Accueil > Archives de la XIe législature > Les comptes rendus > Les comptes rendus analytiques (1998-1999)

Assemblée nationale

COMPTE RENDU

ANALYTIQUE OFFICIEL

Session ordinaire de 1998-1999 - 15ème jour de séance, 37ème séance

2ème SÉANCE DU JEUDI 22 OCTOBRE 1998

PRÉSIDENCE DE M. Yves COCHET

vice-président

          SOMMAIRE :

SAISINE POUR AVIS D'UNE COMMISSION 1

LOI DE FINANCES POUR 1999 -deuxième partie- (suite) 1

ÉQUIPEMENT ET TRANSPORTS 1


La séance est ouverte à quinze heures.

----------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------

ERRATUM

au compte rendu analytique de la première séance du mercredi 21 octobre 1998

Page 22, dans la question de M. Warsmann, au 3ème paragraphe, lire : pour certains dossiers, il faut attendre "5 mois" un avis qui sera défavorable...


Top Of Page

SAISINE POUR AVIS D'UNE COMMISSION

M. le Président - La commission des affaires culturelles a décidé de se saisir pour avis de la proposition de loi relative au PACS.


Top Of Page

LOI DE FINANCES POUR 1999 -deuxième partie- (suite)

L'ordre du jour appelle la suite de la discussion de la deuxième partie du projet de loi de finances pour 1999.


Top Of Page

ÉQUIPEMENT ET TRANSPORTS

M. Jean-Louis Idiart, rapporteur spécial de la commission des finances pour les transports terrestres - Le budget des transports pour 1999 a le mérite de la clarté en dégageant nettement trois priorités : le transport ferroviaire, les transports collectifs urbains et l'entretien des routes. Les autres actions sont reconduites, à quelques légères diminutions près, à leur niveau de 1998.

La politique est l'art de faire des choix compte tenu des multiples contraintes dont la contrainte budgétaire n'est pas la moindre.

M. Michel Bouvard - En effet !

M. Jean-Louis Idiart, rapporteur spécial - Vos choix privilégient des actions qui concernent le plus grand nombre de nos concitoyens.

En ce qui concerne les crédits, les dotations des transports terrestres, des routes et de la sécurité routière s'élèvent pour 1999 à 5,968 milliards de francs en autorisations de programme et 52,643 milliards de francs en crédits de paiement, soit une diminution respectivement de 2,7 % et de 0,3 %. Les dotations du fonds d'investissement pour les transports terrestres et les voies navigables (FITTVN) compensent en partie cette évolution puisque sur des recettes prévues de 3,93 milliards, 1,59 milliard seront affectés au réseau routier national, 450 millions aux voies navigables et 1,89 milliard aux transports ferroviaires et au transport combiné. Si l'on intègre le FITTVN, on relève donc une quasi-stabilisation des crédits avec 9,89 milliards de francs en AP et 56,57 milliards de francs en CP.

Les membres de la commission des finances éprouvent toutefois une réticence croissante à l'égard de ce fonds. Le FITTVN constitue en effet un artifice du gouvernement Balladur pour financer un programme de construction de liaisons TGV, du canal Rhin-Rhône et de routes s'élevant à plus de 200 milliards et donc bien trop lourd même pour ce budget général et ce fonds réunis (Protestations sur les bancs du groupe du RPR).

Or le canal Rhin-Rhône a été abandonné, et le Gouvernement a eu le courage, au mois de février dernier, de déterminer le programme TGV avec réalisme. Il faut maintenant en tirer les conséquences sur le plan budgétaire et mettre fin à ce marché de dupes qu'est le FITTVN dont la seule gloire est d'avoir alourdi la fiscalité sur les sociétés concessionnaires d'autoroutes et les gestionnaires d'ouvrages hydroélectriques. Contrairement à sa vocation, il ne finance pas de politiques nouvelles, il faut donc le supprimer et rétablir l'unité budgétaire. Il faudra ensuite choisir clairement, dans le cadre d'un schéma directeur des transports, les projets d'infrastructures que la nation souhaite retenir, compte tenu des moyens disponibles qui seront ensuite inscrits aux différentes lignes du seul budget du ministère des transports.

Le rail, mode de transport moderne, rapide et qui contribue à la lutte contre la pollution, doit constituer une priorité. Investissements et dépenses de fonctionnement sont en effet lourds, ce qui justifie la poursuite de la réforme du financement des infrastructures. Les premiers pas de Réseau Ferré de France sont à cet égard rassurants...

M. Michel Bouvard - M. Filleul ne disait pas cela !

M. Jean-Louis Idiart, rapporteur spécial - ...mais suscitent déjà des interrogations. Les prévisions pour 1998 établissent un résultat net négatif de 14,5 milliards de francs. Cet état prévisionnel reflète la montée en charge de RFF et le déséquilibre structurel de ses finances, compte tenu du niveau des péages versés par la SNCF, du coût de l'entretien du réseau, du poids de la dette vis-à-vis de la SNCF et du niveau des investissements. 1999 devrait voir la fin du régime transitoire de détermination des redevances d'utilisation des infrastructures dont le montant a été plafonné par le décret du 5 mai 1997 à 6 milliards en 1998. Quant à l'évolution des péages, les différents acteurs travaillent à la définition d'un niveau de redevances permettant de mettre en place une tarification conforme à la réalité économique et d'améliorer l'équilibre du compte d'exploitation de RFF. L'effort demandé à la SNCF ne devra cependant pas remettre en cause le retour à l'équilibre de l'entreprise. Les négociations en cours sont donc cruciales.

Toutefois, le transfert de la dette à RFF est un procédé comptable, qui n'allège pas la charge financière de la puissance publique. Rappelons que, si la situation financière ne s'aggrave pas, la dette ne s'éteindra qu'en 2023.

Quant à la SNCF, si sa situation financière s'est incontestablement redressée en 1997, grâce à la croissance des recettes de trafic et à sa gestion rénovée, l'essentiel de ce redressement résulte néanmoins de la création de RFF qui a hérité de 134,2 milliards de francs d'endettement, ainsi qu'à un complément de désendettement par l'Etat, avec effet au 1er janvier 1997, par transfert au service annexe d'amortissement de la dette. Le résultat net enregistre donc une perte de 606 millions au 31 décembre 1997, à comparer à 17,53 milliards à la fin de 1996.

L'Etat a confirmé ses engagements financiers mais le Gouvernement a souhaité réviser le schéma des investissements ferroviaires pour l'ajuster aux réalités financières. Les sept projets du schéma directeur des liaisons à grande vitesse représentaient un coût de 200 milliards. Il était irréaliste de pouvoir les financer simultanément sans accroître inconsidérément les dettes de la SNCF et de RFF. Aussi, a-t-il décidé, lors du conseil interministériel du 4 février, de privilégier les TGV Est et Méditerranée. Les autres projets feront l'objet d'études plus approfondies.

Pour 1999, les concours de l'Etat enregistrent donc une diminution infime des dotations et une progression très faible de la dotation aux transports collectifs parisiens. La dérive du financement du transport en Ile-de-France atténuée, demeure donc (Approbations sur les bancs du groupe du RPR).

Pour les transports urbains, la dotation de l'Etat aux transports urbains de province augmente de 14 %, essentiellement au profit des infrastructures et de l'amélioration de la qualité des transports. Mais la taxe sur les grandes activités polluantes, prévue par l'article 30 coûtera environ 45 millions aux transports de province.

M. Jean-Luc Warsmann - C'est un scandale !

M. Jean-Louis Idiart, rapporteur spécial - Votre budget ne tient pas compte, de ces charges nouvelles. Ainsi, la taxe aura paradoxalement pour effet de retarder le renouvellement du matériel roulant par des véhicules moins polluants.

M. Michel Bouvard - C'est très juste !

M. Jean-Louis Idiart, rapporteur spécial - L'article 40 ne me permettant pas de déposer un amendement sur cette question, je souhaite, Monsieur le ministre, que vous confirmiez votre engagement en faveur d'une politique de lutte contre la pollution en majorant de seulement 0,1 % le budget des transports.

En ce qui concerne l'Ile-de-France, les concours de l'Etat augmentent de 1 %, principalement au profit de l'indemnité compensatrice versée à la RATP. Plus de 5,6 millions de francs sont versés aux transports de cette région, et je reprends mes remarques de l'an passé. Quand le Gouvernement réorganisera-t-il les transports d'Ile-de-France, pour qu'il soit mis fin à la dérive permanente de son coût ? (Approbations sur les bancs du groupe du RPR)

Le financement du déficit des transports d'Ile-de-France empêche le développement des liaisons en banlieue et des transports collectifs en province.

En ce qui concerne l'aménagement routier, notre commission s'est émue du retard persistant dans l'exécution des contrats de plan qui, il est vrai, ne date pas de votre arrivée.

Plusieurs députés RPR - Il s'est aggravé depuis !

M. Jean-Louis Idiart, rapporteur spécial - L'endettement des sociétés d'autoroutes constitue un autre problème majeur, même s'il ne relève pas du budget au sens strict.

Le projet de budget accorde la priorité à l'entretien des routes. Le Gouvernement confirme donc une action annoncée l'an dernier, après plusieurs années de déclin, il en était temps.

Globalement, les AP, comme les CP, des routes diminuent, respectivement de 3,5 % et de 5,3 % (Approbations sur les bancs du groupe du RPR). Et si l'on inclut le FITTVN, la diminution dépasse 6 %. Et cela repose le problème de ce fonds. Alors qu'il devait financer de nouveaux programmes, il sert en fait au financement du plan routier du Massif Central. Il a aussi permis de diminuer les crédits du bleu budgétaire.

En conclusion, votre budget est sérieux, cohérent, politique. Il donne clairement la priorité aux transports collectifs. C'est donc logiquement que la commission des finances, sur ma proposition, l'a adopté et demande à l'Assemblée de faire de même (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe communiste).

M. Jean-Jacques Filleul, rapporteur pour avis de la commission de la production pour l'équipement et les transports terrestres - N'oublions pas, au moment où nous examinons les crédits pour 1999, ce qui a été fait dès 1998 avec une augmentation significative des dotations budgétaires et un allégement de vingt milliards de francs de la dette de la SNCF. Il s'agit, en effet, de poursuivre la politique engagée alors.

Quelles sont les lignes de force de votre budget ? Stabilité de la dette ferroviaire pour au moins trois ans, rééquilibrage en faveur du ferroviaire et des transports collectifs de province, moins d'investissements autoroutiers mais davantage sur le réseau routier national, limitation des réductions d'effectifs dans les services de l'équipement, effort en faveur de la sécurité routière. C'est un budget cohérent, soucieux de l'emploi dans un secteur qui en a trop perdu depuis trop longtemps...

M. Michel Bouvard - Ça continue dans les DDE !

M. Jean-Jacques Filleul, rapporteur pour avis - C'est un budget qui affirme nettement la priorité donnée aux transports collectifs et à la multimodalité. Ces choix sont essentiels pour la mise en oeuvre d'une grande politique des transports dont notre pays ne pourra pas faire l'économie pour poursuivre son développement. Assurer la complémentarité des différents modes de transport est indispensable à l'aménagement du territoire. La France a également, de par sa situation géographique, vocation à devenir une grande plate-forme multimodale au coeur de l'Europe.

Après ce budget de stabilisation et les schémas de service inclus dans la loi d'orientation sur l'aménagement du territoire, gageons que le budget pour 2000 s'engagera dans cette direction.

La reconquête du trafic ferroviaire reste l'événement marquant. Le fret a progressé de 8,9 % en 1997 et de 3,7 % au premier semestre 1998 ; le réseau voyageurs Ile-de-France a gagné, respectivement, 1,6 % et 1,3 %. Le trafic du réseau principal a, quant à lui, augmenté de 3,8 % et 9 %. La part du trafic régional y est prépondérante sans oublier Eurostar, Thalys et les TGV qui ont progressé de près de 15 % au premier semestre 1998. Le chiffre d'affaires de la SNCF devrait ainsi progresser de 1,8 milliard de francs, ce qui est encourageant.

Il faudra toutefois de l'opiniâtreté pour résoudre l'ensemble des problèmes de cette branche d'activité. J'en citerai deux.

D'une part, la dette du ferroviaire et ce que l'on appelle les péages d'usage de l'infrastructure. Les engagements du Gouvernement ont été courageux, mais le poids de la dette pèse sur l'avenir de RFF et de la SNCF. Elle atteindra à la fin de 1999 environ 153 milliards pour le premier et environ 45 milliards pour la seconde. Cela étant, la dette de RFF relève uniquement de l'Etat.

Malgré la décision du Gouvernement de lui affecter 37 milliards en trois ans, RFF voit ses possibilités d'investissement étouffées. Le Gouvernement précédent avait délibérément sous-estimé le montant des péages perçus par RFF à 6 milliards en 1998 : on estime aujourd'hui que le double serait nécessaire. Or la dotation financière versée par la SNCF ne peut pas dépasser ses propres capacités contributives, soit entre 250 millions et 400 millions. Le Gouvernement devra certainement ajouter encore une dotation supplémentaire.

La création du Conseil national du service public ferroviaire devrait faciliter une meilleure coordination entre RFF et la SNCF ainsi qu'une meilleure transparence.

Pour revenir au budget 1999, les crédits du FITTVN augmentent de 30 millions, l'essentiel de l'effort portant sur les investissements ferroviaires et le transport combiné. Ce choix permettra d'accélérer le rééquilibrage amorcé l'an dernier -les investissements routiers diminuent, eux, de 13 %.

Les crédits du FARIF, eux, favoriseront cette année le réseau des routes nationales d'Ile-de-France. L'augmentation de 24 % des investissements permettra de mieux exécuter le contrat de plan dans un domaine qui a pris beaucoup de retard.

La contribution de l'Etat au fonctionnement des transports de la région parisienne augmente par rapport à 1998. Elle profite à la RATP afin de compenser les mesures tarifaires décidées en faveur des demandeurs d'emploi, des scolaires et des étudiants.

Le trafic brut de la RATP s'est accru de 2,7 % en 1997 et de 2,8 % au premier semestre 1998. Ces améliorations prouvent que les investissements lourds comme Meteor ou Eole et les achats de matériels performants et propres sont profitables.

Toutefois, ce regain d'intérêt pour les transports collectifs pourrait être remis en cause en Ile-de-France si l'on ne remédie pas à la délinquance, qui occasionne des mouvements sociaux des personnels. Les agents et les voyageurs sont les deux victimes de ces violences inacceptables et l'émotion des agents est tout à fait légitime.

Le Premier ministre, en annonçant l'accroissement des effectifs de sécurité recrutés sur emplois statutaires et en emplois-jeunes, a montré la détermination des pouvoirs publics à réagir. Pour la seule SNCF, 400 postes seront créés en 1999 et autant en 2000. 107 gares de banlieue supplémentaires disposeront de personnel après 20 heures et l'accompagnement sera renforcé à bord des trains. En outre, un projet de loi qui alourdirait les sanctions à l'encontre des agresseurs doit bientôt être déposé.

Le coût de la sécurité est estimé à la RATP entre 400 et 500 millions par an, soit plus de 10 % de la subvention d'équilibre apportée par l'Etat. L'établissement public a déjà fait beaucoup dans ce domaine, en coordination avec les forces de police ou en interne. Il ne peut plus mobiliser de moyens supplémentaires : l'Etat devra y suppléer.

Cela étant, l'intérêt pour le transport collectif ne faiblit pas. Il convient donc de poursuivre la lutte contre le vandalisme et l'insécurité. Il faut encore plus d'agents dans les trains et dans les gares.

J'évoquerai cette année, encore, le problème récurrent du mode de financement de la RATP. Cette entreprise a réalisé de gros efforts pour atteindre ses objectifs en matière de sécurité, de propreté, d'amélioration des conditions d'accès... Mais son financement continue de poser problème : l'Etat doit en effet payer une indemnisation compensatrice égale à la différence entre ses dépenses et ses recettes, sans possibilité de vision à moyen terme.

A un équilibre "régulièrement assuré", on pourrait substituer un équilibre "durablement restauré".

La province n'est pas en reste pour la recrudescence d'intérêt pour les transports ferroviaires et collectifs. Si la LOTI avait créé les bases d'un partenariat entre les régions et la SNCF, c'est à partir des orientations de la loi de février 1995 et des conventions passées avec les six régions-tests, suivies par le Limousin récemment, que la reconquête du rail a pris toute son ampleur. Le Gouvernement accompagne cette évolution. La contribution de l'Etat à l'exploitation des services régionaux de voyageurs correspond à la compensation du déficit d'exploitation répartie entre la SNCF et les régions : elle atteindra 5,2 milliards en 1999.

Les transports en site propre des grandes villes voient leur dotation progresser de 10 % et les crédits de paiement de l'article 21 augmentent de 40 %.

Tous ces choix, alors même que le montant total du budget n'augmente pas, entraînent une baisse des crédits routiers. L'effort sera porté sur le programme de réhabilitation et de renforcement des chaussées qui bénéficie d'une dotation de plus 26 %. Les crédits de la sécurité routière progressent de 4 %, après 2,35 % en 1998. Ainsi seront abondés les crédits de maintenance des équipements d'exploitation et d'alerte, des programmes d'éducation routière à l'école, de soutien aux plans départementaux. Ce budget permettra également de moderniser l'examen du permis de conduire.

Je n'ai pas abordé la question de la modernisation du transport routier de marchandises, non plus que celle du fret et de ses goulets d'étranglement, du transport combiné, de la multimodalité et des moyens des services de l'équipement, de la nécessité absolue d'adosser nos ports à des infrastructures dignes d'un pays comme le nôtre. Je sais toutefois que le Gouvernement s'implique largement dans la politique des transports. La commission a donné un avis favorable aux crédits de l'équipement et des transports terrestres pour 1999 (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe communiste).

M. François d'Aubert, rapporteur spécial de la commission des finances pour les transports aériens et la météorologie - Quel contraste entre, d'une part, les 9 milliards consacrés à l'aviation civile et à la construction aéronautique, de l'autre, les enjeux industriels de ce secteur. Les dotations se maintiennent certes à un bon niveau, et se combinent en outre avec le cinquième programme-cadre communautaire, mais l'ensemble des crédits français et communautaires n'atteint pas le niveau de recherche aux Etats-Unis, où les restructurations successives -avec notamment la fusion entre Mac Donnell Douglas et Boeing- lancent un défi considérable aux industriels européens et nationaux. Or nous apprenons que nos efforts pour constituer un groupe européen d'envergure pourraient être remis en cause par une éventuelle fusion entre DASA et British Aerospace, laquelle donnerait à ce nouvel ensemble la majorité au sein d'Airbus. Cette annonce par voie de presse n'a rien d'officiel mais est significative d'une irritation de nos partenaires allemand et anglais devant les lenteurs de la France à restructurer son industrie de défense. Si une telle fusion devait se faire, cela irait à l'encontre du principe selon lequel aucune entreprise nationale ne devait avoir une position dominante au sein d'un ensemble européen comme Airbus. Où en sommes-nous donc ? Les gouvernements allemand et britannique vont-ils tenir compte de la position française ? Notre étatisme n'est-il pas la cause du retard de l'émergence d'un pôle européen d'aéronautique ?

Autre inquiétude : la compétitivité de nos aéroports, et particulièrement d'Aéroports de Paris. Voici un outil considérable pour l'économie française puisque chaque million de passagers génère environ 1 000 emplois ; la plate-forme francilienne dispose des plus vastes réserves foncières d'Europe, la troisième piste est presque achevée et la quatrième est en préparation. Pourtant, le compte d'exploitation d'ADP révèle une perte de compétitivité, notamment pour l'assistance aéroportuaire. Or trois modifications du droit communautaire vont contraindre ADP à de nouveaux efforts précisément dans ce domaine puisque de nouveaux opérateurs auront accès au marché dès 1999. Cette ouverture à la concurrence entraînera une baisse des prix qui devrait se traduire par une perte de chiffre d'affaires de l'ordre de 200 millions de francs, cumulativement d'ici 2001. Je considère la baisse des prix comme un effet bénéfique de la concurrence, mais je ne suis pas sûr des capacités d'ADP à bien réagir.

Se pose aussi le problème des ventes hors taxes. Le Conseil, sur proposition de la Commission, a décidé leur suppression pour les vols intercommunautaires à partir du 30 juin 1999, décision qui touche particulièrement la France puisque 40 % des produits vendus sont fabriqués dans notre pays. On estime que 18 000 à 23 000 emplois sont en jeu. ADP a indiqué que sa perte annuelle serait de 250 millions de francs à partir de 1999, ce qui se traduira par une augmentation de 10 % à 15 % de ses redevances.

Pour l'heure, la Commission refuse de modifier sa position, considérant que le commerce hors taxes intracommunautaires constitue une subvention du contribuable. Or l'on constate l'existence d'enclaves hors taxes dans la Communauté, en Finlande, aux îles anglo-normandes et à Ceuta. Ne pourrait-on considérer les aéroports comme des zones commerciales spéciales, dans la mesure où il faut posséder un titre de transport pour y accéder ? ("Très bien !" sur les bancs du groupe DL et du groupe du RPR) Le nombre d'emplois menacés justifierait que le Gouvernement rouvre ce dossier.

J'en viens cette fois à un sujet d'optimisme : la situation du transport aérien. Du fait de la libéralisation en Europe, le nombre de lignes a augmenté et les consommateurs ont bénéficié d'une réduction des prix de l'ordre de 20 à 30 %. La libéralisation a aussi entraîné une restructuration du marché. Ainsi se sont constitués de grands pôles, tels Lufthansa et SAS. En France, British Airways a racheté TAT et Air Liberté afin de drainer sur ses vols internationaux la clientèle française. Il est à noter que les alliances s'étendent souvent au-delà de l'espace communautaire. Face à ce mouvement, la situation d'Air France devient paradoxale. Les comptes se sont redressés et la compagnie a retrouvé le chemin de la croissance mais elle ne figure dans aucun système d'alliance globale et il est vraisemblable qu'elle ne pourra constituer de grand pôle avec participation croisée de capital tant qu'elle conservera un statut public. L'Etat constitue un actionnaire inutile pour la compagnie car il n'a pas les moyens financiers de développer une entreprise fortement capitalistique (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste). Des actionnaires privés seraient mieux à même de développer la compagnie dans un domaine qui n'a plus la moindre caractéristique du service public (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste). Est en effet service public ce qui est indispensable à la vie de la nation et qui ne peut être assuré dans de bonnes conditions par le secteur marchand. Or, de nos jours, l'offre de transport aérien est partout.

