Accueil > Archives de la XIe législature > Les comptes rendus > Les comptes rendus analytiques (1998-1999)

Assemblée nationale

COMPTE RENDU

ANALYTIQUE OFFICIEL

Session ordinaire de 1998-1999 - 5ème jour de séance, 10ème séance

1ère SÉANCE DU JEUDI 8 OCTOBRE 1998

PRÉSIDENCE DE M. François d'AUBERT

vice-président

          SOMMAIRE :

LOI D'ORIENTATION AGRICOLE (suite) 1

    APRÈS L'ART. 12 1

    ART. 13 3

    ART. 14 4

    ART. 15 6

    ART. 16 6

    RAPPEL AU RÈGLEMENT 11

LOI D'ORIENTATION AGRICOLE (suite) 12

    ART. 16 (suite) 12

La séance est ouverte à neuf heures.


Top Of Page

LOI D'ORIENTATION AGRICOLE (suite)

L'ordre du jour appelle la suite de la discussion, après déclaration d'urgence, du projet de loi d'orientation agricole.

APRÈS L'ART. 12

M. Félix Leyzour - Notre amendement 96 a été adopté par la commission. Il s'agit de préciser : "En cas de faillite, le lieu d'habitation principal de l'exploitation agricole, en-deça d'un seuil fixé par décret, ne peut être saisi."

M. François Patriat, rapporteur de la commission de la production - Avis favorable donc. En revanche, la commission a rejeté l'amendement 556.

M. Louis Le Pensec, ministre de l'agriculture et de la pêche - Je suis défavorable à l'amendement 96 comme à l'amendement 556.

M. Félix Leyzour - Le sous-amendement 850 propose de substituer dans l'amendement 96 au mot "faillite" les mots "liquidation judiciaire ou de redressement de l'exploitation agricole".

M. Christian Jacob - Nous avons soutenu les amendements précédents portant sur le revenu des agriculteurs. Ici, nous nous interrogeons. Un propriétaire ne pourra-t-il récupérer son bien en cas de liquidation judiciaire ?

Je défends donc le sous-amendement 327 qui restreint la partie de l'amendement 96 aux exploitations de forme sociétaire.

M. le Rapporteur - La commission est favorable au sous-amendement 850 et défavorable au sous-amendement 327.

M. le Ministre - Avis défavorable à ces deux sous-amendements.

Le sous-amendement 850, mis aux voix, est adopté.

Le sous-amendement 327, mis aux voix, n'est pas adopté.

L'amendement 96, sous-amendé, mis aux voix, est adopté.

M. Jean Proriol - Notre amendement 663 vise à donner un signal fiscal fort en faveur des transmissions d'exploitation.

En effet, étant donné l'importance du capital dans les exploitations agricoles, il faut améliorer le système d'exonération des plus-values pour encourager les cédants à transmettre leur exploitations à un jeune agriculteur.

A l'heure actuelle, l'exonération s'applique seulement lorsque le chiffre d'affaires est inférieur à 1 million de francs. Il faut, au-delà de ce seuil mettre en place un système de taxation progressive au taux de 10 % de leur valeur si le CA de l'exploitation se situe entre 1 et 1,2 million, de 20 % pour un CA entre 1,2 et 1,4 million et ainsi de suite jusqu'à un taux de 100 % si le CA est supérieur à 2 millions.

Le seuil actuel est loin d'être suffisant pour l'agriculture secteur où le chiffre d'affaires est très élevé par rapport au revenu dégagé. L'objectif de cette mesure est de favoriser l'installation des jeunes.

M. le Rapporteur - Avis défavorable.

M. le Ministre - De nombreux amendements ont un caractère fiscal. Je souhaite que nous les discutions ensemble. Je demande donc que la discussion des amendements 662 et 663 soit réservée;

M. le Président - La réserve est de droit.

M. Jean Proriol - Nous espérons que vous passerez tout à l'heure de la réserve à l'accord... Il est vrai que l'amendement 662 porte sur une préoccupation voisine de celle de l'amendement 663.

La volonté de transfert du capital entre générations et de maintien de structures viables se heurte en effet en France aux prélèvements les plus pénalisants d'Europe. Il convient donc de mettre en place un véritable droit de transmission des entreprises qui allège la taxation des transferts pour préserver l'existence des outils de production qui sont source de richesses et d'emplois.

Nous proposons donc que dans l'article 793 du Code général des impôts, on complète le 7ème alinéa du 1 par les mots "la transmission d'exploitations agricoles à hauteur de 50 % de leur valeur".

M. Christian Jacob - Par l'amendement 804, M. Poignant demande au Gouvernement de déposer un rapport sur la réforme de la fiscalité avant le 31 mars 1999. A défaut de volet fiscal dans cette loi, il nous faut très rapidement un rapport abordant le problème de la transmission, de l'assiette fiscale et sociale de l'installation. Cela n'empêche pas d'accepter dès maintenant un certain nombre d'amendements.

M. le Rapporteur - Les amendements 804, 246 et 660 sont satisfaits par l'amendement 226 après l'article 64 adopté par la commission.

M. le Ministre - Le Gouvernement donnera un avis favorable à cet amendement qui prévoit le dépôt d'un rapport pour le 1er octobre 1999. L'adaptation de la fiscalité, les charges sociales, la transmission y seront abordées. J'apprécierais donc le retrait de cet amendement 804.

M. François Sauvadet - L'amendement 246 a le même objet. Nous regrettons que la loi d'orientation ne comprenne pas de dispositions fiscales ; elles sont pourtant essentielles. Un rapport sera un premier pas. Mais il faudra ensuite engager la réforme.

M. Jean Proriol - Nous avons la faiblesse de penser que nos amendements ne sont pas étrangers à celui de la commission et nous voudrions donc que la paternité de ce rapport soit reconnue à MM. Giscard d'Estaing, Perrut, Kergueris, Goulard et moi-même, pour m'en tenir aux auteurs de l'amendement 660. Cet amendement propose d'étudier des mesures concrètes pour favoriser la mutation fiscale des exploitations agricoles, notamment par une redéfinition des régimes simplifiés et transitoires d'imposition ; faciliter une transmission progressive des exploitations ; alléger le poids des prélèvements fiscaux opérés sur les bénéfices réinvestis dans les entreprises.

Nous souhaitons que, face à Bercy, on affirme fortement des orientations fiscales.

M. le Rapporteur - Seule la maternité est une certitude, la paternité est un acte de foi. Croyons ensemble... (Sourires) Un amendement ne peut anticiper sur ce que contiendra le rapport. Mais les problèmes que vous citez y seront traités, à l'évidence. La commission préfère l'amendement qu'elle a adopté.

M. le Ministre - Même avis que pour l'amendement précédent.

M. Christian Jacob - Si le rapport est déposé pour octobre 1999 on ne pourra pas prendre de mesures à l'automne. C'est pourquoi nous voulons qu'il soit déposé en mars. Je maintiens l'amendement 804.

Les amendements 246, 804 et 660, successivement mis aux voix, ne sont pas adoptés.

ART. 13

M. Claude Desbons - Cet article souligne que la fonction première de l'agriculture est économique et qu'elle a un rôle essentiel dans l'aménagement du territoire. Les aides publiques dépendent de critères dont le plus important est la viabilité économique de l'exploitation. Remplacer le critère de surface minimum par celui d'unité de référence permettra une attribution plus pertinente à des agriculteurs ayant un projet d'exploitation viable.

Pourtant un tiers seulement des installations sont aidées. Tout en restant ferme dans l'attribution des critères, il faudrait former et informer pour que plus de jeunes qui s'installent soient en position d'obtenir ces aides.

Les agriculteurs attendent avec impatience ces nouvelles orientations. Sur le terrain certes, on perçoit quelques craintes. Mais ce dont on a peur, ce n'est pas que ces mesures soient votées, c'est qu'elles ne soient pas réellement appliquées.

Dans mon département du Gers, le plus rural de France, le CNJA a accueilli favorablement ces propositions. Faisons tout pour que le monde agricole en tire réellement parti. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste)

M. François Sauvadet - Je me réjouis également qu'à travers l'unité de référence, on reconnaisse que la vocation économique de l'agriculture est fondamentale. Cette unité est fonction de la moyenne départementale des installations encouragées. Mais un tiers seulement le sont, ce qui pose la question de la complexité des aides.

