Accueil > Archives de la XIe législature > Les comptes rendus > Les comptes rendus analytiques (1998-1999)

Assemblée nationale

COMPTE RENDU

ANALYTIQUE OFFICIEL

Session ordinaire de 1998-1999 - 18ème jour de séance, 45ème séance

2ème SÉANCE DU MERCREDI 28 OCTOBRE 1998

PRÉSIDENCE DE M. Laurent FABIUS

          SOMMAIRE :

NOMINATION D'UN VICE-PRÉSIDENT DE L'ASSEMBLÉE NATIONALE 1

SOUHAITS DE BIENVENUE À DES DÉLÉGATIONS PARLEMENTAIRES ÉTRANGÈRES 1

QUESTIONS AU GOUVERNEMENT 2

    POLITIQUE FISCALE 2

    FRAUDES À LA SÉCURITÉ SOCIALE 2

    SERVICE PUBLIC DES TRANSPORTS 3

    DÉPLACEMENT D'UN MAGISTRAT DE LA CHANCELLERIE 4

    ACCUEIL DES HANDICAPÉS À LA RÉUNION 5

    RÉDUCTION DE LA DURÉE DU TRAVAIL 5

    DÉCHETS NUCLÉAIRES 6

    GROUPE AÉROSPATIALE-MATRA 6

    GROUPE RVI 7

    DÉPLACEMENT D'UN MAGISTRAT DE LA CHANCELLERIE 7

    PLANS DE LICENCIEMENT 8

    TASLIMA NASREEN 9

LOI DE FINANCEMENT DE LA SÉCURITÉ SOCIALE POUR 1999 (suite) 10

La séance est ouverte à quinze heures.


Top Of Page

NOMINATION D'UN VICE-PRÉSIDENT DE L'ASSEMBLÉE NATIONALE

L'ordre du jour appelle la nomination d'un vice-président de l'Assemblée nationale.

M. le Président - Je n'ai reçu qu'une candidature, qui a été affichée, celle de M. Raymond Forni.

Je proclame donc M. Raymond Forni vice-président de l'Assemblée nationale (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe RCV).


Top Of Page

SOUHAITS DE BIENVENUE À DES DÉLÉGATIONS PARLEMENTAIRES ÉTRANGÈRES

M. le Président - Nous savons tous à quel point les relations entre la Finlande et la France sont excellentes.

Je souhaite, en votre nom, la bienvenue à une délégation parlementaire conduite par Mme Riitta Uosukainen, Présidente du Parlement de la République de Finlande (Mmes et MM. les députés et les membres du Gouvernement se lèvent et applaudissent).

Je souhaite également, en votre nom, la bienvenue à une délégation parlementaire conduite par M. Rawhi Fattouh, député et secrétaire général du Conseil législatif palestinien (Mmes et MM. les députés et les membres du Gouvernement se lèvent et applaudissent).


Top Of Page

QUESTIONS AU GOUVERNEMENT

L'ordre du jour appelle les questions au Gouvernement.

POLITIQUE FISCALE

M. Gilles Carrez - Monsieur le ministre des finances, malgré les promesses du Gouvernement de baisser les impôts, les Français qui viennent de recevoir leur avis d'imposition à la CSG sont au regret de constater que celle-ci a doublé, parfois triplé, voire davantage. Ainsi, M. Martin, un Français parmi d'autres (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe RCV) acquittera 9 624 F en 1998 contre 4 407 F en 1997, soit une augmentation de 120 %. Je tiens à votre disposition, Monsieur le ministre, les deux avis d'imposition en question.

Plusieurs députés socialistes - Pauvre Martin !

M. Gilles Carrez - Et l'addition ne s'arrêtera pas là. Il n'y aura pas d'allégement de la fiscalité en 1999, contrairement à ce que prétend le Gouvernement. Les classes moyennes, les familles en particulier, vont subir un nouveau tour de vis fiscal du fait de l'abaissement du plafond du quotient familial ("Quelles familles ?" sur les bancs du groupe socialiste).

Quand cesserez-vous d'annoncer des baisses d'impôts qui ne se produisent jamais ? Et ne me répondez pas, Monsieur le ministre, en invoquant 1995. Ce qui intéresse les Français, c'est l'avenir (Applaudissements sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL ; exclamations sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe RCV).

M. Dominique Strauss-Kahn, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie - Il ne me serait jamais venu à l'esprit de remonter à 1995. Mais puisque vous en avez parlé, je souhaiterais que chacun comprenne ce que vous avez voulu dire (Rires et applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe RCV). Vous visiez la hausse de 2 % de la TVA décidée par le gouvernement précédent (Exclamations sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL). Les Français vous ont fait connaître leur sentiment il y a un peu plus d'un an (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe RCV).

L'injustice de la TVA, impôt universel non progressif, n'était pas la seule de notre système fiscal. En effet, jusqu'à il y a peu, le financement de la Sécurité sociale était assis exclusivement sur les revenus du travail, à l'exclusion de ceux du capital. Ce gouvernement, soutenu par sa majorité, a estimé que les cotisations sociales devaient être assises sur l'ensemble des revenus puisqu'elles financent des prestations qui profitent à tous de manière égalitaire.

Un changement est donc bien intervenu. Mais Monsieur le député, vous avez oublié que M. Martin, auquel vous aurez l'amabilité de présenter mes salutations lorsque vous le reverrez (Sourires), paie désormais moins de cotisations salariales et qu'il y a gagné puisque celles-ci ont diminué davantage que n'a augmenté sa CS. (Interruptions sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL). Je serais navré que vous vous soyez fait chahuter par M. Martin à cause du Gouvernement. Vous pouvez maintenant lui annoncer une bonne nouvelle et je suis sûr que vous le ferez (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe RCV ; exclamations sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL).

FRAUDES À LA SÉCURITÉ SOCIALE

M. Jean-Michel Ferrand - Ma question, à laquelle s'associe mon collègue Patrick Ollier, s'adresse à Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité. Alors même que les régimes de santé et de retraite connaissent d'importantes difficultés, le président de la caisse régionale d'assurance maladie du Sud-Ouest fait savoir publiquement que sur les 25 milliards versés par sa caisse, quatre milliards le sont à des ressortissants étrangers pour lesquels il ne dispose d'aucun moyen fiable de contrôle de la destination des prestations. Les détournements pourraient s'élever, selon lui, à plusieurs centaines de millions. Il est fréquent, déclare-t-il dans la presse, que l'on verse des pensions à des hommes âgés de 90 ans, 100 ans, ...102 ans et même dans un cas de 124 ans ! La Caisse nationale d'assurance vieillesse conteste ces chiffres, soutenue par son conseil d'administration et l'ensemble des syndicats. Le président de la caisse régionale maintient ses dires et demande les moyens d'effectuer les contrôles nécessaires. Le système actuel est dépassé et inefficace. Quelles mesures comptez-vous prendre, Madame la ministre, pour donner aux caisses régionales les moyens modernes de vérifier la véracité des informations, en particulier l'identité des bénéficiaires étrangers de pensions vieillesse et d'allocation veuvage ? (Applaudissements sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL).

Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité - Monsieur le député, lorsqu'on a cotisé pour sa retraite, on a le droit de la toucher, que l'on habite en France ou à l'étranger, et jusqu'à 102 ans si l'on vit jusqu'à cet âge. Ensuite, je ne considère pas, contrairement à vous, que les étrangers sont plus tricheurs que les Français (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe RCV ; exclamations sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL). Je souhaiterais d'ailleurs que cette opinion soit mieux partagée dans le pays.

Cela étant, je pense également que chaque franc de cotisation versé doit l'être à bon escient. C'est moi qui ai fait voter en 1992 la première loi instituant un contrôle des chômeurs afin d'éviter les fraudes. Il en va de même pour le RMI, les prestations maladie, les retraites.

Plusieurs milliers de fonctionnaires s'occupent du contrôle dans l'ensemble des caisses. Nous avons évoqué ce matin, lors du débat sur le projet de loi de financement de la Sécurité sociale, la question du contrôle médical. La CNAF radie chaque année des personnes qui ont touché des prestations familiales alors qu'elles n'y avaient pas droit. La CNAV dispose elle aussi de moyens de contrôle, y compris à l'étranger. Elle peut toujours solliciter nos administrations pour vérifier tel ou tel point.

Oui, des contrôles efficaces doivent être effectués pour toutes les prestations sociales. Mais de grâce, cessons de penser que nous, Français, sommes parfaits et que tous les étrangers sont des fraudeurs en puissance (Exclamations sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL ; applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe RCV).

SERVICE PUBLIC DES TRANSPORTS

M. Jacques Kossowski - Depuis plusieurs semaines, les arrêts de travail se multiplient dans nos transports en commun. Les usagers, franciliens en particulier, vont connaître de nouvelles difficultés puisque des préavis de grève sont d'ores et déjà déposés pour la semaine prochaine. Ces grèves, qui trouvent leur origine dans le climat d'insécurité croissant pour les agents comme pour les voyageurs, perturbent gravement la vie de nos concitoyens. En outre, des employeurs hésitent désormais à embaucher des personnes domiciliées loin de leur lieu de travail. Enfin, l'Etat a le devoir d'assurer la sécurité de ses agents dans l'exercice de leurs fonctions et d'assurer la continuité du service public.

Quelles dispositions le Gouvernement compte-t-il prendre pour assurer la sécurité des voyageurs et des agents car, enfin, la sécurité est l'un des premiers droits du citoyen ? Les effets d'annonce ne suffisent pas. Des mesures concrètes sont nécessaires, traduisant sur le terrain la fermeté des pouvoirs publics.

Enfin, un service minimum ne devrait-il pas être assuré dans les transports, comme le demandent d'ailleurs de nombreuses associations d'usagers, qui garantirait à la fois l'exercice du droit de grève et le droit au transport ? (Applaudissements sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL).

M. Jean-Claude Gayssot, ministre de l'équipement, des transports et du logement - Je dois vous reconnaître une qualité, dans l'opposition : vous ne changerez jamais ! (Rires sur les bancs du groupe communiste, du groupe socialiste et du groupe RCV)

Plusieurs députés RPR et DL - Vous non plus !

M. Jean-Claude Gayssot, ministre de l'équipement, des transports et du logement - Chaque fois que se présente un conflit, un problème, vous revenez sur la question du service minimum, aussi régulièrement que les feuilles tombent en automne... Il y a un grave problème de sécurité. Des mesures sont prises, notamment pour réhumaniser les transports publics ; qu'on a déshumanisés pendant des années. Plus de huit cents salariés seront ainsi redéployés à la RATP et à la SNCF, à quoi s'ajoutent des effectifs de police. J'en viens à votre question récurrente sur le service minimum. La gêne des usagers est réelle, et nul ne doit la sous-estimer. Mais que signifierait un service minimum ? S'agit-il, comme l'a demandé dimanche une association d'usagers soutenant M. Sarkozy, d'interdire la grève aux heures de pointe ? Le Gouvernement s'y refuse (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe RCV), car ce serait une atteinte au droit de grève (Exclamations sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL).

