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Assemblée nationale

COMPTE RENDU

ANALYTIQUE OFFICIEL

Session ordinaire de 1998-1999 - 14ème jour de séance, 34ème séance

2ème SÉANCE DU MERCREDI 21 OCTOBRE 1998

PRÉSIDENCE DE M. Laurent FABIUS

          SOMMAIRE :

QUESTIONS AU GOUVERNEMENT 1

    MESURES EN FAVEUR DES LYCÉES 1

    CHANTIERS NAVALS DU HAVRE 2

    DÉLINQUANCE DANS LES TRANSPORTS PUBLICS 3

    ENSEIGNANTS 4

    MÉTHODE DU MINISTRE DE L'ÉDUCATION NATIONALE 5

    SÉCURITÉ 5

    ÉPARGNE-RETRAITE 6

    RETRAITES 6

    RÉFORME DES JURIDICTIONS CRIMINELLES 7

    POLITIQUE D'INTÉGRATION 7

    ÉDUCATION NATIONALE 8

LOI DE FINANCES POUR 1999 -deuxième partie- (suite) 9

    ENSEIGNEMENT SCOLAIRE 9

La séance est ouverte à quinze heures.

M. le Président - A 16 heures 20, nous entendrons une déclaration du Président de la République du Sénégal, M. Abdou Diouf.


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QUESTIONS AU GOUVERNEMENT

L'ordre du jour appelle les questions au Gouvernement.

MESURES EN FAVEUR DES LYCÉES

M. Gérard Charasse - Ma question s'adresse à M. le ministre de l'éducation nationale ("Ah !" sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL).

Depuis quelques jours, le monde lycéen manifeste son mécontentement. Condition de travail, insécurité, manque d'enseignants entretiennent un sentiment de malaise.

Chacun doit reconnaître -avec vous- que nos enfants n'ont pas tort sur certaines revendications et il nous revient de répondre à leur attente.

La déconcentration que vous proposez doit s'accompagner d'une redéfinition des pouvoirs des autorités déconcertées et de l'indispensable assentiment de tous les partenaires concernés.

L'objectif est celui que vous proposez, privilégier le bien-être des enfants dans une Education nationale qui leur donne les moyens de trouver leur place dans le monde du XXIème siècle. Quelles mesures le Gouvernement entend-il prendre pour renforcer l'école de la République ? (Applaudissements sur les bancs du groupe RCV et du groupe socialiste)

M. Claude Allègre, ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie - Après la consultation Meyrieu et le succès du colloque de Lyon, après le débat devant les commissions de l'Assemblée et du Sénat, les lycées ont dit clairement qu'ils voulaient que la réforme des lycées soit mise en place au plus vite. Le grand rendez-vous de la réforme sera la rentrée de 1999, mais nous allons prendre des mesures immédiates pour répondre aux problèmes.

D'abord, nous voulons faire avancer la démocratie lycéenne. Nous mettrons en place immédiatement une charte des lycéens et allons doubler les crédits du fonds de la vie lycéenne, qui sera cogéré par les lycéens et par l'administration. Un décret en Conseil d'Etat obligera tous les lycées à se conformer à ces règles dans un délai de deux mois (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe RCV).

Deuxième objectif : mieux vivre au lycée. Nous affecterons aux établissements 14 000 adultes supplémentaires afin d'assurer la vie lycéenne, la discipline, la lutte contre la violence et l'aide aux élèves. Pour cela, nous allons recruter 3 000 surveillants et mettre à la disposition des lycées 10 000 emplois-jeunes et 2 000 appelés du contingent (Exclamations sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL).

Troisièmement, nous voulons construire le lycée de l'avenir. Les régions ont fait un effort que je salue pour améliorer les locaux et le matériel des lycées. Nous créons un fonds exceptionnel d'aménagement des lycées pour accorder en quatre ans 4 milliards à taux zéro aux régions afin qu'elles construisent et aménagent dans chaque établissement des lieux de vie pour les lycéens, qu'elles améliorent l'accès aux centres de documentation et achèvent la mise aux normes de sécurité des équipements. Une table ronde (nouvelles exclamations sur les mêmes bancs) se tiendra dès la semaine prochaine avec les régions afin de faire en sorte que l'entretien des bâtiments soit mieux assuré.

Quatrièmement, nous allons engager les réformes pédagogiques. D'ici la fin du mois d'octobre, une circulaire fixera les allégements des programmes -aucune option ne sera supprimée. Une concertation sera engagée avec les enseignants des lycées professionnels pour alléger certains horaires excessifs et aménager en conséquence les horaires des enseignants. Dès la rentrée, la réforme des lycées sera mise en place.

D'autre part, nous voulons assurer l'égalité de tous devant les études. Le mouvement a mis en évidence les disparités d'encadrement. Nous avons décidé la réouverture immédiate des listes complémentaires dans les concours de recrutement pour les disciplines qui manquent d'enseignants, ainsi que dans les concours de documentalistes et de conseillers principaux d'éducation (Quelques applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

Nous avons aussi décidé la mise à disposition d'enseignants appelés au service national dans les académies et les disciplines déficitaires ; d'accorder la priorité des remplacements aux classes qui ont un examen en fin d'année ; de nommer 1 000 lecteurs de langue étrangère. En règle générale, dès 1999 aucune classe préparant au baccalauréat n'aura plus de 35 élèves (Applaudissements sur quelques bancs du groupe socialiste).

Enfin, sur la suggestion d'un parlementaire, le Gouvernement s'engage à présenter chaque année au Parlement un rapport sur les moyens en personnel par académie et par discipline (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe RCV et sur quelques bancs du groupe communiste).

CHANTIERS NAVALS DU HAVRE

M. Daniel Paul - Les Ateliers et chantiers du Havre, deuxième chantier naval civil en France, sont menacés et avec eux 2 500 emplois. Cette situation catastrophique trouve son origine dans une commande hors normes imposée aux chantiers en 1995. Le Gouvernement qui en a hérité en juin 1997 a permis aux chantiers de poursuivre les constructions en cours. Aujourd'hui se pose la question du devenir de l'entreprise. Les compétences des personnels sont intactes, les ACH peuvent obtenir des commandes sur des créneaux porteurs.

Notre pays, qui a une vocation maritime, a déjà payé un lourd tribut aux politiques européennes de la navale.

Le Gouvernement a demandé que la reprise s'inscrive dans un véritable projet industriel. Il est possible de constituer un pôle français des chantiers navals en suscitant la synergie entre un chantier de Cherbourg et les ACH. Il existe aussi des possibilités de reprise par des chantiers étrangers. La solution s'impose d'urgence. Les enjeux sociaux, industriels et financiers obligent à examiner toutes les propositions.

Le Havre est unanime à demander une solution positive pour l'emploi et pour la filière navale nationale.

Je demande donc que, rompant avec les politiques antérieures, le gouvernement de gauche mette tout en oeuvre en ce sens et que les concertations nécessaires aient lieu avant toute décision (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste et sur quelques bancs du groupe socialiste).

M. Christian Pierret, secrétaire d'Etat à l'industrie - En effet, ACH a eu d'extrêmes difficultés pour construire les chimiquiers. Ce chantier a plus de deux ans de retard, et les pertes s'élèvent à 1 870 millions alors que l'armateur paiera environ 1 100 millions. Ceux qui ont pris la responsabilité de cette commande en 1995 ont commis une grave erreur (Exclamations sur quelques bancs du groupe du RPR) : dès juin 1997, le Gouvernement a fait tout son possible pour maintenir l'activité.

M. Franck Borotra - C'est-à-dire pas grand-chose !

M. Christian Pierret, secrétaire d'Etat à l'industrie - Depuis de nombreux mois, l'Etat, donc le contribuable, verse à l'entreprise 10 millions chaque mois pour assurer l'exploitation courante. S'agissant d'une société privée qui emploie 800 personnes, on mesure l'importance et la sincérité de notre effort.

Nous avons laissé les coudées franches à l'entreprise pendant un an pour rétablir la situation et tracer des perspectives d'avenir. Force est de constater qu'elle n'y est pas parvenue à ce jour.

En juin dernier, M. Strauss-Kahn et moi-même avons mandaté M. Piketty, ingénieur général des mines, pour mener une expertise sur l'état du chantier. Il a conclu que la poursuite de l'activité, au demeurant difficile, nécessite la reprise par un grand groupe marchand de la construction navale. Le Gouvernement a donc donné un mois à l'entreprise pour rechercher un actionnaire de référence. Après une consultation de 19 grands chantiers mondiaux, trois ont marqué leur intérêt et étudient le dossier.

Le Gouvernement a mené cette démarche en toute transparence et il y a associé tous les élus locaux. Si une solution crédible est possible, il fera tout pour contribuer à sa mise en oeuvre. Tel n'était pas le cas, hélas, de l'offre présentée par les Constructions mécaniques de Normandie qui, pour une mise de fonds de 50 millions, exigeaient plus de 6 milliards de mise de fonds de l'Etat sous forme notamment d'exonérations fiscales. Cette entreprise a jusqu'à demain pour faire une nouvelle proposition. A l'heure où je parle, nous ne disposons pas d'une proposition ferme. En fin de matinée, le groupe Kvaerner a souhaité examiner de nouveau le chantier. S'il fait une offre réaliste et sérieuse dans les prochains jours, elle sera prise en considération.

Vous le savez, car je suis en contact quotidien avec les élus, nous sommes déterminés à faire le maximum pour trouver une solution.

A défaut, il n'existe aucune autre solution responsable que d'achever les trois navires encore en construction dans les deux ans qui viennent, et de mettre à profit ce laps de temps pour mettre au point un programme ambitieux de conversion du site, propre à préserver l'intérêt de tous (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

DÉLINQUANCE DANS LES TRANSPORTS PUBLICS

M. François Goulard - Lundi dernier, nous avons vu, sur une chaîne de télévision publique, une séquence tournée sur une ligne d'autobus de la région parisienne. Un jeune, monté sans montrer de carte ni acheter de ticket, répondait au journaliste qu'il était normal de circuler sans payer. Le conducteur, au demeurant sympathique et courageux de faire ce métier, indiquait que ce genre de comportement était fréquent, et qu'il ne faisait rien pour s'y opposer.

Quelques jours auparavant, également à la télévision, le Premier ministre avait tenu des propos lénifiants sur ce qu'il a appelé des actes d'incivilité, que les Français appellent plus simplement de la délinquance.

