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Assemblée nationale

COMPTE RENDU

ANALYTIQUE OFFICIEL

Session ordinaire de 1997-1998 - 117ème jour de séance, 262ème séance.

SÉANCE DU LUNDI 29 JUIN 1998

PRÉSIDENCE DE M. André SANTINI

vice-président

SOMMAIRE :

DROIT D'UTILISATION À TEMPS PARTIEL DES BIENS IMMOBILIERS -deuxième lecture- (procédure d'examen simplifiée) 1

    EXPLICATIONS DE VOTE 3

ACCÈS AU DROIT 3

ORDRE DU JOUR DE LA SESSION EXTRAORDINAIRE 14

ACCÈS AU DROIT (suite) 15

La séance est ouverte à quinze heures.


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DROIT D'UTILISATION À TEMPS PARTIEL DES BIENS IMMOBILIERS
-deuxième lecture-
(procédure d'examen simplifiée)

L'ordre du jour appelle la discussion, en deuxième lecture, du projet de loi sur l'acquisition d'un droit d'utilisation à temps partiel de biens immobiliers.

Mme Elisabeth Guigou, garde des sceaux, ministre de la justice - Ce projet de loi vise à remédier aux conséquences des méthodes abusives de commercialisation utilisées par certains opérateurs, qui exploitent le désir de tout un chacun de disposer, périodiquement et pour une certaine durée, d'un lieu de vacances.

Dans ce but, il règlemente la formation du contrat passé entre un professionnel et un consommateur, afin de garantir à ce dernier une information et un délai de réflexion suffisants avant de s'engager.

Je souhaite vivement que ce texte soit adopté sans tarder. En effet, la France a largement dépassé la date limite de transposition, fixée au 29 avril 1997, et un avis motivé de la Commission lui a été notifié le 22 janvier 1998. De plus, il importe que le dispositif de protection, qui répond à un réel besoin, entre en vigueur le plus vite possible.

Les points restant en discussion ne touchent pas à l'essentiel du dispositif. En ce qui concerne l'offre de contracter, le Sénat a modifié la disposition relative à l'évolution des charges et prévu un arrêté ministériel pour préciser l'environnement de l'immeuble et l'affiliation à une bourse d'échanges. Il a par ailleurs minoré le montant des amendes.

Votre commission des lois, malgré une certaine réticence vous propose, dans un souci de conciliation et d'efficacité, d'adopter le texte conforme. Je m'en félicite et vous invite à la suivre.

Je tiens aussi à la remercier tant pour le travail précédent que pour sa sagesse d'aujourd'hui. Ainsi contribuera-t-elle à éviter aux personnes démarchées de nouvelles mésaventures cet été, période particulièrement propice à la conclusion de contrats de jouissance d'immeuble à temps partagé. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste)

M. Jacky Darne, rapporteur de la commission des lois - Il suffit, pour se convaincre de l'intérêt de ce projet, de lire le dernier numéro de 60 millions de consommateurs, qui dénonce les pratiques de certains professionnels et invite les consommateurs à la plus grande prudence. Désormais, ces derniers seront mieux informés de la nature du bien, de son environnement, de son coût et des charges. L'offre devra être acceptée par lettre recommandée -c'est une innovation juridique. Le texte prévoit également une période pendant laquelle le consommateur pourra se rétracter, les professionnels ne pouvant alors percevoir des fonds.

Ce texte est donc favorable aux consommateurs, mais également à l'ensemble de ce secteur, non seulement parce qu'il permettra de restaurer la confiance mais aussi parce que les professionnels du tourisme pourront désormais commercialiser de tels produits, ce qui devrait permettre de rattraper notre retard.

Les sénateurs ont, pour l'essentiel, accepté les modifications que nous avions apportées en première lecture, même si d'autres amendements ont quelque peu atténué la portée du texte. Ils ont ainsi modifié les dispositions relatives à l'information du consommateur sur l'évolution des charges, estimant qu'il y avait là source de contentieux. Ne devront être communiquées que les charges des trois dernières années, sauf pour un bien neuf, où l'on devra mentionner l'augmentation prévue. Même s'il convient d'éviter de susciter la méfiance des consommateurs, l'information prévue marque un progrès par rapport au texte initial.

Le Sénat a par ailleurs prévu que les informations contenues dans l'offre feront l'objet d'un arrêté. Je ne vois pas bien ce que cela apporte, mais si offrir une certaine souplesse aux professionnels garantit une meilleure application de la loi...

Enfin, il a ramené les sanctions de 200 000 à 100 000 F en cas de non-respect des obligations de l'offre, et de 300 000 à 200 000 F dans le cas où le professionnel a perçu de l'argent lors de la période de rétractation. Cela ne me semble pas non plus indispensable, mais je peux y souscrire si cela conduit les tribunaux à appliquer les sanctions maximales.

Ces modifications ne m'enthousiasment guère, mais elles n'ont que peu d'effet sur l'équilibre général. La commission a donc jugé bon de voter ce texte conforme afin qu'il soit appliqué au plus vite, si possible dès cet été.

Notons toutefois que l'Espagne, la Grèce et l'Italie, principaux pays du secteur, n'ont pas non plus transposé la directive. Le texte perd évidemment de l'importance s'il n'est pas appliqué dans tous les pays concernés par ce type de marché immobilier. Je souhaite donc que la Commission européenne invite ces pays à transposer rapidement la directive, de façon à protéger les consommateurs français et européens. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste)

M. Gilles Carrez - En transposant une directive européenne, ce projet de loi vise à protéger les acquéreurs de biens immobiliers à temps partiel par une information qui les éclaire.

Notre assemblée ayant, en première lecture, adopté les articles 2 et 3 sans modification, seul l'article premier reste en discussion. Le Sénat a eu raison d'en remanier la rédaction, car certains amendements adoptés ici en première lecture posaient problème.

Le premier amendement du Sénat vise à remplacer l'obligation faite au professionnel d'indiquer dans le contrat le mode d'évolution prévisible des charges par une information relative à leur taux d'augmentation au cours des trois années précédentes ou, à défaut, par une mention sur l'éventualité d'un accroissement substantiel.

J'avais déjà souligné, pour ma part, l'évolution de la fiscalité locale. Je préfère donc la solution sage adoptée par le Sénat à votre manque d'enthousiasme, Monsieur le rapporteur.

Le deuxième amendement prévoit qu'un texte réglementaire fixera le contenu des informations devant figurer dans l'offre.

Le troisième ramène à des montants raisonnables les amendes infligées en cas de non-respect de ces obligations.

Enfin, le dernier érige en délit le fait de proposer une offre dépourvue des informations obligatoires.

Ces modifications ne modifient pas l'économie du projet et maintiennent l'équilibre de la relation commerciale.

L'entrée en vigueur rapide du projet de loi permettra aux acquéreurs de reprendre confiance et dynamisera un secteur où la France est en retard par rapport aux autres pays européens.

Le groupe RPR le votera.

EXPLICATIONS DE VOTE

M. Gérard Gouzes - Le groupe socialiste est satisfait de voir les consommateurs mieux protégés contre des pratiques douteuses, telles que la publicité agressive ou mensongère, ou la difficulté de réaliser des échanges.

L'encadrement des contrats, le délai de réflexion, le privilège de juridiction, la constatation et la poursuite des délits, l'adaptation de la loi du 2 janvier 1970, autant d'avancées considérables dans un domaine où on invente chaque jour de nouveaux types de contrats.

Même si la discussion au Sénat a pu être décevante, le groupe socialiste votera ce projet.

L'ensemble du projet de loi, mis aux voix, est adopté.


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ACCÈS AU DROIT

L'ordre du jour appelle la discussion du projet de loi relatif à l'accès au droit et à la résolution amiable des conflits.

Mme Elisabeth Guigou, garde des sceaux, ministre de la justice - La demande de nos concitoyens à l'égard de la justice est immense. Leur premier souci est l'amélioration de la justice quotidienne ; j'en ai fait ma priorité, vous le savez. Ce projet en est une nouvelle illustration.

Lors de la discussion de la réforme du Conseil supérieur de la magistrature, nous avons eu des débats importants sur les rapports entre le pouvoir politique et l'autorité judiciaire, sur la place de la justice dans la démocratie et le statut des magistrats. Mais, dans le même temps, je m'attache, par des mesures déjà en vigueur ou des projets, moins médiatisés certes que les précédents, à l'amélioration de la justice quotidienne : je pense au budget 1998, qui prévoit la création de 800 emplois de fonctionnaires de greffe et de 220 assistants de justice, au concours exceptionnel de recrutement de deux fois 100 magistrats, à la mission de réforme de la carte judiciaire, à la création de pôles financiers, à la déconcentration accélérée de la gestion des juridictions, au renforcement de l'administration des cours d'appel, à l'augmentation des crédits pour la rénovation des tribunaux, les moyens informatiques, les voitures et les téléphones portables des magistrats, à la création à titre expérimental de cinq guichets uniques de greffe qui fournissent l'ensemble des renseignements dont a besoin un justiciable...

Ces mesures sont très importantes pour les magistrats et les fonctionnaires des greffes, qui, dans des conditions de travail souvent difficiles, s'attachent à rendre une justice de qualité.

Ces nouveaux moyens apportés aux juridictions, comme les deux projets de loi actuellement en discussion devant la représentation nationale, visent à améliorer la qualité de la justice quotidienne.

Vous êtes, vous aussi, attachés à une justice plus proche, plus compréhensible, plus efficace.

Le Sénat a examiné, il y a peu, un projet de loi relatif aux alternatives aux poursuites et concerne les actes de délinquance quotidienne qui empoisonnent la vie de nos concitoyens. Quant au présent projet, il a pour ambition de mettre en oeuvre une véritable politique publique d'accès au droit et de résolution amiable des conflits.

Les deux textes n'ont pas pour objectif premier de désencombrer les tribunaux mais de moderniser le service public de la justice et d'adapter ses modes de réponses aux demandes de nos concitoyens.

Je sais, Monsieur le rapporteur Jacques Brunhes, que ce thème vous tient particulièrement à coeur. Dans votre commune de Gennevilliers, vous avez créé, en partenariat avec le tribunal de Nanterre, une antenne de justice dont chacun souligne la réussite. Vous étiez particulièrement bien placé pour rapporter ce texte. Nombre d'amendements que vous avez présentés au nom de la commission me paraissent d'ailleurs très opportuns.

Ce projet vise à mettre en oeuvre une politique publique garantissant à tous l'accès au droit et favorisant tous les modes amiables de règlement des conflits, avant la saisine du juge ou en cours de procédure, principalement dans le domaine civil, mais aussi en matière pénale.

Cette volonté de promouvoir l'accès au droit figure déjà dans les priorités de la loi de lutte contre l'exclusion, que vous allez examiner en dernière lecture ces jours prochains. J'ai pleinement engagé mon ministère dans l'élaboration de cette loi, en particulier en ce qui concerne la prévention des expulsions, la prévention du surendettement et les garanties du débiteur dans les procédures de saisie immobilière. La concertation avec les grandes associations sur ce texte a mis en évidence leur intérêt pour la question de l'accès au droit.