Nous aurions préféré qu'on s'inscrive dans une perspective plus dynamique en ne tenant pas compte seulement des installations aidées sur cinq ans, mais des exploitations existantes. Il est également utile de consulter la CDOA et de retenir comme cadre la région naturelle.

M. le Ministre - Ce chapitre est consacré à l'orientation des structures des exploitations agricoles. Ces dispositions paraissent indispensables si on veut freiner l'agrandissement indéfinie des exploitations et donner la priorité à l'installation de nouveaux agriculteurs. Le dispositif comporte plusieurs éléments : modernisation du contrôle des structures en se fondant sur la notion d'unité de référence, information et transparence, extension du contrôle aux formes sociétaires, qui sont devenues dominantes.

M. Christian Jacob - L'amendement 330 de M. Guillaume tend à remplacer le terme "cultures" par "productions". Nous souhaitons inclure toutes les formes de production, y compris les ateliers hors sol.

M. le Rapporteur - Cet argument est juste mais il ne correspond pas à l'exposé des motifs de M. Guillaume ni au contenu de son amendement ! La commission l'a repoussé.

M. le Ministre - Avis défavorable pour les mêmes raisons.

L'amendement 330, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. le Rapporteur - La commission a également repoussé l'amendement 329.

M. le Ministre - Il est en effet trop limitatif.

L'amendement 329, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. le Rapporteur - L'amendement 98 est de précision. La commission l'a adopté.

M. Félix Leyzour - Je retire le 340, qui est identique.

L'amendement 98, mis aux voix, est adopté.

M. le Rapporteur - L'amendement 99 corrigé tend à récrire les deux derniers alinéas du nouvel article L.312-5 relatif à l'unité de référence. Il devrait donner satisfaction à nos collègues : il introduit la consultation de la CDOA et précise que l'unité de référence tiendra compte de la moyenne des installations encouragées au cours des cinq dernières années.

M. Jean Proriol - L'amendement 722 de M. Dutreil est en partie satisfait par le précédent. Mais notre collègue tient à laisser à la CDOA une plus grande marge d'appréciation pour fixer l'unité de référence.

M. le Rapporteur - Avis défavorable.

M. le Ministre - Même avis.

M. Christian Jacob - Je trouve que c'est une erreur de calculer l'unité de référence sur la base des installations récentes : le plus souvent les jeunes s'installent par suite d'une succession et n'ont qu'un faible nombre de parts du GAEC ou de la société civile ; ils s'agrandissent progressivement. La surface initiale de leur exploitation est donc inférieure à la moyenne du département.

M. Joseph Parrenin - Puisque la fixation se fait "par référence" à la moyenne des installations, cela laisse une certaine souplesse, une marge d'appréciation.

M. le Ministre - C'est effectivement l'esprit de la loi.

M. François Sauvadet - Cette unité de référence va jouer un rôle important, il ne faut pas qu'elle soit trop restrictive. S'il n'y a pas accord au sein de la CDOA, on sera bien obligé d'appliquer le texte à la lettre. J'aimerais donc qu'on élargisse la base de calcul à toutes les exploitations.

M. Jean-Michel Marchand - Le sous-amendement 743 corrigé répondra peut-être à ces préoccupations. L'unité de référence va être un élément essentiel pour l'aménagement du territoire et le développement de l'emploi. La déterminer par rapport à la région naturelle est une excellente chose. Mais dans certaines régions, calculer cette unité par référence aux seules installations aidées va au contraire augmenter la surface de référence. Il est préférable de prendre en compte la moyenne des exploitations du territoire concerné.

M. le Rapporteur - La commission a mis plusieurs heures à trouver un point d'équilibre. Il ne faut pas la remettre en question. Votre sous-amendement serait très difficile à appliquer.

M. le Ministre - Le texte n'enferme personne dans un cadre strict. L'article 13 prévoit que le calcul de l'unité de référence se fait à partir d'un échantillon représentatif d'exploitations viables. Mais l'article 16 prévoit la possibilité pour les CDOA de déclencher le contrôle des structures quand les exploitations dépassent une certaine taille.

M. Germain Gengenwin - Je suis contre le sous-amendement 743. La sagesse exige de rester près du terrain car les conditions varient d'une région à l'autre. L'amendement adopté par la commission correspond à cette situation.

Il faut appliquer ce texte avec sagesse car lorsqu'un exploitant cesse son activité, on est en général content de trouver un repreneur qui valorise les terres.

M. Jean-Michel Marchand - Je comprends les interrogations du rapporteur sur la notion de territoire, mais cette loi d'orientation agricole ne sera que la première d'une série de lois relatives à l'aménagement du territoire, qui permettront de la mettre en rapport avec la notion de pays.

M. Félix Leyzour - La formulation retenue par la commission me semble la meilleure. Le problème est de savoir si notre objectif est de relever la moyenne ou de l'abaisser.

M. François Sauvadet - Il est de retenir une bonne moyenne...

M. Christian Jacob - Il s'agit d'avoir une valeur pivot permettant aux exploitations d'être viables. Plus on élève l'unité de référence, plus on élargit la fourchette, ce qui donne de la souplesse. L'installation étant en général progressive, mieux vaut prendre comme référence des exploitations qui ont atteint leur taille de croisière.

Le sous-amendement 743 corrigé, mis aux voix, n'est pas adopté.

L'amendement 99 corrigé, mis aux voix, est adopté.

M. le Président - Les amendement 722, 615, 664 et 767 tombent.

L'article 13 modifié, mis aux voix, est adopté.

ART. 14

M. Christian Jacob - Mon amendement 331 tend à supprimer cet article qui n'apporte rien, puisque le CNASEA remet déjà chaque année un rapport sur la politique d'installation, qui est rendu public.

M. le Rapporteur - Rejet. Cet article prévoit d'une part l'établissement par l'autorité administrative d'un rapport sur l'installation dans le département, d'autre part l'information précoce des agriculteurs qui s'approchent de l'âge de la retraite sur l'obligation qui leur sera faite de faire connaître leurs intentions ; c'est une disposition essentielle pour l'installation des jeunes.

M. le Ministre - Je m'étonne qu'on conteste la nécessité d'assurer la transparence... Défavorable.

M. François Sauvadet - Votre ton polémique me surprend, Monsieur le ministre, d'autant qu'hier, vous avez refusé le rapport que nous demandions sur l'application des dispositions relatives au CTE !

M. Christian Jacob - J'appuie le propos de François Sauvadet, et j'ajoute que les ADASEA sont un excellent relais sur le terrain du CNASEA.

M. Joseph Parrenin - Ce rapport est nécessaire car celui du CNASEA ne concerne que les installations aidées. J'ajoute que j'ai cosigné avec le rapporteur l'amendement 100, concernant l'installation progressive.

M. Félix Leyzour - Il serait dommageable de supprimer cet article car son deuxième alinéa tend à faire connaître aux jeunes les terres qui vont se libérer.

M. Christian Jacob - Il existe déjà un répertoire dans les ADASEA.

L'amendement 331, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. le Rapporteur - L'amendement 100 est essentiel. Très demandé par la profession, il tend à faciliter l'installation progressive. De même, votre rapporteur serait favorable à une retraite progressive.

M. le Ministre - Avis très favorable.

M. Joseph Parrenin - Je retire mon amendement 558 qui est identique.

M. Christian Jacob - Je suis favorable à cet amendement quand au fond, mais concrètement, il n'apporte rien.

M. François Sauvadet - Nous sommes très, très favorables à cet amendement. (Sourires) Il faut en effet introduire de la souplesse dans la procédure d'installation, en ayant à l'esprit la problématique des retraites.

Je propose toutefois, par voie de sous-amendement, de supprimer les mots "notamment pour les candidats non originaires du milieu agricole."

M. Germain Gengenwin - L'installation progressive est déjà chose courante, point n'est besoin de l'inscrire dans les textes.

Le sous-amendement de M. Sauvadet, repoussé par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Jean Auclair - Le sous-amendement 601 tend à dispenser les jeunes agriculteurs s'installant en zone de montagne dans le cadre d'un GAEC de l'obligation d'apporter au moins 10 hectares au capital social.

