart : L'écriture du texte de loi et de la circulaire sont absolument sans ambiguïté. A mes yeux, l'anesthésie générale fait partie "des actes médicaux et des soins qui lui sont liés", dont parle la loi. Pour autant, un certain nombre d'anesthésistes-réanimateurs font remarquer que l'anesthésie ne figure pas en toutes lettres dans le texte.

Ne pas voir que l'anesthésie générale est liée à l'acte d'IVG, j'y vois un peu de mauvaise foi de la part d'un certain nombre de mes collègues. Toutefois, c'est une réaction dont il faut savoir qu'elle peut exister. Honnêtement, je ne vois aucun problème vis-à-vis de l'anesthésie. En revanche, j'en vois un, lorsqu'il y a complication liée à l'acte. Devons-nous toujours respecter la demande de secret vis-à-vis des parents ? Cette complication va entraîner un acte lié à l'IVG. Pourtant, si cette complication est grave, il nous apparaît humainement indispensable de prévenir et d'expliquer à la famille que l'on garde une jeune fille à l'hôpital, voire que l'on effectue une hystérectomie.

En amont de l'IVG, la rédaction du texte de loi nous paraît très clair, mais en aval et lorsque l'acte médical reste lié à l'IVG, nous sommes alors honnêtement plus gênés par cette rédaction. Nous sommes rassurés pour ce qui concerne la licité de l'acte lui-même, mais pas pour les complications.

Mme Martine Lignières-Cassou, présidente :  En ce qui concerne la place de l'accompagnant, il me semble que, dans vos recommandations, vous allez au-delà de la volonté du législateur. En effet, dès lors que le médecin qui va pratiquer l'acte s'est assuré par lui-même ou lors de l'entretien social que le consentement des parents n'a pas pu être recueilli, je suis étonnée de constater que vous souhaitiez que le nom de cet accompagnant figure sur la fiche de consultation d'anesthésie. Je m'interroge donc sur la transmission de l'information au sein de l'équipe médicale. Le travail d'anesthésiste se fait-il en parallèle avec celui du médecin ? Un échange d'information ne se fait-il pas sur un dossier ?

M. André Lienhart : Nous ne requérons pas, contrairement à nos confrères gynécologues-obstétriciens, la moindre signature de quelque personne que ce soit. En revanche, il nous semble souhaitable de transmettre à l'adulte accompagnant la mineure un certain nombre d'informations et de précautions à prendre.

Nous informons la personne majeure accompagnante qu'elle n'a pas à signer, mais simplement à expliquer la situation à la mineure. C'est pourquoi nous considérons que c'est une précaution convenable d'inscrire, dans le dossier médical, l'identité de l'interlocuteur, pour ceux qui auront par la suite le dossier médical en mains.

Il suffit d'attester : "J'ai expliqué à telle mineure en présence de..." Nous devons avoir l'identité de notre interlocuteur, de même que nous avons l'identité de la mineure, qui nous est communiquée avec le dossier. L'identité de la personne majeure peut être inscrite dans le dossier, il suffit alors de demander : "Vous êtes bien telle personne..." et nous le notons. En revanche, nous ne demandons pas à la personne majeure accompagnante de signer. Tout cela relève d'une pratique normale, qui permet de laisser une trace écrite dans le dossier.

Ensuite, si le dossier médical comporte le nom de la personne majeure, le médecin vérifie qu'il a bien affaire à cette personne. Nous attirons l'attention sur cette précaution nécessaire, parce que les dossiers médicaux sont plus ou moins complets.

Mme Martine Lignières-Cassou, présidente :  Vous allez au-delà de la loi en "exigeant" la présence de l'adulte accompagnant. Nous ne l'avons pas écrit dans le texte.

M. André Lienhart : Je suis d'accord. J'aurais dû dire que la rédaction du texte de loi était, de ce point de vue, insuffisamment claire. Nous avons lu qu'une personne majeure accompagne la mineure dans sa démarche de demande d'anesthésie, laquelle fait partie des actes liés à l'IVG.

J'admets tout à fait que le législateur n'a pas en tête que les informations relatives à la "partie basse" de l'IVG concernent un praticien et celles relatives à la "partie haute", un autre, et qu'il n'utilise qu'un seul terme général "le médecin", alors qu'en réalité il y en a deux. La solution idéale serait de mettre en présence les deux médecins concernés, la mineure et la personne majeure accompagnante. Mais pour des questions d'organisation, cela est impossible.

Concrètement, les échanges d'information se font, soit de façon directe, soit au travers du dossier, et nous donnons des recommandations sur la tenue du dossier. Pour en revenir à votre remarque sur la rédaction de notre recommandation, il ne nous était pas apparu que c'était une exagération. Pour nous, c'était une déclinaison, pour les différentes parties de l'acte, de la même précaution. En effet, nous avons supposé que la personne majeure accompagnante était présente pour servir de relais auprès de la mineure quant aux informations et précautions données par le ou les médecins.

Mme Martine Lignières-Cassou, présidente :  L'article 7 de la loi précise que le médecin qui pratique l'IVG s'assure que "le consentement est joint à la demande qu'elle présente au médecin en dehors de la présence de toute autre personne". L'entretien est singulier. Nous avons mis des garde-fous pour que l'adulte accompagnant ne soit pas sujet de pression. De la même façon, - mais il serait intéressant d'avoir un débat sur ce point avec le ministère -, qui prévient la famille en cas de complications ? Est-ce l'adulte accompagnant ou la direction de l'hôpital ?

De mon point de vue, si on demande que l'adulte accompagnant serve d'intermédiaire avec la famille et la prévienne en cas de complications, il me semble que l'on ne se situe plus tout à fait dans l'esprit de la loi. Prévenir la famille relève plus de la responsabilité du directeur de l'hôpital que de l'adulte accompagnant, mais cela se discute.

M. André Lienhart : Il me semble que la préoccupation de prévenir la famille se situe hors du champ législatif et que nous sommes là dans le domaine des relations humaines. Certes, l'administration doit prévenir une famille qu'une jeune fille est dans le coma, suite à une anesthésie, mais tout ce qui peut être fait pour rendre plus humain l'annonce d'une telle nouvelle nous semble devoir être privilégié. Qu'il soit réglementaire que l'établissement prévienne la famille nous semble un très bon garde-fou, mais cela doit-il être la première démarche ?

C'est pourquoi, au stade des recommandations, nous essayons d'expliquer à nos confrères le meilleur comportement à avoir dans une telle situation. Je me méfie de certaines réactions. Si le premier coup de fil qui arrive au sein de la famille est celui de l'administrateur de garde, cela ne me paraît pas être l'idéal en termes de rapports humains. Très clairement, sur ce sujet, je suis totalement en dehors d'une quelconque préoccupation réglementaire, encore moins législative. Mais nous sommes tout à fait disposés à mener une réflexion avec le ministère.

Mme Martine Lignières-Cassou, présidente : Il faut savoir, par ailleurs, que cette démarche, qui permet à une mineure de recourir à un certain nombre d'actes médicaux ou chirurgicaux en dehors du consentement des parents, va trouver un écho plus large dans le cadre de la loi sur le droit des malades. Le dispositif imaginé dans le cadre de la loi relative à l'IVG pourra être étendu à n'importe quel acte médical ou chirurgical. Peut-être vaut-il mieux en discuter au préalable.

M. André Lienhart : Nous sommes à votre entière disposition.

Mme Odette Casanova : Ma question ne concerne pas directement votre discipline. Vous avez indiqué que la profession médicale en général est inquiète en ce qui concerne son savoir-faire. Cela me surprend, parce que des pays, autres que la France, pratiquent des IVG au-delà des 10 semaines de grossesse, depuis déjà un certain temps. J'en ai discuté très amicalement avec des médecins que je connais personnellement et ils sont effectivement inquiets.

Mme Martine Lignières-Cassou, présidente : Pour répondre au problème de la formation, le ministère vient de mettre en place, suite aux recommandations de l'ANAES, un groupe national d'application de la loi, qui sera présidé par Mme Emmanuelle Mengual, inspecteur de l'IGAS. Ce groupe est chargé à la fois d'examiner les difficultés d'application techniques, le développement de la formation médicale aux techniques, la formation des acteurs au sens large (écoute, accueil, accompagnement) et toutes les questions liées à la formation.

Pour reprendre les propos de Mme Odette Casanova, il est vrai que les médecins sont très inquiets. L'ANCIC, dont nous recevions les représentants la semaine dernière, s'est également fait l'écho de ces appréhensions dues, entre autres, au changement qualitatif entre l'embryon et le foetus entre 10 et 12 semaines, à la nature de l'acte (certains médecins ont le sentiment de pratiquer un acte odieux), à la dramatisation par rapport à l'acte et à l'absence de formation. Les représentants de l'ANCIC nous ont expliqué qu'ils avaient commencé à organiser par région des formations, qui ont lieu, soit en Hollande, soit en Espagne, et que les craintes des médecins tombaient, dès lors qu'ils avaient reçu une formation. Mais il serait bon que ces inquiétudes puissent être discutées et prises en compte par le groupe de pilotage mis en place par le ministère.

M. André Lienhart : Il y a plusieurs niveaux de réponse. Le premier est qu'il n'est pas question d'états d'âme, il s'agit de faire en sorte que la loi soit applicable dans le meilleur intérêt général. Cela dit, il n'est pas niable qu'un embryon de 14 semaines, pour qui l'a vu, provoque une émotion. Par conséquent, il s'agit de faire la part des choses, entre les réticences qui se cachent derrière tout ce qui vient d'être évoqué et les réticences techniquement fondées. Croyez bien que ces points sont le point de départ de ma réflexion sur le sujet.

Toutes les indications que je vous ai données, et les écrits que j'ai évoqués, je vous les ai exposés après avoir fait le tri entre ce qui est réticence subjective, même sans entrer dans des débats philosophiques, et le domaine spécifiquement médical, c'est-à-dire la fréquence des complications et les problèmes à régler en consultation ou ailleurs. Je n'ai parlé que de cette seconde partie.