Pour les grèves qui ne sont pas la conséquence d'agressions, mais ont d'autres motivations, nous sommes partisans du dialogue social et de la recherche du compromis quand il est possible. Nous essayons notamment d'utiliser la période du préavis pour aboutir à des résultats. Quant aux mouvements qui résultent d'agressions, le mieux à faire n'est pas d'opposer les agents du service public aux usagers, mais d'essayer de les rassembler, et de trouver des formes de riposte solidaire. Vous voulez mettre de l'huile sur le feu : nous voulons mettre de l'huile dans les rouages, pour que ça tourne ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe RCV ; protestations sur les bancs du groupe DL, du groupe RPR et du groupe UDF)

DÉPLACEMENT D'UN MAGISTRAT DE LA CHANCELLERIE

M. Pascal Clément - Madame le ministre de la justice, je souhaite vous interroger sur ce qu'il est convenu d'appeler l'affaire Lemesle. Nous avons appris hier soir que le sous-directeur des affaires criminelles et des grâces à la Chancellerie avait été évincé de son poste pour avoir écrit, dans la collection Que Sais-je ?", un ouvrage intitulé Le Procureur de la République. Cet ouvrage contient-il autre chose que le droit positif ? Vous lui reprochez de ne pas faire place à la volonté du Gouvernement d'assurer l'indépendance du Parquet. C'est effectivement une intention du Gouvernement, mais ce n'est pas même encore un projet débattu par le Parlement. Enfin, M. Lemesle indique, page 116 de son livre, que celui-ci a été écrit il y a deux ans, avec la remise du rapport Truche au Président de la République, et que des interrogations se posaient quant à une réforme possible, mais que l'ouvrage ne pouvait en faire état. Madame le ministre de la justice, l'éviction de votre sous-directeur, nommé il y a quatre ans par M. Méhaignerie -qui s'associe à ma question-, apparaît comme le fait du prince, comme une forme de censure encore jamais observée de la part d'un ministre de la justice. Cet homme... (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste) vous n'êtes pas nombreux à le connaître : laissez parler ceux qui ont eu l'honneur de le rencontrer. Cet homme est unanimement respecté de la magistrature pour sa compétence et sa loyauté. Après quatre ans d'exercice d'une lourde responsabilité, lui proposer d'être substitut général à Paris ou à Versailles a été ressenti par ses collègues comme un camouflet. Madame le ministre "de la Justice", entendez-vous exercer le ministère qui porte le nom de cette belle vertu ? (Applaudissements sur les bancs du groupe DL, du groupe UDF et du groupe du RPR)

Mme Elisabeth Guigou, garde des sceaux, ministre de la justice - Rappelons d'abord les faits. Le mois dernier, ce haut responsable de mon ministère, le sous-directeur des affaires criminelles et des grâces, a publié un Que Sais-je ? intitulé Le Procureur de la République. Il s'y livre à un éloge vif et répété des instructions individuelles du Garde des Sceaux aux procureurs, y compris -écrit-il- quand il s'agit de requérir un non-lieu, une relaxe ou un acquittement. Ces instructions sont présentées à plusieurs reprises comme indispensables, et leur suppression est qualifiée d'aventure. Or cette suppression est au coeur de la politique judiciaire du Gouvernement, et des engagements pris ici même par le Premier ministre dans sa déclaration de politique générale du 19 juin 1997 (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe RCV). Il se trouve que ce sous-directeur est justement celui qui était chargé de concevoir, d'expliquer, de mettre en oeuvre en mon nom, avec ma délégation de signature, la politique pénale voulue par le Gouvernement ! (Exclamations sur les bancs du groupe DL, du groupe du RPR et du groupe UDF) Une telle situation ne pouvait durer : on ne peut concevoir qu'un haut fonctionnaire soit chargé de conduire la politique pénale d'un Garde des Sceaux et prône en même temps une politique opposée (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe RCV).

Je l'ai reçu et lui ai demandé de partir dans une juridiction. Un tel poste en effet n'aurait pas les mêmes inconvénients : en juridiction, un magistrat peut très bien critiquer la politique du Gouvernement. Beaucoup le font, et parfois en des termes qui frisent les limites du devoir de réserve ; mais je ne me suis jamais sentie autorisée à prendre une mesure quelconque à ce sujet, car je crois au débat public. M. Lemesle a par ailleurs le droit d'obtenir un poste qui corresponde aux services rendus et à son ancienneté, d'autant plus qu'en dehors de ce Que sais-je ? je n'ai rien à lui reprocher dans l'exercice de ses fonctions. Je souhaitais mettre fin à une contradiction fonctionnelle. Sans quoi vous seriez fondés, brandissant ce Que sais-je ?, à me reprocher de faire une chose pendant que mes fonctionnaires disent le contraire ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe RCV) Je crois donc que M. Lemesle exercera mieux ses fonctions dans une juridiction (Mêmes mouvements).

ACCUEIL DES HANDICAPÉS À LA RÉUNION

Mme Huguette Bello - Ma question s'adresse à Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité. Au moment où plusieurs organisations appellent l'attention des pouvoirs publics sur la situation des handicapés, je voudrais faire entendre la voix de ceux de la Réunion.

Des efforts ont été faits pour leur prise en charge, avec la réalisation de structures d'accueil spécialisées. Mais les établissements médico-sociaux restent en nombre insuffisant et les capacités d'accueil bien en deçà des demandes. Les listes d'attente s'allongent : les délais peuvent facilement atteindre trois ans. Certains handicaps sont peu ou pas pris en charge. Et il n'y a aucune alternative pour les intéressés : dans l'île, on ne peut sérieusement les orienter vers un autre département. Tout au plus, pour compenser le manque de places, peut-on appliquer l'amendement Creton qui permet le maintien des adultes dans les structures destinées aux enfants. Cette solution concerne actuellement une centaine de personnes. Mais elle trouve vite ses limites. Aussi est-il indispensable, à côté de la recherche d'autres formes de prise en charge, d'augmenter le nombre de places en créant de nouveaux établissements à la Réunion. Plusieurs projets ont déjà reçu l'aval des instances médico-sociales régionales. Mais, à défaut de financements, ils ne peuvent voir le jour. C'est pourquoi je souhaite, Madame la ministre, voir ce dossier mis à l'étude en sorte que ceux que la vie a blessés, puissent bénéficier, sans plus attendre, de l'accueil digne auquel ils ont droit (Applaudissements sur les bancs du groupe RCV et sur plusieurs bancs du groupe socialiste).

Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité - L'équipement reste en effet insuffisant : avec 1 300 places pour enfants et 900 pour adultes, la Réunion se situe à moins de la moitié de la moyenne nationale. Aussi ai-je soutenu cette année deux projets de création ou d'extension d'établissements. Le Premier ministre a lancé un projet pluriannuel sans précédent de développement des structures d'accueil des handicapés : 5 500 places en maisons d'accueil spécialisées ou en foyers à double tarification, 8 500 en centres d'aide par le travail et 2 500 en ateliers protégés. Cela devrait régler le problème de l'amendement Creton, c'est-à-dire libérer des places attendues par des enfants. La Réunion fera l'objet d'une attention particulière dans ce programme, d'autant que l'Etat et le conseil général élaborent un schéma d'équipement pour les handicapés.

RÉDUCTION DE LA DURÉE DU TRAVAIL

Mme Brigitte Douay - Madame la ministre de l'emploi, n'en déplaise aux esprits négatifs ou hostiles, la réduction du temps de travail entre dans les faits et suscite un intérêt croissant notamment dans les PME. De nombreux accords sont en cours de signature, dans le respect de la lettre et de l'esprit de la loi. Alors que dans la métallurgie et l'industrie sucrière des accords que l'on peut considérer comme inacceptables ont été signés, alors que d'autres branches sont en négociation, il semble que dans le secteur textile se dessine un accord de branche prometteur. Le groupe de travail textile de l'Assemblée est très attentif à ce projet, qui montre que même dans un secteur en situation difficile, des accords de réduction du temps de travail peuvent protéger l'emploi sans nuire au pouvoir d'achat. Dans quelles conditions la dynamique en cours vous paraît-elle pouvoir s'accélérer ? (Exclamations sur les bancs du groupe du RPR du groupe UDF et du groupe DL ; applaudissements sur les bancs du groupe socialiste)

Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité - Le mouvement de réduction de la durée du travail, vous l'avez dit, est en marche (Interruptions sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL). Une dizaine de branches ont déjà signé et 485 accords conclus ont permis de créer 8 % d'emplois supplémentaires. 18 % des entreprises déclarent être en train de négocier, et 20 % s'apprêtent à le faire (Mêmes mouvements). Des chefs d'entreprise disent à leurs salariés, peut-être pour la première fois, ce qui leur paraît nécessaire pour mieux fonctionner et requalifier le travail ; on voit des salariés qui se disent désireux de remplir des tâches plus responsables et de façon plus imaginative, et de mieux articuler vie professionnelle et vie familiale ; et nous entendons les uns et les autres se dire fiers de créer ensemble des emplois. Cette grande affaire qui devait mettre les entreprises par terre, ou faire baisser le pouvoir d'achat des salariés, débouche sur de vraies négociations où chacun gagne, entreprises, salariés, chômeurs (Interruptions sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL). Dans le textile comme ailleurs, je me réjouis qu'un accord soit bientôt proposé aux partenaires sociaux (Mêmes mouvements). Voilà un exemple qui s'ajoute à beaucoup d'autres (Exclamations sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL ; applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

DÉCHETS NUCLÉAIRES

Mme Michèle Rivasi - La COGEMA retraite à La Hague des combustibles irradiés provenant de pays étrangers (Interruptions sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL). Or la quantité de combustibles étrangers déjà retraités et stockés s'élève... (Exclamations et interruptions sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL)

M. le Président - Peut-on espérer un minimum de courtoisie ?

Mme Michèle Rivasi - ...à environ 7 000 tonnes, et 5 000 tonnes sont également retraitées au titre des centrales d'EDF. En 1991, la loi Bataille a interdit le stockage des déchets étrangers sur le territoire français. Or ces déchets n'ont pas été rapatriés et, depuis le début des activités de retraitement, cinq rapatriements seulement ont eu lieu, deux pour le Japon et trois pour l'Allemagne. Les déchets Bataille n'ont, eux, jamais fait l'objet d'aucun rapatriement.

Cette situation est intolérable. Nous ne pouvons pas devenir la poubelle radioactive du monde (Interruptions sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL).

Pouvez-vous nous fournir un rapport d'information détaillé sur la nature et les quantités de déchets concernés, pays par pays ? Pourquoi les déchets ne sont-ils pas renvoyés dans leurs pays d'origine ? Comment comptez-vous vous assurer que la COGEMA respecte la loi ? Irez-vous jusqu'à suspendre les contrats de retraitement applicables aux déchets étrangers tant que la loi n'est pas appliquée ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste)

M. Christian Pierret, secrétaire d'Etat à l'industrie - La loi Bataille dispose en effet que le stockage en France de déchets radioactifs importés est interdit au-delà des délais techniques imposés par le retraitement. Les contrats signés par la COGEMA prévoient le retour dans leur pays d'origine des résidus ultimes qui doivent être conditionnés de façon à assurer leur transport et leur stockage en toute sécurité.

Ces contrats ont donné lieu à des échanges de lettres avec les gouvernements concernés, afin de mieux garantir leur sécurité juridique.

Les résidus sont classés selon leur radioactivité et font l'objet d'une comptabilité précise. Cette comptabilité, ainsi que le retour des déchets, sont soumis à contrôle.

Tous les déchets vitrifiés ont déjà été rapatriés. Trois opérations de retour vers le Japon, deux vers l'Allemagne, ont été organisées. D'autres sont une préparation. Le rythme des retours n'est cependant pas satisfaisant, du fait en particulier de l'opposition d'organisations antinucléaires qui souhaitent que les déchets restent sur le territoire national.

Le Gouvernement travaille à redresser la situation en établissant des procédures transparentes et régulières de retour.

Le Gouvernement est attaché au strict respect de la loi du 30 décembre 1991. Il n'hésitera pas, s'il le faut, à rappeler à ses partenaires étrangers que les contrats doivent être intégralement appliqués.

Le Gouvernement compte mettre en oeuvre les dispositions de la loi de 1991 concernant les autres voies de traitement des déchets radioactifs et faire connaître rapidement le choix des sites des laboratoires souterrains de recherche.

La ligne directrice du Gouvernement est donc la transparence et la préparation de l'avenir (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

GROUPE AÉROSPATIALE-MATRA

M. Vincent Burroni - Le 22 juillet dernier, le Gouvernement annonçait l'accord conclu entre Aérospatiale et Matra hautes technologies. Cette fusion donne naissance à un pôle industriel civil et militaire de première importance. L'Etat détient 48 % du capital, le groupe Lagardère entre 30 % et 33 %, le reste revenant aux salariés et au public.

En 1999, plus de 56 000 salariés travailleront ensemble à la réussite de cette entreprise.

Quel sera leur statut ? Quelles en seront les conséquences sur l'emploi ? Où en sont les négociations ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste)

M. Alain Richard, ministre de la défense - Ce regroupement aura des effets importants sur la recherche et le développement, l'innovation et le niveau des fonds propres. La situation des personnels des deux entreprises est régie par la convention de la métallurgie et par des accords d'entreprise, qui resteront en vigueur pour chacun des établissements concernés. Il n'y a pas de changement à attendre sur ce point du fait de la fusion. La nouvelle organisation industrielle donne lieu à rencontres régulières entre la direction du nouveau groupe et les partenaires sociaux. Le Gouvernement s'en tient régulièrement informé. Les deux présidents actuels ont indiqué que la fusion devrait permettre de développer l'emploi.

