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Assemblée nationale

COMPTE RENDU

ANALYTIQUE OFFICIEL

Session ordinaire de 1998-1999 - 19ème jour de séance, 47ème séance

1ère SÉANCE DU JEUDI 29 OCTOBRE 1998

PRÉSIDENCE DE M. Patrick OLLIER

vice-président

          SOMMAIRE :

LOI DE FINANCEMENT DE LA SÉCURITÉ SOCIALE POUR 1999 (suite) 1

    ART. 6 1

    ART. 7 2

    ART. 9 6

    ART. 10 9

    ART. 11 10

    APRÈS L'ART. 11 11

    APRÈS L'ART. 11 11

    ART. 12 15

    APRÈS L'ART. 12 15

    ART. 13 16

La séance est ouverte à neuf heures.


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LOI DE FINANCEMENT DE LA SÉCURITÉ SOCIALE POUR 1999 (suite)

L'ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 1999.

ART. 6

M. Bernard Accoyer - Cet article prévoit le paiement obligatoire par virement, pour tout montant annuel de cotisations supérieur à six millions de francs dû aux organismes de recouvrement. Sous couvert d'une simple disposition technique, on va compliquer le travail des entreprises, alourdir leurs charges et accroître les risques d'application de pénalités de retard. Les entreprises vont en effet perdre le bénéfice des dates de valeur, ce qui ne sera pas neutre pour elles, étant donné la situation souvent très tendue de leur trésorerie. Le seuil retenu de six millions de francs est en outre relativement bas : avec le niveau atteint par les charges dans notre pays des dizaines de milliers d'entre elles sont concernées. Enfin, le mécanisme utilisé est particulièrement pervers.

De nombreuses entreprises, notamment de services qui, ayant des antennes dans plusieurs départements, étaient contraintes de régler leurs cotisations à plusieurs antennes de l'URSSAF, ont obtenu de les régler à un seul organisme. Or, elles aussi seront soumises à cette même obligation de paiement par virement. Nul doute que l'administration saisira l'occasion pour leur "serrer le coupe-file", selon son expression favorite.

Pour toutes ces raisons, nous demandons la suppression de l'article 6. Tel est l'objet de l'amendement 153.

M. François Goulard - Est-on vraiment obligé de recourir à la loi pour régler une question aussi pratique ? Les URSSAF pourraient très bien procéder par voie contractuelle avec leurs redevables. Prenons garde à ce que la loi ne perde pas le caractère solennel qui devrait lui rester attaché.

M. Denis Jacquat, rapporteur de la commission des affaires sociales - Cet amendement vise à améliorer le recouvrement des cotisations dues à l'URSSAF par l'utilisation d'un moyen de paiement moderne. Les entreprises qui paient plus de six millions de francs par an, Monsieur Accoyer, ne sont que 5 000. Mais le montant dont elles s'acquittent représente 45 % du total des cotisations.

Le dispositif prévu permet de neutraliser l'effet de la date de valeur appliquée aux chèques remis à l'encaissement. Les entreprises n'y perdront rien car elles ne seront débitées qu'au jour de la date d'exigibilité de cotisations tandis que les organismes de recouvrement qui eux aussi connaissent des difficultés de trésorerie, y gagneront. Un tel dispositif existe d'ailleurs déjà en matière fiscale ; il est bien accepté des entreprises.

M. Bernard Kouchner, secrétaire d'Etat à la santé - L'obligation de paiement par virement facilitera la tâche des organismes de recouvrement et garantira une meilleure régularité du versement des cotisations. Et le Gouvernement n'entend nullement modifier la date limite de paiement des cotisations à l'occasion de cette réforme. Je suis donc défavorable à l'amendement.

M. Bernard Accoyer - Il et profondément regrettable de ne pas tenir compte des difficultés de trésorerie des entreprises, qui vont encore s'accroître dans les mois qui viennent du fait du ralentissement de la conjoncture internationale. Les chefs d'entreprise sont des plus pessimistes devant leurs carnets de commande qui se vident, la presse s'en fait l'écho ce matin même.

S'agissant de la neutralisation des dates de valeur, je m'inscris en faux contre ce qui a été dit. Tout dépendra en effet de la négociation entre les entreprises et leurs banques. Entre assurer la survie des entreprises et faire gagner quelques jours de trésorerie aux URSSAF par le biais de l'effet des dates de valeur, il n'y a pas à hésiter ! Il faut sauvegarder les entreprises, qui aujourd'hui seules créent des emplois.

Le dispositif existe déjà pour le paiement des impôts, nous dit-on. Mais chacun connaît le caractère particulièrement intransigeant des URSSAF pour le recouvrement des cotisations. La pression qu'elles exercent sur les entreprises va s'accroître encore. Or n'oublions pas qu'un chef d'entreprise est aussi un homme et que ses réactions ont d'abord une dimension humaine. Cette mesure desservira l'emploi. Or pour assurer durablement le financement de la Sécurité sociale, ce qui est bien l'objet de ce projet de loi, le premier impératif est de soutenir l'emploi, ce qui permet d'engranger des cotisations supplémentaires à terme.

L'amendement 153, mis aux voix, n'est pas adopté.

L'article 6, mis aux voix, est adopté.

ART. 7

M. Jean-Luc Préel - L'industrie pharmaceutique française, autrefois très performante, est aujourd'hui en péril, victime d'une politique de prix bas qui a conduit à un rattrapage sur les volumes sans permettre aux entreprises de dégager les moyens nécessaires au financement de la recherche. Celle-ci qui implique la mobilisation sur une longue période d'équipes nombreuses de professionnels très compétents est en effet très onéreuse. Notre pays risque donc de devenir un importateur de molécules innovantes.

L'ordonnance de janvier 1996 avait minoré le prélèvement fiscal dû par les entreprises effectuant de la recherche en France. Cette disposition était bonne pour la recherche et pour l'industrie française. Mais voulez-vous les aider ?

En outre, ce dispositif ne pénalise pas les firmes étrangères qui se rémunèrent sur des marchés où les prix sont beaucoup plus élevés qu'en France. Il compliquera le remboursement de ces entreprises étrangères. Je souhaite donc que le taux soit ramené de 1,7 % à 1,2 % et non à 1,42 % afin de ne pas pénaliser l'industrie française.

M. Bernard Accoyer - Comme le disait M. Préel, notre industrie pharmaceutique naguère brillante est aujourd'hui très affaiblie en raison du mécanisme dévastateur prix-volume. Dans ce contexte difficile, des entreprises, dont quelques groupes mondiaux, continuent néanmoins de développer des molécules innovantes sur notre sol.