Ma seule préoccupation, en termes de formation, est un peu différente de celle du praticien qui réalise l'acte. Elle porte sur l'aspect diplômes et qualifications. D'une manière générale, si l'anesthésiste-réanimateur estime que le chirurgien n'est pas qualifié pour pratiquer tel acte, il doit refuser l'anesthésie, en demandant que l'on fasse appel à un praticien réellement qualifié. C'est une situation exceptionnelle - mais qui peut arriver - au cours de laquelle l'anesthésiste-réanimateur se trouve face à un praticien dont il sait pertinemment qu'il ne sait pas réaliser l'acte, puisqu'il ne l'a jamais fait. Pour l'IVG, une telle situation ne concerne que quelques centres. A l'hôpital Saint-Antoine, il est évident que cet acte a déjà été pratiqué, sans jamais rencontrer de problèmes de cette nature. Toutefois, dans certains centres d'orthogénie, on sait que les généralistes s'arrêtaient de pratiquer des IVG à un certain nombre de semaines d'aménorrhée. Or, s'il faut une anesthésie pour les IVG à 12-14 semaines, les praticiens sont-ils capables ou non de pratiquer l'acte ? La question reste entière.

Néanmoins, une partie de ce problème tombe, s'il y a accord professionnel spécifiant que tel type de médecin, qui avait déjà l'habitude de réaliser les IVG dans tel contexte, qui a suivi telle formation complémentaire en Hollande ou en Espagne, possède les qualifications suffisantes pour réaliser l'acte d'IVG. Cela concerne vraiment l'aspect qualification, au sens strict du terme.

Mme Martine Lignières-Cassou, présidente : Aviez-vous vous-même des questions à nous poser ?

M. André Lienhart : Une de mes questions concerne notre lecture du texte de la loi. Vous nous avez dit que nous avions peut-être été un peu loin dans cette lecture, alors qu'au contraire nous nous sommes efforcés d'en être le plus proche possible. Notre demande concernant la présence d'une personne majeure accompagnante pour répéter à la mineure les informations données et les précautions à prendre, vous paraîtrait-elle toujours illégitime, dès lors que l'on préciserait qu'une partie de l'entretien doit être réalisée en colloque singulier et en dehors de la présence de cet adulte accompagnant, comme d'un éventuel parent ?

Si nous apportions cette précision, cela vous semblerait-il toujours une exagération de notre part, ou cela correspondrait-il à une modalité acceptable de mise en place de cette loi ?

Mme Martine Lignières-Cassou, présidente : Est-ce le rôle de l'accompagnant de prévenir la famille en cas de complications ? Je souhaiterais, très honnêtement, que l'on puisse retravailler ce point, mais je prends note de votre souci de rassurer les praticiens et de prévenir les complications qui, à mon sens, devraient être très limitées. Donnons-nous les garanties pour prévenir les problèmes et anticipons.

Dans le même temps, je partage tout à fait votre souci de calmer le jeu parce que nous ne sommes pas, d'une part, sur des pratiques à haut risque et, que d'autre part, statistiquement les risques ne sont pas très élevés.

M. André Lienhart : Je suis à votre entière disposition pour approfondir le sujet. Quant aux risques peu élevés, ce n'est pas aux anesthésistes qu'il faut dire cela. Nous sommes partis d'un sur mille ; il y a dix ans, nous en étions à un sur dix mille ; nous travaillons vers un sur cent mille, l'objectif étant d'un sur cinq cent mille. Certes le risque n'est pas très élevé, mais une vie est une vie.

Mme Martine Lignières-Cassou, présidente : Tout à fait. De plus, dans ce métier, vous devez avoir présent à l'esprit les conséquences d'un acte médical en termes de responsabilités éventuelles. C'est pourquoi je comprends vos préoccupations.

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La Délégation aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes a ensuite entendu Mme Janine Mossuz-Lavau, directrice de recherche au Centre d'étude de la vie politique française (CEVIPOF).

Mme Martine Lignières-Cassou, présidente : Nous avons le plaisir d'accueillir Mme Janine Mossuz-Lavau, directrice de recherche au CEVIPOF, dont les études menées, depuis plusieurs années, sur les femmes en politique, sur la parité hommes/femmes et sur la sexualité, nous ont permis de mieux saisir la place actuelle de la femme dans la société française.

Aujourd'hui, vous venez nous présenter les fruits d'un travail mené l'année dernière, à la demande de la Division sida de la Direction générale de la santé, sur le thème : "Une politique de réduction des risques sexuels pour les femmes en difficulté de prévention". Il y a, en effet, une recrudescence inquiétante, ces dernières années, de l'épidémie de sida chez les femmes, dont la protection est mal assurée, particulièrement lorsqu'elles sont en situation de vulnérabilité. "En 1998", indiquiez-vous dans l'introduction de votre rapport, "on apprenait qu'en dix ans, en ce qui concernait les cas de sida féminin, le "sex ratio" était passé en France d'une femme pour sept hommes à une femme pour trois hommes".

L'opération "réduction des risques sexuels" a consisté à aller à la rencontre des femmes, là où elles se trouvaient, dans leur environnement immédiat, en ayant un contact direct avec elles, grâce au partenariat du Mouvement français pour le planning familial, dont l'expérience et le réseau national ont été mis à contribution.

Pourriez-vous nous dire comment s'est déroulée concrètement cette opération ? Quel est le profil sociologique des femmes en difficulté de prévention ? Quelle a été la portée des groupes de paroles organisés par les animatrices du Planning familial ? Quels sont les premiers résultats des questionnaires réalisés auprès de ces femmes ?

Un autre point précis intéresse notre Délégation. Quelle est l'incidence du préservatif féminin dans la prévention ? Ce mode de contraception offre-t-il des perspectives intéressantes et quels seraient les moyens nécessaires, selon vous, pour le développer ?

Mme Janine Mossuz-Lavau : Ma présentation sera fondée sur des éléments tirés de deux enquêtes, la première à laquelle vous faisiez référence, que j'ai conduite jusqu'en l'an 2000, et la seconde que j'ai menée après cette date.

C'est à partir de ces deux enquêtes que je viens de terminer un livre, à paraître en mars 2002, sur la vie sexuelle en France, celle des hommes comme celle des femmes, quel que soit le milieu social - y compris les milieux défavorisés, sur lesquels a porté la première enquête -, quels que soient les âges et les régions.

La première enquête concerne l'évaluation du programme de réduction des risques sexuels, décidée en 1998 par la Division sida de la Direction générale de la santé. Nous avions pu constater, lors d'un colloque tenu en 1997 sur "Les femmes et le VIH", que l'épidémie de sida progressait chez les femmes hétérosexuelles par voie sexuelle et non pas uniquement chez les toxicomanes hétérosexuelles par voie intraveineuse. C'est ce constat qui a décidé l'Inspection Générale de la Santé à engager ce programme qui, à mon sens, est très intéressant.

Des animatrices du Planning familial ont tout d'abord été formées à la problématique des risques sexuels en général, dans le cadre de la grossesse, des MST et du sida. L'objectif du programme était de ne pas découper la sexualité des femmes en petits morceaux, mais de traiter conjointement ces trois sujets. La formation prévue, très complète, commençait par une intervention sur le sida, à laquelle j'ai assisté. Cette formation très intense - deux jours d'affilée à trois reprises, soit pratiquement six jours de formation -, comprenait des rencontres avec des médecins, des gynécologues, des médecins faisant de la recherche sur le sida, etc...

Suite à cette formation, les animatrices du Planning, venues de toutes les régions de France, devaient, dans leur région, animer, en 1999 et 2000, quatre groupes de paroles de femmes, que l'on appelle en difficulté de prévention. Ces femmes ont été recrutées dans les milieux de la grande précarité, via les centres sociaux, les foyers d'hébergement, les Restos du c_ur, les structures d'insertion des Rmistes, les associations de femmes immigrées. Le groupe de paroles était constitué de dix ou douze femmes. Un après-midi par semaine, pendant sept semaines d'affilée, l'animatrice leur parlait de tous les aspects de la sexualité, de la contraception, de l'IVG, du sida, de la visite chez le gynécologue. Il n'y avait pas de cours magistral. Au milieu d'une table étaient déposés tous les objets concernés (spéculums, préservatifs, etc...) et des petits miroirs pour qu'elles puissent regarder leur sexe, car la plupart, n'ont jamais vu leur sexe. L'animatrice commençait alors à évoquer les sujets à l'ordre du jour, et très vite, s'instaurait une dynamique.

Les femmes qui venaient dans ces groupes ne se connaissaient pas, elles pensaient chacune être dans une situation difficile qu'elles étaient seules à connaître, puis s'apercevaient petit à petit que les autres femmes étaient confrontées aux mêmes difficultés. Elles discutaient entre elles et posaient des questions. Ainsi ont été évoqués les problèmes de violence, qui faisaient partie de leur vie sexuelle.

L'originalité de ce programme tient au fait que l'on m'a demandé d'en conduire l'évaluation dès son démarrage, alors que, généralement, l'évaluation d'une action de politique publique se fait en fin de programme, ce qui ne permet pas souvent d'en saisir les différentes nuances.

Dès le début, j'ai suivi les formations données aux animatrices du Planning. Ensuite, je suis allée dans les différents groupes de paroles pour conduire deux types d'enquête auprès des femmes. D'une part, je leur faisais remplir des questionnaires, afin d'évaluer qui elles étaient, si elles étaient mariées, si elles avaient fait des études, leur profession, leur religion, leur vie sexuelle, leurs modes de prévention. D'autre part, je les rencontrais successivement, seule à seule, en entretien de type semi-directif.

Pour effectuer ces entretiens, j'ai disposé de l'aide des deux meilleures étudiantes de mon cours de DEA sur la formation à l'entretien. A trois, nous avons conduit un peu plus de soixante-dix entretiens, en début de formation, puis à l'issue de celle-ci, au moyen de questionnaires et d'entretiens de bilan.

Nous avons pu constater une évolution très intéressante de leur prise d'autonomie et de parole. Beaucoup de ces femmes, notamment les femmes musulmanes, ne parlent de sexualité, ni en famille, ni avec leurs enfants. Toutefois, au regard de ce qu'elles ont appris pendant ces sept semaines, elles ont compris l'importance, notamment quand elles avaient des enfants adolescents, de faire passer un message de prévention et d'aborder avec eux ces problèmes, totalement tabous dans leur culture.

Ces premières constatations concernent donc ma première enquête, à l'issue de laquelle j'ai rendu un rapport sur le programme de réduction des risques sexuels. J'ai fait ensuite une deuxième enquête pour atteindre les différents groupes de la société. En effet, de plus en plus, ces problèmes touchent toutes les couches sociales, y compris des personnes qui s'estiment totalement préservées.