Il existera un actionnariat salarié, et des salariés seront représentés au conseil d'administration. Le calendrier de la fusion se déroule à présent à un rythme rapide. Je reverrai les organisations syndicales concernées par le nouvel ensemble. Un rapport de confiance s'est établi entre les représentants des salariés et le Gouvernement, qui jadis avait fait cruellement défaut (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

GROUPE RVI

Mme Laurence Dumont - Le Gouvernement a la volonté affichée de maintenir en France un pôle industriel du poids lourd. Mais RVI, qui emploie 26 000 personnes dont 16 000 en France, est aujourd'hui lourdement frappé par son dix-huitième plan social, qui comporte la suppression de 672 emplois. Les salariés inquiets s'interrogent sur la pertinence des choix stratégiques de l'entreprise et de leurs conséquences sur l'emploi.

A Blainville, dans le Calvados, le personnel estime que la restructuration sur ce seul site entraînera la suppression de 1 800 emplois en cinq ans sur les 3 000 existants.

Quelle est la position de l'Etat sur la politique de RVI ? Quelles mesures le Gouvernement envisage-t-il de prendre pour accélérer l'application de la réduction du temps de travail, promise par la direction de l'entreprise mais qui est restée lettre morte jusqu'à présent ? (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste, du groupe socialiste et du groupe RCV)

M. Christian Pierret, secrétaire d'Etat à l'industrie - Renault Véhicules Industriels a consulté le comité central d'entreprise et les comités d'entreprise sur une éventuelle réorganisation de sa production qui toucherait ses différents sites.

Vous aviez regretté, au printemps dernier, que l'annonce des plans sociaux ne soit pas précédée d'une concertation suffisante. RVI semble avoir entendu le message, puisque les salariés ont été associés aux décisions industrielles très en amont. La négociation, la concertation et le dialogue doivent prévaloir avant toute réorganisation.

Bien entendu, on ne peut préjuger le résultat de l'étude lancée par RVI. Les impératifs industriels ne doivent pas méconnaître ceux des salariés. Si une réorganisation de la production devait intervenir, nous serions très vigilants quant aux conditions de sa mise en oeuvre. Mme Aubry et moi-même sommes très attentifs à l'évolution de l'emploi dans le secteur automobile. Le Gouvernement ne veut pas que les plans sociaux se multiplient avec le soutien du FNE.

Cela dit, Renault a ouvert des discussions sur la réduction et l'aménagement du temps de travail. Je me félicite de cette nouvelle attitude (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

DÉPLACEMENT D'UN MAGISTRAT DE LA CHANCELLERIE

M. Pierre Méhaignerie - Dans votre réponse à une question importante qui vous a été posée tout à l'heure, Madame la ministre de la justice, vous auriez eu raison s'il s'était seulement agi d'instructions au Parquet, mais il s'agit d'instructions écrites et versées au dossier. Nombre de magistrats préfèrent connaître la position de l'Etat (Applaudissements sur les bancs du groupe du UDF, du groupe RPR et du groupe DL). C'est aussi la position de Robert Badinter, homme politique respecté sur vos bancs. Dès lors que la nomination des magistrats du Parquet dépend, non plus du pouvoir politique, mais du Conseil supérieur de la magistrature, il importe que le pouvoir politique continue à jouer son rôle. Cela vaut mieux que de recourir à des solutions parallèles et opaques (Mêmes mouvements).

Voilà pourquoi nombre de magistrats pensent que la sanction qui a été infligée à un homme unanimement respecté est une injustice ! (Nombreux applaudissements sur les bancs du groupe UDF, du groupe du RPR et du groupe DL)

Mme Elisabeth Guigou, garde des sceaux, ministre de la justice - Ce n'est pas le fait que ce haut responsable ait écrit un Que sais-je ?, qui est en question (Interruptions sur les bancs du groupe UDF, du groupe du RPR et du groupe DL), mais qu'il exerce en même temps ses responsabilités au ministère de la justice pour appliquer une politique différente de celle qui fut la vôtre.

Vous dites préférer les instructions individuelles. Pour ma part, j'aime mieux les supprimer, parce que le système des instructions écrites versées au dossier n'a pas empêché certains Gardes des Sceaux de saisir leur téléphone ou d'envoyer des hélicoptères dans l'Himalaya ! (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe RCV). J'entends justement éviter des interventions inadmissibles du pouvoir politique dans des affaires judiciaires et individuelles (Protestations sur les bancs du groupe UDF, du groupe du RPR et du groupe DL).

Tout magistrat peut émettre une opinion, mais il s'agit, en l'occurrence, du responsable chargé, au nom du Gouvernement, d'appliquer la nouvelle politique pénale pour laquelle nous avons été élus ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe RCV ; protestations sur les bancs du groupe UDF, du groupe du RPR et du groupe DL)

PLANS DE LICENCIEMENT

M. Alain Bocquet - Les efforts du Gouvernement en faveur de l'emploi, que le groupe communiste a activement soutenus, risquent d'être ruinés par les plans de licenciement qui sont annoncés un peu partout : les chantiers navals du Havre à Lévi-Strauss en passant par Chausson, les Salins du Midi ou RVI, la même logique prévaut. Le CNPF peut bien changer d'enseigne, les agressions du grand patronat contre les salariés ne connaissent aucune trêve. Les conseils d'administration des sociétés avides de rentabilité ne considèrent les hommes que comme des variables d'ajustement. On fait bien peu de cas de la vie de ces femmes, de ces hommes et même de régions entières victimes de la casse de l'emploi.

L'acharnement contre la politique de gauche se traduit par la multiplication des plans de licenciement et les délocalisations d'entreprises, lesquelles ont bénéficié d'importantes aides publiques ! Cette situation ne peut durer ! (Applaudissements sur quelques bancs du groupe du RPR et du groupe UDF)

Les salariés savent bien ce que les plans de reconversion signifient puisque la droite en a fait beaucoup. Ils ont raison de ne pas vouloir lâcher la proie pour l'ombre. Les parlementaires communistes ont fait des propositions portant notamment sur un moratoire pour les licenciements et sur l'intervention des salariés très en amont des décisions.

Il est urgent d'agir : l'immobilisme, en la matière, pourrait être tragique. Il y va de la vie de centaines de milliers d'êtres humains, du développement de nos régions et de notre économie ; il y va de la réussite de la gauche.

Quelles mesures le Gouvernement envisage-t-il de prendre rapidement ? (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste, du groupe socialiste et du groupe RCV)

Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité - La meilleure façon d'éviter les licenciements réside dans une croissance forte (Interruptions sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL). C'est ce à quoi le Gouvernement s'est employé et le nombre des licenciements a diminué de 1 % durant les huit premiers mois de 1998 par rapport à la même période de 1997.

Cela n'empêche pas que certains salariés sont confrontés à des licenciements. Dans le cas des chantiers navals du Havre, c'était prévisible compte tenu des décisions antérieures. En revanche, s'agissant de Lévi-Strauss, comment admettre la fermeture d'une usine quand on sait que la marque produit les articles au quart du prix où ils sont vendus en magasin ? Je poserai cette question à la direction générale du groupe que je recevrai dans quelques jours.

Cela dit, quand les entreprises décident de licencier, il faut faire en sorte qu'elles en supportent le coût. J'ai donc donné des directives à mes services pour que les plans sociaux soient soumis à un contrôle plus rigoureux. Et un amendement communiste à la loi contre les exclusions autorise l'administration du travail à contrôler, a posteriori, la réalité des plans sociaux. Nous avons également doublé le taux de financement des préretraites par les grands groupes, et augmenté le montant de la contribution Delalande.

L'arme de la réduction de la durée du travail doit aussi être utilisée. Cinquante et un accords ont été signés en deux mois et demi, ce qui n'est pas si mal. Nous voulons aussi que les salariés puissent mettre à profit leurs périodes de licenciement pour se former.

Bref, le Gouvernement est très attentif à chaque licenciement dans tous les plans sociaux car il n'oublie pas l'angoisse de ceux qui sont concernés (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe RCV).

TASLIMA NASREEN

Mme Muguette Jacquaint - Le 10 décembre prochain, nous célèbrerons le cinquantième anniversaire de la déclaration des droits de l'homme. En dépit de ce texte majeur, les violations des droits fondamentaux restent nombreuses à travers le monde.

Plusieurs députés RPR - Pas vous !

Mme Muguette Jacquaint - Aujourd'hui, certains doivent s'exiler pour échapper à la torture ou à l'emprisonnement (Interruptions sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL). Comment ne pas songer à Mme Taslima Nasreen, écrivain de talent qui a contribué à faire connaître la culture de son pays, le Bangladesh ?

Plusieurs députés RPR - Et le goulag ?

Mme Muguette Jacquaint - Vous êtes insolents !

M. Jean-Claude Lefort - Monsieur le Président, c'est scandaleux !

M. le Président - Respectez ceux qui posent des questions, comme ils vous ont respecté en vous écoutant (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe RCV).

Mme Muguette Jacquaint - Taslima Nasreen risque non seulement la prison, mais aussi la mort, car elle a été menacée par les tenants de l'obscurantisme religieux pour avoir défendu la liberté d'expression et les droits des femmes. Le 2 octobre, elle nous lançait un appel au secours : si vous ne m'écoutez pas, au moins écoutez-la ! (De nombreux députés RPR, UDF et DL quittent l'hémicycle ; huées sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe RCV). "Je me cache désormais", nous dit-elle. "Si je suis arrêtée, je serai mise en prison. Si j'essaie de me rendre au tribunal pour négocier ma liberté sous caution, ce sera au péril de ma vie".

La France, berceau des droits de l'homme, a une responsabilité particulière. Notre gouvernement doit se mobiliser pour intervenir auprès des dirigeants des Etats connus pour violer les droits de l'homme.

Monsieur le Premier ministre, en ce cinquantième anniversaire de la déclaration universelle, comment entendez-vous sauver Taslima Nasreen ? (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste, du groupe socialiste été du groupe RCV)

M. Charles Josselin, ministre délégué à la coopération et à la francophonie - La situation de Mme Taslima Nasreen est suivie avec beaucoup d'attention par le ministère des affaires étrangères. Vivant hors de son pays depuis quatre ans, elle a fait le choix de rentrer au Bangladesh pour assister sa mère, gravement malade. Son principal ouvrage, La Honte, lui a valu les foudres d'une poignée d'intégristes...

M. Jean-Claude Lefort - La honte, c'est sur les bancs d'en face !

M. Charles Josselin, ministre délégué à la coopération et à la francophonie - On lui reproche d'avoir critiqué le Coran, ce qui la fait tomber sous le coup de l'article 295 A du code pénal de son pays et risquer jusqu'à deux ans d'emprisonnement.

Le ministère des affaires étrangères du Bangladesh souhaite aborder la question sous l'angle humanitaire. Notre ambassadeur est depuis longtemps alerté et nous avons demandé à nos partenaires européens de faire pression si la situation de Mme Nasreen venait à se dégrader.

La liberté d'expression, inscrite dans la déclaration universelle des droits de l'homme, dont nous allons fêter le cinquantenaire, doit être défendue partout dans le monde, avec fermeté et persuasion. Nous nous y employons (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste, du groupe RCV et sur quelques bancs du groupe du RPR).

La séance, suspendue à 16 heures 5, est reprise à 16 heures 20 sous la présidence de M. Ollier.

PRÉSIDENCE DE M. Patrick OLLIER

vice-président


Top Of Page

LOI DE FINANCEMENT DE LA SÉCURITÉ SOCIALE POUR 1999 (suite)

L'ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi de financement de la Sécurité sociale.

M. le Président - La commission des affaires culturelles, familiales et sociales a demandé de réserver la discussion de l'article premier jusqu'après l'article 36. La réserve est de droit.

