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Assemblée nationale

COMPTE RENDU

ANALYTIQUE OFFICIEL

Session ordinaire de 1998-1999 - 10ème jour de séance, 23ème séance

1ère SÉANCE DU JEUDI 15 OCTOBRE 1998

PRÉSIDENCE DE M. François d'AUBERT

vice-président

          SOMMAIRE :

LOI DE FINANCES POUR 1999 -première partie- (suite) 1

    ART. 2 (suite) 1

    APRÈS L'ART. 2 10

La séance est ouverte à neuf heures.

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ERRATUM

au compte rendu analytique de la 2ème séance du mercredi 14 octobre

Page 3, question "PROCESSUS DE PAIX ISRAÉLO-PALESTINIEN", au lieu de M. Jean Besson, lire M. Eric Besson


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LOI DE FINANCES POUR 1999 -première partie- (suite)

L'ordre du jour appelle la suite de la discussion de la première partie du projet de loi de finances pour 1999.

ART. 2 (suite)

M. Yves Cochet - L'amendement 179 corrigé est défendu.

M. Didier Migaud, rapporteur général de la commission des finances - Cet amendement prévoit de substituer des réductions d'impôt aux parts de quotient familial pour compenser les charges de famille dans le calcul de l'impôt sur le revenu. Ce dispositif est inspiré par une philosophie intéressante, puisqu'il représenterait un avantage pour les familles les moins imposées. Mais il provoquerait des transferts massifs qu'il conviendrait d'évaluer de façon plus précise. Trois millions de ménages y perdraient ; beaucoup qui ne sont pas imposables aujourd'hui le deviendraient ; enfin, la mesure coûterait 21,6 milliards. La commission est donc défavorable.

M. Christian Sautter, secrétaire d'Etat au budget - Même avis.

M. Philippe Auberger - Le groupe RPR est également contre cet amendement qui entraînerait une profonde réforme de l'impôt sur le revenu. Notre système peut s'honorer, avec le quotient familial, de tenir compte de la capacité contributive réelle des familles en fonction de leur nombre d'enfants. Le système des réductions d'impôt se veut plus égalitaire mais, comme l'a souligné, à juste titre, le rapporteur général, il entraînerait des transferts massifs. L'Allemagne, qui applique ce dispositif, pense le réviser. Cet amendement va à l'encontre des objectifs recherchés avec le quotient familial.

L'amendement 179 corrigé, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Philippe Auberger - La majorité plurielle est divisée !

J'ai fait observer hier soir au Gouvernement qu'il avait modifié les estimations des prélèvements obligatoires pour l'année 1997 : 3/10ème de part de plus par rapport au taux constaté par Eurostat. Pour 1998, je maintiens que, contrairement à ce que l'on m'a soutenu, les prélèvements obligatoires, de l'Etat comme des collectivités locales, ne diminueront pas. Il en ira de même en 1999. Or, comme le Gouvernement prétend vouloir les diminuer, nous lui proposons, par l'amendement 61 rectifié, d'alléger le poids de l'impôt sur le revenu. En 1999, le produit de cet impôt doit augmenter encore de 17 milliards, dont 4 milliards proviendront de la réforme du quotient familial. Nous suggérons pour notre part, de poursuivre la réforme de l'impôt sur le revenu engagée par le précédent gouvernement en atténuant la progressivité de manière générale. La gauche n'avait d'ailleurs pas remis en question le principe de cette réforme à son arrivée au pouvoir. La France doit suivre la voie où se sont déjà engagées la Grande-Bretagne et l'Italie, où s'apprête à s'engager l'Allemagne. Le taux marginal d'imposition pour les tranches supérieures est nettement plus élevé chez nous que chez nos voisins.

M. le Rapporteur général - Vous avez quelques idées fixes, cher collègue, et pensez sans doute que répétée, une erreur peut se transformer en vérité ! Votre amendement reprend le barème de l'impôt sur le revenu tel qu'il était prévu pour la première année de la réforme adoptée en 1996 par l'ancienne majorité. La commission l'a rejeté, maintenant la décision de l'an dernier. Enfin, comment prétendre que le Gouvernement surestime la croissance et les recettes, et proposer dans le même temps un allégement fiscal aussi important, qui ne bénéficierait qu'à une fraction de la population ? Avis très défavorable de la commission.

M. le Secrétaire d'Etat - Cet amendement serait à la fois injuste et coûteux. En effet, les 1,3 % des contribuables disposant d'un revenu supérieur à 500 000 F bénéficieraient de 15 % des allégements d'impôt tandis que le manque à gagner s'élèverait à 14,8 milliards. Le Gouvernement entend utiliser les marges disponibles à des réformes plus justes. Rejet.

L'amendement 61 rectifié, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Yves Cochet - L'amendement 164 est d'une inspiration inverse de celle du précédent. La réforme de l'impôt sur le revenu intervenue en 1987 avec le passage de sept à treize tranches et l'abaissement des taux pour les tranches supérieures a été injuste. Nous pensons, nous, que l'impôt sur le revenu est le plus juste de tous.

M. Christian Cuvilliez - C'est vrai.

M. Yves Cochet - Vous disiez hier, Monsieur d'Aubert, ne voir aucune perspective pour la majorité. Pour ma part, j'en vois au moins une : rétablir la justice fiscale détériorée par les deux gouvernements précédents. Je ne crois plus, non plus que quiconque, à un grand soir fiscal. Mieux vaut un bon cap qui permette de réaliser progressivement la justice fiscale. Nous voulons, nous, alléger les impôts indirects, notamment la TVA, qui touchent tous nos concitoyens.

L'impôt sur le revenu frapperait durement les ménages ? Mais il y a des ménages riches et d'autres qui le sont moins. Le seul impôt citoyen, c'est l'impôt sur le revenu. Pourtant, son produit ne représente que 20 % de nos recettes fiscales et sa part dans le PIB n'est que de 6,6 % contre 11,3 % en moyenne dans l'Union européenne. En outre, cet impôt ne concerne qu'un ménage sur deux.

C'est pourquoi mon amendement 164 vise à créer une tranche supplémentaire, pour les revenus supérieurs à 500 000 F, qui doivent être taxés à 60 %.

M. le Rapporteur général - La commission a été sensible à l'argumentation de M. Cochet. Il est vrai que l'impôt sur le revenu est le plus juste de tous et que son poids dans les prélèvements obligatoires est faible. D'ailleurs, ceux qui veulent toujours comparer la France et l'Allemagne se trompent, car chez nos voisins le produit de l'impôt sur le revenu est égal à celui de la TVA. Mais la mesure proposée ne pourrait intervenir que dans le cadre d'une réforme globale. D'où l'avis défavorable de la commission.

M. le Secrétaire d'Etat - Il est bon de commencer cette journée en prenant un peu de hauteur, comme M. Cochet nous y invite. Mais il faut laisser l'impôt sur le revenu tel qu'il est, ou engager une réflexion globale. Je souhaite donc le retrait.

M. Philippe Auberger - Je voudrais démonter deux sophismes du Gouvernement et de sa majorité. D'une part, on nous dit qu'il serait injuste d'alléger l'impôt sur le revenu de manière proportionnelle, pour toutes les tranches. Mais l'allégement proportionnel est le plus juste.

D'autre part, le raisonnement de M. Cochet date un peu. Il existe aujourd'hui deux impositions du revenu : l'impôt proprement dit et la CSG, qui rapportent chacun des milliards. Il faut donc les considérer ensemble : si on additionne leurs produits, nous nous situons bien dans la moyenne européenne, aux environs de 12 % du PIB.

La création d'une tranche supplémentaire, s'ajoutant aux effets de la CSG, aboutirait à un taux global de 70 %, ce qui signifie que la fiscalité sur le revenu deviendrait confiscatoire. En Allemagne, la Cour de Karlsruhe considère comme inconstitutionnel tout prélèvement supérieur à 50 %. Nous ferions bien d'adopter la même règle en France.