Comme l'a souligné Mme de Gaulle-Anthonioz, présidente d'ATD-Quart-Monde, le respect de la dignité passe par la garantie, pour tout individu, du "droit au droit", ce qui implique une démarche renforcée vis-à-vis des personnes les plus exclues, car elles n'ont même pas conscience de leurs droits.

Notre démocratie doit être davantage régulée par le droit, si nous ne voulons pas que triomphe le règne de la force ou de l'argent. La loi du 10 juillet 1991, voulue par Henri Nallet, a institué l'accès au droit, condition de la mise en oeuvre du principe d'égalité, et fait franchir un pas décisif à l'aide juridictionnelle, dont le budget est passé de 400 millions en 1990 à 1,2 milliard en 1998, et atteindra 1,4 milliard l'an prochain.

J'ai dû constater, en revanche, à mon arrivée place Vendôme, que les conseils départementaux de l'aide juridique n'étaient qu'une vingtaine, dont certains n'avaient aucune activité, et que 2,7 millions seulement leur étaient affectés. J'ai donc décidé de sensibiliser mes services et d'organiser une grande rencontre entre magistrats et praticiens de l'accès au droit, dont j'ai pu apprécier les initiatives novatrices à Paris, à Lyon, en Seine-et-Marne, en Haute-Corse, en Guyane, dans l'Oise ou dans le Pas-de-Calais. Depuis octobre, sept nouveaux conseils ont été créés, étendant le dispositif à 6,5 millions d'habitants, mais nous sommes encore loin du compte, et l'un des objectifs du projet est donc de simplifier la procédure de création de ces conseils.

Toujours présidé par le président du TGI, le conseil départemental aura vocation à s'ouvrir à d'autres membres, comme les communes. Elles sont 28, dans les Bouches-du-Rhône, à proposer des consultations juridiques gratuites. Il aura pour missions de promouvoir l'information juridique et l'assistance dans les démarches quotidiennes, et de favoriser les modes alternatifs de règlement des conflits en coordonnant l'action des maisons de justice et du droit.

La distinction entre accès au droit et accès à la justice est fondamentale, car tout conflit ne doit pas aboutir devant le juge. Or l'accès à la justice a trop longtemps été favorisé au détriment d'autres voies, plus rapides et moins coûteuses, ce qui a contribué à engorger les juridictions civiles. J'ai donc dégagé, sur le budget 1998, les moyens nécessaires au recrutement de 400 conciliateurs, qui viendront s'ajouter aux 1 350 en fonction.

C'est dans cette même logique que s'inscrit le développement de la transaction avant procès, où le rôle de l'avocat devient central, ce qui rend nécessaire d'assurer sa rémunération par l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle. C'est là une innovation majeure, car en l'état actuel des textes seule l'ouverture d'une instance ouvre droit à une telle aide, si bien qu'en cas de litige, seuls ceux qui ont des ressources suffisantes peuvent être conseillés par un professionnel pour faire valoir leurs droits comme ils l'entendent. Désormais, chacun pourra être assisté d'un avocat, y compris pour rechercher une solution négociée en dehors de tout procès. Je souhaite que chacun reconnaisse l'importance de cette réforme.

En outre, un décret simplifiant la procédure civile conformément aux propositions du rapport Coulon et de la concertation menée avec la Cour de Cassation, les premiers présidents et les représentants des professions judiciaires sera publié d'ici l'automne. Il conférera à la transaction la même force exécutoire qu'au jugement, simplifiera le renvoi de l'affaire devant un conciliateur par le juge d'instance, portera de 30 000 F à 50 000 F le plafond de compétence de celui-ci, veillera à la qualification plus précise des demandes dans les conclusions et permettra au juge des référés de renvoyer l'affaire pour jugement au fond à une date fixe. En revanche, la question de l'exécution immédiate des décisions sera examinée par un groupe de travail restreint qui me soumettra ses propositions avant la fin de l'année.

Le projet qui vous est présenté tend aussi à favoriser la médiation pénale. Celle-ci constitue depuis plusieurs années une alternative aux poursuites comme aux classements sans suite, et j'entends la développer pour certaines formes de délinquance, telles les dégradations ou les violences légères. L'intervention de l'avocat constitue une garantie essentielle, mais encore faut-il que le justiciable qui n'a pas les moyens de le rémunérer voie ses frais pris en charge par l'Etat ; le projet de loi le permet. Je souligne que nous n'en sommes plus au stade de l'expérimentation : à Lyon, 4 000 médiations pénales ont eu lieu l'an dernier, pour 8 000 affaires jugées par le tribunal correctionnel.

Cette activité de médiation est à la base de l'activité des maisons de justice et du droit. La justice, en effet, ne peut se rendre uniquement dans les palais et dans les formes traditionnelles, mais doit évoluer dans ses modes de réponse et conquérir de nouveaux territoires d'où le droit semble parfois avoir disparu. Grâce à ces maisons, la justice est plus compréhensible et mieux adaptée.

Grâce à elles, la justice est plus compréhensible et mieux adaptée. De fait, leur efficacité se mesure à la vitalité de leur développement. Il en existe trente aujourd'hui, et vingt autres projets sont en cours. Le partenariat avec les collectivités locales a aussi permis d'implanter dans certains secteurs très urbanisés un véritable maillage de structures légères, dénommées "antennes de justice" ou "points d'accès au droit".

Il en existe ainsi 20 dans les Bouches-du-Rhône, 12 à La Réunion, ou 17 en Seine-et-Marne, dont celle de Chelles que j'ai visitée la semaine dernière. Il est donc temps de reconnaître une existence juridique à ces maisons de justice et du droit.

Ce projet, au service d'une véritable politique publique de l'accès au droit et de la résolution amiable des conflits, tend à améliorer le fonctionnement de la justice au quotidien, celle qui est à la fois la plus demandée et la plus critiquée.

Face au nombre et à la diversité des demandes qui aboutissent à la justice, il faut trouver en amont et en alternative au procès, des réponses adaptées à chaque besoin, ce qui contribuera à pacifier la société.

Le travail constructif de votre commission des lois, sous l'impulsion de sa présidente, Catherine Tasca, les réflexions de son rapporteur, Jacques Brunhes, que je tiens l'une et l'autre à remercier, vont beaucoup contribuer à la qualité de nos débats. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste)

M. le Président - A la demande du Gouvernement, la séance est suspendue. Elle reprendra à 16 heures 45.

La séance, suspendue à 15 heures 45, est reprise à 17 heures 5.

M. Jacques Brunhes, rapporteur de la commission des lois - Vous avez présenté en janvier, Madame la Garde des Sceaux, les orientations de votre réforme de la justice. Nous avions insisté sur son urgence, tant sont profonds les dysfonctionnements. Nous avions souhaité une réforme globale, car le "réformisme progressif" a visiblement échoué.

Je me réjouis de votre méthode. Vous avez défini vos objectifs : une justice au service des citoyens, au service des libertés, indépendante et impartiale.

Le projet relatif à l'accès au droit et à la résolution amiable des conflits est un texte clef de cette réforme. Mais alors, pourquoi l'avoir inscrit à l'ordre du jour un lundi après-midi de juin, dernier jour de la session ordinaire ?

M. Gérard Gouzes - Très bien !

M. le Rapporteur - Ce projet, qui entend ouvrir à tous les portes du droit, aura de grandes conséquences sur le fonctionnement de la justice. Celle-ci parvient de plus en plus difficilement à traiter les "petits contentieux", et l'appréciation portée par les justiciables sur le service public de la justice est sévère, qu'il s'agisse de sa lenteur, de son coût, de l'insuffisance d'écoute.

Le projet veut acclimater en France une "culture du compromis", en encourageant les procédures non contentieuses -au cours du procès, voire en amont. La résolution amiable des conflits peut apporter en outre un apaisement social que ne procure pas toujours une décision judiciaire.

Ce projet devrait aussi permettre l'accès de tous aux droits ouverts par les lois et règlements. Le soutien étant particulièrement nécessaire pour les personnes en situation de grande précarité, il complète ainsi le projet d'orientation relatif à la lutte contre les exclusions, définie comme "un impératif national".

Après la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique, ce texte induit une véritable révolution culturelle en apportant, face à une demande croissance de droit, des réponses "compréhensibles, efficaces, rapides et apaisantes". C'est en tout cas le pari que fait la Chancellerie, et votre rapporteur, suivi par la commission, vous engage vivement à inscrire cette volonté dans la loi.

Mais pour que cette grande ambition prenne corps, des moyens supplémentaires seront nécessaires. L'objectif de ce texte n'est pas de faire des économies, mais d'orienter les personnes concernées vers une solution plus satisfaisante. Si le projet contribue accessoirement à désengorger les juridictions, il n'y aura pas lieu de s'en plaindre, mais ce n'est pas sa finalité première.

Malgré quelques zones d'ombre, ce projet contient des avancées fortes par rapport à la loi du 10 juillet 1991. Il favorise le règlement amiable des conflits, en élargissant l'aide financière de l'Etat à la transaction avant procès et à la médiation pénale. L'aide juridictionnelle a fortement augmenté, ainsi que le nombre d'admissions -voyez les chiffres du rapport écrit.

Deux remarques seulement. La première reprend une suggestion des bâtonniers de Paris et des Hauts-de-Seine : que le bénéficiaire de l'aide juridictionnelle puisse se faire assister de plusieurs avocats lorsque l'affaire se révèle particulièrement complexe, et que soit appliqué un taux réduit de TVA aux actes accomplis dans le cadre de l'aide juridictionnelle.

La seconde part d'un constat : la faiblesse des plafonds écarte du bénéfice de l'aide juridictionnelle une part importante de la population, ce qui ne permet malheureusement pas de toucher toutes les personnes qui auraient effectivement besoin d'une aide financière pour accéder à la justice.

Le projet tend aussi à améliorer le fonctionnement des bureaux d'aide juridictionnelle. Conformément aux propositions contenues dans le rapport de M. Jean-Marie Coulon et approuvées par le Conseil national de l'aide juridique, il est envisagé d'étendre les pouvoirs du président et d'autoriser le vice-président, c'est-à-dire le greffier en chef, à suppléer celui-ci en cas d'absence ou d'empêchement.

Le président ou le vice-président pourra accorder l'aide à l'intervention de l'avocat dans le cadre de la médiation pénale et l'aide juridictionnelle nécessaire à la conclusion d'une transaction avant l'instance. Cette extension de l'aide juridictionnelle permettra le développement des procédures amiables.

L'aide financière de l'Etat à la transaction et à la médiation pénale est d'ailleurs renforcée.

Consacrée par le législateur en 1994, la médiation pénale transforme les classements sans suite en classements sans poursuite, tout en apportant des solutions. Le nombre de ces médiations a augmenté de 75 % en trois ans et le cas du tribunal correctionnel de Lyon montre que nous n'en sommes plus au stade de l'expérimentation : pour 8 000 affaires jugées par le tribunal, 4 000 font l'objet d'une médiation pénale.