Monsieur le ministre des transports, considérez-vous que de telles "incivilités" soient admissibles ? La politique des entreprises publiques RATP et SNCF consiste-t-elle à les accepter, faute de savoir s'y opposer ? A combien se montent les pertes dues à de tels actes, qui seront couvertes par appel au contribuable ? La meilleure façon de lutter contre l'insécurité et la délinquance n'est-elle pas de faire respecter les règles élémentaires de comportement, faute de quoi toutes les dérives sont possibles et même fatales ? (Applaudissements sur les bancs du groupe DL, du groupe UDF et du groupe du RPR)

M. Jean-Claude Gayssot, ministre de l'équipement, des transports et du logement - Tous les actes délictueux doivent être sanctionnés. C'est dans cette voie que le Gouvernement s'est engagé, en prenant il y a moins d'un an douze mesures pour renforcer la sécurité dans les transports. En effet, il n'est pas possible de vouloir développer les transports collectifs sans y assurer la sécurité. Nous avons aussi décidé qu'agresser des agents serait considéré par la justice comme une circonstance aggravante (Exclamations sur les bancs du groupe DL, du groupe UDF et du groupe du RPR ; applaudissements sur les bancs du groupe communiste et du groupe socialiste).

Cependant, croire que la sanction et la répression suffiraient, c'est ne pas mesurer la profondeur du problème.

Aussi avons-nous entrepris des efforts dans d'autres directions. Ainsi la RATP organise des rencontres avec les jeunes des cités (Exclamations sur les bancs du groupe DL, du groupe UDF et du groupe du RPR) Cette initiative commence à porter ses fruits, y compris pour faire reculer la fraude. Nous cherchons aussi à susciter un nouveau rapport entre les jeunes et les transports publics, avec par exemple, à la RATP, la carte "Imagin R", décidée avec M. Allègre, qui permet de réduire les tarifs de 40 % pour les collégiens, lycéens et étudiants. C'est ainsi que nous pourrons offrir des transports collectifs plus nombreux et plus sûrs (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste et du groupe socialiste).

ENSEIGNANTS

M. François Bayrou - Ma question s'adresse au ministre de l'éducation nationale (Vives exclamations sur les bancs du groupe socialiste). Des manifestations, des mouvements, cela arrive à tous les ministres de l'éducation nationale (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste). Est-il pour autant nécessaire d'expliquer que c'est toujours la faute des autres ? La faute des enseignants, de l'administration, de vos prédécesseurs ("Oui" ! sur les bancs du groupe socialiste). Parmi ces nombreux prédécesseurs, trois au moins se trouvent ici.

Nos désaccords sont nombreux et connus, mais nous nous rejoignons sur un point : tout dans l'Education nationale n'est pas affaire de moyens. Vous avez annoncé un plan comportant 4 milliards, que les régions auront à rembourser, et quelques milliers d'emplois-jeunes et d'appelés du contingent, ces derniers étant du reste appelés à disparaître. Les lycéens diront si ce dispositif leur suffit. Peut-être avez-vous vous-même choisi de laisser s'essouffler le mouvement suffisamment longtemps pour que la réponse soit positive (Interruptions sur les bancs du groupe socialiste). Mais il est une catégorie d'acteurs du système scolaire qui n'ont trouvé dans votre plan aucune réponse : ces pelés, ces galeux que sont les enseignants ! (Interruptions sur les bancs du groupe socialiste)

M. Didier Boulaud - Démagogue !

M. François Bayrou - Vous crierez après ! Les enseignants français ont le sentiment de subir un manque de considération, des attaques injustes et, avec la mesure relative aux heures supplémentaires, une amputation de salaire, qu'ils vivent très difficilement.

C'est un problème pour vous, pour le Gouvernement, et aussi un problème national. Nous avons tous intérêt à faire que se cicatrisent les blessures ressenties par les enseignants de France. Comment comptez-vous rétablir la confiance entre les enseignants et la nation ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF, du groupe DL et du groupe du RPR)

M. Claude Allègre, ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie - Il est clair depuis le début que l'élève est pour nous au centre du système éducatif. Toutes les mesures prises le seront avant tout dans l'intérêt des élèves (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste). Naturellement, les enseignants jouent un rôle irremplaçable, comme cela n'a pas échappé au Gouvernement. Le gouvernement de Lionel Jospin a revalorisé la fonction enseignante comme jamais auparavant, et créé 60 000 postes d'enseignants (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste). Après cet effort quantitatif, j'ai décidé de faire porter l'action sur la qualité de vie et les conditions de travail des enseignants, qui n'ont pas été améliorées depuis des années. C'est pourquoi, dans le plan que j'ai annoncé, il est prévu de construire dans tous les lycées des bureaux pour les enseignants (Exclamations sur les bancs du groupe UDF, du groupe DL et du groupe du RPR). En effet, les enseignants, plutôt que d'exercer un magistère lointain, doivent pouvoir aider directement les élèves en difficulté. L'égalité des chances et la modernité sont les deux piliers de notre politique ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste)

MÉTHODE DU MINISTRE DE L'ÉDUCATION NATIONALE

M. Bruno Bourg-Broc - Monsieur Allègre, ce qui est formidable avec vous, c'est que, alors que généralement les manifestations sont dirigées contre les réformes proposées par le ministre, avec vous, il n'y a même pas besoin de réforme ! Voilà la méthode Allègre ! (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste ; applaudissements sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL)

Depuis que vous êtes ministre, vous vous êtes comporté en distributeur d'espoirs, sans que les actes suivent. Aujourd'hui, vous utilisez les élèves contre les professeurs pour faire passer la déconcentration, qui avait été amorcée (Interruptions sur les bancs du groupe socialiste). En 18 mois, vous vous êtes mis à dos tous les syndicats, tous les professeurs, et aujourd'hui tous les élèves. Belle méthode ! Aujourd'hui, vous accomplissez un geste cosmétique, en annonçant 4 milliards de prêts aux régions. Mais en annonçant les milliards, vous ne distribuez que des millions !

Quand donc comprendrez-vous qu'il n'y a pas seulement le fric ? Il faut aussi rendre le système plus efficace. Il est anormal que 65 000 enseignants ne soient pas en face des élèves, que l'école ne prépare pas mieux à l'insertion professionnelle, qu'il y ait tant d'échecs et tant de violence à l'école. Quand donc parlerez-vous un peu moins fort et vous déciderez-vous à agir ? (Applaudissements sur les bancs du groupe du RPR)

M. Claude Allègre, ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie - Les 5 000 maîtres-auxiliaires qui devaient être licenciés et ont été embauchés, savent, eux, que nous agissons (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste). Les 40 000 titulaires d'emplois-jeunes qui étaient au chômage, savent que nous agissons ! (Mêmes mouvements) Les étudiants, qui ont vu le nombre et le montant des bourses augmenter, savent que nous agissons ! (Nouveaux applaudissements) Ceux qui travaillent tous ensemble, parents d'élèves, syndicalistes, collectivités territoriales, à mettre en place l'école du XXIème siècle, savent que nous agissons. Ce que vous n'avez pas été capables de faire, la déconcentration du mouvement, nous l'avons fait, même si certains d'entre vous avaient parié que nous ne le ferions pas. Et nous continuerons d'agir, que cela vous plaise ou vous déplaise (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

SÉCURITÉ

M. Jean-Claude Mignon - A entendre M. Allègre, on se demande pourquoi les lycéens sont dans la rue ! Mais ma question porte sur un autre sujet, la sécurité. Les actes d'incivilité et de délinquance se multiplient sans que vous trouviez les moyens de répondre à l'inquiétude de nos concitoyens, même si ceux-ci osent de moins en moins porter plainte de peur des représailles, pour le plus grand bénéfice de vos statistiques. Quels sont les chiffres de la délinquance juvénile ? Les actes d'autodéfense se multiplient, et l'on tend vers la guerilla urbaine. La police fait certes ce qu'elle peut, avec des moyens dépassés par rapport à ceux des jeunes. Mais si la justice ne prend pas ses responsabilités, les choses peuvent durer longtemps. On ne demande pas aux magistrats d'interpréter ou faire la loi -s'ils le veulent, qu'ils se fassent élire députés ! On leur demande d'appliquer la loi. Les victimes, quoi qu'en disent certains, ce sont bien nos concitoyens, qui ont droit à la sécurité cinquante ans après la déclaration universelle des droits de l'homme, et non ceux qui veulent "niquer la France en force". Quelles dispositions comptez-vous prendre pour remédier à ces problèmes ? (Applaudissements sur les bancs du groupe du RPR, du groupe DL et du groupe UDF)

Mme Elisabeth Guigou, garde des sceaux, ministre de la justice - L'incivilité et la délinquance, ce n'est pas la même chose ! L'incivilité relève de la médiation sociale, alors que la délinquance doit être réprimée par la police et la justice. Cette confusion mentale augure mal des réponses que vous pourriez être amené à apporter (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste). Le Gouvernement ne se borne pas à proclamer des intentions, il prend des mesures effectives contre la délinquance des mineurs. Et le conseil de sécurité intérieure a, par exemple, décidé la création de 100 emplois d'éducateurs en 1998 et 150 en 1999 -contre 30 en 1997 (Quelques applaudissements sur les bancs du groupe socialiste ; interruptions sur les bancs du groupe du RPR). De même, 200 emplois de délégués du procureur seront créés pour que l'on puisse convoquer tout jeune ayant commis un délit. En outre, 200 classes relais seront créées d'ici la fin de l'an prochain -il y en avait 20 en 1997. 2 000 mesures de réparation -qui sont la meilleure sanction quand il s'agit de jeunes qui ne sont pas multirécidivistes- seront mises en place. Et pour les multirécidivistes, un dispositif d'urgence existe déjà dans neuf des vingt-six départements prioritaires : on a augmenté le nombre de places, tant pour le placement familial que pour les établissements spécialisés. Voilà ce que fait le Gouvernement : ces mesures sont sans concession et sans faiblesse, et elles ont le mérite d'exister, assorties des moyens correspondants (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe RCV).

ÉPARGNE-RETRAITE

M. Arthur Dehaine - Ma question s'adresse à Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité. Par idéologie, vous avez refusé d'appliquer la loi du 25 mars 1997 sur les plans d'épargne-retraite. Mais hier, vous avez indiqué à M. Schneider que vous lanceriez une concertation en vue de trouver les moyens de "sauver la retraite par répartition, tout en ouvrant des voies permettant d'épargner pour l'avenir". D'autre part, le commissaire au Plan vient d'écrire que "la capitalisation pourrait fournir un complément efficace au système par répartition" et voilà 16 ans que M. Strauss-Kahn écrivait déjà un livre sur l'épargne-retraite ! Pourquoi tout ce temps perdu ? Et ne dites pas que c'est parce que la loi de 1997 ne vous convenait pas : vous avez déjà eu dix-sept mois pour en faire une autre ! Au lieu de cela, il n'y a eu que des rapports et de la publicité. Les Français sont inquiets pour l'avenir des retraites, et deux sur trois sont favorables à la création de fond de pension.