M. Yves Cochet - Je retire mon amendement.

M. Christian Cuvilliez - Le ministre des finances l'a rappelé, un des objectifs de ce projet de budget consiste à réduire les prélèvements sur les revenus du travail et à augmenter ceux qui portent sur les revenus du capital. Mon amendement 115 vise précisément à instituer une surtaxe progressive sur les revenus financiers, qui, contrairement à ce que nous dit M. Auberger, échappent à la progressivité de l'impôt sur le revenu. Celui-ci doit être assis sur les facultés contributives réelles des assujettis et porter sur l'ensemble des revenus, dès le premier franc. Nous nous plaçons bien dans la perspective d'une refonte, afin de rendre encore plus juste cet impôt auquel M. Crépeau, hier, a rendu hommage.

L'adoption de notre amendement aurait pour effet de dégager des ressources nouvelles, ce qui nous permettrait de poursuivre notre discussion avec une réserve de moyens et d'envisager ainsi des baisses d'impôt sur des produits ciblés.

M. le Rapporteur général - Avis défavorable. Nous avons déjà augmenté, l'année dernière, l'imposition des revenus financiers. Il faut en rester là. En outre, cet amendement ne prend pas en considération les plus-values.

M. le Secrétaire d'Etat - Même avis. Les revenus financiers sont frappés par l'impôt sur le revenu, mais aussi par l'imposition du patrimoine. Or nous créons une tranche supplémentaire de 1,8 % dans le barème de l'impôt de solidarité sur la fortune. Votre voeu est donc exaucé. Je souhaite le retrait de votre amendement.

M. Philippe Auberger - Nos collègues communistes font de l'affichage politique. Ils oublient de préciser que les revenus financiers sont frappés différemment selon qu'ils proviennent d'actions ou d'obligations. Les dividendes entrent dans l'assiette de l'impôt sur le revenu et sont donc taxés de manière progressive. On ne peut tout de même pas surtaxer un prélèvement progressif ! Il suffit de modifier le barème.

Quant aux revenus obligataires, ils donnent lieu, le plus souvent, à un prélèvement libératoire, cette formule ayant été instituée à une époque de forte inflation. Avant de revenir sur ce régime spécial, il faudrait désendetter l'Etat.

La question des revenus financiers est donc très mal passée dans cet amendement.

M. Christian Cuvilliez - Il est retiré.

L'amendement 115 est retiré.

M. le Président - Les amendements 186, 197, 248, 373 et 501 peuvent être soumis à une discussion commune.

M. Marc Laffineur - On a pu apprécier l'année dernière la politique du Gouvernement à l'égard de la famille. Aujourd'hui, vous reconnaissez votre erreur et vous rétablissez l'universalité des allocations familiales. Mais les familles paieront tout de même 4 milliards avec la réforme du quotient familial. Or notre principal problème est d'ordre démographique. Le vieillissement de sa population empêche ainsi le Japon de réagir aux grandes transformations du monde. Nous avons besoin de familles avec des enfants. Or l'article 2 va en pénaliser 530 000, et tout particulièrement les foyers comptant un enfant. C'est pourquoi les amendements 186 et 248 tendent à la suppression.

M. Philippe Auberger - L'an dernier, vous avez limité les allocations familiales pour combler un déficit qui s'expliquait par le succès de l'allocation parentale d'éducation dont 450 000 familles bénéficient. Or les perspectives d'évolution de la Caisse nationale d'allocations familiales pour les trois prochaines années font apparaître un retour à l'équilibre. Et le fait que vous reveniez cette année sur la limitation des allocations familiales prouve que cette mesure n'était pas justifiée.

D'autre part, la légitime réintégration de l'allocation parent isolé dans le budget de l'Etat ne justifie pas le plafonnement du quotient familial qui nous est proposé. Il touchera 250 000 familles avec un enfant, titulaires de revenus moyens, soit 36 000 F par mois. Le plafond de 7 200 F par demi-part avait fait l'objet d'un consensus en 1982 et n'avait jamais été remis en cause pendant quinze ans. Selon le rapport du Conseil des impôts en 1991, il n'y avait du reste pas lieu de le modifier. Et voilà que vous le remettez en cause sans raisons, portant ainsi un mauvais coup aux familles. En effet, une famille d'un enfant disposant de 36 000 F de revenus mensuels y perdra 3 000 F par an, ce qui est loin d'être négligeable.

C'est ce qui justifie l'amendement 197.

M. François Loos - Par l'amendement 373, nous proposons également de supprimer l'avant-dernier alinéa (2o) du I de l'article, qui porte un mauvais coup supplémentaire aux familles. La famille semble être pour vous une vache à traire...

M. Jean-Pierre Balligand - Que l'image est fâcheuse !

M. François Loos - ...car, en prenant cette mesure qui fait plaisir à certaines associations familiales, vous récupérez plus encore que l'an dernier.

Le nouveau dispositif touchera de façon substantielle des familles titulaires de revenus moyens qui ont choisi d'élever des enfants, garantissant ainsi l'avenir des régimes de retraite. Votre seul but est de récupérer un peu plus de 4 milliards au profit du budget de l'Etat et ce, au détriment des gens courageux, qui osent encore avoir des enfants.

M. le Rapporteur général - Il est mensonger de dire que ce gouvernement et cette majorité ne se préoccupent pas de la famille. De nombreuses mesures sont prises en faveur des familles à revenus modestes et moyens mais nous ne plaçons sans doute pas la moyenne au même niveau que M. Auberger.

Le plafonnement du quotient familial que nous vous proposons est la contrepartie du rétablissement de l'universalité des allocations familiales. Soucieux de la concertation, nous avons accepté cette proposition faite par les associations à la conférence de la famille le 12 juin dernier, et il ne serait pas opportun de revenir sur cet arbitrage.

M. le Secrétaire d'Etat - En effet, ce dispositif est le fruit d'une concertation avec les associations familiales. Il fait partie du plan annoncé le 12 juin dernier par le Premier ministre à ces associations, qui en ont été satisfaites.

D'autre part, cette mesure rapportera 3,9 milliards à l'Etat mais la suppression du plafonnement des allocations familiales représentera 4,7 milliards supplémentaires pour les familles, soit un gain net de 800 millions. J'ajoute qu'un couple avec deux enfants ne sera touché qu'à partir de 42 800 F de revenus mensuels. On ne peut plus parler de revenus moyens.

Enfin, la part entière de quotient familial qui est accordée aux parents isolés élevant seuls leur enfant montre assez les préoccupations sociales du Gouvernement.

Pour toutes ces raisons, je demande le rejet des cinq amendements.

Les amendements 186, 197, 248, 373 et 501, mis aux voix, ne sont pas adoptés.

M. Philippe Auberger - Vous avez pris l'exemple, Monsieur le ministre, des familles avec deux enfants qui auraient été lourdement pénalisées l'an dernier. Je parlais, quant à moi, des couples avec un enfant qui, épargnés l'an dernier, vont perdre 3 000 F cette année.

Actuellement, le taux de fécondité est de 1,7 et notre objectif devrait être d'encourager les familles à avoir un deuxième enfant. Vous faites le contraire, en prenant une mesure à la fois anti-familiale et anti-nataliste.

C'est pourquoi nous proposons, par l'amendement 62 rectifié, de revaloriser le plafond du quotient familial que vous réduisez brutalement de près de moitié sans justification.

M. Marc Laffineur - L'amendement 251 de M. d'Aubert et de M. Gantier est dans la droite ligne des précédents. Selon le rapporteur général, les familles seront bénéficiaires de cet article, mais c'est oublier tout ce qu'elles ont perdu l'an dernier avec la remise en cause de l'AGEP, de la réduction d'impôt pour l'emploi d'une personne à domicile et de la réforme de l'impôt sur le revenu.

Il s'agit donc, par cet amendement, de pénaliser un peu moins les familles en revalorisant le plafond du quotient familial.