AVANT L'ART. 2

Mme Jacqueline Fraysse - Pour atteindre nos objectifs communs, il convient de dégager des moyens nouveaux. Les salariés ne pouvant pas supporter des charges supplémentaires, notre amendement 120 corrigé tend à faire contribuer les entreprises. Nous proposons que les revenus des placements financiers des entreprises qui ne sont pas investis dans le développement de l'économie soient taxés à 14,6 %. Ce serait une mesure de justice puisque l'an dernier a été instituée une taxation des revenus des placements financiers des particuliers, qui a rapporté 22 milliards.

Si le Gouvernement estime ce taux trop élevé, nous sommes prêts à examiner des propositions intermédiaires : l'important est que le processus soit enclenché.

M. Alfred Recours, rapporteur de la commission des affaires culturelles pour les recettes et l'équilibre général - La commission a rejeté cet amendement, qui vise à l'extension de la CSG aux placements des entreprises. La CSG est une contribution assise sur les personnes ; les entreprises participent au financement de la protection sociale sous d'autres formes, notamment la CSSS. S'il nous semble nécessaire de procéder à une réforme des cotisations patronales, et nous y reviendrons, il ne nous semble pas heureux d'anticiper sur ce débat par un tel amendement.

Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité - Le Gouvernement est du même avis. Nous réaborderons la question des cotisations patronales au cours de l'article premier, qui concerne le rapport annexé à la loi, et nous examinerons alors avec attention les amendements de la commission.

Sur les objectifs, nous sommes tous d'accord : il s'agit de trouver une assiette de cotisations juste, pérenne et qui favorise davantage l'emploi, ce que nous avons déjà fait l'an dernier en transférant sur la CSG une partie des cotisations de salariés. Mais pour les cotisations patronales, nous ne souhaitons pas arrêter les modalités de la réforme dès maintenant, car nous ne sommes pas encore d'accord sur le détail de ces modalités.

L'amendement 120 corrigé, mis aux voix, n'est pas adopté.

Mme Jacqueline Fraysse - L'amendement 121 corrigé a le même objectif que le précédent : dégager des ressources nouvelles, favoriser les créations d'emplois et les augmentations de salaires. Il tend à moduler les cotisations des entreprises en fonction de leur politique salariale et de leurs créations d'emplois, de façon à favoriser les PME et les entreprises de main-d'oeuvre et à taxer davantage les entreprises accumulant les capitaux dans des buts spéculatifs.

Cet amendement illustre votre démarche, qui associe nouveaux modes de financement, politique salariale et politique de l'emploi. Cette volonté est partagée par toutes les composantes de la majorité et il est urgent d'avancer.

M. Alfred Recours, rapporteur - Je m'associe totalement à l'exposé des motifs de l'amendement : "La réforme des cotisations patronales s'impose pour favoriser les entreprises à fort taux de main-d'oeuvre et les PME et augmenter la contribution des entreprises accumulatrices de capitaux".

La commission est bien d'accord sur cet objectif. Toutefois classer les entreprises en fonction de leur taille et de leur activité est chose complexe ; il nous semble que d'autres amendements déposés par la commission à l'article premier correspondent mieux à la période transitoire pendant laquelle nous allons réfléchir ensemble à une réforme globale des cotisations patronales. C'est pourquoi la commission a rejeté cet amendement.

M. Jean Le Garrec, président de la commission des affaires culturelles - L'amendement défendu par Mme Fraysse est extrêmement important. Nous souhaitons que ce débat s'engage et nous demandons au Gouvernement de prendre acte de la volonté exprimée par les différentes composantes de la majorité en nous présentant, au plus tard au 1er semestre 1999, un projet de loi réformant l'architecture des cotisations patronales. L'objectif doit être double : pérenniser le financement de la protection sociale et encourager l'emploi. Le coût du travail peu qualifié est trop élevé et en même temps il faut revoir la ristourne dégressive, qui a tendance à tirer les salaires vers le bas.

Si nous avons déposé des amendements à l'article premier, c'est pour que ce débat s'engage et que le Gouvernement réaffirme son accord sur les grands principes de cette réforme et fixe un calendrier.

Si nous partageons sur le fond la philosophie qui inspire l'amendement de Mme Fraysse, nous considérons que sa mise en oeuvre serait extrêmement complexe. L'important est d'affirmer notre souci de voir poursuivies et renforcées les politiques de l'emploi, en complétant, entre autres, les lois sur les emplois-jeunes et les 35 heures.

J'invite donc Mme Fraysse à retirer son amendement.

Mme Jacqueline Fraysse - Le groupe communiste, sensible aux propos qui ont été tenus, veillera à ce que la réforme soit mise en oeuvre dans les meilleurs délais.

Souhaitant néanmoins affirmer sa démarche, il maintient cet amendement.

Mme la Ministre - Le Gouvernement a pris un engagement et le tiendra. Nous y reviendrons dans le cadre de l'article premier.

M. Charles de Courson - Faut-il transférer progressivement l'assiette des cotisations sociales vers la valeur ajoutée ? Cette idée hante le débat sur le financement de la protection sociale depuis vingt ans. Permettez-moi de vous exposer pourquoi il ne faut pas s'engager dans cette voie. La différence entre l'assiette actuelle qui, rappelons-le, ne se limite pas aux seuls salaires mais inclut tous les revenus professionnels, et l'assiette envisagée réside dans les amortissements et les bénéfices. Comme le transfert s'effectuerait à montant inchangé, des entreprises verraient leurs charges diminuer tandis qu'inévitablement d'autres verraient les leurs accrues.

On s'apprêterait avec ce dispositif à pénaliser les entreprises qui réalisent des bénéfices et qui sont aussi celles qui créent des emplois. En 1983, Pierre Bérégovoy, ministre des affaires sociales, qui avait déjà eu l'idée d'un tel transfert vers la valeur ajoutée, avait sollicité un rapport de la Cour des comptes -où j'étais alors jeune magistrat. J'ai donc rédigé ce rapport, qui malheureusement n'a pas été publié, où je démontrais qu'une telle mesure nuirait gravement à l'emploi.

J'ajoute que si l'on prend la valeur ajoutée pour assiette des cotisations, il faut instituer parallèlement un régime unique de protection sociale. On ne pourrait en effet répartir la valeur ajoutée entre les régimes dont relèvent les différentes catégories de personnel qui, dans une entreprise, contribuent à sa création.

Je me félicite que Mme Aubry se soit, tardivement, convertie -tout pécheur peut se repentir- à l'idée simple que l'opposition défend depuis des années, l'allégement des charges sur les bas salaires.

Elle a donc repris cette année la thèse qu'elle avait combattue l'an passé mais s'est fait couper l'herbe sous le pied par M. Strauss-Kahn avec la réforme de la taxe professionnelle (Interruptions sur les bancs du groupe socialiste).

En conclusion, il faut rejeter l'amendement 121 corrigé qui aboutirait d'ailleurs à une incroyable usine à gaz !

L'amendement 121 corrigé, mis aux voix, n'est pas adopté.

Mme Muguette Jacquaint - - Les difficultés financières de la Sécurité sociale sont liées avant tout à l'ampleur du chômage qui réduit le nombre de cotisants et à l'austérité salariale qui pénalise les régimes.

Mais un aspect important du déséquilibre, souvent occulté, est la persistance des dettes patronales que la crise a amplifiées.

Certes, certaines d'entre elles sont aujourd'hui irrécouvrables mais cela ne relève pas de la fatalité.

Il y en a bien en ce domaine deux poids et deux mesures. Les salariés ne peuvent eux se soustraire au prélèvement automatique de leurs cotisations sur leur salaire brut. S'ils sont endettés, ils font l'objet de saisies-arrêts ou de poursuites. Au contraire, des entreprises, même sans être en difficulté, font traîner le paiement de leurs cotisations. Ce ne sont pas les PME-PMI, mais les grandes entreprises qui réalisent des produits considérables qui tentent de se soustraire à leurs obligations. Et ce sont les salariés qui en font les frais, avec la diminution des prestations.

La loi du 27 décembre 1973 assujettit les employeurs au paiement des cotisations pour les cas de règlement judiciaire ou de liquidation afin de garantir le versement des sommes dues aux salariés. Ce système, qui fonctionne depuis des années, présente toute garantie. Il est proposé de s'en inspirer directement pour les sommes dues à la Sécurité sociale. Tel est l'objet de l'amendement 122 corrigé.

M. Alfred Recours, rapporteur - Le taux de non-recouvrement des cotisations dues par les entreprises est passé de 1,93 % en 1996 à 1,38 % en 1997. Mais ce 1,38 % représente, il faut le savoir, près de 14 milliards de manque à gagner pour la Sécurité sociale. On observe par ailleurs d'importantes disparités de ce taux selon les régions. En Corse, en dépit des progrès réalisés, il atteint 9 %.

La commission a craint, notamment en raison de ces disparités régionales, d'imposer la souscription d'une assurance à des entreprises qui, dans leur très grande majorité, s'acquittent de leurs cotisations. C'est pourquoi elle n'a pas retenu cet amendement, estimant plus judicieux de développer les moyens de droit pour recouvrer les sommes dues.

Mme la Ministre - Même si le recouvrement s'est amélioré on ne saurait se satisfaire de la situation. Aussi ai-je signé une convention avec l'ACOSS le 3 avril dernier qui prévoit des outils de pilotage du recouvrement pour l'ensemble des caisses, un suivi des créances par catégorie de cotisants sur le plan national, et la généralisation des procédures amiables de recouvrement. Nous allons, d'autre part, prendre des décrets permettant la notification de la contrainte sans recourir nécessairement aux huissiers. Tout ceci devrait permettre d'aller plus vite. Ainsi nous nous préoccupons de la question, et nous souhaitons aller au bout de cette dynamique, plutôt que de mutualiser un risque, ce qui déresponsabiliserait les employeurs et ne les inciterait pas à payer leurs cotisations. La convention d'objectifs de l'ACOSS comporte des objectifs forts en matière de recouvrement, et j'espère qu'en 1999 nous pourrons annoncer une nouvelle baisse du reste à recouvrer. Je suis donc défavorable à l'amendement.

M. Bernard Accoyer - Contre l'amendement. Mais je note que M. Recours a mis en lumière dans son rapport certaines exonérations non compensées par l'Etat, ce qui rejoint le problème du manque de recettes dénoncé par le groupe communiste. Si, conformément à la loi du 25 juillet 1994, les exonérations étaient toutes compensées par le Gouvernement, il y aurait -si j'ai bien compris notre rapporteur- 17 milliards de plus de recettes. J'aimerais donc que le Gouvernement s'explique sur ce non-respect des dispositions de 1994.

J'observe, d'autre part, l'opacité du dispositif dans lequel certaines fonctions publiques se voient déléguer la gestion de prestations, notamment familiales, et je souhaite aussi des explications à ce sujet.

M. le Président - Monsieur de Courson, pour répondre à la commission.

Mme Martine David - Il y a déjà eu un orateur contre !

M. Charles de Courson - L'amendement 122 corrigé est inutile. Il aboutirait à majorer les cotisations de ceux qui les paient normalement, ce qui est extravagant. Et quand la Sécurité sociale est à l'équilibre, la mesure est inutile, sauf à baisser les cotisations des autres : par définition, on ne budgète que des recettes, en tenant compte d'une partie non recouvrée.

Par ailleurs, l'Etat est-il exemplaire dans le paiement des cotisations sociales ? Depuis cinq ans je dénonce ici une injustice fondamentale : c'est que l'Etat échappe au contrôle de l'assiette. Il n'a en effet jamais pris le décret qui aurait permis aux URSSAF d'exercer ce contrôle ! Il a fallu qu'un texte de la précédente majorité confie à la Cour des comptes le soin de contrôler l'assiette. Je n'étais pas favorable à cette solution, estimant que l'Etat devrait être contrôlé par les URSSAF, conformément au droit commun. Y a-t-il une base législative au non-paiement par l'Etat des cotisations maladie et famille sur les indemnités des fonctionnaires au-delà du plafond ? Il n'y en a pas. Que nos collègues communistes aillent donc jusqu'au bout du raisonnement, et reconnaissent que le premier à donner le mauvais exemple est l'Etat. Quand il paiera correctement ses cotisations et qu'elles seront vérifiées par les URSSAF, il pourra donner des leçons aux entreprises.