M. le Rapporteur - La commission a repoussé ce sous-amendement, ainsi que le sous-amendement 602, car cette question relève du domaine réglementaire, et je crois d'ailleurs savoir que le projet de décret comporte une telle disposition.

M. le Ministre - Je le confirme. Au demeurant, l'apport minimal n'est pas une obligation à proprement parler.

Le sous-amendement 601, mis aux voix, n'est pas adopté.

Le sous-amendement 602 est retiré.

L'amendement 100, mis aux voix, est adopté.

M. Jean Proriol - L'amendement 665 précise le contenu des futurs rapports départementaux sur l'installation dans le département : ceux-ci devraient comporter un bilan global de l'application de la réglementation relative au contrôle des structures, au regard des orientations définies par les SDDS et par les projets agricoles départementaux. Il importe en effet d'améliorer la transparence et de mieux évaluer l'écart entre les objectifs affichés et les résultats atteints.

M. le Rapporteur - La commission a estimé que votre préoccupation était satisfaite par son propre amendement 101.

L'amendement 665, repoussé par le Gouvernement, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. le Rapporteur - L'amendement 101 dispose que le rapport servira de base à la modification du projet agricole départemental ou du schéma départemental des structures en cas d'inadaptation de leurs objectifs.

L'amendement 101, accepté par le Gouvernement, mis aux voix, est adopté.

M. Germain Gengenwin - Les amendements 332 de M. Jacob, 453 de M. Micaux et 723 de M. Dutreil prévoient que les organismes de retraite informeront les propriétaires bailleurs de la faculté offerte aux preneurs de prendre leur retraite anticipée, et ce dans le même délai que ces derniers, soit trois ans.

M. le Rapporteur - Le code rural impose déjà un préavis de dix-huit mois avant l'abandon de l'exploitation par le preneur.

M. Jean-Claude Lemoine - Plus le bailleur sera averti tôt, moins il aura de difficulté à trouver un repreneur, et nous éviterons ainsi que la concentration des terres ne s'aggrave.

Les amendements 332, 453 et 723, repoussés par le Gouvernement, mis aux voix, ne sont pas adoptés.

L'article 14, modifié, mis aux voix, est adopté.

ART. 15

M. Jean Auclair - L'amendement 333 tend à supprimer cet article.

M. le Rapporteur - La commission l'a repoussé, car il s'agit d'un article important, qui permet de mieux connaître et anticiper les mutations.

M. le Rapporteur - Le Gouvernement y est défavorable également, et je souligne qu'un amendement de la commission porte même à deux ans le délai d'information de l'administration par l'agriculteur.

L'amendement 333, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Jean Auclair - L'amendement 334 est défendu.

M. le Rapporteur - Avis très défavorable, car il est tout à fait incompatible avec le dispositif retenu par la commission.

L'amendement 334, repoussé par le Gouvernement, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. le Rapporteur - Les amendements 102 et 559 fixent à deux ans le délai d'information de l'administration, qui est actuellement de six mois, et que le projet tend à porter à dix-huit mois.

Les amendements 102 et 559, acceptés par le Gouvernement, mis aux voix, sont adoptés.

M. le Rapporteur - L'amendement 103, adopté par la commission à l'initiative de M. Marchand, permet de porter les informations relatives aux départs prévus à la connaissance du public, afin que les jeunes qui souhaitent s'installer sachent mieux quelles perspectives s'offrent à eux.

M. Jean-Michel Marchand - Le sous-amendement 744 remplace "peuvent être portées" par "sont portées".

M. le Rapporteur - Cela paraît excessif.

M. le Ministre - C'est aussi mon avis.

M. François Sauvadet - Nous sommes réservés sur l'amendement lui-même : pourquoi porter ce genre de questions sur la place publique, alors qu'il y a des instances pour les traiter ?

Le sous-amendement 744, mis aux voix, n'est pas adopté.

L'amendement 103, mis aux voix, est adopté.

L'article 15, modifié, mis aux voix, est adopté.

ART. 16

M. Yvon Abiven - L'agriculture, c'est d'abord une affaire d'hommes et de femmes, pas seulement d'entreprises et d'exploitations : voilà ce que cet article doit rappeler. Il faut conforter les installations existantes, prévenir les excès de la concentration. Mais la législation actuelle répond de plus en plus mal à ce souci, la concentration s'est intensifiée depuis vingt ans, aux dépens de l'installation des jeunes et de l'environnement et la loi est contournée dans les zones d'excédents structurels. Le présent article définira mieux les règles du jeu, car aujourd'hui, faute de sanctions véritables, c'est le libéralisme effréné qui triomphe -pour le seul Finistère, on annonce la disparition de 1 300 exploitations d'ici 2001.

Il faut une agriculture à taille humaine, respectant les hommes et les espaces : à côté du CTE, le contrôle des structures sera un second volet essentiel de la loi. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste)

M. François Colcombet - Il existe aujourd'hui une sorte de jacquerie à rebours à propos des porcheries industrielles, et le moment paraît venu de réconcilier à ce sujet le monde rural avec le reste de la population. D'un côté, en effet, il y a des gens qui protestent contre les nuisances dues à ce type d'exploitation ; de l'autre, du fait de la crise, des exploitants qui demandent à l'Etat des subventions -de sorte que ceux qui subissent les nuisances devront payer pour ceux qui les ont provoquées !

C'est surtout le développement de l'élevage sur caillebotis qui est responsable de cette situation : dès lors que nous sommes tous d'accord pour mieux rattacher l'agriculture au sol, nous apportons donc une première solution au problème, et le CTE en est une autre. Mais il faut régler aussi les questions très concrètes à propos de nuisances de voisinage : les tribunaux ont déjà eu à se prononcer plusieurs fois, et d'une façon qui a de quoi inquiéter le monde agricole : pour les juges, les nuisances qui existaient peuvent être tolérées, mais non celles qui sont nouvelles. Et de fait, il serait déraisonnable, dans certaines régions, de prétendre développer à la fois le tourisme et une agriculture qui dévaste l'environnement.

Il y a aussi la question des réserves en eau : la pollution des eaux profondes est désormais préoccupante dans la région Loire-Bretagne, et il faudrait des sommes prohibitives pour remettre les choses en l'Etat -sommes qui seraient payées pour l'essentiel par les non-agriculteurs. La solution, c'est donc bien de limiter au maximum l'élevage sur caillebotis et d'encourager le retour à des techniques moins fâcheuses pour l'environnement.

Afin d'envoyer un signal fort à la population, je défendrai des amendements tendant à généraliser à l'ensemble du pays les dispositions de la circulaire de juillet dernier, qui oblige à créer une station d'épuration dans les zones d'excédent structurel, et de baisser le seuil à partir duquel une autorisation est exigée afin d'assurer un contrôle a priori.

M. Jean Launay - Produire, employer, préserver l'environnement, voilà les trois objectifs majeurs de cette loi. A travers les modes de production agricole et la diversification dans l'agriculture, elle vise entre autres à consolider la valeur ajoutée au service de l'emploi.

La détermination de critères d'emploi, ainsi que l'attribution des aides en fonction du nombre d'actifs présents dans l'exploitation obligent à se pencher sur le contrôle des structures. L'article 16 répond à cette nécessité.

La réglementation de 1962 s'est en effet révélée incomplète, injuste, et inefficace : incomplète, parce que les installations libres et les cumuls ont été rarement contrôlées ; injuste, parce que la personnalité des demandeurs pesait plus que l'impact structurel des opérations envisagées ; inefficace, faute de sanctions véritables. De plus, la PAC et ses réformes successives ont pesé sur l'évolution des structures agricoles.

Un mot des seuils, en particulier du seuil de déclenchement du contrôle des structures, fixé à 0,5 de l'unité de référence en seuil inférieur, mais à 1,5 en seuil supérieur. Or, il y a de grandes disparités dans la taille moyenne des exploitations : si, dans certains départements, elle est raisonnable, dans d'autres, elle atteint 120 hectares, ce qui porte le seuil supérieur à 180 hectares pour un agrandissement. En outre, la révision de l'unité des références peut induire une auto-indexation très forte sur les seules installations aidées, ce qui risque d'aller à l'encontre de l'objectif recherché.