M. le Rapporteur général - Le nombre d'enfants ne dépend pas de la fiscalité, Monsieur Auberger,...

M. Philippe Auberger - Mais il faut aider les familles nombreuses.

M. le Rapporteur général - ...mais si tel était le cas, notre texte inciterait les familles à avoir deux enfants.

Pour les raisons que j'ai déjà exposées, la commission a repoussé ces amendements.

M. le Secrétaire d'Etat - M. Laffineur a dit que ces amendements étaient dans la droite ligne des précédents. Je ne peux donc qu'en demander le rejet.

Les amendements 62 rectifié et 198, mis aux voix, ne sont pas adoptés.

L'amendement 251, mis aux voix, n'est pas adopté, non plus que l'amendement 252.

M. Jean-Jacques Jegou - La baisse du plafond du quotient familial compense en partie le rétablissement des allocations familiales. Une famille avec un enfant n'en perçoit pas ; pourtant son impôt va augmenter. Par souci d'équité, notre amendement 418 prévoit que "lorsqu'il s'agit du premier enfant, cette réduction ne peut excéder 16 380 F.".

M. le Rapporteur général - Défavorable. La commission n'a pas souhaité revenir sur l'accord intervenu.

M. le Secrétaire d'Etat - Défavorable.

L'amendement 418, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Jean-Jacques Jegou - Dans le budget 1998, on a créé pour les célibataires, veufs ou divorcés ayant eu des enfants à charge un plafond spécifique de 6 100 F par demi-part pour les impositions postérieures au 26ème anniversaire de la naissance du dernier enfant. Plus de 500 000 personnes souvent âgées et disposant de ressources modestes, sont ainsi devenues imposables. Les amendements identiques 434 et 435 corrigent cette situation.

M. le Rapporteur général - Défavorable. Cet équilibre a été instauré après négociation.

M. le Secrétaire d'Etat - Même avis.

Les amendements identiques 434 et 435, mis aux voix, ne sont pas adoptés.

M. Philippe Auberger - Un couple marié avec deux enfants et dont les parents travaillent pour un salaire proche du SMIC supporte une charge fiscale de 6 000 F. Les mêmes, non mariés et prenant chacun un enfant à charge, ne paient pas l'impôt sur le revenu. Notre amendement 63 rectifié prévoit de poursuivre l'intégration progressive de la décote au barème de l'impôt sur le revenu afin de supprimer cette injustice.

M. le Rapporteur général - Défavorable. La décote est le seul instrument permettant de lisser les effets du barème pour les célibataires à petit revenu en évitant que le système soit trop avantageux pour ceux qui ont beaucoup de parts de quotient familial, ce qui réduirait la progressivité.

M. le Secrétaire d'Etat - Défavorable. Vous allez pénaliser les salaires modestes et les célibataires. C'est un amendement anti-jeunes.

L'amendement 63 rectifié, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Marc Laffineur - L'amendement 250 supprime le II de cet article qui diminue l'abattement applicable aux contribuables qui ont à leur charge un enfant majeur marié. De plus en plus fréquemment, parents ou grands-parents aident les jeunes en difficulté.

M. Jean-Jacques Jegou - L'amendement 374 a le même objet. Les jeunes ont de plus en plus de mal à trouver un logement, un premier emploi ou à terminer leurs études. L'aide familiale est précieuse. Vous parliez auparavant d'un amendement anti-jeunes ; c'était excessif. Voici un véritable amendement de solidarité entre générations.

M. le Rapporteur général - Il y a là une confusion. Il s'agit en fait d'un paragraphe de coordination. Le montant de l'abattement pour rattachement familial d'un enfant marié, le montant maximum de la pension alimentaire versée à un enfant majeur et celui de la demi-part supplémentaire de quotient familial doivent forcément être liées pour éviter tout détournement. Les enfants de 18 à 25 ans peuvent toujours relever de l'un ou l'autre de ces dispositifs.

M. le Secrétaire d'Etat - Après cette explication lumineuse, rejet.

Les amendements 250 et 374, mis aux voix, ne sont pas adoptés.

M. Gilbert Gantier - Vous diminuez à 20 370 F l'abattement pour enfants mariés rattachés. Notre amendement 249 le rétablit à 30 695 F. Le Gouvernement mène sinon une politique anti-familiale, du moins une politique très peu familiale.

L'amendement 249, repoussé par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Jean-Jacques Jegou - Notre amendement 375 supprime le IV de cet article qui crée une inégalité de principe entre les différentes professions donnant lieu à des frais inhérents à l'emploi. Le précédent gouvernement avait proposé à ce sujet une mesure courageuse que la commission des finances avait votée. Avant la dissolution, des discussions étaient en cours avec la profession concernée ici. Vous lui rendez cet avantage. J'espère que vous allez au moins expliquer pourquoi. Sinon pour les amendements suivants, nous proposerons le rétablissement pour chaque profession de la liste sacro- sainte que vous connaissez.

M. le Rapporteur général - Défavorable. Vous savez bien qu'on avait supprimé ces abattements en raison de la réforme de l'impôt sur le revenu, sur laquelle nous sommes revenus car elle était injuste. Dès lors, l'abattement est rétabli pour les journalistes car, dans ce cas, les conséquences sont extrêmement importantes pour les petites et moyennes rémunérations. Des discussions sont en cours avec la profession, et se poursuivent avec le ministère de la culture. La commission a rejeté l'amendement.

M. le Secrétaire d'Etat - Je souhaite répondre à la légitime interrogation de M. Jegou. Le Gouvernement considère que la rémunération des journalistes est représentative de frais à hauteur de 30 000 F. Une longue concertation a mis en lumière le fait qu'il est difficile pour les journalistes d'opter pour la déduction des frais réels. Il y a bien une spécificité de cette profession, et nous ne la découvrons pas avec cet article : l'ancienne majorité, comme la nouvelle, avait adopté le principe d'un fonds spécifique pour compenser la perte éventuelle de pouvoir d'achat de cette profession. Notre mesure est équilibrée, car elle devrait mettre à l'abri d'une perte de pouvoir d'achat les journalistes les moins rémunérés. Je souhaite donc le rejet de votre amendement.

M. Gilbert Gantier - Je veux d'abord dire ma sympathie pour la profession de journaliste, que j'ai exercée dans une autre vie. J'ai d'ailleurs une carte de journaliste honoraire, mais la déclaration du rapporteur général me rappelle une formule qu'aimait à citer Jean Foyer : nemo turpitudinem suam allegans... Nous avions pris une mesure générale pour l'impôt sur le revenu, et supprimé cette liste de catégories professionnelles, allant des polisseuses de pipes de Saint-Claude aux internes des hôpitaux, qui n'était pas digne de ces professions, ni à l'honneur du code général des impôts. Mais vous nous dites maintenant qu'il faut faire quelque chose pour les journalistes. Ce n'est pas conforme aux règles élémentaires du débat budgétaire, et notamment au principe d'égalité devant les charges publiques.

Vous écrivez dans l'exposé des motifs de l'article 2 : "Enfin, et pour tenir compte des spécificités de l'exercice de la profession de journaliste, il sera désormais admis que la rémunération annuelle des intéressés comprend une allocation de frais d'emploi de 30 000 F". Pourquoi ne pas raisonner de même pour les infirmières ? Elles se lèvent tôt, on les appelle la nuit, elles ont besoin de vêtements particuliers. Pourquoi ne pas appliquer le même raisonnement à toutes les professions de l'ancienne liste du CGI ? Votre article prend en compte les "journalistes, rédacteurs, photographes, directeurs de journaux et critiques dramatiques et musicaux". Pourquoi pas les chroniqueurs sportifs, ou les critiques de cinéma ? Ce paragraphe IV n'est pas convenable. Il faut régler le problème de la presse, mais pas en contrevenant à l'égalité devant les charges publiques.