Votre projet, et particulièrement l'article 7, met en danger la recherche en renonçant au mécanisme d'encouragement mis en place par le gouvernement Juppé.

Vous avez voulu répondre au recours engagé par une entreprise étrangère contre ce dispositif au nom de l'égalité entre les contribuables.

Ainsi, le Gouvernement, au lieu d'anticiper afin de protéger nos entreprises, leur enfonce la dague dans le coeur ! Vous mettez en place une taxation rétroactive sur les entreprises effectuant leur recherche en France et dont le produit sera reversé aux entreprises qui développent leur recherche à l'étranger. Prenez conscience de votre erreur, retirez cet article.

M. le Secrétaire d'Etat - L'erreur en cause n'est pas la nôtre.

M. Bernard Accoyer - Plus généralement, je constate que la recherche médicale est aujourd'hui commandée par la préoccupation de la rentabilité. C'est bien triste.

Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité - Ce n'est pas triste, c'est normal.

M. Bernard Accoyer - Ainsi en ce qui concerne le VIH, des médicaments ont été développés permettant la survie des malades dans des conditions qui restent encore trop difficiles. Les grands groupes ont fait ce choix sur des critères financiers car il était bien plus intéressant de mettre au point un médicament coûteux à destination des pays solvables qu'un vaccin bon marché et ne nécessitant qu'une seule prise. Celui-ci serait pourtant nécessaire aux pays non solvables. J'appelle donc à un renouveau de l'éthique en matière de recherche médicale. Ne décevez, Madame la ministre, ni les malades, ni les industriels.

Mme la Ministre - Cet amendement vise à corriger une erreur du gouvernement Juppé...

M. Bernard Accoyer - Ce n'était pas une erreur : il s'agissait de protéger les entreprises françaises.

Mme la Ministre - ...déjà commise dans des conditions similaires dans le secteur textile et pour laquelle nous avons été condamnés.

On ne peut pas respecter les règles européennes uniquement lorsqu'elles nous arrangent. La France doit respecter tous ses engagements ("Très bien !" sur les bancs du groupe socialiste).

L'ordonnance du 26 janvier 1996 a institué trois contributions exceptionnelles à la charge des industries pharmaceutiques, leur recouvrement a rapporté 2,5 milliards. Un contentieux est en cours devant le Conseil d'Etat qui a sollicité l'avis de la Cour de justice des Communautés Européennes. Est contestée la comptabilité au droit communautaire de la déduction de l'assiette de l'une de ces contributions des dépenses de recherche effectuées en France.

Ce contentieux va sans aucun doute déboucher sur l'annulation de cette contribution dont le rendement a été de 1,2 milliard. Afin de préserver cette recette, ce projet de loi modifie l'économie initiale de la contribution pour la rendre conforme aux textes communautaires. Cela s'inscrit dans notre conception du marché qui est totalement différente de la vôtre. Ce n'est pas en protégeant artificiellement les entreprises françaises que nous les aideront mais en respectant le jeu de la concurrence, en fixant une politique des prix récompensant l'innovation et en développant la recherche publique. Je vous signale d'ailleurs que nous avons décidé avec Claude Allègre qu'en 1999 le budget de la recherche médicale serait le plus important budget de recherche.

Voilà comment il convient d'aider nos entreprises et non par une politique malthusienne refusant la concurrence et fermant les frontières.

La fixation des prix et des taux de remboursement des médicaments selon leur effet médical favorisera les entreprises mettant sur le marché des molécules innovantes qui sont celles dont l'effet médical est important. Je vous rappelle en outre que 85 % des nouveaux médicaments sont développés non par l'industrie mais par les laboratoires publics.

Nous mettons donc en place une contribution nouvelle supprimant le dispositif de déduction contesté et évitant de procéder à un reversement massif ainsi qu'à un nouvel appel. La régularisation implique de reverser 66 millions à des contribuables...

M. Bernard Accoyer - A des entreprises étrangères !

Mme la Ministre - Faites des textes légaux et nous n'aurons pas à utiliser de tels mécanismes !

M. Jean-Pierre Foucher - On ne sait pas encore si cette disposition est illégale !

Mme la Ministre - C'est en tout cas ce que nous dit M. Accoyer que j'écoute pour ma part.

Des reversements étaient donc nécessaires. Ils seront limités, trois seulement portant sur plus de dix millions.

Il faut aider les laboratoires qui souhaitent rester en France par une politique moderne du médicament, par un effort public de recherche mais certainement pas avec les instruments qu'a utilisés le gouvernement précédent.

M. Jean-Pierre Foucher - Madame le ministre, ce que vous venez de dire est inacceptable. Les membres de l'Agence du médicament vont être contents ! Peut-on sortir du champ du remboursement un médicament qui a obtenu l'autorisation de mise sur le marché ? Il faut être clair et dire que le travail de cette Agence ne sert à rien !

Je partage en revanche l'avis de M. Préel sur la légalité de l'article 7. Peut-on modifier le taux, l'assiette et les modalités de perception d'une contribution non pour l'avenir, mais pour le passé ?

Cet impôt a été intégralement acquitté. Certes, l'article 14 de la Déclaration des droits de l'homme autorise une certaine rétroactivité de l'impôt mais à condition que l'exercice ne soit pas clos et que la nécessité d'une telle mesure soit prouvée.

Le législateur accepterait-il d'appliquer la même logique à l'impôt sur le revenu, en violation de l'article 2 du code civil ? Quel serait l'avis du Conseil constitutionnel ?

Sur quel précédent fondez-vous votre décision ?

Vous voulez modifier la législation parce qu'un laboratoire étranger a déposé un recours. Or l'affaire n'est toujours pas tranchée. Pourquoi préjuger ?

Vous indiquez que les entreprises qui auraient trop versé seront remboursées au taux légal. Très bien. Mais vous prévoyez de fixer par décret les modalités de reversement de l'impôt. Est-il conforme au droit constitutionnel de démettre le législateur d'une fonction essentielle ?

En outre, quelles seront les sanctions ? Elles devront être rétroactives ce qu'interdit l'article 8 de la Déclaration des droits de l'homme.

Si vous renonciez à instituer des sanctions, en revanche, vous seriez à l'origine d'une inégalité entre les entreprises qui paieront et celles qui ne paieront pas.

De même, qu'en est-il de l'obligation déclarative ? Comment ferez-vous pour les entreprises disparues ? Qui va reconstituer les comptes et qui paiera ? En cas de fusion, à qui réclamer le paiement de l'impôt ?

Vous portez atteinte aux principes de la sécurité juridique et de la non-rétroactivité, à la compétence du législateur et enfin au principe de l'annualité de la loi de finances, qui vaut aussi pour les lois de financement de la Sécurité sociale. C'est beaucoup, en un seul article !