M. Christian Cuvilliez - Mais non !

M. Arthur Dehaine - Quand permettrez-vous aux Français d'épargner dans ce sens ? (Applaudissements sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL)

Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité - Le Gouvernement, je le répète, est très attaché à la répartition -et nous mettons en place dès cette année un fond de réserve. Mais j'ai dit aussi qu'il était souhaitable qu'on puisse capitaliser pour l'avenir. Hier, à la commission des finances -mais vous n'y étiez pas-, j'ai développé ce point de vue : si pour nous, la répartition reste la base, rien n'empêche qu'on puisse capitaliser pour l'avenir, à condition que les règles fiscales et sociales correspondantes ne bénéficient pas seulement à certains, mais à toute la nation. S'agissant des retraites par répartition, ne soyez pas démagogue : voilà 40 ans que le problème est posé, et j'espère que nous arriverons à le résoudre tous ensemble dans l'intérêt de tous nos concitoyens, et non, comme vous l'avez fait, en montrant du doigt la SNCF (Protestations sur les bancs du groupe du RPR). Consolider la répartition permettra que la capitalisation soit ouverte à tous, telle est notre politique (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

RETRAITES

M. Pascal Terrasse - L'évolution démographique va peser de plus en plus lourd sur la branche vieillesse du régime général et l'ensemble des régimes de retraite. Si l'on ajoute à cela le poids des cotisations supprimées, les effets de la baisse de certaines rémunérations, on comprendra l'inquiétude des retraités et des futurs retraités. Le Gouvernement a déjà décidé de créer un fonds de réserve, doté de 2 milliards, et confié une mission à M. Charpin. Face au retard pris ces dernières années et à la baisse du pouvoir d'achat depuis 1994, quelle est votre position quant à la création de fond de pension réclamée par certains à droite ? Croyez-vous celle-ci nécessaire ? D'autre part, dans quelle proportion les retraites augmenteront-elles en 1999 ? Leur pouvoir d'achat, qui avait baissé depuis quelques années, sera-t-il revalorisé ?

Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité - Je partage votre préoccupation. Pour apaiser les inquiétudes de ceux qui craignent pour l'avenir les régimes de retraite par répartition, le Premier ministre a décidé la création d'un Fonds de réserve pour les retraites, fonds symbolique, (Exclamations sur les bancs du groupe du RPR) et du groupe DL), car il témoigne de notre volonté mais dont la dotation de 2 milliards insuffisante, sera complétée.

Le pouvoir d'achat des retraités a en effet reculé ces quatre dernières années du fait de la hausse de la CSG en 1993, de l'augmentation des charges sociales de 1996 et 1997 et de la non-revalorisation des retraites. Aussi avons-nous décidé cette année de faire bénéficier les retraités des fruits de la croissance et la loi de financement de la Sécurité sociale prévoit-elle à cette fin une augmentation des retraites de 1,2 % supérieure, alors que la loi n'imposait que 0,7 %.

Le Gouvernement étudie également l'augmentation du pouvoir d'achat des retraités les plus modestes, en particulier ceux qui touchent le minimum vieillesse ou de très faibles pensions de reversion et nous espérons pouvoir régler la question dans la loi de financement de la Sécurité sociale (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe RCV).

RÉFORME DES JURIDICTIONS CRIMINELLES

M. Raymond Forni - Le pourvoi en cassation de Jean-Marc Deperrois, condamné par la cour d'assises de Seine-maritime à vingt ans de réclusion criminelle, a été rejeté. Je ne sais pas s'il est coupable ou innocent, mais je sais que le verdict de culpabilité donne lieu à une controverse sérieuse.

De même, Omar Raddad a été récemment libéré par anticipation, bénéficiant d'une grâce présidentielle prise par Jacques Chirac en son âme et conscience, à la demande, il est vrai, du roi du Maroc. Je ne sais pas, là non plus, si Omar Raddad est coupable ou innocent, mais je sais que le doute était suffisant pour entraîner la conviction du Président de la République du fait d'une enquête bâclée, d'une instruction mal menée et d'un procès mal conduit.

On ne peut supporter que demeure, comme dans ces deux cas, le sentiment douloureux d'une erreur judiciaire. Une réforme est donc urgente afin que le doute n'entache plus les décisions rendues par les cours d'assises en notre nom à tous.

Quand proposerez-vous un nouveau projet, Madame la Garde des Sceaux qui, bien sûr, s'intègre dans votre réforme d'ensemble de la justice, pour créer un double degré de juridiction en matière criminelle ? (Applaudissements sur tous les bancs)

Mme Elisabeth Guigou, garde des Sceaux, ministre de la justice - Je ne ferai aucun commentaire sur la décision de la Cour de cassation concernant Jean-Marc Deperrois ni sur l'affaire Raddad. Mais je souhaite comme vous qu'un appel des décisions des cours d'assises soit possible, quand existent des doutes sérieux. Un projet en ce sens a certes été présenté par mon prédécesseur mais comme bien d'autres réformes annoncées par l'ancienne majorité, les moyens nécessaires à sa mise en oeuvre n'étaient pas prévus (Vives protestations sur les bancs du groupe UDF, du groupe DL et du groupe du RPR). Ce projet impliquait en effet la création de nombreux postes de magistrats et de greffiers ainsi que des investissements immobiliers lourds.

J'ai préféré accorder en priorité les moyens importants dégagés pour la justice dans les budgets 1998 et 1999 à la justice de proximité qui concerne des dizaines de millions de nos concitoyens.

Plusieurs députés RPR, UDF et DL - Au PACS !

Mme Elisabeth Guigou, garde des sceaux, ministre de la justice - On ne peut laisser traîner des années les procédures de divorce ou celles concernant les conflits de voisinage ou de travail. J'ai préféré affecter ces importants moyens supplémentaires aux juges de la famille, aux juges des enfants.

Plusieurs députés RPR, UDF et DL - Pour qu'ils s'occupent du PACS !

Mme Elisabeth Guigou, garde des sceaux, ministre de la justice - Cela ne m'empêche pas de réfléchir à une procédure d'appel des décisions criminelles moins coûteuses et j'espère pouvoir avancer. Pour l'instant, je m'en tiens à la ligne que je me suis fixée en accord avec le Premier ministre : pas une annonce de réforme qui ne soit assortie des moyens correspondants, par respect pour la représentation nationale (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe RCV et sur quelques bancs du groupe communiste ; huées sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL).

POLITIQUE D'INTÉGRATION

M. François Lamy - M. le ministre de l'emploi et de la solidarité, le modèle français d'intégration des populations d'origine étrangère, dont on vante parfois les mérites, connaît au quotidien de nombreux ratés et il est souvent bien difficile à un étranger souhaitant s'intégrer de trouver un emploi ou un logement.

L'intégration est pourtant l'indispensable complément d'une politique de maîtrise des flux migratoires. Elle est nécessaire pour que chaque étranger qui arrive sur notre sol puisse adopter les valeurs qui fondent notre République et nous apporter la richesse issue de sa différence.

Vous avez présenté ce matin en conseil des ministres un dispositif permettant d'améliorer votre politique d'intégration. Pouvez-vous nous éclairer sur les principes et les moyens qui doivent permettre l'insertion des populations étrangères et qui constitueront la réponse la plus efficace à ceux qui souhaitent profiter de la crise pour alimenter la xénophobie ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste)

Plusieurs députés RPR et DL - Je vous remercie de votre question (Rires sur ces bancs).

Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité - Je vous remercie en effet de cette question qui doit gêner ceux qui veulent faire des étrangers des boucs émissaires (Protestations sur les bancs du groupe UDF, du groupe du RPR et du groupe DL) au mépris de notre tradition d'accueil.

La politique d'intégration est un élément majeur du pacte républicain. Elle est indissociable de notre politique de maîtrise de l'immigration et de nos efforts de coopération et de codéveloppement avec les pays d'émigration.

Ce matin le Gouvernement a pris un ensemble de mesures rénovant notre politique d'intégration qui est conforme à notre tradition et qui rend aux travailleurs immigrés ce que la France, qu'ils ont aidé à reconstruire, leur doit (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

Nous souhaitons d'abord améliorer l'accueil des étrangers. Plusieurs dizaines de milliers d'étrangers entrent régulièrement sur le territoire national tous les ans dans le cadre du regroupement familial, en tant que réfugiés politiques, afin d'y étudier ou d'y faire de la recherche ou encore pour occuper des emplois que les Français ne peuvent pas remplir. Ils doivent être accueillis dans de bonnes conditions. De ce premier pas sur notre terre dépend sans doute largement leur intégration. C'est pourquoi nous allons dans les mois qui viennent généraliser le dispositif testé en Seine-Saint-Denis et en Rhône-Alpes, afin de faire connaître aux personnes accueillies sur notre territoire leurs droits et leurs devoirs et de vérifier ce dont elles ont besoin pour bien s'intégrer, et qui concernent l'appréhension de la langue, les conditions sociales et sanitaires, d'éducation et de logement.

Il faut également lutter contre la discrimination dont le rapport rendu hier au Premier ministre par le Haut Conseil à l'intégration a montré l'ampleur dans notre pays à l'encontre d'étrangers en situation régulière. Nous savons ce que nous disent les jeunes sur les portes des discothèques qui se ferment, sur ces jeunes diplômés qui ne trouvent pas d'emploi, sur ces gestes de racisme quotidien qui font que notre pays n'est plus à la hauteur de ce qu'il doit être.

Les lois ne suffisent pas à le combattre, mais une parole politique forte peut être relayée par nos concitoyens qui doivent se porter témoin de toutes les discriminations qu'ils constatent. C'est avec une telle pratique de la citoyenneté que notre pays défendra les valeurs dont il est fier.

Nous entendons modifier le code du travail, sans toutefois aller jusqu'à renverser la charge de la preuve afin de faciliter la preuve des discriminations.

J'ai demandé à l'ANPE de se montrer plus vigilante sur ce point et de porter systématiquement plainte lorsque les discriminations sont avérées.

Leur recherche sera également parmi les priorités pour 1999 de l'inspection du travail.

Je voudrais saluer le courage des syndicats qui ont accepté de réfléchir avec nous sur les progrès du racisme que l'on constate dans l'entreprise.

L'Etat lui-même doit être exemplaire et nous travaillons à l'ouverture plus large des emplois publics aux étrangers à l'exception bien sûr des emplois de la fonction publique dont ils sont exclus.