Cette deuxième enquête a été conduite auprès d'hommes et de femmes de tous âges, de tous milieux, répartis sur l'ensemble du territoire, de toutes sensibilités sexuelles. La méthodologie suivie était quelque peu différente, car, lors de ces entretiens, je leur faisais raconter leur vie amoureuse et sexuelle, de la toute première à la toute dernière relation, en commençant dans l'enfance. Je leur demandais, ce qui n'avait jamais été fait jusqu'à présent, quand ils avaient découvert l'existence de la sexualité. Quand les personnes se sentent écoutées, et non pas jugées, elles racontent énormément de choses.

Sur les points qui vous intéressent, au regard des résultats des deux enquêtes, un grand nombre d'éléments peuvent être mis en évidence.

En ce qui concerne la contraception, les enquêtes permettent de mettre en évidence des réticences vis-à-vis de la pilule, qui s'avèrent plus fortes que celles que j'avais imaginées. Certaines femmes refusent de la prendre, car elle ferait grossir. D'autres évoquent les risques de cancer, le fait qu'elle provoquerait des vomissements, des maux de tête, des troubles oculaires. Ce sont des arguments assez anciens. Mais d'autres femmes, notamment chez les jeunes, estiment que c'est un produit qui n'est pas naturel et qui perturbe le cycle normal. C'est un argument que j'ai trouvé fréquemment chez les jeunes femmes sensibles à l'ambiance écologique. Je cite l'une d'entre elles : "Pour moi, ce n'est pas naturel, j'ai l'impression que cela dérègle le cycle normal et je n'aime pas cela. Je suis très bio, c'est un produit que l'on met dans ton corps, ce sont des cycles artificiels. En plus, j'ai entendu dire qu'une femme qui prend la pilule régulièrement, après il faut l'arrêter un moment assez long pour avoir des enfants. Il ne suffit pas de l'arrêter juste un soir pour faire des enfants. Et moi je veux des enfants plus tard." Là aussi, nous avons le spectre de la stérilité. Enfin, il y a les arguments des fumeuses. Comme on leur a dit que la combinaison pilule et cigarette n'était pas bonne pour l'organisme, elles choisissent alors de sacrifier la pilule.

J'ai trouvé des arguments plus nouveaux, liés au contexte dans lequel nous vivons depuis les années 90. Ces arguments sont utilisés par des jeunes femmes sensibilisées aux risques du sida, qui considèrent que, si elles prenaient la pilule, elles ne seraient pas certaines de pouvoir obliger leur partenaire à mettre un préservatif et qu'elles relâcheraient leur attention à un moment ou à un autre. Par conséquent, la peur de la grossesse les aide à se protéger contre le virus HIV. Moyennant quoi, de temps à autre, elles font une exception et se précipitent sur la pilule du lendemain et le test HIV.

Autre constatation : quand la pilule a fait son apparition en France, elle a signifié une libération pour des générations de femmes, qui pouvaient désormais faire l'amour quand elles le voulaient et disposer de leur corps sans être menacées d'une grossesse. Or nombre de jeunes femmes ne vivent plus aujourd'hui la pilule comme une libération, mais comme une contrainte, c'est-à-dire un geste que l'on doit immanquablement refaire chaque jour et dont la répétition leur parait insupportable. C'est un argument de jeunes femmes, mais aussi de femmes plus mûres. Par exemple, cette femme, âgée de 36 ans, m'a dit la chose suivante : "Il faut toujours y penser, Aujourd'hui est-ce que je l'ai prise ? Où est-ce que j'en suis dans ma tablette ?". Certaines d'entre elles, à partir d'un certain âge, ont donc eu recours au stérilet, car elles oubliaient leur pilule de plus en plus souvent.

J'ai aussi recueilli des témoignages d'hommes sur la pilule. Des étudiants ont témoigné de l'utilisation tout à fait approximative de la pilule par leurs petites amies, c'est-à-dire de leur oubli de certaines pilules. Ces hommes ne sont généralement pas très informés, tout en sachant néanmoins que l'oubli de la pilule peut avoir des conséquences.

Une des constatations que j'ai pu faire m'a surprise. Un certain nombre de femmes, notamment des jeunes femmes, en raison des différents problèmes liés à la pilule (oubli, produit non biologique, pas de pose d'un stérilet à un âge trop précoce) reviennent aux mauvaises méthodes, à savoir la méthode Ogino et le comptage des jours. Elles me racontent que quand ce sont les "mauvais" jours, elles demandent à leur partenaire d'éjaculer à l'extérieur. Elles reviennent en fait aux méthodes qui ont fait leur preuve pour avoir des enfants.

Je vous cite le témoignage d'un étudiant qui vit avec une jeune étudiante : "Elle prenait les cours qu'elle avait suivis en première sur l'ovulation avec les dates. Un jour, elle s'est trompée, elle est tombée enceinte, ça a été le drame." Beaucoup d'hommes me disent que la jeune fille calculait et qu'ils faisaient attention.

Deux chercheures, Nathalie Bajos (socio-démographe) et Michèle Ferrand (sociologue) ont conduit une enquête remarquable sur les grossesses non prévues. Elles citent, dans leur rapport, le témoignage d'une jeune fille, élève en 1ère S, qui utilise systématiquement des préservatifs le quatorzième jour du cycle, car elle s'est mis en tête que c'était le jour de l'ovulation. Avant ou après ce quatorzième jour, elle ne prend aucune précaution. Elle s'est donc retrouvée enceinte, d'où le recours à l'IVG. Ce que j'ai trouvé inquiétant chez un certain nombre de jeunes femmes, c'est ce retour à la méthode Ogino et au retrait.

D'autres femmes, qui représentent une population cible fragile, arrêtent leur contraception, car elles se retrouvent seules, suite à une séparation, un veuvage ou un divorce. Dans un premier temps, elles considèrent qu'elles n'auront pas ou plus de relations sexuelles pendant une longue période. Ces femmes, qui ont souvent eu des histoires douloureuses de violence, ont tourné la page et, le temps passant, elles ont intégré l'idée que, si elles avaient un nouveau partenaire, elles utiliseraient le préservatif. Ces femmes, le plus souvent autour de la quarantaine, ne se rendent pas compte de la résistance des hommes de leur génération à utiliser le préservatif. Un jour ou l'autre, elles peuvent avoir de nouveau une relation, mais elles ne seront pas protégées contre la grossesse, et si elles ne parviennent pas à négocier pour imposer le préservatif à leur partenaire, elles risquent d'avoir des problèmes.

Mme Odette Casanova : Ce sont des situations de personnes que je rencontre autour de moi, quels que soient leurs milieux, même souvent les plus bourgeois. Il me semble que la seule solution pour corriger ces situations passe par l'information au quotidien, et la formation à l'école et au lycée. J'ai l'impression que nous n'avons fait aucun progrès.

Mme Janine Mossuz-Lavau : Nous en avons fait quelques-uns, mais pas autant que nous aurions dû.

Mme Martine Lignières-Cassou, présidente : Je suis partagée entre deux explications. Soit il s'agit d'une tyrannie de la pilule et, effectivement, ce mode de contraception n'est pas adapté à toutes les femmes. Il y a une absence de recherche et de mise en valeur de supports contraceptifs autres que la pilule. On pèche par manque de multiplicité de supports. Soit il s'agit d'un manque de maîtrise de soi et de capacité à maîtriser sa vie, contrairement à l'attitude des femmes de nos générations. Mais, il est vrai que la conception du monde n'est peut-être plus la même.

Mme Janine Mossuz-Lavau : Je vais aborder maintenant le thème du déficit de protection par rapport au sida. La peur du sida existe, notamment chez les jeunes qui sont arrivés à l'âge de la sexualité dans un contexte marqué par l'épidémie. Beaucoup se définissent comme la génération sida et disent mettre le préservatif car, de toute façon, ils n'ont rien connu d'autre. Ils sont résignés.

Toutefois, à certains moments, toutes les précautions ne sont pas prises et les hommes et les femmes font comme si cela n'arrivait qu'aux autres. Il convient de mettre à part une certaine catégorie de femmes, que j'ai rencontrées lors de l'enquête et qui ne se sentent pas du tout concernées par la question du sida : celles qui déclarent qu'elles sont fidèles et que leur mari est fidèle. C'est la quasi-totalité des femmes élevées dans la religion musulmane et qui appartiennent aux milieux défavorisés, donc touchées par le programme que j'évoquais précédemment. Dans le même temps, elles se posent parfois des questions. L'une d'entre elles me disait : "J'ai un mari qui travaille en déplacement. J'espère que non, mais c'est un homme, c'est comme tous les autres hommes, on ne sait jamais, certaines choses peuvent arriver, j'ai peur." Mais elle ne s'imagine pas du tout interroger son mari, lui demander une protection ou lui dire de se protéger, si jamais il lui arrive quelque chose. C'est un sujet tabou.

D'autres femmes musulmanes sont totalement fatalistes. L'une d'entre elles, mariée, quatre enfants, me disait la chose suivante : "Si c'est écrit dans mon avenir que j'ai attrapé cela, qu'est-ce que ça va changer ? C'est le destin." Ces femmes considèrent quelles sont protégées par la fidélité de l'un et l'autre membre du couple.

J'ai rencontré d'autres femmes en position moins confortable, celles qui ont eu de très nombreux partenaires, parfois des toxicomanes, mais qui n'ont rien fait pour se protéger.

Certaines femmes de 35-40 ans considèrent que leurs partenaires, du fait que ce sont des hommes mûrs, des pères de famille, qu'elles sont elles-mêmes mères de famille, ne pourraient pas les mettre en danger. Elles ne se protègent donc pas. Elles reconnaissent prendre des risques, tout en ayant cette image rassurante de l'homme de 40 ans, qui ne lui ferait pas cela.

J'ai souvent rencontré ce type de raisonnement dans des milieux de précarité, mais aussi dans des milieux de cadres supérieurs/professions libérales. J'ai rencontré une femme de 35 ans, cadre supérieur, qui a un amant marié, plus âgé qu'elle, et qui me disait ne pas se poser la question, car elle n'a pas l'impression qu'il mène une vie dissolue avec des partenaires multiples. Certes, il a une relation avec sa femme, mais il lui dit que sa femme n'a pas d'amant et que lui n'a qu'elle comme maîtresse, d'où l'absence de tout danger. A aucun moment, il n'imagine que sa femme, pendant qu'il est avec sa maîtresse, pourrait être avec un jeune homme multi-partenaire et se tenir le même discours.

Il y a également l'attitude, mise en évidence par Rommel Mendès-Leité, auteur de nombreux travaux sur le sida, qui consiste à mettre en _uvre ce que l'on appelle les protections imaginaires. Les femmes font confiance à leurs partenaires et puisqu'elles leur font confiance, elles se sentent à l'abri ou bien elles n'ont plus de relations qu'avec des hommes qu'elles connaissent et, de ce fait, elles supposent qu'ils sont sains.