M. Maxime Gremetz - Pour essayer de faire passer un plan qui prenait 100 milliards aux ménages, M. Juppé a taxé les laboratoires pharmaceutiques de 2,5 milliards. Son dispositif s'étant révélé contraire au droit européen, il importe de le revoir en vue de le consolider. C'est l'objet de l'article 7 que le groupe communiste votera.

M. Claude Evin, rapporteur de la commission des affaires sociales - Si nous sommes obligés de revoir les modalités de cette contribution, c'est qu'il y a une malfaçon dans les ordonnances Juppé.

M. Bernard Accoyer - Ça suffit !

M. Claude Evin, rapporteur - Quand nous arriverons à l'article 25, l'opposition ne manquera pas de se plaindre qu'on mette les laboratoires pharmaceutiques à contribution. Or le gouvernement Juppé leur a lui-même demandé 2,5 milliards, mais une partie des prélèvements repose sur une base juridique fragile, un contentieux étant engagé.

Contrairement à ce qu'a dit M. Accoyer, la nouvelle imposition ne vise pas les seules entreprises françaises, mais tous les laboratoires qui font de la recherche en France.

M. Bernard Accoyer - Ce sont donc des emplois français !

M. Claude Evin, rapporteur - L'intention du précédent gouvernement était louable, mais cela ne l'a pas empêché de commettre une erreur juridique, qu'il nous faut réparer.

J'ajoute que le Conseil constitutionnel admet la rétroactivité en matière fiscale.

M. Jérôme Cahuzac, rapporteur pour avis de la commission des finances - Contrairement à notre collègue Foucher, je ne suis pas choqué que l'obtention d'une AMM n'emporte pas nécessairement le remboursement. L'autorisation de mise sur le marché correspond à un rapport entre le profit et les risques liés à l'absorption du médicament, alors que la question du remboursement relève d'une logique de santé publique. Ce n'est pas parce qu'un médicament bénéficie d'une AMM qu'il doit rester dans le champ du remboursement (Interruptions sur les bancs du groupe UDF).

On sait que "l'enfer est pavé de bonnes intentions". Quoi de plus louable que de protéger l'investissement dans la recherche, même si cet objectif ne figurait pas explicitement dans le rapport sur le plan Juppé ? Mais le dispositif adopté n'est pas conforme au droit communautaire, qui s'imposait à vous comme il s'impose à nous. Il y a là une difficulté juridique réelle. Nous devons reconstituer a posteriori, et non sans quelque artifice, une base juridique pour cette contribution.

L'opposition devrait s'en réjouir, car ce sera grâce à ce ravaudage que le dispositif de M. Juppé, dont vous avez applaudi debout l'adoption, continuera d'être appliqué. Vous devriez nous remercier ! (Sourires sur les bancs du groupe socialiste)

M. le Secrétaire d'Etat - MM. Foucher, Accoyer et Préel nous demandent si nous voulons encourager la recherche française. Bien entendu ! Mais il y a deux manières de procéder. De votre côté comme du nôtre et dans le contexte d'un marché captif, nous avons jusqu'alors protégé notre industrie du médicament par le système des AMM. Les résultats n'ont pas été bons : vous l'avez indiqué, le nombre des brevets français a diminué.

En outre, la médecine et la pharmacopée ont évolué. Nous n'en sommes plus à l'huile de foie de morue !

M. Bernard Accoyer - Votre politique va nous y ramener.

M. le Secrétaire d'Etat - Par ailleurs, la recherche est aujourd'hui internationale. On ne peut continuer à opposer les laboratoires français aux entreprises étrangères. Tous les produits sont mis sur le marché à l'échelle internationale, de nos jours.

L'AMM n'est pas un bloc d'airain, les effets secondaires des médicaments n'étant connus, par définition, que tardivement. Comme l'a rappelé Mme la ministre, 85 % des découvertes développées par nos laboratoires ont été faites à l'université. Nous allons d'ailleurs conforter la recherche fondamentale, via l'INSERM. Nos trois principaux laboratoires tendent de se regrouper.

Vous avez évoqué les trithérapies. Nous avons certes été capables de les mettre très vite sur le marché, mais elles ont été trouvées ailleurs...

M. Bernard Accoyer - Ce sont tout de même les Français qui ont découvert le virus.

M. le Secrétaire d'Etat - Oui, mais pas les médicaments contre. C'est bien pourquoi nous faisons tout notre possible afin de conforter le groupe français qui a des chances de trouver le vaccin et de le mettre sur le marché.

Mme la Ministre - Permettez-moi une mise au point juridique. Le texte en question ne remet nullement en cause le principe d'annualité puisqu'il vise au contraire à parer le risque d'une perte de recettes de 1,2 milliard. Je précise aussi que l'on ne renvoie à un décret que pour les dates de paiement. Enfin, le Conseil constitutionnel a plusieurs fois admis que la loi fiscale peut être rétroactive, sous certaines conditions dont le fait que la contribution que l'on veut modifier n'ait pas cessé de produire ses effets juridiques, ce qui est bien le cas ici.

Sur le fond, je voudrais dire que nous poursuivons les mêmes objectifs, à savoir aider la recherche et l'industrie pharmaceutique. Cette dernière bénéficie déjà largement du crédit d'impôt recherche puisqu'elle en consomme 10 % quoique ne représentant que 4 % de l'industrie manufacturière. Mais nous réfléchissons à de nouveaux mécanismes d'incitation. Et le budget de la recherche médicale sera en 1999 le premier budget de la recherche.

Avec cet article, nous cherchons simplement à corriger une illégalité nichée dans les ordonnances.

M. Bernard Accoyer - Après avoir dit que les ordonnances de 1996 étaient bourrées d'erreurs, je constate, Madame la ministre, que vous adoptez une formulation plus nuancée. Et c'est justice car enfin si le Parlement peut enfin débattre du premier budget de la nation, celui de la Sécurité sociale, c'est bien grâce aux ordonnances de 1996. C'est aussi grâce à elles que les rapports entre l'Etat et les caisses de Sécurité sociale sont désormais contractualisés et que le financement de la Sécurité sociale a été réformé. Ce gouvernement-ci s'est contenté d'accélérer le transfert des cotisations vers la CSG, se privant ainsi des moyens de créer l'assurance maladie universelle, laquelle se retrouve galvaudée en couverture maladie universelle (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste). Ce sont aussi les ordonnances de 1996 qui ont lancé la réforme de l'hospitalisation et la maîtrise médicalisée des dépenses de santé.