En tant que rapporteur, je déplore que nous ayons appris lundi par la presse l'accord passé avec les pilotes. L'affaire étant en négociation depuis plusieurs mois, la commission aurait dû être mieux informée. Je n'ai pas eu le temps suffisant pour juger ledit accord, mais j'observe simplement que les personnels au sol risquent, par contrecoup, de se sentir assez floués.

Je note aussi, Monsieur le ministre, que votre appui peut-être excessif à Air France dans l'affaire d'Orly vous a valu quelques observations...

J'en arrive à la modification de la fiscalité sur le transport aérien et les aéroports, qui fait l'objet d'amendements de dernière minute, ce qui rend difficile mon travail de rapporteur spécial. Et comme ils seront discutés ce soir, alors que je présiderai la séance, j'aimerais vous donner mon avis dès maintenant, Monsieur le ministre, en particulier sur l'un d'eux, que la commission des finances n'a pas examiné mais qu'elle aurait sans doute voté. Cependant, à titre personnel, j'émets de sérieuses réserves à son encontre.

Réserves de forme, en premier lieu. Cet amendement fait partie d'un ensemble qui réforme complètement la fiscalité assise sur les compagnies aériennes et les aéroports, non pas dans le but de renforcer la compétitivité de nos compagnies et de nos industriels mais afin de tenir compte des arrêts du tribunal administratif de Nice et du Conseil d'Etat à l'encontre de la redevance pour services terminaux de la circulation aérienne qui, en tant que redevance, ne pouvait financer des missions d'intérêt général comme la sécurité, la sûreté ou la lutte contre les incendies. Donnons acte au Gouvernement de respecter le droit, mais rappelons qu'en cette affaire, cela faisait huit ans que le Parlement et la Cour des comptes s'étaient élevés contre les irrégularités constatées en matière de redevance et notons qu'en procédant par amendements successifs, le Gouvernement s'est dispensé de l'avis du Conseil d'Etat et a échappé aux travaux des commissions. Sans doute espère-t-il que sa majorité lui donnera quitus...

L'amendement pose cependant un problème de constitutionnalité. En effet, dans une décision du 30 décembre 1997, le Conseil constitutionnel, se référant aux articles 20 et 21 de l'ordonnance organique du 2 janvier 1959, a rappelé que les ressources d'un budget annexe doivent être constituées de rémunérations pour services rendus et que la part des ressources fiscales qui y est affectée doit demeurer réduite. Et l'an dernier, le Conseil avait toléré un seuil de 15 %. Or la réforme proposée par le Gouvernement concernant la taxe sur l'aviation civile porte la part fiscale à presque 30 % de la section exploitation du budget annexe.

Personne ne niera qu'il est vital de financer les missions de lutte contre les incendies, de sûreté et de sécurité des passagers, notamment à l'encontre des actes terroristes et, puisque celles-ci, considérées comme d'intérêt général, doivent l'être non par une redevance mais par l'impôt, il est normal que vous créiez une taxe. Mais, Monsieur le ministre, êtes-vous sûr de la légalité du paragraphe VI de l'amendement, dont l'origine est la situation particulière d'Aéroports de Paris, et qui consiste à donner au comptable d'un établissement public le pouvoir de recouvrer la taxe ?

Bien que j'approuve le but de cet amendement, je ne peux en recommander le vote, car cette taxe ressemble furieusement à une redevance masquée et de ce fait contrevient au principe d'égalité et à l'article XIII de la Déclaration des droits de l'homme.

Redevance masquée ou non, l'avenir le dira... A lire le texte de l'amendement, c'est une taxe. Mais l'exposé des motifs indique qu'il s'agit de financer les dépenses d'incendie, de sécurité et de sûreté. Qui paie la taxe ? Le passager. Qui profite de la taxe ? Le passager. Ne sommes-nous pas devant un système de prix pour service rendu, soit une redevance ? Or c'est le recours à la redevance pour ce type de dépense qu'a condamné le Conseil d'Etat. Celui-ci a précisé que la sécurité et la sûreté constituaient des dépenses d'intérêt général. Dès lors, c'est par la contribution générale qu'elles doivent être financées, non par la taxation des seuls passagers.

Votre amendement ne respecte pas le principe d'égalité. Si l'objectif est aussi de financer les dépenses d'incendie, la taxe ne peut être assise sur les seuls passagers, mais également sur les entreprises de fret. Pourquoi les en dispenser ? Le dimensionnement des services d'incendie est déterminé par la fréquence des mouvements d'aéronefs et par leur taille. Roissy reçoit aussi les longs courriers de Federal Express. Ce transporteur de fret profitera des services d'incendie, sans les payer. Où est le caractère général de la taxe ? Où est le principe d'égalité ?

Deuxième motif, le non-respect de l'article XIII de la Déclaration de 1789. Le texte en est limpide : "Pour l'entretien de la force publique et pour les dépenses d'administration, une contribution commune est indispensable. Elle doit être répartie entre tous les citoyens, en raison de leurs facultés". La protection des passagers est bien une dépense de police, de sécurité publique. C'est la nation dans son ensemble qui doit la financer, non une fraction de celle-ci. C'est comme si vous aviez estimé que la protection des stades durant la coupe du monde était une dépense spécifique, à financer par une taxe sur les billets d'entrée.

Comprenez bien ma position, et je m'adresse notamment à mes collègues de la majorité. Nul n'a de profit à tirer de l'éventuelle irrégularité du dispositif proposé par le Gouvernement. Il ne fait qu'hériter d'erreurs de ses prédécesseurs. C'est l'Etat qui se trompe et qui continue de se tromper ! Le Conseil d'Etat a statué en droit, mais ne s'est pas rendu compte des conséquences de sa décision. Car nous sommes en présence d'une contradiction fondamentale : la modernité fiscale voudrait que les missions des aéroports soient financées sur redevances, le droit s'y oppose. Pourquoi ne pas remettre à plat le système ? Donnez-vous le temps de la réflexion en retirant cet amendement, quitte à en présenter un autre au Sénat ou ici en nouvelle lecture. L'incertitude juridique qui s'y attache pose pour l'heure un vrai problème.

Au total, les incertitudes qui pèsent sur les ressources du budget annexe m'ont conduit à en proposer le rejet. La majorité ne m'a pas suivi, et la commission des finances propose l'adoption des crédits du transport aérien et du budget annexe de l'aviation civile (Applaudissements sur les bancs du groupe DL et du groupe UDF).

M. François Asensi, rapporteur pour avis de la commission de la production pour les transports aériens. - Avec près de 9 milliards, le budget de l'aviation civile augmente de 2,8 %. La subvention du budget général est reconduite à 215 millions, confirmant votre volonté, Monsieur le ministre, de refuser le désengagement de l'Etat.

L'analyse de ce budget est rendue difficile par l'imminence d'une réforme de la redevance pour services terminaux de circulation aérienne, suite à un arrêt du Conseil d'Etat du 20 mai dernier ; mon prédécesseur a abordé ce problème. Les crédits affectés à la construction aéronautique civile sont stables. Les autorisations de programme sont reconduites à hauteur de 1,85 milliard et les crédits de paiement s'élèvent à 1,43 milliard. Votre effort porte principalement sur la recherche amont, et sur les avances remboursables consenties aux constructeurs aéronautiques. Les recettes et les dépenses du fonds de péréquation des transports aériens sont estimées pour 1999 à 51 millions en hausse de 5 %. La commission de la production a émis un avis favorable au vote des crédits.

Mais leur examen est aussi l'occasion, pour notre assemblée, de faire le point sur les changements que connaît la filière aéronautique. Depuis plus d'une décennie, le vent de la libéralisation a plongé ce secteur dans la tourmente et provoqué un bouleversement sans précédent des règles du jeu. A la différence des Etats-Unis, la marche vers la déréglementation sur le vieux continent s'est faite par étapes. Le ciel communautaire est ainsi devenu l'un des plus concurrentiels au monde. Les compagnies aériennes se sont livré à une guerre commerciale acharnée qui s'est traduite par des restructurations et des suppressions massives d'emplois. Aujourd'hui, les risque de délocalisation, d'externalisation d'activités et de filialisation demeurent réels.

Tétanisée par l'idéologie ultra-libérale, l'Europe n'a pas voulu doter le transport aérien d'un volet social, malgré les appels lancés à cette tribune. A l'absence d'Europe sociale dans ce secteur s'ajoute celle d'une politique commune du transport aérien. La commission de Bruxelles n'a pas élaboré de politique vis-à-vis de l'extérieur, notamment des Etats-Unis, qui ont réussi à diviser les Européens en signant des accords de ciel ouvert. Notre pays n'a pas cédé à la pression américaine, puisqu'il est enfin parvenu, après deux années de rencontres bilatérales, à signer un accord entre les Etats-Unis. Pour avoir plaidé cette solution, je m'en félicite, et je vous remercie, Monsieur le ministre, d'y avoir contribué. Ainsi, pendant cinq ans, les relations entre les deux pays seront encadrées, avec des augmentations graduelles de capacités. Air France peut désormais desservir quarante-cinq destinations aux Etats-Unis.

Il reste cependant à la France et aux autres pays de l'Union européenne à travailler sur un socle d'exigences publiques, pour donner du sens à l'Europe, et atteindre les objectifs démocratiques et sociaux indispensables à la construction européenne. C'est d'autant plus urgent que les turbulences financières peuvent amener une nouvelle récession et une concurrence exacerbée, malgré les efforts de modulation des Etats.

Les compagnies européennes et américaines devraient toutefois enregistrer en 1998 une activité record. Le trafic, confirmant les tendances observées depuis 1994, continue de croître et ne s'est jamais aussi bien porté. Il s'est accru de près de 8 % en 1997, après avoir augmenté de 8,4 % en 1996, sur les lignes régulières internationales. Il devrait augmenter de 5,4 % jusqu'à l'an 2000.

Les limites d'une concurrence destructrice ont contraint les compagnies à s'orienter vers une politique d'alliances qui est aujourd'hui l'un des principaux instruments de leur développement. Ainsi émergent de grandes familles de réseaux qui couvriront bientôt la quasi-totalité du trafic mondial.

Dans ce contexte fluctuant, Air France a poursuivi son redressement et doit relever aujourd'hui deux défis : l'ouverture du capital et le développement d'une stratégie d'alliances pour rester dans le peloton de tête. Le Gouvernement a décidé, sur votre proposition, l'ouverture du capital. C'était une nécessité, sauf à estimer que l'Etat doit financer à fonds perdus. C'est un "plus" culturel pour l'entreprise et son essor économique. Mais en aucun cas il ne doit s'agir d'un pis-aller avant la privatisation totale. L'Etat, actionnaire majoritaire, doit démontrer son efficacité afin que le contribuable ne soit pas sollicité en permanence. La mixité des capitaux, avec participation majoritaire de l'Etat, peut maintenir Air France dans le statut public, même dans un univers extrêmement concurrentiel. Ce qui doit nous guider, c'est l'efficacité économique de l'entreprise, son projet social, et non le credo de la pensée unique ultra-libérale. Je réaffirme à cette occasion mon opposition à la privatisation d'Air France. Après vingt ans de déréglementation, il faut faire émerger, dans l'économie, des contre-tendances mondiales à l'ultralibéralisme. La puissance publique a donc encore les moyens d'affirmer sa place dans ce secteur de l'économie.

Ce maintien du statut public d'Air France est compatible avec le rayonnement de l'entreprise et avec sa présence sur les marchés les plus concurrentiels pour contracter des alliances internationales. L'entreprise a tout intérêt à rechercher des partenaires fiables, notamment en Europe, les alliances constituant aujourd'hui le seul facteur de croissance.

Après des années de pertes records, la compagnie nationale renoue avec la croissance de son activité. Les ailes françaises affichent un résultat positif, avant impôts, de plus de 1,3 milliard. L'ouverture du capital permettra de financer, pour la période 1998-2002, une politique d'investissement ambitieuse, évaluée à 40 milliards. Les 20 milliards de recapitalisation par l'Etat, les efforts de la direction et des personnels ont permis le redressement de l'entreprise, et lui permettront de faire face aux défis de son avenir.

La qualité des relations sociales est également un facteur décisif pour son redressement. Le conflit entre les pilotes et la direction sur la double échelle des salaires a montré l'importance d'établir par la négociation un nouveau type de relations sociales. A cet égard, la mise en place d'un gouvernement d'entreprise me paraît être un concept séduisant pour faire participer les salariés à la gestion. C'est également un espace démocratique nécessaire pour faire reculer les corporatismes et les conservatismes qui existent aussi dans la compagnie. Je me félicite du dialogue social qui a permis l'accord avec les pilotes. La compagnie doit développer des rapports sociaux aussi riches avec les autres catégories, dont la diversité est un de ses atouts.

La croissance du trafic prévue dans les prochaines années, tout comme le redressement des compagnies aériennes, produisent des effets sur l'ensemble de la filière aéronautique et nécessitent des adaptations de la politique aéroportuaire. Un développement maîtrisé et durable des infrastructures aéroportuaires était devenu indispensable pour maintenir l'aéroport Charles de Gaulle dans l'arène internationale. C'était le seul moyen de conjuguer aménagement du territoire, développement économique et respect de l'environnement. Vos propositions pour la complémentarité des aéroports parisiens vont dans la bonne direction. Le soutien d'Air France, dans sa stratégie de développement, ne vaut que si elle reste dans le secteur public. Cependant, avec la croissance soutenue du trafic, les objectifs en terme de mouvements d'avions risquent d'être dépassés, avant l'an 2000. Ils le seront peut-être, en termes de passagers : nous risquons d'en avoir 55 millions en 2008.

Je veux le dire avec fermeté : il faut faire attention à ne pas dépasser les objectifs que vous avez fixés le 23 septembre 1997. Comme parlementaire et maire d'une commune riveraine, je m'opposerai à toute extension des projets aéroportuaires, car la multiplication des mouvements d'avions peut conduire à un niveau de bruit insupportable. Il faut donc poursuivre la réalisation d'expertises contradictoires. La question cruciale du développement des capacités aéroportuaires françaises est ainsi posée. Il faudra trancher entre la création d'un troisième aéroport pour desserrer la concentration du trafic en région parisienne, et le développement des plates-formes aéroportuaire existantes, notamment celles de province. Ma préférence ira à toute solution économe en espace, aussi peu pénalisante que possible pour l'environnement, et qui rompe avec la conception productiviste et hyperconcentrée du développement de la région parisienne.

En amont, l'embellie du transport aérien promet la reprise des plans de charge des constructeurs aéronautiques. L'année 1998 aura été celle des grandes manoeuvres en Europe. Essentielles en termes d'emplois, de commerce extérieur et d'indépendance, les industries aéronautiques européennes sont aujourd'hui confrontées à la concurrence des groupes d'Amérique du Nord. Des alliances sont donc nécessaires mais il est regrettable que les salariés aient été tenus à l'écart des négociations. Des décisions sont prises en dehors de tout débat public et je souhaite que soit organisé, au Parlement, un débat sur la restructuration de la filière aéronautique.

En décembre 1997, les gouvernements européens ont invité les industriels à unir leurs capacités. Après réflexion, ceux-ci ont remis un rapport sur la création d'un pôle européen, mais des divergences sont apparues et de nouvelles propositions devraient être formulées prochainement.

Dans ce cadre, le Gouvernement a annoncé sa volonté de créer deux grands pôles, l'un spécialisé dans l'électronique de défense, l'autre dans l'aéronautique. Pour atteindre cet objectif, vous avez approuvé, en juillet dernier, à la surprise générale, la cession de Matra Technologies à Aérospatiale. Cette privatisation d'un fleuron de notre industrie suscite des interrogations : selon certains économistes, le groupe Lagardère aurait, en échange d'actifs valant de 5 à 10 milliards, obtenu 30 à 40 % d'un ensemble valant plus de 100 milliards. Le Gouvernement ne s'est-il pas précipité ? Cette fusion ne va-t-elle pas rendre plus difficile la constitution des deux pôles aéronautique et défense ? Cette opération, qui s'est faite dans le plus grand secret, n'a pas empêché British Aerospace et DASA d'annoncer il y a peu un rapprochement qui peut bouleverser l'équilibre d'Airbus au détriment de la contribution française. La réforme de son statut suscite, par ailleurs, de légitimes inquiétudes parmi le personnel d'Aérospatiale.

Voilà quelques observations qui n'ont pas empêché la commission de la production de donner un avis favorable à votre budget (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste et du groupe socialiste).

M. Guy Lengagne, rapporteur spécial de la commission des finances pour la mer - Dans quelques instants, je proposerai à l'Assemblée de voter votre budget, ce qui me met à l'aise pour faire quelques remarques préliminaires. Un rocher au milieu des océans donne au pays auquel il appartient la propriété d'une portion de mer d'une surface équivalente aux quatre cinquièmes de la France -c'est la conséquence de l'instauration des zones économiques exclusives. D'où la nécessité d'être très attentif au maintien de notre souveraineté sur certains îlots inhabités. Notre pays, par la superficie des eaux placées sous sa souveraineté, est la troisième puissance maritime du monde, même si nos compatriotes ne paraissent guère en avoir conscience, ni d'ailleurs certains de leurs gouvernants...

J'ai découvert d'ailleurs avec stupéfaction, tout à l'heure, que le rapporteur sur la mer n'avait que dix minutes, à la différence des autres rapporteurs spéciaux. Vous souffrirez, Monsieur le Président, que, pour le principe, je parle quinze minutes.

M. François d'Aubert, rapporteur spécial - C'est la marée haute ! (Rires)

M. Guy Lengagne, rapporteur spécial - La création d'un grand ministère de la mer, en 1981, était un symbole. Mais au fil des années, la volonté s'est effilochée, et les activités maritimes sont éparpillées entre quatre ou cinq ministères. De 500 navires en 1975, notre flotte est passée à 210 aujourd'hui. La reconquête du trafic portuaire est restée limitée et les investissements ont pris un retard important.

L'annualisation du budget ne permet pas de travailler correctement dans ce domaine : il faudrait faire une loi-cadre regroupant toutes les activités maritimes et engageant tous les partenaires pour une période de 10 ou 15 ans. Certains investissements, notamment pour les infrastructures portuaires, ne peuvent s'amortir qu'en 50 ans. Ne conviendrait-il pas d'adapter en conséquence la durée des emprunts ?

J'en viens au budget proprement dit. Comme les années précédentes, les trois quarts en sont absorbés par les crédits consacrés à l'ENIM : en effet, avec 42 000 actifs pour 123 000 pensionnés, les marins et les employeurs ne paient que 14,8 % du total, tandis que 37,3 % proviennent d'autres régimes et 43,5 % de l'Etat. Ainsi, sur les 6,2 milliards inscrits au budget, les dotations hors-ENIM ne s'élèvent qu'à 1,584 milliard -en baisse de 1,78 % par rapport aux crédits votés en 1998.

Cette évolution combine une forte régression des crédits consacrés à la flotte de commerce, avec la fin du programme ACOMO, et une légère progression des autres agrégats.

Le budget comporte deux priorités : amélioration de la formation et renforcement de la sécurité. Pour faciliter l'adaptation aux besoins et se conformer à la réglementation internationale, les formations dans les écoles maritimes et les écoles nationales de la marine marchande sont profondément rénovées, et les équipements pédagogiques modernisés.

Mais les armateurs évaluent à 300 au moins le nombre d'officiers de la marine marchande qui manquent. C'est l'illustration d'un manque de prévision à moyen terme puisqu'il y a dix ans, même le major de l'une de nos grandes écoles d'officiers ne trouvait pas d'embarquement. Vous héritez donc d'un important retard qu'il faut combler au plus vite.

Le renforcement de la sécurité constitue aussi une impérieuse nécessité, avec l'entrée en vigueur, depuis le 1er juillet 1998, du code international de gestion de la sécurité, et le souci de faire face aux dangers écologiques liés à l'augmentation du trafic.

L'année 1998 voit également la mise en place de l'inspection maritime : un plan pluriannuel de 25 emplois d'inspecteurs de la sécurité des navires est programmé entre 1998 et 2001. Pour 1999, 10 emplois d'inspecteurs des affaires maritimes seront créés et des 1998, huit inspecteurs seront recrutés sur titres.

Les CROSS, en raison notamment de la substitution progressive des officiers aux appelés, verront leurs crédits de fonctionnement augmenter d'un tiers.

Je me réjouis, d'autre part, que, pour la deuxième année consécutive, la subvention à la SNSM soit suffisante sans qu'on ait besoin de solliciter la réserve parlementaire (Applaudissements sur divers bancs).

J'en arrive à la filière portuaire, élément majeur de la politique maritime.

Qu'on me permette de rappeler d'abord que le port de Rotterdam, à lui seul, a un trafic annuel de 310 millions de tonnes, tandis que celui de tous nos ports réunis ne dépasse pas 323,9 millions de tonnes. Depuis 1990, les crédits de fonctionnement affectés aux ports autonomes ont baissé de 27 % en francs constants, ceux des ports d'intérêt national de 21 % et les crédits d'investissement pour l'ensemble de nos port nationaux de 53 % !

Le présent budget prévoit des dotations qui permettront tout juste de réaliser des opérations qui auraient déjà dû être exécutées. Les crédits serviront souvent à remettre en état des installations négligées pendant des années, même si quelques opérations de modernisation sont inscrites également. Un effort beaucoup plus important serait nécessaire.

Un mot en passant sur les paquebots de croisière. Je regrette, alors que beaucoup d'entre eux sont construits en France, qu'il n'y en ait que très peu battant pavillon français. De plus, à l'exception de Marseille, nos ports ne sont pas équipés pour accueillir les navires de nouvelle génération.

L'activité générale des ports a néanmoins progressé l'an dernier, car ils disposent d'atouts qui peuvent leur permettre d'accéder au rang de véritables pôles économiques si on leur en donne les moyens. Le premier élément d'une telle politique serait d'améliorer la desserte terrestre. Il y a des crédits à cet effet dans votre budget. Ensuite, il faut maîtriser les coûts de passage portuaire, ce qui implique une mobilisation de tous les acteurs de la filière.

Avant d'aborder les crédits consacrés à la flotte de commerce, je voudrais évoquer la situation très préoccupante du port de Boulogne. Premier port de pêche de France, port transmanche, Boulogne est notre dixième port de commerce. L'ouverture du tunnel sous la Manche lui a porté un coup très rude, puisque 55 % des recettes du port provenaient du trafic transmanche. Quand pour lutter contre le tunnel, le trafic maritime s'est replié sur Calais, la Chambre de commerce s'est retrouvée dans une situation financière très difficile, lui interdisant pratiquement tout investissement. Grâce à un esprit d'innovation exemplaire, Boulogne a réussi à capter un important trafic de farine à destination du Moyen-Orient. Mais soudain, alors que les Grands Moulins de France avaient signé avec la SAGA un engagement de faire transiter chaque année par Boulogne un minimum de 350 000 tonnes de farine, ils ont annoncé que le trafic se ferait dorénavant par Rouen, invoquant la baisse de moitié de leurs exportations.