M. Jean-Jacques Jegou - Nous pouvons peut-être nous mettre d'accord si nous sommes intellectuellement honnêtes. Devant quel problème sommes-nous ? Non pas un problème de frais généraux, mais un problème de salaires, qu'il n'appartient pas à l'Assemblée de régler. S'il s'agissait de frais, que faudrait-il dire des infirmiers libéraux, mon ancienne profession, qui ont les mêmes frais que les médecins, car les frais ne sont pas proportionnels au savoir... Mais je vais vous faire une proposition. Donnons ce coup de main de 30 000 F aux journalistes les plus mal payés, mais à une condition : que l'article vise les seuls journalistes, et qu'on supprime la mention des autres professions. La situation des directeurs de journaux n'est pas la même, sans parler de celle de M. Gantier. (Sourires) Ou bien on s'en tient aux journalistes, ou bien je vous proposerai par amendements de réintroduire toute l'ancienne liste des professions ; ce sera ridicule, mais pas plus que ce que vous proposez !

M. le Secrétaire d'Etat - La liste de l'article n'est pas composée au hasard : elle adjoint aux journalistes tous ceux qui leur sont assimilés, et qui font en réalité le même métier, sans avoir la carte. C'est évidemment le cas d'un photographe de presse. Un chroniqueur sportif, Monsieur Gantier, est un journaliste. Mais un critique dramatique fait un travail de journaliste et peut ne pas avoir la carte. Notre liste est donc justifiée et je maintiens le texte du Gouvernement.

M. Jean-Jacques Jegou - Je suis déçu. Le problème concerne les journalistes à petits salaires, pas les directeurs de journaux.

M. Christian Cuvilliez - Cela dépend lesquels.

M. Jean-Jacques Jegou - Ne parlons pas de L'Humanité, elle a d'autres problèmes, peut-être un problème de lecteurs...

M. Christian Cuvilliez - Il y a aussi des journaux de province.

M. Jean-Jacques Jegou - Le problème n'a pas été facile pour l'ancienne majorité. Nous avons reçu les journalistes. Ils nous ont bien expliqué que le problème concernait ceux d'entre eux dont la rémunération est proche du SMIC. Passe encore pour les photographes de presse, mais pas les directeurs de journaux ou les critiques d'art !

M. le Rapporteur général - Ce paragraphe a sa cohérence : si ces professions ont été regroupées, c'est parce qu'elles ont des spécificités. En ce qui concerne les directeurs de journaux, certains parmi eux ont des rémunérations proches de la moyenne des journalistes.

Dans le rapport d'information sur l'application de la loi fiscale, j'avais fait le point sur la concertation engagée par le Gouvernement avec les professions concernées par les abattements ; dans le rapport général, nous donnons des précisions supplémentaires. Il est vrai que nous sommes sollicités par les uns ou les autres ; mais le ministre nous a dit que pour beaucoup de professions, le problème serait réglé par voie d'instruction, prenant en compte les frais réels -solution préférable à l'abattement forfaitaire, par exemple pour un infirmier libéral.

Les journalistes et assimilés considèrent que la négociation doit se poursuivre ; mais il n'y a pas lieu de rejeter la proposition que nous fait le Gouvernement à leur sujet. En ce qui concerne les autres professions, je pense que le ministre pourra apporter des précisions à l'occasion des amendements qui vont suivre -pour lesquels j'appelle notre collègue à être raisonnable, en observant d'ailleurs qu'il s'est montré à l'instant plus tempéré que M. de Courson et lui-même ne l'avaient été en commission.

M. Gilbert Gantier - Je tiens à préciser d'abord que possédant une carte de journaliste honoraire, je ne suis pas concerné par cette disposition (Sourires). Cela dit, je persiste à penser qu'elle a été conçue par des gens qui ne connaissent pas la profession, car enfin, il existe une commission officielle qui délivre trois cartes : celle de journaliste stagiaire, celle de journaliste titulaire et celle de directeur de journal. Les photographes professionnels qui collaborent à un journal ont la carte de journaliste ; il n'y a donc pas lieu de les citer. Quant aux directeurs de journaux, ils ont en général les moyens de se passer de cet abattement...

M. Jean-Jacques Jegou - Monsieur le rapporteur général, quand j'étais infirmier libéral, j'ai toujours fait des déclarations au réel. Mais le problème est ici celui des journalistes qu'il ne faut pas régler par un abattement, à moins d'accorder également celui-ci à d'autres professions.

Monsieur le rapporteur général, en commission, M. de Courson et moi, nous avons défendu la même position. Et quand j'étais dans la majorité, je raisonnais de la même manière.

Monsieur le ministre, montrons que nous sommes attentifs à la situation des jeunes journalistes, mais ne créons pas une inégalité fiscale.

L'amendement 375, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. le Président - Nous en venons à 29 amendements visant à élargir la liste.

M. Jean-Jacques Jegou - L'amendement 376 tend à ajouter les "artistes, musiciens, choristes, chefs d'orchestre et régisseurs de théâtre". Les choristes, par exemple, ont besoin pour s'éclaircir la voix de boire un petit verre de vin blanc et d'avaler du miel...

M. le Rapporteur général - Défavorable à l'ensemble de ces amendements. J'ai expliqué pourquoi les journalistes et assimilés méritaient un traitement spécifique. Pour les autres professions, la concertation a été engagée et certaines instructions ont d'ores et déjà été signées. J'ajoute que dans son souci de bien faire, M. Jegou a même cité des professions qui n'existent plus, je pense aux radios dans les avions...

M. le Secrétaire d'Etat - La loi de finances pour 1998 avait prévu avec ces professions une concertation sur le déroulement de laquelle M. Migaud a fait le point à la page 60 de son rapport.

Pour les artistes-interprètes précisément, une nouvelle réunion a eu lieu hier. Elle devait permettre de recenser les ultimes difficultés et de décider diverses mesures de simplification.

Nous ne faisons aucune différence de traitement entre professions. Simplement, celle de journaliste a une spécificité, dont nous avons déjà longuement débattu et qu'avait d'ailleurs reconnue l'ancienne majorité. Pour chaque profession, des discussions approfondies ont eu lieu et en tout état de cause, l'instruction fiscale qui sera publiée d'ici à la fin de l'année apportera tous les éclaircissements nécessaires.

Je vous invite donc à retirer l'amendement 376 ainsi que les suivants. Le Gouvernement a manifestement agi dans un triple souci de concertation, d'efficacité et de justice fiscale.

L'amendement 376, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Gilles Carrez - Je n'ai déposé qu'un seul amendement de ce type, ce qui va me donner l'occasion de poser le problème de principe. La réforme Juppé du barème de l'impôt sur le revenu prévoyait de réduire d'un quart en quatre ans le produit total de cet impôt. Elle prévoyait parallèlement la disparition progressive de divers avantages fiscaux comme la réduction du plafonnement de l'abattement de 10 % accordé aux retraités ayant élevé plus de trois enfants, la non-imposition des allocations journalières maternité ou encore les déductions supplémentaires pour frais professionnels accordées à certaines professions. La logique eût voulu que l'abandon de la réforme Juppé, décidée au bout d'un an par l'actuel gouvernement, allât de pair avec la restitution de ces avantages fiscaux, quitte à les modifier. Or on a l'impression aujourd'hui que le fisc souhaite à la fois le beurre et l'argent du beurre. Il reprend les 75 milliards de baisses d'impôt qui avaient été votées ici même tout en supprimant ces avantages.

Vous-même trouvez cela si injuste que, par cette disposition spécifique pour les journalistes, dont je comprends bien le fondement, vous cherchez à rétablir l'équilibre. Mon amendement vise à poser le problème pour les autres professions et je me suis limité à la première d'entre elles dans l'ordre alphabétique, celle des artistes dramatiques, lyriques, cinématographiques et chorégraphiques, tout à fait comparable à celle de journaliste. Ces artistes connaissent ceux aussi de multiples sujétions professionnelles, se déplacent beaucoup, travaillent souvent sous contrat à durée déterminée. Enfin, l'éventail des rémunérations dans cette profession est également très large. Pourquoi donc ne bénéficierait-elle pas de la même déduction de 30 000 F pour frais professionnels que les journalistes ?