Je me félicite qu'avec cette loi, le contrôle des structures s'applique désormais aux pratiques sociétaires. Tout changement du nombre d'associés fera l'objet d'un contrôle.

Mais n'oublions pas que cette loi, est d'orientation. Les décrets seront très importants. Il devront fixer le seuil de contrôle pour les créations ou les extensions de capacité des ateliers hors sol ; renforcer la crédibilité du texte en précisant les conditions de publicité dans les journaux locaux -au moins 15 jours avant chaque CDOA, dès lors il s'agit d'opérations correspondant à plus de 10 % de l'unité de référence et à plus de 3 hectares.

S'agissant du seuil supérieur de l'autorisation préalable, nous aurions peut-être dû l'abaisser à 1,0 et la calculer sur la moyenne de toutes les exploitations du région, pas seulement sur celle des installations aidées, mais tel qu'il est, cet article est un progrès sensible dans la voie de la raison.

M. Didier Quentin - L'article 16 est au coeur de ce projet, puisqu'il traite du contrôle des structures et conditionne les évolutions en termes d'activité et de superficie des exploitations, leur transmission, leur cession, l'installation des jeunes agriculteurs et la liberté des propriétaires.

Les élus, les agriculteurs responsables et les organisations professionnelles sont favorables au contrôle des structures qui permet l'évolution harmonieuse des exploitations et l'installation des jeunes.

Néanmoins, votre dispositif, lourd et complexe, participe du renforcement excessif des procédures bureaucratiques que nous dénonçons depuis le début de ce débat.

Je conteste en particulier l'idée qu'un fils reprenant l'exploitation de ses parents n'aura qu'une autorisation provisoire d'exploitation pendant deux ans. Voilà qui va allonger les procédures, entraîner un contentieux lourd et déboucher sur des situations difficiles par exemple pour des agriculteurs qui ayant investi pour quinze ans se verront interdire d'activité au bout de deux ans. Nous imaginons leur situation financière dramatique et nous ne pouvons pas cautionner un dispositif qui, immanquablement, aura de telles incidences.

Cet article 16 se rajoute à tous ceux qui placent les exploitants sous un contrôle administratif permanent et rigide. Or, une agriculture performante a au contraire besoin d'un cadre législatif et réglementaire qui libère les énergies. Pour reprendre les propos du Président de la République, le 3 octobre dernier dans le Cantal, "trop souvent, les initiatives des exploitants sont bridées, étouffées par la complexité des procédures et l'omniprésence des administrations".

Il y a donc dans cet article 16 une contradiction flagrante entre l'objectif principal -l'installation des jeunes- et un dispositif qui tend plus à décourager les bonnes volontés qu'à les stimuler.

Les deux principaux risques qui pèsent sur l'agriculture française sont bien, à l'extérieur, sa renationalisation et, à l'intérieur, son étatisation.

Pour favoriser l'installation de jeunes agriculteurs, il existe d'autres solutions. Vous auriez pu proposer aux agriculteurs de plus de 55 ans de salarier un jeune candidat à l'installation avec prise en charge totale des cotisations sociales. Cela permettrait de soulager le travail de l'agriculteur en place, de créer une relation entre les deux. Il faudrait prolonger le processus par un abaissement des coûts fiscaux de transmission en faveur d'une cession à ce jeune. L'agriculteur conserve ainsi le choix d'un successeur qui connaîtra l'exploitation.

Un tel dispositif serait bien plus réaliste que votre article 16 qui consacre, comme le disait mon ami Christian Jacob, "une agriculture de préfecture".

M. Maurice Adevah-Poeuf - Je connais pour ma part beaucoup d'agriculteurs qui fréquentent les préfectures car les directions départementales de l'agriculture et de la forêt en sont souvent proches...

Le débat peut paraître abscons, sauf pour l'aspect "cochons" dont je pense qu'il est immédiatement perceptible par tous, ne serait-ce qu'olfactivement. Mais il est capital.

Si la politique des structures est ancienne, ses résultats ne sont pas satisfaisants. Alors qu'elle visait le renouvellement des chefs d'exploitation, leur nombre a chuté depuis trente ans tandis que, parallèlement, la taille moyenne des exploitations augmentait considérablement. Les compensations au foncier avec le hors-sol ont elles-mêmes abouti à des structures intégrées qui ont favorisé l'agrandissement des exploitations. Cela conduit à la saturation des marchés et à l'accroissement de la pollution. L'exemple des ateliers industriels d'élevage porcin témoigne de cette évolution qui ne constitue toutefois que l'un des aspects que la politique agricole doit traiter.

Le dispositif de l'article 16 ne se traduira pas par la suradministration.

Dans nos circonscriptions, nous connaissons tous des cas de violation manifeste des règles de contrôle de structure, des abus flagrants, qui se pérennisent sans l'ombre d'une sanction. Cela est aberrant dans un Etat de droit, d'autant que les auteurs de ces infractions perçoivent des aides publiques, tout en empêchant l'installation des jeunes. Mettre un terme à cela ne serait pas instituer la Guépéou dans les campagnes ! (Exclamations sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL)

Divers députés RPR, UDF et DL - Mais si !

M. Maurice Adevah-Poeuf - Si elle existait, ce n'est de toute façon pas de ce côté-ci des bancs qu'elle serait le mieux représentée !

Il faut préciser les règles et se donner les moyens de les faire respecter. Il est nécessaire que le foncier soit disponible pour les jeunes qui veulent s'installer. Je présenterai une dizaine d'amendements en ce sens.

M. Jean Auclair - Je siège tous les mois dans la CDOA de mon département et je sais combien la gestion des dossiers est difficile. C'est une erreur magistrale de la compliquer encore davantage en introduisant des non-agriculteurs, représentants des consommateurs ou des écologistes, dans les commissions.

En augmentant les pouvoirs des CDOA, c'est une véritable révolution que vous nous proposez. Compte tenu des risques de représailles, il faudra être courageux pour siéger demain en leur sein.

Je suis attaché à ce que les exploitations soient à taille humaine mais je défends aussi le droit de propriété. Dans votre dispositif, les propriétaires ne pourront plus louer à la personne de leur choix. Ce n'est pas sérieux quand on connaît le caractère personnel de la relation entre le bailleur et le preneur.

Il n'est pas non plus réaliste d'attaquer les formes sociétaires que nous avons toujours encouragées par le passé.

Enfin, on sait que nombreuses familles sont attachées à bâtir, par le travail de générations de paysans, un patrimoine foncier. Il n'est donc pas acceptable qu'un fils doive reprendre l'exploitation familiale avec une autorisation temporaire. Et que deviendra-t-il si après qu'il se soit endetté, la CDOA décide de confier l'exploitation à quelqu'un d'autre ?

Vous prônez une véritable collectivisation des terres.

M. le Rapporteur - Voilà, le mot est lâché.

Plusieurs députés RPR et DL - C'est bien ce dont il s'agit !

M. Jean Auclair - Après avoir annoncé hier que les CTE conditionneraient l'attribution des aides publiques et en particulier de la DJA et des prêts bonifiés, vous rallumez la lutte des classes, traduisant dans cet article les douces rêveries de votre syndicat-maison.

Il y a dans notre pays de vrais agriculteurs qui veulent vivre décemment de leur travail sur leurs terres. Alors, de grâce, Monsieur le ministre, ne cassez pas ce qui marche. Avec votre loi, il y aura bientôt plus de bureaucrates de l'agriculture que de vrais agriculteurs. (Applaudissements sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL)

M. Léonce Deprez - Avec cet article, vous instaurez une véritable mainmise bureaucratique et étatique sur la propriété foncière. La nouvelle loi remet en cause le droit de propriété.

Le renforcement du contrôle est tel que le propriétaire n'aura plus le libre choix de son locataire. Cela aura pour conséquence d'imposer au propriétaire un candidat à la reprise de ses terres qui ne remplira pas forcément les conditions affectives mais aussi de solvabilité et d'honorabilité qu'il aurait souhaité. Le risque est alors de voir les propriétaires reprendre en fin de bail leurs terres pour les exploiter eux-mêmes.