Beaucoup d'hommes et de femmes m'ont expliqué qu'ils n'aimaient pas faire l'amour avec un préservatif. Il est intéressant d'en connaître les raisons. Des femmes, qui ont plusieurs amants et qui prennent des risques, me disent que cela va trop vite et qu'ils n'ont pas le temps de mettre le préservatif. Pour d'autres, le préservatif est ressenti comme un obstacle. L'une d'entre elles me disait : "Quand il n'y a pas de préservatif, je sais qu'il est là, c'est vraiment lui qui est là, je le sens mieux." Il y a vraiment ce sentiment de forte proximité, que l'on ne retrouve pas avec un préservatif. D'autres femmes me disent que le préservatif est une barrière, alors que faire l'amour, c'est la communion.

Certains hommes considèrent que le préservatif enlève une partie de la sensation réciproque, ce qui casse la relation amoureuse. Un homme me disait, de façon très imagée : "La relation sexuelle, c'est quelque chose de très compliqué. C'est une espèce de mayonnaise. C'est comme une mayonnaise que tu arrêterais tout d'un coup pour dire "tiens je suis en train de faire une mayonnaise avec les mains nues, il faut que je mette des gants". Je m'arrête, je mets des gants. Le temps que tu t'arrêtes et que tu mettes tes gants, la mayonnaise est descendue. Tu sens une femme en train de partir, tu te dis "m..., je ne peux pas interrompre cela maintenant, parce que derrière, elle ne va pas trouver son plaisir."

Il y a des irréductibles, hommes et femmes, qui tout en sachant qu'ils prennent des risques et ont recours à des protections imaginaires, ne se résolvent pas à utiliser un préservatif. Puis, il y a ceux qui sont à mi-chemin, c'est-à-dire qu'ils se protègent de temps en temps, mais pas systématiquement. Ils savent qu'il y a des dérapages, mais ils essaient d'en choisir l'occasion, une fête par exemple.

De plus, si l'homme propose de se protéger, c'est tant mieux, car les femmes ont du mal à le lui proposer. Elles ont un important problème d'autonomie en ce domaine.

Il faut également faire une différence entre les histoires d'un soir, lors desquelles on se protège, et celles plus stables, au cours desquelles on abandonne toute protection. En fait, les relations dangereuses, contrairement à ce que l'on pourrait penser, ne sont pas les relations d'un soir, qui sont elles protégées, mais les relations stables, qui font qu'on ne se protège plus, car on est amoureux et en confiance.

Il faut insister sur ce phénomène de la confiance. J'ai interviewé une femme bisexuelle, pacsée avec un bisexuel. Elle est fidèle, mais elle sait que son compagnon continue à aller au bois de Boulogne voir des garçons. Selon elle, c'est plus pour des fellations, pour le voyeurisme ou la masturbation. Elle ne s'en inquiète donc pas. Elle suppose que s'il y avait pénétration, il utiliserait des préservatifs, moyennant quoi elle ne se protège pas.

Un autre constat est la résistance masculine à l'utilisation du préservatif. J'ai recueilli de très nombreux témoignages faisant état de ce que les garçons, y compris dans les milieux étudiants, n'aiment pas le préservatif et qu'ils inventent toutes sortes de prétexte pour ne pas avoir à en mettre un.

Il est vrai aussi que les hommes d'une quarantaine d'années n'ont pas eu l'habitude de se protéger, parce qu'ils étaient en couple avec une femme qui avait une contraception efficace. Lorsqu'ils se retrouvent seuls, par exemple après une rupture, il faudrait qu'ils utilisent le préservatif, mais comme ils n'y sont pas habitués, les femmes doivent beaucoup insister. Quand elles insistent, soit ils refusent, soit ils acceptent, soit parfois ils lui demandent si elles le croient malades, si elles ne lui font pas confiance.

Ce type de comportement se retrouve même dans les milieux bien informés. Un journaliste me disait la chose suivante : "La protection contre le sida, ce n'est pas forcément intégré, c'est un grand reproche que je me fais. Quand j'ai des relations épisodiques avec des personnes, la démarche de la capote vient rarement de moi. Je suis toujours tombé sur des femmes qui voulaient se protéger. Heureusement. Et en fait je m'aperçois que la demande venait plutôt d'elles." Si la femme ne demande pas à l'homme de se protéger, il n'y a alors aucune protection. J'ai recueilli de nombreux témoignages en ce sens.

On pourrait dire que le préservatif semble assez incontournable dans les relations où la fidélité n'est pas garantie, mais il n'est pas non plus fiable à 100 %. Plusieurs témoignages font état d'accidents ("il a éclaté", "il s'est perdu", "il est resté à l'intérieur", "il faut avoir du gel parce que quand il a servi un moment, la lubrification du préservatif se dessèche et il peut alors éclater"). Nulle part dans les campagnes télévisées, je n'ai entendu évoquer le fait qu'il fallait avoir du gel avec soi et en remettre pendant la relation, si elle durait longtemps. De même qu'on n'apprend nulle part, sauf auprès des animatrices du Planning familial, qu'il vaut mieux ne pas acheter des préservatifs dans des distributeurs installés en plein soleil ou dans les stations de sport d'hiver, car la chaleur et le froid les rendent cassants.

Tous ces inconvénients ont conduit à promouvoir un autre mode de protection, qui est encore très peu répandu, à savoir le préservatif féminin. Il a l'avantage de pouvoir être mis en place plusieurs heures avant le rapport sexuel et il n'a pas, à la différence du préservatif masculin, à être retiré immédiatement après le rapport. Contrairement au préservatif masculin qui est en latex, le préservatif féminin est en polyuréthane. Il ne provoque aucune réaction allergique et laisse passer la chaleur. C'est aussi l'un des arguments évoqués contre le préservatif masculin.

Le préservatif féminin, mis en vente sur le marché français le 3 mai 1999, est aujourd'hui disponible dans plus de vingt pays, dont les Etats-Unis, la Suisse, l'Espagne et le Royaume-Uni. Dans un premier temps, son approvisionnement a été réservé aux centres de Planning familial, aux associations de lutte contre le sida, aux centres de PMI, aux services sociaux des municipalités, qui les distribuaient gratuitement. Actuellement, en France, une cinquantaine de pharmacies le vendent. Sa rareté et son prix, puisqu'il vaut presque 10 francs, expliquent sa faible utilisation. Au total, environ quatre cent mille préservatifs féminins ont été distribués ou vendus en France, à la suite d'un effort important du secrétariat d'Etat à la santé, devenu ministère délégué, avec le retour de M. Bernard Kouchner à sa tête.

Dans le cadre du programme de réduction des risques sexuels, le préservatif féminin était proposé aux participantes des groupes de parole. Certaines l'ont essayé et ont donné leur avis sur ce nouveau moyen de prévention des risques sexuels. Cinq cent quatre-vingt-dix-neuf femmes ont rempli le questionnaire de fin de stage. Quatre-vingt-seize, soit 16 %, déclarent l'avoir essayé, ce qui est peu, mais leur taux de satisfaction est de 71 %.

Un petit nombre de femmes exprime une réticence. Elles mettent en avant le caractère anti-érotique de cette espèce de fourreau de polyuréthane. D'autres le jugent difficile à mettre ou le trouvent impressionnant par sa taille. Pour un petit nombre de femmes musulmanes, il n'est pas envisageable de l'utiliser, car il faudrait qu'elles introduisent un doigt dans leur sexe, ce qu'elles ne peuvent pas faire. D'autres femmes lui trouvent un aspect ridicule. Une femme me disait qu'elle ne s'imaginait pas aller vers son partenaire et lui dire "attends, je mets ma toile de tente". Cela ne l'a pas empêché d'en prendre pour les donner à sa fille adolescente.

Toutefois, les réactions favorables l'ont emporté, les réactions défavorables restant minoritaires. Le plus grand avantage du préservatif féminin, pour les utilisatrices, tient au fait qu'il redonne leur autonomie aux femmes. On emploie les mots d'indépendance, de libre choix, de chance de disposer enfin d'un moyen à soi pour se protéger. Elles peuvent se protéger, lorsque leur partenaire ne veut pas ou ne peut pas mettre un préservatif masculin. Cela apparaît comme une garantie de ne pas avoir à négocier avec le partenaire, s'il ne veut pas se protéger.

Cette notion d'autonomie, centrale dans le processus qui conduit à l'estime de soi, est très largement apparue à l'occasion de la découverte du préservatif féminin. Même lorsqu'elles ne prévoient pas de l'utiliser dans l'immédiat, la plupart des femmes ont bien compris à quoi il pourrait servir dans une stratégie de protection de soi et de reconquête de l'initiative. Elles le trouvent plus fiable que le préservatif masculin. La protection semble supérieure. Elles pensent aussi qu'il peut être plus agréable pour l'homme, qui n'est plus enserré par du plastique. Une d'entre elles l'avait testé avec l'un de ses partenaires, qui l'avait beaucoup apprécié. Le fait de pouvoir le mettre à l'avance est un autre avantage.

Le préservatif féminin comporte des inconvénients et des avantages. Tout comme les autres moyens de protection, il peut convenir à certaines et demeurer inenvisageable pour d'autres. En tout cas, il permet de diversifier une palette, qui jusqu'à ce jour n'a pas fait la preuve d'une efficacité à 100 %. Or, chacun et chacune a besoin d'une méthode adaptée à son mode de vie, à sa santé, aux exigences de ses partenaires. Même si le préservatif féminin ne constitue pas la panacée, il reste un moyen de diversifier les modes de protection contre les risques sexuels.

Cela étant, je pense que la protection contre les risques sexuels a encore beaucoup de progrès à faire. En effet, même si beaucoup connaissent les moyens de protection, il y a une différence entre savoir et s'en servir.

Mme Martine Lignières-Cassou, présidente : L'absence d'utilisation de ces moyens ne me semble pas être forcément un problème de formation, parce que chacun connaît globalement ou vaguement l'existence de ces moyens de contraception. Au-delà des raisonnements que vous avez évoqués, est-ce lié au degré d'autonomie, à l'estime de soi, à la capacité à se prendre en charge ?

Mme Janine Mossuz-Lavau : Je pense qu'il y a une certaine inconscience. Les femmes se disent qu'il y a la pilule du lendemain, l'IVG. Puis, elles s'aperçoivent qu'elles n'ont pas pensé suffisamment tôt à la pilule du lendemain, que l'IVG n'est pas un moment agréable. Elles pensent que cela n'arrive qu'aux autres.