Vous avez annoncé, Monsieur le secrétaire d'Etat, une instruction fiscale pour la fin de l'année. Qu'en pensent les professions concernées, par exemple celle des VRP ? Aux uns, disent-ils, on accorde une véritable réduction d'impôt, inscrite dans la loi de finances ; aux autres, on offre la possibilité, par instruction fiscale, de souscrire une déclaration simplifiée, ce qui ne signifie pas pour autant que leur impôt sera allégé. Pouvez-vous leur promettre qu'une meilleure prise en compte de leurs frais professionnels avérés y aboutira ? Les instructions fiscales, nous en avons tous fait l'expérience, sont interprétées de manière très différente d'un département à l'autre et souvent à la discrétion des services fiscaux (Dénégation de M. le secrétaire d'Etat). Je comprends donc l'inquiétude de ces professions.

M. Jean-Jacques Jegou - S'agissant de l'égalité de tous devant l'impôt, nous devrions nous mettre d'accord. Je vais vous donner lecture de la liste des professions qui bénéficient de ces avantages hypothétiques, sympathiques ou de confrérie ! Vous en percevrez le ridicule. Artistes dramatiques, lyriques, cinématographiques et chorégraphiques, modélistes et mannequins des grandes maisons parisiennes, personnel de création du cinéma, personnel des casinos ou cercles supportant frais de représentation ou de veillée, ouvriers à domicile, ouvriers du bâtiment à l'exclusion de ceux qui travaillent en usine ou en atelier, ouvriers forestiers, Monsieur Cochet,...

Mme Nicole Bricq - Monsieur Jegou, n'en faites pas trop !

M. Jean-Jacques Jegou - ...ouvriers d'imprimerie de journaux travaillant la nuit, ouvriers mineurs travaillant au fond des mines -qui nierait les sujétions particulières de cette profession ?-, scaphandriers, certains ouvriers horlogers, bijoutiers et joailliers, carriers, représentants en publicité, VRP, personnel navigant des compagnies aériennes -la profession existe toujours, Monsieur le rapporteur général-, même si elle communique autrement, chauffeurs et receveurs convoyeurs, commis des sociétés de bourse, inspecteurs d'assurances des branches vie, capitalisation et épargne -ils auront des frais pour expliquer vos réformes !-, bibliothécaires de gares et tenanciers de kiosques à journaux de province, internes des hôpitaux de Paris -on connaît leur salaire !-...

M. Christian Cuvilliez - De Paris et d'ailleurs !

M. Jean-Jacques Jegou - En effet. Fonctionnaires ou agents des assemblées parlementaires -nous ne saurions ignorer leurs sujétions !

Mme Nicole Bricq - Démagogue !

M. Jean-Jacques Jegou - Vous n'ignorez rien, Madame Bricq, de la démagogie à vos heures ! Oui, les fonctionnaires parlementaires supportent des contraintes particulières du fait de nos longues séances de travail.

M. le Président - Je vous remercie en leur nom.

M. Jean-Jacques Jegou - Je ne terminerai pas cette lecture. Je regrette d'avoir dû m'y livrer pour prouver que tous nos concitoyens ne sont pas traités d'égale façon.

M. le Secrétaire d'Etat - Avis défavorable. Mais je tiens à remercier MM. Jegou, Carrez et Gantier pour leur contribution à cet excellent débat.

Nous avons publié le 15 septembre une instruction sur la fiscalité des associations qui répond aux interrogations de leurs responsables.

Quant aux VRP, s'ils effectuent plus de 25 000 kilomètres par an, ils bénéficieront d'une réduction équivalente à celle de l'ancien système, grâce au nouveau barème kilométrique.

Le Gouvernement est défavorable aux amendements 389 et 444 ainsi qu'à tous ceux qui visent les professions rapidement énumérées par M. Jegou.

L'amendement 389, mis aux voix, n'est pas adopté, non plus que l'amendement 444.

M. Gilbert Gantier - On pourrait aussi penser aux jockeys, qui ont une obligation de régime... (Sourires) Peut-être M. Jegou pourrait-il retirer les amendements suivants. Notre débat a été intéressant. Le ministre nous a dit qu'une instruction avait été rendue publique. Je lui demande de revoir cet article 2, qui n'est pas bon. Il est évident qu'un journaliste envoyé au bout du monde par sa chaîne ne voyage pas à ses frais.

L'amendement 393, repoussé par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, n'est pas adopté non plus que les amendements 388, 377, 394, 445, 380, 381, 385, 396, 397, 398, 399, 384, 395, 390, 391, 378, 392, 383, 382, 379, 387, 401, 402, 386 et 400.

M. Philippe Auberger - Les journalistes ont pu constater que la discussion engagée était loin d'être terminée. Ils sont en désaccord avec le Gouvernement. On leur a même déclaré à Matignon que le plafond de 30 000 F n'était pas définitif.

Sous le précédent gouvernement et dans un contexte d'allégement de l'impôt sur le revenu, on leur avait promis que la suppression des déductions forfaitaires ne pénalisait pas ceux qui perçoivent un salaire mensuel inférieur à 15 000 F. En outre, un fonds avait été mis en place pour aider les entreprises de presse à financer les mesures de compensation salariale.

Mon amendement 64 vise à porter de 30 000 à 50 000 F le plafond de l'abattement, tant qu'une solution satisfaisante n'aura pas été trouvée.

M. le Rapporteur général - La concertation se poursuit. Il faut en rester à la position du Gouvernement.

M. le Secrétaire d'Etat - Même avis.

L'amendement 64, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Daniel Feurtet - Notre amendement 114 vise à fixer un plafond maximum pour les réductions d'impôts auxquels peut prétendre un contribuable, afin de renforcer la progressivité de l'impôt sur le revenu, qui doit demeurer à la base de notre fiscalité.

M. le Rapporteur général - L'idée est séduisante, mais sa mise en oeuvre, délicate. Une telle mesure interférerait avec les dispositions en faveur du logement locatif ou de l'outre-mer. En outre, il faudrait veiller à ce qu'elle ne se traduise pas par des distorsions ou des détournements. Avis défavorable.

M. le Secrétaire d'Etat - L'intention est bonne, mais un tel dispositif risque de rendre plus complexe la perception de l'impôt et d'encourager l'évasion fiscale. Je souhaite le retrait.

M. Marc Laffineur - L'adoption de cet amendement pénaliserait les associations humanitaires. Il faut laisser à nos concitoyens le droit de leur faire des dons.

M. Daniel Feurtet - L'amendement 114 est retiré. Quant à notre amendement 116, il vise à supprimer les dispositions de la loi de finances pour 1996 qui ont abaissé le plafond de l'abattement sur les pensions de retraite. Car le pouvoir d'achat des retraités a reculé, d'autant que beaucoup doivent venir en aide à leurs enfants.

M. le Rapporteur général - Avis défavorable. Quand nous examinerons la deuxième partie, nous vous proposerons un amendement visant à geler à 20 000 F le montant de ce plafonnement.

M. le Secrétaire d'Etat - Même avis. Votre amendement n'affecterait pas les impositions sur l'année 1998 mais celles des années suivantes. Je préfère la solution suggérée par le rapporteur général et je souhaite le retrait de cet amendement.

M. Daniel Feurtet - Il est retiré.

L'article 2, mis aux voix, est adopté.

La séance, suspendue à 11 heures, est reprise à 11 heures 15.

APRÈS L'ART. 2

M. Jean-Jacques Jegou - Par leur amendement 538, M. Gengenwin et M. de Courson proposent de soumettre au même régime fiscal les investissements réalisés par les exploitants agricoles dans le cadre de l'exploitation et ceux qui le sont collectivement par l'intermédiaire de coopératives, en étendant la déduction pour investissement aux parts sociales de coopératives.

M. le Rapporteur général - Cet amendement ne peut être retenu. En effet, la déduction est à vocation spécifiquement agricole alors que le champ d'intervention des coopératives agricoles est plus large. D'autre part, une telle mesure contreviendrait aux règles communautaires car les parts correspondantes ne sont pas amortissables. Or on ne peut aider des investissements définitifs.