En s'acharnant sur l'industrie pharmaceutique française et sur les firmes étrangères qui font de la recherche en France, ce gouvernement néglige le fait que les Etats-Unis ont, avec raison, déclaré stratégiques les industries de santé. Dans quel autre domaine en effet y aura-t-il une telle aspiration à aller toujours plus loin, à mobiliser toujours plus de moyens ?

Les Français ont prouvé leur capacité de faire des découvertes fondamentales -le virus du sida, par exemple- mais ils sont moins bons dans le développement d'applications. Il faut dire que le plus important groupe pharmaceutique français est dix fois plus petit que ses concurrents mondiaux.

M. le Secrétaire d'Etat - Vous exagérez !

M. Bernard Accoyer - En créant une taxe rétroactive sur notre industrie pharmaceutique, cet article 7 porte un nouveau coup à l'innovation et à la recherche françaises.

Mme Martine David - C'est l'apocalypse !

M. Bernard Accoyer - C'est pourquoi mon amendement 155 tend à supprimer cet article

M. François Goulard - Mon amendement 231 est aussi un amendement de suppression. Cela dit, je reconnais l'exactitude des arguments juridiques avancés par Mme la ministre. La loi fiscale est d'ailleurs traditionnellement rétroactive puisqu'elle porte sur les revenus de l'année écoulée.

Je note avec intérêt et satisfaction la conversion des communistes au discours européen. Le Gouvernement a raison de dire que nous devons nous conformer à nos engagements européens. Comme il a raison de dire que maintenir artificiellement en vie, par des prix trop élevés, des laboratoires serait à long terme une erreur. Je me réjouis de cette conversion aux lois du marché.

Mme la Ministre - Nous évoluons à votre contact.

M. François Goulard - Reste que l'industrie pharmaceutique est trop souvent considérée comme une vache à lait que l'on peut taxer sans limite au motif qu'elle ferait des profits mirifiques. C'est oublier que cette industrie a besoin de faire des profits, compte tenu de ses énormes investissements dans la recherche.

Mais l'article 7 m'inquiète moins que la suite, en particulier l'article 25, car je crains que le Gouvernement ne soit tenté d'utiliser l'arme tarifaire sur les médicaments afin de tenir l'objectif de dépense. Voilà qui affaiblirait considérablement notre industrie pharmaceutique et qui la pousserait à se délocaliser.

M. Claude Evin, rapporteur - Nous en avons déjà débattu. La commission est évidemment contre ces amendements de suppression.

M. le Secrétaire d'Etat - Contre.

Les amendements 155 et 231, mis aux voix, ne sont pas adoptés.

M. Bernard Accoyer - Mon amendement 156 est un amendement de repli, destiné à limiter les dégâts que causera ce mauvais article.

En fait cet article opère une taxation rétroactive de l'emploi et des recherches pharmaceutiques effectuées en France. Si on cherchait à adresser un signal défavorable aux entreprises, petites ou grandes, françaises ou étrangères, il serait difficile de faire mieux ! Encore que dans les articles à venir, on va peut-être atteindre l'insupportable ! (Rires sur les bancs du groupe socialiste)

M. Claude Evin, rapporteur - Avis défavorable.

M. le Secrétaire d'Etat - Même avis.

L'amendement 156, mis aux voix, n'est pas adopté.

Les articles 7 et 8, successivement mis aux voix, sont adoptés.

ART. 9

M. Jean-Luc Préel - L'article 9 concerne l'alcoolisme, qui est, hélas !, un problème de santé publique majeur dans notre pays. Près de 5 millions de nos concitoyens ont un problème avec l'alcool, 2 millions sont dépendants et l'alcool est à l'origine de nombreux séjours en hôpital, accidents de la route, accidents du travail et décès -sans parler de son coût social et familial considérable, qu'on ne peut chiffrer.

Face à cela, des lobbies importants et un Etat qui perçoit des taxes considérables sur les alcools, mais dépense très peu pour la prévention et l'éducation à la santé. Il serait pourtant normal de créer une agence nationale pour l'éducation de la santé à vocation préventive.

M. François Goulard - Très juste.

M. Jean-Luc Préel - Il faut s'attaquer aux causes. L'apparition des boissons Prémix nous avait scandalisés car leur but était bien d'habituer les jeunes à la consommation d'alcool et à les rendre, à leur insu, dépendants.

La taxe instituée pour rendre dissuasif le coût des Prémix semble avoir été efficace. Toutefois le Conseil d'Etat et la Commission européenne veulent la remettre en cause à cause de son aspect discriminatoire et cela pose un réel problème. Il est souhaitable de contrer ces projets car il est scandaleux d'encourager la consommation subreptice d'alcool par les jeunes.

Par ailleurs, Madame la ministre, il conviendrait de faire mieux respecter l'interdiction de la vente d'alcools aux mineurs dans les cafés, certes, mais surtout dans les grandes surfaces. Aujourd'hui rien n'empêche un jeune d'emplir tout un caddie de packs de bière !

M. Yves Bur - Les boissons Prémix avaient été taxées par la loi de financement de 1997 sur une proposition de M. Gengenwin. Une réécriture de cet article nous est proposée pour la mettre en conformité avec la réglementation communautaire, mais elle pose quelques questions : pourquoi déterminer la taxe en fonction du conditionnement ? Sera-t-elle réellement affectée à la lutte contre l'alcoolisme ?

La rédaction de l'article aboutit à taxer également les panachés, qui titrent moins de 1,2 % d'alcool, ce qui risque de reporter la consommation vers les bières fortes, vendues dans des endroits très accessibles, et beaucoup plus dangereuses : elles ont d'ailleurs des noms très évocateurs : Bière du démon à 12o, Delirium tremens, Big-Bang à 9,9o, TNT etc.

La taxation des Prémix a été efficace. Réfléchissons aux moyens de taxer davantage ces bières fortes qui n'ont souvent d'autre vocation que de saouler ceux qui les consomment.

M. Germain Gengenwin - Je partage ces préoccupations. J'ai effectivement été à l'origine de l'article 22 de la loi de financement de 1997, qui taxe les Prémix : j'avais été alerté par des parents qui, après avoir acheté en grande surface des boîtes alléchantes, s'étaient aperçus, en lisant les petits caractères, qu'elles contenaient du whisky ! Résultat de cette taxation, les Prémix, aujourd'hui, se vendent beaucoup moins.

En revanche, je me félicite qu'en commission nous soyons tombés d'accord pour ne pas taxer les panachés, qui contiennent moins de 1,2 % d'alcool. On en consomme 800 000 hectolitres et cela évite sans doute en partie la consommation de bières plus fortes. Je souhaite que le Gouvernement se rallie à l'amendement de la commission.