Quant à la Corse, le rapporteur l'a dit, le taux de non-recouvrement y est de huit fois la moyenne nationale, puisqu'on frôle les 10 % d'impayés. Le conseil de surveillance des URSSAF devrait recevoir mission de faire appliquer la loi républicaine sur tout le territoire. Un écart de un à huit est anormal, et manifeste que l'Etat de droit n'existe pas dans cette partie de notre pays.

M. le Président - Je fais observer à Mme David que j'applique strictement le Règlement : qu'elle relise pour s'en convaincre l'article 56, alinéa 3. Nul, de gauche ou de droite, ne perturbera le déroulement de la séance.

L'amendement 122 corrigé, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Charles de Courson - J'avais indiqué l'an dernier à Mme la ministre qu'en ne prévoyant pas d'exonération, en faveur des bas revenus, de la cotisation de 10 % sur les revenus de placement, elle allait créer de graves injustices sociales. J'avais pris l'exemple d'une veuve qui perçoit mensuellement 2 500 F de pension, et qui a mis de côté tout au long de sa vie 300 000 F, qui lui en rapportent 1 000 par mois : elle aura reçu une douloureuse de 1 200 F, c'est-à-dire 10 % de ses 12 000 F de revenu de placement. Vous aviez repoussé notre proposition de permettre à tous ceux qui sont non imposables à l'impôt sur le revenu de demander le remboursement de la CSG, de la CRDS et du prélèvement social sur leurs revenus de placement. Il n'y a pas deux catégories de Français : on ne peut accepter que des gens modestes soient imposés à 10 % dès le premier franc, alors que l'impôt sur le revenu est progressif et que 48 % des foyers ne le paient pas. Je propose donc par l'amendement 422 un système simple : les personnes exonérées de l'impôt sur le revenu peuvent demander le remboursement de la CSG, de la CRDS et du prélèvement social sur leurs revenus de placement, pour mettre ces prélèvements en cohérence avec notre système d'impôt sur le revenu. Comment expliquerez-vous à une personne qui n'a que son revenu de placement de 2 000 F par mois que vous allez lui en prendre 200 ? De tels cas-limites existent. Le principe républicain est de taxer les gens en fonction de leurs capacités contributives : il est violé si l'on taxe au premier franc des gens qui touchent 2 000 ou 3 000 F par mois. C'est une erreur de croire que seuls les riches ont des revenus de placement. Plus des deux tiers des ménages ont un patrimoine, et il n'y a pas de corrélation stricte entre patrimoine et niveau de revenus. Vous avez exonéré de CSG les minima sociaux, mais il y a des gens qui touchent moins encore et que vous allez taxer à 10 % ! J'espère qu'une majorité se trouvera dans cette assemblée pour adopter l'amendement 422.

M. Alfred Recours, rapporteur - La commission n'a pas examiné cet amendement. A titre personnel, j'observe que sont déjà exonérés les livrets A, Codevi, livrets d'épargne populaire, etc. Pour autant M. de Courson n'a peut-être pas tort à tous égards, et si la commission en avait été saisie, cet amendement aurait permis un débat intéressant. S'il devait y avoir une différenciation, il serait normal de faire payer les placements les plus spéculatifs (Exclamations sur les bancs du groupe DL).

M. François Goulard - Peut-on considérer comme placements "spéculatifs" des obligations d'Etat, ou des actions de France Télécom ?

M. Alfred Recours, rapporteur - Je suis prêt, Monsieur de Courson, à étudier ultérieurement cette question. Dans l'immédiat, respectant les travaux de la commission à qui cet amendement n'a pas été soumis, j'en propose le rejet.

Mme la Ministre - La CSG est un impôt à assiette large, et c'est ce qui fait son charme -j'entends son caractère équitable. Seuls sont exonérés les pensions de réversion, les minima sociaux et les intérêts des produits d'épargne populaire. Tous les salariés acquittent la CSG, même un salarié à temps partiel payé au SMIC. Pourquoi les revenus du patrimoine seraient-ils exonérés ? On peut ne pas être imposable parce qu'on a peu d'argent. Ce peut être aussi parce qu'on bénéficie d'importantes réductions d'impôts. Ce peut être, enfin, parce qu'on a des revenus de placements, non soumis à l'impôt sur le revenu, mais à des prélèvements libératoires. On peut avoir un plan d'épargne en actions ou un plan épargne logement jusqu'à 1,2 million en étant exonéré fiscalement, tout en ayant à côté une pension d'invalidité ou de retraite qui n'est pas imposable à l'impôt sur le revenu. Faut-il en pareil cas ne pas payer la CSG sur le revenu de ce 1,2 million ? Beaucoup de professions libérales, de commerçants, d'artisans, du temps où ils n'avaient pas de régimes de retraite, ont constitué ainsi des patrimoines importants. Il n'y a pas de raison que les salariés paient la CSG dès le premier franc, et que ces personnes y échappent.

M. Bernard Accoyer - Plafonnez dans ce cas !

Mme la Ministre - Pour payer 100 F de plus par mois de CSG, il faut avoir un patrimoine d'au moins 650 000 F quand on est seul et d'au moins 1,3 million quand on est deux. Une vendeuse paiera la CSG sur ses 2 000 F de salaire, et ces personnes seront exonérées ? Voilà la réalité ! Nous avons voulu rééquilibrer les prélèvements entre revenus du capital et revenus du travail, et la CSG est un impôt juste. Notre démarche est donc cohérente.

M. Bernard Accoyer - Mme la ministre ne veut voir dans l'amendement 422 qu'une mesure en faveur des patrimoines importants. Nous pourrions modifier la proposition en introduisant un plafonnement, par exemple au niveau du SMIC, par esprit de solidarité.

Rappelons que vous avez trouvé la CSG élargie à votre arrivée. Vous devriez nous en féliciter.

L'amendement 422, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Maxime Gremetz - Notre amendement 423, adopté par la commission, tend à abroger la loi Thomas instituant les fonds de pension. Cette loi plaisait beaucoup aux compagnies d'assurances et au CNPF, ardent défenseur du fonds de pension. Les décrets d'application n'ont jamais été pris, mais cette loi reste là. Hélas, j'ai exprimé nos réticences sur le fonds de réserve, alors que se développe une campagne pour établir à tout prix des fonds de pension.

La droite a déposé un amendement tendant à supprimer l'article 2. Nous l'avons fait aussi dans un tout autre esprit, mais nous le retirons. La droite considère en effet que l'article ne va pas assez loin, qu'il faut en venir aux fonds de pension.

En adoptant l'amendement 423, nous enverrons un message politique fort : nous voulons renforcer les retraites par répartition, et il n'est pas question de mettre en place des fonds de pension à la façon de la loi Thomas (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste et du groupe socialiste).

M. Alfred Recours, rapporteur - La commission a en effet adopté l'amendement.

M. Bernard Accoyer - Quelle irresponsabilité !

M. Alfred Recours, rapporteur - Nous devons avoir pour première préoccupation de sauver et de pérenniser le régime de retraites par répartition, issu de la Résistance.

M. Bernard Accoyer - C'est devenu le Titanic de la répartition !

M. Alfred Recours, rapporteur - L'an dernier, sur les deux étages constitués par les régimes de base et complémentaire, est venu se poser de guingois le troisième étage de la capitalisation.

Nous ne disons pas qu'il ne faudra pas construire un jour un étage supplémentaire. Nous souhaitons en discuter en toute clarté, et pour cela nous voulons garantir le bénéfice des deux régimes existants à tous les Français. Ces derniers pourraient ensuite recourir à d'autres formules, mais sans porter atteinte aux recettes de la Sécurité sociale ni aux recettes fiscales, et donc sans compromettre le financement des deux premiers étages. C'est avec une certaine fierté que la commission a adopté l'abrogation de la loi Thomas (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe communiste).

M. François Goulard - Il n'y a vraiment pas de quoi !

M. le Président de la commission des affaires culturelles - Le vote de cet amendement permet de lever toute ambiguïté dans le débat qui va s'engager avec l'ensemble de la gauche plurielle. Nous sommes décidés à pérenniser le système de retraites par répartition. Le rapport de M. Charpin, dont on connaît le courage et la lucidité, permettra de nourrir la discussion sur l'avenir des retraites, face aux déséquilibres à venir entre actifs et inactifs. En levant l'ambiguïté que fait peser la loi actuelle sur les fonds de pension, nous serons en mesure de réfléchir sereinement à un système de retraites par capitalisation à long terme, collectif, et ne se substituant pas au régime par répartition. De plus, les avantages de ce dispositif de complément doivent bénéficier à l'ensemble des salariés, sans fragiliser les comptes de la Sécurité sociale. Nous aurons ce débat entre nous, et avec le Gouvernement.

La création d'un fonds de réserve signale notre volonté de donner à l'ensemble des retraites leur architecture complète. Il est donc très important d'adopter l'amendement.

M. Denis Jacquat, rapporteur de la commission des affaires sociales pour l'assurance vieillesse - L'an dernier, j'avais regretté que le projet de loi Thomas n'ait pas été soumis pour avis à la commission des affaires sociales. L'éphémère président du conseil de surveillance de la CNAV que je fus a rappelé que la possibilité offerte à l'employeur de choisir entre la constitution d'une épargne-retraite et une augmentation de salaire jouera au détriment de cette dernière, et qui entraînera un manque à gagner de cotisations sociales. J'ai dit ma crainte d'un siphonnage des régimes de retraites par répartition (Approbations sur les bancs du groupe socialiste).

Cependant, je pense qu'il est impossible d'abroger la loi du 25 mars 1997 avant d'avoir mis en place un système par capitalisation offrant aux retraités un taux de remplacement. Car ce qui intéresse les gens, c'est le montant de la retraite qu'ils toucheront.

Mme la Ministre - Dans son discours de politique générale, le Premier ministre a déclaré qu'il remettrait en cause la loi Thomas qui porte atteinte au régime par répartition et risque de fragiliser notre protection sociale. Cette loi privilégie une approche individuelle, avec le danger que cela fait courir à la Sécurité sociale. En effet, rien n'empêcherait une entreprise de créer une épargne salariale pour ses seuls cadres, avec les pertes de cotisations qui s'ensuivraient.

Tels sont les inconvénients majeurs de la loi Thomas : elle est individuelle, injuste car elle ne donne des avantages qu'à certains et elle détourne certaines ressources complémentaires de la Sécurité sociale. Bref, elle menace les retraites par répartition et l'équilibre de la Sécurité sociale. Nous ne pouvons donc qu'approuver votre souhait de l'abroger.

La priorité absolue du Gouvernement est d'assurer la pérennité des régimes par répartition. Cette question fera l'objet d'un grand débat public. En attendant, nous créons dès maintenant un fonds de réserve pour consolider les retraites par répartition. Mais nous ne sommes pas opposés à ce qu'une épargne à long terme vienne compléter celles-ci à condition qu'il n'y ait pas concurrence entre les deux.

Le système que nous espérons mettre en place dès 1999, aura trois caractéristiques essentielles : il devra être collectif et accessible à tous les salariés ; il ne devra pas fragiliser les comptes de la Sécurité sociale ; les partenaires sociaux devront être associés à son application et à son contrôle.

Bref, le Gouvernement est d'accord pour abroger la loi Thomas et pour adopter un système d'épargne-retraite dont je viens de rappeler les principes. Mais l'amendement 423 ne semble pas avoir sa place dans le présent projet, pour des raisons non pas de fond mais de forme : il constituerait un cavalier. Le Gouvernement s'engage donc à abroger la loi Thomas dès qu'un support juridique adéquat lui en donnera l'occasion -ce pourrait être le projet portant DMOS au début de 1999- et à consolider un système de retraites auquel les Français sont très attachés (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe RCV).

M. Dominique Strauss-Kahn, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie - Les défauts constitutifs de la loi Thomas ont été clairement expliqués. Son abrogation serait, à la limite, inutile, dans la mesure où les décrets d'application n'ont jamais été pris.

Cela dit, personne n'est hostile à l'idée qu'après avoir renforcé notre régime de retraites par répartition, on crée un système permettant à ceux qui le peuvent de mettre un peu d'argent de côté pour leur retraite. Ceux d'entre eux qui le font déjà déposent, à cette fin, des fonds sur des livrets de caisse d'épargne, mais avouez que ce n'est pas le meilleur support possible pour un effort d'épargne à long terme, compte tenu du taux de rendement. Il faut donc créer un instrument de placement à long terme ouvert à tous.