Par ailleurs, il y aurait certainement une action à mener au niveau de l'enseignement donné aux jeunes dans les collèges et les lycées, car l'affirmation que l'ovulation a lieu au quatorzième jour a été évoquée de nombreuses fois par des étudiantes, que l'on pourrait pourtant supposer a priori mieux informées.

Dans le colloque que vous aviez organisé l'année dernière, le docteur Elisabeth Aubény s'était exprimée selon ces termes : "La méthodologie nous frappe encore. Aussi il paraît important que tous ceux qui interviennent auprès des adolescentes leur expliquent que l'ovulation peut avoir lieu à n'importe quel moment du cycle, qu'il faut protéger chaque rapport." Cela devrait être affiché dans les lycées.

Une remise à niveau des professeurs, qui sont censés enseigner cette matière pourrait aussi être envisagée. Il n'est pas possible d'enseigner à des élèves que la femme ovule le quatorzième jour et que, le reste du mois, elle ne risque rien. En tout cas, c'est ainsi que ces élèves l'interprètent. Les professeurs ont-ils suffisamment insisté sur le fait que l'ovulation peut avoir lieu avant ou après ? Les jeunes ont retenu que l'ovulation se fait le quatorzième jour, donc, qu'avant et après celle-ci, le rapport est sans risque. Or, la femme ovule à n'importe quel moment du cycle. Cette rectification devrait être transmise en priorité aux professeurs, ensuite il conviendrait de l'afficher dans les lycées.

Mme Martine Lignières-Cassou, présidente : Avez-vous pu mesurer l'acquis du travail collectif et de la parole de groupe ?

Mme Janine Mossuz-Lavau : Il est énorme. Les femmes qui pensaient être seules à avoir tel problème se sont aperçues que d'autres l'avaient également. Par exemple, dans les discussions des groupes de femmes musulmanes, le problème des relations contraintes a été évoqué. Elles disent qu'elles ont des maris qui sont demandeurs chaque soir. Pour leur part, certains jours, elles sont fatiguées, d'autres soirs, elles n'ont pas envie. Mais, dans leur culture, cela ne se fait pas de refuser son mari.

Certaines d'entre elles disent : "Si je suis vraiment fatiguée, il ne me force pas, il n'est pas méchant". D'autres disent qu'elles ne peuvent pas refuser. Certaines utilisent la ruse, qui ne marche pas toujours. L'une d'entre elles, dans le groupe, racontait : "Moi, j'ai un truc, je mets une couche, comme ça mon mari croit que j'ai mes règles et il me laisse tranquille." Une autre a répondu : "J'ai essayé, mais mon mari regarde dans la couche et s'il n'y a pas de sang, il me bat et il me viole". C'est un réel problème, qui est revenu à maintes reprises.

Mme Martine Lignières-Cassou, présidente : Dans le magazine "Transida", des groupes de paroles de femmes étaient présentés. En conclusion, les femmes souhaitaient que tous leurs échanges soient rapportés aux hommes. Vous semblerait-il nécessaire que le type de travail que vous avez conduit avec des femmes puisse être parallèlement conduit avec des hommes, quitte à établir des ponts à un moment donné ?

Mme Janine Mossuz-Lavau : C'était l'une des recommandations que je préconisais à la fin de ce rapport, à savoir l'organisation de groupes de paroles auprès des jeunes encore scolarisés. Je recommandais également d'organiser des groupes de paroles avec des femmes de milieux plus favorisés, car, il existe un réel problème avec les femmes des couches moyennes ou cadres supérieurs/professions libérales. Elles ne sont pas habituées à l'idée que des femmes hétérosexuelles puissent être contaminées par voie sexuelle et elles n'imaginent pas que cela pourrait leur arriver. Pour elles, cela arrive à des femmes toxicomanes, mais pour leur part, elles se sentent en dehors de cela.

Ma dernière recommandation était l'organisation de groupes de paroles avec des hommes issus de ces milieux défavorisés. On n'évolue pas, si on n'agit que sur les femmes. Il faut agir sur l'ensemble des populations concernées. Je ne sais pas si cette recommandation sera suivie, car les moyens financiers nécessaires sont relativement importants.

Une des raisons pour lesquelles ce programme a bien fonctionné, c'est que nous avons compris que, pour agir, il fallait agir dans la proximité des gens. Les campagnes télévisées ne sont pas suffisantes. Il faut aller toucher ces personnes là où elles sont et là où on ne va jamais, car elles ne feront pas la démarche d'aller à une conférence pour s'informer.

C'est pourquoi l'enquête que j'ai conduite présente le grand avantage sur d'autres enquêtes sur la sexualité, voire des enquêtes générales, de toucher le point aveugle des enquêtes, c'est-à-dire les personnes qu'on ne sollicite jamais. Les femmes que nous avons rencontrées par le biais des instances que je vous ai citées, ne sont jamais touchées par les enquêtes. Ce programme a été conduit dans la proximité, la durée et le concret, avec la manipulation des objets en question. Il a été très bien conçu.

Mme Martine Lignières-Cassou, présidente : En ce qui concerne le préservatif féminin, vous disiez que quand il a été utilisé, même si l'utilisation était relativement minoritaire (environ cent femmes), les trois quarts d'entre elles étaient majoritairement satisfaites. Est-ce un élément que vous avez repris dans vos préconisations, à savoir que les circuits de distribution soient accessibles et que le coût en soit diminué ?

Mme Janine Mossuz-Lavau : C'est ce que nous essayons de préconiser actuellement, c'est-à-dire une négociation avec le fabricant pour baisser le coût à l'unité et un effort des pouvoirs publics pour qu'il soit distribué aux femmes qui n'ont pas les moyens de l'acheter, dans le plus d'endroits possibles. Le Planning familial fournit déjà des préservatifs féminins, mais ce n'est pas suffisant. Il faut aussi engager une négociation avec les pharmaciens pour qu'il y ait un peu plus de pharmacies que les cinquante qui le vendent actuellement en France.

Mme Martine Lignières-Cassou, présidente : Vous allez, au mois de mars, publier un livre à partir de cette enquête sur la sexualité des hommes et des femmes.

Mme Janine Mossuz-Lavau : Tout à fait. Je vous ai livré la primeur du chapitre "Comment ils se protègent contre les risques sexuels" du livre à paraître, intitulé "La vie sexuelle en France".

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La Délégation aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes a ensuite entendu Mme Marie-France Casalis, conseillère technique auprès de la déléguée aux droits des femmes d'Ile-de-France, Mme Emmanuelle Piet, médecin de PMI et M. Jean-Claude Magnier, président de l'Association des centres d'orthogénie de l'AP-HP.

Mme Martine Lignières-Cassou, présidente : Nous avons le plaisir d'accueillir Mme Marie-France Casalis, conseillère technique auprès de la déléguée régionale aux droits des femmes d'Ile-de-France, qui a eu l'obligeance de nous communiquer les premiers résultats d'une enquête, menée, à l'initiative de la commission régionale de la naissance d'Ile-de-France, sur l'application de la loi relative à l'IVG et à la contraception.

Nous accueillons également Mme Emmanuelle Piet, médecin de PMI et M. Jean-Claude Magnier, président de l'Association des centres d'orthogénie de l'AP-HP. Nous avions déjà rencontré le docteur Jean-Claude Magnier, qui avait eu l'amabilité, il y a un an, de nous accueillir dans le centre d'IVG qu'il dirige à l'hôpital Bicêtre.

Nous souhaiterions savoir comment s'applique la loi relative à l'IVG et à la contraception dans la région Ile-de-France. Des problèmes particuliers ont-ils surgi du fait de l'allongement des délais et du fait des IVG de mineures désirant garder le secret vis-à-vis de leurs parents ? Des réticences se sont-elles manifestées chez des médecins ou des anesthésistes vis-à-vis de ces mineures ? La circulaire d'application du 28 septembre 2001 est-elle bien parvenue aux intéressés, médecins et personnels des centres d'IVG ? Vous parait-elle apporter une réponse satisfaisante aux problèmes posés ?

D'après l'enquête menée en Ile-de-France, la proportion des IVG pratiquées dans le secteur public ne dépasse pas 45,7 %. Les IVG pratiquées dans le secteur privé, soit 54,3 %, le sont-elles dans de bonnes conditions ? Quels sont les tarifs pratiqués ? La levée du contingentement, votée par amendement dans la loi, a-t-elle modifié les pratiques ? Où en est la pratique de l'IVG médicamenteuse dans le secteur public et privé ?

Les moyens supplémentaires, inscrits au budget de l'année 2000, pour renforcer les moyens du secteur public en personnel, ont-ils été suffisants ? D'autres questions se posent également en ce qui concerne la formation des praticiens, une meilleure prise en charge financière des actes médicaux pré-IVG, la revalorisation de l'acte d'IVG lui-même ainsi que l'IVG médicamenteuse, dans le cadre de réseaux entre médecins et établissements de santé.

Mme Marie-France Casalis : Je représente ici Mme Catherine Morbois, déléguée régionale aux droits des femmes. Mme Morbois n'a pas été nommée membre de la commission régionale de la naissance d'Ile-de-France lors de sa mise en place, mais seulement plus tard, lorsque notre service a dû revendiquer sa participation à cette commission, en se fondant sur la circulaire d'application de la loi relative à l'IVG.

Je commencerai par évoquer la commission régionale de la naissance d'Ile-de-France. Notre région n'a jamais été positive en matière d'application de la loi sur l'IVG et l'instauration d'un groupe de travail, chargé d'étudier la question, a été une grande innovation. La première difficulté rencontrée par ce groupe de travail tient au fait que ses membres devaient être issus de la commission régionale de la naissance, organisme en majeure partie composé de praticiens spécialisés dans la périnatalité, la procréation médicalement assistée, les bébés de petits poids, les transferts in utero, toutes questions capitales, mais qui n'ont guère de relations avec le travail d'un service d'IVG.

La circulaire d'application avait précisé que deux associations devaient participer à ce groupe de travail, l'une traitant des questions de contraception, l'autre des questions relatives à l'IVG. Pour les militants et les spécialistes de terrain, il ne pouvait s'agir que de l'ANCIC et du Mouvement français pour le planning familial. Or, cela n'a pas été le cas pour la commission régionale de la naissance d'Ile-de-France, qui ne comprend ni l'une ni l'autre de ces deux associations. Il s'est cependant constitué des groupes d'experts affiliés, qui sont écoutés et parmi lesquels nous avons peu à peu coopté des membres. Ainsi, grâce à la volonté d'un certain nombre de participants, nous avons pu compenser ce "handicap de naissance", mais je tenais à vous en faire part, car il me semble significatif de l'absence de vigilance quant à une bonne application de la loi.