M. le Secrétaire d'Etat - Pour ce qui est de l'intention, M. Mitterrand a excellemment expliqué dans la discussion générale qu'il fallait aider les agriculteurs à être compétitifs et à se moderniser. Bien entendu, la fiscalité doit suivre les nouvelles orientations de la politique agricole qui ont fait l'objet d'une loi d'orientation fondamentale adoptée mardi.

La volonté du Gouvernement est bien de moderniser. Mais cet amendement est techniquement inapproprié. Le dispositif actuel coûte déjà plus de 700 millions. Son extension ne se justifie pas. Je demande le retrait ou le rejet.

L'amendement 538, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Gilles Carrez - L'amendement 457 est tout à fait symbolique de notre souci de défendre la famille. J'espère que vous l'accepterez pour prouver que vous partagez ce souci. En 1996, la réforme de l'impôt sur le revenu favorisait les familles, car elle diminuait cet impôt d'un quart et supprimait progressivement la décote. Dans ce cadre, il fut décidé d'assujettir à l'impôt les indemnités de maternité. Vous supprimez cette réforme, vous pénalisez les familles en maintenant la décote et en plafonnant le quotient familial. C'est un véritable décrochage dans la politique fiscale envers les familles.

Si vous abandonnez la réforme, la logique est de ne plus fiscaliser les indemnités de maternité. Le fisc ne peut pas avoir le beurre et l'argent du beurre. Je serais extrêmement déçu que vous rejetiez cet amendement.

M. le Rapporteur général - La commission l'a rejeté. M. Carrez fait preuve de constance dans son attachement à la réforme qui était proposée. Mais tout en diminuant l'impôt sur le revenu de 25 milliards au profit d'une partie des citoyens, le gouvernement Juppé alourdissait d'autant les impôts indirects au détriment de tous, après avoir sensiblement augmenté la TVA l'année précédente. Le solde de toutes ces mesures était à coup sûr négatif pour les familles...

De même, dans ce que nous faisons, n'isolez pas une mesure. Nous avons fait beaucoup pour les familles et nous agissons pour le revenu et pour l'emploi.

M. le Secrétaire d'Etat - Ne rouvrons pas le débat général. Les indemnités de maternité sont un substitut de salaire. Comme lui, elles doivent être imposées. Elle le sont d'ailleurs déjà pour les femmes fonctionnaires. Il est normal qu'elles le soient pour toutes. Rejet.

M. Jean-Jacques Jegou - Le rapporteur général, qui parle toujours de cohérence, tient des propos politiciens en mentionnant d'autres impôts. Mais l'argument du ministre me remplit de plaisir, moi qui suis, comme lui, pour l'équité. Celle-ci conduit, dit-il, à imposer les indemnités de remplacement. Ce qui est vrai dans le cas de la maternité doit l'être aussi dans celui des accidents du travail.

M. le Secrétaire d'Etat - A cette différence que je ne considère pas la maternité comme un accident du travail.

Plusieurs députés UDF - C'est de très mauvais goût !

M. Gilles Carrez - Je laisse au ministre la responsabilité de ce propos.

Il veut aligner la situation des femmes du secteur privé et des femmes fonctionnaires. J'espère qu'il va donc annoncer rapidement qu'il s'attaque à l'alignement des régimes de retraite, puisque les unes cotisent 40 ans et les autres 37,5 ans. L'équité ne se divise pas...

M. François Goulard - Vous vous êtes placés sur un mauvais terrain, Monsieur le ministre, en parlant d'équité. Grâce à cet excellent régime particulier qu'est la PREFON, les fonctionnaires peuvent se constituer une retraite par capitalisation. Etendez donc cette possibilité à l'ensemble des travailleurs, en acceptant le principe des fonds de pension (Applaudissements sur les bancs du groupe DL, du groupe UDF et du groupe du RPR).

M. Jean-Jacques Jegou - Monsieur le ministre, ce propos a dû vous échapper. Il m'a attristé et blessé personnellement. Je demande une suspension de séance.

M. le Président - Elle est de droit.

La séance, suspendue à 11 heures 30, est reprise à 11 heures 40.

M. Philippe Auberger - M. le rapporteur général a reconnu la logique du raisonnement de M. Carrez. Il y avait une réforme fiscale : elle a été interrompue. Parmi les compensations de cette réforme figurait l'imposition des indemnités de maternité. La réforme étant abandonnée, il est logique que cette imposition le soit aussi.

En revanche, M. le rapporteur général, hostile à cette imposition quand il était dans l'opposition, la juge normale aujourd'hui : sa logique est donc quelque peu contestable.

L'amendement 457, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Christian Cuvilliez - Notre amendement 117 tend à corriger l'anomalie fiscale dont pâtissent les personnes en état de vie maritale et qui n'ont pas d'avantages déclaratifs. Je suis toutefois prêt à le retirer si vous me dites que le débat sur le PACS répondra à cette question.

M. le Rapporteur général - J'en souhaite en effet le retrait : mieux vaut traiter ce problème en s'appuyant sur les situations de droit que fondera la proposition de loi qui va venir en discussion.

M. le Secrétaire d'Etat - Je comprends cet amendement comme un amendement d'appel, et je veux rassurer M. Cuvilliez : cette question sera beaucoup mieux traitée dans le cadre de la proposition de loi sur le PACS que vous examinerez bientôt. Je souhaite donc que vous retiriez votre amendement.

M. le Président - La parole est à M. Auberger (Interruptions sur les bancs du groupe socialiste et du groupe communiste).

M. Christian Cuvilliez - Je retire l'amendement !

M. Philippe Auberger - Monsieur Cuvilliez, déposer un amendement est un acte sérieux. Il faut que la discussion puisse aller à son terme ! (Protestations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe communiste)

M. le Président - Monsieur Cuvilliez, vous avez défendu un amendement, il est normal que la discussion ait lieu.

M. Augustin Bonrepaux, président de la commission des finances - Il l'a retiré !

M. Philippe Auberger - Je ne comprends pas la réaction de mes collègues...

Je suis fondamentalement opposé à cet amendement.

M. Christian Cuvilliez - Il est retiré !

M. le Président - Poursuivez, Monsieur Auberger.

M. Philippe Auberger - D'abord, il introduit une fiscalité à la demande ; or la loi fiscale doit s'appliquer de manière objective, sur la base de situations elles-mêmes objectives. Ensuite, il n'est pas symétrique : la logique voudrait qu'on permette alors aux couples mariés qui le souhaitent de faire des déclarations séparées, car dans certains cas ils pourraient y avoir intérêt.

M. le Président de la commission - Monsieur le Président, je vous demande de faire respecter le Règlement : à partir du moment où un amendement a été retiré, il n'a plus à être discuté. Vous faites perdre du temps à l'Assemblée.

M. le Président - J'avais donné la parole à M. Auberger avant que M. Cuvilliez annonce le retrait de son amendement.

M. Marc Laffineur - Si notre collègue M. Perrut propose un amendement 431, c'est qu'il est de plus en plus fréquent que des personnes décident d'accueillir un père ou une soeur en difficulté : il serait normal de leur accorder un régime fiscal plus favorable. Vous devriez être favorables à cet amendement si vous voulez, comme vous le dites, mettre en place une véritable politique familiale.

M. Philippe Auberger - Très bien !

M. le Rapporteur général - Cet amendement me semble avoir une inspiration quelque peu politicienne... Ce sujet peut être discuté dans le cadre de la proposition de loi sur le PACS. Rejet.

M. le Secrétaire d'Etat - Actuellement, les aides alimentaires ne sont déductibles que lorsqu'elles relèvent de l'obligation alimentaire telle qu'elle est définie par le code civil. C'est dans le cadre de la proposition de loi précitée que cette question pourra être traitée.

M. Marc Laffineur - Je ne peux pas laisser le rapporteur général parler de politique politicienne, alors qu'il est question de personnes en grande difficulté !