D'autre part, la récente crise financière a montré qu'une grande partie des capitaux investis dans les entreprises provenait de ces fameux fonds de pension venus d'outre-Atlantique, qui peuvent mettre à mal nos plus grandes entreprises industrielles ou bancaires s'ils décident de retirer brutalement leur mise. Or nous voulons rester maîtres de l'avenir de nos entreprises.

Pour toutes ces raisons, le Gouvernement vous soumettra en 1999 un dispositif, sous la forme d'articles de loi ou d'un projet, définissant les caractéristiques de ce produit d'épargne collectif contrôlé par les salariés, qui ne mettra pas en cause notre système de retraites par répartition tout en répondant à nos besoins d'épargne individuelle et d'accumulation de capitaux sur notre territoire (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe RCV).

M. Maxime Gremetz - En adoptant cet amendement la commission voulait, par ce geste fort, affirmer une volonté et obtenir des engagements de la part du Gouvernement. Nous savions fort bien que cela ne réjouirait pas la droite. Mais pour ne pas lui donner l'occasion de saisir le Conseil constitutionnel et compte tenu de l'engagement pris par le Gouvernement d'abroger la loi Thomas, je retire l'amendement (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste et du groupe socialiste).

M. Alfred Recours, rapporteur - En effet, pour pouvoir abroger la loi Thomas comme le Gouvernement s'y est engagé avec force par la voix de deux de ses ministres, il convient que nous retirions cet amendement.

M. José Rossi - Je demande une suspension de séance pour réunir mon groupe.

La séance, suspendue à 17 heures 25, est reprise à 17 heures 40.

M. le Président - L'amendement 423 est repris par M. Bur.

M. François Goulard - Rappel au Règlement, fondé sur l'article 58. Nous venons d'assister à une sorte de psychodrame -nous commençons à en avoir l'habitude, voyez le débat du 9 octobre- entre les composantes de la majorité, voire entre les membres du Gouvernement.

Alors que la majorité et le Gouvernement ont pu s'exprimer largement sur cette question déterminante, je déplore que l'opposition n'ait pu, à aucun moment, faire valoir son point de vue (Interruptions sur les bancs du groupe socialiste). C'est anormal. Je demande à pouvoir m'exprimer sur cet amendement, retiré au terme d'une véritable pantalonnade (Protestations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe communiste ; applaudissements sur les bancs du groupe DL, du groupe UDF et du groupe du RPR).

M. le Président - Appliquant scrupuleusement le Règlement, je n'ai pu vous donner la parole une fois l'amendement retiré. Comme M. Bur vient de le reprendre, je vais donner la parole aux députés qui l'ont réclamée avant la suspension.

M. le Président de la commission des affaires culturelles - Je désire moi aussi prendre la parole quelques instants. Je connais bien M. Goulard, dont j'apprécie les qualités et que je respecte, malgré toutes nos divergences. Je ne peux accepter qu'il parle de "pantalonnade" et je souhaite qu'il retire ce mot.

Depuis hier, l'opposition a défendu trois motions de procédure, ce qui est son droit. Elle a pu ainsi s'exprimer.

Quant à nous, ce que nous voulons, c'est la pérennisation de la retraite par répartition et un système de garantie universel. Nous l'avons dit clairement, non pas une, mais dix fois, les ministres, les rapporteurs et moi-même, en commission, en présentant les rapports, en répondant aux motions de procédure et pendant la discussion générale.

Alors on ne peut pas parler de surprise !

L'amendement de M. Gremetz, que nous avons adopté en commission après un débat très large -je remercie d'ailleurs M. Jacquat d'avoir exprimé avec doigté sa position personnelle-, c'était une façon forte, politique, de dégager le terrain afin de pouvoir aborder les problèmes au fond.

Alors, Monsieur Goulard, par respect pour vous-même, je souhaiterais que le mot "pantalonnade" soit retiré car il ne correspond pas à la réalité de nos débats.

M. Jérôme Cahuzac, rapporteur pour avis de la commission des finances - La loi Thomas souffrait de défauts évidents : risque d'assèchement des ressources des régimes par répartition, absence de contrôle collectif, obligation de détenir un certain pourcentage de titres boursiers -les récents événements ont montré les risques d'un tel dispositif ! Nous sommes d'accord, sur ces bancs, pour abroger la loi Thomas.

Mais si cet amendement avait été adopté, nous courions le risque d'une censure par le Conseil constitutionnel et comme l'opposition est intelligente et active, elle aurait exploité la situation pour faire apparaître comme "constitutionnel" un dispositif que nous estimons contraire aux intérêts du pays.

Donc si vous reprenez l'amendement, je crois qu'il serait bon que la majorité vote contre pour ne pas encourir un tel risque.

M. François Goulard - Monsieur Cahuzac, à force d'être à fronts renversés, on risque de se prendre les pieds dans le tapis !

Monsieur Le Garrec, si un mot vous a blessé, je le retire bien volontiers. Mais vous m'avez mal compris : ce que je visais, ce n'était pas notre débat, qui a été effectivement de grande qualité, c'est l'événement politique auquel nous venons d'assister : le groupe communiste, et c'est son droit, a voulu manifester de façon spectaculaire son opposition totale aux fonds de pension, cela au moment même où le Gouvernement semble amorcer un changement de position et confie au commissaire au Plan une mission sur le sujet... Ce geste du groupe communiste a entraîné des réactions en chaîne : ce matin, notre débat a été prolongé inutilement parce que la majorité cherchait à se mettre d'accord et le secrétaire d'Etat à la santé a été chargé d'occuper la tribune, à la suite de quoi la majorité a accepté de se rallier à la position de principe du groupe communiste et le rapporteur a défendu l'amendement de M. Gremetz. Et puis nous avons vu le Gouvernement inverser la manoeuvre : Mme la ministre de l'emploi s'est déclarée d'accord avec l'amendement, mais...., ensuite le ministre des finances nous a dit qu'il était favorable aux fonds de pension, mais....

Voilà où nous en sommes et compte tenu de l'extrême importance du sujet, l'opposition est dans son rôle quand elle dénonce ce type de manoeuvre. Il y a des moments où l'intérêt général devrait prévaloir sur la politique politicienne ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF et du groupe du RPR ; protestations sur les bancs du groupe socialiste)

M. Bernard Accoyer - Je redoute que l'accord politique intervenu au sein de la majorité ne soit perçu comme un signe négatif par les épargnants et les investisseurs...

Mais ce qui nous importe, c'est l'avenir des retraites. En réalité, il y a un consensus sur le fond : le Gouvernement a affirmé, ces derniers jours, qu'il fallait sauvegarder les retraites par répartition mais y ajouter des outils nouveaux, fondés sur la capitalisation : nous sommes bien d'accord. Il faut sortir de l'impasse financière qui nous menace et en fait l'outil existe déjà : ce sont les retraites complémentaires par capitalisation, créées il y a plus de trente ans, mais réservées aujourd'hui aux agents des collectivités publiques.

Le groupe RPR a déposé un amendement tendant à étendre ce régime aux salariés du secteur privé et la discussion en commission a montré qu'il y avait là un vrai problème. Il faut assurer à tout le monde la sécurité du financement des retraites et je trouve inquiétant que les commissaires socialistes aient déclaré cet amendement irrecevable.

Madame la ministre, puisqu'il s'agit d'assurer à tous l'accès aux mêmes droits, je vous propose de reprendre cet amendement à votre compte : ce serait un signal fort et apaisant pour tous nos concitoyens. Cela ne compromettrait nullement nos régimes par répartition : je rappelle que ces régimes complémentaires par capitalisation ont été créés à la demande des syndicats de fonctionnaires CFTC, CFDT, FO et CGT et sont gérés aujourd'hui par l'UAP et le GAN sous la houlette de la CNP.

Pouvez-vous reprendre cet amendement, ou, à défaut, prendre un engagement en ce domaine pour l'an prochain ? (Applaudissements sur les bancs du groupe du RPR)

Mme la Ministre - Effectivement, nous avons eu un débat très large sur les retraites et je ne comprends pas la réaction de l'opposition puisque j'avais dit, dès mon discours introductif, que nous n'étions pas d'accord avec la loi sur les fonds de pension. Mais les juristes consultés nous ont fait observer que ni vous, ni le Gouvernement ne pouvaient déposer d'amendement pour l'abroger, car ce n'est pas l'objet de cette loi.

Si vous êtes d'accord avec nous sur le fond de cet amendement, je m'en réjouis. Je vous donne rendez-vous au prochain DMOS, début 1999, et j'espère qu'alors nous serons unanimes à voter l'abrogation de la loi Thomas et la création d'un nouveau dispositif ne comportant pas les mêmes risques (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

M. Yves Bur - Je maintiens l'amendement.

Mme Muguette Jacquaint - Le groupe communiste demande une suspension de séance !

M. le Président - Elle est de droit.

La séance, suspendue à 18 heures, est reprise à 18 heures 10.

M. Charles de Courson - Le groupe UDF qui est à l'origine de la proposition de loi ayant débouché sur la loi Thomas votera contre l'amendement de M. Gremetz.

La majorité plurielle, elle cherche à masquer ses contradictions. Le groupe communiste est résolument hostile à tout le système de retraites par capitalisation alors que le groupe socialiste, qui a beaucoup évolué sur le sujet, n'y est plus opposé ?

M. Alain Néri - N'exagérons rien !

M. Charles de Courson - Quant aux critiques que le ministre a adressées à la loi Thomas, elles sont erronées. D'une part, il n'y a aucun "siphonnage". En effet, le système doit être examiné d'un point de vue dynamique. L'accumulation du capital dans le temps permettra de créer des richesses et donc, à terme, d'engranger des cotisations supplémentaires. D'autre part, le système n'est pas individuel, il est géré collectivement.

Pour ce qui est de la Bourse, oui, ses cours fluctuent mais à long terme, sa rentabilité est très intéressante. Le dispositif prévoyait d'ailleurs une diversification qui minimisait les risques.

Votre amendement est archaïque ("Ah !" sur les bancs du groupe communiste). Nous n'avons jamais voulu remettre en question les régimes par répartition. Le système prévu par la loi Thomas a toujours été conçu comme un troisième étage complétant le régime de base et les régimes complémentaires.

Les fonctionnaires des trois fonctions publiques bénéficient déjà d'un système par capitalisation assorti d'avantages fiscaux. Refuser de créer les fonds Thomas aboutirait à une inégalité entre salariés du privé et du public.

Il y va de la prospérité de la France : ces fonds de pension sont nécessaires à nos entreprises pour renforcer leurs capitaux propres et accroître leur autonomie (Exclamations sur les bancs du groupe communiste).

M. Maxime Gremetz - M. de Courson pensait se livrer à une habile manoeuvre politicienne, mais voilà que la droite se déchire, sur cette manoeuvre même ! (Interruptions sur les bancs du groupe du RPR) Cela ne m'étonne pas. Je me souviens de l'acharnement avec lequel vous aviez défendu ici la loi Thomas et vous vous apprêteriez à voter aujourd'hui un amendement visant à l'abroger !

Nous savions en commission que cet amendement posait un problème de constitutionnalité, vous-même, Monsieur de Courson, l'aviez souligné. Nous l'avons accepté en toute connaissance de cause afin de permettre le débat et de demander au Gouvernement de prendre une position claire. Ce dernier s'est engagé à abroger la loi Thomas. Deux ministres du Gouvernement se sont exprimés. Donc puisque vous avez voulu jouer au plus fin, nous ne voterons pas cet amendement. Mais je demanderai au Gouvernement de transcrire dans le rapport annexé son engagement d'aller au plus vite, dès que l'occasion législative s'en présentera, vers l'abrogation de la loi Thomas (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste et du groupe socialiste).

M. Alfred Recours, rapporteur - Par respect pour la majorité, qui a obtenu du Gouvernement des engagements précis et va peut-être en obtenir d'autres en réponse à la question de M. Gremetz ; par respect pour l'opposition, à qui je veux éviter d'être tenté de faire un recours constitutionnel contre un amendement qu'elle aurait elle-même déposé ; par respect donc pour le Parlement dans son ensemble, il me semble qu'après avoir entendu la réponse de Mme la ministre à la demande de M. Gremetz il nous faudra refuser l'amendement du néo-fossoyeur de la loi Thomas qu'est devenu M. Bur.