M. Pierre Hellier - Je suis un peu étonné, Madame la ministre, que nous soyons obligés d'amender votre texte. Il aurait dû être mieux rédigé, de façon à ne pas inclure les panachés.

M. Denis Jacquat, rapporteur - Ayant précédé Hélène Mignon à la tête de la mission "Alcool et santé", je rappelle que le problème essentiel de notre pays est de développer une véritable politique de prévention de l'alcoolisme, notamment en direction des jeunes. La mission a constaté que dans notre pays les jeunes étaient surtout victimes d'une polytoxicomanie du samedi soir. Hélène Mignon a rendu ses conclusions, assorties de propositions très concrètes et j'espère qu'elles seront suivies d'effet, d'autant que son rapport a été adopté à l'unanimité par la mission, puis par notre commission.

En ce qui concerne l'article 9, la commission a bien fait de rectifier l'erreur consistant à taxer les panachés, alors que les bières fortes ne le sont pas.

Mme la Ministre - Je suis heureuse de l'unanimité sur ce texte. Bien entendu, nous acceptons l'amendement. Je rappellerai simplement à M. Hellier que si nous avons dû revoir la rédaction de cette disposition, c'est parce qu'elle a été mal écrite hier ! (Protestations sur les bancs du groupe UDF)

Cette disposition, adoptée à l'unanimité, a eu les effets que nous en escomptions et l'on ne peut que s'en réjouir. Elle a toutefois soulevé des difficultés juridiques. Il aurait fallu y insérer les modalités de recouvrement. L'oubli a été réparé par une circulaire mais celle-ci a été annulée par le Conseil d'Etat. La Commission européenne a engagé une procédure pré-contentieuse pour non-conformité à la directive sur les droits d'accise et discrimination à l'encontre de produits importés. Les mélanges de boissons alcoolisées et non alcoolisées n'étaient pas visés.

Nous avons tenu compte de ces réserves et visé par exemple les conditionnements inférieurs à 67 cl afin de toucher les cannettes, destinées surtout aux jeunes.

La Commission européenne maintiendra sans doute son opposition mais elle aura moins de portée.

Les brasseurs se sont émus de l'application éventuelle aux panachés. Un amendement les exclura de fait car ils comportent moins de 1,2o d'alcool.

La bière, évoquée par M. Gengenwin, pose aussi un problème au regard de la législation européenne, qui nous interdit de taxer en fonction du degré d'alcool au sein de la même catégorie. On sait les ravages de la bière chez les jeunes, mais les causes en sont peut-être plus profondes que le prix de la boisson.

M. le Secrétaire d'Etat - Cette unanimité fait bel effet. Le rapport Roques qui met en perspective la toxicité des produits licites et illicites, montre les ravages considérables provoqués par tous les alcools -bière, vin, autres alcools. N'oublions pas qu'en France un verre de vin au comptoir coûte moins cher qu'une bouteille d'eau minérale. Il faudra donc aller plus loin sur ce sujet.

M. Alfred Recours, rapporteur - Il ne s'agit pas ici de l'ensemble de notre politique de lutte contre l'alcoolisme ni même du problème des effets de l'alcoolisme sur la jeunesse, cible des boissons dont nous parlons, qui n'ont pas l'apparence de l'alcool, qui n'ont pas la couleur de l'alcool, qui n'ont pas le coût de l'alcool mais qui ont le goût de l'alcool et qui provoquent aussi des dégâts. Nous ne pouvons accepter que l'on continue à empoisonner une partie de la jeunesse avec des produits destinés précisément à l'alcooliser. Voilà le vrai problème.

La recette ainsi obtenue n'a guère d'importance ; nous devons même souhaiter qu'elle soit nulle.

Afin de respecter la directive européenne, deux amendements ont été déposés. Le 395 distingue le produit final selon qu'il comporte plus ou moins de 1,2 % d'alcool. Le 396 vise non plus la quantité de boisson mais la quantité d'alcool incorporée au mélange.

M. Bernard Accoyer - L'amendement 10 insiste sur les prémix.

On ne peut qu'être d'accord pour combattre l'attitude hypocrite de ceux qui, de façon insidieuse, tentent insidieusement de rendre les jeunes dépendants de l'alcool.

M. Recours se fait le Joss Randall des premix et il faut l'en féliciter. Méfions-nous toutefois d'un certain intégrisme dans la lutte contre ces fléaux que sont le tabac et l'alcool et contre la dépendance qu'ils entraînent. Il faudra par exemple peut-être à l'occasion du prochain DMOS, s'intéresser avec tolérance et objectivité aux bars et restaurants installés par certains clubs sportifs dans des enceintes sportives.

Certes, il faut user de la taxation, mais l'essentiel n'est-il pas l'éducation sanitaire ? N'est-il pas un peu court de s'attaquer au degré d'alcool alors que la sensibilité individuelle joue beaucoup ? Fumer un joint a des effets sur la vigilance équivalant à un taux d'alcool de 0,80 g par litre. Et quand on a en plus de l'alcool dans le sang, les effets délétères sont accentués.

Pour autant, nous voterons cette disposition.

M. le Secrétaire d'Etat - Je partage votre sentiment quant à la nécessité d'être vigilant sur le mélange cannabis alcool. Mais Nature de la semaine dernière montre aussi les effets du mélange alcool-médicaments, dont les Français sont les plus coutumiers au monde, et qui est responsable d'un grand nombre d'accidents de la circulation.

L'amendement 395, mis aux voix, est adopté.

M. le Président - L'amendement 10 tombe.

M. le Secrétaire d'Etat - L'amendement 431 exclut du dispositif les ajouts d'eau parfois nécessaires pour rendre certains alcools propres à la consommation.

M. Alfred Recours, rapporteur - La commission ne l'a pas examiné. Certains ajoutent de l'eau dans le processus de fabrication afin de passer sous le seuil d'alcool autorisé. Je ne citerai pas de marques.

Il ne faudrait pas chercher ici une quelconque compensation au refus de la vente d'Orangina...

Cela dit, même si elle ne supprime pas toutes les difficultés, notamment parce qu'elle ne porte que sur l'alcool en bouteille, on peut être d'accord avec la proposition du Gouvernement.

L'amendement 431, mis aux voix, est adopté.

M. Alfred Recours, rapporteur - J'ai déjà défendu l'amendement 396.

M. le Secrétaire d'Etat - Sagesse.

Mme Hélène Mignon - Je me félicite de ce dispositif qui permettra de mettre en conformité la taxation des premix avec la réglementation communautaire et d'étendre cette taxe à l'ensemble des mélanges contenant de l'alcool. Les fabricants de ces produits rivalisent d'imagination pour lancer toujours de nouveaux produits en direction des jeunes consommateurs abusés par les méthodes de marketing qui les fait paraître inoffensifs, même aux yeux des parents. Mieux vaut tout de même consommer un panaché qu'un premix.