Je vais maintenant vous présenter les principaux points du rapport de ce groupe de travail, qui n'est pas encore officiel.

Je peux dire, en notre nom à tous, praticiens ou responsables de cette région, déterminés à faire appliquer la loi relative à l'IVG, que nous sommes lassés des études et des bilans portant sur une région qui n'a jamais bien appliqué la loi sur l'IVG. Nous savons ce qui ne fonctionne pas bien et pourquoi. Nous voudrions maintenant que les moyens de dépasser ces difficultés historiques - qui se sont atténuées et ont pris d'autres formes - soient donnés aux services efficaces et déterminés à faire appliquer la loi.

En dehors de la mobilisation du ministère de l'emploi et de la solidarité, qui a été réaffirmée, notre moyen de progresser reste la loi et les règlements d'application. Ce sont nos meilleures armes. Il est donc important de rédiger des textes, même si parfois certains considèrent que l'Assemblée nationale légifère trop.

Mme Martine Lignières-Cassou, présidente : Dans le cas présent, nous avons été aux limites du travail législatif, lors de la discussion du texte. Quant au suivi de l'application de la loi, il fait partie de notre travail parlementaire.

M. Jean-Claude Magnier : Nous avons toutefois deux regrets : le problème d'une meilleure rémunération de l'acte d'IVG, qui est d'ordre réglementaire, et le remboursement de l'IVG par la Sécurité sociale, qui est d'ordre législatif. Il faudrait peut être modifier la loi pour que l'IVG ne se situe pas en dehors de la nomenclature et qu'elle ne soit donc pas traitée de manière particulière, sous forme de forfait. Par ailleurs, l'acte lui-même n'a pas été réévalué depuis 1991.

Ma deuxième observation concerne les structures accueillant les IVG. Le gouvernement a refusé d'inscrire les unités fonctionnelles dans la loi. J'étais présent dans les tribunes lorsque Mme la ministre a indiqué qu'elle était contre, au motif qu'il ne fallait pas mettre à part les IVG.

Or, c'est tout à fait le contraire : il s'agissait de leur donner une structure véritable. Les unités fonctionnelles proposées avaient pour but d'intégrer ces structures qui, historiquement, se sont créées, parce que les services officiels de l'hôpital ne voulaient pas prendre en charge les IVG. Les médecins qui pratiquent des IVG dans les hôpitaux veulent une structure qui les intègre réellement et les protège.

En ce qui concerne l'application de la loi relative à l'IVG entre 12 et 14 semaines, ce sont principalement les centres autonomes qui, en région parisienne, ont pratiqué ces IVG pendant l'été. En effet, certains chefs de service d'hôpitaux parisiens importants ont choisi délibérément de ne pas faire d'IVG entre 12 et 14 semaines.

Mme Martine Lignières-Cassou, présidente : En ce qui concerne les unités fonctionnelles, nous avons eu le débat à la fois en commission et en séance publique avec la ministre. Elle nous a indiqué que l'organisation en unités fonctionnelles était le sens même de la réforme hospitalière de 1992 et qu'il y aurait donc une certaine tautologie. Mais je comprends bien votre scepticisme.

M. Jean-Claude Magnier : Dans le Nord-Pas-de-Calais, l'Agence régionale d'hospitalisation a proposé de créer des unités fonctionnelles, lorsque sont pratiquées entre 400 et 800 IVG par an, et au-delà de créer un service. Nous n'avons jamais demandé la création de services, mais nous allons le faire, pour faire avancer les choses. En effet, seule cette solution permet la représentation des centres d'IVG dans les structures hospitalières, puisque celle-ci ne peut se faire que par le biais d'un service. Une unité fonctionnelle n'est représentée de droit que par le chef de service, au niveau de la commission médicale d'établissement. S'il y a des services d'IVG, il y aura au moins une personne qui pourra évoquer la pratique des IVG.

Mme Marie-France Casalis : C'est nécessaire, car, jusqu'à présent, dans notre région, les IVG ont été laissées à la charge de militants volontaires qui ne trouvent pas, dans les jeunes générations, de candidatures suffisantes pour répondre aux besoins de demain.

Je voudrais souligner, auprès de votre Délégation, les nouvelles difficultés en matière d'IVG, tout en gardant à l'esprit qu'en Ile-de-France, les difficultés étaient antérieures à la modification législative et qu'elles sont connues. Il est insupportable d'imaginer qu'aujourd'hui, en Ile-de-France, il faut trois semaines pour obtenir un premier rendez-vous d'IVG. Il en découle des problèmes de délai pour les femmes se présentant à neuf semaines de grossesse.

Certaines d'entre vous ont peut-être vu un reportage réalisé avec une caméra cachée et présenté au journal télévisé d'Antenne 2 le 1er novembre ? Une journaliste s'est rendue à l'hôpital Bichat et à l'hôpital de la Salpétrière pour demander une IVG à neuf semaines de grossesse. On lui a répondu, dans l'un, que la loi ne le permettait pas et, dans l'autre, que c'était légal, mais que personne ne le ferait. La circulaire du 28 septembre est donc indispensable et elle était impatiemment attendue. Je ne saurais dire si elle est arrivée dans tous les lieux concernés, mais elle devrait certainement faire l'objet de concertations à l'intérieur de l'institution hospitalière.

Mme Emmanuelle Piet : Le département de Seine-Saint-Denis, où la pratique des IVG fonctionne bien, connaît néanmoins quelques difficultés. Six hôpitaux publics y pratiquent des IVG. Il y a dix ans, il y avait vingt-six cliniques privées, qui maintenant ne sont plus que dix-huit. De plus, la situation ne s'améliore pas en raison de la grève de l'été dernier, motivée par le fait que la tarification des IVG n'a pas été réévaluée depuis le décret de 1991. Nous nous étions battues pour que le forfait ne soit pas élevé, car nous considérions qu'il ne fallait pas médicaliser l'IVG, mais c'est une bataille que nous avons perdue. Très peu de praticiens font des IVG sans échographie. La consultation pré-anesthésique est de droit pour tous les actes qui nécessitent une anesthésie. L'IVG en est un. La recherche du facteur rhésus, de même que le sérum, qui permet l'immunisation des femmes ayant un rhésus négatif, n'est pas compris dans le forfait IVG.

Il est indispensable que la nomenclature soit révisée, en matière de forfait des examens biologiques avant l'IVG. Dans le même ordre d'idée, le décret sur le prix du stérilet indiquait qu'il ne devait pas coûter plus de 220 francs, alors que les laboratoires le vendent 290 francs. Les pharmaciens ne l'ont donc pas appliqué. Une réévaluation est vraiment une étape indispensable.

Par ailleurs, la pénurie massive de médecins est compensée, dans nos hôpitaux publics, par des médecins étrangers. Pour ma part, dans les hôpitaux du département, il y a eu successivement, affectés aux IVG, un Polonais intégriste, un Marocain intégriste et un Irakien intégriste ! Je vous laisse imaginer comment ces médecins peuvent pratiquer des IVG, qui leur sont imposées et vont à l'encontre de leurs convictions. Les femmes en ont vraiment souffert. Il y a un réel problème entre les convictions des médecins et la politique du service qui pratique les IVG. Comme le chef de service ne fait pas d'IVG lui-même, il oblige donc son médecin irakien à les faire, ce qui n'est pas une situation facile.

Le service d'IVG doit être considéré comme un vrai service. C'est pourquoi je soutiens l'idée des unités fonctionnelles. Dans une maternité de base, l'IVG est la cinquième roue du carrosse pour le chef de service. Aussi, l'été, lorsqu'il y a pénurie d'infirmières, le service des IVG en pâtit systématiquement. Cet été, un hôpital du département avait un médecin, une infirmière et une aide-soignante, mais aucune secrétaire pour prendre les rendez-vous. Le médecin devait téléphoner lui-même pour indiquer que son service était à même de recevoir des femmes ! L'hôpital avait refusé de remplacer la secrétaire du centre d'IVG.

Mme Marie-France Casalis : Cela rejoint le problème des difficultés budgétaires hospitalières, qui, pour certains relèvent de la réglementation, et, pour d'autres du budget interne. L'enveloppe budgétaire distribuée en 2000 n'a servi qu'à réduire les distorsions préexistantes. Elle n'a pas permis d'améliorer les choses.

Le système de vacation ne permet pas le remplacement pendant les congés, ce qui conduit, chaque année, à une crise estivale. Ce fut d'ailleurs l'une des motivations de Mme Martine Aubry pour promouvoir les plates-formes téléphoniques d'information. Cette crise estivale se rencontre désormais en Ile-de-France tout au long de l'année, en raison de la fermeture d'établissements du secteur privé.

J'ai été très impressionnée par l'enquête du journal "Libération" dans la région Rhône-Alpes, selon laquelle les femmes demanderaient plus tardivement une IVG - ce qui est parfaitement inexact - parce que de nombreux établissements ne pratiquant pas l'avortement médicamenteux les font attendre, en cas de demande précoce.

La question est tellement cruciale que la délégation aux droits des femmes d'Ile-de-France avait publié, en 1993, un premier guide de l'ensemble des centres de planification de la région, avec la collaboration de l'Observatoire régional de la santé. Ce guide comprenait les horaires, les spécificités de ces centres et diverses autres informations. Nous avons en projet un nouveau guide, qui recensera à la fois la liste des lieux où l'on peut obtenir une IVG et celle des centres de planification familiale. Nous avons obtenu auprès de la DRASS, mais seulement l'année dernière, la liste des centres pratiquant les IVG en Ile-de-France. C'était la première fois qu'ils étaient ainsi tous listés. Depuis, nous attendons une actualisation. La modification législative conduisant à la liberté d'information en ce domaine a été très importante. Cette simple constitution par l'Observatoire régional de santé du fichier des centres d'IVG avec les techniques utilisées - RU, anesthésie locale ou générale - est une vraie innovation. Mais, l'une des grandes faiblesses de l'enquête diligentée par la DRASS, dont vous aurez bientôt les résultats, est sa non-fiabilité. En effet, certains services indiquent pratiquer une technique, alors qu'ils ne la pratiquent pas ; leur réponse officielle est toujours très positive.