Enfin, nous souhaitons faciliter les naturalisations, en porter les délais de deux ans en moyenne à dix-huit mois et en prenant en compte la situation économique et la volonté d'intégration des personnes. On ne peut pas aujourd'hui reprocher à un jeune de 27 ans de ne pas avoir un CDI, quand beaucoup de Français, au même âge, n'en ont jamais eu. Cette parole politique forte est celle de la France et je crois que si nos concitoyens nous rejoignent nous pourrons, dans les mois qui viennent, faire des progrès considérables en matière d'intégration, ce qui serait conforme aux valeurs que nous avons toujours défendues (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe RCV et sur quelques bancs du groupe communiste).

ÉDUCATION NATIONALE

M. Jacques Guyard - Monsieur le ministre de l'éducation nationale, après les événements de ces derniers jours, beaucoup d'enseignants, d'étudiants et de parents qui suivent cette séance assistent à une manoeuvre tendant à opposer enseignants et élèves, enseignants et Gouvernement.

Ce procès n'est pas fondé puisque, dans le budget que vous présentez, le plus gros de l'effort est consacré aux enseignants, à leurs conditions de travail et à leur carrière. Pouvez-vous nous préciser les mesures prises en ce sens ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste)

M. Claude Allègre, ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie - Je vous remercie d'avoir fourni cette précision (Rires sur les bancs du groupe du RPR et du groupe UDF), qui montre qu'effectivement nous faisons un effort considérable pour améliorer la situation et les conditions de travail des enseignants. Les créations de postes se poursuivent cette année malgré la décroissance du nombre d'élèves, le personnel précaire voit sa situation stabilisée, de nombreux maîtres auxiliaires sont intégrés -sans parler de l'enseignement supérieur, où nous avons recruté 5 000 enseignants l'an dernier, contre 1 200 les années précédentes ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste)

M. le Président - Je suspends la séance jusqu'à 16 h 20.

La séance, suspendue à 16 heures, est reprise à 18 heures 5 sous la présidence de M. Pericard.

PRÉSIDENCE DE M. Michel PERICARD

vice-président


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LOI DE FINANCES POUR 1999 -deuxième partie- (suite)

L'ordre du jour appelle la suite de la discussion de la deuxième partie du projet de loi de finances pour 1999.

ENSEIGNEMENT SCOLAIRE

M. Jacques Guyard, rapporteur spécial de la commission des finances - La discussion de ce budget est marquée par les manifestations de lycéens qui ont lieu depuis quinze jours. On nous annonçait les professeurs dans la rue, ce sont les jeunes qui l'occupent, avec leurs revendications un peu floues, mais où l'on retrouve ce qu'ils ont dit lorsqu'ils ont été consultés l'an dernier, et qu'il faut écouter attentivement.

Les lycéens veulent avoir le temps de vivre, donc des horaires moins lourds, en cours et en devoirs. Ils veulent en revanche que les cours aient lieu et ne supportent pas l'absence des professeurs. Ils veulent enfin être reconnus, comme groupe et comme individus, dans une institution qui continue de les traiter comme des enfants. Nous devons entendre ce message, dont je suis convaincu qu'aux horaires près, il vaut aussi pour les collèges.

Ce que crient les lycéens n'est en contradiction ni avec les réformes que les ministres proposent, ni avec ce budget. En revanche, il y a un problème de rythme : le temps des élèves n'est pas le temps de l'administration. Raison de plus pour déconcentrer et assouplir rapidement.

Car il est clair qu'on ne peut indéfiniment augmenter les budgets, sans toucher à l'organisation. C'est ce qu'ont dit les lycéens l'an dernier. C'est ce que pense l'opinion publique. C'est ce que pense aussi la majorité des enseignants, même si l'accumulation des pseudo-réformes les rend prudents.

Ce budget va dans le bon sens, il met en place les structures et les moyens pour répondre à l'exigence de démocratisation et d'efficacité accrue de l'Education nationale. Il la prépare aussi, à côté de son rôle essentiel de formation intellectuelle et professionnelle, à mieux prendre en charge l'éducation à la vie sociale que les familles n'arrivent souvent plus à assumer. Sept priorités y sont financées grâce à une gestion plus rigoureuse des moyens et à une hausse très sensible des crédits. Le budget des enseignements scolaires passe ainsi de 286 à 298 milliards hors transfert des bourses des collèges, soit une augmentation de 3,81 % sur 1998. Etant donné que se poursuit la baisse des effectifs liée à la baisse de la natalité -40 000 élèves de moins dans les écoles, 20 000 dans le second degré, soit 0,5 % d'effectifs en moins à encadrer-, les moyens augmentent de 4,3 % par élève, ce qui met l'Education nationale en tête des progressions budgétaires.

Première priorité, l'encadrement des élèves : 3 916 postes sont créés pour y répondre, sans qu'un seul emploi devant les élèves soit supprimé.

Trois mille cinquante postes d'enseignants du second degré, pour 20 000 élèves de moins, c'est un véritable effort, qui doit aboutir à plus de présence devant des classes moins nombreuses, à condition bien sûr que diminue aussi le nombre des enseignants qui ne sont pas devant les élèves.

Ces moyens sont d'abord affectés aux zones et réseaux d'éducation prioritaire, dont, conformément à nos engagements, la carte est revue et étendue pour coller à la réalité.

Deuxième priorité, un accueil plus attentif aux personnes grâce à des moyens humains renforcés : 250 conseillers principaux d'éducation, 616 personnels administratifs, ouvriers, infirmières, assistantes sociales, médecins en plus, c'est à la fois peu au regard du sous-encadrement traditionnel en ces domaines et beaucoup par rapport aux efforts inexistants des années précédentes. Il faut aller plus loin, pour une meilleure écoute des élèves.

Les 20 000 emplois-jeunes supplémentaires inscrits dans ce budget, 10 000 autres ayant été annoncés, vont dans ce sens. Les 40 000 recrutés l'an dernier ont rapidement balayé les réticences. Ils ont apporté une souplesse et une qualité humaine très appréciées dans les écoles et les collèges, sans qu'il y ait confusion des rôles avec les enseignants.

Troisième priorité : une gestion plus rigoureuse des moyens. Trois mille trois cents postes de surveillants d'externat chargés de remplacer leurs collègues absents sont supprimés, mais les crédits sont maintenus, et le nombre des surveillants ne diminuera pas.

Les crédits de paiement des anciens maîtres-auxiliaires financent leur intégration, et près de 100 000 heures supplémentaires ont été supprimées au profit des postes créés. Il y a donc bien créations de postes, et la seule vraie suppression concerne 111 postes de l'administration centrale ; vous l'aviez annoncée, Monsieur le ministre.

Quatrième priorité, lutter contre l'exclusion scolaire. Le retour des bourses destinées aux collégiens dans la gestion des collèges permet un vrai travail social, en particulier amélioration de la fréquentation des restaurants scolaires. Les crédits pour ces bourses augmentent de 300 millions, ce qui permet de revaloriser fortement les sommes versées aux familles les plus modestes et de prendre en charge les élèves de moins de 11 ans, de plus de 16 ans, ou les enfants uniques, que la CAF ne pouvait servir.

Les opérations école ouverte, dont on connaît le succès dans les quartiers sensibles, vont pouvoir se multiplier, ainsi que les classes relais pour élèves en grave difficulté d'insertion scolaire.

La Seine-Saint-Denis et les départements d'outre-mer ont aussi fait l'objet d'efforts particuliers, conformément aux engagements pris.

Cinquième priorité, moderniser la pédagogie, notamment par l'introduction systématique des nouvelles technologies de l'information dans les écoles primaires, les collèges et les lycées.

Ce budget marque un profond changement, avec 192 millions consacrés à la formation des enseignants, à la création de logiciels, à l'équipement. S'y ajoutent 500 millions de prêts à taux zéro pour les collectivités qui achètent les matériels. J'ai moi-même constaté, dans ma commune, qu'équiper et raccorder une école primaire dans ces conditions revenait à 9 000 F, ce qui est très supportable.

L'élargissement des expérimentations touchant aux rythmes de vie de l'enfant est d'une extrême importance, surtout pour les jeunes dont les parents ne peuvent pas s'occuper. On doit ainsi, par une coopération entre éducation nationale, communes, jeunesse et sports et parents, parvenir à améliorer les comportements.

Le recrutement de 1 000 assistants étrangers supplémentaires donnera plus de sens à l'initiation aux langues étrangères, qui reste trop souvent théorique.

Sixième priorité, revaloriser les carrières. C'est évidemment la plus coûteuse : 4,6 milliards financent les hausses de salaires dans la fonction publique, 888 millions permettent d'accélérer fortement le rythme d'intégration des instituteurs dans le corps des professeurs d'école. Cette intégration sera ainsi totale en 2007 ; 427 millions financent des opérations de promotion pour les personnels du second degré, notamment pour les professeurs de lycées professionnels, les PEGC et chargés d'enseignement intégrés au corps des certifiés pour le passage à la hors-classe en fin de carrière, l'engagement qui a été pris devra être respecté.

La situation des corps d'inspection est également améliorée afin qu'ils puissent être vraiment sur le terrain.

Septième priorité, la situation des directeurs d'école et des chefs d'établissement.

M. René Couanau - Ah oui !

M. le Rapporteur spécial - Il faut accentuer l'effort, car les responsabilités de ces fonctionnaires sont de plus en plus lourdes et décisives. Les établissements sont en relation quotidienne avec l'extérieur -services sociaux, justice, police, collectivités locales-, les directeurs doivent gérer les emplois-jeunes et coordonner le travail autour des rythmes de vie. La tâche est si lourde qu'on manque de candidats. Il est donc urgent de poursuivre l'amélioration des décharges accordées aux directeurs d'école et de satisfaire ainsi une vieille revendication de l'école primaire : un maître de plus que le nombre de classes.

Mme Nicole Bricq - Très bien !

M. le Rapporteur spécial - Pour les proviseurs, les principaux et leurs adjoints, le constat est le même. Un effort est consenti dans ce budget pour les chefs d'établissement en ZEP. Il faudra aussi leur assurer des collaborateurs supplémentaires. Est-il normal par ailleurs que la structure de direction soit la même dans un collège de 200 élèves que dans un autre de 600 élèves ?

Ainsi ce budget est aussi favorable que le permettent les finances de l'Etat.

Quelques questions subsistent cependant.