De la sorte, la justice retrouve toute son utilité sociale. Utile à la victime comme au délinquant, à tous ceux en faveur de qui la politique de la ville a été mise en place, la médiation pénale doit être encouragée. C'est pourquoi l'article 14 du projet institue un régime de financement spécifique de l'aide à l'intervention de l'avocat dans cette procédure.

Cependant le législateur a besoin de savoir dans quelles conditions s'appliquera cette mesure. Le Gouvernement doit profiter de la navette pour nous indiquer le contenu des textes réglementaires en préparation.

Le projet donne une nouvelle impulsion à l'aide à l'accès au droit. En 1991, le Parlement a créé les conseils départementaux de l'aide juridique, pour aider les citoyens à connaître leurs droits et obligations en amont du procès. Mais l'aide à l'accès au droit n'a pas connu le développement espéré. Seulement vingt-sept départements ont constitué leur conseil, alors qu'il s'agit d'une obligation légale. Lors du colloque sur l'accès à la justice organisé à la Sorbonne, vous avez indiqué, Madame le Garde des Sceaux, "qu'en 1996 et 1997, les 2,7 millions de crédits alloués aux conseils départementaux -à comparer au milliard de l'aide juridictionnelle- n'avaient pu être intégralement dépensés, faute de projets suffisants". Le bilan est donc contrasté. Votre projet tend à généraliser l'aide à l'accès au droit en revoyant son cadre institutionnel. Les modalités de création et de fonctionnement des conseils départementaux seront simplifiées et le nombre des membres fondateurs, limité aux partenaires indispensables.

Le projet lie le développement de l'aide à l'accès au droit à l'essor du règlement amiable des litiges, assignant au conseil départemental la mission de développer les procédures alternatives. Il inscrit la politique d'accès au droit dans la lutte contre les exclusions, l'aide devant bénéficier aux personnes en situation de grande précarité.

Enfin, vous donnez une existence officielle aux maisons de la justice et du droit, créées de manière pragmatique pour répondre à des besoins locaux. Elles sont donc très différentes et les montages financiers, souvent hétéroclites, obligent les partenaires à faire preuve d'imagination.

Des expériences très diverses ont été tentées et il n'y a pas de modèle à imposer. A Gennevilliers, l'antenne de justice mise en place au début des années 1990 a fonctionné grâce à la présence à temps partiel d'un substitut du procureur, qui a su prendre des décisions appropriées au contexte local. Certaines infractions, objectivement mineures, peuvent avoir de fortes répercussions au plan local et la justice doit en tenir compte. La présence du Parquet a permis, en outre, de désamorcer des conflits naissants.

Mais de telles expériences ne sont pas toujours possibles, faute de volontaires.

Le développement des maisons de la justice et du droit suppose un effort de formation des magistrats.

En matière civile, ces maisons sont -ou devraient être- des lieux privilégiés pour les procédures amiables que sont la transaction, la conciliation et la médiation. Mais, en 1995, seulement huit maisons sur dix-sept hébergeaient des conciliateurs.

Ces structures jouent un rôle essentiel dans la mise en oeuvre de la politique définie par les conseils départementaux d'aide juridique. Quelques-unes ont développé une politique de communication en direction des élus locaux, des citoyens et des jeunes.

Dans la circulaire du 19 mars 1996, la Chancellerie a précisé les règles de création et de fonctionnement de ces maisons.

Leur entrée dans le code de l'organisation judiciaire représente un pas en avant. Qu'un décret en Conseil d'Etat détermine leurs modalités de création et de fonctionnement, je n'y vois pas d'objection, car nous sommes bien dans le domaine réglementaire. Cependant je regrette que la Chancellerie n'ait pas été en mesure de me communiquer un avant-projet de décret.

Il faudrait que le texte d'application soit suffisamment souple pour s'adapter aux besoins locaux et encourager les magistrats du siège et du Parquet à faire jouer un véritable rôle judiciaire aux maisons de la justice et du droit. Nous espérons en avoir connaissance avant la seconde lecture.

Cette réforme devra s'accompagner d'un effort de formation, l'Ecole nationale de la magistrature devant sensibiliser les futurs juges à l'importance de cette justice de proximité.

Enfin, le projet transpose dans la collectivité territoriale de Mayotte et dans les territoires d'outre-mer des modifications introduites dans la loi du 10 juillet 1991. C'est l'objet des articles 18 et 19.

La commission vous invite à adopter ce texte, qui consacre un droit fondamental du pacte démocratique : l'exercice effectif de la citoyenneté. (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste et du groupe socialiste)

Mme Catherine Tasca, présidente de la commission des lois - Je m'associe au rapporteur pour déplorer le calendrier choisi pour l'examen de ce texte, qui constitue un élément fondamental de la réforme de la justice.

Il marque en effet un tournant dans notre conception de la justice, comme l'a souligné le rapporteur qui a employé les termes de "compromis" et "d'apaisement social".

Je salue la méthode utilisée, car vous avez associé à cette réforme tous les acteurs de la justice au quotidien. Nous parlons tous avec assez de conviction de citoyenneté et de proximité pour satisfaire enfin aux attentes de la population.

Le nombre des parlementaires ici présents n'est pas à la mesure de ce texte. En renforçant l'accès à l'aide juridictionnelle, en encourageant la création de maisons de la justice et du droit, vous ne vous contentez pas de proclamations lyriques, vous répondez aux aspirations des citoyens.

Grâce à ce texte, les justiciables et les professionnels de la justice vont pouvoir aller "sur le terrain", comme on le dit de plus en plus, et mieux vivre ensemble.

Personnellement, et au nom de la commission, je me réjouis de l'examen de ce projet. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe communiste)

M. Gérard Gouzes - Je ne peux que m'associer aux regrets de Mme Tasca et de M. Brunhes : un texte dont l'ambition est aussi grande, qui marquera la réforme engagée, ne devrait pas être examiné dans un hémicycle presque vide. Je souhaite, Madame la Garde des Sceaux, que vous vous fassiez notre interprète auprès du ministre chargé des relations avec le Parlement pour que de telles erreurs ne se reproduisent pas.

Nos concitoyens ont une demande de plus en plus forte de justice, car les médiateurs naturels qu'étaient les familles, l'école, les autorités et les hiérarchies sociales ne remplissent plus leur rôle. Les Français veulent, de plus en plus, saisir individuellement le juge, afin que celui-ci, tel un père, tel Saint-Louis sous son chêne, leur rende la justice à laquelle ils aspirent. Vous le releviez, Madame la Garde des Sceaux, à l'occasion du colloque organisé le 2 avril dernier à la Sorbonne : "la judiciarisation des questions de société constitue désormais une réalité incontournable". Voilà qui explique la place toujours plus grande que souhaite acquérir le pouvoir judiciaire dans notre processus démocratique, l'indépendance du Parquet n'étant qu'un épiphénomène.

Certes le Gouvernement doit d'abord octroyer plus de moyens conséquents à ce secteur primordial pour l'équilibre de notre société. Tant que les justiciables devront attendre, parfois plusieurs mois, la simple copie d'un jugement au motif qu'il manque une secrétaire pour le taper à la machine, il ne servira à rien de se lancer dans de grandes réformes. Le groupe socialiste attend cette année du Gouvernement un effort budgétaire substantiel. Pour l'obtenir, vous pouvez compter sur notre soutien.

Ce projet est un des volets de la réforme globale de la justice que vous avez entreprise. Il concerne la justice au quotidien.

Il reprend l'une des propositions rendues publiques le 7 mars 1995 par le candidat Lionel Jospin : "la modernisation de la justice doit constituer une priorité forte. Il faut définir des objectifs : rapidité dans les procédures, clarté dans le fonctionnement, égalité d'accès et donc renforcement de l'aide juridique". En outre, disions-nous lors de la convention du parti socialiste sur les acteurs de la démocratie en juin 1996, l'obstacle de la connaissance et l'obstacle de l'argent réservent souvent à une minorité l'accès à la justice.

L'ouverture de centres départementaux d'accès au droit, la création de maisons de justice, lieux d'information, de médiation pénale, de conseils et de consultations, l'élargissement de l'aide juridictionnelle décidée en 1991 par Henri Nallet, toutes ces mesures ont déjà réduit les inégalités d'accès à la justice.

Depuis la loi du 10 juillet 1991, le budget de l'aide juridique est passé de 400 millions à plus d'un milliard. La première innovation du projet est d'élargir l'aide jusqu'ici réservée au contentieux aux voies extrajudiciaires de régulation juridique. Je sais que vous vous interrogez sur l'évaluation de l'efficacité des sommes distribuées jusqu'ici. Le dicton un mauvais arrangement vaut mieux qu'un bon procès prendra toute sa valeur avec l'extension de l'aide juridictionnelle aux transactions.

Cette heureuse avancée ne saurait vous empêcher d'envisager une mesure législative ou réglementaire précisant les contours de la transaction régie jusqu'ici par les articles 2044 à 2058 du code civil. Etendrez-vous le bénéfice de l'aide juridictionnelle aux compromis visés par la loi du 5 juillet 1972 ? A la possibilité pour les parties de désigner un arbitre dont les décisions seraient acceptées sans appel possible ? Tout cela mérite, d'être sérieusement précisé pour atteindre vos objectifs : éviter la saisine d'une juridiction et donc l'encombrement des tribunaux, permettre un traitement plus rapide des litiges, ce qu'attendent tous les justiciables.

Plusieurs points sont à débattre, comme la faculté accrue du président du bureau d'aide juridictionnelle ou de son vice-président de statuer seul sur les demandes sans difficulté sérieuse, gage de rapidité, la possibilité de procéder aux mesures d'investigation nécessaires, le retrait de l'aide juridictionnelle lorsque le justiciable aura perçu de son procès une somme telle que s'il en avait joui au jour de la demande d'aide, celle-ci ne lui aurait pas été accordée, la situation de ceux qui engagent, sans considération, des procédures abusives. L'aide est une bonne chose, encore faut-il qu'il en soit fait bon usage.

Tous les justiciables ne manquent pas d'informations et de conseils, mais il faut adapter notre réforme aux besoins des personnes en grande précarité. Je salue à ce titre le travail ingrat mais remarquable effectué par de nombreuses associations comme Droit d'urgence ou Que choisir. Il existe de nombreuses structures d'aide juridique, mais laquelle va à l'encontre de ceux qui ont de plus en plus de difficultés à exprimer leurs besoins, qui n'utilisent même pas, par crainte, par dénuement ou par manque d'information, les dispositifs existants ? La participation d'avocats à ces associations doit être encouragée, tant elle participe à l'éthique de cette profession, qui ne doit jamais oublier que sa vocation première est de défendre les libertés de tous et en particulier des plus faibles. Dernier recours et dernier rempart de ces expulsés de la citoyenneté, l'avocat devrait être encouragé à accompagner ces publics dans leur réinsertion.

Si, donc, Madame la Garde des Sceaux, la mise en place d'un véritable système de prévention juridique était d'un coût moindre que le coût social de l'exclusion, ne serait-il pas judicieux d'envisager, également, l'extension de l'aide juridictionnelle à d'autres missions : rédaction d'actes, intervention gracieuse auprès des administrations, accomplissement de recherches juridiques, rédaction de certains courriers, assistance auprès de certaines institutions...