M. le Rapporteur général - Nous traiterons ce sujet à l'occasion d'un autre débat.

L'amendement 431, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Jean-Jacques Jegou - La suppression de l'abattement de 10 % sur les retraites n'avait de sens qu'en contrepartie de l'allégement du barème de l'impôt sur le revenu décidé par la précédente majorité ; le nouveau gouvernement ayant décidé d'abandonner cette réforme, il convient de rétablir l'abattement : c'est l'objet de notre amendement 234.

M. Philippe Auberger - L'amendement 487 est identique ; il est cosigné par tous les membres de l'opposition. Nous prenons acte de l'abandon par le Gouvernement de la réforme d'ensemble de l'impôt sur le revenu ; mais il est, dans ces conditions, totalement injustifié de continuer à abaisser le plafond de la déduction de 10 %. Le rapporteur général l'a d'ailleurs reconnu tout à l'heure en nous annonçant un amendement pour la deuxième partie ; mais un tiens vaut mieux que deux, tu l'auras...

M. le Rapporteur général - "Il est incontestable que l'abattement de 10 % n'est pas, en équité, véritablement justifié par rapport aux autres revenus salariaux car les retraités n'ont pas de frais professionnels". Ainsi s'exprimait Philippe Auberger le 17 octobre 1996, lorsqu'il était rapporteur général...

M. Gilbert Mitterrand - C'est la réponse de l'Auberger à la bergère ! (Sourires)

M. le Rapporteur général - Je confirme que je présenterai en deuxième partie un amendement tendant à ne pas descendre le plafond en dessous de 20 000 F.

M. le Secrétaire d'Etat - Le Gouvernement suit, sur ce point comme sur d'autres, la sagesse de la commission des finances.

Je souligne que seulement 6 % des foyers fiscaux de retraités sont concernés par ce plafonnement.

M. Gilles Carrez - L'injustice que l'on fait aux retraités est d'autant plus durement ressentie qu'ils ont été touchés par le basculement de la CSG et ont été particulièrement pénalisés par la taxation de l'épargne.

Le rapporteur général déposera un amendement en seconde partie qui témoignera d'intentions plus vertueuses, nous dit-il. Mais si le chiffre de 20 000 F qu'il propose est retenu, ce ne sont pas 6 % mais 15 % à 20 % des ménages de retraités qui seront pénalisés. Lorsqu'on y ajoute l'augmentation des cotisations maladie, leur basculement vers la CSG et l'extension de cette dernière aux produits de l'épargne, l'addition devient salée pour les foyers de retraités moyens. Ils apprécieront !

M. Marc Laffineur - La grogne monte, en effet, chez les retraités qui ont vraiment l'impression depuis un an d'être matraqués par le fisc (Protestations sur les bancs du groupe socialiste). A la réforme des retraites du régime général des salariés qui pénalisera ceux qui prendront leur retraite prochainement...

Un député socialiste - Ce n'est pas nous !

M. Marc Laffineur - ...au transfert des cotisations d'assurance maladie vers la CSG, à une fiscalité alourdie sur les produits de l'épargne -vous vous apprêtiez même à toucher à l'assurance vie- viendrait s'ajouter ce nouveau plafonnement. Il était tout à fait cohérent, Monsieur le rapporteur général, de supprimer l'abattement de 10 % sur les retraites en contrepartie d'un allégement du barème de l'impôt sur le revenu. Il ne l'est pas d'avoir abandonné cette réforme et de vouloir tout de même supprimer cet avantage consenti aux retraités.

Les amendements 234 et 487, successivement mis aux voix, ne sont pas adoptés.

M. Philippe Auberger - L'amendement 65 est retiré.

M. Jean-Jacques Jegou - Sous l'impulsion d'associations caritatives, de grandes banques ont créé des produits d'épargne dont les souscripteurs acceptent qu'une partie du revenu serve à financer des prêts, des garanties ou des investissements à des personnes qui souhaitent créer leur propre activité mais se trouvent exclues des circuits habituels de financement. Afin de favoriser la souscription à ces fonds communs de placement solidaires, l'amendement 229 tend à faire bénéficier des abattements de 8 000 F pour une personne seule et 16 000 F pour un couple marié les produits de ces parts de FCP dans le calcul de l'impôt sur le revenu. Ces fonds solidaires existent aux Etats-Unis, contrairement à ce que l'on aurait pu penser étant donné le libéralisme parfois excessif qui prévaut dans ce pays.

M. le Rapporteur général - La commission est défavorable à cet amendement. Il permettrait en effet de cumuler un abattement substantiel et la réduction d'impôt accordée au titre des dons aux oeuvres et organismes d'intérêt général. Le dispositif actuel qui allie un prélèvement libératoire de 15 %, soit 25 % avec les prélèvements sociaux, et une réduction d'impôt égale à 50 % des sommes versées donne satisfaction.

Il n'a pas paru opportun non plus d'interférer dans l'évolution des techniques de gestion de ces fonds : un dispositif plus simple de transfert d'usufruit de certaines valeurs mobilières est en effet envisageable dans un avenir proche.

M. le Secrétaire d'Etat - J'ajouterai un autre argument. La COB a souligné dans divers rapports, notamment celui de l'an dernier, que certains de ces fonds dits solidaires n'avaient qu'une très lointaine vocation éthique ou caritative. Si l'intention généreuse des auteurs de cet amendement peut paraître sympathique, laissons à la COB le soin de mieux définir les critères auxquels doivent répondre ces fonds. Je vous invite donc à rejeter cet amendement.

M. Jean-Jacques Jegou - Le rapporteur général a entrouvert une porte : peut-être pourrait-on préciser, par un sous-amendement, que le cumul des deux avantages n'est pas possible.

Par ailleurs, il conviendrait sans doute en effet de mieux définir les FCP solidaires.

L'amendement 229, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Marc Laffineur - L'amendement 300 corrigé vise à maintenir pour les invalides, les anciens combattants ainsi que les veufs, célibataires ou divorcés qui ont élevé un enfant -souvent dans des conditions difficiles-, le niveau actuel du plafond de la demi-part à 16 380 F. Ce ne serait que justice sociale. Ces différentes catégories de la population ont droit à la reconnaissance de la nation.

M. le Rapporteur général - Avis défavorable à cet amendement qui est satisfait par les amendements 1 et 2 de la commission. Nous avons souhaité maintenir à son niveau actuel, soit 16 380 F, l'avantage maximal résultant d'une demi-part supplémentaire de quotient familial accordée, d'une part, aux veufs, célibataires et divorcés qui ont eu au moins un enfant à charge -c'est l'objet de l'amendement 2-, d'autre part, aux invalides et anciens combattants -c'est l'objet de l'amendement 1. Il s'agit simplement de tenir compte de la situation spécifique de ces catégories de la population, reconnue de longue date par le législateur.

M. le Secrétaire d'Etat - Le système original du quotient familial a été institué d'abord pour moduler l'impôt dû en fonction du nombre de personnes vivant du revenu d'un foyer. Puis le bénéfice de cette mesure a été étendu aux anciens combattants et aux invalides, même s'ils n'ont pas d'enfant à charge. Le Gouvernement a tout d'abord souhaité ne pas pénaliser ces catégories de la population après les décisions annoncées à la conférence de la famille de juin dernier. Mais le Conseil d'Etat a émis quelques doutes sur la constitutionnalité d'une distinction entre l'avantage en impôt résultant de la prise en compte des charges de famille et celui qui était accordé sur d'autres critères. C'est pour ne pas risquer l'annulation de l'ensemble du projet de loi de finances par le Conseil constitutionnel que le Gouvernement s'est résolu à ne retenir qu'un seul plafond.

Seuls les couples mariés dont l'un des membres est ancien combattant ou invalide disposant d'un revenu mensuel supérieur à 34 335 F seraient pénalisés par cet abaissement du plafond à 11 000 F. Mais même si la mesure ne touche que peu de personnes, je suis conscient du problème.