Faire la réforme des lycées à moyens constants ? Je ne crois pas que c'est possible. Il faudra, bien sûr, réduire les horaires. Des classes à 36 heures de cours hebdomadaires peuvent descendre à 26 heures en section générale et 30 heures en section technique et professionnelle, mais il faudra dédoubler les classes de travaux pratiques et de langue. Ceci modifiera l'équilibre entre disciplines et par conséquent les recrutements à venir. Une programmation pluriannuelle sera donc indispensable.

Quant à l'école du XXIème siècle, qui devra respecter les rythmes biologiques, c'est un projet passionnant, mais qui impose de garantir l'autonomie pédagogique des enseignants par rapport aux collectivités locales, d'établir des règles de financement des activités hors temps scolaire et de préciser les conditions d'implication des emplois-jeunes.

D'autre part, le rattachement des services médicaux et sociaux n'est pas réglé. J'ai vu un tract demandant 1 100 postes d'infirmières. Ce n'est pas absurde, mais c'est impossible. Il faudra renforcer les liens entre les services sanitaires et sociaux locaux et les établissements.

Les conditions de travail au lycée s'étaient dégradées -les jeunes nous l'ont rappelé- en raison de la disparition des jeunes du service national et des CES.

Mme Nicole Bricq - Dramatique !

M. le Rapporteur spécial - Ne faudrait-il pas rendre aux surveillants d'externat un rôle plus pédagogique qu'administratif ? Ces surveillants, qui font 28 heures par semaine, n'ont pas de bons résultats aux concours de recrutement. Créer des demi-services de 14 heures en leur permettant de garder le statut étudiant serait une bonne chose.

M. René Couanau - Au lieu des emplois-jeunes !

M. le Rapporteur spécial - Les lycéens attendent un mode d'enseignement plus souple dans un cadre démocratique. Il faut adapter les locaux. Les régions ont fait beaucoup. Le prêt sans intérêt que vous avez annoncé permettra d'accélérer ces opérations.

Je tiens aussi à souligner l'importance de la formation professionnelle permanente. Les GRETA en sont les premiers dispensateurs. Ils ont besoin qu'on leur précise leur mission et leur organisation pour répondre aux attentes.

"Zéro défaut", c'est la fin des absences de longue durée non remplacées. Nous espérons beaucoup sur la déconcentration. En attendant, il faut mobiliser tous les personnels disponibles titulaires de la licence. Nous avons apprécié le recours aux enseignants appelés du service national, car il y a là une vraie priorité.

Enfin, la violence domine la vie de plus en plus d'établissements. Le nombre de jeunes déscolarisés dès 13 ou 14 ans augmente. Education nationale, police, justice, services sociaux ne peuvent répondre qu'en agissant ensemble.

Les classes relais pratiquant l'alternance sont une initiative excellente.

L'apprentissage de la vie dans un Etat de droit respectueux des individus ne peut se faire que grâce à toutes ses institutions. L'Education nationale a un rôle-clé à y jouer, mais elle doit pouvoir compter sur les autres administrations comme sur les élus. Le Parlement y aidera (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe RCV).

M. Yves Durand, rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles - Le projet de budget poursuit l'effort engagé en 1998 et donne les moyens nécessaires pour mettre en place des réformes importantes. Le budget de l'enseignement scolaire reste le premier de l'Etat, et celui qui augmente le plus. Cela prouve que le Gouvernement a anticipé les revendications des lycéens et s'est penché sur les conditions de travail des enseignants, sa préoccupation majeure restant la lutte contre l'exclusion scolaire et l'égalité des chances.

Il s'agit d'abord d'un budget de continuité. Les effectifs d'élèves continuent à baisser. Les postes sont maintenus dans le premier degré et 3 050 sont créés dans l'enseignement secondaire. Sans répondre aux besoins, cela permet d'opérer un rattrapage et, à la différence des années précédentes, d'améliorer le taux d'encadrement. Il faut que cette amélioration se traduise dans chaque académie, chaque établissement. Or ce n'est pas seulement un problème de moyens mais aussi d'utilisation des moyens. De ce point de vue, la déconcentration des mutations dans le second degré était une nécessité.

L'effort se poursuit pour améliorer les carrières des personnels. Le corps des professeurs d'école sera ainsi constitué définitivement en 2007 et non en 2011. L'effort porte aussi sur les personnels ATOS.

On poursuit également le recrutement dans le cadre des emplois-jeunes. Malgré des réticences initiales, ils sont devenus un élément essentiel, chacun s'en tenant à ses prérogatives. Les 40 000 postes d'aides-éducateurs de l'an dernier ont été consolidés, grâce à la modification du taux des heures supplémentaires. On va pourvoir 20 000 nouveaux emplois-jeunes, en priorité dans les établissements du second degré en ZEP, notamment pour lutter contre la violence et aider les enseignants.

Deux questions se posaient à propos de ces aides-éducateurs. Vous y avez répondu. D'abord, leur participation aux missions périscolaires organisées par les communes pourra s'inscrire dans le cadre des contrats éducatifs locaux. Il conviendra cependant d'assurer que chacun y tient son rôle. Ensuite, la formation de ces aides-éducateurs étant restée à l'état de promesse, 8 millions sont inscrits à cet effet pour 1999.

Ce budget traduit aussi la poursuite de la politique des ZEP pour donner plus à ceux qui ont moins et instaurer une véritable égalité des chances. Une nouvelle carte des ZEP va nous être proposée, la fonction de directeur d'école est revalorisé et on va créer les réseaux d'éducation prioritaire. Pouvez-vous, Madame la ministre, préciser leur rôle dans le cadre des contrats éducatifs locaux ? La réussite des ZEP est incontestable ; aussi est-il indispensable de leur accorder tous les moyens nécessaires.

La politique d'accompagnement social des élèves et familles en difficulté se poursuit également -fonds sociaux, allocation de rentrée, cantines... En particulier, les bourses des lycées sont revalorisées et le nouveau système de bourses des collèges est essentiel pour l'assistance à la cantine.

La lutte contre la violence en milieu scolaire se poursuit, avec en particulier l'expérience des classes relais, réponse coûteuse mais appropriée au cas des enfants en grande difficulté.

La santé scolaire, que vous n'oubliez pas, a besoin d'un sérieux rattrapage.

Le budget de l'enseignement scolaire se caractérise en second lieu par la réforme du système éducatif qu'il permet de mettre en oeuvre. Vous engagez la déconcentration du mouvement des personnels enseignants du second degré, afin d'aller au plus près des besoins, dans le cadre du système national d'éducation. J'insiste sur ce dernier terme, car la déconcentration a pour objectif d'améliorer le service national d'enseignement, et non pas de le démanteler.

L'aménagement du temps scolaire est un élément constitutif de la charte pour l'école du XXIème siècle, qui a reçu un accueil favorable des enseignants et des parents et qui contribuera à jeter les bases de nouveaux rythmes scolaires, sous l'égide de l'éducation nationale.

La réforme des lycées est d'actualité. Elle a été élaborée à partir de la consultation des lycéens eux-mêmes, qui a donné lieu à une synthèse au colloque de Lyon, présentée ensuite en juillet à notre commission des affaires culturelles.

Je ne voudrais pas parler au nom des lycéens, qui s'expriment très bien eux-mêmes, mais nous voyons combien il est nécessaire d'évaluer le fonctionnement et les conditions de travail des lycées. Les lycées demandent des moyens, et vous leur répondez en créant 3 050 postes dans l'enseignement secondaire. Ils veulent aussi être reconnus comme citoyens dans leur lycée ; le conseil de la vie lycéenne fournit là aussi une réponse.

Au total, votre budget permet de faire face au défi d'une véritable démocratisation de l'enseignement. Nous avons réussi la massification. Aujourd'hui, au sein du système scolaire, l'élève doit disposer de toutes ses chances. Votre budget apporte une pierre au grand édifice. C'est pourquoi notre commission a émis un avis favorable à son adoption (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

Mme Bernadette Isaac-Sibille - Le problème de l'éducation nationale n'est pas celui de son budget, puisque la progression substantielle et continue de ce dernier depuis plusieurs années n'a rien résolu sur le fond. L'essentiel n'est pas de dépenser plus, mais de dépenser mieux. Le budget de l'enseignement scolaire, en hausse de 4,1 %, suffit largement s'il est bien utilisé. La marge de manoeuvre du ministre ne se trouve pas dans ses crédits, mais dans sa volonté de décentraliser la gestion du personnel de l'éducation nationale. Pourquoi ne pas donner davantage d'autonomie aux recteurs d'académie ? Ne seraient-ils pas plus efficaces que les services concentrés à Paris ? Pourquoi ne pas muter les enseignants entre académies ? La première priorité affichée par le Gouvernement est la qualité de l'enseignement. L'essentiel, pour y parvenir, n'est-il pas d'adapter l'enseignement à notre société avec une plus grande souplesse ? Est-ce avec des emplois-jeunes que nous y parviendrons ?

Pour lutter contre l'exclusion, le mieux n'est-il pas d'offrir à chaque élève un parcours adapté à sa personnalité ? Là est bien le rôle de l'éducation nationale, plus que de développer les emplois-jeunes, d'autant que 22 000 maîtres-auxiliaires demeurent sans aucune perspective de titularisation. Est-il normal de diminuer autoritairement la rémunération des heures supplémentaires, pour financer ces emplois-jeunes ? En vérité, c'est leurrer tout le monde.

Vous avez raison de consacrer des crédits importants à votre quatrième priorité, la diffusion des nouvelles technologies. Veuillez alors à mettre rapidement en place les fonds de soutien aux collectivités locales.

Les quatre priorités du Gouvernement montrent à quel point votre politique manque d'une ligne de force. A coups de trompettes, on annonce des chantiers, mais nous ne voyons que des jachères.

Alors que le problème essentiel est d'ordre pédagogique, comment M. Allègre peut-il se permettre de déstabiliser publiquement le corps enseignant ? Comment les jeunes pourraient-ils avoir confiance dans leurs éducateurs si ces derniers sont publiquement critiqués ? (Interruptions sur les bancs du groupe socialiste) La jeunesse ne doit servir ni de bélier ni de bouclier ; elle est notre avenir.

Au cours de l'enquête parlementaire sur le respect des droits de l'enfant, si judicieusement lancée par le Président Fabius, tous les intervenants ont insisté sur le drame qu'est pour la France l'absence de politique de santé scolaire. Je sais, Madame la ministre, que vous partagez cette préoccupation. Dans le document sur la scolarité que vous avez fait paraître, vous citez deux opérations, parmi lesquelles celle menée conjointement par le conseil général et l'académie du Rhône, à l'initiative du ministre François Bayrou (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste). Vous ne pouvez pas contester son succès, puisque Mme Royal cite cet exemple ! Cependant, nous avons bien des difficultés à embaucher du personnel médical. Les médecins sont recrutés pour un petit mi-temps, et il est malaisé de trouver un médecin acceptant de ne toucher que 2 400 F par mois, surtout à la campagne où le temps de déplacement n'est pas remboursé. Le recteur a mobilisé tous les crédits possibles, si bien que le nombre de bassins de santé est passé de 4 à 35, mais nous ne trouvons pas de médecins. Croyez-vous que nous pourrons passer une convention avec la médecine libérale, pour la plus grande joie et le plus grand profit des enfants ?