Tous les modes alternatifs de règlement, mais aussi de prévention des conflits doivent être développés : conciliation, médiation, transaction, arbitrage, compromis, mais aussi prévention et accompagnement juridique.

Jusqu'ici, il faut le reconnaître, les conseils départementaux de l'aide juridique créés par la loi du 10 juillet 1991 n'ont pas été à la hauteur de l'espoir suscité par leur apparition.

Après sept années, 25 conseils départementaux de l'aide juridique seulement ont été constitués. Aussi, vous nous proposez, afin de développer l'expérience de simplifier le processus de constitution de ces conseils, de promouvoir des voies de règlement préventif et amiable des conflits, de renforcer l'accompagnement personnalisé des personnes les plus en difficulté.

De même, nous nous interrogeons sur le risque d'hétérogénéité des maisons de justice. Nous souhaitons qu'elles puissent développer leur action auprès de chaque TGI. Nous aimerions par ailleurs connaître vos intentions sur l'article 17 du projet qui fait la part trop belle au domaine réglementaire.

L'accès à la justice est devenu l'un des éléments essentiels de la citoyenneté, et pas seulement pour celui qui demande justice. Que l'égalité ne soit pas respectée, qu'une seule personne se voit refuser son dû, et nous voilà, justement, indignés.

Si les humains sont égaux devant la loi, encore faut-il qu'ils puissent vivre également cette égalité. C'est pourquoi je voterai, je l'espère avec l'Assemblée unanime, ce texte attendu par une majorité de nos concitoyens. Car ce qui importe, pour eux, c'est bien la justice au quotidien. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe communiste)

M. Thierry Mariani - Nous examinons aujourd'hui le premier des sept textes qui constitueront la réforme de la justice voulue par le Gouvernement. L'accès au droit est désormais un enjeu majeur pour nos concitoyens, qui ont de plus en plus recours aux tribunaux, même si un grand nombre d'entre eux, faute de disposer des moyens de faire valoir leurs droits, sont exclus d'une société sans cesse davantage judiciarisée.

Dans un Etat de droit, les pouvoirs publics doivent permettre l'accès de chacun à la justice. Malheureusement nous constatons tous, dans nos permanences, le nombre croissant de citoyens qui cherchent une information d'ordre juridique. Ils ne savent pas où la trouver, n'ayant pas les moyens de s'adresser à un professionnel. Le droit et la justice sont devenus pour eux quelque chose de lointain et d'abstrait.

C'est contre ce phénomène que vous entendez réagir et nous ne pouvons que souscrire à cet objectif. Mais s'il est pavé de bonnes intentions votre texte est -hélas !- très insuffisant. Le principal obstacle à l'accès au droit est le coût de la justice. L'aide juridictionnelle n'apporte qu'une réponse partielle. Certes vous allez améliorer quelque peu le fonctionnement des bureaux d'aide juridictionnelle, mais vous n'abordez pas la difficulté principale, la faiblesse des plafonds de ressources : une personne gagnant 7 000 F par mois ne peut bénéficier de l'aide juridictionnelle alors qu'un tel revenu ne lui donne pas forcément les moyens de se faire assister. Il nous semble injuste d'exclure de l'accès à la justice les citoyens des classes moyennes. Votre projet reste muet sur ce point. Comptez-vous ultérieurement leur ouvrir le bénéfice de l'aide juridictionnelle ? Si ce n'était pas le cas, votre texte ne serait qu'une réforme mineure.

L'accès au droit, c'est aussi la possibilité pour chacun de s'informer et de se documenter. Cet aspect n'est pas assez pris en compte. On aurait pu, par exemple, introduire plus largement l'enseignement du droit au collège et au lycée, notamment pour informer les jeunes des procédures non contentieuses de résolution des conflits. ("Très bien !" sur les bancs du groupe UDF)

De même, pourquoi ne pas généraliser les consultations juridiques dans les ANPE et les centres de sécurité sociale ? La justice doit pouvoir sortir des palais de justice ! Les expériences menées en ce sens ont souvent été fructueuses. Il serait opportun d'accentuer les efforts dans cette voie -trop souvent, aujourd'hui, nos concitoyens ont l'impression que notre système judiciaire profite essentiellement aux classes favorisées. Sur ce point aussi, ce texte manque d'audace.

Votre second objectif est de favoriser les modes de résolution amiable des conflits. Sur le principe, nous ne pouvons que vous suivre. En effet, le nombre des procédures contentieuses s'accroît de manière vertigineuse dans notre pays : au 1er janvier 2000, il y aura trois fois plus d'affaires en cours qu'en 1975 ! Face à cette évolution préoccupante, on s'efforce depuis vingt ans de faciliter les règlements amiables, avec quelque succès : 73 000 affaires ont été soumises aux 1 300 conciliateurs en 1996, contre 20 000 en 1989. C'est cependant insuffisant. Mais là encore, votre projet, s'il est plein de bonnes intentions, n'est ni assez ambitieux, ni assez précis.

Nous ne pouvons qu'approuver les dispositions concernant les "conseils départementaux de l'accès au droit et de la résolution amiable des litiges". Mais l'articulation des missions qui leur seront confiées avec celles d'autres organismes, en particulier, les maisons de la justice et du droit, n'est pas claire et il n'est pas certain que le justiciable s'y retrouve.

Les maisons de la justice ont pour objet de développer la médiation pénale. L'expression "...et du droit" pourrait laisser à penser qu'elles obtiendraient, à plus long terme, d'autres compétences qui risqueraient de chevaucher celles des conseils départementaux.

Or il nous faut trouver le juste équilibre entre professionnalisme et concours extérieurs pour ne pas aboutir à une privatisation de la justice.

En effet, le principe de légalité, le respect de la présomption d'innocence ou encore le secret dû aux personnes concernées peuvent souffrir d'un certain amateurisme de la part des bénévoles associatifs, en l'absence de véritable contrôle de la part des présidents des tribunaux de grande instance.

Votre texte, Madame le ministre, n'est pas totalement abouti. Sa mise en oeuvre nécessitera la publication de nombreux décrets d'application, dont nous ne connaissons pas la teneur.

Enfin, je m'interroge sur la méthode que vous employez pour mener à bien votre réforme. Vous annoncez sept textes distincts, ce qui empêche la représentation nationale d'avoir une vue d'ensemble du dispositif.

Ainsi nous débattons ce lundi, en fin de session, de l'accès au droit, et nous ne reprendrons nos discussions sur la justice qu'à la rentrée prochaine, dans quatre mois au mieux. Sans compter que le rapport de la commission n'a été disponible que cet après-midi...

Tout cela ne contribue guère à la lisibilité de votre projet. Or c'est bien de l'avenir de notre justice qu'il est question aujourd'hui.

Quelle est l'attente de nos concitoyens dans ce domaine ? Dans quels cas faut-il des juges professionnels, dans quels cas peut-on avoir recours à d'autres formes de justice sans affaiblir la sécurité juridique ? Tels sont les enjeux de notre discussion. Nous aurions aimé y consacrer plus de réflexion, nous aurions préféré une réforme plus ambitieuse. Vous en restez pour l'essentiel aux bonnes intentions.

Sur le financement, c'est le flou le plus total. D'un côté, vous nous dites que la rationalisation du fonctionnement des bureaux d'aide juridictionnelle aura un effet positif, mais de l'autre, vous élargissez leur intervention aux procédures visant à aboutir à une transaction. Je me demande si vous allez avoir les moyens d'appliquer votre texte, pourtant de portée limitée.

La justice manque de crédits, c'est là son principal problème. Ce n'est pas uniquement avec des bonnes intentions que nous parviendrons à améliorer l'accès au droit dans notre pays.

C'est pourquoi le groupe RPR s'abstiendra sur ce texte, qu'il ne juge pas à la hauteur de l'enjeu.

M. le Rapporteur - Ce n'est pas courageux !

Mme la Présidente de la commission - Ce n'est pas le meilleur moyen d'obtenir des crédits pour la justice !

M. Georges Hage - La déclaration des droits de l'homme, fondement essentiel de la démocratie, proclame le droit au droit pour tous et l'égalité d'accès à la justice, dont l'inexistence patente constitue une sorte de sophisme républicain.

Les fondements du système d'aide judiciaire ont été posés dans une loi du 22 janvier 1851.

En substituant l'aide à l'assistance, la loi du 3 janvier 1972 a entendu affirmer la prise en charge, par l'Etat, d'un dispositif plus étendu. Il restait cependant insuffisant pour répondre aux attentes des justiciables et à celles des professionnels, et notamment des avocats, qui assument en réalité une bonne partie de l'aide, faute d'un système de rémunération adapté. La part de l'aide juridique dans le budget de la justice révèle la carence de l'Etat.

Nous nous sommes félicités qu'en 1991 le gouvernement propose un projet relatif à l'aide juridique. Nous avons approuvé l'extension de l'aide à l'ensemble des juridictions et l'élévation des plafonds de ressources, tout en regrettant qu'elle soit encore insuffisante pour répondre aux besoins.

A notre sens, l'aide à l'accès au droit fait partie intégrante des devoirs de l'Etat et, comme l'aide juridictionnelle, elle devrait être financièrement assumée par lui afin de garantir l'égalité de tous devant ce grand service public.

Mais force est de constater que cet accès à la justice tend plutôt à se réduire. La multiplication des situations d'exclusion sociale, la disparition de nombreux liens de solidarité, l'insécurité face à la maladie, au chômage, au surendettement -dont j'ai eu à connaître abondamment en présidant la commission spéciale de lutte contre les exclusions- se traduisent dans les décisions de justice : saisies, expulsions, injonctions de payer, chèques sans provision, liquidation de biens... S'y ajoutent l'étrangeté de la justice et de ses rites.

En résulte pour la plupart de nos concitoyens le sentiment qu'il y aurait aujourd'hui deux justices, celle des puissants et celle des simples gens.

La modernisation du fonctionnement de l'institution, la simplification des procédures et la réduction des délais restent indispensables, mais toute réforme qui ignorerait l'exigence d'une augmentation considérable des moyens serait vouée à l'échec. Je prends donc acte des engagements précis pris par le Gouvernement.

Un énorme effort doit être consenti pour permettre l'accès de tous les citoyens, et pas seulement des exclus et des plus démunis, à la connaissance de leurs droits et de leurs obligations. Le projet que vous nous soumettez vise à développer une justice de proximité, accessible et rapide, hors des palais et des prétoires, mais qui ne concerne qu'une faible partie du contentieux. Elargir le champ de l'aide juridictionnelle est louable, mais n'eût-il pas fallu revaloriser les rémunérations versées aux avocats à ce titre et, surtout, relever les plafonds d'accès ? Nous avons déposé un amendement à cette fin, qui prévoit en outre leur indexation sur le SMIC.

L'encouragement au règlement amiable va également dans le bon sens, car il favorise l'émergence de nouveaux lieux de régulation sociale et de compréhension mutuelle, mais nous souhaitons être assurés qu'il ne s'agira pas d'une justice au rabais. Par ailleurs, la "fédération solidarité femmes" m'a prié de faire part de son souhait d'exclure de la médiation pénale les délits de violences conjugales, car la persistance du rapport de domination risque de mettre en cause la pertinence même de la médiation.