Toutefois, ces catégories bénéficient d'autres avantages fiscaux. Ainsi l'allocation adulte handicapé, la retraite du combattant, certaines pensions militaires sont exonérées d'impôt sur le revenu, de CSG et de CRDS. De même, le plafond de la réduction d'impôt pour l'emploi d'un salarié à domicile a été maintenu à 90 000 F pour les foyers fiscaux dont l'un des membres est titulaire de la carte d'invalidité. Ces dispositions se cumulent éventuellement avec l'abattement supplémentaire accordé aux personnes âgées de plus de 65 ans ou invalides, qui est revalorisé chaque année.

C'est cependant essentiellement pour une raison juridique que le Gouvernement est défavorable à l'amendement de M. Laffineur comme à ceux de la commission.

M. Jean-Jacques Jegou - Signés par des parlementaires de la majorité aussi bien que de l'opposition, les amendements de la commission font l'objet d'un consensus.

M. Maurice Adevah-Poeuf - L'avis réservé du Conseil d'Etat n'emporte pas nécessairement la censure du Conseil constitutionnel, qu'aucun groupe de la majorité n'envisage d'ailleurs de saisir. Si les groupes de l'opposition s'engageaient aussi à ne pas le saisir, peut-être M. le secrétaire d'Etat verrait-il notre proposition avec plus de bienveillance ?

M. le Secrétaire d'Etat - Sur les lois de finances, le Conseil constitutionnel a un droit d'autosaisine et ne se prive pas de l'exercer. Le risque d'inconstitutionnalité ne peut donc être écarté, quels que soient les engagements pris par les groupes parlementaires.

M. le Rapporteur général - Je souhaite que M. Laffineur retire son amendement, puisque ceux de la commission ont recueilli l'unanimité.

Monsieur le secrétaire d'Etat, la commission a examiné de près la question et ne vous fait pas une proposition à la légère. Le Conseil constitutionnel a déjà admis que le principe d'égalité n'interdisait pas au législateur d'octroyer des avantages fiscaux à certaines catégories de contribuables, du moment que ces mesures sont prises en fonction de critères objectifs et rationnels. Dans le cas qui nous occupe, il est légitime d'accorder un avantage fiscal à des personnes dont les conditions d'existence sont aussi spécifiques.

En outre, pour qu'une éventuelle annulation de cette mesure n'ait pas de conséquences sur l'équilibre général de la loi de finances, nous l'avons sortie de l'article 2 pour en faire un article additionnel. La mesure proposée coûterait au total 300 millions, ce qui ne met pas en péril l'équilibre général.

Dans l'hypothèse même où le Conseil constitutionnel déciderait d'annuler aussi l'article 2, il en résulterait une perte de recettes de 3,9 milliards. Or le Conseil constitutionnel lui-même, dans sa décision du 29 décembre 1994, a jugé qu'une variation de 7 milliards n'était pas de nature à remettre en cause les données générales de l'équilibre.

Il est tout à fait justifié de maintenir les dérogations en cause.

M. Christian Cuvilliez et M. Maurice Adevah-Poeuf - Très bien !

M. le Secrétaire d'Etat - Je comprends très bien votre souci. Toutefois, ce n'est pas un problème d'opportunité qui se pose à nous, mais un problème de constitutionnalité. En cas d'annulation de la mesure proposée, l'ensemble de l'article 2 serait annulé, ce qui nous ferait perdre 4 milliards. M. le rapporteur général fait référence à la décision de 1994. Mais l'année dernière, le Conseil constitutionnel a considéré qu'une variation de 4 milliards était susceptible de déséquilibrer les comptes.

Le risque juridique est majeur.

Il serait grave que nous soyons exposés à devoir reprendre le débat budgétaire en janvier. Je m'engage à travailler avec vous, jour et nuit s'il le faut, pour trouver une solution satisfaisante, mais je vous demande de ne pas prendre un risque inconsidéré.

M. le Rapporteur général - Je ne suis toujours pas convaincu. La commission, une fois encore, ne vous fait pas une proposition à la légère. Vous nous suggérez de rechercher une solution pour la deuxième lecture. Ce serait aggraver le risque d'inconstitutionnalité puisque, selon une jurisprudence récente, un article additionnel à la loi de finances qui n'aurait pas été présenté en première lecture est susceptible d'annulation.

Nous vous apportons une solution et le Conseil constitutionnel, dont la sagesse est connue, devrait entendre notre argumentation. Nous créons un article additionnel : je vois mal le Conseil constitutionnel annuler aussi l'article 2. Il saura distinguer la dérogation du dispositif et ne jettera pas le bébé avec l'eau du bain.

La commission insiste fermement pour que l'Assemblée vote ses amendements (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe communiste).

M. Philippe Auberger - Nous ne rencontrerions pas cette difficulté si le plafond du quotient familial n'avait pas été modifié. Il est encore temps, d'ailleurs, de revenir sur cette mesure... (Sourires)

Dans la mesure où nous créons un article additionnel, le rapporteur général a raison d'affirmer que s'il déplaisait au Conseil constitutionnel, cela ne suffirait pas à provoquer l'annulation de l'article 2.

Enfin, Monsieur le ministre, cette affaire est pendante depuis l'avis que le Conseil d'Etat a rendu sur ce sujet au début du mois de septembre. Et, depuis lors, le Gouvernement n'a trouvé aucune solution. Je propose donc qu'il accepte la nôtre.

En outre, comme la loi de finances ne nous reviendra qu'au moment de la commission mixte paritaire, toute nouvelle disposition adoptée alors encourra inévitablement les foudres du Conseil constitutionnel. Il faut donc voter l'amendement de la commission.

M. Maurice Adevah-Poeuf - Et vous ne déférerez pas le texte au Conseil constitutionnel !

M. le Secrétaire d'Etat - Je respecte la fermeté de la commission et la qualité de son travail. Mais, contrairement à ce que pense le rapporteur général et selon l'avis du secrétaire général du Gouvernement que j'ai consulté, le recours à un article additionnel ne nous met pas à l'abri d'un risque constitutionnel grave. J'appelle solennellement votre attention sur un risque d'annulation de la loi de finances. Nous avons tous intérêt à ce que ce problème soit résolu et la loi de finances validée par le Conseil constitutionnel.

M. Gilbert Gantier - J'ai été tout à fait convaincu par l'argumentation du rapporteur général et de son prédécesseur. Nous n'en serions d'ailleurs pas là si le quotient familial n'avait pas été abaissé !

Quoi qu'il en soit, la commission est unanimement tombée d'accord sur cet amendement. De surcroît, comme celles du Seigneur, les voies du Conseil constitutionnel sont souvent imprévisibles et plus d'une de ses décisions m'ont surpris, dans un sens ou dans l'autre, au cours de ma carrière parlementaire. Il existe peut-être un petit risque d'annulation de cette sage mesure, mais il n'y a aucune certitude. En tout état de cause, ni l'ensemble de la loi de finances ni même l'article 2 dont cette mesure est détachée ne sont menacés. Je propose donc que nous votions.

M. le Rapporteur général - Le ministre a évoqué une nouvelle jurisprudence du Conseil constitutionnel, qui portait sur une somme de 4 milliards. Mais il s'agissait alors d'un problème de sincérité des comptes, car la mesure incriminée aggravait le déficit budgétaire.

En l'occurrence, nous exerçons un pouvoir d'appréciation qui nous a toujours été reconnu par le Conseil constitutionnel : les conditions particulières d'existence de certaines catégories peuvent justifier des dérogations au principe d'égalité. Je pense que cette interprétation peut être validée.

M. Marc Laffineur - Je retire l'amendement 300 corrigé.

Les amendements 1 et 2, successivement mis aux voix, sont adoptés.

M. le Président - A la demande de la commission des finances, je vais maintenant lever la séance.

La suite du débat est renvoyée à la prochaine séance, qui aura lieu cet après-midi, à 15 heures.

La séance est levée à 12 heures 35.

          Le Directeur du service
          des comptes rendus analytiques,

          Jacques BOUFFIER


© Assemblée nationale


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