Je vous remercie de me répondre (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF, du groupe DL et du groupe du RPR).

M. Jean-Michel Marchand - Nous aurions pu examiner le budget de l'enseignement scolaire dans une plus grande sérénité, d'autant que son taux de progression supérieur à 4 % et l'augmentation du nombre d'emplois le rendent fort intéressant. Cet effort fait suite à la consultation des lycéens, au colloque de Lyon et au rapport Meyrieu que nous apprécions.

Mais les lycéens sont, ou étaient dans la rue, et vous percevez la grogne des enseignants. Tous dénoncent des locaux dégradés, un matériel insuffisant, et des dysfonctionnements qui font que certaines classes n'ont pas de professeurs et certains professeurs pas d'élèves. L'effort des régions en faveur du parc immobilier doit se poursuivre, mais il convient que l'Etat en prenne sa juste part. Les Verts ont toujours fait des propositions propres à améliorer la qualité des bâtiments et à réduire les coûts de fonctionnement, avec une attention particulière pour les coûts énergétiques.

Le nombre de postes d'enseignants n'augmente que par redéploiements, le problème des remplacements non assurés reste entier, la solution passant par l'augmentation du nombre de titulaires remplaçants.

Ce n'est pas aux titulaires académiques de combler ce déficit, leur place est devant les élèves pour améliorer les conditions d'enseignement.

Et que dire des difficultés de recrutement, récurrentes dans certaines matières, comme du manque de personnels ATOS ? N'y a-t-il pas déjà une crise de recrutement ? Pour les chefs d'établissement, c'est évident. Il faut afficher le nombre de places mises aux concours, augmenter ce nombre, annoncer l'éventualité de listes supplémentaires.

Il faut aussi titulariser certains personnels et la transformation d'un grand nombre d'heures supplémentaires permettra de créer des postes -40 000, dit-on. La garantie de réemploi pour les maîtres-auxiliaires est une bonne chose, mais y a-t-il toujours adéquation entre leur formation et les postes qui leur sont proposés ? Et quelles perspectives offrira-t-on aux contractuels et aux vacataires ?

La politique de soutien à l'emploi des jeunes, par le recrutement de nouveaux aides-éducateurs, permettra d'améliorer les conditions de scolarisation et de lutter contre l'exclusion sociale en milieu scolaire. Néanmoins, on peut regretter que la ligne budgétaire ait été abondée par une diminution de la rémunération des heures supplémentaires, et que les frais de déplacement des aides-éducateurs affectés sur des regroupements pédagogiques intercommunaux ou sur plusieurs écoles ne soient pas pris en compte.

Les lycéens ont certes réclamé fort justement les moyens qui manquaient pour un fonctionnement normal de l'école, mais ils ont aussi réclamé que l'on reconnaisse leur exigence de participation citoyenne à la vie lycéenne : ils veulent plus de démocratie, ils veulent peser dans les conseils d'administration des lycées. Ils réclament une adéquation entre leurs droits et la pratique des établissements. Ils demandent aussi plus de justice scolaire et de justice sociale, ils refusent un enseignement à deux vitesses. L'égalité n'est pas l'égalitarisme, et donner toutes leurs chances à tous les élèves, cela suppose une politique de discrimination positive dans certains quartiers, dans certaines régions rurales. Un plan d'urgence est nécessaire.

M. le Président - Il serait temps de conclure.

M. Jean-Michel Marchand - J'ai presque fini.

Les établissements scolaires doivent être des lieux de transmission des savoirs, des lieux de culture, des lieux de vie, des carrefours de la citoyenneté entre jeunes et adultes. Mais quels seront demain les responsabilités et les pouvoirs des chefs d'établissement ? Il est sûr, en tout cas, que tout le monde s'accorde pour exiger la qualité, lutter contre l'exclusion sociale et défendre une école publique et laïque.

Au total, nous apprécions votre volonté de ne pas sacrifier le quantitatif -ce budget reste le premier de l'Etat-, mais pour permettre à tous d'accéder aux savoirs les plus élevés, il faudra des augmentations budgétaires et une nouvelle loi d'orientation. Ce choix politique fort doit être celui de la gauche plurielle (Applaudissements sur les bancs du groupe RCV et du groupe socialiste).

M. Bruno Bourg-Broc - Je ne saurais vous dire, Monsieur le ministre, tout le plaisir qui est le nôtre de vous rencontrer dans cette enceinte. Plaisir trop rare, car en un an et demi, si l'on excepte les questions d'actualité, c'est la seconde fois seulement que nous nous retrouvons en séance publique. Vous me direz que l'emploi du temps de l'Assemblée n'a pas permis de trouver une séance pour organiser un débat. On a su pourtant libérer quelques séances pour le PACS, et je ne crois pas que le bac mérite moins d'attention de notre part (Applaudissements sur les bancs du groupe du RPR ; exclamations sur les bancs du groupe socialiste).

Cette absence de débat me semble caractéristique d'une dérive dangereuse : depuis combien d'années n'y a-t-il pas eu de discussion entre un ministre et la représentation parlementaire ? (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste) Les parlementaires mis hors jeu, nous découvrons les évolutions dans la presse.

Mme Marie-Josèphe Zimmermann - Parfaitement !

M. Bruno Bourg-Broc - Pourtant, l'évolution de l'école est cruciale pour notre société, c'est peut être l'enjeu majeur -et les élèves qui manifestent sont dans la rue pour le rappeler. C'est sur notre capacité à savoir faire évoluer l'école et l'université pour répondre aux attentes nouvelles que nous serons tous collectivement jugés. Il est d'autant plus regrettable que les députés soient écartés des discussions qui se déroulent entre le ministre, ses services et les syndicats. Depuis le plan Juppé, nous discutons de la Sécurité sociale, mais nous ne le faisons pas pour l'éducation, sauf à considérer que la codification, souvent annoncée, toujours repoussée, soit une réforme de grande ampleur.

Mais pour revenir au budget et aux manifestations lycéennes, je regrette que les mesures annoncées tout à l'heure soient aussi improvisées. Elles repoussent à plus tard les solutions qu'on aurait pu imaginer plus tôt, surtout lorsqu'on se donne comme objectif "zéro défaut".

Mme Marie-Josèphe Zimmermann - Très juste.

M. Jean-Luc Warsmann - On n'a pas oublié !

M. Bruno Bourg-Broc - Comment ne pas être déçu par des mesures en trompe-l'oeil en direction des conseils régionaux auxquels ont annonce des milliards, alors qu'on ne déboursera que quelques millions puisqu'il s'agit de prêts bonifiés ? Comment ne pas être déçu qu'on envoie comme enseignants des emplois-jeunes et des soldats du contingent ?

M. Jean-Pierre Balligand - Caricature !

M. Bruno Bourg-Broc - Et dans le budget pour 1999, comment va-t-on financer les nouveaux emplois-jeunes ? Est-il normal de payer les 40 000 existants avec la baisse des heures supplémentaires ? Aucun traitement particulier n'a été réservé aux professeurs des classes préparatoires -mais peut-être ces classes ne vous conviennent-elles pas ?

Vous avez pris, dans la précipitation, un décret sur la déconcentration de la gestion des personnels à partir de la rentrée 1999. Mais pourquoi n'avez-vous pris aucune mesure budgétaire correspondante ?

Les crédits réservés à l'introduction des nouvelles technologies semblent bien faibles. Doit-on conclure que ce n'est plus une priorité ? Comment allez-vous financer les emplois supplémentaires annoncés ?

Quelles mesures prendrez-vous pour la santé scolaire ? Il n'y a rien sur les rythmes scolaires. Qu'en est-il des contrats éducatifs locaux ? S'agit-il de solliciter davantage encore les collectivités locales ?

Et les ZEP -ou REP ? Que vont devenir les primes versées aux professeurs dans ces quartiers difficiles ? Les établissements qui étaient en ZEP et ne seront plus en REP conserveront-ils les avantages liés à leur ancien statut ?

Quelles mesures envisagez-vous pour régler les problèmes liés au statut des enseignants du privé, en particulier ceux de leur retraite ?

Qu'en est-il des postes vacants de cette rentrée annoncée à "zéro défaut" ? Le recteur de Créteil a annoncé qu'au 7 octobre, 300 postes étaient vacants dans son académie. Comment expliquer un tel dysfonctionnement, et est-il normal que les jeunes aient à descendre dans la rue pour qu'on y remédie ?

Enfin, vous vous félicitez d'avoir un bon budget, car il augmente sensiblement. Mais il ne sert pas à grand-chose d'augmenter les moyens de l'éducation nationale tant qu'aucune réforme d'envergure ne sera mise en place. Tout ne se ramène pas au "fric" et il ne sert à rien d'empiler les milliards si on ne s'attaque pas aux problèmes de fond. En dix ans, le budget est passé de 198 à 350 milliards, sans compter les 120 milliards dépensés par les collectivités locales. En 1997, la dépense d'éducation a atteint 591 milliards. Avons-nous pour autant réduit l'échec scolaire, nos enfants savent-ils mieux lire et écrire en sixième, la violence à l'école a-t-elle disparu, les inégalités ont-elles été réduites, l'insertion professionnelle est-elle meilleure ? Non. L'augmentation budgétaire a permis de faire face à une massification, elle n'a pas permis de gérer la qualité.

Nous disons, nous, aux lycéens qu'il ne faut pas leur répondre à coup de milliards, mais avec une véritable réforme du système scolaire, quitte à réévaluer ensuite les besoins. Voici quelques pistes de réflexion.

D'abord, l'autonomie et la déconcentration qui vont de pair. Il n'est plus possible de gérer depuis Paris un million d'enseignants. Il n'est pas acceptable que 65 000 enseignants n'enseignent pas. Cette déconcentration, le RPR la réclame depuis longtemps, mais il faut aller jusqu'à l'autonomie, car le lycée de Mantes-la-Jolie ne peut être géré de la même façon que le lycée Louis-le-Grand. Il faut des pédagogies différentes, une organisation différente, une gestion différente, des taux d'encadrement différents. L'équité n'a jamais été l'égalité.