La taxation devrait d'ailleurs être d'autant plus sévère que le degré d'alcool incorporé au mélange est élevé. Ce pourrait être la première étape d'une réforme de plus grande ampleur qui consisterait à taxer les alcools en fonction de leur degré alcoolique. C'est d'ailleurs l'une des conclusions adoptées par la commission des affaires sociales à l'issue des travaux de la mission d'information Alcool et santé que je présidais.

Je souhaiterais par ailleurs que le produit de la taxe sur les premix soit affecté à des actions de prévention et de lutte contre l'alcoolisme. S'il n'est pas possible d'affecter ces recettes, la CNAM pourrait peut-être du moins s'engager à renforcer de manière significative les moyens de cette lutte. La taxation des alcools devrait en effet servir la santé publique et non être considérée comme une source intarissable de recettes fiscales supplémentaires sans affectation spéciale.

L'amendement 396, mis aux voix, est adopté.

M. Alfred Recours, rapporteur - L'amendement 36 vise à compléter la liste des personnes redevables de la taxe, en y ajoutant entre autres les marchands en gros, les importateurs, les négociants établis dans un autre Etat de l'Union européenne, les vendeurs sur catalogue.

M. le Secrétaire d'Etat - Avis très favorable.

L'amendement 36, mis aux voix, est adopté.

M. Alfred Recours, rapporteur - L'amendement 37 est dans la droite ligne d'un amendement que j'ai défendu hier et qui a été adopté à l'unanimité par l'Assemblée. Le service des douanes n'a pas à se faire rémunérer pour la perception de la taxe sur les premix.

M. le Secrétaire d'Etat - Par cohérence avec la position qu'il a prise hier sur un amendement du même type, avec le succès que l'on sait, le Gouvernement est défavorable à cet amendement et en demande le retrait.

M. Bernard Accoyer - Je suis, pour ma part, tout à fait favorable à cet amendement judicieux présenté par notre excellent rapporteur. Je dénonce, avec lui, une dérive, devenue une habitude, dans certains services de l'Etat de percevoir qui une taxe pour le recouvrement, qui des honoraires pour travaux d'études -pour des services financés par l'impôt, si bien qu'ainsi le contribuable paie deux fois. C'est là une dérive intolérable dans le fonctionnement des services publics.

L'amendement 37, mis aux voix, est adopté.

L'article 9 modifié, mis aux voix, est adopté.

ART. 10

M. Bernard Accoyer - Mme Aubry nous a expliqué ce matin, à plusieurs reprises, qu'elle passait le plus clair de son temps à réparer les erreurs de ses prédécesseurs. Mais à ce propos, n'est-elle pas choquante, l'attitude qui consiste à dénoncer, quand on est dans l'opposition, des réformes structurelles indispensables ? Les ordonnances de 1996 ont contribué à sauver la Sécurité sociale.

Dans cet article 10, le Gouvernement répare une erreur du projet de loi de financement de la Sécurité sociale pour 1998. Je lui adresserai donc un triple message. En matière de Sécurité sociale, il convient d'être prudent, surtout lorsqu'on annonce le retour des comptes à l'équilibre, que nous aussi nous souhaitons bien sûr. Il convient également de respecter les efforts déjà accomplis et de s'inscrire dans leur continuité. Enfin, la tolérance serait de mise à l'égard de ceux qui ont eu le courage d'engager des réformes de fond. Même s'il est plus facile de les nier tout en les utilisant.

Cet article 10 devrait donc, selon nous, être présenté comme ce qu'il est, la réparation d'une erreur. Il devrait aussi donner l'occasion d'une réflexion que j'illustrerai par certains de mes amendements de repli. Mon amendement 157 tend à la suppression.

M. Alfred Recours, rapporteur - Une erreur a été faite l'an passé, il convient de la corriger. L'incidence financière est tout de même de deux milliards. Les intéressés ont d'ailleurs déjà le plus souvent réglé leur dû aux compagnies d'assurance qui ont effectué le reversement à l'ACOSS. La commission a rejeté les amendements 157 et 158 de M. Accoyer.

Mme la Ministre - Il s'agit d'un amendement purement formel.

L'amendement 157, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Alfred Recours, rapporteur - L'amendement 38 vise à corriger l'erreur.

Mme la Ministre - Avis favorable.

L'amendement 38, mis aux voix, est adopté.

M. Bernard Accoyer - Déjà l'an dernier, le Gouvernement avait décidé, pour la première fois, des mesures fiscales rétroactives. C'était le cas par exemple de l'abaissement de la réduction d'impôt accordée pour l'emploi d'un salarié à domicile. Voilà qu'il récidive cette année !

Certes, il a reculé sur l'assurance vie mais subrepticement, au fil des articles de ce projet de loi, on découvre des mesures rétroactives. Il s'agit là de récupérer 5 milliards au prétexte que la somme aurait déjà été appelée par les compagnies d'assurance -sans fondement légal, donc, ce qui donnera lieu inévitablement à des contentieux. Pure facilité ! On draine ainsi vers la Sécurité sociale toutes sortes de taxes. Ce mécanisme est néfaste pour les entreprises bien sûr, mais aussi pour la politique de santé publique, pour la prévention. Instituer sur les primes d'assurance automobile une quote-part pour la Sécurité sociale, c'est créer la confusion. En effet, en cas d'accident de la circulation, les caisses de Sécurité sociale se retournent vers le responsable de l'accident afin de récupérer les dépenses de soins qu'elles ont pu rembourser à cette occasion.

Il serait plus judicieux et plus rentable d'engager une véritable politique de prévention des accidents de la route, de la conduite en état d'ivresse ou sous l'emprise de produits stupéfiants. La prise de cannabis est devenue l'une des causes les plus fréquentes d'accidents mortels, dont les victimes sont, hélas, le plus souvent des jeunes.

Par cet amendement symbolique, je souhaite dénoncer le caractère monolithique d'un système où toutes les recettes sont aspirées par le budget de la Sécurité sociale au détriment des politiques de prévention et d'éducation sanitaire.

M. François Goulard - Mon amendement 232 a le même objet que le précédent. La rétroactivité d'une disposition législative, même si elle est conforme à la Constitution, est choquante dans son principe. Nos concitoyens se sont fortement mobilisés contre les dispositions prévues en matière d'assurance vie, jugeant inadmissible que le Gouvernement revienne sur ses engagements. Et le Gouvernement a dû reculer.

Nous voulons montrer par cet amendement symbolique que la rétroactivité ne doit être maniée qu'avec mesure particulièrement en matière fiscale.