Les maisons de la justice et du droit que certaines juridictions et collectivités locales, trop peu nombreuses, ont créées de concert depuis 1990, et que le projet tend à institutionnaliser, offrent aux justiciables une justice plus facile d'accès, plus transparente et moins rébarbative, dont les décisions sont mieux comprises, y compris par les délinquants eux-mêmes. Il serait bon de dresser, d'ici deux ans, le bilan de leur fonctionnement, afin d'intervenir financièrement là où les moyens font défaut et de permettre à l'institution judiciaire d'exercer, notamment dans les quartiers difficiles, la mission de gardienne de la liberté que lui assigne la Constitution.

Le groupe communiste votera ce projet. (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste)

M. Jean-Antoine Leonetti - Le sujet est d'importance, car il s'agit des fondements mêmes de l'Etat républicain. S'il est écrit que "les hommes naissent libres et égaux en droit", nous savons aussi que certains sont "plus égaux que d'autres", du fait des pesanteurs sociales, culturelles et même économiques. Certes des progrès ont été réalisés, grâce à la loi de 1972 sur l'aide judiciaire, à la loi de 1991 sur l'aide juridictionnelle et à la loi de programme de 1995, mais nos concitoyens constatent, hélas, que l'état de droit n'existe pas vraiment, car les actes de délinquance, pudiquement appelée "incivilité", se multiplient dans la plus complète impunité.

La lenteur de la justice n'est pas sans conséquences morales et financières. Il faut attendre, en moyenne, quinze mois en appel, qui s'ajoutent à cinq mois devant le tribunal d'instance et neuf devant le tribunal de grande instance, et le plaignant de Grasse attend deux fois plus longtemps que celui de Paris, quand son affaire n'est pas classée sans suite en raison de l'encombrement du tribunal. La justice est chère, de surcroît, pour le justiciable, et l'aide financière accordée aux plus démunis fait défaut aux couches moyennes, qui hésiteront, par exemple, à engager un référé coûteux contre des nomades installés sur un terrain privé. Enfin, la médiatisation de certaines affaires donne à penser qu'il vaut mieux détourner des milliards que de faire un chèque sans provision d'un montant modique !

La réalité est là : la justice est lente pour tous, chère pour tous, injuste pour tous, inaccessible à tous. Vous me direz que le constat n'est pas nouveau, et je ne m'engagerai pas dans un débat sur les responsabilités des majorités successives, mais les mesures que vous nous proposez paraîtraient moins dérisoires si elles ne faisaient contraste avec l'ambition affichée de votre volonté de réforme. Vous aviez pourtant pris conscience du problème, et le président de la République vous avait donné, en outre, des indications précises. Las ! les rares dispositions concrètes du projet ne font qu'adapter ce qui existe déjà, dans un souci de maîtrise des dépenses.

La loi en vigueur sur la médiation méritait certes d'être améliorée, mais l'extension de l'aide juridictionnelle à la médiation préalable ne méconnaît-elle pas le fait que la transaction intervient d'autant plus facilement qu'une procédure est engagée ? Nous contestons, par ailleurs, la notion de "justice négociée", car la négociation peut précéder la décision de justice mais non se substituer à elle. De plus, les avocats risquent de se montrer réticents à s'engager dans une procédure de conciliation pour un client qui peut se voir retirer l'aide juridictionnelle. Ne cherche-t-on pas, en réalité, à dissuader les usagers d'avoir recours à la justice ?

Les règles de constitution et de composition des conseils départementaux d'aide juridique suffisent-elles à expliquer l'insuccès d'un grand nombre d'entre eux ? S'ils n'ont pas agi davantage en faveur du règlement amiable des conflits, ce n'est pas uniquement faute de moyens, puisqu'ils n'ont pas épuisé leurs crédits ! Avant de les étendre à l'ensemble du territoire, il ne serait pas inutile de faire un bilan de leur fonctionnement et de celui des maisons de justice, de leur contribution au désengorgement des tribunaux et à la réconciliation des Français avec leur justice. Aurez-vous les moyens de mettre en oeuvre cette politique sans mettre à contribution, au nom de la décentralisation mais au mépris de l'indivisibilité de la République, les collectivités locales ?

Dans la "justice négociée" que vous nous proposez, il y a le risque que le pauvre abandonne ses droits légitimes pour accepter une transaction amiable, et celui que la justice, en fin de compte, ne soit plus rendue par les juges, mais par l'administration ou encore par des associations dépendant financièrement de l'Etat et des collectivités locales, et donc inféodées au pouvoir politique. La justice est un service public, pas un service social !

L'enfer est pavé de bonnes intentions, et derrière l'indigence du texte se cachent des décrets d'application qui risquent de mettre à mal les principes républicains. "Selon que vous serez puissant ou misérable", selon que vous serez dans les petits papiers de tel ou tel parti politique, vous recevrez des subventions pour participer aux jugements.

Aucune bonne réforme de la justice n'est possible sans moyens financiers adéquats. Or ces moyens, vous ne les avez pas, et nous ignorons si vous les aurez.

Oui, le règlement amiable des conflits doit être encouragé, mais sans devenir le pis-aller d'une justice au rabais. Accepterions-nous de faire recevoir les malades par des conseils de santé avant de s'assurer que leur cas relève d'un médecin, à seule fin de réduire les dépenses de santé ?

Imaginons la frustration éprouvée par le plaignant qui n'aura pas eu accès au juge ! La justice de qualité, c'est la justice du juge. Au même titre que la santé, la justice est un dû. Comment ne pas envisager sa gratuité sous certaines conditions, tout en mesurant la qualité du service rendu par rapport à l'enjeu financier ?

La justice doit être compréhensible, simple et rapide, et surtout elle doit être indépendante, donc confiée aux seuls professionnels de la justice.

A ces exigences, votre projet n'apporte aucune réponse. Pour que nous puissions déposer des amendements, il aurait fallu qu'il y ait un texte. Or celui-ci n'est lui-même qu'une série d'amendements à la loi de 1991.

Vous vous plaisez aux débats lyriques et aux querelles idéologiques. Plutôt que des mots, les parlementaires attendaient un projet ambitieux, les magistrats des moyens supplémentaires et nos concitoyens une justice proche d'eux ; grande est la déception. Rappeler qu'il s'agit d'un projet examiné un lundi en fin de journée, après une suspension de séance demandée par vous-même, devant un hémicycle vide, en fin de session, c'est souligner son indigence.

L'arbre de votre projet ne masque pas la forêt de la misère de la justice. Aussi le groupe UDF ne participera-t-il pas au vote. (Applaudissements sur les bancs du groupe DL et du groupe du RPR)

M. Philippe Houillon - A vous entendre, ce projet serait l'élément clé de votre réforme de la justice, fondée en particulier sur la distinction, à laquelle nous adhérons, entre l'accès au droit et l'accès au juge. Le rapporteur a déclaré que le texte rompait avec des années de réformisme timide, tandis que Mme Tasca et d'autres orateurs ont salué un texte fondamental, qui marquera l'histoire de la justice. Tout cela a dû échapper à nos collègues et au Gouvernement, qui a inscrit ce texte à l'ordre du jour d'un lundi après-midi. Nous nous attendions à des propositions ambitieuses pour la justice de demain, et nous voilà face à un texte technique bien mince.

M. Gérard Gouzes - Vous n'y aviez même pas pensé !

M. Philippe Houillon - S'il va dans le bon sens, il ne représente certainement pas la pierre angulaire de la justice de demain. Le groupe Démocratie Libérale est très attaché au principe de l'accès au droit et à la justice, qui est de nature constitutionnelle. Ce principe d'égalité devant le droit vaut en particulier pour les plus démunis. Il y va de la liberté individuelle.

L'assistance judiciaire s'est d'abord développée dans les juridictions ecclésiastiques, puis la loi du 3 janvier 1972 sur l'aide judiciaire a consacré l'accès à la justice comme un droit. La loi du 10 juillet 1991 lui a substitué une aide juridictionnelle étendue, ainsi qu'un volet relatif à l'aide juridique, avec une assistance devant les commissions dépourvues de caractère juridictionnel.

Ce volet n'a pas rencontré grand succès dans la pratique. C'est pourquoi votre projet tend à favoriser les modes alternatifs de règlement des conflits. Nous acceptons cette logique, car dans une société de plus en plus complexe, la régulation par la négociation et les contrats est appelée à primer sur la régulation verticale obtenue par une stricte application de la loi. Nous n'avons pas su nous adapter à cette évolution, si bien que les prétoires sont pleins, que les délais s'allongent, et que nos concitoyens perdent confiance dans la justice.

Or, face à une forte demande venant d'une société de plus en plus libérale, votre réponse semble nettement insuffisante. Certaines dispositions vont dans le bon sens, comme l'aide juridictionnelle aux transactions, ou l'institutionnalisation des maisons de justice. Sur ce dernier point, il faut veiller à ce que, dans ces maisons, la présence judiciaire soit effective, et à ne pas transférer un peu trop systématiquement au Parquet la fonction de juger.

En revanche, le dispositif d'accès au droit que vous proposez est assez faible.

La création de maisons de justice demeure une possibilité, et leur fonctionnement n'est pas précisé. La rémunération des auxiliaires de justice n'est pas très incitative, ce qui peut nuire à la qualité des prestations. Enfin, comment financerez-vous les quelques mesures que vous proposez ? L'Etat n'aura jamais les moyens de prendre totalement en charge l'accès de tous à la justice. Si du reste il le pouvait, il en résulterait une socialisation du droit qui mettrait en péril les libertés publiques.

Un système d'assurance de protection juridique constitue à nos yeux une solution moderne sans doute libérale. De nombreux pays européens l'ont adopté. Les citoyens s'en trouveraient responsabilisés, plutôt que d'être souvent transformés en assistés. C'est pourquoi nous avons déposé un amendement tendant à inciter fiscalement les particuliers à souscrire de tels contrats d'assurance. Mais nous ne nous faisons guère d'illusion sur l'issue de notre démarche.

Ce projet devait être le texte phare de votre grande réforme de la justice. Après l'avoir examiné de près, nous y découvrons trop de vides. Vous ne vous êtes pas donné les moyens de répondre aux exigences des Français. Le groupe Démocratie Libérale ne votera pas ce texte.

M. Gérard Gouzes - Vous avez tort !

M. François Colcombet - Nous approuvons sans réserve votre projet, Madame la Garde des Sceaux. On le sait, il n'y a pas de société civilisée sans lois, mais les lois ne sont pas applicables sans personnels suffisants, sans tribunaux, sans règles du jeu. Il faut de plus que le droit soit accessible à tous, en particulier aux plus défavorisés.

La tradition de notre pays, c'est l'inquisition, c'est-à-dire la recherche de la preuve, de l'aveu -et de ce fait, notre justice a eu tendance à se compliquer, au point que seuls les initiés finissent par s'y retrouver. Au reste, les puissants tendent toujours à se réserver l'accès au droit -et quant à l'Etat, il préfère souvent l'ordre à la justice. Rappelez-vous les débats que nous avons eus sur l'accès direct des citoyens au Conseil constitutionnel : beaucoup de parlementaires y étaient opposés.