Ensuite, il faut une décentralisation complète de l'entretien : les collectivités locales s'occupent déjà de construction et du gros entretien des bâtiments, qui leur coûtent 120 milliards par an. Il faut leur confier aussi la gestion du personnel non enseignant.

Troisième proposition, refondre entièrement les programmes scolaires du CP à la terminale. A sept ou huit ans, on n'est pas réceptif à un programme d'histoire encyclopédique, mais on l'est à l'enseignement des langues, des nouvelles technologies ou des sciences naturelles. Nous devons poursuivre l'aménagement des rythmes scolaires, mais aussi aménager la chronologie des programmes.

Les programmes scolaires des collèges et des lycées exigent des élèves de posséder dans chacune des matières les connaissances d'un agrégé. Cela n'est pas sérieux ! Il faut recentrer les programmes sur les connaissances fondamentales et faire moins mais mieux car, aujourd'hui, qui se souvient ne serait-ce que quelques mois après le baccalauréat de ce qu'il a appris au lycée ?

Mais on ne peut pas revoir les programmes dans la précipitation. Il est scandaleux de promettre comme vous le faites, en pleine année scolaire, une réorganisation des programmes du lycée pour la Toussaint. C'est de la foutaise et de la démagogie ! (Protestations sur les bancs du groupe socialiste ; applaudissements sur les bancs du groupe du RPR)

M. Jean-Pierre Baeumler - Il nous faut bien faire ce que vous n'avez pas fait en quatre ans !

M. Bruno Bourg-Broc - Au lieu de multiplier les colloques, respectez davantage les enseignants (Applaudissements sur les bancs du groupe du RPR) et cessez de défaire ce que vos prédécesseurs ont fait !

Plusieurs députés socialistes - Cela serait difficile !

M. Bruno Bourg-Broc - Pour toutes ces raisons et parce que la méthode Allègre est très contestable, nous voterons contre ce budget (Applaudissements sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL).

M. Jean-Pierre Baeumler - L'actualité lycéenne de ces derniers jours souligne l'importance que revêt l'examen par notre assemblée du budget de l'enseignement scolaire. Celui-ci confirme les réformes courageuses que vous avez engagées depuis juin 1997 après quatre années d'immobilisme et de promesses non tenues (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

Vous souhaitez poursuivre la nécessaire réforme du service public de l'éducation. L'arrivée dans nos établissements de dizaines de milliers d'emplois-jeunes, l'introduction des nouvelles technologies, la nécessaire déconcentration du mouvement des personnels enseignants du second degré, la charte de l'école du XXIème siècle illustrent cette volonté.

Je tiens à souligner la qualité d'écoute dont a fait preuve le Gouvernement à l'égard des lycéens. Ces jeunes ont rappelé leurs souhaits en matière de locaux ou de création de foyers lycéens et dénoncé des emplois du temps trop lourds ou des effectifs encore trop chargés. Ils ont exprimé des exigences justifiées en matière de citoyenneté lycéenne et d'évolution pédagogique. Ils ont surtout demandé que soient concrétisés les espoirs exprimés lors de la consultation du printemps dernier.

Des réponses leur ont d'ores et déjà été apportées telle la mise en place des conseils de la vie lycéenne. La mise en oeuvre d'une déconcentration accrue permettra en outre bientôt de remédier aux dysfonctionnements encore trop fréquents de notre système éducatif.

Enfin, vous venez de présenter un ensemble de mesures cohérent assurant notamment l'amélioration des programmes et l'accroissement des effectifs et d'annoncer l'engagement de la réforme des lycées.

Ces engagements amplifieront les effets bénéfiques attendus de la politique traduite par votre budget. En augmentation de 4,1 % dans un contexte de maîtrise des dépenses publiques, le budget de l'enseignement scolaire confirme l'importance accordée par le Gouvernement à l'éducation, notamment au regard du budget 1996, qui était en recul de 1,47 %, et de celui de 1997, qui supprimait 5 212 postes d'enseignants. Ceux qui aujourd'hui dénoncent la légèreté des mesures annoncées devraient s'en souvenir ! (Approbations sur les bancs du groupe socialiste)

Ce budget est à la mesure des défis que doit relever l'école pour demeurer à la fois un lieu de transmission du savoir et un lieu de socialisation et d'émancipation.

Il poursuit tout d'abord les efforts en matière d'encadrement de nos établissements. Malgré la baisse des effectifs, il ne prévoit aucune suppression de postes d'instituteurs ou de professeurs et crée 3 050 emplois d'enseignants du second degré. Cela permettra d'améliorer les conditions de travail des élèves et des personnels et de tenir les engagements pris en faveur des DOM-TOM et de la Seine-Saint-Denis. En outre, sont créés 250 emplois de CPE et 1 000 d'assistants afin de généraliser l'enseignement d'une langue étrangère en cours moyen.

En vertu du gel du nombre des emplois publics, ces postes créés sont gagés, mais cela n'entraînera pas de diminution du nombre de surveillants. Bien au contraire, 3 000 postes supplémentaires seront créés. Une réflexion devra toutefois être engagée sur le statut de ces personnels qui date de 1937.

Cet effort financier important ne doit pas vous dispenser d'inscrire votre politique de recrutement dans une perspective pluriannuelle, conformément à l'article 16 de la loi d'orientation de 1989, afin de faire face aux départs en retraite sans recourir à l'embauche de contractuels. Cette planification rassurerait ceux qu'inquiètent légitimement la baisse du nombre de postes de professeurs ouverts au concours et l'évolution du nombre de professeurs stagiaires. En outre, au-delà du réemploi des maîtres-auxiliaires décidé dès la rentrée 1997, une politique active de résorption de l'auxiliariat est conduite.

Ce budget prévoit également la création de 616 emplois non enseignants et de 216 emplois ATOS. L'effort est significatif mais demeure insuffisant, aussi des solutions novatrices devront-elles être recherchées.

Enfin, l'amélioration de l'encadrement de nos établissements est assurée par le recrutement des aides-éducateurs. Ceux-ci assurent l'animation des foyers socio-éducatifs, l'accès aux nouvelles technologies et le suivi d'élèves en difficulté. Cette initiative constitue une réussite incontestable devant laquelle l'opposition ne peut aujourd'hui que s'incliner (Protestations sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL). Il est important de former ces jeunes. 8 millions sont inscrits à ce titre dans votre budget. Il faudra également réfléchir à leur insertion professionnelle durable.

La seconde orientation majeure de ce budget est l'amélioration des perspectives de carrière des enseignants, gage de leur motivation. C'est dans un dialogue constant avec un personnel éminemment responsable que nous construirons l'école moderne dont nous avons besoin.

Aussi le budget prévoit-il une notable accélération de l'intégration des instituteurs dans le corps des professeurs des écoles et la revalorisation du statut des personnels du second degré et des inspecteurs. Je vous rappelle que près 900 postes de personnels de direction ne sont pas pourvus par des titulaires, ce qui appelle une redéfinition de la place de ces personnels dans l'institution scolaire.

M. André Schneider - Très bien !

M. Jean-Pierre Baeumler - Il nous faut être particulièrement attentifs aux revendications de ces personnels afin de rendre ces fonctions plus attractives.

Ce budget vise également à renforcer la solidarité. Celle-ci passe par la relance des zones d'éducation prioritaire et par la création des réseaux d'éducation prioritaire.

Il faut donner plus là où la tâche est plus difficile. Les efforts financiers sont significatifs, alors que les crédits avaient régulièrement baissé après 1993. Les ZEP retrouvent, grâce à ces moyens nouveaux, leur rôle de fers de lance d'une action en profondeur pour les territoires en difficulté.

L'effort de solidarité se traduit aussi par des décisions audacieuses prises en matière de bourses, de fonds sociaux et de fonds des cantines.

Enfin, ce budget vise à améliorer la vie quotidienne dans les établissements scolaires. Cela passe par un renforcement du partenariat avec les familles et par une mobilisation exceptionnelle de l'Etat contre la violence à l'école dans le prolongement de votre plan pragmatique de novembre 1997 et grâce à une coordination plus étroite entre les services de l'éducation et ceux de la justice. L'importance de la santé scolaire, qui fait l'objet d'un plan de relance, est enfin reconnue mais les moyens en personnel restent insuffisants pour conduire une politique ambitieuse d'éducation à la santé.

Enfin, l'ouverture des établissements est encouragée par le développement des activités périscolaires dans le cadre des contrats éducatifs locaux. L'école s'implique ainsi dans la structuration individuelle et sociale des élèves.

Votre budget 1999 conduit donc une volonté forte de poursuivre la modernisation du système éducatif engagée depuis 17 mois afin de concrétiser l'idée centrale de la loi d'orientation de 1989 : mettre l'enfant au coeur du système éducatif.

C'est avec confiance, résolution et enthousiasme que le groupe socialiste le votera (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

M. Guy Hermier - Après la levée en masse des lycéens, rarement la discussion d'un budget de l'éducation aura été aussi attendue.

Les élèves, leurs parents et l'opinion publique qui les soutient massivement attendent de vous des réponses à la hauteur.

La formation est en effet aujourd'hui une question centrale dont dépend l'avenir de tous et de chacun. L'école est donc face à des défis aussi fondamentaux que lorsqu'il fallait, à la fin du siècle dernier, instituer l'école obligatoire ou quand, après la Seconde Guerre mondiale, s'est mise en place l'école pour tous.

Nous devons aujourd'hui franchir une nouvelle étape en organisant une école réellement ouverte à tous les enfants et plus ambitieuse, à propos des connaissances et des valeurs qu'elle transmet. Il ne s'agit donc plus de préserver mais plutôt de moderniser.

L'an dernier, je vous indiquais que le groupe communiste serait derrière vous pour réaliser ces réformes. Mais j'avais également tenu à vous dire que des annonces tous azimuts qui dégageaient mal vos priorités et certains propos inutilement agressifs à l'égard des enseignants ne nous semblaient pas de bonne méthode. Vous couriez le risque de décevoir et de diviser, alors qu'il faudrait rassembler les acteurs du monde éducatif.

Je regrette que vous ne nous ayez pas totalement entendus. Cette rentrée a vu s'exprimer le mécontentement des enseignants et la déferlante des lycéens traduit bien l'inquiétude de la jeunesse face à un avenir incertain. Les lycéens ne veulent pas travailler moins, mais étudier mieux : or ils sont confrontés au manque de professeurs, aux classes surchargées, à des conditions de travail souvent détestables. Ils revendiquent d'être les acteurs d'une véritable vie démocratique : or les droits d'expression conquis après le mouvement lycéen de novembre 1990 sont très peu mis en oeuvre. Ils veulent aujourd'hui être considérés comme des lycéens citoyens -ils ont raison !