Il est normal de rectifier l'erreur commise dans la loi de financement de la Sécurité sociale, erreur dont je ne vous blâme pas.

Je constate néanmoins que lorsque l'erreur profite aux contribuables, ce qui est ici le cas puisque la taxe sur les contrats d'assurance a été privée de base légale, le Gouvernement la corrige très vite. En revanche, quand l'erreur profite aux finances publiques, il faut des années aux associations de contribuables pour obtenir une juste réparation. Regrettable dissymétrie...

Enfin, je déplore le nombre anormalement élevé d'articles visant à corriger des erreurs ou à réagir à des annulations contentieuses probables ou certaines devant des juridictions tant européennes que françaises. Cela tient, semble-t-il, au fait que nous légiférons trop et trop vite.

M. Bernard Accoyer - Nuit et jour !

M. François Goulard - Faute d'une réflexion suffisante, nos textes sont parfois en contradiction avec la Constitution, les traités européens, voire le bon sens, ainsi qu'avec les nécessités de la bonne marche de l'administration. Je crois qu'il nous faut tirer des leçons de ces errements et nous mettre à légiférer sans hâte.

Les amendements 158 et 232 repoussés par la commission et par le Gouvernement, successivement mis aux voix, ne sont pas adoptés.

L'article 10, modifié, mis aux voix, est adopté.

ART. 11

M. Bernard Accoyer - Il nous faut corriger à chaque article les aigreurs de votre loi (Rires sur les bancs du groupe socialiste). Je veux dire les erreurs... Certes, l'erreur est humaine. Mais, sur le fond, je préférerais que vous n'hésitiez pas à utiliser ces instruments salvateurs que sont les ordonnances de 1996, auxquelles vous vous êtes partiellement ralliés après les avoir tant critiquées.

L'article 11 prévoit l'application dérogatoire par la Sécurité sociale d'une comptabilité de caisse pour l'exercice 1998. Cela ne peut qu'accroître le manque de transparence de sa gestion. La Cour des comptes s'estime incapable, comme nous le disait le premier Président en commission, de valider les comptes approuvés par la commission des comptes de la Sécurité sociale comme ceux, différents, approuvés par les conseils d'administration des caisses. Il s'agit pourtant de plus de 1 800 milliards !

M. François Goulard - C'est invraisemblable !

M. Bernard Accoyer - Il n'y avait aucune transparence jusqu'à la réforme de 1996 qui a permis au Parlement de se prononcer sur ces comptes.

Nous voterons cet article dans la mesure où il donne une suite à cette réforme.

M. François Goulard - Il est ahurissant que la Sécurité sociale ne soit pas capable de tenir une comptabilité en droits constatés, c'est-à-dire tout simplement une vraie comptabilité. Mon amendement 233 tend donc à la suppression. J'ajoute que la situation de l'Etat n'est guère meilleure. Comment admettre que des institutions, dont les dépenses réunies représentent plus de la moitié du PIB, ne soient pas capables de tenir la comptabilité que l'on exige du plus petit commerçant ? Je ne dis pas cela par pur souci de la beauté des comptes : la qualité de la comptabilité se répercute sur la gestion. Sans comptabilité fidèle, pas de bonne gestion publique. L'introduction d'une comptabilité patrimoniale de l'Etat doit être le préalable à la réforme de la gestion.

M. Bernard Accoyer - Très bien !

M. François Goulard - Ce sujet technique est peu susceptible d'intéresser l'opinion, il est néanmoins très important. Un tel flou sur les comptes publics n'est pas acceptable dans un Etat moderne !

L'amendement 233, repoussé par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Alfred Recours, rapporteur - L'amendement 39 de la commission étend l'application de l'article 11 à l'exercice 1999 pour lequel il sera encore nécessaire.

L'amendement 39, accepté par le Gouvernement, mis aux voix, est adopté.

L'article 11, modifié, mis aux voix, est adopté.

APRÈS L'ART. 11

M. Maxime Gremetz - Je demande une suspension de séance pour permettre à mon groupe de se réunir.

La séance, suspendue à 10 heures 55, est reprise à 11 heures 5.

APRÈS L'ART. 11

M. Alfred Recours, rapporteur - Nous venons d'évoquer la lutte contre l'alcoolisme. Nous devons aussi combattre le tabagisme, en particulier chez les jeunes. La consommation de tabac cause 60 000 décès par an, et ce chiffre s'élèvera à 160 000 en 2025. De 24 milliards, le coût des maladies provoquées par le tabac passera alors à 60 milliards, ce qui n'est pas négligeable à l'heure où on s'efforce de maîtriser les dépenses de santé.

Alors que la consommation globale de cigarettes a tendance à décroître, le tabagisme reste important chez les jeunes : 35 % des 12-18 ans fument, dont 31 % régulièrement.

L'amendement 404 de la commission vise donc à relever le tarif du droit de consommation sur les tabacs, ce qui rapporterait un milliard à la CNAM.

Juridiquement, je n'ai pas la possibilité d'affecter cette recette nouvelle. Cependant, on peut songer à quelques pistes, comme les lits médicalisés autorisés mais non financés, les soins palliatifs et les associations. Je souhaite que le Gouvernement nous donne des précisions sur l'utilisation d'un tel supplément de recettes.

M. le Secrétaire d'Etat - Avec une belle unanimité, vous venez de condamner la consommation d'alcool chez les jeunes. C'est avec la même unanimité que vous devez reconnaître les ravages du tabac, responsable de 60 000 décès par an, soit un décès sur neuf qui pourrait être évité ! Il s'agit de nos amis, de notre famille !

La moitié de ceux qui ont commencé à fumer durant l'adolescence mourront victimes du tabac. Dans la tranche des 45-64 ans, la plus touchée, le tabagisme est à l'origine de 30 % des décès chez les hommes et de 4 % des décès chez les femmes. Mais, sur ce point aussi, les femmes ont rattrapé les hommes.

Les fumeurs représentent 34 % de la population française et la part des jeunes ne fait qu'augmenter. On commence à fumer dès 15 ans, voire dès 12 ans, et 41,3 % des 15-24 ans fument. Il suffit de passer devant un lycée pour voir des jeunes qui fument dès huit heures du matin.

La proportion de femmes enceintes qui continuent à fumer est passée de 15 % en 1981 à 25 % en 1995, alors que l'on sait que cette consommation de tabac a un retentissement sur le foetus qui persistera chez le nourrisson et l'enfant. Elle accroît aussi les risques de mort subite du nourrisson.