Il y a cependant une autre tradition de notre justice, qui corrige un peu la précédente : c'est celle que résume l'image de Saint-Yves, qui fut avocat -et saint avocat, "advocatus et non latro"-, mais aussi juge. Et dans cette fonction, de très nombreuses statues le représentent entre deux plaideurs, repoussant la bourse du riche et acceptant le placet du pauvre. C'est une image très forte de ce que doit être un juge, et dans la pratique moderne, cela peut se décliner de plusieurs façons. Il y a par exemple la question de la charge de la preuve, pour laquelle les parties ne sont pas à égalité : si un procès oppose un banquier et un assureur, pour une affaire d'assurance, on demandera à l'assureur d'apporter la preuve ; mais dans une affaire de banque, on fera l'inverse -c'est-à-dire que la charge de la preuve doit incomber à celui qui a les moyens de conserver celle-ci. Il en va de même en matière de droit du travail.

Tout cela justifie que juger reste une prérogative d'Etat. Les juges ne doivent pas dépendre des pouvoirs locaux, ils doivent être protégés par un statut. Or, de ce point de vue, la loi de 1991 a échoué en partie pour avoir fait confiance à d'autres que l'Etat. Elle avait été précédée par un mouvement du barreau, très ancien, inspiré par la charité, à laquelle succéda la solidarité. Puis vint l'aide judiciaire en 1971, réformée en 1982, et refondue enfin en 1991. Le système mis en place alors repose sur la solidarité, avec la participation de l'Etat, des barreaux -qui ont joué le jeu. Mais on avait prévu aussi une participation des collectivités locales : celles-ci n'ont pas suivi, vingt conseils généraux seulement ont pris des initiatives, aucune obligation n'ayant été instituée.

Vous nous proposez aujourd'hui d'aller plus loin dans l'accès au droit, et vous avez raison. La droite voudrait plus, elle propose une assurance. Ce n'est pas une mauvaise idée, mais tout le monde peut prendre une assurance. Quant à la déduction fiscale qui est proposée, elle ne pourrait bénéficier qu'à ceux qui ont quelque chose sur quoi déduire ! La voie ouverte par Mme la Garde des Sceaux me paraît meilleure.

Quelques réflexions encore. Vous encouragez les médiations, et c'est raisonnable. Mais il y a le risque de voir les plus pauvres accepter trop facilement une transaction. Voyez ce qui se passe pour les arbitrages, qui ne sont bien souvent que des escroqueries déguisées.

M. Jean-Antoine Leonetti - C'est vrai !

M. François Colcombet - Il faudra s'assurer, dans toutes ces procédures de médiation, que les plus faibles sont protégés : nos magistrats devront y veiller.

Quelques remarques encore. Le recours systématique au juge unique est préoccupant et il faudrait y réfléchir -et peut-être éviter qu'en appel il y ait un nouveau juge unique. Je souhaiterais aussi qu'on fasse le bilan des procédures en temps réel, en matière pénale notamment. C'est dans le secteur des "flags" qu'il y a le plus d'erreurs judiciaires : alors que celles-ci sont très rares lorsqu'il y a un juge d'instruction et encore plus rares en cour d'assises, elles sont fréquentes dans les procédures rapides.

Enfin, je voudrais appeler l'attention sur le service public de la conservation de la preuve. La victime d'un accident de la route ou d'une petite escroquerie ne peut rien seule : or il faut des preuves pour accéder à la justice. Cet aspect-là ne doit pas être oublié.

Ce texte continue un mouvement très favorable à la défense des plus faibles et je m'en réjouis. Il faudra l'évaluer et le compléter dans quelque temps. La droite, qui s'était abstenue sur la loi de 1991, considère aujourd'hui que c'était une bonne loi. Je suppose qu'elle s'abstiendra encore, ou qu'elle votera contre cette fois...

M. Jean-Antoine Leonetti - La loi sera aussi inefficace !

M. François Colcombet - Mais elle sera contente des avancées réalisées -et je ne doute pas que, si elle revient un jour au pouvoir, elle ait à coeur de l'améliorer ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste)


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ORDRE DU JOUR DE LA SESSION EXTRAORDINAIRE

M. le Président - Il résulte d'une lettre de M. le ministre des relations avec le Parlement, en date du 29 juin, que l'ordre du jour des séances que l'Assemblée tiendra, en session extraordinaire, jusqu'au vendredi 10 juillet inclus, est ainsi fixé :

MERCREDI 1er JUILLET, l'après-midi et le soir :

    - suite de la nouvelle lecture du projet de loi d'orientation relatif à la lutte contre les exclusions.

JEUDI 2 JUILLET, l'après-midi et le soir :

    - suite de l'ordre du jour de la veille.

MARDI 7 JUILLET, le matin, l'après-midi et le soir :

    - projet de loi modifiant la loi n 77 729 du 7 juillet 1977 relative à l'élection des représentants au Parlement européen.

MERCREDI 8 JUILLET, l'après-midi et le soir :

    - suite de l'ordre du jour de la veille.

JEUDI 9 JUILLET, l'après-midi et le soir :

    - éventuellement, dernière lecture du projet de loi d'orientation relatif à la lutte contre les exclusions ;

    - éventuellement, suite de l'ordre du jour de la veille.

VENDREDI 10 JUILLET, l'après-midi et le soir :

    - éventuellement, dernière lecture du projet de loi d'orientation relatif à la lutte contre les exclusions.

L'ordre du jour est ainsi fixé.


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ACCÈS AU DROIT (suite)

Mme la Garde des Sceaux - Je remercie les intervenants, et je note qu'aucun d'eux n'a nié qu'il soit nécessaire d'améliorer l'accès au droit. Je remercie en particulier la présidente et le rapporteur de la commission, ainsi que les orateurs des groupes socialiste et communiste, qui ont bien retracé l'esprit de cette réforme : je souhaite qu'on fasse d'abord le volet qui concerne la justice au quotidien et intéresse l'ensemble des Français -cette réforme doit être faite sous le regard de nos concitoyens. Ensuite, il faut développer l'écoute, le dialogue, la négociation : trop de médiateurs naturels ne remplissent plus leur rôle -et cela dépasse d'ailleurs le cadre de la justice.

La justice ne peut plus se cantonner dans ses palais. Dans notre société, complexe, les magistrats, les auxiliaires de justice et les professionnels du droit ont besoin de rencontrer des partenaires qui aient un autre regard que le leur.

Je ne veux pas négliger les remarques critiques qui m'ont été faites.

Vous avez regretté que notre débat ait lieu un lundi après-midi. Mais l'important est bien que l'examen de ce texte n'ait pas tardé. Il n'est d'ailleurs pas le premier : le projet de révision constitutionnel a été voté par cette assemblée il y a trois semaines, Monsieur Mariani. J'ai voulu qu'immédiatement après, ce soient les deux textes relatifs à la justice au quotidien qui viennent en débat. Je reconnais que la date retenue n'est pas idéale et je vous remercie d'avoir fait l'effort d'être présents aujourd'hui.

On m'a reproché le "manque de lisibilité" de cette réforme. J'ai fait une communication en conseil des ministres, le 27 octobre 1997. Nous avons eu, le 15 janvier dernier, un débat d'orientation sur la réforme de la justice. En outre, à l'occasion de la réforme du Conseil supérieur de la magistrature, j'ai présenté dans leurs grandes lignes les sept textes relatifs à la réforme de la justice. A condition d'être présent à l'Assemblée, on peut avoir maintenant une vision globale de la question...

J'entends dire que cette réforme est insuffisante. Elle a le mérite d'exister. Il est d'ailleurs amusant que de telles critiques viennent de ceux qui n'ont pas fait grand-chose en la matière quand ils étaient au pouvoir.

Les crédits de l'aide juridictionnelle vont passer de 1,2 milliard en 1998 à 1,4 milliard en 1999. Le plafond est revalorisé chaque année, avec la tranche la plus basse de l'impôt sur le revenu. Il est en outre corrigé en fonction des charges de famille. Quant à l'aide juridique, elle n'est soumise à aucune condition de ressources.

Monsieur Hage, en 1998, 14 millions ont été consacrés à la revalorisation de la rémunération des avocats intervenant au titre de l'aide juridictionnelle.

De nombreux députés, de droite comme de gauche, se demandent si nous ne risquons pas de créer une justice au rabais. La question mérite d'être posée. Cependant ce projet constitue indéniablement un progrès par rapport à la situation actuelle, dans laquelle les personnes démunies ne peuvent faire d'autre choix que d'aller devant le juge. Seules les personnes favorisées peuvent s'orienter vers une solution négociée.

Certes il ne faudrait pas que des solutions en apparence négociées soient en fait imposées aux plus faibles. Mais tel n'est pas l'esprit de ce projet. Au demeurant, le recours au juge sera toujours possible.

Grâce aux maisons de la justice et du droit, nos concitoyens seront mieux informés. Que les plus défavorisés d'entre eux n'aient pas même idée de leurs droits, c'est à mes yeux la plus grande des injustices.

A ce propos, il était indispensable que les associations qui agissent sur le terrain en faveur des exclus participent à l'élaboration du projet. Je rends d'ailleurs hommage aux auxiliaires de justice et aux professionnels du droit qui s'investissent dans ces associations.

On me demande si j'aurai les moyens de ma réforme. Je préfère les actes aux mots. De l'avis général, le budget de la justice pour 1998 est excellent. J'ai créé soixante-dix postes de magistrats, un nombre record de postes de fonctionnaires et j'ai procédé à des recrutements exceptionnels. Ce sont là des actes. Le budget pour 1999 montrera que l'effort se poursuit : j'espère même qu'il va s'accentuer. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe communiste)

La discussion générale est close.

ARTICLE PREMIER

M. le Rapporteur - Avant de présenter l'amendement 2 de la commission, je souhaite préciser que deux autres amendements ont été déclarés irrecevables en vertu de l'article 40. Ils étaient relatifs au plafond de ressources, que mon collègue Hage voulait fixer au niveau du SMIC. On sait que le montant retenu est celui de la tranche la plus basse de l'impôt sur le revenu, ce qui correspond à des ressources inférieures au SMIC. Je souhaite qu'une réflexion soit engagée sur ce point avant la deuxième lecture. Il s'agit d'un voeu personnel, encore que la commission ait adopté un de ces deux amendements.

Quant à l'amendement 2 de la commission, il vise à réparer un oubli : il faut indiquer explicitement que les bureaux d'aide juridictionnelle se prononcent aussi sur les demandes d'aide au titre des transactions.

Mme la Garde des Sceaux - Avis favorable. Cette disposition améliore le texte.

L'amendement 2, mis aux voix, est adopté.

M. le Rapporteur - La commission se méfie des décrets simples. Aussi souhaite-t-elle, par son amendement 3, que la rétribution de l'avocat en cas d'échec des pourparlers transactionnels soit fixée par décret en Conseil d'Etat, comme dans la loi de 1991.