Vous avez déclaré comprendre le message qu'ils vous adressaient. C'est bien. Mais après la consultation nationale de l'an dernier, vous n'avez pas su prendre la mesure des attentes et y répondre comme il le fallait. A preuve votre budget 1999 tel que vous nous l'avez soumis avant les mesures prises ce matin sous la pression du mouvement lycéen.

Le budget de l'enseignement scolaire s'élève à 300 milliards de francs, soit une progression de 4,1 %. Mais si l'on tient compte des mesures déjà acquises, de la répercussion de l'accord salarial ou de l'augmentation des départs en retraite, les mesures vraiment nouvelles ne représentent que 1,6 milliard, soit 0,5 % de ce budget, c'est très modeste.

Certes votre budget permet de satisfaire des revendications auxquelles nous sommes attachés, comme le maintien de l'allocation de rentrée scolaire, la réforme des bourses des collèges, l'accès aux cantines ou le plan anti-violences, mais dans l'ensemble il ne répond pas aux besoins.

C'est notamment vrai pour les emplois d'enseignants : si dans le primaire les suppressions de poste un temps envisagées ont été abandonnées et 1 000 emplois d'assistants étrangers créés, dans le secondaire la situation est très préoccupante : les 3 300 emplois "créés" ne le seront que par redéploiement, les crédits de remplacement sont réduits et les engagements pris à l'égard de la Seine-Saint-Denis et des DOM -3 800 emplois en cinq ans- exigeront de nouveaux redéploiements. S'y ajoute la réduction des postes au concours, avec le gel des emplois de stagiaires dans le second degré et la suppression de 490 emplois dans le premier degré. Enfin, la transformation de certains emplois en simples lignes de crédit fragilise l'emploi public et rend plus difficile le contrôle de ces crédits déconcentrés.

La question se pose avec encore plus d'acuité pour le personnel non enseignant : seulement 216 nouveaux emplois d'ATOS et 400 dans les services sociaux ! C'est presque une provocation compte tenu de l'immensité des besoins.

En ce qui concerne les transformations d'emplois, le Gouvernement a tenu ses engagements dans le premier degré puisque le contingent annuel de professeurs d'école passe de 14 000 à 20 000. En revanche, il n'y a aucune transformation de certifiés en agrégés et les enseignants du second degré se voient toujours refuser l'application intégrale du protocole de revalorisation signé par M. Jospin en 1989 -c'est inacceptable !

Nous insistons pour que toutes les dispositions soient prises pour ouvrir aux titulaires d'emplois-jeunes des perspectives durables. Et nous réitérons notre total désaccord avec votre décision de financer ces emplois par une réduction de 17 % de la rémunération des heures supplémentaires. Cela n'a pas grand-chose à voir avec une politique de gauche (Interruptions sur les bancs du groupe UDF et du groupe DL).

M. Claude Goasguen - Nous, nous ne l'avons jamais fait !

M. Guy Hermier - Nous vous demandons de revenir sur cette décision et de transformer ces heures supplémentaires en emplois.

Votre budget ne répond pas davantage aux attentes en ce qui concerne la scolarisation en maternelle dès l'âge de deux ans, la réforme des ZEP ou l'éducation physique.

Sous le feu de la contestation lycéenne, vous avez tenté de justifier votre budget par des arguments discutables. Selon vous, l'investissement éducatif aurait atteint une sorte de plafond : vous ne cessez de répéter que le budget de l'éducation nationale est passé de 198 milliards en 1988 à 345 milliards en 1998. Mais vous oubliez de dire que sa part dans le PIB ne fait que retrouver ainsi le niveau de 1982, c'est-à-dire 3,5 %. Or les besoins se sont accrus, la proportion de bacheliers dans chaque classe d'âge est passée de 43 % en 1990 à 65 % et si l'on veut atteindre l'objectif de 80 % fixé par la loi d'orientation de 1989, de nouveaux efforts devront être consentis.

Il ne suffit donc pas de mieux répartir les moyens. Qui peut accorder crédit aux calculs qui, en mélangeant tout, aboutissent à la conclusion qu'il y a un enseignant pour dix lycéens ? Il vaudrait mieux annoncer un calendrier de réduction du nombre d'élèves par classe !

Et qui peut prétendre sérieusement que la déconcentration du mouvement des enseignants va résoudre les problèmes de manque de personnel ?

Enfin, une chose est de réfléchir aux programmes, autre chose serait de tailler dans les options et les filières.

Je vous mets en garde contre la tentation d'utiliser le mouvement des lycéens pour faire passer en force votre propre réforme. Déjà, avant les vacances, nous avions contesté les conclusions tirées de la consultation nationale dans le rapport Meirieu. Nous vous avions demandé que la nécessaire réforme des lycées fasse l'objet de concertations et d'un débat au Parlement. Vous en aviez pris l'engagement, il est temps de le tenir.

Pour en revenir au budget, notre groupe avait annoncé que s'il restait en l'état, il voterait contre. Les mesures que vous venez d'annoncer correspondent pour partie aux revendications lycéennes. Mais les choses commencent mal puisque je viens d'apprendre le renvoi des lycées de Marseille de trois délégués de la coordination...

M. le Rapporteur spécial - Ce n'est pas une décision du ministre !

M. Guy Hermier - Non, mais il faut qu'il réagisse si on veut vraiment encourager la démocratie !

En outre, l'effort financier annoncé sera en fait surtout à la charge des régions.

En ce qui concerne l'allégement des programmes, je renouvelle notre demande de concertation avec les intéressés et de débat à l'Assemblée nationale.

Enfin sur les nécessaires créations de postes, vos réponses ne sont pas satisfaisantes. Vous n'avez annoncé que 10 000 emplois-jeunes et 3 000 postes de surveillants : s'agit-il vraiment de mesures nouvelles ou de simples redéploiements ? De toute façon, on est loin du compte si on veut réduire les effectifs par classe : certes vous avez décidé de limiter à 35 élèves les effectifs des classes terminales en 1999, mais il faudra aller plus loin.

En conclusion, notre groupe prend acte des nouvelles mesures annoncées, qui sont à mettre au crédit du mouvement des lycéens et de ceux qui l'ont soutenu. Mais comme elles restent insuffisantes, nous nous abstiendrons sur ce budget et continuerons notre action pour donner une autre ambition à la politique éducative de notre pays (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste).

M. Jean-Luc Warsmann - Ça c'est la majorité plurielle !

M. Claude Goasguen - De quel budget parlons-nous ?

Mme Nicole Bricq - Vous allez nous le dire...

M. Claude Goasguen - Le budget qui, jusqu'à seize heures, était celui de la République ne l'est plus depuis que le ministre a annoncé -le jour même de cette discussion, ce qui ne manque pas de saveur- la création de 3 000 postes de surveillants, de 10 000 emplois-jeunes -dont 1 000 appelés, ce qui coûte moins cher-, 4 milliards de prêts bonifiés pour les régions -ce qui ne coûte rien-, ainsi qu'un certain nombre de dispositions qui, toutes, sont de nature budgétaire. Or, de ces mesures budgétaires, nous n'avons aucune évolution et nous ne savons en aucune façon où seront pris ces crédits. S'ils sont pris sur le budget initial, la représentation nationale est fondée à interroger le Gouvernement sur les nouvelles affectations ; s'ils sont pris ailleurs, que l'on nous dise où sont les recettes. Vraiment, le procédé est cavalier -c'est de circonstance, certes-, mais mieux aurait valu sans doute reporter l'examen du budget de l'enseignement scolaire pour permettre une harmonisation préalable.

On retrouve d'ailleurs là une pratique de l'an passé, quand les emplois-jeunes n'avaient pas été inscrits au budget, ce qui avait obligé par la suite le ministre à une pirouette budgétaire, puisque ces emplois avaient été financés par un coup d'arrêt porté, sans concertation aucune, aux heures supplémentaires des enseignants.

Mme Nicole Bricq - Vous, les pirouettes vous ne connaissez pas...

M. Claude Goasguen - Le conformisme de ce budget est à l'opposé du tableau rutilant que le ministre dresse de l'avenir du système scolaire.

On parle d'une augmentation de 4,1 %. Il n'en est rien puisque 3 % de la croissance du budget sont dus à la progression automatique de certaines dépenses et que la hausse due aux mesures nouvelles n'est que de 1,1 %. On parle aussi de créations d'emplois mais le nombre de suppressions étant équivalent, où est l'amélioration de l'encadrement annoncée ? Nous avons désigné, en évoquant le pachyderme que l'on sait, l'administration centrale pour être dégraissée en premier, mais sur les 3 474 postes de cette administration, 104 seulement sont supprimés, et encore s'agit-il le plus souvent d'emplois de directeurs qui ne partagent pas vos opinions politiques ("Oh !" sur les bancs du groupe socialiste).

Rien dans ce budget n'est prévu pour améliorer la carrière des professeurs.

M. Jean-Pierre Baeumler - Si !

M. Claude Goasguen - Je le regrette d'autant plus qu'ils ont été profondément choqués par certains propos du ministre et que vous ne pouvez, sans leur participation active, mener à bien la réforme de l'enseignement à laquelle aspire désormais l'ensemble de la population. En hypothéquant ainsi toute ambition réformatrice, vous montrez à l'opinion qui veut le nouveau lycée comme aux lycéens qui vous font connaître leur sentiment dans la rue que les actes ne suivent pas votre discours.

Vous êtes aujourd'hui dans une situation exceptionnelle, non pas en raison des manifestations -il y en a souvent- mais parce que notre système éducatif hérité d'un passé glorieux a montré ses limites et peut subir de profondes réformes, avec le soutien de l'opinion. Vous ne pourrez donc revenir l'an prochain devant nous avec un budget aussi conformiste.

Vous exprimez l'intention de soutenir la déconcentration et nous vous approuvons, mais cette déconcentration devra préparer l'autonomie, elle-même gage de liberté de choix et de qualité. Le système du XXIème siècle devra, en effet, être à l'opposé du système actuel fondé sur la centralisation, la dépendance, la contrainte.

Parce que, Monsieur le ministre, si vous êtes inégal à l'oral et très mauvais à l'écrit, pour le groupe Démocratie Libérale, vous êtes collé, et nous voterons contre ce budget (Applaudissements sur les bancs du groupe DL, du groupe UDF et du groupe du RPR).

La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance, qui aura lieu ce soir, à 21 heures.

La séance est levée à 19 heures 40.

          Le Directeur du service
          des comptes rendus analytiques,

          Jacques BOUFFIER


© Assemblée nationale


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