Mme la Ministre - Je comprends que vous essayiez une deuxième habileté, après une première qui n'a pas marché. Mais nous ne vous donnerons pas la possibilité de dire, parce que nous aurions été annulés sur la loi Thomas, que celle-ci est bonne. Nous ne vous donnerons pas la possibilité de dire que nous avons voté pour son maintien. En effet, nous allons inscrire à l'article premier l'engagement du Gouvernement et de la majorité d'abroger cette loi, comme le demande M. Gremetz. Ayez donc le courage de défendre vos opinions ! Si vous êtes pour la retraite par capitalisation, dites-le. Si vous êtes pour le maintien de la répartition, avec un troisième étage d'épargne à long terme, juste, équitable et qui ne siphonne pas la Sécurité sociale, vous voterez à l'article premier l'engagement du Gouvernement. Nous défendrons la répartition, nous abrogerons la loi Thomas, et nous mettrons en place des dispositions justes et équitables (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe communiste).

M. Jacques Barrot - M. Gremetz n'a pas tout à fait tort : il faut qu'une porte soit ouverte ou fermée. La loi Thomas était ce qu'elle était, et je ne comprends pas qu'il ait fallu attendre seize mois pour savoir ce qu'en pensait le Gouvernement. Je pense qu'une épargne-retraite est nécessaire ; si vous n'étiez pas aussi manichéens, vous auriez proposé des mesures à partir du texte voté (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF, du groupe du RPR et du groupe DL). La majorité est désormais condamnée à faire un vrai choix. Tout un travail a été fait, depuis le temps où j'avais fait voter en commission des finances, avec l'abstention de certains membres de la majorité actuelle, un premier texte, qui préparait la loi Thomas. Je pense que tout ce travail n'était pas sans valeur : il est trop facile de décréter que tout ce qu'ont fait les prédécesseurs ne vaut rien, et d'en faire table rase. C'est une mentalité dont je regrette qu'elle ait prévalu depuis seize mois.

Mme la Ministre - Nous n'avons pas l'habitude, Monsieur le ministre, d'annuler tout ce qu'ont fait nos prédécesseurs, et beaucoup de choses que vous avez faites sont toujours là. C'est le cas de la loi sur la PSD, que beaucoup d'entre nous contestaient, mais que nous allons améliorer et aménager : nous n'avons pas d'a priori ni de tabous. Mais quand il y a désaccord, comme c'est ici le cas, sur la philosophie même d'une loi, plutôt que de la bricoler, mieux vaut l'abroger et faire quelque chose de clair. C'est ce que nous allons faire (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe communiste).

M. le Président - Sur l'amendement 423, je suis saisi par le groupe UDF d'une demande de scrutin public.

A la majorité de 135 voix contre zéro, sur 135 votants et 135 suffrages exprimés, l'amendement 423 n'est pas adopté (Rires et applaudissements).

ART. 2

M. Jacques Barrot - Nous souhaiterions savoir, Madame la ministre, quel calendrier vous envisagez pour 1999. Vous avez confié au Plan, instance à mes yeux tout à fait qualifiée, une remise à plat du problème des retraites. Le Parlement pourra-t-il, au vu des résultats de ce travail, être saisi pour un débat d'orientation ? Cela contribuerait à la prise de conscience dans le pays de ces enjeux majeurs. Pour le régime général, un premier effort a été fait, à la lumière du livre blanc de M. Rocard, par Mme Veil et M. Balladur. Je souhaite que de nouvelles adaptations interviennent en temps voulu. Je ne parlerai pas des régimes spéciaux ; certains risquent de connaître une situation de plus en plus difficile. Je souhaite vivement que le Parlement puisse débattre, de manière plus ample qu'à l'occasion d'un article de la loi de financement, de la méthode par laquelle notre pays pourra aborder ce problème majeur.

M. Jean-Luc Préel - Les besoins du système de retraites sont prévisibles, puisqu'ils dépendent de l'évolution démographique. On sait qu'il faudra quelque 150 milliards par an à partir de 2005 : il est grand temps de s'y préparer. Depuis des années de nombreux rapports ont été établis, et les chiffres sont aujourd'hui connus de tous. Nous regrettons que le Gouvernement s'accorde un délai supplémentaire d'un an pour demander encore un rapport, dont nous espérons qu'il sera utile.

Nous souhaitons tous sauvegarder le système par répartition, auquel la loi Thomas apporte un complément. Vous l'avez d'ailleurs reconnu en refusant de l'abroger, et nous en attendons maintenant les décrets d'application (Sourires sur les bancs du groupe UDF et du groupe du RPR).

En 1994, le Gouvernement de l'époque avait pris des mesures pour sauvegarder les retraites. Nous demandons à présent que la branche dispose d'une autonomie réelle, et que son conseil d'administration fixe librement les taux en fonction des cotisations, comme à l'UNEDIC. Quant aux régimes spéciaux, nous souhaitons la création d'une caisse de retraite des fonctionnaires gérée de façon paritaire, afin d'y voir plus clair.

Au-dessus se trouverait un troisième étage constitué par les fonds d'épargne-retraite, dont nous avons compris que le Gouvernement y est favorable. Du reste, ce système existe déjà pour les fonctionnaires.

Cependant, l'article 2 prépare mal l'avenir. Nous n'approuvons pas la ponction opérée sur la C3S. Si le produit de la C3S dégage un excédent, il faut augmenter les retraites des artisans et commerçants, ou diminuer les cotisations.

Le fonds de réserve n'est qu'un gadget improvisé. Qui le gérera ? Quelles seront ses ressources ? Quel sera son rôle ? Faute de le savoir, nous demanderons sa suppression.

M. Bernard Accoyer - L'article 2 constitue un aveu, celui que le problème des retraites reste entier. Face à l'urgence, le Gouvernement n'a rien fait durant 16 mois. Pourtant, des réformes ont été décidées en 1993, sans lesquelles les déficits auraient atteint des proportions gigantesques ; en 1997, MM. Juppé et Barrot ont fait adopter la loi Thomas. Voilà trente ans qu'ont été créés les régimes complémentaires par capitalisation, dont nous proposons qu'ils soient accessibles aux salariés du privé. Il fallait vous engager plus loin dans les voies déjà ouvertes.

L'article 2, un peu improvisé, organise le recours à la C3S, qui est en fait une taxation sur le chiffre d'affaires. Au fond vous taxez la consommation pour financer la protection sociale. Pour une fois, je suis d'accord avec vous. C'est un moyen intéressant de lutter contre le dumping social, les délocalisations et le travail au noir. Ce peut-être aussi une voie vers l'harmonisation européenne. Pourriez-vous nous en dire plus ?

M. Yves Bur - Voilà longtemps que l'on prévoit qu'en 2040 le ratio entre inactif et actif sera de 0,77 % à 0,9 %. Déjà en 2015 le besoin de financement supplémentaire pour la protection sociale s'élèvera à 20 points de cotisations. Or l'article 2 se borne à mettre à contribution la C35, destinée pourtant à financer le déficit des caisses de retraites des artisans, commerçants et travailleurs indépendants. Plutôt que d'augmenter ces retraites, vous faites de la C3S le principal abondement du nouveau fonds de réserve. Il est à craindre que la surcotisation demandée aux entreprises aille en augmentant, et soit même étendue aux salariés. Nous déplorons, en outre, le caractère symbolique de ce fonds de réserve, dont les 2 milliards représentent bien peu de chose par rapport aux 300 milliards nécessaires aux retraites par répartition à partir de 2005. Il aurait été plus cohérent, avant de créer ce fonds, de définir un plan global, indiquant la place respective de la répartition, qu'il faut maintenir, et de la capitalisation, qui doit être ouverte à tous.

Sur la question des fonds de retraite, M. Strauss-Kahn a tenu des propos plutôt rassurants, en parlant de contributions individualisées en fonction des possibilités de chacun.

Le principe d'égalité doit conduire à ce que les salariés soient traités comme les fonctionnaires, qui ont accès à un régime par capitalisation particulièrement attractif. Cette extension aurait en outre un effet économique non négligeable.

M. Maxime Gremetz - Pendant des années, on a imposé aux retraités de lourds sacrifices, aux prix d'une précarisation croissante. La loi Balladur indexant l'évolution des retraites sur celle des prix a entraîné une dégradation du pouvoir d'achat des pensions. De plus, beaucoup de retraités subviennent aux besoins de leurs enfants et de leurs petits-enfants. Dans ces conditions, il faut prendre au sérieux la mobilisation de la semaine dernière.

Même si les avis peuvent être partagés sur les besoins futurs de financement des retraites, il faudra bien décider quelle part des richesses produites sera consacrée au paiement des retraites, qu'elles soient par répartition ou par capitalisation.

Le système des retraites par répartition est le plus juste, le plus solidaire, le plus efficace et nous prenons acte de la volonté du Gouvernement de le consolider. Nous refusons catégoriquement les fonds de pension qui constituent le plus précaire de tous les systèmes de retraite par capitalisation.

En commission, nous avons émis des réserves sur le fonds de réserve, car nous nous interrogions sur son abondement, sur ses objectifs et sur sa gestion. Mais le débat que nous venons d'avoir, l'engagement pris par le Gouvernement d'abroger la loi Thomas et l'amendement adopté par la commission à notre initiative tendant à instituer un conseil de surveillance élargi aux organisations syndicales et patronales au sein du fonds de réserve, nous rassurent sur l'avenir de nos régimes de retraite par répartition.

M. François Goulard - Le FSV est un curieux instrument pour le sauvetage de nos retraites par répartition. Je suis favorable au principe d'un fonds de réserve destiné à corriger les déséquilibres futurs, mais pourquoi n'avoir pas choisi un outil plus lisible et donnant une solennité plus grande à la politique qu'on prétend mener ?

Tout en faisant crédit au Gouvernement de sa volonté d'y affecter des sommes importantes, il aurait fallu concevoir un instrument autre qu'un simple fonds et y afficher d'autres ressources que cette petite partie du reliquat de la malheureuse C3S, impôt tout à fait marginal.

Bref, le Gouvernement a fait une erreur de choix quant à l'instrument et quant à la ressource, s'il voulait montrer l'importance qu'il attache à cette question.

De même, laisser à un simple arrêté, fut-il interministériel, le soin de déterminer la quotité de C3S affectée au fonds de réserve me paraît critiquable. Toutes les affectations de ressources au FSV devraient relever de la loi de financement, pour bien montrer la gravité du problème.

M. Germain Gengenwin - Cet article institue un fonds de réserve pour consolider les régimes de retraite par répartition. Sa dotation de 2 milliards ne semble pas être à la hauteur des besoins. Ses ressources sont prélevées sur les excédents de la C3S, laquelle doit rapporter 16,1 milliards en 1998, destinés aux régimes des commerçants et artisans et autres régimes non salariés. L'article 2 modifie l'affectation des excédents de la C3S en substituant le FSV aux bénéficiaires du second rang, soit le BAPSA et les autres régimes non salariés. Or, si l'on en croit la commission des comptes de la Sécurité sociale, "l'excédent de C3S constaté depuis quelques années apparaît de plus en plus comme une donnée structurelle". Autrement dit, le produit de cette contribution est très supérieur aux besoins et il serait logique d'en diminuer le taux.

D'autre part, d'après l'exposé des motifs de l'article 2, le fonds de réserve sera alimenté par d'autres sources de financement. Lesquelles ? Une surcotisation ne serait guère compatible avec l'annonce d'un allégement des charges.

La présente loi de financement devrait nous éclairer pour éviter que nous nous prononcions sur des recettes virtuelles.

Un responsable syndical a proposé d'abonder ce fonds par une surtaxe sur les heures supplémentaires. J'espère que telle n'est pas votre intention.

Enfin, alors que les régimes par répartition sont gérés paritairement, le fonds de réserve est placé sous l'autorité de l'Etat, ce qui mécontente notamment les partenaires sociaux.

Pour toutes ces raisons, nous avons déposé un amendement de suppression de l'article.