L'amendement 3, accepté par le Gouvernement, mis aux voix, est adopté.

M. Philippe Houillon - Mon amendement 27 vise à supprimer le dernier alinéa de l'article premier, qui tend à imputer les rétributions versées à l'avocat pour les pourparlers sur celles qui lui sont dues pour l'instance. Un tel dispositif n'est guère incitatif. En outre, il me semble injuste.

M. le Rapporteur - Avis défavorable. Si cet amendement était adopté, l'avocat serait incité à ouvrir des pourparlers transactionnels même s'ils n'ont aucune chance d'aboutir. Il toucherait en effet une rétribution à taux réduit pour la transaction, puis une rétribution à taux plein pour l'instance. Au contraire, le projet prévoit une rétribution à taux plein pour l'une et l'autre.

Mme la Garde des Sceaux - Aux arguments du rapporteur, j'ajouterai que cet amendement est irrecevable au titre de l'article 40.

M. Gérard Gouzes - Il faut éviter que les avocats cumulent deux aides juridictionnelles.

L'amendement 27, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Gérard Gouzes - La justification de la transaction doit être visée par le bâtonnier de l'ordre. Tel est le sens de mon amendement 47. Mais peut-être cette précision est-elle d'ordre réglementaire ? Dans ce cas, mon amendement aura eu un effet d'appel...

M. le Rapporteur - M. Gouzes a compris pourquoi la commission a repoussé son amendement, dont elle ne désapprouve pas le fond. Avec M. Mazeaud et d'autres, nous avons souvent dit qu'il ne fallait pas faire entrer de dispositions réglementaires dans les textes législatifs.

Mme la Garde des Sceaux - Je crois, moi aussi, qu'une procédure sera nécessaire pour vérifier le sérieux des diligences. Le visa du bâtonnier est une proposition intéressante. Mais cela relevant en effet du domaine réglementaire, mieux vaudrait le faire figurer dans le décret d'application. Je m'en remets à la sagesse de l'Assemblée.

M. Gérard Gouzes - Je retire l'amendement 47.

L'article premier modifié, mis aux voix, est adopté.

Les articles 2 et 3 et 4, successivement mis aux voix, sont adoptés.

ART. 5

M. Gérard Gouzes - Afin de laisser à l'avocat qui ne demande pas le versement de la part contributive de l'Etat le temps de se retourner, je propose, par l'amendement 48, de porter le délai qui lui est laissé pour réclamer ses honoraires de six mois à un an.

M. le Rapporteur - La commission a jugé le délai de six mois suffisant et a repoussé l'amendement. Cela dit, si l'Assemblée avait un avis contraire, je n'y verrais, à titre personnel, aucun inconvénient.

Mme la Garde des Sceaux - Avis défavorable. Il est dans l'intérêt de tous, y compris de l'avocat, que les démarches soient faites au plus vite, ce qui évitera des difficultés de recouvrement. Le délai de six mois est donc raisonnable.

M. Gérard Gouzes - Mon amendement soulagerait aussi les finances de l'Etat en évitant que, faute de temps, l'avocat ne renonce à récupérer la somme sur la partie adverse, préférant, par facilité, réclamer la contribution de l'Etat.

L'amendement 48, mis aux voix, n'est pas adopté.

L'article 5, mis aux voix, est adopté.

APRÈS L'ART. 5

M. Philippe Houillon - L'amendement 29 vise à éviter que les tribunaux ne prennent en compte la qualité de bénéficiaire de l'aide juridictionnelle pour refuser d'accorder le bénéfice de l'article 700 du code de procédure civile. Ainsi pourrait-on en outre faire jouer plus souvent le retour à meilleure fortune prévu par le texte.

M. le Rapporteur - La commission a repoussé cet amendement car si son esprit est clair, son dispositif l'est beaucoup moins.

Mme la Garde des Sceaux - Je comprends fort bien qu'il faille s'assurer que le justiciable pourra se voir accorder le bénéfice de l'article 700 même lorsqu'il bénéficiera de l'aide juridictionnelle, mais l'article 37 de la loi de 1991 est clair, il laisse tout pouvoir d'appréciation au juge.

Les mesures incitatives prévues à l'article 5 visent en outre à ce qu'il soit bien fait usage de cette double faculté. L'amendement me semble donc redondant.

L'amendement 29, mis aux voix, n'est pas adopté.

ART. 6

M. le Rapporteur - L'amendement 4 est rédactionnel.

Mme la Garde des Sceaux - Sagesse.

L'amendement 4, mis aux voix, est adopté.

M. Philippe Houillon - Dès lors que le bureau de l'aide juridictionnelle a statué sur la nature de la demande d'aide, il n'y a pas lieu que le tribunal se prononce à nouveau sur le caractère dilatoire. L'amendement 22 vise donc à supprimer cette double sanction injuste.

M. Georges Hage - L'amendement 40 repose sur le même argument : il n'y a pas lieu de pénaliser celui qui aura engagé une action après s'être vu octroyer l'aide.

M. Thierry Mariani - L'amendement 51 répond également à la même logique, le juge n'était pas le mieux placé pour qualifier la demande de dilatoire ou d'abusive.

M. le Rapporteur - La commission a repoussé ces amendements. Pourquoi retirer au juge une possibilité qui lui est offerte par l'article 46 de la loi de 1991 ? Il faut effectivement réserver l'aide aux personnes démunies qui en ont vraiment besoin et dont l'action est fondée.

Mme la Garde des Sceaux - Je ne suis pas favorable à ces amendements, car l'Etat n'a pas à encourager les actions de mauvaise foi par le biais de l'aide juridictionnelle.

Les amendements 22, 40 et 51, mis aux voix, ne sont pas adoptés.

L'article 6 modifié, mis aux voix, est adopté.

L'article 7, mis aux voix, est adopté.

APRÈS L'ART. 7

M. Thierry Mariani - L'amendement 52 vise à éviter que l'on n'accorde, quels que soient l'intérêt du litige ou les charges prévisibles du procès, le bénéfice de l'aide juridictionnelle aux étrangers qui ne résident pas de façon régulière sur le territoire national. On peut en outre se demander comment l'on pourrait vérifier les ressources d'une personne qui ne réside pas en France.

M. le Rapporteur - La commission n'a pas examiné cet amendement. A titre personnel, j'y suis défavorable. Ouvrir l'accès à l'aide juridictionnelle à une personne non résidente dont la situation paraît digne d'intérêt, est un élément de souplesse fort utile.

Mme la Garde des Sceaux - Avis défavorable. Il faut laisser le bureau de l'aide apprécier la situation. Je ne vois pas pourquoi un étranger victime d'un accident sur notre territoire n'aurait pas accès à l'aide.

M. Gérard Gouzes - Contre l'amendement, qui me choque car il a des relents de préférence nationale. Dans la patrie des droits de l'homme, vous voudriez qu'un individu, au simple motif qu'il est étranger, ne puisse bénéficier du droit élémentaire d'être assisté devant une juridiction ! Je suis sûr, Monsieur Mariani, que cet amendement dépasse votre pensée.

M. Thierry Mariani - Il ne s'agit vraiment pas ici de "préférence nationale", simplement comment vérifierez-vous hors de France les ressources de la personne concernée ?

L'amendement 52, mis aux voix, n'est pas adopté.

ART. 8

M. le Rapporteur - L'amendement 7 corrigé étend le champ de l'aide à l'assistance à la rédaction et à la conclusion d'actes juridiques, ce qui correspond à la notion de consultation.

Mme la Garde des Sceaux - Je comprends le souci de la commission de définir plus précisément le contenu de l'accès au droit, même s'il ne m'avait pas semblé nécessaire de l'inscrire dans la loi. Je m'en remets à la sagesse de l'Assemblée.

L'amendement 7, mis aux voix, est adopté.

M. Philippe Houillon - L'amendement 23 tend à supprimer le dernier alinéa de l'article 8. Dans la mesure où les modalités d'accès au droit ne passent pas toutes par le conseil départemental et ne sont pas forcément financées par lui, il n'a pas vocation à déterminer les conditions dans lesquelles s'exerce l'aide à la consultation juridique.

M. le Rapporteur - La commission a rejeté cet amendement. Il est bien précisé que le conseil agit dans le respect de la loi du 31 décembre 1971 qui énumère les personnes habilitées à donner des consultations juridiques.

Mme la Garde des Sceaux - Le Gouvernement est également défavorable à l'amendement, car il faut vérifier que les consultations juridiques sont données par des personnes présentant les aptitudes nécessaires.

L'amendement 23, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. le Rapporteur - L'amendement 5 a une valeur pratique et non pas juridique. Nous créons un "conseil départemental de l'accès au droit et de la résolution amiable des conflits" : cette dénomination est trop longue, le sigle CDADRAC trop compliqué. Je propose de l'appeler simplement "conseil départemental de l'accès au droit", sachant que la résolution amiable des conflits fait évidemment partie de ses objectifs.

Mme la Garde des Sceaux - Je comprends votre souci d'un langage clair et aussi simple que possible. Pour ma part, je préférerais cependant qu'on maintienne la dénomination retenue par le projet, ceci pour marquer la double mission du conseil départemental -étant entendu que le langage usuel optera sûrement pour une formulation plus ramassée. Mais je m'en remets sur ce point à la sagesse de votre assemblée.

M. le Rapporteur - J'entends bien vos arguments et je serais prêt à retirer l'amendement. Mais il vaudrait mieux trouver une autre dénomination, d'ici la deuxième lecture.

L'amendement 5 est retiré.

M. le Rapporteur - L'amendement 6 est purement rédactionnel.

Mme la Garde des Sceaux - Je m'en remets également à la sagesse de l'Assemblée.

L'amendement 6, mis aux voix, est adopté, de même que l'article 8 ainsi amendé.

ART. 9

M. le Rapporteur - L'amendement 9 vise à préciser que le conseil départemental mène des campagnes de formation et de sensibilisation auprès des professions concernées par l'accès au droit.

Mme la Garde des Sceaux - Cet amendement est très opportun.

L'amendement 9, mis aux voix, est adopté.

M. Thierry Mariani - L'amendement 53 vise à ce que le conseil départemental suscite l'organisation de consultations gratuites dans les lieux où se rendent les populations les plus défavorisées.

Cela me semble conforme aux intentions du texte.

M. le Rapporteur - Une étude attentive du projet vous aurait permis de constater que votre amendement est satisfait par l'article 8 du projet.

Mme la Garde des Sceaux - Avis défavorable.

L'amendement 53, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Thierry Mariani - L'amendement 54 confie au conseil départemental la mission de mener des campagnes d'information dans les collèges et lycées.

M. le Rapporteur - Il est satisfait par l'amendement 9 que nous venons de voter.

Mme la Garde des Sceaux - Même avis.

L'amendement 54, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Philippe Houillon - Mon amendement 30 tend à donner au conseil départemental le statut d'association plutôt que de groupement d'intérêt public. L'échec des conseils est dû en partie à leur structure juridique trop lourde et trop rigide.