M. Marc-Philippe Daubresse - Ils ont été roulés dans la farine.

M. Guy Lengagne, rapporteur spécial - Le risque est grand de voir les tarifs portuaires pratiqués à Boulogne augmenter pour compenser cette perte, et le port devenir non compétitif -car la SNCF, qui achemine la farine, n'est guère encline à améliorer ses tarifs.

Monsieur le ministre, il faut que votre ministère mette tout en oeuvre pour éviter les licenciements et permettre à ce port d'intérêt national de se moderniser.

Reste, enfin, la question de la flotte de commerce. La suppression, l'an dernier, du régime des quirats et son remplacement par un GIE fiscal sont trop récents pour que l'on puisse en mesurer l'effet. Les dotations destinées à soutenir l'investissement ont été supprimées, conformément aux nouvelles orientations communautaires : le soutien ne se fait plus que par une diminution des charges fiscales et sociales applicables au personnel navigant. C'est ainsi qu'on reconduira en 1999, 2000 et 2001 le remboursement de la part maritime de la taxe professionnelle. En outre, on crée un dispositif de remboursement par l'Etat de certaines contributions sociales patronales.

La situation des armements s'était améliorée ces dernières années, mais la crise financière et la crise asiatique ont eu des conséquences très négatives. Je demande au Gouvernement d'être très attentif, car c'est un enjeu stratégique pour notre pays.

La disparition, au 1er juillet 1999, des ventes hors-taxe en Europe, aura des conséquences très graves sur les armements français -notre collègue André Capet, qui est l'auteur d'un excellent rapport, en parlera plus longuement dans quelques instants. Même si la proposition d'un retour progressif, étalé sur cinq ans ou dix ans, au droit commun sur la TVA et les accises était acceptée par l'Union européenne, il faut prévoir dès maintenant des mesures financières pour sauvegarder nos armements.

Notre pays, je le répète, doit avoir une ambition maritime forte. Il nous faut mettre en place les moyens qui lui permettront de la réaliser. Je suis convaincu que le Gouvernement saura montrer sa volonté dans ce domaine. C'est pourquoi la commission des finances vous invite à adopter les crédits de la mer (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe communiste).

M. André Capet, rapporteur pour avis de la commission de la production pour les transports maritimes et fluviaux - La délicate mission de présenter l'avis de la commission de la production sur les transports maritimes et fluviaux m'incombe. Délicate car notre pays, porte naturelle de l'Europe vers l'Atlantique Nord et largement ouvert sur la Méditerranée et le Moyen-Orient, ne porte pas assez attention à la richesse que représente son immense façade maritime.

Mon devoir est donc d'appeler à nouveau votre attention, sans illusion mais sans faiblesse, sur les conséquences pour notre économie, pour l'emploi et pour notre rayonnement, du manque d'ambition maritime de la France.

Cela dit, je ne sous-estime pas la croissance constante que connaît l'activité de nos ports maritimes depuis quelques années. Elle peut contribuer efficacement au rééquilibrage entre les régions.

S'agissant de nos ports autonomes, le maintien de leurs dotations au niveau de 1998, soit 392,5 millions, devrait permettre à l'Etat de remplir ses obligations en ce qui concerne les charges d'entretien.

Les comptes de nos ports sont globalement équilibrés, en dépit d'un tassement de leur excédent brut d'exploitation, et ils se désendettent tout en accroissant leurs capacités d'autofinancement.

Cependant, le contexte mondial du transport maritime est extrêmement concurrentiel et particulièrement sensible aux fluctuations économiques. La crise asiatique, qui a provoqué une réduction de la demande de la part des chargeurs, a des conséquences directes sur les taux de fret. Cette situation aboutit à une baisse des marges qui impose une contraction permanente des coûts et une concentration des armements. Dans ces conditions, la compétitivité de nos ports repose aussi sur la qualité de leurs prestations : fiabilité, rapidité, importance économique de leurs hinterlands. Après une longue période de déficit, ils ont entrepris, à partir de 1995, de réduire certaines de leurs dépenses pour limiter leur déficit d'exploitation.

A partir de 1996, ils ont présenté un solde positif de 85,5 millions, grâce à la progression des chiffres d'affaires des ports du Havre et de Nantes-Saint-Nazaire, et qui a atteint près de 160 millions en 1997, grâce à la bonne tenue des trafics pétroliers et à la poursuite de la progression relative du transport conteneurisé.

Ces bons résultats se traduisent aussi par la progression, en 1998, des soldes intermédiaires de gestion des ports autonomes. Ainsi, leur marge brute d'autofinancement a dépassé 734 millions en 1997, soit une progression de 17,3 % et leur marge nette, de 525 millions, a augmenté de 26,7 %.

Ce gain de productivité dans un contexte difficile ne doit cependant pas faire oublier la pression des chargeurs en faveur d'une hiérarchisation des ports. Face à cette situation, les politiques doivent s'efforcer de concilier les objectifs des utilisateurs et les options publiques de développement équilibré et d'aménagement du territoire.

La réforme de 1992 du régime de travail dans les ports maritimes, et la loi de 1994 autorisant la constitution de droits réels sur le domaine public maritime, constituent deux éléments essentiels de la modernisation de nos places portuaires.

Afin de rajeunir les effectifs de dockers, le comité interministériel de la mer du 1er avril dernier a pris différentes mesures d'âge et d'embauche. La possibilité de partir en préretraite progressive sera ainsi offerte à tous les dockers volontaires nés avant le 1er février 1948. Ils pourront bénéficier, dans leur 55ème année, d'une dispense d'activité jusqu'à l'âge de départ en retraite. Ainsi, l'embauche de jeunes sera favorisée.

Envisagez-vous, Monsieur le ministre, de pérenniser ou d'étendre ce dispositif aux années ultérieures ? Avez-vous étudié la faisabilité de mesures d'âge hardies, à partir de 50 ans ?

Cela dit, les grands ports français, confrontés à leur évolution profonde de leur activité, ont entrepris de rechercher une organisation plus efficace. A cet égard, l'exemple des négociations engagées dans le port de Dunkerque est intéressant.

Dans les grands ports d'Europe du Nord, tels Rotterdam ou Anvers, une conception intégrée du passage fait fonctionner, au sein d'une même entité, les outillages et les engins de manutention. A cette conception, qui évite des distorsions d'horaires et de conditions de travail entre les personnels, s'oppose, dans notre pays, une division traditionnelle du travail. Le chargement et le déchargement des navires sont toujours opérés par des personnels portuaires responsables du fonctionnement des outillages, d'une part, par les dockers pour ce qui concerne la manutention proprement dite, d'autre part. Le port de Dunkerque est en pointe dans la recherche d'une conception intégrée, respectueuse des droits de chacun. L'idée est de constituer une société de manutention locale, qui emploiera à la fois les personnels de la manutention et ceux de l'outillage, avec un droit à retour au port autonome en cas de difficulté et conformément aux conventions collectives.

De telles initiatives doivent être encouragées car elles contribueront à la reconquête de trafics. Mais ce serait insuffisant si l'Etat ne poursuivait résolument l'intégration de nos ports au sein de la filière de transports. En effet, les ports réalisent le transfert des marchandises entre le transport maritime et les différents moyens de transport terrestre : voies navigables, rail, route. C'est dire que les ports sont le maillon essentiel d'une chaîne de transport multimodale vers lequel doivent converger les divers modes de transport terrestre. Parmi les facteurs de leur compétitivité, la qualité de la desserte terrestre est déterminante. C'est, en effet, sur le transport terrestre que peuvent être réalisés d'importants gains de productivité, en termes de temps et de coûts. Ainsi, par exemple, le coût de l'acheminement terrestre d'un conteneur peut, sur une distance de cinq cents kilomètres, représenter cinq à six fois celui de son passage portuaire.

Pour certains types de trafic, en particulier pour les trafics intercontinentaux de conteneurs, les grandes lignes maritimes sont désormais contraintes de faire escale dans un nombre limité de ports, ce qui implique une extension des régions européennes desservies à partir du port, laquelle est favorisée par l'intégration progressive de l'économie européenne. Ceci implique aussi un recours accru aux modes de transport privilégiés pour les grandes quantités et les grandes distances que sont le cabotage maritime, les transports fluviaux et ferroviaires. Or environ 85 % des pré et postacheminements des ports français se fait par la route, ce qui constitue une faiblesse. La desserte ferroviaire des ports français reste insuffisante par rapport aux pays voisins, notamment la Belgique et les Pays-Bas.

C'est pourquoi la stratégie de la SNCF et de Réseau Ferré de France à court et moyen termes est vitale pour l'avenir des ports français. En effet, les pré et postacheminements ferroviaires représentent un potentiel de croissance de plusieurs milliards de tonnes kilomètres. Ainsi, il importe que la SNCF et RFF soient des acteurs à part entière du développement du transit des marchandises dans les ports français.

S'agissant du soutien à la flotte de commerce et à l'emploi maritime, le présent projet comporte des évolutions notables, dictées en particulier par la réglementation européenne relative aux aides à la flotte, qui prendront désormais exclusivement la forme de diminutions ou de remises de charges fiscales et sociales applicables aux équipages. Je relève cependant que si l'Europe applique l'accord OCDE qui interdit toute subvention à la construction à partir de 2001, les Etats-Unis ne l'ont pas encore ratifié.

Nous avons bien noté, Monsieur le ministre, que vous vous êtes engagé à ce que les dotations consacrées à ces financements, soit 81 millions pour 1999, soient abondées en loi de finances rectificative. Il conviendra, même si ces aides doivent être réservées au soutien au pavillon national, que les reversements interviennent dans les meilleurs délais afin de préserver leur efficacité.

Pour ce qui est de l'enseignement maritime, je suis heureux de noter que les crédits destinés aux écoles nationales de la marine marchande progresseront de 13 % en crédits de fonctionnement et de 14,3 % en autorisations de programme. Il est indispensable, en effet, d'accroître le nombre d'élèves formés et d'améliorer la qualité de l'enseignement.

J'en viens aux ventes hors taxes qui doivent disparaître, pour les voyages intracommunautaires, le 1er juillet prochain, ce qui pénalise directement les liaisons transmanche. Cette mesure brutale risque d'entraîner la perte de l'armement français SeaFrance, qui tire la moitié de ses recettes de ces ventes. C'est d'autant plus inadmissible que l'entreprise pourrait tirer profit de la croissance du transport maritime de camions en affrétant un cinquième navire.

Si la disparition du hors taxe semble inéluctable, elle devait toutefois s'accompagner d'une harmonisation des droits d'accises et des taux de TVA au sein de la Communauté. Or c'est plutôt l'inverse qui s'est produit. Pouvez-vous nous donner quelques assurances quant aux actions entreprises par la France auprès de la Commission et du Conseil en ce domaine ? Je sais que vous avez obtenu un vote unanime de vos collègues au sein du conseil des ministres européens des transports sur cette question, malheureusement nous ne fûmes que cinq en arrivant au port... J'espère que les choses n'en resteront pas là.

M. Michel Bouvard - Mais c'est vous qui avez accepté cela en 1991 !

M. André Capet, rapporteur pour avis - Je sais votre attachement, Monsieur le ministre, à faire respecter, au sein de la Communauté, la diversité des situations. Les frais de dragage et d'entretien des chenaux d'accès maritime, l'entretien des ouvrages de protection contre la mer, qui participent d'une mission de sécurité et de service public, ne sauraient être externalisés.

C'est pourquoi, même si chacun convient de la nécessité d'une concurrence saine et loyale entre les ports, nous ne saurions accepter une politique portuaire européenne centralisée.

En conclusion et en attendant vos réponses, Monsieur le ministre, ce budget pour les transports maritimes et fluviaux confirme l'efficacité de votre action, comme en témoigne l'activité croissante de nos ports maritimes.

La commission de la production a donc émis un avis favorable à l'adoption des crédits des transports maritimes et fluviaux pour 1999 (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe communiste).

M. le Président - Les rapporteurs ont dépassé leur temps de parole de vingt minutes. Je suis sûr que les orateurs de la discussion générale auront à coeur de respecter le leur.

M. Gilbert Biessy- L'an dernier à la même époque, je vous avais concédé, Monsieur le ministre, que votre budget pour l'année 1998 n'était pas sous votre pleine maîtrise.

M. Michel Bouvard - Il n'en était que meilleur !

M. Gilbert Biessy - En effet, ce budget avait été, pour l'essentiel, bouclé par le gouvernement précédent. J'avais ajouté que cet argument ne vaudrait pas pour les années suivantes. Nous sommes donc en face de votre premier véritable budget.

Tout en étant marqué par les orientations budgétaires générales du Gouvernement, il augmente de près de 4 % en moyens d'engagement de paiement, croissance supérieure à celle de la plupart des autres budgets.

La question que nous devons nous poser à son sujet est de savoir s'il répond aux besoins de notre pays. Ils consistent dans le nécessaire arrêt du démantèlement du réseau ferré, particulièrement des lignes secondaires, dans la relance du fret ferroviaire et du développement de plate-formes multimodales, dans la fin de l'hémorragie des emplois dans l'administration de l'équipement, qui avait planifié 1 000 suppressions d'emploi par an depuis des années, et dans une amélioration concrète de la sécurité des déplacements pour en finir avec l'hécatombe que constituent les 8 000 morts par an sur la route.

Nous avons également besoin, dans ce secteur sans doute plus que dans tout autre, d'une vision européenne dynamique et ambitieuse, de même qu'il nous faut désengorger les villes et abandonner, en matière fluviale, les projets pharaoniques au profit d'axes efficaces, tel l'axe Seine-Nord.

Enfin, nous avons surtout besoin d'un changement majeur de mentalité en matière de transports dans ce pays, afin que soit enfin remis en cause le tout-automobile, dans une logique de développement durable. Ce changement de mentalité ne s'obtiendra pas par décret, mais grâce à une offre de transport dense et efficace et à des conditions tarifaires compétitives.

Tout cela est-il lisible dans le budget qui nous est soumis ? Sans hésiter, je réponds "oui !".

Ce budget qui privilégie le rail et l'intermodalité est en effet le premier qui marque une inversion de tendance au profit des transports collectifs. La part du secteur ferroviaire dans le FITTVN passe ainsi de 42 % à 48 %, alors que celle des routes recule de 47 % à 40 %. Ce choix se retrouve au niveau du budget consolidé, avec une augmentation pour les transports terrestres de 6,5 %, tant en moyens d'engagement qu'en moyens de paiement. Des moyens supplémentaires sont engagés pour stabiliser la dette de RFF sans que le patrimoine soit délaissé : le programme de réhabilitation et de renforcement des chaussées augmente de 26 % en autorisations de programme et de 22 % en crédits de paiement.

Par ailleurs, les crédits de la sécurité routière, progressent de 4 % et s'ajoutent aux investissements de sécurité classiques et aux mesures du projet de loi en cours d'examen.

Les autorisations de programme bénéficiant aux transports collectifs de province augmentent de 11,5 %, après une augmentation de 11 % l'an dernier, ce qui permet de poursuivre le développement de transports urbains en site propre.

Ce choix s'accompagne notamment en matière de plans de déplacements urbains d'un développement de la politique contractuelle qui s'inscrit dans une logique de complémentarité des modes de transports, cycles y compris.

Cependant des taches sombres subsistent. Ainsi, si la suppression planifiée de 1000 emplois annuels par les précédents gouvernements est abandonnée, la stabilisation globale des effectifs publics décidée par le Gouvernement aboutit dans de nombreux ministères dont celui de l'équipement à un solde d'emplois très largement négatif. Nous refusons cette logique comptable car la charge de travail, elle, ne diminue pas, ce qui peut entraîner de sérieuses difficultés.

En outre, ce budget ne permet pas de rattraper les retards dans la réalisation des infrastructures inscrites au contrat de plan qui s'achève. Nous le regrettons et, tout en reconnaissant qu'il aurait été bien difficile de le faire, nous demandons que le mieux soit fait à cet égard.

Les limites de votre budget justifient une réorientation de la planification remettant à plat le système de financement des routes et des concessions autoroutières et accentuant le partenariat entre l'Etat et les régions, notamment pour le rail.

Il faut surtout changer de rythme en matière de développement des transports collectifs urbains afin de rendre une partie des villes aux piétons et aux cyclistes. Cela implique de dégager de nouveaux moyens pour financer les infrastructures supplémentaires nécessaires à leur fonctionnement.

Dans la plupart des pays d'Europe du Nord, l'Etat participe au fonctionnement des transports publics urbains. En France, seule la région parisienne jouit de ce privilège...

M. Michel Bouvard - Exorbitant !

M. Gilbert Biessy - ...d'ailleurs remis en cause par vos prédécesseurs.

Depuis de nombreuses années, avec d'autres, je formule la proposition d'une affectation d'une partie de la TIPP au fonctionnement des transports urbains de province, pour permettre aux autorités organisatrices d'adopter des politiques tarifaires incitatives et de renforcer massivement les réseaux.

Cette proposition est financièrement réalisable, elle est en outre d'une grande portée politique car, enfin, les usagers sauraient pourquoi ils payent l'essence si cher !

Je vous demande, Monsieur le ministre, de prendre de l'engagement de faire examiner cette question en concertation avec la représentation nationale.

Même si l'élaboration de votre budget a dû tenir compte de contraintes, ses choix qui témoignent de votre pratique du dialogue en font un bon budget, soucieux du présent et riche de perspectives. C'est la raison pour laquelle le groupe communiste votera votre budget, Monsieur le ministre (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste et du groupe socialiste).

M. Marc-Philippe Daubresse - Une fois de plus, c'est d'un budget hautement stratégique que nous débattons. "Ce budget, avez-vous dit en commission, n'est qu'une étape qui s'inscrit dans une perspective". Formule habile, qui vous a permis depuis seize mois de laisser aller au fil de l'eau, sous le regard intéressé de nos partenaires européens, la France des transports.

Il y a un an, j'avais affirmé que mon groupe attendrait pour juger votre budget puisque celui de 1998 se situait dans la droite ligne du remarquable travail de Bernard Pons et d'Anne-Marie Idrac.

Aujourd'hui, vous nous laissez sur notre faim, en prétextant qu'il faut attendre la mise en place des schémas de service pour que la France ait une politique en matière d'infrastructures de transport.

Il faudrait attendre, à vous en croire, le futur débat sur la loi Voynet d'aménagement du territoire et les nouveaux contrats de plan qui en découleront théoriquement, si tout va bien, et s'il y a suffisamment de députés de la majorité plurielle dans l'hémicycle pour voter cette loi (Protestations sur les bancs du groupe socialiste). Nous pouvons donc peut-être espérer, si ce projet est soutenu par les régions, avoir une politique des transports mais à un terme inacceptable au regard des enjeux, qui exigent une action urgente.

Nous ne pouvons donc plus nous satisfaire de promesses sur le financement des infrastructures, sur la réforme de la SNCF, sur l'intermodalité, enfin, dont vous êtes devenu brutalement un jour le héraut converti, comme Saint-Paul sur le chemin de Damas (Rires).

Qu'en est-il, en effet, un an après ? La réforme des concessions autoroutières est au point mort et les crédits autoroutiers sont en baisse sensible...

M. Guy Hascoët - Tant mieux !

M. Marc-Philippe Daubresse - ...précisément au moment où il faudrait développer des liaisons européennes.

Le transport combiné est lui aussi au point mort et il faut bien du courage aux opérateurs pour ne pas jeter l'éponge devant une pareille démission de l'Etat, qui laisse des irresponsables prendre en otage les véhicules et les marchandises.

Vous nous dites affecter une hausse de 10 % des crédits au seul profit des opérateurs du transport combiné dans le FITTVN. La réalité est tout autre. Vous n'avez pas réglé le problème des plates-formes multimodales, qui sont les noeuds stratégiques du transport combiné.

Vous n'avez pas réglé non plus le problème des saturations ferroviaires et des points noirs du transport combiné dont nous avions pourtant dressé la liste. Leur résorption exigerait au moins cinq milliards d'investissements : RFF n'en a malheureusement pas le premier franc ! En réalité, vous ne vantez l'alternative intermodale que pour donner un peu plus d'argent à la SNCF. En préférant un fonctionnement non maîtrisé à un investissement indispensable, vous offrez tous les arguments aux partisans du statu quo.

Pour développer le transport combiné, avec l'objectif, rappelons-le, de diminuer le nombre de camions sur nos routes, un investissement annuel d'au moins 300 millions par an serait nécessaire. Ce n'est pas avec les 50 petits millions prévus à ce titre dans votre budget que s'enclenchera une dynamique en faveur de l'intermodalité ! On est loin de vos déclarations d'intentions ! La plate-forme multimodale de Dourges, qui serait idéalement située et est ardemment souhaitée par tous les acteurs locaux, devrait coûter 1,3 milliard, dont l'Etat ne prend à sa charge pour l'instant que 10 %.

De même, est-ce avec les 450 millions accordés à VNF pour 1999 que vous entendez donner un signal fort pour la réalisation de la liaison Seine-Nord, dont le coût est estimé à 18 milliards ?

J'en viens à RFF et à la SNCF. RFF est au pied du mur, avec une dotation proche des remboursements qu'elle doit effectuer chaque année. M. Filleul a lui-même souligné que cette dette étouffait toutes les possibilités d'investissement. Comment dès lors financera-t-on les investissements pourtant indispensables au développement des lignes TGV comme du fret ferroviaire ? Comment réglera-t-on le problème des péages d'utilisation des infrastructures ? Relever leurs tarifs pour assurer la survie de RFF risque de grever encore davantage les comptes de la SNCF. La réponse réside d'abord dans la réduction des frais de fonctionnement de la SNCF, et non dans une nouvelle prise en charge par l'Etat sous forme de compensation.

Pour ce qui est des corridors de fret ferroviaire, les autres pays européens n'attendront pas la France, comme on l'a vu déjà lors des grèves de 1995. Les trains passeront le long de nos frontières et iront jusqu'à des ports sûrs en évitant les nôtres, pourtant dynamiques, tel celui du Havre. Ne vaudrait-il pas mieux adopter, comme l'Allemagne, le Benelux ou l'Italie, une stratégie d'alliances, en globalisant la gestion des flux au niveau européen et en l'attribuant au mieux-disant, à des années lumière de la querelle hexagonale actuelle sur l'unicité ferroviaire ?