D'ailleurs, en Belgique, de plus en plus de propriétaires reprennent possession de leurs terres et les font exploiter par des entreprises de travaux agricoles. Cela serait néfaste sur le plan social.

Les exploitants qui souhaitent cesser leur activité, décident de leur successeur en tenant compte des mêmes éléments. On ne transmet pas une entreprise, dans laquelle sa famille s'est investie, n'importe comment et à n'importe qui. Il est donc très important pour le cédant d'avoir le choix de son successeur.

Le repreneur, lui, est désormais un véritable chef d'entreprise. Je peux vous le dire, j'ai cinq neveux qui sont ingénieurs agricoles. De tels chefs d'entreprise doivent pouvoir développer leur outil. Les freiner, c'est parfois les condamner. Il faut laisser à ces entrepreneurs la liberté d'entreprendre.

Pour des raisons sociales autant qu'économiques nous vous demandons donc d'accepter nos amendements.

Il faut alléger le contrôle des structures et permettre aux propriétaires et aux cédants de choisir librement, moyennant quelques critères définis, leurs successeurs.

Il faut rétablir le cumul provisoire, autrement dit, permettre à un ménage déjà exploitant de reprendre une seconde exploitation agricole en vue d'installer l'un de ses descendants dans le délai de cinq ans.

Il faut absolument laisser la possibilité de céder les parts de société librement comme le prévoit l'article 331-44 du code rural. Le monde agricole doit être soumis aux mêmes règles que les autres secteurs.

Toute cession d'exploitation agricole, soit au conjoint, soit aux descendants, ne devrait faire l'objet d'aucune demande de cumul.

Dans le cadre de l'installation du conjoint, si le mari est déjà exploitant, il devrait avoir le droit d'office, de reprendre sa propre exploitation pour la faire valoir directement sans devoir faire aucune demande à la CDOA.

Revoyez l'article 16 pour que notre agriculture reste performante comme elle l'a été jusqu'à ce jour, dans l'intérêt de la France ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF, du groupe DL et du groupe du RPR)

M. Jean-Michel Marchand - Le contrôle des structures est essentiel pour éviter le démembrement des exploitations viables, favoriser celles qui ne le sont pas, permettre l'installation de pluriactifs. C'est avant tout des hommes dont nous parlons ici. Il faut que s'installent des jeunes, mais aussi des moins jeunes et d'autres, issus de familles non agricoles.

Cependant, le seuil choisi pose problème. Un tel coefficient risque d'empêcher l'installation par exemple dans la viticulture. Il faut aussi prendre en compte l'agriculture biologique, qui nécessite des délais plus longs de mise en oeuvre. Le contrôle des structures doit aussi améliorer la protection de l'environnement et des paysages, afin que vivent en harmonie les exploitants et les autres résidents qui attendent autre chose que des bouleversements sauvages créant des nuisances visuelles ou olfactives. Il doit permettre de mieux prendre en compte les ressources naturelles et surtout l'eau.

Enfin j'estime important que les CDOA s'ouvrent aux associations de consommateurs ou de protection de l'environnement. C'est en se frottant aux réalités, c'est dans le dialogue et la transparence qu'on progressera.

Ne doutant pas que nos amendements seront pris en compte, nous voterons l'article 16.

M. Christian Jacob - Cet article est sympathique, et c'est bien ce qui est inquiétant. On est ici dans la même logique qu'avec les 35 heures.

M. Didier Quentin - Très juste !

M. Christian Jacob - Une logique collectiviste, dans laquelle on se demande comment partager le gâteau tel qu'il est, au lieu de l'agrandir. Ce qui était justifié en 1960 ne l'est plus. Aujourd'hui, le problème n'est pas l'accès au foncier, mais l'accès au marché. Je ne reviens pas sur le placardage en mairie scandaleusement prévu à l'article 15. On ne vous a jamais demandé, Monsieur le rapporteur, d'afficher le nombre de vaches que vous avez soignées dans la journée, ni le montant de vos honoraires !

De même on bafoue le droit des propriétaires, les seuls auxquels on ne demande jamais leur avis ! Si on leur interdit complètement de choisir l'exploitant, ils ne donneront plus à bail !

Le propriétaire agricole ne vit pas de ses rentes. Il supporte l'impôt foncier, l'impôt sur les grandes fortunes. Son métier devient un sacerdoce. Tout le monde peut donner son avis, les consommateurs, les amis de M. Marchand, mais pas eux, ils sont une race à part ! Vous les traitez un peu comme vous traitez la famille.

M. Maurice Adevah-Poeuf - Et la patrie ?

M. Christian Jacob - Moi, je suis fier d'être patriote !

M. Maurice Adevah-Poeuf - Nous aussi !

M. Christian Jacob - On ne prévoit pas non plus d'incitation fiscale pour les cédants. La politique du bâton, oui, l'incitation, non. Vous réinventez la lutte des classes. Ceux, que vous condamnez en premier, ce sont les agriculteurs des zones intermédiaires. Ce n'est pas en Seine-et-Marne qu'on trouve les plus grandes superficies moyennes, mais dans ces zones de Poitou-Charentes, de Lorraine, du Centre où les agriculteurs ont dû s'agrandir. Ce n'est pas avec les 20 000 F du CTE que vous allez conforter leur revenu. Dans l'Yonne, en Côte d'Or il y a de ces zones intermédiaires, Monsieur le rapporteur.

M. le Rapporteur - 1 200 hectares.

M. Christian Jacob - Ce n'est pas une moyenne.

Vous nous assenez le cas des exploitations de 2 000 ou 3 000 ha ! Mais dans votre rapport il n'y a rien qui les bloque ! Il s'agit souvent de sociétés financières qui n'ont plus rien à voir avec le métier d'agriculteur et qui, plutôt que de conclure un bail avec un jeune, font faire le travail par une entreprise pour récupérer les primes compensatoires. On ne peut contrecarrer ce phénomène que par des mesures incitant les agriculteurs en place à céder leurs terres à des jeunes, mais votre texte ne contient rien sur ce point essentiel.

M. François Sauvadet - L'article 16 est très important car il refond le dispositif de contrôles des structures. Il vise à limiter les agrandissements excessifs et faciliter l'installation. Nous sommes bien d'accord avec ces objectifs, mais le problème, c'est que les outils proposés ne vont pas du tout dans ce sens.

Vous avez fixé une unité de référence basse, en refusant nos amendements. Vous avez, par amendement, abaissé également le seuil de déclenchement des procédures. Vous refusez la présence des propriétaires dans les CDOA, mais y introduisez des associations d'écologistes et de consommateurs dont ce n'est pas le métier que de gérer des structures et des droits de produits ! Cela ne va faire que compliquer le jeu.

Comme en plus vous assimilez tout départ d'un associé à un agrandissement, on va se retrouver dans des situations impossibles : dans le cas d'un GAEC entre un père et ses fils, il va falloir attendre deux ans pour que le père ait l'autorisation de se retirer ! C'est une mécanique infernale -on sait que l'enfer est pavé de bonnes intentions.

En mettant en place un système trop contraignant, en démantelant un certain nombre d'exploitations, en associant à la CDOA des acteurs qui n'ont rien à voir avec la politique des structures, en évitant toute réflexion sur la gestion des droits de produire, vous allez créer une situation explosive !

Votre système n'aura pas l'efficacité souhaitée et ne freinera pas les activités des sociétés purement financières. Quand un dispositif est trop compliqué, les gens ne l'utilisent pas : on le voit avec les aides à l'installation, qui ne profitent qu'à un tiers des cas.

Ne mettez pas en place des systèmes dont les exploitations familiales seront les premières à payer le prix !

M. Thierry Mariani - Monsieur le ministre, nous partageons vos objectifs, mais nous ne sommes pas d'accord sur votre méthode, vos moyens et vos valeurs.

La méthode employée, c'est plus de contrôle, des mécanismes très lourds incluant des associations qui n'ont rien à voir avec l'agriculture, un climat mettant les propriétaires en position d'accusé.

Les moyens relèvent d'un collectivisme dépassé, on ne peut les accepter.