M. Pascal Terrasse - N'ayant plus grand-chose à dire aux retraités, la droite joue un petit jeu politicien (Protestations sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL) comme le montre la scène à laquelle nous venons d'assister. M. Gremetz a eu raison de rappeler que des milliers de retraités étaient dans la rue la semaine dernière pour nous dire qu'ils ne voulaient pas des fonds de pension. J'espère que nous aurons l'occasion de revenir sur la loi Thomas pour l'abolir.

J'en viens au FSV, établissement public à caractère administratif qui dispose d'une autonomie budgétaire, financière et comptable. Au sein de ce FSV, le présent projet crée un fonds de réserve dont les ressources proviennent, pour cette année, des excédents de la C3S. Je rappelle que c'est la droite qui a augmenté, en 1995, cet impôt qui pèse sur les entreprises.

M. Bernard Accoyer - C'était pour équilibrer la CANCAVA.

M. Pascal Terrasse - Ce fonds de réserve est doté de 2 milliards. J'espère que d'autres ressources structurelles viendront l'abonder. Mais il importe surtout que les partenaires sociaux et les élus de la nation y soient représentés au sein d'un conseil de surveillance, afin de veiller à ce que les fonds servent bien aux retraités et aux régimes de retraite par répartition (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

M. Alfred Recours, rapporteur - Cet article 2 affecte au BAPSA une partie des recettes de la C3S, soit 1 milliard, qui permettra une revalorisation importante des retraites agricoles.

D'autre part, il modifie les règles d'affectation de la C3S en versant ses excédents aux régimes de retraites par répartition, une fois assuré l'équilibre financier de la CANAM, de l'ORGANIC et de la CANCAVA.

En outre, une partie du financement sera assise sur le chiffre d'affaires des entreprises. N'est-ce pas là une piste ? On pourrait envisager, en effet, d'augmenter le taux de la C3S tout en réduisant les cotisations patronales à due concurrence. Ce dispositif peut donc être évolutif.

Il est écrit dans le projet que le fonds de réserve sera financé par l'excédent de C3S, mais aussi par "toute autre ressource d'origine législative ou réglementaire", ce qui donne d'emblée une base légale aux nouveaux types d'abondement que nous pourrons proposer à l'avenir.

Mme la Ministre - M. Barrot m'a interrogée sur le calendrier des réformes. Il faut trouver des solutions rapidement, ce qui ne signifie pas dans la précipitation.

A partir d'un premier diagnostic, le commissariat général du Plan est en train de consulter l'ensemble des organisations patronales et syndicales concernées, ainsi que les responsables des caisses. En février 1999 au plus tard, il nous présentera les différents scénarios possibles pour que les régimes de retraite s'autorégulent à l'horizon 2005. Il faudra trouver des moyens supplémentaires pour garantir leur pérennité.

Le Gouvernement espère qu'au terme d'un débat ouvert, nous parviendrons à trouver un accord dans le courant de l'année prochaine, que ce soit en fixant des règles valables pour tous les régimes par le biais d'une loi, ou en empruntant la voie conventionnelle.

Comme l'a indiqué M. Recours à MM. Accoyer et Préel, nous ne modifions pas le dispositif de la C3S dont le taux ne variera pas. Nous ne lésons personne. C'est bien pour que les excédents de la C3S restent dans le giron de la Sécurité sociale, au lieu d'être reversés au budget de l'Etat, que nous créons ce fonds.

Je partage d'ailleurs l'avis de M. Goulard : le fonds de réserve n'a pas vocation à demeurer en l'état. Il devra être alimenté par de nouvelles ressources et géré dans la transparence. Il s'agit surtout d'adresser un signe à nos concitoyens, en leur montrant que les excédents iront aux retraites. Mettre au point des règles communes de gestion de ces fonds, qui devront à terme relever d'une caisse autonome, cela prendra des mois, une année peut-être. En attendant, les excédents seront gérés par ce fonds. Je ne suis pas opposée à l'idée de faire siéger les partenaires sociaux à son conseil de surveillance, pour montrer que ce fonds a vocation à devenir autonome.

M. Préel a parlé de l'épargne-retraite. C'est déjà une réalité pour les fonctionnaires et le personnel hospitalier. Nous voulons donner à tous les Français la possibilité de placer leurs économies à long terme, avec certes des avantages fiscaux, mais sans mettre en péril les régimes par répartition.

Tel est notre objectif. C'est pourquoi nous abrogerons la loi Thomas dans le prochain DMOS.

M. Jean-Luc Préel - Notre amendement 370 est de suppression. Il est soutenu par les trois groupes de l'Alliance, la gauche n'étant pas seule à être "plurielle".

Nous désapprouvons l'article 2, qui tend à ponctionner les ressources du C3S. Je note toutefois un progrès par rapport à l'année dernière, puisque la ponction ne pourra être supérieure à l'excédent...

En outre, la création du fonds de réserve ne constitue pas une vraie réponse. Il s'agit d'un gadget, d'un dispositif dont Mme le ministre elle-même a reconnu l'aspect symbolique. Il faut, d'urgence, trouver le moyen de garantir la pérennité de nos retraites par répartition.

M. Denis Jacquat, rapporteur - Il est vrai que des zones d'ombre subsistent dans ce dispositif. François Goulard a insisté sur l'importance "visuelle" de ce texte. Faut-il pour autant supprimer l'ensemble de l'article 2 ? Symbolique en effet, la mesure proposée ne suffira pas à sauver les retraites par répartition, mais elle permettra de les consolider par un système complémentaire de capitalisation, qui doit être accessible à tous.

La mission Charpin doit formuler des propositions. Espérons, à l'approche du 80ème anniversaire de l'armistice de 1918, que cette mission sera bien la "der des ders" (Sourires).

La commission a émis un avis défavorable sur cet amendement.

M. Jérôme Cahuzac, rapporteur pour avis - Il serait excessif de supprimer cet article, auquel on ne peut reprocher sa portée "symbolique". Si la dotation budgétaire est en effet insuffisante, la création d'une structure de cantonnement a son importance.

Le gouvernement Balladur, en 1993, a relevé le nombre d'annuités nécessaires pour partir en retraite. On peut penser ce qu'on veut d'une telle mesure...

Plusieurs députés DL et UDF - Elle était courageuse !

M. Jérôme Cahuzac, rapporteur pour avis - En tout cas, personne ne la jugera "symbolique". Elle a fait économiser au régime vieillesse 1,5 milliard en 1997, 2 milliards cette année, et l'économie sera de 2,5 milliards en 1999.

Or le dispositif de l'article 2 porte sur 2 milliards. Ou bien il s'agit d'une mesure symbolique, mais alors vous devez convenir que la mesure "courageuse" du gouvernement Balladur l'était aussi, ou bien elle est tout aussi structurelle que celle-ci... (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste)

Mme la Ministre - Avis défavorable. Le symbole, c'est aussi pour moi ce signe par lequel nous manifestons notre volonté de consolider les régimes par répartition.

M. Yves Deniaud - La troisième source de financement évoquée par cet article est d'un flou inadmissible. Et les explications données par Mme Aubry ne sont pas pour nous rassurer, au contraire !

Si par malheur un tel fonds était créé, la loi devrait au moins en déterminer de façon très précise les ressources. On ne peut pas remettre au pouvoir réglementaire le soin de trouver des recettes de bric et de broc.

Le recours éventuel aux caisses d'épargne est proprement scandaleux. On assiste à une véritable course de vitesse entre le ministre des finances et celui des affaires sociales, pour mettre la main sur le magot des caisses d'épargne !

M. Bernard Accoyer - Le groupe RPR souhaite également la suppression de cet article. Outre le caractère totalement improvisé de la création de ce fonds de réserve et le détournement d'objet de l'excédent de la C3S, je voudrais souligner l'aspect surréaliste de la mesure. Un simple calcul actuariel montre que les besoins de consolidation du régime par répartition se chiffrent, à l'échéance de 2010, en milliers de milliards ! Cet article est pure gesticulation et c'est inacceptable.

Madame la ministre, j'ai apprécié que vous acceptiez notre proposition de faire bénéficier les salariés du secteur privé des régimes de retraite complémentaire par capitalisation, alors que notre amendement avait été rejeté par la commission. J'aurais, bien entendu, préféré que le Gouvernement le reprenne à son compte : vous auriez pu le faire car la clémence du Conseil constitutionnel concernant les lois de financement de la Sécurité sociale est bien connue.

Mme la Ministre - Vous me contraignez à expliquer à nouveau que je ne suis pas d'accord avec vous !

Je n'ai pas dit que nous allions généraliser les systèmes d'épargne à long terme des fonctionnaires, mais que nous voulions faire en sorte que tous les Français aient accès à une épargne à long terme qui leur garantisse une retraite supplémentaire. Quant aux modalités, nous n'en sommes pas là !

L'amendement 370, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Charles de Courson - Notre amendement 306 tend à supprimer le premier alinéa du II de cet article.

Il n'est pas logique de prélever un milliard d'excédents de la C3S au profit du BAPSA en 1999 et de priver le régime agricole de toute contribution de la C3S à partir de l'an 2000. Si nous votons cet alinéa, nous allons poser un énorme problème au ministre de l'agriculture : comment financera-t-il le BAPSA à l'avenir ? Il sera obligé d'amputer les autres lignes de crédits de son budget.

Nous préférons, quant à nous, pérenniser la contribution de la C3S au BAPSA.

M. Denis Jacquat, rapporteur - D'abord une remarque : il n'y aura pas de ponction de la C35 au détriment des régimes de non-salariés non agricoles puisque l'excédent de 1998 est reporté sur 1999 et permettra à la fois de combler les déficits de ces régimes et d'attribuer un milliard au BAPSA.

Il n'est pas normal que le BAPSA reçoive une compensation financière puisqu'il perd la qualité d'attributaire du second rang de la C3S. Le versement prévu a un caractère opportuniste : il vise à financer la revalorisation des petites retraites agricoles en 1999 et à éviter ainsi à l'Etat de le faire. Mais il n'est pas sain de couvrir une dépense permanente par une recette temporaire.

J'ajouterai que si on supprime le 1er alinéa du II, il faut également supprimer le 2ème alinéa.

La commission a rejeté cet amendement.

M. Bernard Kouchner, secrétaire d'Etat à la santé - Même avis négatif.

M. Charles de Courson - Vous ne pouvez pas vous contenter d'une telle réponse ! On ne peut pas financer des dépenses durables avec une recette exceptionnelle non reconductible au-delà de 1999 !

Si votre intention est de modifier à nouveau en 2000 le système de répartition de la C3S, alors il ne faut pas voter le 2ème alinéa, car il interdit à la MSA d'en bénéficier au-delà de cette année ! Donnez-nous une réponse claire : comment sera financée la revalorisation des petites retraites agricoles à partir de l'an 2000 ?

M. le Secrétaire d'Etat - N'allongeons pas le débat inutilement. A chaque année suffit sa peine ! (Protestations sur les bancs du groupe UDF et du groupe du RPR)

M. Jean-Luc Préel - C'est ça, on verra bien demain !

M. Bernard Accoyer - Ce matin, quand il s'agissait de retarder l'échéance, le ministre était beaucoup plus prolixe ! Finalement de 10 heures à 18 heures, nous avons eu affaire à une obstruction due aux différends au sein de la gauche ! (Protestations sur les bancs du groupe socialiste)

Sur le fond, l'invention improvisée du F3R montre qu'on est en plein délire. Il y a une disproportion totale entre les besoins et les 2 milliards affectés à ce fonds, qui correspondent à six semaines du CADES : vous auriez mieux fait de réduire d'autant l'effort imposé aux jeunes générations. Cela aurait été un signe de solidarité à leur égard. Il est inéquitable d'avoir fait porter l'effort sur elles seules.

C'est pourquoi nous demandons la suppression de la totalité de l'article 2.

M. Alfred Recours, rapporteur - Ce n'est que l'application de la loi !

L'amendement 306, mis aux voix, n'est pas adopté.

La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance, qui aura lieu ce soir, à 21 heures.

La séance est levée à à 19 heures 35.

          Le Directeur du service
          des comptes rendus analytiques,

          Jacques BOUFFIER


© Assemblée nationale


© Assemblée nationale