Face au manque de moyens, vous avez opté pour la méthode chère à la gauche, communiste ou socialiste : augmenter les taxes ! Qui va payer la compensation des taxes sur le gazole, qui curieusement d'ailleurs ne bénéficie pas aux transports collectifs ? Le contribuable, bien sûr ! Qui va s'acquitter de la nouvelle taxe sur les locaux commerciaux que vous avez créée en Ile-de-France ? Les entreprises ! Qui va trinquer ? L'emploi. Pour les aéroports, vous substituez aux redevances habituelles un financement par l'impôt. Qui va encore payer ? Le contribuable !

M. Michel Bouvard - Comme d'habitude !

M. Marc Philippe Daubresse - Puisse-t-il ainsi apprécier ce que la gauche plurielle entend par "baisse réelle des impôts !"

S'agissant du transport aérien, où en est le désengorgement de Roissy ? Où en est le déclin annoncé d'Orly, qui va amener de grandes compagnies à porter plainte à Bruxelles pour concurrence déloyale ? Où en est le dossier du troisième aéroport francilien ? Est-il vrai que la SNCF s'est alliée à une compagnie étrangère alors qu'elle est incapable de maîtriser l'intermodalité avec Air France à Roissy ?

Je n'insisterai pas sur les transports maritimes dont M. Lengagne nous a donné toutes les raisons de voter contre les crédits, en nous expliquant qu'il fallait voter pour ! Je n'insisterai pas non plus sur le rapport décapant de M. Capet (Sourires) sur les duty-free.

Monsieur le ministre, faire vivre le pavillon français, ce n'est pas se cacher frileusement derrière l'exception française, ce qui conduirait à exclure la France des nations qui créent de la richesse et des emplois durables. Si la France des transports persiste à ne pas préparer l'avenir, en 2010, l'Europe ferroviaire sera allemande, l'Europe maritime sera néerlandaise, et l'Europe aérienne sera britannique. C'est une lourde responsabilité que nous vous laissons.

Votre budget ne répond absolument pas à la situation actuelle en Europe et dans le monde. Vous n'avez pas les moyens de vos ambitions. Vous vous bornez à augmenter les taxes et les recettes de poche au lieu de faire les investissements stratégiques qui éviteraient à la France de devenir un désert économique dans l'Europe des transports.

Le groupe UDF-Alliance votera résolument contre ce budget qui reste dans le domaine du discours quand il faudrait agir... (Protestations sur les bancs du groupe socialiste)

M. Jean-Jacques Filleul, rapporteur pour avis - Qu'avez-vous fait, vous ?

M. Marc-Philippe Daubresse - Nous avons fait beaucoup. Nous voterons contre ce budget qui endort notre pays quand il serait urgent de relever les défis de nos concurrents européens et mondiaux, et qui ne répond, en aucune manière, aux problèmes sociaux et d'environnement que crée la saturation de la circulation dans nos villes et sur les grands axes (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF, du groupe DL et du groupe du RPR).

M. Jacques Fleury - Je suis surpris de la leçon qui vient de nous être donnée quand on connaît le bilan des gouvernements précédents (Protestations sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL ; applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

Votre budget pour 1999, Monsieur le ministre, même s'il ne constitue pas une priorité retenue cette année par le Gouvernement, infléchit la politique des transports dans le sens souhaité par le groupe socialiste.

Nous apprécions la stabilisation de la dette ferroviaire avec la nouvelle dotation de 13 milliards à RFF, après les 10 milliards de l'an passé. Si on en était resté aux 8 milliards prévus dans la réforme Pons, la dette de RFF se serait à nouveau aggravée.

Votre budget marque aussi une volonté de rééquilibrer l'effort de l'Etat en faveur du transport ferroviaire puisqu'au sein du FITTVN, l'essentiel de l'effort porte sur les investissements de transport ferroviaire et combiné dont les crédits dépassent pour la première fois ceux affectés à l'investissement sur le réseau routier. C'est une bonne chose : nous connaissons les limites et les nuisances du tout-routier.

Pour le moment, ces crédits sont essentiellement consacrés aux TGV. Mais les besoins sont considérables aussi dans d'autres secteurs pour offrir au fret des lignes compétitives, assurer à nos ports des liaisons satisfaisantes avec l'arrière pays, multiplier les plates-formes multimodales.

Il faudra trouver pour RFF les moyens de gérer sa dette mais aussi moderniser le réseau ferré, sachant que les péages que peut verser la SNCF doivent demeurer compatibles avec le maintien de l'équilibre de son compte d'exploitation.

Un effort particulier est également consenti en faveur des transports collectifs en province, des infrastructures en site propre et de la modernisation des transports collectifs urbains. Nous nous félicitons de la contribution de l'Etat aux mesures tarifaires prises en faveur des demandeurs d'emploi, des jeunes et des étudiants.

Nous nous félicitons que la France, en matière de transport ferroviaire, refuse sous votre égide l'ultralibéralisme dogmatique préconisé par la Commission européenne et lui oppose une véritable politique de coopération qui a déjà obtenu des résultats concrets.

S'agissant du transport routier, votre budget permettra à l'Etat de respecter les engagements qu'il a pris en 1996 envers la profession.

L'annulation par le Conseil d'Etat du décret pris par le gouvernement Juppé en décembre 1996 sur la rémunération des transporteurs durant les pauses, dont le Gouvernement n'est évidemment pas responsable, a pu être tenue pour une provocation par les chauffeurs. Je souhaite, comme vous, que la négociation débouche sur un accord. A défaut, quelles dispositions comptez-vous prendre pour remédier au vide juridique ? Il serait préférable, pour éviter toute distorsion de concurrence, que la question soit débattue à l'échelon européen. Une négociation entre les représentants du patronat et des travailleurs avait abouti à un projet d'accord sur la réduction à 48 heures en moyenne de la durée du travail hebdomadaire, qui bien que se limitant aux salariés du transport pour compte d'autrui, n'a pu être finalisé. Certains transporteurs revendiquaient en effet des possibilités de dérogation nationale qui en réduisaient totalement la portée.

La question doit donc être réglée par une directive européenne. Il serait surprenant qu'au moment où treize pays sur quinze, en Europe, sont gouvernés à gauche, nous n'obtenions pas satisfaction ! Dans quels délais pourrait-elle être adoptée ?

La concurrence ne trouve d'ailleurs pas seulement son origine dans les divergences de politique de rémunération ou de durée du travail. Les transporteurs français sont défavorisés. En effet, nos partenaires appliquent, de façon plus laxiste que nous, certaines réglementations européennes, multiplient les contrôles tatillons contre nos propres transporteurs, utilisent des matériels interdits en France ou ne répondant pas aux mêmes normes. Une harmonisation technique est donc aussi nécessaire. La concurrence doit être loyale pour que nous puissions sauvegarder le transport français tout en exigeant de meilleures conditions de travail et de sécurité. A défaut, pourquoi serions-nous plus naïfs que nos concurrents ?

Le groupe socialiste votera votre budget (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe communiste).

M. Guy Hascoët - Ce budget concrétise clairement deux priorités : conforter le transport en commun, en particulier ferroviaire, et améliorer la sécurité routière.

Vous confirmez, Monsieur le ministre, la volonté du Gouvernement de favoriser le redressement de la SNCF en accélérant son désendettement. Sortons du débat manichéen consistant à se demander qui a commencé à se soucier de ce redressement ou qui a pris les meilleures décisions ; l'important est que la consolidation se poursuive de façon que la SNCF puisse à nouveau se montrer conquérante.

S'agissant des transports en commun, je ne trouve pas normal que la dotation TER pour Paris et l'Ile-de-France soit égale à celle dévolue au reste de la France. Je ne vois pas pourquoi une région comme la mienne, qui dispose d'un potentiel fiscal moitié moindre que celui de l'Ile-de-France, devrait compter sur ses seules ressources pour par exemple renouveler son matériel tandis que l'Ile-de-France, la région la plus riche, bénéficierait d'une intervention de l'ensemble de l'hexagone pour satisfaire aux mêmes obligations.

MM. Jean-Luc Warsmann et Michel Bouvard - Très juste.

M. Guy Hascoët - Si les investissements prévus pour le fret restent timides, je ne doute pas qu'il en ira autrement après l'adoption de la loi d'orientation pour l'aménagement durable du territoire et la définition des schémas de service.

On évoque parfois la possibilité d'un plan de relance européen. J'espère qu'il ne s'agit pas de financer un énième schéma autoroutier car ce serait catastrophique. C'est d'un schéma multimodal permettant une circulation non routière du fret que nous avons besoin, pas de nouveaux rubans de bitume. Etant d'une région où passe 50 % du fret, je parle en connaissance de cause. Nous ne voulons plus d'autoroute, nous en avons assez et même pléthore...

M. Yves Nicolin - Vous avez de la chance !

M. Guy Hascoët - Un camion français sur deux ou un conteneur français sur deux qui passe chez vous, ce n'est pas forcément de la chance. Mais nous sommes disponibles pour des alternatives à la route et une offre diversifiée. Dans l'immédiat, une impulsion pourrait être donnée pour déterminer les axes prioritaires et étudier les conditions de la mise à niveau des réseaux existants. Un chantier important nous attend, donc.

En tant qu'administrateur de VNF, je me félicite que pour la seconde année consécutive sa dotation soit en hausse. Le patrimoine fluvial mérite cette attention.

A l'heure où se dessinent les contrats de plan, Monsieur le ministre, j'espère que vous pousserez vos DRE à faire preuve d'imagination et à ne pas se contenter du tout-routier. Qu'ils pensent aux plates-formes intermodales, à la voie navigable, aux ports, au rail, etc. J'espère aussi que les nouvelles programmations européennes intégreront mieux cette nécessité de la diversité.

S'agissant des contrats de ville, il me paraît nécessaire que l'Etat soutienne des programmes pilotes ou expérimentaux offrant par exemple une plus grande place aux deux roues et aux piétons, dans lesquelles une collectivité locale hésite à s'engager toute seule.

Les députés verts voteront ce budget (Applaudissements sur les bancs du groupe RCV et du groupe socialiste).

M. Francis Delattre - Nos rapporteurs ont mis beaucoup de soin à ne pas citer certains éléments de leur rapport qui auraient montré combien ce budget manque d'ambition et de souffle. En régression dans sa capacité d'investissement, ce budget se contente en effet d'accompagner des projets déjà lancés. Hors logement, il n'atteint que 85,2 milliards, soit aucune progression par rapport à 1998 si on n'intègre pas les ressources financières des comptes d'affectation spéciale et les dotations en capital.

Vous affichez, Monsieur le ministre, une forte priorité donnée aux transports terrestres mais je ne note, pour ma part, qu'une maigre progression de 0,6 %, et donc même pas une reconduction en francs constants. Seul Réseau Ferré de France tire son épingle du jeu puisque sa dotation passe de 10 à 13 milliards, dans le cadre d'un effort visant à stabiliser sa dette. Mais cet effort financier est partiellement remis en cause par d'autres décisions qui entravent la gestion des effectifs, et ce alors que la totalité des recettes commerciales de la SNCF est absorbée par la masse salariale...

M. Jacques Desallangre - Vous voulez une SNCF sans cheminots ?

M. Francis Delattre - Non, mais avec des cheminots aux bons endroits. Car la SNCF a plusieurs défis à relever, à commencer par ceux de la fiabilité, de la sécurité et de la qualité, bataille qui est loin d'être gagnée en région parisienne. Sur certaines lignes SNCF de banlieue, je puis vous dire qu'il est aventureux de circuler après 20 heures.

Plusieurs députés socialistes - Et vous, qu'avez-vous fait ?

M. Francis Delattre - Dans ce domaine, les investissements et les actions s'apprécient sur au moins dix ans. Or, entre 1988 et 1998, la gauche a été au pouvoir six ans et nous quatre ; la responsabilité est donc largement partagée.

Le transport constitue une préoccupation essentielle pour les habitants de la région Ile-de-France. Or les désagréments quotidiens se multiplient, qu'il s'agisse de l'inconfort de rames surchargées, des retards fréquents, du mauvais entretien des infrastructures ou de l'insécurité croissante. A quoi s'ajoutent des grèves périodiques, en particulier dans le nord de la région.

Face à ce constat, il faut se poser la question : qui dirige les transports en commun dans la région parisienne ? J'ose le dire, Monsieur le ministre : ce n'est pas vous. Ce n'est pas non plus la région et à peine plus le Syndicat des transports parisiens. C'est un ensemble de "nomenclaturistes" dont certains appartiennent aux Ponts-et-Chaussées, d'autres à des bureaux du ministère des finances...

Il faut que nos collègues de province sachent que les élus de la région parisienne aimeraient avoir les moyens de gérer les transports en commun de leur région. Mais ils ne les ont pas. Certes on consulte les élus, mais on ne les associe pas aux grandes décisions. C'est ainsi que l'Etat a choisi les projets Eole et Meteor, qui sont certes de magnifiques équipements et une très belle vitrine mais qui ont été réalisés au détriment de la desserte entre banlieues. Est-il normal que pour aller de Saint-Quentin-en-Yvelines à Cergy-Pontoise, il faille passer par le centre de Paris ? Si la responsabilité appartenait aux élus, de telles aberrations, j'en suis persuadé, pourraient être évitées. L'exemple des partenariats avec la SNCF tissés par une dizaine de régions semble le montrer.

Ces inconvénients du manque de maîtrise de la région parisienne sur les décisions semblent réapparaître à l'occasion d'une excellente idée, celle des tangentielles, qui, en rupture avec la primauté des liaisons axiales avec Paris, doivent assurer les dessertes interbanlieues. Or le premier projet qui semble se dessiner, s'il démarre bien du côté d'Argenteuil, finit plutôt mal à quelques encablures du périphérique... Une tangentielle vraiment utile, contribuant à l'aménagement, serait celle qui relierait Cergy, le Bourget et Roissy. J'appelle donc votre attention, Monsieur le ministre, sur ce qu'on peut considérer comme le détournement d'une très bonne idée.

M. le Président - Il faudrait conclure.

M. Francis Delattre - Si l'on veut que le Parlement retrouve quelque lustre, peut-être faudrait-il que des orateurs qui s'expriment une fois l'an puissent développer correctement leur propos, fussent-ils de l'opposition...

Les crédits routiers régressent, toutes ressources confondues. Vous avez reconnu en commission des finances, Monsieur le ministre, que la baisse des investissements routiers neufs ne permettra pas l'exécution des contrats de plan. Comme le note notre rapporteur, les crédits régressent de 3,5 % en AP et de 5,3 % en CP. Si on ajoute que le FITTVN recule de 240 millions, la baisse est de 6,2 % pour l'ensemble des crédits routiers. Un seul poste reçoit votre soutien, et c'est l'entretien et la rénovation du réseau existant. Un mot sur la sécurité routière. On a conduit il y a quelques années un plan d'élimination des points noirs. Mais aujourd'hui on en recrée ! Je pense à cet endroit, sur le tronçon autoroutier souterrain qui relie la Défense à l'A 13, où l'on passe de deux voies larges à un boyau de la mort où deux camions ne peuvent se doubler, et sans éclairage... Il est stupéfiant qu'on recrée ainsi des points noirs, et je pourrais multiplier les exemples.

On dépense beaucoup d'argent en communication sur la sécurité routière. Mais des actions très simples seraient plus efficaces, concernant par exemple la signalisation au sol sur le réseau secondaire : certaines routes nationales, après rebitumage, attendent deux ans que cette signalisation soit refaite.

M. le Président me permettra peut-être d'ajouter un mot sur Roissy.

M. le Président - Je vous l'accorde (Sourires).

M. Francis Delattre - Le développement du trafic conduira sans doute à dépasser les prévisions de 500 000 mouvements d'avions et de 55 millions de passagers qui ont été retenues dans la difficile négociation sur les deux nouvelles pistes. Or il faut dix ans pour mettre en place une troisième plate-forme du niveau d'Orly ou de Roissy. Vous allez donc avoir des décisions à prendre rapidement, Monsieur le ministre, faute de quoi les engagements pris par l'Etat dans cette négociation ne pourront être tenus. Je vous poserai, d'autre part, deux questions concernant Roissy. Vous avez émis l'idée que les riverains, qui subissent les inconvénients de l'aéroport, pourraient en avoir aussi certaines retombées économiques : quelles sont vos intentions à ce sujet ? D'autre part, pour qu'on puisse avoir un débat sérieux sur le problème des nuisances de Roissy, vous avez prévu qu'une autorité indépendante vienne épauler les populations riveraines. Quand le texte de loi nécessaire nous sera-t-il proposé ?

Votre budget nous semble manquer d'ambition. C'est pour cette raison principale que le groupe DL votera contre (Applaudissements sur les bancs du groupe DL, du groupe du RPR et du groupe UDF).

M. Michel Bouvard - C'est l'un des principaux budgets du pays que nous examinons, et le groupe RPR a souhaité en faire une lecture objective. J'exposerai également la position du rassemblement quant à l'avenir, dans un contexte européen marqué par la libéralisation progressive du secteur des transports.

Le budget, tout d'abord : la croissance européenne retrouvée devrait dégager de 60 à 80 milliards de recettes supplémentaires, à constater en loi de finances rectificative 1998, et permet dès maintenant, même si l'hypothèse de croissance semble surestimée, d'afficher un budget total de l'Etat en progression de 2,3 % pour 1999. Chacun pouvait donc s'attendre à ce que le budget de l'équipement et des transports reflète la position exprimée par le Gouvernement en faveur d'une croissance durable favorisant l'emploi. Or ce budget est en stagnation par rapport à 1998. Il ne figure d'ailleurs pas dans les priorités du Gouvernement, comme l'indique officiellement le document de présentation du budget.

Les chiffres traduisent cette dure réalité. Les crédits des services communs progressent de 0,4 %, moins que l'inflation, tout comme ceux des crédits des transports terrestres, avec 0,6 %. Les crédits routiers accusent une baisse de 5,3 %. Elle est de 1,1 % sur les crédits du transport aérien. Seul le budget de la mer, avec une progression record de 1 %, échappe au régime sec et passe le cap de l'inflation. Dès lors, je comprends que notre rapporteur préfère ouvrir son rapport par une réflexion sur des perspectives européennes, plutôt que sur la froide réalité des chiffres...

Ce budget permet-il néanmoins de faire face ? Je ne le crois pas. Certes les ressources provenant d'une débudgétisation progressive, dénoncée sur tous les bancs de l'Assemblée depuis plusieurs années, et qui s'amplifie depuis deux ans, permettent de satisfaire à quelques urgences. Seuls en effet, les moyens mobilisés au travers du FITTVN, pour 3,93 milliards, et du FARIF assureront les investissements minima dans les transports terrestres. Le budget des routes est le grand perdant, avec une chute de 3,5 % des autorisations de programme et de 5,3 % des crédits de paiement. Les crédits du FITTVN, que le ministère intègre au budget pour masquer une partie de cette baisse, améliorent certes l'enveloppe, mais régressent eux-mêmes de 240 millions. Situation préoccupante, puisque 1999 marque la dernière année du contrat de plan et que le taux de réalisation du XIème plan sera à peine satisfait à 80 % dans le secteur routier. De nombreuses opérations d'amélioration des dessertes et des conditions de transport ne seront pas réalisées dans les délais, et Mme le ministre de l'environnement et de l'aménagement du territoire a déjà annoncé que le prochain contrat de plan serait à la baisse pour le secteur routier.

Le groupe RPR n'a jamais posé la route et le rail en adversaire, mais les a toujours tenus pour complémentaires. Après la suspension ou l'annulation de plusieurs projets autoroutiers à la demande d'une partie de la majorité, le budget 1999 des routes est un mauvais coup porté à l'équipement de notre pays, notamment dans les parties du territoire où il n'existe pas d'alternative à la route.

Seule satisfaction, la poursuite de l'action engagée par votre prédécesseur pour accroître les crédits d'entretien et de maintenance du patrimoine routier, avec une progression de 74,37 millions au chapitre 53-42 du titre V. Cette progression reste toutefois largement inférieure à la chute des crédits d'investissement de 706 millions sur le chapitre 53-43 du même titre. Même en intégrant les crédits du titre VI, la chute de l'investissement dépasse 650 millions. Nous apprenons en outre la suppression de quelque cinq cents postes supplémentaires dans les services du ministère, qui conduit à s'interroger sur les moyens de fonctionnement des DDE. C'est la poursuite d'une évolution ancienne, mais qui a des limites ; il y a longtemps que les gains de productivité ont été obtenus.

La baisse des crédits routiers profite-t-elle aux autres secteurs, ce qui constituerait une réorientation de votre action ? Hélas non. Considérons les transports ferroviaires.

La réforme de 1996 a dissocié deux entreprises publiques, la SNCF, exploitant ferroviaire, et RFF, propriétaire des infrastructures. Pour RFF, le poids de la dette d'infrastructure transférée de 134,2 milliards pèse sur les résultats. Le budget adopté en juillet 1997 prévoyait un résultat négatif de 12,86 milliards. Il aura été de 14,09 milliards après dotation aux amortissements. Pour 1998, le résultat net négatif devrait s'établir à 14,5 milliards. Les dotations de l'Etat aux charges d'infrastructure et à la contribution à la défense, respectivement 11,81 et 5 milliards en 1998, ne permettent pas de trouver un équilibre en raison du poids de la dette et des besoins d'infrastructures nouvelles. La sortie du régime transitoire prévu par le décret de 1997, s'agissant de la redevance d'usage, permettra de déterminer plus précisément les conditions de l'équilibre. L'exercice est délicat. Il faut que la redevance d'usage suffise pour assurer l'entretien des infrastructures et un certain nombre d'investissements, sans pénaliser la SNCF, mais sans créer une référence trop basse de redevance par rapport à d'éventuels opérateurs ferroviaires étrangers. Vous avez proposé, Monsieur le ministre, un apport supplémentaire de l'Etat de 37 milliards au secteur ferroviaire sur la période 1999-2001. Nous saluons cet effort, mais restera le problème du financement des infrastructures nouvelles. Notons que le financement du TGV-Est n'est toujours pas assuré.

Le projet louable d'équilibrer les investissements entre les besoins du réseau classique et les lignes nouvelles risque de ne pouvoir être respecté dans les cadres budgétaires traditionnels. Il faudra alors sacrifier des lignes nouvelles ou pénaliser le réseau classique et le fret.

C'est pourquoi le groupe RPR suggère une réflexion sur la façon de mobiliser les ressources financières à long terme qui font actuellement défaut. La Caisse des dépôts ou les caisses d'épargne pourraient être sollicitées -à condition que l'Etat ne prélève pas abusivement ces établissements comme il le fait dans ce budget.

Dans les domaines ferroviaire et routier, notre groupe regrette que le schéma directeur des transports ait été rejeté, avant même d'avoir vu le jour, par votre collègue de l'environnement, au profit d'un schéma de services collectifs qui risque d'arriver tard et de ne plus être d'aucune utilité au moment de la discussion du contrat de plan. Des remises en cause de ce type risquent de déboucher sur des investissements qui n'auraient pas l'efficacité requise.