Mais j'attire aussi l'attention sur les valeurs qui sous-tendent votre projet. Alors que demain vous allez faire voter un texte favorisant les transmissions de biens entre homosexuels, ce qui choque une bonne partie des Français, aujourd'hui vous remettez en cause la pratique séculaire de la transmission familiale de l'exploitation agricole ! (Applaudissements sur les bancs du groupe du RPR ; protestations sur les bancs du groupe socialiste). Ces coïncidences de date sont assez surprenantes. Il y a vraiment dans cet hémicycle des valeurs différentes, deux conceptions de la société et nous ne pouvons pas souscrire à cet article 16. (Applaudissements sur les bancs du groupe du RPR)

M. le Ministre - Les critiques que j'ai entendues se ramènent à trois points essentiels : le projet porterait atteinte au droit de propriété, il ne serait pas conforme au droit des sociétés et il constituerait une entrave au droit de transmission.

M. le Rapporteur - Très bon résumé !

M. le Ministre - Je rappelle que ce contrôle, appelé antérieurement "loi sur les cumuls" remonte à 1962 et a fait l'objet d'une riche jurisprudence du Conseil d'Etat. Il a été réformé par la loi d'orientation de 1980 et par la loi complémentaire à la loi d'adaptation de 1990. La loi de 1984 relative au contrôle des structures et au statut du fermage a été soumise au Conseil Constitutionnel, le présent projet à l'avis du Conseil d'Etat.

Or ni le législateur, ni le juge constitutionnel, ni le juge administratif n'ont estimé que le contrôle des structures portait atteinte au droit de propriété, à la transmission et au statut des sociétés.

En ce qui concerne le droit de propriété, protégé par la Déclaration des droits de l'homme et donc intégré à notre droit constitutionnel aucune observation n'a été faite par le Conseil Constitutionnel en 1984. Le Conseil d'Etat, lors de l'examen du présent texte, a limité ses observations au caractère réglementaire de certains éléments de la procédure. Le propriétaire reste libre du choix de son locataire. Le contrôle des structures constitue une partie tout à fait stabilisée du droit rural et il est source de sécurité juridique pour les bailleurs et les preneurs.

En ce qui concerne le droit des sociétés, le texte vise à étendre le contrôle des structures aux montages sociétaires qui se développent dans le monde agricole, ceci pour mettre sur pied d'égalité les personnes physiques et les exploitants dans un cadre sociétaire. Le contrôle des agrandissements est une procédure avec avis et ne donne pas forcément lieu à refus. Les différents critères du schéma directeur départemental doivent être pris en compte par la commission des structures.

Par ailleurs, un délai de deux ans est accordé à l'associé, pour se mettre en conformité, ce qui apparaît suffisant. La rédaction proposée tient d'ailleurs compter des observations de la Chancellerie.

Enfin, en ce qui concerne les transmissions, il n'y a pas de renforcement du contrôle par rapport au dispositif actuel, qui date de plus de trente ans. Par contre certains amendements de l'opposition visant à exclure du contrôle certaines transmissions familiales présentent un caractère inéquitable. Pourquoi l'exploitant âgé sans successeur assuré serait-il soumis au contrôle alors que les transmissions familiales ne le seraient pas ? Dans les deux cas, s'il y a un dépassement des seuils de contrôle, les transmissions seront examinées au regard des critères approuvés par la CDOA.

Les arguments avancés par l'opposition ne sont pas pertinents en droit et sont contestables sur le plan politique. Cette réforme du contrôle des structures est nécessaire. Nombre de dispositions figuraient dans le projet de mon prédécesseur ; nous avons apporté des améliorations en discutant avec les professionnels, et je souligne à l'attention de M. Jacob que ces dispositions font l'objet d'un accord unanime des organisations syndicales. Dans cette matière, il ne faut pas se laisser guider par les seuls principes du libéralisme ; cet article est cohérent avec les orientations que je vous ai présentées et ne mérite pas les procès d'intention dressés par l'opposition. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe communiste)

RAPPEL AU RÈGLEMENT

M. François Goulard - Mon rappel au Réglement se fonde sur les articles 58 et 89. Je suis désolé d'interrompre ce débat important, mais j'y suis contraint. En effet des rumeurs persistantes nous proviennent de membres éminents de la majorité, selon lesquelles, pour continuer à débattre du projet inscrit à notre ordre du jour de demain concernant le PACS, sujet qui requiert la sérénité, nous serions amenés à siéger dimanche.

M. Germain Gengenwin - Il ne manquerait plus que ça !

M. François Goulard - Il se trouve que le week-end prochain, l'un des groupes de cette assemblée a prévu de longue date de tenir ses journées parlementaires. Il serait contraire à tous les usages de faire siéger l'Assemblée nationale en même temps. Au demeurant, on sait combien il est difficile pour nous de siéger un dimanche.

Je vous demande donc instamment, Monsieur le Président, de nous assurer que nous ne siégerons pas dimanche. Si vous n'êtes pas en mesure de le faire, je vous demande de prendre contact avec le Président de notre Assemblée. Il a fait récemment des déclarations fort intéressantes sur le renforcement des pouvoirs du Parlement et en son sein, de l'opposition : c'est le moment de le prendre au mot. (Applaudissements sur les bancs du groupe DL, du groupe UDF et du groupe du RPR)

M. Jean Proriol - Compte tenu des informations que M. Goulard vient de nous donner, je demande au nom du groupe DL une suspension de séance d'un quart d'heure.

M. le Président - L'ordre du jour de notre Assemblée, tel qu'il a été fixé par la Conférence des présidents le jeudi 1er octobre, ne prévoit pas de séance samedi. La Conférence n'a pas pris de position concernant la journée de dimanche. Je vais m'enquérir auprès de M. le Président de son éventuelle intention de réunir une Conférence des présidents qui pourrait modifier l'ordre du jour.

M. Philippe Vasseur - En me fondant sur les articles 58 et 89, je voudrais appeler l'attention avec une certaine solennité sur les conditions dans lesquelles on fait travailler le Parlement.

Nous avons tous à rendre des comptes aux électeurs de nos circonscriptions, où nous avons tous des engagements le samedi et le dimanche.

M. Maurice Adevah-Poeuf - Vous êtes un député hors sol !

M. Philippe Vasseur - Il y a peut-être des députés par accident qui ne se soucient pas de leurs électeurs, mais c'est l'exception !

Il n'est pas acceptable qu'un jeudi matin, nous ne sachions pas si nous allons devoir siéger le dimanche suivant ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF, du groupe DL et du groupe du RPR)

M. André Lajoinie, président de la commission de la production - Ces incidents sont inconvenants. On veut empêcher l'adoption du projet de loi d'orientation en soulevant un problème qui n'a rien à voir. C'est une manoeuvre politique !

Quant à parler de "députés par accident", Monsieur Vasseur, il n'y a pas de hiérarchie parmi les députés !

La séance, suspendu à 11 heures 25, est reprise à 11 heures 50.

M. le Président - Le Président de l'Assemblée a été tenu informé des observations formulées par plusieurs de nos collègues, avant la suspension de séance, sur l'organisation de nos travaux. Je rappelle qu'en tout état de cause notre ordre du jour ne peut être modifié qu'en Conférence des présidents.

M. François Goulard - Nous ne sommes guère plus avancés...

M. François Sauvadet - Notre but n'était pas de provoquer un incident, mais d'insister sur notre volonté de poursuivre dans les meilleures conditions une discussion qui n'a été que trop hachée, jusqu'à présent, par l'examen de textes divers.

M. le Président - Il est prévu de consacrer à la discussion de la proposition relative au PACS toute la journée de vendredi, et il est acquis qu'il n'y aura pas de séance samedi, en raison des journées parlementaires du RPR. Pour que nous siégions dimanche, il faudrait que la Conférence des présidents en décide ainsi, mais aucune réunion n'a encore été convoquée.


Top Of Page

LOI D'ORIENTATION AGRICOLE (suite)

ART. 16 (suite)

M. Christian Jacob - L'amendement 356 tend à supprimer cet article. Nous ne sommes pas hostiles à tout contrôle des structures, mais nous souhaitons conserver, moyennant quelques améliorations ponctuelles, le dispositif actuel, que le projet tend à rendre plus rigide, plus contraignant, plus administratif, sans pour autant répondre au problème posé par certaines sociétés.