M. Jean-Claude Magnier : En ce qui concerne le secteur public, il ne faut pas oublier que les centres d'IVG, qui pratiquent réellement les interruptions de grossesse, sont des centres qui, historiquement, se sont créés en s'opposant à la structure hospitalière. On n'a jamais donné les moyens aux médecins qui pratiquent réellement les IVG de travailler correctement, et cela vaut pour l'ensemble du territoire.

Selon Mme Chantal Birman, sage-femme libérale, qui travaille également à la maternité des Lilas et qui fait partie de la commission régionale de la naissance, on ne calcule le fonctionnement des personnels que sur douze mois, alors qu'on devrait le calculer sur treize mois, puisque l'IVG, comme les accouchements, sont des activités qui ne connaissent pas de chute saisonnière. Ce sont simplement les moyens permettant de répondre à cette demande qui varient. Les unités fonctionnelles permettent d'assurer le fonctionnement des services, mais il faut aussi trouver les moyens de financer un personnel supplémentaire.

Par ailleurs, un autre élément n'est jamais pris en compte. Dans un service ayant d'autres activités que l'IVG, les femmes viennent aux rendez-vous fixés. En revanche, dans un service d'IVG, environ 25 % des femmes ne se présentent pas aux rendez-vous. En juillet, période difficile pour trouver du personnel, alors que nous pratiquons entre 70 et 80 IVG par mois, onze femmes ayant effectué toute la procédure jusqu'au moment de l'IVG, ne l'ont pas réalisée. Pour nous, cela signifie une perte de onze places, alors que nous n'en avons déjà pas beaucoup. Dans la prise en compte des moyens pour les IVG, c'est un aspect à considérer. C'est une activité très fluide et très compliquée à gérer. Par exemple, personne ne connaît le nombre de femmes qui ne trouvent pas de solutions en France. Le MFPF est le plus à même de le savoir, car il organise des voyages et beaucoup de médecins leur envoient les femmes qui ont dépassé les délais. Mais, depuis la nouvelle loi, je ne sais pas s'ils ont autant d'affluence.

Mme Marie-France Casalis : Comme l'avait rappelé Mme Danielle Gaudry, lors d'une audition à l'Assemblée il y a dix-huit mois, les IVG à 12-14 semaines d'aménorrhée représentent une partie importante des femmes qui sont hors délais, mais il y a aussi les grands délais dépassés. Certains sont inévitables, car ils sont provoqués par des circonstances de vie, des accidents, des problèmes profonds. Mais, il est vrai que plus nous développerons la diffusion de la contraception d'urgence auprès des mineures, voire une publicité et une information sur ces questions, plus nous verrons les délais se réduire.

On a pu constater, dans les pays où les lois permettent des délais plus longs qu'un bon accès à la contraception entraîne une réduction du nombre des IVG tardives. Mais il y en aura toujours. Dans ces situations, les praticiens honnêtes doivent écouter la détresse de la femme et y répondre.

Sur la question des IVG à 12-14 semaines, il semble que l'on observe en ce moment un blocage très fort de certains praticiens. Il faut réfléchir sur ce point. Certains services ne pratiquaient déjà pas les IVG à 10 semaines. Il était assez fréquent, dans certains hôpitaux parisiens, que la fin du délai précédent ne soit déjà pas prise en considération. A force de réduire le délai de prise en charge, nous sommes toujours en retard de trois semaines sur le délai légal.

A cet égard, je pense que la diffusion des recommandations de l'ANAES peut être un élément important. Le collège des obstétriciens devrait évoquer ce problème, lors de son congrès. Actuellement, il est nécessaire que les médecins échangent, publient, discutent, accueillent en formation. Je pense à certains médecins, qui se sont rendus en Hollande pour étudier la pratique des IVG avec anesthésie locale.

J'évoquais tout à l'heure l'étroitesse des méthodes pratiquées en Ile-de-France. Non seulement l'IVG médicamenteuse est peu pratiquée dans la région, mais le recours à l'anesthésie locale est peu répandu. Il y a quinze ans, nous avions déjà un retard avec la région Nord-Pas-de-Calais, en ce qui concerne l'utilisation de l'anesthésie locale. Il est étonnant que les praticiens d'Ile-de-France ne soient pas capables d'utiliser cette méthode.

M. Jean-Claude Magnier : Dans le Nord, certains centres ne pratiquent les IVG que sous anesthésie locale. A l'Assistance publique de Paris, le centre de Louis Mourier utilise presque exclusivement cette méthode. A l'hôpital Broussais, le service d'IVG a perdu son anesthésiste, du fait que l'hôpital s'est vidé de la plupart de ses activités. En revanche, le centre de Corentin Celton, avec mille IVG par an, ne pratique presque que des anesthésies générales.

En ce qui concerne les anesthésistes, en nombre insuffisant, ils n'ont pas soulevé de problèmes au sujet des mineures sans autorisation parentale. Cela m'a beaucoup surpris.

Mme Martine Lignières-Cassou, présidente : Vous ont-ils parlé des recommandations élaborées par la Société française d'anesthésie et de réanimation ?

M. Jean-Claude Magnier : Je n'en ai pas entendu parler. Le problème de l'anesthésie est important, car même si l'on veut développer l'avortement médicamenteux, il faut savoir que cette méthode impose une décision rapide, puisqu'il y a une semaine de délai de réflexion et que l'urgence ne vaut que pour les IVG de 13 à 14 semaines. En l'occurrence, il faudrait accueillir les femmes à six semaines maximum d'aménorrhée. Quand le décret instituant des réseaux entre l'hôpital et les médecins de ville se mettra en place, cette pratique pourra être plus accessible, sous réserve que les femmes ne souhaitent pas être hospitalisées, ce qui n'est pas certain en France.

Mme Marie-France Casalis : C'était ma position, il y a douze ans, aux débuts de l'utilisation de la mifégyne. Je ne croyais pas du tout à son développement, car l'IVG médicamenteuse me semblait difficile à vivre. Lors d'un colloque, en janvier 1991, où intervenait Mme Elisabeth Aubény, nous avions pourtant pu constater que beaucoup de femmes choisissaient cette technique, quand un service traitait de la douleur accompagnant l'évacuation du foetus ; il s'agissait de femmes jeunes, accompagnées, qui vivaient cette démarche d'une façon très positive.

La réticence tout à fait compréhensible que certaines peuvent éprouver, n'a pas eu l'impact que l'on aurait pu redouter au départ.

Mme Emmanuelle Piet : J'ai pour ma part, une expérience plus ancienne, lorsqu'au Planning, il y a seize ans, nous avions décidé de pratiquer des IVG avec aspiration précoce en centre de planification, sans aucune hospitalisation. En deux mois, nous avions reçu deux cents femmes, qui s'étaient alertées à moins de douze jours de grossesse. Quand nous avons arrêté cette pratique, elles nous ont fait savoir leur mécontentement pendant plus de six mois. Je suis persuadée que les femmes seraient tout à fait intéressées par des structures de proximité, sans hospitalisation.

M. Jean-Claude Magnier : Pour l'heure, nous n'en avons pas encore la possibilité. Cette pratique est tout à fait intéressante, mais je ne sais pas si cela résoudra le problème du nombre d'IVG. Nous le verrons dans dix ans, quand les médecins de ville seront formés.

Une étude faite en 1994, alors que Mme Simone Veil était ministre de la santé, montrait que la plupart des médecins pratiquant les IVG en France étaient des généralistes et des gynécologues médicaux, mais pas des obstétriciens.

Actuellement, on parle beaucoup de gynécologie médicale. Dans les projets de programmes du certificat universitaire d'obstétrique, ne figurent ni la contraception, ni l'orthogénie, disciplines qui ne sont enseignées qu'en gynécologie médicale. Il serait pourtant raisonnable que les obstétriciens s'en chargent, mais cela les intéresse si peu que, lorsqu'ils ont élaboré ce cursus, ils les ont oubliées !

Les médecins généralistes ne sont pas non plus bien formés à la gynécologie. Ils recevront peut-être une formation de trois mois, mais ce ne sera pas suffisant pour apprendre la pratique de l'IVG et de la contraception. A l'hôpital Bicêtre, nous en avons reçu quelques uns, mais peu se sont intéressés à la pratique des IVG. Je ne sais pas comment nous allons faire lorsque les praticiens actuels partiront à la retraite. Le développement des réseaux sera peut-être une solution, mais je n'y crois guère.

Mme Marie-France Casalis : Dans les propositions que nous avions formulées, il y avait la mise en place d'une formation médicale pluridisciplinaire sur ces questions. Il faut que ces praticiens se sentent non seulement accompagnés, mais aussi reconnus dans un acte qui a été, jusqu'à présent, méprisé par la société, le monde médical, les obstétriciens, et une partie des personnels.

Le reportage diffusé à Antenne 2 sur la façon dont les personnels répondent aux demandes d'IVG en est une illustration. Il concernait la région parisienne, mais on peut imaginer la situation dans un département isolé et très conservateur !

Une autre difficulté, à nos yeux, tient aux modalités financières, qui ne sont pas les mêmes selon les lieux où est pratiquée l'IVG. Dans les établissements publics, les femmes ont accès à l'aide médicale d'Etat, à la CMU et au tiers payant. Tout est complètement différent, lorsqu'elles sont obligées de s'adresser au secteur privé.

Vous avez posé la question de savoir si nous étions satisfaits de la pratique du secteur privé. Ce qui est satisfaisant, c'est la rapidité de la réponse et généralement un style commercial correct. Mais, dans cette région où le secteur privé assume une grande partie des IVG, nous sommes très gênés, car, s'il respecte les tarifs officiels, d'autres frais sont toujours ajoutés.

Mme Emmanuelle Piet : Les tarifs officiels ne sont pas respectés par le secteur privé, car il y a des dessous de table. En Seine-Saint-Denis, certaines IVG reviennent à plus de 3 500 francs.

M. Jean-Claude Magnier : Il m'arrive de pratiquer des IVG dans une clinique privée, où les tarifs sont respectés. En revanche, cette clinique n'accepte pas le tiers-payant, parce que les remboursements par les caisses d'assurance maladie sont beaucoup plus compliqués pour les IVG que pour les autres actes. Aussi, pour une somme aussi peu élevée, les établissements qui respectent les tarifs ne souhaitent-ils pas s'astreindre à remplir les papiers qui leur permettraient d'obtenir un remboursement, trois mois après.

Mme Marie-France Casalis : Il faudrait redonner à l'IVG une place ordinaire parmi les autres actes.