La SNCF voit maintenir ces dotations, ce qui, compte tenu de l'amélioration des comptes liée à l'allégement de la dette et à la reprise des trafics, doit lui permettre de faire face à ses engagements. Nous tenons à saluer à cette occasion l'effort de reconquête de la clientèle. A côté de la progression des trafics TGV et fret, il convient de constater l'effet positif de la réforme portant régionalisation des services voyageurs, puisque le trafic croît de 4,6 % dans les régions expérimentales contre 1,5 % dans les autres et les recettes de 4,9 % contre 2 %.

Au bout de deux ans, la réforme qu'au nom du parti socialiste, M. Filleul avait qualifié ici d'insuffisante et dangereuse, s'avère donc positive (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste).

S'agissant du transport en commun, je relève d'abord que la dérive des comptes en Ile-de-France n'est pas enrayée, malgré une amélioration de la fréquentation. La dotation d'équilibre s'accroîtra encore cette année de 50 millions, somme symbolique, puisqu'elle correspond au prélèvement effectué par l'Etat sur les réseaux de province, du fait de la hausse du gazole.

Le groupe RPR souhaite connaître les intentions du Gouvernement sur le devenir du Syndicat des transports parisiens, au moment où la prochaine discussion des contrats de plan mériterait que soient clarifiées les compétences de l'Etat et des collectivités. Les erreurs d'investissement, lourdes de conséquences pour les finances publiques et que les réussites technologiques ne peuvent, seules masquer, doivent inciter à une remise en ordre avant d'engager une nouvelle étape. Les besoins sont importants en grande couronne, mais aussi à Paris même, avec le projet de tramway de la ville et une plus grande efficacité doit être trouvée, si on ne veut avoir comme seule solution d'augmenter la dotation d'équilibre de l'Etat, ou de créer, comme vous le proposez cette année, de nouvelles taxes dans le cadre du FARIF.

S'agissant des transports de province, les crédits inscrits au budget ne permettront pas d'assurer la participation de l'Etat aux projets à engager : tram de Bordeaux, de Lyon, de Montpellier, métro de Toulouse ou prolongement du tram de Strasbourg. Là aussi, la mobilisation de ressources à long terme permettrait de satisfaire les besoins.

La hausse du gazole prélèvera 45 millions sur les réseaux de province, en limitant leur capacité de renouvellement du parc, alors que ces réseaux ont souvent été innovants sur les modes de propulsion écologiques. J'ai suggéré que ce prélèvement supplémentaire puisse abonder le fonds de modernisation des réseaux, avec une priorité pour les investissements dans des bus utilisant les énergies propres. Cette suggestion n'a pas été retenue, hélas, par M. Sautter.

Quelques mots sur le budget de l'aviation civile, placé lui aussi sous le signe de la rigueur, avec une progression limitée à 2,3 % des crédits de paiement consacrés au transport aérien -après une progression de 13 % en 1998, il est vrai- mais surtout une stagnation des AP pour la construction aéronautique et une diminution des CP de 13 % du même secteur. La dotation aux investissements de l'ONERA diminue de 26 %, après une chute de 37 % en 1998 : ces crédits permettront-ils de faire face aux besoins ? Même la météo n'est pas épargnée, puisque la subvention d'investissement à Météo France passe de 234 millions à 220 millions.

Enfin, ce budget ne prend pas en compte l'arrêt du Conseil d'Etat du 20 mai, annulant les arrêtés fixant les redevances pour services terminaux de la circulation aérienne : comment ferez-vous face à cette décision ?

Un mot, s'agissant des voies navigables : si le FITTVN permet l'engagement de travaux sur le canal du Havre à Tancarville ou sur la liaison Dunkerque-Valenciennes, les crédits consacrés sur le domaine de l'Etat à l'entretien et au fonctionnement restent désespérément insuffisants. Quant à la mer, la mesure adoptée l'an dernier sur les quirats réduira inévitablement notre flotte, quels que soient les investissements réalisés par ailleurs pour l'amélioration des infrastructures portuaires.

Ce budget n'a donc pas notre assentiment, d'autant moins que certaines améliorations que nous avons proposées lors de la première partie, et intéressant les transports, comme le passage à 50 000 litres de carburant pour le remboursement de TIPP aux transporteurs routiers nous ont été refusées. Des sujets essentiels pour l'avenir restent aujourd'hui dans le flou, les rumeurs les plus contradictoires circulant parfois. Ainsi qu'en est-il de la position de la France par rapport aux futures concessions d'autoroute ? Le système français a permis de doter notre pays d'un réseau performant, à moindre coût pour le contribuable : qu'en sera-t-il demain pour la réalisation des nouvelles autoroutes en zone urbaine ou au titre de l'aménagement du territoire ?

Qu'en est-il de la libéralisation du transport ferroviaire chère au commissaire aux transports et de la définition des sillons ? Le RPR réaffirme son attachement au caractère public de la SNCF et souhaite savoir comment le Gouvernement entend permettre à celle-ci d'avoir une position conforme à nos intérêts nationaux dans la mise en oeuvre de la politique des sillons. Des dizaines de milliers d'emplois en dépendent.

Si le secteur ferroviaire européen reste largement maîtrisé par les Etats, il en va différemment du transport aérien, et la situation d'Air France devient un handicap : Mme Cresson elle-même recommande une privatisation que le Gouvernement refuse toujours.

M. Jean-Jacques Filleul, rapporteur spécial - Vous doublez votre temps de parole !

M. le Président - C'est que M. Bouvard cumule le temps de parole qui lui avait été accordé avec celui de son collègue M. Marleix.

M. Michel Bouvard - J'ai bientôt fini, de toute façon.

Sur tous ces secteurs, nous avons le sentiment que le Gouvernement cherche à gagner du temps : sans doute avez-vous conscience, Monsieur le ministre, de l'urgence de certaines décisions, mais il semble que le Premier ministre ne puisse se résoudre à des réformes de structures comme celles que nous avions engagées pour la SNCF (M. le ministre s'exclame).

Aussi, le groupe RPR souhaite-t-il que le Gouvernement engage un débat au Parlement le plus rapidement possible sur la position de la France quant aux dossiers communautaires en matière de transport, ainsi que sur le financement des infrastructures au niveau national, car si la relance d'un programme de travaux communautaires est intéressante, on ne peut s'en remettre à un hypothétique accord européen pour le financement de ces équipements. La France doit définir une politique de transport ambitieuse, et ce budget ne le permet malheureusement pas (Applaudissements sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL).

M. Daniel Paul - Comment ne pas ouvrir ce propos sans dire que le deuxième chantier naval civil de notre pays est en ce moment même menacé de disparition. Les ateliers et chantiers du Havre sont sous le coup de l'annonce, qui vient d'être faite par le ministère des finances et de l'industrie, qu'il n'y a aucun repreneur. Je sais que ce n'est pas votre secteur, Monsieur le ministre, mais je veux dire ici que je suis totalement aux côtés des 2 000 travailleurs qui, au Havre, sont concernés par cette décision, que je désapprouve fermement. La responsabilité de la droite est engagée (Interruptions sur les bancs du groupe DL et du groupe UDF) puisqu'elle a exigé de ce chantier qu'il prenne une commande qu'il ne pouvait assumer. Néanmoins, une autre méthode est aujourd'hui possible, ainsi que je l'ai déclaré à M. Strauss-Kahn et à M. Pierret.

J'en viens au budget de la mer. La France est un pays maritime, ce constat affecte l'organisation de son territoire, ses relations extérieures, son rôle dans le monde. De grandes politiques maritimes ont jalonné notre histoire, avec de grandes compagnies de navigation, des industries navales puissantes, un nombre important de marins et de personnels portuaires.

Mais aujourd'hui, avec 210 navires sous pavillon français, notre pays n'est qu'au 27ème rang dans le monde pour sa flotte marchande, l'essentiel de son commerce maritime se faisant sous pavillon étranger -un port comme le Havre peut passer plusieurs jours sans accueillir un seul navire battant pavillon français. Une part importante de notre commerce maritime se fait d'ailleurs par des ports belges et néerlandais. Au moment où le commerce maritime connaît une forte croissance, il est préoccupant de constater que notre pavillon y prend une part faible. C'est notre indépendance qui est ainsi mise à mal.

Dans le domaine des industries navales, la France a payé le plus lourd tribut aux décisions européennes, et aujourd'hui même, le second chantier naval de France est menacé dans son existence. Des politiques successives d'abandon ont conduit à cette situation inadmissible, politiques libérales où les intérêts financiers dominent les activités économiques.

Le comité interministériel de la mer du 1er avril dernier a décidé de rompre avec cette logique et de mener une politique maritime déterminée. Le présent projet comporte diverses mesures en ce sens que le groupe communiste soutiendra car elles vont dans le bon sens et visent à rompre avec la spirale infernale d'un passé d'abandon. Les gens de mer et de la filière maritime placent beaucoup d'espoir dans une politique nouvelle, soucieuse d'entendre tous ceux qui concourent aux activités maritimes et portuaires. Il y faudra de la volonté, du temps et des moyens.

Au moment où la justice se saisit du dossier CGM-CMA, il serait opportun que le Gouvernement intervienne pour éviter que la fusion ait lieu en novembre prochain, consacrant ainsi la dilapidation, dénoncée par les organisations syndicales, de plus d'un milliard de fonds publics.

D'autre part, nous approuvons le refus de l'Etat de participer au plan proposé, par DELMAS tendant à supprimer 152 postes de marins et d'officiers. Néanmoins, cet armement poursuit son objectif et envisage à présent un double statut, sur de mêmes navires, pour des marins français. L'Etat a pris ses distances avec de telles opérations, mais on est loin des concertations qui permettraient de progresser "vers le haut", au moins au niveau européen.

Enfin, nos ports continueront d'évoluer sous l'égide de la puissance publique : c'est le sens du mémorandum du Gouvernement en réponse au Livre vert de la commission de Bruxelles. Vous êtes favorable, Monsieur le ministre, à la protection des statuts.

Vous savez l'inquiétude et la détermination des personnels portuaires et de la manutention. Nous souhaitons qu'ils soient entendus. Je ne doute pas que l'on puisse parvenir à un accord pour que nos ports poursuivent leur redressement, avec leur personnel, car je n'imagine pas qu'ils puissent le faire sans lui et encore moins contre lui.

Les réformes relatives à la composition des conseils d'administration des Ports autonomes, devraient faciliter les choses en assurant un meilleur équilibre entre les partenaires au sein de ces instances.

Les établissements de formation maritime bénéficient d'une augmentation sensible de leurs crédits dans le présent projet de budget. Les armateurs s'inquiètent du manque d'officiers formés qui risque de créer une pénurie à moyen terme... Quant au personnel des lycées maritimes, il pose le problème des postes à créer et celui du rattachement administratif de ces établissements.

Pour ce qui est de la compétitivité de nos ports, dont vous savez l'importance pour l'emploi, les mesures proposées devraient leur permettre de mieux lutter à armes égales avec leurs concurrents. Je pense, en particulier, à l'exonération de la taxe professionnelle en faveur des entreprises de manutention portuaire. Je souhaite, cependant, que cela se fasse en échange de créations d'emplois tenant compte des évolutions du trafic, de la sécurité et de la pénibilité des tâches ; cette mesure doit aussi inciter les entreprises concernées à investir avec la participation des budgets des établissements portuaires. Cette mixité des investissements est justifiée notamment par la nécessité, pour les établissements publics, de préserver la compétitivité de l'outil de travail et d'assurer sa sauvegarde. S'agissant de la propriété de ces matériels, il convient de s'assurer qu'ils restent bien au service du port dans lequel ils se trouvent.

Il convient aussi de bien voir les causes des disparités en matière de tarification et les éléments qu'il faut intégrer dans les coûts pour que la charge ne pèse pas en priorité sur les personnels et sur la masse salariale.

La filière maritime et portuaire doit gagner en cohérence et en efficacité. C'est ce que le groupe communiste appréciera ici à l'Assemblée, comme sur le terrain, avec ses acteurs (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste et sur quelques bancs du groupe socialiste).

M. Jean-Pierre Blazy - Le budget annexe de l'aviation civile met un terme au recul de l'Etat dans ce secteur, puisque sa contribution y est stabilisée à 215 millions.

Le produit de la taxe de sûreté et de sécurité, soit près de 1,3 milliard, représente une part importante de ce budget. Même si le financement prévu pour la sûreté augmente de 52 millions par rapport à l'année dernière, en volume, les 392 millions de dépenses effectivement affectées à des tâches de sûreté représentent une faible partie du produit de la taxe, le reste servant à financer le fonctionnement de la DGAC.

Afin que le Parlement joue pleinement son rôle de contrôle, je renouvelle ma proposition de l'année dernière. Constatant que les nomenclatures du fascicule budgétaire relatif à l'aviation civile ne permettent pas d'identifier la part des dépenses régaliennes de sécurité et de sûreté, je suggère de créer un compte séparé détaillant les ressources consacrées à la sûreté dans les aéroports.

Le Conseil d'Etat a annulé le 20 mai dernier les arrêtés fixant les taux de la redevance pour services terminaux dont le produit est évalué dans ce budget à un peu plus d'un milliard et qui permet de financer les services de sécurité incendie et de sauvetage ainsi que les installations affectées à la gendarmerie. Selon le Conseil d'Etat, ces dépenses relèvent de l'intérêt général et doivent donc être financées par l'impôt. Un projet de loi nous sera donc prochainement soumis afin de réformer les dépenses de sécurité en matière aéroportuaire. Afin d'éclairer notre débat, Monsieur le ministre, pouvez-vous préciser les incidences budgétaires de cette réforme sur le budget annexe de l'aviation civile ?

D'autre part, en tant que rapporteur du budget du projet de loi en cours de discussion relatif aux enquêtes techniques sur les accidents et les incidents dans l'aviation civile, j'ai demandé à ce que les moyens du Bureau enquêtes accidents -BEA- soient renforcés. Cet organisme, constitué d'un corps d'inspecteurs dont la compétence est reconnue internationalement, est chargé d'établir un rapport après chaque accident. L'analyse de tels incidents est particulièrement utile à la prévention des accidents.

Sous tutelle de la DGAC, l'Organisme de contrôle en vol -OCV- la police des polices du transport aérien, est composé de douze inspecteurs habilités à effectuer des contrôles sans prévenir dans une cabine de pilotage. Même si ce service est relayé au sol par les agents du service de formation aérienne et du contrôle technique (SFACT), la faiblesse de ses effectifs limite sa capacité à détecter des fautes graves de pilotage.

Je me félicite que ce budget annexe de l'aviation civile crée 227 emplois dont certains concernent directement ou indirectement la sécurité aérienne. Il est indispensable que des organismes tels que le BEA, l'OCV et la SFACT bénéficient de moyens en personnel suffisants.

De même, parmi les dépenses d'investissement, la priorité va à la généralisation de la mise en sécurité de l'accès aux zones réservées des 35 plus grands aéroports et à l'équipement des aérogares en contrôle des bagages de soute. C'est un progrès.

J'en viens au deuxième point de mon intervention.

Un an après la décision d'étendre l'aéroport de Roissy, je constate des progrès quant aux engagements pris, mais aussi des insuffisances et des retards qui suscitent une inquiétude légitime de la part des élus et des riverains.

Il est temps d'assurer une répartition équilibrée des retombées économiques et fiscales de la plate-forme. De même, le projet de loi tendant à créer une autorité indépendante de contrôle des nuisances sonores doit être inscrit sans tarder à notre ordre du jour.

Aujourd'hui, il est à la fois question de restreindre le développement d'Orly et d'accroître le trafic à Roissy : ces deux mesures suscitent des oppositions. Désormais, il apparaît que le plafonnement à 55 millions de passagers à l'horizon 2015 du trafic sur Roissy sera dépassé dès 2008.

Il est donc urgent de repenser la politique aéroportuaire nationale, avec le souci de mener une politique équilibrée d'aménagement du territoire. Nous devons nous interroger, comme le fait la mission constituée au sein de la commission de la production, sur l'opportunité d'une meilleure répartition du trafic aérien dans les futurs schémas de service des transports.

L'avenir de la compagnie nationale Air France est également en jeu. D'une part, il faut réussir l'ouverture partielle -et seulement partielle- du capital. D'autre part, si l'avenir d'Air France passe par la réussite du "hub" de Roissy, cette logique commerciale ne peut pleinement justifier les choix en matière de répartition des créneaux.

L'avenir d'Air France suppose un dialogue social renforcé, comme le dit la lettre de cadrage de l'Etat. Afin de créer les conditions de succès de l'ouverture partielle du capital, il faut s'assurer que ce dialogue social concerne tous les salariés, personnel navigant et personnel au sol. Bien entendu, je me félicite de l'accord conclu avec les pilotes.

Des affaires comme celle des 6 000 salariés d'ex-UTA dont beaucoup contribuent désormais au développement de Air France, sont à éviter. De multiples procès sont engagés aux prud'hommes et de récents jugements exposent potentiellement la compagnie nationale à devoir verser des sommes importantes.

C'est à partir du concept de développement durable qu'il faut penser la politique aéroportuaire et le développement du transport aérien. C'est en instaurant un dialogue social avec toutes les parties que Air France pourra relever les défis de demain.

Contrairement à M. d'Aubert, la majorité plurielle est pour la régulation et non pour la déréglementation dont on mesure aujourd'hui les risques et les excès dans le domaine du transport aérien (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe RCV).

M. Jacques Desallangre - Votre budget met à la disposition du transport ferroviaire des moyens supplémentaires. Cet effort doit être amplifié, car il faut à la fois résorber la dette et conduire une politique sociale ambitieuse.

Les crédits d'investissement pour le réseau classique -vous les doublez- permettront l'indispensable remise en état et la lutte contre la saturation des lignes. Il s'agit aussi de soutenir l'heureuse politique de volume entreprise par la SNCF avec la baisse de ses tarifs.

Vous souhaitez, en réponse aux exigences de la Commission de Bruxelles que le trafic ferroviaire se développe en Europe grâce aux corridors fret. Le FITTVN est sollicité pour un milliard supplémentaire : la part du secteur ferroviaire dans ce fonds passe ainsi à 48 %, ce qui favorisera le corridor Nord-Sud. La France a en effet préféré à la libération prônée par Bruxelles une coopération avec le Luxembourg et la Belgique, laquelle a permis l'instauration de guichets uniques et le rééquilibrage de la concurrence entre les différents modes de transport.

Si nous devons poursuivre le développement de ce corridor Nord-Sud, la mise en place de corridors transversaux Est-Ouest est également nécessaire. L'ouverture de sillons notamment entre Lille et Strasbourg constitue un progrès, mais il sera difficile d'aller loin compte tenu de la saturation du réseau de la SNCF.

Ce corridor Ouest-Est doit pourtant être réalisé avant le canal Seine-Nord afin que la SNCF dispose d'infrastructures garantissant une concurrence équitable avec la voie d'eau. Le rail est déjà dans une situation concurrentielle défavorable vis-à-vis du transport routier. Si l'harmonisation européenne s'impose, il faut aussi rappeler qu'en France les péages sont bien plus faibles que chez nos voisins. Le Gouvernement souhaite une hausse progressive sur trois ans, mais une partie de cette hausse dépendrait de l'évolution des recettes de la SNCF et contrarierait donc le développement du transport ferroviaire.

Il faut également poursuivre l'effort de l'Etat en faveur du désendettement de la SNCF et de RFF. En effet, la SNCF, qui s'est engagée à ne pas accroître sa dette, a besoin d'investissements lourds. C'est pourquoi il faut saluer la remarquable augmentation de la dotation au désendettement du secteur ferroviaire, qui passe de 24 à 37 milliards, augmentation qui sera maintenue ces trois prochaines années, mais il faut rappeler qu'elle ne permettra que la stabilisation de la dette.

La qualité des relations sociales est également déterminante pour l'avenir du transport ferroviaire. Depuis de nombreuses années, la SNCF a perdu entre 5 000 et 6 000 emplois par an d'où, aujourd'hui, des carences flagrantes, alors que le trafic augmente. Vous avez donc raison de diminuer les réductions d'emplois.

Et je souhaite que soit rapidement engagée la négociation d'une convention d'application de la loi sur les 35 heures permettant de créer des emplois, conformément au but de la loi, et donc contrairement à ce que l'on voit à France Télécom ou à l'UIMM. Des embauches permettraient en outre de sauver ce pilier du statut des cheminots qu'est le régime particulier d'assurance maladie et vieillesse.

Alors le service public aura été préservé et l'entreprise SNCF confortée. C'est votre voeu et c'est aussi le nôtre, c'est pourquoi nous voterons votre budget (Applaudissements sur les bancs du groupe RCV, du groupe socialiste et du groupe communiste).

M. Dominique Bussereau - En ce qui concerne les relations entre la région Ile-de-France et la STP, il est anormal que l'Etat dispose de pouvoirs qui devraient appartenir à la région (Applaudissements sur les bancs du groupe DL, du groupe UDF et du groupe du RPR).

Pour les transports routiers, le libéral que je suis regrette que vous n'ayez rien obtenu en matière d'harmonisation sociale européenne. Je regrette également l'augmentation du gazole qui pénalise le monde rural et qui, du fait de ses effets pervers pour les transports collectifs urbains, soulignés par le rapporteur spécial, ne sera pas même bénéfique pour l'environnement. Enfin, pour la première fois depuis longtemps, les investissements et infrastructures routières reculent.

Dans le domaine des transports fluviaux, j'approuve l'abandon du canal Rhin-Rhône mais je ne saurais approuver celui de la liaison Seine-Nord, qui n'avance pas.

Pour le transport ferroviaire, il sera difficile de trouver un niveau des péages satisfaisant, RFF, qui a beaucoup investi, souhaitant une forte augmentation, laquelle mettrait en danger l'équilibre financier précaire de la SNCF. Un arbitrage est nécessaire.

Quant aux liaisons TGV, je me demande comment sera financé le TGV-Est. La ligne Tours-Bordeaux, annoncée par certains pour 2004, verra-t-elle le jour ? Cela dit, il convient de rompre avec le schéma, défini par M. Delebarre, qui semait des liaisons TGV partout.

Je regrette votre action de retardement contre la libéralisation européenne du trafic de fret. Vous ne rendez pas service à la SNCF, ni au transport ferroviaire dont je souhaite comme vous le développement (Murmures sur les bancs du groupe socialiste).