M. le Rapporteur - L'article 16 vise à adapter le contrôle des structures à certaines évolutions récentes, parmi lesquelles le développement de la forme sociétaire. Il innove triplement en assurant l'égalité de traitement entre exploitants individuels et sociétés, en unifiant le régime d'autorisation et en remplaçant les sanctions pénales, rarement mises en oeuvre, par des sanctions administratives, plus dissuasives. La commission a donc repoussé l'amendement.

M. le Ministre - Avis également défavorable.

M. François Guillaume - Je m'interroge sur les raisons de votre surenchère sur le contrôle des structures. Nous ne sommes certes pas suspects d'hostilité au principe lui-même : il a été instauré par la loi d'orientation de 1960, alors que les ministres radicaux ou socialistes précédents n'avaient jamais rien fait - pour ne pas parler des communistes, qui ne juraient que par les sovkhozes et les kolkhozes, et revenaient enthousiastes de leurs voyages à Moscou après quelques génuflexions devant le mausolée de Lénine ! (Applaudissements sur les bancs du groupe du RPR ; exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe communiste)

En vérité, si le contrôle des structures a donné lieu à des dérives, ce n'est pas à cause des insuffisances de la législation, mais à cause de sa mauvaise application. Je ne vous reproche pas de chercher à revenir sur l'erreur fatale commise par M. Nallet en 1985 lorsqu'il a créé les EARL, mais de remettre en cause, en multipliant les contraintes, l'agriculture de groupe elle-même, et en particulier les GAEC, au sein desquels règnent l'égalité et la transparence.

La meilleure solution est de supprimer l'article pour maintenir la législation actuelle qui répond aux besoins, à condition de veiller à son application. Pour régler quelques dérives dans les GAEC, il n'est pas besoin de ce chambardement que vous nous avez prévu.

M. Joseph Parrenin - Nous avions commencé à travailler sérieusement. Il faudrait continuer.

M. Jean Auclair - On vous renvoie la balle !

M. Joseph Parrenin - M. Jacob parle de génuflexion devant un mausolée. Lui, fait la génuflexion devant l'ultra-libéralisme.

Ce n'est pas cela que les agriculteurs attendent. Ils attendent des moyens de défendre leur exploitation. Et pour défendre des exploitations à taille humaine, il faut le contrôle des structures. Ce sont les organisations professionnelles qui nous l'ont dit. Ces organisations, Monsieur Jacob les oublie, croyait le ministre. Non, ce sont elles qui oublient M. Jacob et M. Guillaume.

M. Félix Leyzour - L'opposition s'en prend au fond même du projet et veut en supprimer article après article. Mais les problèmes sont bien réels. Alors l'opposition se saisit d'amendements ici ou là pour essayer d'accréditer l'idée que ce qui se fait de bien, c'est grâce à elle, ce qui se fait de mal est dans le projet. MM. Jacob et Sauvadet se partagent les rôles, ils couvrent chacun une aile.

Il est clair que vous ne voulez pas améliorer ce qui fonctionne mal. Sur le contrôle des structures, il y a pourtant beaucoup à faire. Monsieur Guillaume, on vous a connu mieux inspiré quelquefois. Je ne sais pas où vous faites vos génuflexions ; en tout cas nous ne plierons pas le genou devant vous !

Le contrôle des structures permettra à des jeunes de s'installer et aux plus petits exploitants de s'agrandir. Vous voulez faire croire que vous défendez les agriculteurs. Non, vous défendez certains agriculteurs, et vous restez bien dans votre rôle. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste)

M. Christian Jacob - Nous sommes députés de toute la nation, comme vous.

M. François Sauvadet - Je ne comprends pas vraiment ce que je couvre, mais ce que je veux découvrir ce sont vos intentions réelles dans ce texte. Vous nous caricaturez : nous n'avons jamais dit que nous refusons ce contrôle. Simplement, notre position est équilibrée. Vos bonnes intentions se heurtent à la réalité. J'ai posé des questions concrètes. Par exemple, dans un GAEC père-fils, si ce dernier s'en va, cela se traduirait-il par un agrandissement ? Vous n'avez pas répondu, vous préférez l'exemple de l'exploitant qui n'a pas d'héritier pour montrer que les exploitants familiaux peuvent transmettre leur bien. Vous n'avez pas répondu non plus sur l'élargissement de la CDOA, et vous n'avez pas apaisé nos craintes concernant le démembrement d'exploitations viables, surtout dans la mesure où vous voulez renforcer la pluriactivité.

L'amendement 356, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. le Rapporteur - L'amendement 104 est de forme.

L'amendement 104, accepté par le Gouvernement, mis aux voix, est adopté.

Article L. 331-1 du code rural

M. Félix Leyzour - Cet article porte que "L'objectif prioritaire du contrôle des structures est de favoriser l'installation d'agriculteurs".

Par l'amendement 841, nous complétons la phrase ainsi : "y compris ceux engagés dans une démarche d'installation progressive".

M. le Rapporteur - Nous acceptons cet amendement, plutôt que les amendement 105 et 560 qui sont moins bien placés.

M. le Ministre - Favorable

M. Joseph Parrenin - Je retire l'amendement 560.

L'amendement 841, mis aux voix, est adopté.

M. François Sauvadet - Voyez, Monsieur Leyzour, quand l'idée est bonne, nous votons pour !

M. Jean-Michel Marchand - Nous retirons l'amendement 740 au profit de l'amendement 771 dont la place est plus judicieuse.

M. le Président - Les amendements 235, 247, 267, 358 et 500 sont identiques.

M. Christian Jacob - L'amendement 235 est défendu.

M. Jean-Claude Lemoine - Les amendements 247, 267 et 358 suppriment le dernier alinéa de cet article du code.

Il s'agit de définir un cadre équilibré et respectueux de la concurrence pour l'exercice de la pluriactivité qui a pris une grande ampleur. Or selon les catégories professionnelles, les charges ne sont pas identiques pour une même activité. Ce que nous voulons, c'est même statut, mêmes droits, mêmes devoirs.

M. le Rapporteur - La commission a repoussé ces cinq amendements qui suppriment la pluriactivité que, dans beaucoup de régions, la déprise rurale rend nécessaire.

M. le Ministre - Le Gouvernement ne peut qu'être défavorable à ces amendements.

M. Germain Gengenwin - Je partage votre avis car dans une commune comme la mienne, si on supprime les pluriactifs il ne reste plus grand monde. Mais ce n'est pas ainsi ailleurs. Mieux vaut donc laisser chaque CDOA apprécier les cas locaux.

M. François Guillaume - Je suis favorable à cette suppression. De toute façon on n'a jamais interdit à quiconque de développer une production sans être agriculteur. Par exemple si le pharmacien du village a des capitaux, il peut acquérir des terres qu'il exploitera ensuite. Mais l'agriculteur considère que la concurrence est faussée par cet apport de capitaux extérieurs alors que son revenu est insuffisant pour investir.

Va-t-on donner aux pluriactifs les aides économiques et sociales et les aides à l'installation dont bénéficient les agriculteurs ?

Inscrire ces dispositions dans la loi inciterait tous les pluriactifs à réclamer les mêmes avantages.

M. Felix Leyzour - Je suis un peu surpris de cette manière d'aborder la discussion de l'article : car enfin la question des pluriactifs n'en est qu'un aspect, le troisième dans l'énumération des buts de contrôle des structures.

M. le Rapporteur - M. Guillaume semble avoir oublié ce que disait hier M. Ollier : que serait la montagne sans la pluriactivité ? Que serait la Corse sans la pluriactivité ? Dans ma commune, il y a des éleveurs de bovins allaitants qui travaillent d'autre part en entreprise. La commission a déposé des amendements pour éviter que des capitaux soient apportés sous couvert de prête-noms.

M. Jean-Claude Lemoine - Nous ne sommes pas opposés à la pluriactivité -et heureusement qu'il y a des pluriactifs, y compris en Lorraine. Mais nous voulons que les règles de la concurrence soient égales pour tous. En 1996, un groupe de travail avait été constitué, il n'a pas abouti, mais nous souhaiterions qu'il soit réactivé.