M. Jean-Claude Magnier : L'IVG est un forfait, car lorsqu'on a évoqué son remboursement, les anesthésistes venaient d'obtenir d'être rémunérés au minimum au Kc 25, quels que soient leurs actes. A cette époque, les anesthésistes étaient rémunérés la moitié de l'acte. L'IVG étant classée Kc 30, les anesthésistes auraient dû être rémunérés au Kc 15, ce qui aurait fait Kc 45 et les femmes recourant à l'IVG sous anesthésie générale n'auraient pas été remboursées à 100 %. Comme les anesthésistes ont obtenu un minimum de Kc 25, l'IVG sous anesthésie était cotée Kc 55, donc remboursable à 100 %, ce que ne voulait pas le gouvernement de l'époque. D'où une cotation au forfait, ce qui a entraîné de nombreux dysfonctionnements.

Mme Marie-France Casalis : J'attends beaucoup du développement de l'avortement médicamenteux. Je considère que vous avez gagné une partie très difficile, qui conduira à un accès plus normal à l'IVG.

Mme Martine Lignières-Cassou, présidente : Le décret sur l'IVG médicamenteuse est le plus difficile à mettre en oeuvre. La mise en place du réseau lui-même ne pose pas nécessairement problème ; en revanche, faciliter l'accès à la mifégyne, substance vénéneuse qui devra être déclassée, suppose d'autres modifications réglementaires. Par ailleurs, il faudra déterminer si c'est la femme qui ira chercher la mifégyne et où. Il n'est pas possible que ce soit chez le pharmacien, car elle pourrait omettre de retourner voir le médecin et le prendre seule. Une autre solution serait que le médecin dispose d'un stock de mifégyne.

Mme Marie-France Casalis : En ce qui concerne l'enveloppe budgétaire supplémentaire de l'année 2000...

Mme Martine Lignières-Cassou, présidente : Elle est reconduite en 2001.

Mme Emmanuelle Piet : J'avais été frappée d'entendre Mme Quatremars dire qu'elle avait des fonds pour les IVG, mais qu'elle ne pouvait pas les dépenser, parce qu'aucune demande n'était remontée des hôpitaux. Lorsque des crédits ont été débloqués par l'Agence, j'ai pourtant téléphoné dans tout mon département, mais les demandes n'ont jamais franchi la direction de l'hôpital. Il faut savoir qu'en matière d'IVG, les gros hôpitaux préfèrent ne pas demander de crédits. Je pense au service d'IVG de l'hôpital de Montreuil, qui pratique plus de mille IVG par an, en ne disposant que d'une secrétaire et d'une conseillère conjugale. Le chef de service est pourtant d'accord pour demander des fonds, mais l'hôpital n'en fait pas la demande, car il considère que cette activité est honteuse.

Mme Marie-France Casalis : Ce sujet a été traité par la commission régionale de la naissance, lorsqu'il a été annoncé qu'il y avait eu très peu de demandes, alors que l'on manque de tout. Il y a une espèce de double langage, de double gestion assez surprenante : on est souvent ballotté d'un service à l'autre, d'une administration à l'autre, avec une faible transparence.

La fameuse traçabilité des crédits affectés n'existe pas. Il n'y a pas qu'en matière d'IVG que nous rencontrons ce problème. Il en est ainsi également pour les urgences médico-judiciaires, dont chaque acte est pris en charge par les frais de justice. Par exemple, pour l'Hôtel-Dieu de Paris - grosse unité médico-judiciaire, reçevant un grand nombre de personnes - la somme correspondant aux actes est "pompée" par la direction centrale de l'hôpital. Aucune structure médico-judiciaire en Ile-de-France ne reçoit l'argent déboursé. Les fonds reviennent à l'hôpital qui décide et prend sa quote-part ; pendant ce temps, nous n'avons pas de praticiens, mais deux vacataires et une psychologue bénévole à l'Hôtel-Dieu. Nous avons souvent imaginé que cela ne concernait que l'Assistance publique, mais, apparemment, la situation est identique dans les autres hôpitaux.

J'aurais souhaité évoquer un autre élément devant vous. Dans le premier bilan des actions de la commission régionale de la naissance, deux cents centres sont recensés en Ile-de-France comme pratiquant des IVG. Ne croyez pas que cela signifie que ces deux cents centres pratiquent quatre cents, six cents, huit cents, voire mille IVG. Certains sont recensés pour pratiquer des IVG, alors qu'ils n'en font que deux, trois, ou huit. Il est quand même extraordinaire de voir ces deux cents centres recensés, alors qu'ils ne font que deux IVG par semaine, qui sont d'ailleurs le plus souvent des interruptions médicales de grossesse (IMG) !

M. Jean-Claude Magnier : Dans l'étude faite par la DRASS en Ile-de-France, il y avait effectivement un mélange des deux activités : IVG et IMG.

Mme Marie-France Casalis : En ce qui concerne les interruptions médicales de grossesse, serait-il possible de les autoriser en cas de viol ?

Mme Martine Lignières-Cassou, présidente : Nous n'avons pas voulu faire une liste des indications permettant une IMG ; nous n'avons fait que modifier l'accès à celle-ci.

Mme Marie-France Casalis : Cela me choque de penser qu'en l'an 2001, on est encore obligé d'envoyer des femmes à l'étranger, comme cette petite Zaïroise qui, violée, a dû se rendre en Hollande.

Mme Martine Lignières-Cassou, présidente : Nous avons mis en place des commissions médicales pour les IMG, dans lesquelles le médecin de la femme pourra siéger et où la femme ou le couple pourront être entendu.

Mme Marie-France Casalis : J'aborderai enfin la question des plates-formes téléphoniques. En Ile-de-France, elle a fonctionné dans un premier temps avec des horaires réduits. Aujourd'hui, elle est accessible de 12 à 19 heures. Cette structure n'est pas aussi nécessaire dans certains départements que dans d'autres. Elle l'est moins là où des centres de planification sont bien implantés, comme en Seine-Saint-Denis. En revanche, dans des départements très étendus comme la Seine-et-Marne, les Yvelines ou l'Essonne, c'est un instrument intéressant, qui permet de faire sortir du silence un certain nombre de problèmes.

Mme Emmanuelle Piet : En ce qui concerne la contraception d'urgence en milieu scolaire, il y a deux problèmes. L'établissement scolaire doit acheter lui-même le Norlevo, selon ses besoins. Dans mon département, nous avons choisi de le fournir avec des crédits spéciaux, à la fois aux lycées et aux collèges. Nous avons acheté de quoi donner aux infirmières un fonds de roulement de trois boites, à charge pour elles d'en demander d'autres et de remplir un questionnaire scolaire.

Le contexte scolaire s'est révélé difficile. Dans un certain nombre de cas, sortir de l'établissement est un calvaire pour la jeune fille, car tout le monde sait qu'elle est sortie avec l'infirmière. Des aménagements ont été faits par téléphone avec les centres de Planning. Mais en raison du flou juridique entourant les infirmières scolaires, la question n'a pas été facile à traiter. Néanmoins, sur l'ensemble du département, elles ont donné, l'année dernière, 60 boîtes de Norlevo. Mais, un plus grand nombre de jeunes filles l'avaient demandé. Un problème demeure, c'est que les infirmières ne disposent pas de fonds pour cet achat. J'ai proposé que l'achat soit fait au niveau départemental ou régional, mais ce n'est pas possible.

Mme Martine Lignières-Cassou, présidente : La distribution du Norlevo dans les pharmacies à titre gratuit pourrait-elle constituer une réponse ?

Mme Emmanuelle Piet : Il serait préférable que la jeune fille rencontre l'infirmière qui peut lui donner des explications.

Mme Martine Lignières-Cassou, présidente : Qu'en est-il de la situation en zone rurale ?

Mme Marie-France Casalis : Dans les zones rurales, la difficulté provient du fait qu'il n'y a presque plus de pharmacies et de centres de planification. Par ailleurs, quand il y a encore une pharmacie, les jeunes filles préfèrent se rendre à la ville voisine pour des raisons de confidentialité. L'idée de l'infirmerie scolaire serait une solution pour ces zones rurales.

Mme Emmanuelle Piet : Il faudrait que soient fournies aux établissements scolaires les boites, et non pas l'argent.

Mme Martine Lignières-Cassou, présidente : Ou alors que les pharmaciens approvisionnent l'infirmerie.

Mme Emmanuelle Piet : Il n'est pas possible de laisser cet approvisionnement à la discrétion des chefs d'établissement.

M. Jean-Claude Magnier : Je voudrais évoquer un problème qui concerne les mineures, à savoir l'imprécision des textes sur la façon de recueillir le consentement. En effet, le praticien peut recueillir ce consentement comme il le souhaite et les parents n'ont pas à venir signer devant lui. Cela m'amène à deux questions. Doit-on relever l'identité de la personne qui accompagne la mineure et lui faire signer un document qui dit qu'elle a bien compris le rôle que lui confie la loi  ?

Mme Martine Lignières-Cassou, présidente : C'est hors de question, ce n'est pas le sens que nous avons voulu donner à la loi.  Nous n'avons pas voulu préciser si la personne accompagnante assiste à l'entretien social, est présente lors de la consultation chez le médecin, pendant l'acte, ou à la sortie. Il y a cependant une demande des médecins, notamment des anesthésistes, qui seraient rassurés, lorsqu'il n'y a pas de consentement parental, que l'on mette par écrit le nom de la personne majeure qui accompagne la mineure, pour les cas de complications éventuelles.

M. Jean-Claude Magnier : Sur le terrain, nous considérons qu'il faut relever l'identité de la personne et la rencontrer.

Mme Martine Lignières-Cassou, présidente : Mais non pas lui faire signer une attestation ! Que cette personne majeure donne son nom, qu'elle se présente, ce sont des éléments intéressants pour une analyse sociologique, mais aller au-delà et recueillir sa signature me paraît dangereux.

M. Jean-Claude Magnier : Ma deuxième question concerne la gratuité de l'acte chez les mineures. Ont-elles la gratuité de fait, même avant la parution des décrets ? Certaines mineures prétendent ne pas avoir le consentement parental pour obtenir la gratuité.

Mme Emmanuelle Piet : Les mineures ont droit à la gratuité de l'acte, même sans le consentement parental.

M. Jean-Claude Magnier : Pour notre part, nous nous efforçons d'avoir ce consentement afin que s'établisse un dialogue entre la mineure et ses parents.

Mme Martine Lignières-Cassou, présidente : Nous avons bien pris note de toutes vos observations.

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