Si nous réclamons la privatisation d'Air France, ce n'est pas par dogmatisme libéral (Murmures sur les bancs du groupe socialiste). D'ailleurs, Laurent Fabius et Edith Cresson se sont prononcés dans le même sens.

La privatisation est nécessaire pour que la compagnie dispose des capitaux nécessaires à son développement, car la Commission européenne n'acceptera pas de nouvelles aides publiques. Je crois d'ailleurs que vous la réaliserez avant la fin de la législature. Elle permettrait en outre par des échanges de participation de sceller un réseau d'alliances solide et plus cohérent qu'il ne l'est aujourd'hui.

Enfin, vous avez reporté le conseil d'administration d'ADP par crainte d'un vote défavorable... (Protestations sur les bancs du groupe socialiste) sur votre projet réservant l'aéroport d'Orly à Air France. Cela ne sert pas la compagnie, qui risque, en effet, de subir des sanctions pour non-respect des règles de concurrence. Laissez donc Orly se développer ! (Applaudissements sur les bancs du groupe DL, du groupe UDF et du groupe du RPR)

M. Michel Inchauspé - Je voudrais vous faire part, Monsieur le ministre, de ma satisfaction d'avoir été écouté par vous lors du débat sur le budget 1998.

En effet, une rumeur avait couru, sur la création d'un établissement public, dénommé Routes de France, qui devait être financé par tous les produits des péages autoroutiers et par des crédits budgétaires normaux pour entretenir les routes nationales et réaliser les routes à quatre voies. C'était la mort du système autoroutier français qui avait permis le rattrapage de votre retard sans que cela coûte un sou aux contribuables français, puisque toutes les avances de l'Etat ont été remboursées et que les échéances des emprunts sont couvertes sans difficulté.

De plus, la prolongation des concessions, que je recommandais l'an dernier, a permis aux sociétés autoroutières de réaliser les amortissements indispensables et de dégager les crédits nécessaires à l'entretien des voies. Vous avez de plus accepté l'application normale de la TVA, qui était une pomme de discorde avec Bruxelles.

Vous avez donc bien fait, Monsieur le ministre, d'abandonner l'idée d'un établissement public, redouté par des parlementaires de tous bords. Il faut maintenant que le nouveau schéma soit débattu et décidé par le Parlement, et non figé par décret dans le secret des cabinets. Quelles sont vos intentions ? J'entretiens l'espoir d'être entendu en janvier prochain lors de l'examen du projet de loi sur l'aménagement du territoire.

J'en viens aux problèmes du grand Sud-Ouest. J'aurais pu vous les exposer lorsque vous êtes venu dans ma circonscription... si j'avais été avisé de votre visite. Ce n'est pas de votre fait mais convenez que, comme se plaît à dire notre collègue Brard, "les bonnes manières se perdent".

Le TGV Atlantique, le plus rentable de tous, doit être prolongé de Tours à Bordeaux, puis de Bordeaux à Dax. Les études ont repris. Quand débuteront les travaux ?

La voie ferrée Clermont-Ferrand - Béziers va être rouverte pour un coût de 1,2 milliard. Pourquoi ne pas rouvrir, dans les mêmes conditions, le Pau-Canfranc, dont le coût sera inférieur de moitié ?

Le tunnel du Somport va bientôt être livré. La N134, qui est sa voie d'accès, a besoin d'investissements supplémentaires. Bruxelles a promis une subvention de 10 % sur l'investissement global à condition que vos services transmettent le dossier à M. Ruettes à la DG VII. Nous comptons sur votre diligence.

Pourquoi le projet autoroutier Pau-Oloron, inscrit au schéma directeur depuis dix ans, n'a-t-il pas encore obtenu de DUP ?

Enfin, quelles sont vos propositions pour la liaison Pau-Bordeaux après la lettre signée conjointement du président de région et des cinq présidents de conseils généraux ?

Tous les élus du grand Sud-Ouest attendent avec impatience vos réponses (Applaudissements sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL).

M. Jean-Claude Daniel - Monsieur le ministre, vous voulez développer le transport combiné et cela se traduit dans votre budget contrairement à ce que certains ont prétendu. Le transport combiné présente en effet, à longue distance, des avantages en matière économique, sociale et d'environnement. Son développement exige toutefois une étroite coopération entre tous les acteurs, à l'échelon national et européen.

Le président du conseil national des transports précise dans un rapport sur le sujet que le transport combiné représente désormais 26 % du trafic fret de la SNCF et qu'il possède un fort potentiel de développement. Cependant, des obstacles demeurent : attractivité des prix du transport routier, insuffisance de la coordination entre les acteurs, saturation des chantiers, difficultés techniques internes à la SNCF, saturation du réseau ferroviaire, d'autant plus pénalisante que les trains de voyageurs ont la priorité sur le trains de fret. Le réseau français note encore Pierre Perrod, comporte aujourd'hui de nombreux goulets d'étranglement : grande ceinture parisienne, traversées de Dijon, Lyon, Nîmes et Montpellier, l'axe Ambérieu-Chambéry-Modane, l'accès nord de Bordeaux. De tels goulets limitent l'efficacité du corridor de fret mis en place entre Anvers-Muizen et Lyon-Sibelin avec des prolongements vers Marseille, l'Espagne et l'Italie.

Pierre Perrod propose d'améliorer la gestion des sillons disponibles et de réaliser les investissements de capacité nécessaires. Alors que la SNCF a concentré son trafic grandes lignes et fret sur quelques axes bien équipés, il relance l'idée de créer de nouveaux itinéraires fret en réutilisant ou en modernisant des lignes existantes comme la grande rocade nord-est de Paris-Amiens-Reims-Chaumont-Dijon, Paris-Bordeaux par Saintes ou encore Paris - Clermont-Ferrand - Béziers. Ces itinéraires seraient plus longs et moins rapides mais plus fiables.

Les crédits prévus devraient permettre la mise au gabarit européen de la ligne Paris-Bâle et une amélioration des conditions de circulation sur cette ligne, qui pourrait ainsi affirmer sa double vocation fret-voyageurs.

Votre budget, Monsieur le ministre, marque un pas important en faveur d'un développement durable du transport combiné.

J'en veux pour preuve l'instauration dans le cadre de RFF d'une structure des chantiers intermodaux. L'adaptation de la gestion et de l'exploitation des chantiers afin d'en améliorer la productivité -une coopération entre les deux entreprises de chantier rail-route et les autres opérateurs serait d'ailleurs nécessaire. L'encouragement à l'alliance des opérateurs français de transport combiné dans ce système européen en voie d'intégration. L'identification claire des investissements de capacité nécessaires. L'incitation des partenaires à signer des contrats sur des engagements réciproques de volume et de qualité de service, assortis de clauses de pénalité en cas de manquement. L'incitation adressée aux petites entreprises routières de se regrouper pour accéder plus facilement au transport combiné.

J'en veux pour preuve, enfin, l'élaboration d'un schéma cohérent des chantiers intermodaux. Il faut en effet distinguer les chantiers intermodaux des plates-formes logistiques, notamment pour leur financement, tout en favorisant leur complémentarité. Il faut aussi veiller à un maillage territorial satisfaisant : cela suppose la réalisation de certains équipements plus modestes, mais tout aussi indispensables -je pense à Chalendray. Il convient d'inscrire les chantiers dans la logique des schémas de service prévus dans la future loi sur l'aménagement du territoire, dans les schémas régionaux et les plans d'urbanisme et de déplacements urbains, notamment en Ile-de-France. Il importe, enfin, de veiller à la cohérence du dispositif avec la politique européenne correspondante.

Vous avez, Monsieur le ministre, défini des principes stables pour l'intervention financière de l'Etat pour les investissements comme pour le fonctionnement des infrastructures. Vous avez amélioré les crédits du FITTVN pour les chantiers. Vous avez clairement inscrit vos propositions 1999 dans une perspective pluriannuelle. Vous donnez ainsi un nouvel élan au transport combiné et, partant, un nouvel espoir aux communes, dont le sort a longtemps été lié aux chemins de fer, de trouver place dans un maillage harmonieux et durable du territoire (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe communiste).

M. Aloyse Warhouver - Vous avez retenu, Monsieur le ministre, des priorités qui relèvent d'une gestion en "bon père de famille". En effet, il faut d'abord consolider le patrimoine existant, l'entretenir, l'améliorer, le rendre plus efficace et plus sûr. Cela vaut pour le réseau routier comme pour les voies ferrées et les voies navigables.

La création de nouvelles infrastructures ne peut venir qu'ensuite. La stabilité des crédits prévus assure toutefois aux entreprises qu'elles auront de quoi remplir leurs carnets de commande.

Vous privilégiez par ailleurs les transports collectifs, notamment ferroviaires. L'asphyxie des centres villes, les embouteillages en font un impératif.

Saluons les efforts déployés par la SNCF pour maintenir les 31 000 km de son réseau en parfait état, ce qui nécessite des travaux, certes peu spectaculaires mais indispensables pour la sécurité des voyageurs. L'augmentation du trafic voyageurs et marchandises l'encourage à persévérer.

Etant un usager régulier, je constate que le train est moins utilisé dès lors que la durée du voyage est supérieure à trois heures. Les usagers donnent alors la préférence à l'avion. Pour demeurer attractive, la SNCF doit continuer de construire des lignes nouvelles permettant aux TGV de relier la capitale en deux à quatre heures au plus.

Les investissements prévus sont pertinents. je prendrai, cela ne vous étonnera pas, l'exemple du TGV-Est.

Cette liaison avec l'est de la France, et par delà avec l'Allemagne et l'Europe centrale, a fait l'objet de nombreuses tergiversations.

Une question reste en suspens : faut-il connecter à Vandières sur la ligne Metz-Nancy ou aller jusqu'à Baudrecourt et se brancher sur la ligne Strasbourg-Metz et Forbach ? Si la SNCF veut amortir son matériel roulant, il lui faut chercher la clientèle dans les grands bassins de populations. Les deux capitales lorraines ne suffiront pas. Il faut donc desservir au plus près Strasbourg et la Sarre, ce qui est possible à partir de Baudrecourt. Cela nous évitera aussi le train pendulaire. La SNCF est très favorable à cette solution mais il faut quelques millions supplémentaires pour boucler le plan de financement.

Monsieur le ministre, pouvez-vous aider la SNCF à mener à bien cette liaison capitale pour le quart est de la France ?

Autre point positif, les crédits prévus pour l'amélioration des dessertes régionales.

Je reviendrai sur certains sujets lors des questions et je voterai ce budget (applaudissements sur les bancs du groupe RCV).

M. Julien Dray - Je vais vous parler d'un sujet qui me tient à coeur : la ligne C du RER.

Tout d'abord, elle est dans un état déplorable. Certes des travaux sont prévus pour en améliorer le fonctionnement, mais ils sont un peu comme la ligne d'horizon que l'on n'atteint jamais. Ensuite, ses 400 000 usagers ont été gravement pénalisés par des conflits sociaux qui ont duré quatorze jours et entraîné de multiples perturbations -annulations de trains, gares non desservies... La direction de la SNCF en porte l'entière responsabilité car elle a refusé d'engager le dialogue nécessaire pour sortir du conflit. Il a fallu l'intervention d'élus et du ministre pour l'y décider. Une indemnisation des usagers est prévue, mais selon une procédure dissuasive, compliquée, ridicule. J'espère donc, Monsieur le ministre, que vous interviendrez auprès du STP afin qu'elle soit corrigée. Outre les quatorze jours de grève, il y a eu plusieurs jours d'adaptation, ce qui fait que les usagers ont été pénalisés pendant trois semaines. Il faut que la SNCF règle sa dette envers eux. Nous sommes donc plusieurs à vouloir que ceux payant plein tarif bénéficient d'un demi-tarif et ceux payant demi-tarif de la gratuité. Faute d'une telle réponse, Monsieur le ministre, je puis vous dire que beaucoup d'élus seraient très déçus et que quantité de pétitions arriveraient sur votre bureau, tant l'exaspération est grande.

La ligne C connaît aussi des problèmes de sécurité. Je ne suis pas partisan de la généralisation des systèmes de vidéosurveillance. A mes yeux, la vraie réponse à ces problèmes consiste à mettre plus de personnel sur la ligne, et je parle de personnel qualifié, les emplois-jeunes ne constituant pas la solution miracle. Lorsqu'un voyageur est victime d'une agression, il a besoin ensuite de quelqu'un qui le prenne en charge, qui puisse le raccompagner chez lui ou lui donner un ticket de bus, qui lui dise auprès de qui porter plainte... Le conseil régional d'Ile-de-France est prêt à examiner avec vous les solutions possibles.

Enfin, Monsieur le ministre, puisque vous présentez ce budget comme un budget de transition avant la négociation d'un contrat de plan, j'aimerais savoir quel sort vous réservez à la tangentielle sud, si chère à l'élu de l'Essonne que je suis et si importante pour les liaisons inter-banlieues (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

Mme Odile Saugues - Il y a cent vingt ans, le gouvernement d'alors présentait "le plan Freycinet". On prévoyait initialement 8 500 kilomètres de nouvelles lignes de chemin de fer. A l'issue des débats parlementaires, on s'était mis d'accord sur 17 000 ! Aujourd'hui encore, reconnaissons-le, le "syndrome Freycinet" sévit, chacun réclamant toujours sa part de routes, d'autoroutes, d'aéroports ou de TGV. Dans un récent article, l'historien Jean-Michel Gaillard s'interrogeait sur les conséquences de cette stratégie du non-choix.

Votre projet de budget, Monsieur le ministre, ne tombe pas dans ce travers et affirme des choix très clairs en faveur des transports collectifs, en particulier ferroviaires. Cette volonté du Gouvernement de soutenir le développement des transports ferroviaires -qui devra se retrouver dans le projet de loi d'orientation pour l'aménagement et le développement durable du territoire- permet de mieux prendre en compte la préoccupation gouvernementale. A cet égard, je me réjouis de l'effort consenti en faveur du transport combiné, domaine où la France avait pris du retard par rapport à d'autres pays. Mais il faudra aller plus loin, notamment en créant un schéma cohérent des chantiers intermodaux et surtout en définissant des principes stables pour l'intervention financière de l'Etat. Le développement de l'intermodalité ne sera perceptible par le citoyen que lorsque les gares deviendront vraiment un lieu d'échanges entre les différents modes de transports. La SNCF a, je crois, pris conscience de cet enjeu.

Récemment, la Commission européenne a notifié un avis motivé concernant les conditions de l'octroi de réductions pour familles nombreuses par la SNCF. Le Gouvernement français a décidé de se conformer à cet avis qui d'ailleurs ne remettait pas en cause le principe de ces réductions. Mais cet exemple montre que nous devons penser davantage les transports publics à l'échelle européenne, tout en confortant les acquis liés à la nature même du service public.

Je voudrais dire un mot d'une autre décision récente, l'annulation le 5 octobre dernier par le Conseil d'Etat de l'article 1er du décret du 19 décembre 1996 qui imposait aux entreprises de "rémunérer, au-delà d'un certain seuil, les temps de repas, de repos et de coupure compris dans la journée de travail des chauffeurs routiers". Je ne doute pas que vous aurez à coeur, Monsieur le ministre, de rassurer les chauffeurs routiers : l'adaptation de l'offre de transport de marchandises ne doit pas se traduire par la remise en cause de certains acquis obtenus souvent chèrement par les salariés.

Je note avec satisfaction l'effort budgétaire pour mettre en oeuvre les accords sur le congé de fin d'activité, étendu grâce à ce gouvernement aux conducteurs routiers de voyageurs. Et je me félicite de la création de 23 postes de contrôleurs. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste)

M. le Président - A la demande du Gouvernement, la séance est suspendue.

La séance, suspendue à 18 heures 40, est reprise à 18 heures 55.

M. Jean-Claude Gayssot, ministre de l'équipement, des transports et du logement - Permettez-moi de remercier vos rapporteurs pour la qualité de leur réflexion, et pour leur soutien, de l'exception de M. d'Aubert, à nos principales orientations. Et je remercie l'ensemble des députés de leur intérêt pour ces questions. Les priorités budgétaires traduisent des choix et des arbitrages, au sein du cadrage global décidé par le Gouvernement et le Premier ministre. La priorité donnée aux transports ferroviaires et collectifs, ainsi qu'à l'entretien routier, signifie donc nécessairement que d'autres secteurs sont moins prioritaires. Les conséquences de ces arbitrages sont parfois difficiles pour les élus, attachés à la défense de dossiers toujours justifiés et pertinents pour le développement des territoires qu'ils représentent. Les arbitrages budgétaires sont aussi l'occasion de faire prévaloir ce qu'on considère comme l'intérêt général, et d'anticiper les évolutions à moyen terme.

A cet égard, les orientations proposées pour 1999 s'inscrivent pleinement dans la démarche initiée par le Gouvernement et par la ministre de l'aménagement du territoire : celle des schémas de services.

En rupture avec les pratiques antérieures, il s'agit de substituer aux schémas sectorisés -schéma des routes ou des TGV, par exemple- des schémas de services dans une perspective à vingt ans. Cette réflexion est déterminante pour les orientations que je propose. Vos interventions ont montré, et je m'en félicite, que les priorités que j'ai affichées dans le document de cadrage adressé aux préfets cet été rencontrent les vôtres. Il s'agissait essentiellement de l'aménagement de l'espace et des agglomérations, et du développement du fret ferroviaire.

Ce budget consolide les orientations du précédent, il y a bien continuité des engagements et des priorités. L'ensemble des crédits atteindra 160 milliards, si l'on additionne le budget stricto sensu, le budget annexe de l'aviation civile et les comptes d'affectation spéciale, ainsi que la dotation en capital à RFF. Cela représente une progression de 3,2 %.

S'agissant des moyens du ministère de l'équipement, M. Biessy et d'autres orateurs ont signalé une faiblesse des moyens en personnel des DDE. De fait, lorsque je suis arrivé à ce ministère, j'ai trouvé un plan triennal visant à réduire les effectifs de 1 000 personnes par an -après 16 000 suppressions de postes au cours des 15 années précédentes. Cette logique était inacceptable, mais les conditions de préparation du dernier budget n'avaient pas permis d'y remédier vraiment. Cette année, il en allait autrement, et une conférence nationale a pu se tenir en janvier sur l'entretien et l'exploitation des routes : elle a renforcé ma conviction, fortifiée, d'autre part, au fil des rencontres avec les élus, que ce ministère ne pouvait plus perdre 1 000 emplois chaque année. J'ai obtenu du Premier ministre un traitement plus équitable, permettant de réduire à 490 la diminution du nombre de postes.

M. Pierre Cardo - Le ministre est grand !

M. le Ministre - Et pour les agents d'exploitation, la réduction sera égale au tiers de celle qui était prévue.

L'une des caractéristiques de l'Équipement, c'est l'importance des crédits ouverts sur des comptes d'affectation spéciale, le FITTVN et le FARIF pour l'essentiel -je cite pour mémoire le FPTA, doté de 50 millions pour aider les liaisons aériennes de service public. Les deux premiers fonds regroupent 5,5 milliards de crédits. M. Idiart, fidèle à lui-même, a regretté que le FITTVN permette une débudgétisation...

M. Jean-Louis Idiart, rapporteur spécial - C'est le fonds Pasqua !

M. le Ministre - Mais ces comptes font partie intégrante du budget de l'Etat, ainsi que l'a rappelé plusieurs fois le Conseil constitutionnel. C'est un outil commode, par exemple pour régler au mieux le curseur entre les différents modes de transport -et les parlementaires sont associés à la définition des principales orientations.

Sur les 3,9 milliards du FITTVN, la part ferroviaire atteindra 1,89 milliard, soit 48 % au lieu de 42 % l'an dernier, tandis que la part routière recule pour s'établir à 1,59 milliard. Quant au FARIF, il se trouvait confronté aux difficultés qu'entraîne le transfert progressif à la région d'une partie de ses crédits : vous avez voté l'article 26 en première partie pour y remédier.

Ces deux comptes apportent des indications très importantes au BTP, et je dirai un mot ici de l'environnement économique de ce secteur. La tendance à l'amélioration se poursuit pour la construction et l'entretien de bâtiments, facilitée par des taux d'intérêt attractifs -surtout dans le domaine du logement. L'activité des entreprises de travaux publics devrait être stable, voire décliner, du fait de la baisse des dépenses des grandes entreprises nationales en ce domaine : il faudra donc rester vigilants.

La conjoncture est heureusement favorable au transport : le transport routier de marchandises a progressé de 5 % en 1997, le fret ferroviaire de 8 %, l'activité des ports de 6 %. Quant au transport de voyageurs, stimulé par la coupe du monde de football et par la grève d'Air France, il s'est accru de 8,6 % sur les sept premiers mois.

Tout cet environnement est favorable à l'emploi. Pour la première fois depuis cinq ans, l'effectif salarié est resté stable, le transport routier connaît même des difficultés de recrutement. Le ministère apporte une contribution au programme nouveaux emplois, et la journée du 8 octobre a confirmé la mobilisation des services de l'Équipement : fin septembre, 7 000 embauches avaient été réalisées dans les transports, le logement, le tourisme.

Le secteur dont j'ai la charge est très divers, et je parlerai brièvement du logement et du tourisme, dont les secrétaires d'Etat compétents parleront à loisir dans quelques jours. En 1999, plus de 49 milliards sont affectés au logement -+ 2,2 %- et il faudrait citer aussi les mesures favorables telles que la baisse du taux de TVA sur les travaux de réhabilitation. Les programmes physiques seront consolidés : 80 000 PLA, 200 000 logements anciens aidés, 110 000 prêts à taux zéro. Nous poursuivons l'effort entrepris en juillet 1997 en actualisant les aides au logement qui bénéficient à 6 millions de ménages modestes, et en concrétisant les engagements pris dans le cadre de la loi d'orientation sur l'exclusion pour le logement des plus défavorisés.

A côté des crédits budgétaires, il faut mentionner des mesures fiscales sur les droits de mutation, l'application du taux réduit de TVA applicable aux travaux réalisés avec l'aide de l'ANAH, la baisse du taux du livret A qui permet de soulager les organismes HLM.

Enfin, deux dossiers délicats ont été réglés cet été. S'agissant du 1 % logement, la convention quinquennale signée le 3 août a permis d'en garantir, sur le long terme, les moyens, et de définir de nouvelles modalités d'emploi.

Ensuite, la mise au point d'un statut du bailleur privé permettra le développement d'un parc de logements à loyers maîtrisés.

Ces deux dossiers difficiles étaient un héritage du précédent gouvernement qui n'avait prévu le financement de ces mesures que jusqu'à la fin de l'année 1998 (Protestations sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL). Ensuite, débrouillez-vous ! Nous avons trouvé des solutions financières mais aussi sociales, notamment en faveur des accédants à la propriété.