M. le Rapporteur - La commission a rejeté l'amendement. Le statut de GIP apporte des garanties de transparence et de contrôle. Le vrai problème, c'est que beaucoup de conseils départementaux n'ont pas été constitués par absence de volonté politique réelle.

Mme la Garde des Sceaux - Je crois aussi que le véritable problème ne réside pas dans la structure juridique, mais dans l'insuffisante mobilisation des partenaires concernés. C'est pour leur faciliter les choses que le projet cherche à simplifier la constitution des conseils départementaux.

L'amendement 30, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Gérard Gouzes - L'amendement 49 est une simple précision rédactionnelle. Tous les avocats du département doivent pouvoir être représentés au conseil départemental.

M. le Rapporteur - La commission a repoussé l'amendement. L'objectif du projet est de réduire le nombre des membres de droit du conseil départemental afin de faciliter la constitution et de simplifier son fonctionnement. C'était, en effet, une instance pléthorique.

La commission a voulu rester dans cette logique de simplification et c'est pourquoi elle a repoussé tous les amendements tendant à accroître le nombre des membres obligatoires du conseil. Les barreaux non représentés pourront néanmoins participer à ses travaux en tant que membres associés ou avec voix consultative.

Mme la Garde des Sceaux - Je suis défavorable à l'amendement exactement pour les mêmes raisons.

M. Gérard Gouzes - Compte tenu de vos explications, je retire l'amendement.

M. Jean-Antoine Leonetti - Godillot ! (Sourires)

M. Georges Hage - Pourquoi réserver au seul préfet le droit de désigner le représentant de l'association oeuvrant dans le domaine de l'accès au droit ? Notre amendement 41 tend à ce qu'il soit coopté par les autres membres du conseil, qui connaissent ce domaine mieux que le préfet.

M. le Rapporteur - La commission n'a pas retenu l'amendement, mais elle a été sensible à cette argumentation, qui inspire aussi les amendements de MM. Houillon et Mariani. Je propose donc, par l'amendement 57, de faire précéder la décision du préfet d'une consultation du président du TGI et des autres membres de droit. Cela devrait répondre aux préoccupations des auteurs des trois amendements.

Mme la Garde des Sceaux - L'amendement de M. Hage pourrait être source de blocages. Je lui préfère celui du rapporteur.

L'amendement 41, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Philippe Houillon - L'amendement 24 tend aux mêmes fins.

M. Thierry Mariani - L'amendement 55 aussi.

L'amendement 57, mis aux voix, est adopté. En conséquence, les amendements 24 et 55 tombent.

M. Philippe Houillon - L'amendement 31 maintient la représentation des notaires, qui sont présents sur l'ensemble du territoire et sont des spécialistes de la rédaction des actes juridiques.

M. le Rapporteur - Rien n'interdit à leurs représentants de siéger comme membres associés, avec voix consultative. Je ne crois pas, en revanche, qu'il faille multiplier les catégories de membres de droit.

L'amendement 31, repoussé par le Gouvernement, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Georges Hage - L'amendement 42 prévoit la désignation pour un an, à tour de rôle, d'un représentant de chaque organisation syndicale représentative au plan national.

M. le Rapporteur - Pour ne pas alourdir à l'excès la structure, mieux vaudrait lui réserver un statut de membre associé.

L'amendement 42, repoussé par le Gouvernement, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Georges Hage - L'amendement 43 prévoit la présence d'un conseiller prud'homal.

L'amendement 43, repoussé par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. le Rapporteur - L'amendement 10 rectifié permet aux membres fondateurs virtuels de demander au président du TGI du chef-lieu la constitution d'un conseil départemental. Nous mesurons les progrès réalisés en un an, mais nous ne pouvons nous satisfaire d'en rester à vingt-sept départements sur cent...

Mme la Garde des Sceaux - Rien n'interdit aux intéressés de prendre une telle initiative, mais je m'en remets à la sagesse de l'Assemblée.

L'amendement 10 rectifié, mis aux voix, est adopté.

M. Philippe Houillon - L'amendement 25 supprime la mention relative aux conditions dans lesquelles le conseil départemental peut accueillir en son sein d'autres membres que les membres de droit, car cela crée un risque de confusion, ainsi que de disparités entre départements.

M. le Rapporteur - Il ne faut pas fermer la porte aux bonnes volontés.

L'amendement 25, repoussé par le Gouvernement, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. le Rapporteur - L'amendement 11 rectifié est de coordination.

L'amendement 11 rectifié, accepté par le Gouvernement, mis aux voix, est adopté, de même que l'article 9 ainsi modifié.

ART. 10

M. Georges Hage - L'amendement 44 vise à assouplir le dispositif d'aide, en renvoyant au décret les conditions de fixation des tarifs, mais non la fixation elle-même.

M. Thierry Mariani - L'amendement 56 est semblable. Les situations peuvent être, en effet, très variées.

M. Philippe Houillon - L'amendement 26 est analogue.

M. le Rapporteur - La commission les a rejetés, mais son amendement 12, qui renvoie les principes à un décret en Conseil d'Etat, devrait vous satisfaire. Point n'est besoin, en effet, de prévoir explicitement que les dispositions d'application feront l'objet d'un décret simple...

Mme la Garde des Sceaux - Je m'oppose aux trois premiers amendements et m'en remets à la sagesse de l'Assemblée sur celui de la commission.

Les amendements 44, 56 et 26, successivement mis aux voix, ne sont pas adoptés.

L'amendement 12, mis aux voix, est adopté, de même que l'article 10 ainsi modifié.

ART. 11

M. Philippe Houillon - L'amendement 32 tend à supprimer cet article, car le titre actuel se suffit à lui-même.

M. le Rapporteur - Nous nous en sommes déjà expliqués.

L'amendement 32, repoussé par le Gouvernement, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. le Rapporteur - L'amendement 13 corrigé tombe.

Les articles 11, 12 et 13, successivement mis aux voix, sont adoptés.

ART. 14

M. le Rapporteur - L'amendement 14 est la conséquence de l'amendement 12.

L'amendement 14, accepté par le Gouvernement, mis aux voix, est adopté, de même que l'article 14 ainsi modifié et que l'article 15.

APRÈS L'ART. 15

M. le Rapporteur - L'amendement 15 est de coordination.

Mme la Garde des Sceaux - Sagesse.

L'amendement 15, mis aux voix, est adopté.

L'article 16, mis aux voix, est adopté.

APRÈS L'ART. 16

M. Philippe Houillon - L'amendement 34 tend à défiscaliser les primes d'assurance pour protection juridique.

M. le Rapporteur - Ce n'est pas l'objet du projet de loi. J'ajoute que les assureurs peuvent imposer leurs propres avocats à ceux qui souscrivent de tels contrats.

M. Philippe Houillon - C'est inexact.

Mme la Garde des Sceaux - Avis défavorable. Ne traitons pas de façon partielle une question qui mérite une réflexion approfondie, et sur laquelle mes services travaillent.

M. Gérard Gouzes - Seules les personnes payant des impôts bénéficieraient du dispositif proposé. Quant à ceux qui souscrivent ce genre de contrats, je ne crois pas qu'ils soient bien défendus. Je le dis par expérience, quand des avocats perçoivent une rémunération identique quelle que soit la difficulté d'une affaire, je ne suis pas sûr que la défense soit toujours excellente.

M. Philippe Houillon - Vous croyez que les gens seront mieux défendus grâce à ce projet ?

L'amendement 34, mis aux voix, n'est pas adopté.

ART. 17

M. le Rapporteur - L'amendement 16 tend à rectifier une erreur matérielle, repérée grâce à la vigilance des administrateurs de la commission des lois.

L'amendement 16, accepté par le Gouvernement, mis aux voix, est adopté.

M. Georges Hage - L'amendement 45 tend à préciser que la vice-présidence de la maison de justice est assurée par un représentant de la collectivité locale.

M. le Rapporteur - M. Hage me semble avoir défendu aussi l'amendement 46. L'article 17 ne prévoit pas de présidence pour les maisons de justice, dont l'organisation doit rester souple, et dont les origines et les situations sont diverses. Autant nous avons besoin, pour légiférer en toute clarté, de connaître le contenu du décret d'ici la deuxième lecture, autant nous devons éviter que la loi encadre de façon trop stricte le fonctionnement des maisons de justice. Avis défavorable aux deux amendements.

Mme la Garde des Sceaux - Même avis que la commission. Mais je m'engage à transmettre à l'Assemblée le texte du projet de décret.

M. Georges Hage - Notre amendement 46 a pour objet de permettre aux maisons de justice, par une bonne connaissance des réalités locales, d'assurer leurs missions au plus près de la vie quotidienne.

Les amendements 45 et 46, successivement mis aux voix, ne sont pas adoptés.

L'article 17 modifié, mis aux voix, est adopté.

ART. 18

M. le Rapporteur - L'amendement 17 tend à harmoniser la législation de Mayotte avec le dispositif que nous avons adopté et l'amendement 18 est de coordination.

Mme la Garde des Sceaux - Avis favorable.

L'amendement 17, mis aux voix, est adopté, de même que l'amendement 18.

M. le Rapporteur - L'amendement 19 tend à supprimer un renvoi inutile au décret.

L'amendement 19, accepté par le Gouvernement, mis aux voix, est adopté.

L'article 18 modifié, mis aux voix, est adopté.

ART. 19

M. le Rapporteur - L'amendement 20 est de précision.

L'amendement 20, accepté par le Gouvernement, mis aux voix, est adopté.

M. le Rapporteur - L'amendement 21 corrigé tend à supprimer une disposition inutile.

L'amendement 21 corrigé, accepté par le Gouvernement, mis aux voix, est adopté.

L'article 19 modifié, mis aux voix, est adopté.

M. le Président - Nous en arrivons aux explications de vote.

M. Jean-Antoine Leonetti - Ce projet est tellement un non-texte qu'il est difficile d'émettre un avis. Non seulement il est insuffisant, mais son application pourrait le rendre dangereux et tous ici s'en sont inquiétés. Un texte dénaturé par un décret d'application n'est pas un bon texte de loi. Celui-ci risque d'être à la source d'une évolution vers une sous-justice réservée à des pauvres qui préfèrent à tort une fausse médiation à un vrai procès. Le groupe UDF ne participera pas au vote.

M. Gérard Gouzes - En dépit des contorsions de M. Leonetti, ce projet mérite d'être approuvé par tous au moins moralement, puisqu'il permettra à certaines personnes de bénéficier d'une capacité de transaction que d'autres possèdent déjà. Dire qu'il est insuffisant alors qu'on n'a rien fait quand on était au Gouvernement, dire qu'il est dangereux, tout cela n'est pas crédible. L'opposition peine à justifier sa position.

En réalité, le projet représente une avancée substantielle vers une justice du quotidien. C'est ce qu'attendent les Français. Le groupe socialiste votera le texte sans hésitation.

L'ensemble du projet, mis aux voix, est adopté.

Prochaine séance demain, mardi 30 juin, à 10 heures 30.

La séance est levée à 19 heures 55.

          Le Directeur du service
          des comptes rendus analytiques,

          Jacques BOUFFIER


© Assemblée nationale


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