Les amendements 235, 247, 267, 358 et 500, mis aux voix, ne sont pas adoptés.

M. le Rapporteur - La commission a adopté l'amendement 106 de M. Leyzour, en dépit des réserves du rapporteur.

M. Félix Leyzour - Afin de mieux atteindre les objectifs définis à cet article -favoriser l'installation des jeunes, l'agrandissement des petites exploitations et l'établissement de pluriactifs, je propose de compléter ainsi l'article : "Dans ces buts, le statut des sociétés d'aménagement foncier et d'établissement rural est modifié pour y intégrer le principe de location et de location-vente".

M. le Ministre - D'ores et déjà les SAFER peuvent procéder, sous certains conditions, à la mise à disposition de biens fonciers -et elles rendent depuis longtemps des services allant au-delà de leurs missions initiales. Il faut donc en effet réexaminer le rôle des SAFER et un amendement sera déposé à ce sujet après l'article 49. Je souhaite donc le retrait de l'amendement 106.

M. Christian Jacob - Il existe en effet des locations à titre précaire. Mais il s'agit ici d'autre chose, d'un véritable fermage, donc de baux : les SAFER deviendraient bailleurs, ce qui reviendrait à nationaliser les sols. La vocation des SAFER, c'est l'aménagement foncier, non la location de terres.

M. François Sauvadet - Je partage ces préoccupations. On ne peut s'exonérer, c'est vrai, d'une réflexion sur le rôle des SAFER, qui interviennent parfois sur des surfaces très faibles et pèsent sur le coût du foncier.

M. Jean Auclair - Nous soutenons le ministre sur ce point. Si l'amendement était adopté, cela signifierait qu'avec de l'argent public les SAFER pourraient acquérir des exploitations qu'elles céderaient ou loueraient ensuite à qui elles voudraient : ce serait une distorsion de concurrence et une atteinte au droit de propriété.

M. le Rapporteur - L'amendement à venir devant régler le problème, je propose le retrait de celui-ci que nous examinons.

M. Félix Leyzour - Permettez que son auteur soit consulté ! Cette question intéresse beaucoup les jeunes agriculteurs, à cause du poids du foncier. Mais peu importe l'endroit où elle est traitée : je retire donc l'amendement. Mais de grâce, ne criez pas au loup et à la nationalisation des terres !

L'amendement 106 est retiré.

Avant l'article L. 331-2 du code rural

M. François Guillaume - L'amendement 366 rédige ainsi l'article 331-2 du code rural : "Toute diminution du nombre total des associés exploitants au sein d'une exploitation est assimilée à un agrandissement au bénéfice des autres associés et entraîne pour ceux-ci l'obligation de déposer une déclaration préalable".

Je préfère la déclaration à l'autorisation, car l'exploitation est une entité économique, elle ne peut être amputée du jour au lendemain d'une partie de sa surface.

M. le Rapporteur - Avis défavorable.

M. le Ministre - Avis défavorable également.

M. Germain Gengenwin - L'amendement 366 vise à soumettre à une simple obligation de déclaration les associés bénéficiant d'un agrandissement du fait de la diminution du nombre total d'associés au sein d'une exploitation.

Nous proposons d'ailleurs d'autres amendements pour éviter que la loi n'entraîne des démembrements d'exploitation et, en particulier, pour s'assurer que le fils associé à son père dans un GAEC n'ait pas à passer devant la commission lorsque son père prend sa retraite.

M. Christian Jacob - Les dispositions du projet me paraissent incompatibles avec les mesures que nous avons votées tout à l'heure pour favoriser l'installation progressive.

L'intérêt de l'installation progressive est justement qu'un jeune qui rentre dans un GAEC ou dans une SCA ait la perspective de pouvoir s'agrandir lorsque l'un des autres associés se retire. L'agrandissement est le principe même de l'installation progressive.

On ne peut pas le considérer comme illicite et menacer de le remettre en cause.

M. Joseph Parrenin - Il ne s'agit pas de figer les GAEC, mais simplement de lutter contre les abus que nous ont signalés les responsables professionnels.

M. François Sauvadet - Il n'y a pas d'abus dans les GAEC père-fils !

M. Joseph Parrenin - Quand le père se retire d'un GAEC père-fils, la CDOA doit déterminer s'il convient ou non d'accorder l'autorisation d'exploiter sans bien sûr que le refus soit automatique.

Il faut faire confiance aux partenaires de l'agriculture.

M. Christian Jacob - Le problème ne se pose pas dans les GAEC père-fils qui se constituent pour faciliter l'installation progressive du fils. Evitons, en ne demandant qu'une déclaration, le démantèlement d'"exploitations viables !

L'amendement 366, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. François Guillaume - Mon amendement 361 substitue dans le premier alinéa de l'article 16 le mot "déclaration" au mot "autorisation".

L'inefficacité des régimes d'autorisation est en effet apparue à l'usage. Les dossiers encombrent les préfectures et ne peuvent plus d'être traités. Quand on veut tout contrôler, on ne contrôle rien !

Au contraire, un régime de déclaration permet au préfet de sélectionner les dossiers contestables et d'en saisir la commission des structures.

Il est vrai qu'il y a des dérives. Il y en a toujours. Il faut bien sûr les limiter mais votre dispositif est inadapté. Vous prenez un pilon pour écraser une mouche !

M. le Rapporteur - C'est justement parce que le système de la déclaration s'est révélé inopérant que nous souhaitons un dispositif d'autorisation.

Quand un associé se retire d'un GAEC, il y a bien appauvrissement. Cependant, les choses se présentent différemment dans les GAEC père-fils. La commission est défavorable à l'amendement.

M. le Ministre - Le régime de déclaration qui existe a prouvé son inefficacité ; je suis donc opposé à l'amendement de M. Guillaume.

M. François Sauvadet - Je remarque, comme le rapporteur, que la question des GAEC père-fils n'est pas tranchée.

Nous souhaitons un contrôle des structures efficace, mais voulons éviter le démembrement des exploitations.

Des restructurations entraînant des investissements lourds sont souvent nécessaires lorsque l'un des associés se retire. Dans ces conditions, on ne peut laisser les exploitants dans l'incertitude deux ans, comme le fait l'autorisation temporaire.

L'amendement 361, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Léonce Deprez - Mon amendement 457 vise à favoriser les vocations chez les jeunes agriculteurs en facilitant la transmission de biens entre générations et par conséquent la continuité familiale.

M. le Rapporteur - Les considérations familiales seront bien sûr largement prises en compte. Vos craintes ne sont pas fondées.

La commission est donc défavorable à votre amendement.

M. le Ministre - Avis défavorable.

L'amendement 457, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Léonce deprez - Le but de l'amendement 458 est de laisser les petites structures suffisamment libres pour assurer leur développement et d'éviter une congestion administrative due à des contrôles trop importants.

Les jeunes agriculteurs sont aussi capables que les jeunes industriels d'établir des projets de développement. Il ne faut pas les décourager.

M. le Rapporteur - Le seuil fixé dans votre amendement dispenserait d'autorisation de grandes exploitations. Je ne peux l'accepter.

M. le Ministre - Cet amendement viderait le projet de son contenu. Mon avis est défavorable.

L'amendement 458, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Léonce Deprez - L'amendement 459 participe du même esprit. Il s'agit de restaurer le principe du cumul provisoire qui facilite l'installation de jeunes agriculteurs grâce à l'aide de leurs parents.

M. le Rapporteur - Revenir au cumul est contraire à l'esprit du texte ; je suis donc défavorable à votre amendement.

M. le Ministre - La disposition existait dans le code rural et a été vivement critiquée par les organisations professionnelles. C'est pourquoi nous l'avons supprimée. Je n'envisage pas de la rétablir.

L'amendement 459, mis aux voix, n'est pas adopté.

La suite du débat est renvoyée à la prochaine séance, qui aura lieu cet après-midi, à 15 heures.

La séance est levée à 12 heures 45.

          Le Directeur du service
          des comptes rendus analytiques,

          Jacques BOUFFIER


© Assemblée nationale


© Assemblée nationale