Ainsi, nous sommes convaincus que 1998 et 1999 verront la reprise de l'activité du bâtiment après six ans de déclin et que le logement social sera conforté pour les années à venir.

Dans le domaine de l'urbanisme, l'Etat s'emploie à consolider les politiques d'aménagement urbain qui bénéficieront d'enveloppes de prêts de la Caisse des dépôts : 10 milliards pour la réalisation de projets de démolition et de construction et 8 milliards qui seront mobilisés pour financer des projets de reconstruction urbaine. En outre, la Caisse des dépôts s'est engagée à consacrer 300 millions sur ses fonds propres pour soutenir des opérations de renouvellement urbain.

Ces mesures illustrent notre volonté de mener une politique de revalorisation urbaine en faveur des quartiers défavorisés.

J'en viens à quelques réflexions sur la politique de la ville. La ville doit permettre aux individus de mieux communiquer, d'être solidaires mais elle a de plus en plus souvent des effets inverses : isolement, ségrégation sociale et spatiale, intolérance, violence, insécurité. Cette crise est le résultat d'un type de développement trop exclusivement fondé sur les règles de l'économie marchande. C'est aussi la conséquence d'un aménagement urbain qui a fait la part trop belle à l'automobile.

Nous sommes à un moment charnière où une nouvelle conception de la planification urbaine devrait voir le jour. Des procédures administratives trop cloisonnées ont favorisé une certaine spécialisation des espaces qui nuit à la mixité urbaine. Les quartiers périphériques ont besoin d'activités, d'emplois, d'équipements collectifs, d'urbanité.

Bien entendu, une vision plus cohérente de l'urbanisme devra intégrer la maîtrise des réseaux de transport. Voilà pourquoi un grand débat national sur les politiques urbaines et de transport sera très prochainement organisé, auquel participeront des experts, des représentants d'associations, d'organisations professionnelles et syndicales ainsi que des élus. L'objectif sera notamment de proposer des outils juridiques et financiers qui font actuellement défaut à la politique de la ville.

Des propositions ont déjà été faites en matière de financement. Certains ont envisagé un prélèvement sur la TIPP. Personnellement, je n'exclus rien. Aucune solution ne doit être écartée a priori. Un grand débat sera organisé au début du printemps prochain.

S'agissant du tourisme, dont vous savez l'importance pour le développement économique de la France, son budget progressera de 7,18 % par rapport à 1998 pour atteindre 372 millions en crédits de paiement. La priorité sera donnée aux vacances pour tous, au tourisme social et associatif ainsi qu'à la Maison de la France.

J'en viens aux transports ("Ah !" sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL). Le projet de budget pour 1999 donne un sens et un contenu à l'intermodalité, aux décisions en faveur du transport ferroviaire et des transports collectifs. Il comporte aussi des mesures sociales en faveur des transporteurs routiers. Le budget des transports terrestres dépasse 60 milliards.

Je suis très attaché au transport ferroviaire et au service public (Interruptions sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL). Laissez-moi vous citer cette déclaration du ministre anglais des transports : "Depuis sa privatisation, le chemin de fer anglais est devenu une honte pour notre pays". Ensuite, il explique pourquoi. En particulier, les trains n'arrivent plus à l'heure (Exclamations sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL). Je sais à quel point vous êtes favorables au libéralisme, mais sachez que ça ne se passe pas toujours bien !

Cela dit, le transport ferroviaire a des atouts multiples, notamment pour ce qui est de la sécurité et du respect de l'environnement. Il faut donc assurer les conditions de son renouveau.

J'ai souhaité, confirmer le désendettement de la SNCF et la clarification des rôles, mais aussi renforcer l'efficacité, l'unicité et la pérennité du service public ferroviaire.

C'est pourquoi j'ai formulé, en juin 1998, des propositions concrètes qui s'articulent autour de trois objectifs principaux.

Le premier est de stabiliser la situation financière de RFF, car nous étions repartis dans une spirale d'endettement, lequel était passé de 134 milliards à 154 milliards. Il aurait été irresponsable de ne pas se rendre compte que ce qui avait été décidé ne résolvait pas le problème de fond. D'où la nécessité de stabiliser RFF pour garantir la pérennité du système ferroviaire. Le Gouvernement a décidé d'amplifier les efforts entrepris à cette fin en 1997 et en 1998, en consacrant 37 milliards à la stabilisation de la dette de RFF sur les trois prochaines années. 13 milliards sont inscrits pour 1999.

Quant à l'augmentation des péages que certains orateurs ont évoquée, elle est en cours de discussion avec les entreprises du secteur ferroviaire. Des solutions devraient rapidement être trouvées. Le niveau des péages français est particulièrement bas par rapport à celui des autres pays, mais nous devons veiller à ne pas handicaper la SNCF.

Le deuxième objectif est de renforcer l'unicité du service public ferroviaire. A cette fin, j'ai proposé la création d'un Conseil supérieur du service public ferroviaire, qui devra notamment veiller à l'évolution équilibrée du secteur, au respect des missions de service public de la SNCF et de RFF et à l'application cohérente par ces deux établissements des orientations fixées par le Gouvernement. Ce Conseil sera aussi chargé d'évaluer la réforme. Je souhaite qu'il puisse être opérationnel dès 1999.

Rien ne se fera sans la mobilisation des hommes et des femmes de la SNCF, je souhaite donc que de nouveaux rapports, garants d'une meilleure efficacité économique et sociale, s'établissent dans l'entreprise. L'infléchissement engagé en 1997 en matière d'évolution des effectifs, ainsi que les garanties données sur le statut des cheminots vont dans ce sens. Ceux qui rêvaient d'une SNCF sans cheminots, ont vu en 1995 ce qui arrive quand on va trop loin (Protestations sur les bancs du groupe UDF, du groupe DL et du groupe du RPR). Il fallait en finir avec les milliers de suppressions de postes annuelles, qui ne datent d'ailleurs pas des précédents gouvernements mais de 1985.

Plusieurs députés DL, UDF et RPR - De 1981 ! C'est Mitterrand !

M. Jean-Claude Gayssot, ministre de l'équipement, des transports et du logement - Il faut aussi, pour créer les conditions d'un dialogue social fructueux, garantir le statut des cheminots.

Plusieurs députés UDF, DL et RPR - Les retraites !

M. Jean-Claude Gayssot, ministre de l'équipement, des transports et du logement - En ce qui concerne les infrastructures, nous entreprenons la modernisation du réseau de lignes classiques, et j'insiste sur ce terme car, pour moi, il n'y a pas de lignes secondaires, il y a des lignes d'intérêt local, régional, national ou international. Cette modernisation s'inscrit dans une logique d'aménagement du territoire et passe par les contrats de plan. Nous poursuivons en outre un programme raisonnable de nouvelles lignes à grande vitesse.

Il a été décidé pour cela, le 4 février dernier, d'augmenter fortement la participation de l'Etat au financement des infrastructures ferroviaires et de faire passer de 1 635 millions en 1998 à 1 890 millions en 1999 les crédits du FITTVN aux investissements en matière de transport ferroviaire et de transports combinés.

Sur cette enveloppe, 400 millions de francs pourraient être attribués au réseau classique, ce qui constitue une étape vers l'objectif de plus de 500 millions annoncés pour le prochain contrat de plan. Les travaux du TGV-Méditerranée seront poursuivis afin d'assurer sa mise en service en 2001. Les négociations financières entre les partenaires du projet sont d'ailleurs en cours. Les études d'avant-projet détaillé et les premières acquisitions foncières pour la réalisation du TGV-Est européen devraient être prochainement engagées, ce qui rassurera M. Warhouver. De même, le projet de TGV Rhin-Rhône se poursuit tout comme les négociations avec les Espagnols sur la ligne Perpignan-Figueras, et demain Barcelone puis Madrid, et avec les Italiens à propos de la liaison Lyon-Turin.

Le développement des transports collectifs constitue également l'une de mes priorités, en particulier en province. J'ai d'ailleurs signé, en 18 mois, 11 décisions de prise en considération de projets de transports collectifs en site propre : tramways de Nantes, Saint-Etienne, Lyon, Valenciennes, Bordeaux, Caen, Nancy et la Seyne Toulon, bus en site propre de Saint-Denis de la Réunion, Rennes et Maubeuge. Au total, cela représente 122 km de voies nouvelles. Dans le courant de l'été, les projets de Nantes, d'Orléans, de Strasbourg et de Lyon ont été déclarés d'utilité publique.

La dotation budgétaire allouée aux transports collectifs de province, qui est de 719 millions en AP, est d'ailleurs en augmentation de 11 % par rapport à celle de 1998, elle-même supérieure de 11 % à celle de 1997.

Plusieurs députés DL, UDF et RPR - Cela ne fait tout de même que 700 millions !

M. Jean-Claude Gayssot, ministre de l'équipement, des transports et du logement - Ces moyens supplémentaires permettront d'honorer les engagements de l'Etat et de lancer les nouvelles opérations que j'ai évoquées.

Pour les transports collectifs en Ile-de-France, la contribution de l'Etat à leur fonctionnement s'élèvera à 5,6 milliards.

Les aides aux investissements atteindront, avec les moyens dégagés sur le FARIF, 345 millions ce qui permettra la prolongation de la ligne Meteor jusqu'à Saint-Lazare, le déplacement de la gare Massena afin d'assurer une correspondance entre Meteor et la ligne C du RER, le prolongement de la ligne C du RER jusqu'à Pontoise, l'aménagement des gares de Lieusaint sur la ligne D du RER et de Liesse sur la ligne C et le prolongement du Trans Val de Marne à la Croix de Berny.

M. Idiart s'est inquiété de la réforme du STP. L'absence de la région Ile-de-France constitue effectivement une anomalie et des réflexions sont en cours à ce sujet. Il faudra toutefois veiller à ne pas remettre en cause le statut des personnels car seules les réformes progressives et progressistes réussissent. Quant au souci exprimé par M. Dray d'améliorer les conditions de remboursement des cartes oranges pour les usagers qui ont souffert des récentes grèves, je souhaite que cette question soit examinée attentivement par le STP.

En ce qui concerne le transport routier des marchandises, qui bénéficie d'une conjoncture favorable, nous travaillons à la mise en oeuvre de la loi du 6 février 1998 qui vise à adapter les conditions d'exercice de la profession en généralisant la formation, en rééquilibrant les relations avec les chargeurs, en adaptant aux nouvelles règles européennes l'accès à la profession et au marché et en renforçant les contrôles et les sanctions. Le premier décret sur la formation des artisans est à la signature, et les autres dispositions réglementaires ont été regroupées dans un décret actuellement soumis au Conseil d'Etat.

Nous devons rester particulièrement attentifs à l'évolution sociale dans ce secteur.

Des accords ont permis d'achever en 1998 la mise en place du congé de fin d'activité des conducteurs routiers. 2 000 ont ainsi déjà pu partir à 55 ans dans le cadre du "CFA marchandises" permettant l'embauche d'autant de jeunes conducteurs. Le projet de budget poursuit cette politique avec 180 millions de crédits pour 1999.

La réduction du temps de travail vise également à la création d'emplois. Elle permet en outre l'amélioration de conditions de travail et de la sécurité. Les résultats sont encourageants avec 5 000 à 6 000 créations nettes d'emplois dans cette branche. Ce processus suppose toutefois de gros efforts d'adaptation des entreprises. Celles-ci ont aussi besoin d'être protégées de la concurrence déloyale, ce qui justifie l'augmentation prévue des moyens des corps de contrôle. Il faut également appliquer rigoureusement tout l'arsenal des sanctions et je me félicite à cet égard de la décision récente d'un tribunal, qui a prononcé le 20 octobre 1998, l'interdiction d'exercice de la profession à l'encontre d'un commissionnaire de transports pour délit de travail illégal par dissimulation de salariés.

La libéralisation du cabotage en Europe rend nécessaire une harmonisation sociale pour laquelle je me suis beaucoup battu. La France, qui était à la pointe du combat avec des pays comme la Belgique ou le Luxembourg, est maintenant rejointe par d'autres. Saisissons cette chance ! J'ai bien sûr regretté l'échec des négociations, mais l'accord était impossible dès lors qu'une partie du patronat exigeait des dérogations qui l'auraient vidé de son contenu. Dès le 1er octobre, j'ai demandé à M. Kinnock de respecter l'engagement qu'il avait pris, à ma demande, d'élaborer dans les meilleurs délais, une directive sur le temps de travail. Nous attendons donc la proposition de la Commission qui devrait reprendre les acquis de la négociation au comité paritaire.

J'en viens au transport combiné : j'ai confié au président du Conseil national des transports, M. Perrod, une mission de réflexion sur le développement du transport combiné. Son rapport comporte douze propositions qui sont en cours d'expertise. Les crédits du FITTVN, qui augmentent de 10 %, permettront de soutenir davantage les opérateurs pour l'aménagement des plate-formes. Il a été décidé de soutenir trois chantiers en 1998 : Vaires-sur-Marne, Hourcade et Avignon, au-delà de l'engagement déjà pris pour Dourges. M. Daubresse, qui a fait miroiter de grands sites intermodaux sur tout le territoire au lieu de financer les extensions des chantiers saturés ? Il est vrai que j'ai choisi une autre voie.

Je terminerai sur les transports terrestres en soulignant l'intérêt que j'attache à la mise en valeur du potentiel du transport fluvial, sur lequel a également insisté M. Hascoët. Grâce à une dotation accrue au titre du FITTVN -450 millions contre 430 en 1998 et 350 en 1997- et aux ressources propres de VNF, l'effort en faveur de la restauration du réseau sera augmenté. Il sera concentré sur les voies représentant un enjeu essentiel pour le transport de marchandises et la navigation de plaisance.

Nous cherchons également à moderniser la profession, dans la perspective très proche de la fin du tour de rôle au niveau européen. Il convient pour cela de favoriser la constitution de groupements et d'aider aussi à la modernisation de la flotte.

Nous souhaitons par ailleurs compléter et développer le réseau existant. C'est le sens du projet Seine-Nord. L'enquête publique a montré la grande diversité des points de vue. Le rapport de conclusion, établi par le préfet coordinateur, est en cours d'analyse par mes services. Sont également en cours de finalisation des compléments d'études sur les aspects socio-économiques et sur les segments Sud -Vallée de l'Oise- et Nord -canal Dunkerque-Escaut. Ainsi la voie navigable pourrait devenir l'une des composantes du transport intermodal.

J'en viens au transport aérien et au transport maritime. Le premier est en pleine croissance, tandis que le second, trop longtemps délaissé par les pouvoirs publics, commence à se redresser.

Avant de traiter du budget annexe de l'aviation civile, de la construction aéronautique, de la tutelle sur Air France et ADP, je souhaite aborder le dossier difficile des redevances aéroportuaires, évoqué par MM. Blazy et d'Aubert, et qui a conduit le Gouvernement à proposer des solutions actuellement soumises au Parlement.

Par un arrêt du 20 mai 1998, le Conseil d'Etat a annulé les arrêtés fixant les taux de la redevance pour services terminaux de la circulation aérienne -RSTCA-, perçue au profit du budget annexe de l'aviation civile. Il pose le principe selon lequel les services de sécurité incendie, de sauvetage et de sûreté sont des missions d'intérêt général qui incombent par nature à l'Etat. Leur coût ne peut donc être mis à la charge des usagers par le biais de redevances mais doit être financé par l'impôt.

Cet arrêt a une portée plus large. D'autres contentieux sont en cours, qui concernent les redevances aéroportuaires perçues par les gestionnaires d'aéroport, notamment les chambres de commerce ou ADP.

L'assiette de ces redevances inclut diverses dépenses de sûreté et de sécurité incendie, dont les rémunérations des personnels. Les décisions des gestionnaires d'aérodromes en matière de redevances sont donc susceptibles d'être annulées. De manière plus générale, l'arrêt du Conseil d'Etat pourrait s'appliquer à d'autres services d'intérêt général comme les visites de sûreté, prises en charge par les gestionnaires ou la lutte contre le péril aviaire.

Pour répondre à cet arrêt, il convenait donc de substituer des taxes aux redevances perçues par l'Etat dans le cadre du budget annexe ou par les gestionnaires d'aéroport. Le dispositif retenu repose à la fois sur le projet de loi relatif à l'organisation de certains services aux transports aériens, adopté par le conseil des minsitres du 7 octobre et déposé au Sénat, et sur le projet de loi de finances pour 1999, auquel le Gouvernement a déposé des amendements à ce titre.

Nous avons souhaité mettre en place un dispositif juridiquement incontestable et garantissant les ressources nécessaires.

S'agissant des impôts destinés à financer les dépenses considérées d'intérêt général, nous avons délibérément fait le choix d'impôts spécifiques. Nous allons créer au profit des gestionnaires d'aérodromes une taxe d'aéroport, assise sur le trafic passagers, et due par les entreprises de transport aérien public. Le Gouvernement vous proposera un amendement en ce sens.

Nous allons également étendre la taxe de sécurité-sûreté, nommée désormais taxe d'aviation civile, au profit de l'Etat. Cela a fait l'objet d'un premier amendement du Gouvernement, adopté en première lecture samedi dernier.

Le dispositif sera neutre pour les compagnies aériennes puisque les redevances diminueront à due concurrence de l'augmentation d'impôt.

Parallèlement, un dispositif de péréquation permettra de continuer à financer certains investissements et de compléter les ressources des aéroports les plus petits pour éviter que leurs taxes d'aéroport soient trop élevées. Cette péréquation sera assurée par un compte d'affectation spéciale, créé à partir du fonds de péréquation des transports aériens -FPTA- dont les missions seront élargies. Ce fonds sera dénommé fonds d'intervention pour les aéroports et le transport aérien -FIATA. Cette extension fera l'objet d'un amendement ultérieur.

Le projet déposé au Sénat a, lui, pour objet de préciser les compétences des gestionnaires d'aéroport en matière de sécurité et de sûreté et, d'autre part, d'apurer le passé de manière à assurer la continuité du service de transport aérien.

Le dispositif que nous proposons garantit la sécurité et la qualité des services rendus aux passagers.

Comme M. d'Aubert présidera notre séance de ce soir, je réponds maintenant à ses observations sur l'amendement 39. Il considère que la taxe de l'aviation civile est inconstitutionnelle car elle accroît la part de financement fiscal au sein du budget annexe. C'est faux car le produit de la taxe sera partagé entre le budget annexe et le compte d'affectation spéciale. La part de la nouvelle taxe affectée au budget annexe est égale au produit de celle qu'elle remplace. La part des ressources fiscales au sein du budget annexe restera de 20 %. Le pourcentage avancé de 30 % est faux.

M. d'Aubert s'interroge sur l'article VI de l'amendement, qui prévoit qu'Aéroports de Paris sera chargé du recouvrement de la taxe d'aéroport pour ce qui le concerne. C'est tout à fait possible. En effet, le Conseil constitutionnel, saisi sur un dispositif similaire, n'a pas censuré ce mode de recouvrement.

M. d'Aubert estime, enfin, que la taxe d'aéroport va à l'encontre du principe d'égalité car elle ne taxe pas le fret. Mais les mesures de sûreté liées au fret sont très différentes de celles qui sont nécessaires à l'accueil des voyageurs. La loi les met à la charge des agents de frets ou des compagnies aériennes. Par ailleurs, c'est bien l'existence des passagers qui détermine l'importance des moyens de sécurité incendie. Il n'y a donc pas rupture d'égalité devant les charges publiques. Au demeurant, le Conseil constitutionnel, qui a eu par le passé à apprécier la conformité à la Constitution du budget annexe de l'aviation civile, et notamment de la taxe de sécurité et de sûreté, n'a jamais soulevé ce motif alors même que cette taxe n'est elle aussi assise que sur les passagers.

M. Blazy s'est quant à lui interrogé sur les incidences de ce dispositif sur le budget annexe de l'aviation civile. Le projet de loi de finances tient compte de cette préoccupation puisqu'il réduit l'assiette de la redevance pour services terminaux. Les dépenses de sûreté antérieurement financées sur le budget annexe restent financées par des ressources à caractère régalien.

J'en viens au budget annexe de l'aviation civile, marqué par les gains importants de productivité -5 % environ- réalisés par les services. Ses crédits augmentent de 2,9 % en 1999 pour s'établir à 8,7 milliards. Ses dépenses de fonctionnement n'augmentent que modérément tandis que ses dépenses d'investissement diminuent, avec toutefois un effort particulier pour les emplois et la sûreté.

Sur le volet recettes, les compagnies aériennes bénéficieront d'une baisse de 3 % environ de la redevance de route et de 4 % de la redevance pour services terminaux. L'assiette de cette dernière a été, ceteris paribus, réduite de 3,6 % du fait de l'arrêt du Conseil d'Etat.

Pour les passagers, il n'y aura pas de relèvement des taux unitaires de la partie de la nouvelle taxe de l'aviation civile.

Le produit global de la taxe affectée au budget annexe progresse d'environ 8 % du fait de l'amélioration de la gestion de cette taxe et de l'évolution du nombre de passagers transportés.

De même, du fait de l'augmentation du trafic, le produit de la redevance de route devrait progresser de 4,7 % et celui de la redevance pour services terminaux de la circulation aérienne rester quasiment fixe en francs courants, malgré la baisse des tarifs unitaires.

Compte tenu de ces évolutions et de besoins de financement moins élevés, le recours à l'emprunt ne sera plus que de 830 millions.

Les dépenses de fonctionnement des services s'élèvent quant à elles, à 847 millions, en progression de 1,9 %.

Par contre, les dépenses de personnel qui s'élèvent à 4,2 milliards progressent de 5,2 %. En effet, ce budget prévoit la création nette de 227 emplois.

Dans le domaine prioritaire de la sûreté, les subventions en faveur des exploitants d'aéroports augmentent de 53 millions afin de suppléer au départ de la DICCILEC. L'Etat participe, sur les aéroports de province, aux coûts d'exploitation des installations de contrôle des bagages de soute.

J'en viens maintenant aux dépenses d'investissement, qui représentent 1 683 millions de francs et qui diminuent de 11,6 % par rapport à 1998. Notre effort d'investissement reste certes aussi nécessaire aujourd'hui qu'hier mais des ajustements sont possibles, compte tenu des nombreuses opérations de modernisation déjà réalisées. La nouvelle couverture radar du pays par exemple est pratiquement achevée.

M. Jean-Luc Warsmann - Grâce aux gouvernements de droite !

M. le Ministre - S'agissant des crédits ouverts sur le budget civil de recherche-développement pour aider la construction aéronautique, nos objectifs sont à la fois de conforter les succès actuels mais aussi d'anticiper sur les besoins futurs. Avec 1,856 milliard en AP et 1,4 milliard en CP, ce projet de budget donne au secteur aéronautique les moyens de poursuivre son soutien aux programmes, qu'il s'agisse des programmes en cours de réalisation comme l'Airbus 340-500 et 340-600 ou de préparer les programmes futurs, tels le très gros porteur A3XX.

Cette politique de croissance nécessite de resserrer les liens tissés avec les autres acteurs industriels européens. Dans cet esprit, le Gouvernement s'est prononcé en faveur de la transformation du GIE Airbus en société de plein exercice. Certains se sont inquiétés des conséquences d'une fusion éventuelle entre British Aerospace et DASA. Mais la France veillera à ce que les équilibres actuels ne soient pas compromis.

En ce qui concerne l'aéroport de Roissy et ses deux nouvelles pistes, les engagements du Gouvernement ont été tenus. A commencer par celui sur le plafonnement des nuisances sonores. Ainsi, malgré une augmentation de 7 % du trafic aérien, le volume d'énergie sonore est cette année demeuré constant. Quant au plafond de 55 millions de passagers, je puis vous assurer qu'il sera respecté.

M. Blazy a évoqué la taxe générale sur les activités polluantes, mais cette question relève du ministère de l'aménagement du territoire.

La construction des pistes avance bien. La piste no 4 est quasiment terminée et permettra au "doublet" sud d'être mis en service en avril 1999. La capacité de Roissy, en terme de mouvements, s'en trouvera donc, dès le printemps prochain, accrue de 13 %.

Un député RPR - Merci pour les riverains !

M. le Ministre - L'extension de trafic que permettront la piste no 4 puis la piste no 3 représente un atout formidable qu'il faut exploiter à fond, sachant que la France est la première puissance touristique du monde. Pour conserver au transport aérien français son excellence, nous devons non seulement investir -c'est ce que nous faisons- mais aussi anticiper -c'est l'enjeu de la réflexion sur le troisième aéroport. Nous devons aussi chercher à optimiser l'utilisation des aéroports d'Orly et de Roissy. Or, sur Orly, il y a 50 000 demandes de créneaux horaires qui ne peuvent être satisfaites. Je voudrais redonner à Orly une dynamique de croissance -sans bien sûr accroître les nuisances sonores- et conforter la synergie entre les deux aéroports. Une concertation a été engagée à cet effet le 26 mars et se poursuit, dans le but de faire d'Orly non pas simplement un "aéroport Schengen" mais un grand aéroport de dimension internationale.

Quelques mots sur Air France. Certains regrettent que l'on ne privatise pas. Je me réjouis pour ma part des perspectives qui s'ouvrent à la compagnie et de l'accord passé entre la direction et le syndicat des pilotes de ligne. Cet accord vient préciser les modalités pratiques de l'accord-cadre du 10 juin dernier qui avait mis fin au conflit et renforce la cohésion de l'entreprise au moment où celle-ci doit rassembler toutes ses énergies pour améliorer encore ses résultats.

En 1994, la compagnie était au bord du gouffre. L'Etat actionnaire l'a recapitalisé à hauteur de 20 milliards, après accord de la Commission européenne. Dans le même temps, elle a réorganisé en profondeur son exploitation et les personnels ont consenti des efforts considérables, voire des sacrifices, pour le redressement de leur entreprise. Tout cela a permis un retour à un résultat positif et à un ratio d'endettement plutôt raisonnable.

Mais Air France ne doit pas s'arrêter en chemin, car il lui faut faire face à un programme -de l'ordre de 40 milliards- de renouvellement de sa flotte. Nous accompagnons ces efforts, notamment par l'accord passé avec le ministère de la défense pour une meilleure utilisation de l'espace aérien, ou encore par l'accord franco-américain qui ouvre aux compagnies françaises de nouveaux marchés. Les pilotes vont eux aussi contribuer à cette dynamique puisqu'ils ont accepté un gel de leur salaire sur sept ans, en contrepartie d'un échange salaire-actions et de l'abandon de la double échelle des salaires. Ces accords équilibrés rétablissent un climat de confiance dans l'entreprise, et contrairement à ce qu'affirme M. d'Aubert, les autres personnels ne sont aucunement "grugés".

Dans les conditions qui étaient celles d'Air France en 1994, une entreprise privée n'aurait pas survécu. Grâce aux efforts de l'Etat actionnaire, la compagnie a pu se redresser et se hisser au meilleur niveau. C'est pourquoi je tiens à ce que l'Etat reste majoritaire dans son capital. Mais il y aura néanmoins ouverture de capital, selon des modalités techniques qui vont maintenant être mises au point.

Contrairement à ce qu'affirme M. d'Aubert, Air France a su nouer des liens très forts avec nombre de compagnies étrangères. Avec 28 alliances, elle est même la compagnie qui a le plus d'accords au monde et elle est en passe de couvrir l'ensemble des continents.

On voit bien qu'Air France, avec son statut public, a montré sa capacité à se redresser et à se développer : l'offre d'Air France, dans son prochain programme hiver 1998-99, est en croissance de 10 %. Air France étudie également son intégration dans une alliance plus globale. Ces grandes alliances sont rarement capitalistiques ; mais, si nécessaire, l'ouverture du capital de la compagnie devrait lui donner les marges de manoeuvre voulues.

Quant à Aéroport de Paris, qui inquiète M. d'Aubert, cette entreprise est en pleine expansion ; elle est en mesure de réaliser des investissements importants, de dégager un résultat financier sans aides de l'Etat, et de faire face à l'ouverture progressive du marché de l'assistance en escale.

Les moyens de Météo France lui permettront en 1999 de poursuivre sa modernisation et de respecter les engagements internationaux de la France vis-à-vis d'Eumetsat et du centre européen de prévision météorologique.

J'en viens au domaine maritime et portuaire. Les crédits pour l'ensemble du secteur sont maintenus avec une légère augmentation à 6,3 milliards en moyens de paiement et en moyens d'engagement.

Le premier objectif est la sécurité dans les ports et sur la mer. La sécurité dans les ports maritimes est un élément essentiel de leur attractivité. A ce titre, l'Etat doit remplir pleinement ses missions. C'est pourquoi les crédits destinés à l'entretien des chenaux d'accès, des avant-ports et des infrastructures de base sont reconduits. De surcroît, les crédits des chapitres 34-35 et 44-34 seront complétés dans le prochain collectif de fin d'année d'une dotation de 38,5 millions pour regrouper sur les chapitres appropriés l'ensemble des crédits nécessaires à l'entretien des profondeurs des chenaux d'accès maritimes, dont une partie était, à tort, imputée sur les crédits d'investissement. Le maintien de ces derniers -du chapitre 53-30- au niveau de 1998 traduira donc en fait un supplément de crédits d'investissement. Il permettra de rattraper le retard sur certaines opérations inscrites dans les contrats de plan Etat-régions, et de remettre en état des infrastructures dont l'entretien a été délaissé, rattrapage indispensable pour préparer la future génération des contrats de plan.

Le renforcement de la sécurité passe aussi par la réglementation et le contrôle de son application. Les règles de sécurité ont été renforcées aux niveaux international et européen, d'où une intensification du contrôle des navires, notamment sous pavillon de complaisance et une surveillance accrue du trafic. J'ai obtenu que cette priorité soit traduite dans le budget de 1999. La sécurité, ce sont en effet des contrôles et donc des moyens en personnel : dix emplois supplémentaires d'inspecteurs des affaires maritimes sont prévus.

Le sauvetage et la surveillance du trafic sont une autre mission essentielle de l'Etat. Les accidents récents justifient pleinement que les CROSS soient dotés de moyens suffisants. Le budget double leurs crédits de fonctionnement spécialisés et poursuit leur professionnalisation engagée en 1998. Quant aux phares et balises, le programme de remplacement des navires de l'Etat chargés du balisage sera poursuivi. Un programme de modernisation des bouées sera lancé grâce à l'augmentation sensible des crédits d'investissements. Les autorisations de programme passeront de 41 à 52 millions, en hausse de 26,8 %. Les crédits de paiement passent de 28,8 à 35,8 millions.

Le deuxième objectif est la modernisation du service public maritime. Pour ce qui concerne les effectifs et les moyens des affaires maritimes, le budget 1998 a marqué une première inversion de tendance en arrêtant pour la première fois depuis plus de dix ans les suppressions d'emplois. Cette orientation est confirmée dans le budget pour 1999, qui stabilise les effectifs des affaires maritimes. Enfin, j'ai souhaité un rééquilibrage progressif dans l'accès aux fonctions de direction au profit des fonctionnaires à statut civil. Les moyens supplémentaires de fonctionnement des services des affaires maritimes vont permettre d'accélérer leur modernisation, notamment en constituant des services de proximité.

Le programme d'équipement en vedettes côtières et embarcations légères tractables accompagne la généralisation des unités littorales des affaires maritimes et permet le remplacement des unités obsolètes. Une première tranche de cinq unités de 12 à 15 mètres a fait l'objet d'un appel d'offres en août. Le programme global comprendra la construction d'une quinzaine de vedettes de 12 à 15 mètres et l'acquisition de 25 embarcations légères tractables pour une dépense globale de 50 millions.

La formation maritime s'inscrit dans la perspective de la création d'emplois et d'une économie maritime redynamisée, préparant notre communauté maritime aux métiers du futur. Les crédits des écoles nationales de la marine marchande augmentent d'environ 13 %. Quant aux écoles maritimes et aquacoles, le Gouvernement entend les intégrer pleinement dans le service public. Il proposera prochainement un dispositif pour tirer les conséquences des lois de décentralisation répartissant les compétences entre les régions et l'Etat : ce dernier prendra en charge ses propres missions au lieu de les confier à une association. Cela suppose, à terme, la suppression de l'association pour la gestion des écoles maritimes et aquacoles et l'accueil dans un statut public des personnels de ces écoles.

Le troisième objectif est l'amélioration de l'efficacité de la filière portuaire. Le comité interministériel de la mer, réuni le 1er avril 1998, a arrêté des mesures destinées à renforcer la compétitivité de nos ports. C'est d'abord l'amélioration de la chaîne de transport terrestre à destination ou en provenance des ports maritimes français, et de leur desserte ferroviaire en particulier, enjeu essentiel pour RFF et la SNCF. Il importe aussi d'accroître la qualité des services offerts dans la chaîne portuaire, et de réduire les coûts chaque fois que possible. Ainsi, s'agissant des professions de pilotage, du remorquage et du lamanage, un plan pluriannuel d'abaissement des coûts a été demandé à chaque place portuaire. Une première baisse des tarifs a eu lieu en 1998. Ces efforts doivent être poursuivis.

Dans le domaine de la manutention portuaire, le Gouvernement proposera aux collectivités locales, dans le prochain collectif, d'exonérer de la taxe professionnelle certains équipements, afin de favoriser la modernisation des superstructures. Par ailleurs, les ouvriers dockers pourront prendre une retraite progressive à compter de 55 ans, en vue de favoriser le rajeunissement de la profession et donc l'efficacité de la manutention. A l'issue d'un délai de cinq ans, une évaluation sera réalisée pour examiner la possibilité d'une prolongation.

Enfin, il appartient aux ports eux-mêmes de faire des efforts de simplification des pratiques administratives et d'harmonisation au niveau européen. Des plans d'action sont menés avec les douanes ou le ministère de l'agriculture pour réduire les distorsions de concurrence avec les autres ports européens. Il faut, d'autre part, simplifier la gestion quotidienne des ports, sans que l'Etat abandonne pour autant son rôle de contrôle. Des mesures sont en préparation pour améliorer le dialogue social dans les établissements portuaires. En particulier le nombre des salariés au sein des conseils d'administration des ports autonomes sera porté de trois à cinq.

Sur le devenir des personnels, je précise à M. Paul que c'est notamment à travers leur mobilisation que nous réaliserons nos objectifs : la prise en compte et le respect des statuts et conventions collectives constituent donc un élément clé de la démarche.

Nos ports ont un dynamisme, qui accompagne la reprise des trafics, et se traduit par de nombreux projets de haut niveau que l'Etat soutiendra. Je citerai en particulier le projet "Port 2000" au Havre, qui vise à faire de ce port un site d'accueil de premier plan pour le trafic de conteneurs.

Pour trouver leur pleine efficacité, ces mesures doivent impliquer chacun des acteurs de la place portuaire, autour d'une ambition partagée de croissance, qui implique une organisation cohérente du travail, la baisse des coûts, la fiabilité, le service à la clientèle et le dynamisme commercial. Cet enjeu est capital pour que nos ports tiennent leur place dans la chaîne de transport. C'est capital aussi pour l'emploi, qui demeure notre objectif central.

Dernier grand objectif pour le ministre chargé de la mer, le soutien à la flotte de commerce et à l'emploi maritime. Notre flotte de commerce a fortement décru depuis les années soixante-dix et se stabilise difficilement à environ 210 navires. Je suis attentif à l'avenir de nos grands armements et aux difficultés particulières de la CGM. Lors du comité interministériel de la mer du 1er avril, le Gouvernement a arrêté une série de mesures. Il a ainsi décidé de reconduire en 1999 et pour les deux années suivantes le remboursement de la part maritime de la taxe professionnelle, traditionnellement proposée dans le collectif de fin d'année. En second lieu, pour se mettre en conformité avec les nouvelles orientations communautaires du 5 juillet 1997, le budget de 1999 donne à l'aide au secteur de la flotte de commerce la forme d'un remboursement partiel ou total des charges fiscales et sociales applicables aux marins des compagnies maritimes. Sont éligibles à ce remboursement les entreprises qui emploient des personnels naviguant sur des navires de commerce battant pavillon français et qui sont directement confrontées à la concurrence internationale. La dépense totale pour la première année est estimée à 123 millions. Ensuite, du fait de l'ouverture du cabotage à la concurrence internationale, d'autres armements deviendront éligibles, notamment la Société nationale maritime Corse-Méditerranée. Le financement de ces mesures est assuré à la fois par les crédits qu'ouvre la loi de finances initiale de 1999, soit 81 millions, et par ceux qu'ouvrira le collectif de 1998, et qui seront reportés sur l'exercice 1999. L'éligibilité des entreprises est subordonnée à un engagement de leur part sur des objectifs concernant l'emploi, la formation professionnelle et la configuration de la flotte sous pavillon français.

Enfin, la loi du 2 juillet 1998 portant diverses dispositions d'ordre économique et financier a mis en place un dispositif nouveau, le "GIE fiscal", prenant la suite des quirats. Il permettra aux armateurs de renouveler et de développer la flotte battant pavillon français dans des conditions financières avantageuses.

Ainsi ce budget marque clairement la volonté du Gouvernement de redresser la situation des ports et de la flotte de commerce pour redonner à nos façades maritimes toute la place qu'elles n'auraient jamais dû perdre.

Plusieurs orateurs ont évoqué la suppression des ventes hors taxes. Ce sujet relève de la compétence des ministres des finances de la Communauté. Néanmoins, au sein du conseil des ministres des transports, j'ai proposé à mes collègues les solutions du rapport Capet, et le Premier ministre a évoqué cette question avec le président de la Commission européenne. Nous en sommes là, mais la situation dans la Manche exigera des interventions des collectivités publiques et communautaires.

M. Lengagne a souligné les difficultés du port de Boulogne. Vous savez que l'Etat apporte un soutien important à la concession portuaire.

Je suis particulièrement attentif à la sécurité dans les transports, enjeu particulièrement actuel, évoqué notamment par M. Filleul et Mme Saugues. Chacun comprend l'émotion des agents des transports publics face aux agressions et aux incivilités. L'an passé, j'avais annoncé 12 mesures pour la prévention et la sécurité dans les transports de voyageurs : le Gouvernement a décidé d'en accélérer leur mise en oeuvre.

L'humanisation des réseaux jouera en effet un rôle décisif pour la prévention. Sur les réseaux SNCF d'Ile-de-France, le rythme des redéploiements d'effectifs sera doublé et 400 emplois-jeunes seront créés en 1999 et en 2000. Cela permettra d'ouvrir, dès 1999, 100 gares supplémentaires au-delà de 20 heures et de renforcer l'accompagnement à bord des trains et l'accueil en gare.

Sur les réseaux RATP, on continuera de redéployer au rythme de 1998, dans les bus notamment. L'objectif de 1 000 emplois-jeunes en trois ans sera atteint en deux, ce qui facilitera la médiation.

Les effectifs de police seront aussi renforcés et portés à 500 personnes sur les réseaux de la SNCF et 400 sur ceux de la RATP -auxquels s'ajoutent 100 adjoints de sécurité ; 12 bureaux de police seront ouverts dans les gares de banlieue en 1999 et 18 en 2000. Des dispositions législatives seront prises, afin d'aggraver les sanctions pour atteintes aux agents des entreprises de transport.

Des moyens financiers ont en outre été dégagés par les entreprises de transports elles-mêmes : 350 millions pour l'Ile-de-France, avec un programme de trois ans qui sera achevé en 1999 et permettra de réaliser des équipements de sécurité indispensables ; 50 millions de francs en province.

Le budget de la sécurité routière progresse de 4 % environ. Cela permettra d'assurer l'information routière -148 millions-, de renouveler une partie du matériel consacré à la sécurité routière, et de mettre en place certains grands systèmes d'exploitation inscrits aux contrats Etat-régions -SIRUS en Ile-de-France, Coraly à Lyon, Marius à Marseille.

Par ailleurs, les politiques locales d'incitation à la sécurité routière seront soutenues, comme la sensibilisation des jeunes au risque de l'alcool à la sortie des boîtes de nuit ou la présentation de voitures tonneaux pour inciter au port systématique de la ceinture.

Mais la sécurité routière, ce n'est pas seulement un budget. La route tue 8 000 personnes en France, deux fois plus qu'en Grande-Bretagne.

Une dynamique est à relancer, et je proposerai qu'un nouveau comité interministériel de la sécurité routière fasse le point sur les 25 mesures retenues au CISR de novembre 1997. Par ailleurs, un projet de loi portant diverses mesures relatives à la sécurité routière a été adopté par le Sénat et vous sera bientôt présenté.

La sécurité, c'est aussi le renforcement des procédures d'enquêtes administratives lors des accidents. Un projet de loi concernant le transport aérien est déjà en débat au Parlement et, en matière maritime, un bureau chargé des enquêtes lors des accidents en mer a été créé en 1998. De manière générale, les investissements de sécurité ont été privilégiés dans les arbitrages -je citerai le programme pluriannuel de résorption des passages à niveau. Mais l'amélioration de la sécurité, c'est aussi la qualité des infrastructures routières et de leur entretien. Comme l'an dernier, les crédits de remise à niveau et d'entretien seront accrus. Cet effort s'imposait, car de 1988 à 1996, les crédits de l'entretien courant avaient été réduits de 10 %, et ceux destinés à la réhabilitation de 66 % -tandis que le trafic augmentait de 22 %.

Les dotations proposées pour l'entretien, la réhabilitation et la mise en sécurité du réseau augmentent de 6,2 % en AP et de 4,8 % en CP. Elles s'établissent à 3 472 millions, si on intègre les crédits inscrits aux comptes d'affectation spéciale. L'effort portera particulièrement sur la réhabilitation des chaussées, le renforcement des ouvrages d'art et l'entretien préventif.

Ce choix n'est pas sans conséquences pour l'ensemble du budget routier, qui reste globalement stable : les crédits affectés aux nouvelles opérations diminuent. Ce budget ne permettra pas de rattraper les importants retards accumulés pour l'application des contrats Etat-régions : les autorisations de programme prévues porteront à 81 % leur taux d'exécution.

M. Idiart a regretté que les crédits du FITTVN soient utilisés pour financer le plan routier Massif Central. Il s'agit d'engagements pris par mes prédécesseurs, que je n'ai pas remis en cause. Il est vrai que l'ensemble des besoins n'est pas satisfait dans le domaine routier et qu'il faudra y prendre garde dans le budget de l'an 2000, qui verra le démarrage des prochains contrats de plan.

Beaucoup de questions se posent encore. Où en est par exemple réforme du financement des autoroutes ? Elle a pris un peu de retard, à cause notamment de l'annulation par le Conseil d'Etat, en février dernier, des décrets de concession de l'autoroute A86 à Cofiroute et de Teo à Lyon. Mais il est clair qu'il faut redresser le système français de concessions autoroutières. S'il a permis le développement d'un réseau de 6 700 km, il rencontre à présent ses limites. L'endettement représente en effet 150 milliards et l'accélération de la réalisation du schéma autoroutier, en 1994, s'est traduite par des tensions financières dans certaines sociétés, comme celle du tunnel de Fréjus. La facilité de financement procurée par la technique de "l'adossement" a conduit à certains choix d'investissement contestables. Enfin, le contexte juridique communautaire conduit à mettre en question le mode d'attribution des nouvelles concessions, tandis que la Cour des comptes conteste la méthode comptable et que la Commission européenne souhaite une modification du régime de TVA des sociétés autoroutières.

Nous devons, donc, construire une réforme du système autoroutier permettant de poursuivre le développement du réseau à un rythme adapté, dans le respect du droit communautaire. Elle doit permettre des mises en concurrence transparentes et une plus grande neutralité des choix d'investissements. Elle devra aussi renforcer la place des sociétés d'économie mixte, dans le cadre d'un véritable partenariat entre le public et le privé.

Cette réforme, qui introduira une comptabilité et une fiscalité plus proches du droit commun et facilitera la constitution de fonds propres, ne peut se faire sans un allongement des concessions actuelles. Des discussions ont déjà été engagées à ce sujet avec la Commission européenne.

Ce budget est évidemment une étape, et ne saurait se comprendre sans les réflexions que nous avons engagées pour l'avenir. En 1999, nous aurons à discuter des schémas de service, à négocier les futurs contrats de plan et à clarifier les priorités. Nous aurons à mettre au point les outils juridiques et financiers qui nous aideront à répondre aux principaux problèmes concernant l'aménagement urbain et le financement des transports collectifs ; la poursuite du programme autoroutier, les investissements à réaliser pour le fret ferroviaire.

La réflexion sur l'aménagement de l'espace et le développement des échanges constitue une démarche globale, qui implique un véritable débat de société, et qui concerne, au premier chef le ministère de l'équipement. Il s'agit d'évaluer les besoins et d'innover en matière de compétences et d'outils de financement. Je vous invite non seulement à voter le budget, mais à participer à cette réflexion et à contribuer à la réussite de cette démarche (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste et du groupe socialiste).

La suite du débat est renvoyée à la prochaine séance, qui aura lieu ce soir, à 22 heures 15.

La séance est levée à 20 heures 45.

          Le Directeur du service
          des comptes rendus analytiques,

          Jacques BOUFFIER


© Assemblée nationale


© Assemblée nationale