Le Gouvernement a donc fait de la lutte contre le tabagisme une priorité de santé publique. 50 millions ont été consacrés à la prévention en 1998, une évaluation de la loi Evin est en cours et la France a beaucoup contribué à faire aboutir une directive européenne d'interdiction de la publicité sur le tabac.

Toutes les statistiques montrent qu'il y a un lien étroit entre le prix du tabac et sa consommation. En Norvège, par exemple, celle-ci a baissé à mesure que les prix montaient. La hausse des prix constitue donc l'un des moyens de diminuer les ventes et, par conséquent, d'éviter des cancers.

L'an dernier, nous avons augmenté le prix du tabac à rouler, ce qui en a diminué la consommation chez les jeunes. Malheureusement, leur consommation de tabac a augmenté, raison pour laquelle je suis favorable à l'amendement de M. Recours. Le produit de ces taxes servira notamment à financer des lits médicalisés et des équipes de soins palliatifs.

J'espère avoir au moins convaincu les jeunes présents dans les tribunes de ne pas se mettre à fumer. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste)

M. Jean-Luc Préel - Je suis d'accord avec votre dénonciation des ravages du tabac et je déplore en particulier que les jeunes femmes fument de plus en plus, s'exposant ainsi à des cancers du poumon alors qu'elles étaient jusqu'à présent relativement épargnées. Mais la vraie solution consisterait à consacrer plus de moyens à la prévention et à l'éducation sanitaire, ces parents pauvres du système. Nous avons en particulier besoin d'une agence nationale d'éducation à la santé, capable de coordonner des politiques pluriannuelles. Et il faut absolument une enveloppe spécifique pour la prévention et l'éducation.

L'an dernier, le Gouvernement avait créé une taxe de santé publique. Combien a-t-elle rapporté ? A quoi a-t-elle été affectée ? Voulez-vous vraiment, Monsieur le secrétaire d'Etat, organiser l'éducation et la prévention ou vous contenterez-vous de saupoudrer différents organismes ?

M. Bernard Accoyer - L'amendement pose un vrai problème mais sans le résoudre, car on va une fois de plus taxer le tabac sans allouer les sommes ainsi recueillies à la prévention et à l'éducation sanitaire.

J'ajoute que le franchissement d'un certain seuil de prix encourage le trafic et la contrebande. Moi qui habite dans un département frontalier, je vois des personnes se promener dans la montagne avec des sacs à dos remplis de cigarettes... Je crains donc qu'une nouvelle taxe amène les jeunes à se servir de leur intelligence pour se procurer du tabac autrement.

Mais c'est surtout le fait que les sommes énormes prélevées sur le tabac servent à tout autre chose qu'à la lutte contre le tabagisme qui me scandalise. J'ai le sentiment que l'Etat ne veut surtout pas tarir cette source importante de revenus qu'est pour lui le tabagisme. Trêve d'hypocrisie, donc ! Il est grand temps de changer radicalement d'approche et d'affecter enfin les recettes induites par le tabac à la prévention et à l'éducation sanitaire, dont le budget reste pour le moment insignifiant. Si vous prenez un tel engagement, nous pouvons avancer ensemble.

M. Germain Gengenwin - Je fais tout de même observer que le marché global du tabac a diminué de 15 % depuis 1991, que les planteurs ont fait de gros efforts sur la qualité et que les fabricants veillent à ce que les taux de nicotine baissent régulièrement.

De plus, la loi de finances pour 1999 prévoit déjà 1 milliard de prélèvement sur le tabac et l'ensemble des taxes pesant sur lui représente quelque 70 milliards. N'en rajoutons pas !

L'amendement 404, mis aux voix, est adopté.

M. le Secrétaire d'Etat - Je voudrais répondre aux questions qui m'ont été posées, tout en souhaitant que sur une question aussi décisive pour la jeunesse ne se perpétuent pas les vieux clivages.

L'année dernière nous avions fait voter un texte visant à exprimer les prix par 1 000 cigarettes pour éviter les grands conditionnements, et augmenter le minimum de droits perçus de 380 à 500 F pour les cigarettes et de 150 à 230 F pour le tabac à rouler, enfin à affecter une part croissante de ces taxes à l'assurance maladie -1,3 milliard.

Nous avons visé particulièrement le tabac à rouler car il était très consommé par la jeunesse : la hausse des prix a été très efficace : la consommation a immédiatement régressé.

Monsieur Accoyer, vous reprenez les mêmes arguments que l'an dernier. Mais la contrebande de cigarettes dans notre pays est infime et, curieusement, c'est dans les pays méditerranéens où les prix sont les plus bas, qu'elle est la plus forte.

Bien entendu, il faut développer la prévention. Mais c'est bien l'objet de cette loi, notamment de l'article 15 qui, pour la première fois, permet la prise en charge d'actes non prescriptibles, en particulier dans le domaine du tabac. Les tests de dépistage du cancer seront remboursés à 100 %.

La prévention doit se faire partout, à l'école, au travail, en famille. Nous sommes le seul pays où les interdictions de fumer ne sont pas strictement appliquées : dans les aéroports, sous les panneaux d'interdiction, les gens qui fument sont tous français ! Et tant qu'il y aura 34 % de médecins fumeurs, ils ne seront pas très crédibles pour demander aux autres d'arrêter de fumer ! Nous allons mener des campagnes dans leur direction.

Soyez rassurés : le produit de la taxe ira là où vous le souhaitez -soins palliatifs, médicalisation de la dépendance, prévention.

Mme la Ministre - Notre amendement 408 tend à clarifier la situation des collaborateurs occasionnels des services publics au regard de la Sécurité sociale. Actuellement les situations sont très diverses et parfois incohérentes : par exemple, un médecin d'un établissement scolaire a été considéré comme un salarié par la CPAM du Calvados, tandis qu'un médecin intervenant dans un institut médico-éducatif a été considéré comme un non-salarié par l'URSSAF de Seine-et-Marne !

L'amendement pose la règle que les intéressés sont affiliés au régime général quelles que soient leurs conditions d'exercice. Les modalités d'application, en particulier les catégories concernées et les modes de rémunération, seront précisées par un décret.

M. Alfred Recours, rapporteur - De fait, des problèmes d'affiliation et de cotisation se posent pour les collaborateurs occasionnels des services publics. Mme Yvette Benayoun-Nakache avait d'ailleurs déposé un amendement concernant les experts psychiatres auprès des tribunaux mais il a été déclaré irrecevable sur la base de l'article 40. Ce texte lui donnera satisfaction.

La commission a approuvé l'amendement. Toutefois des corrections rédactionnelles s'imposent. Le décret prévu ferait une liste des activités concernées. Ce n'est pas possible...

M. Bernard Accoyer - C'est n'importe quoi !

M. Alfred Recours, rapporteur - ...et notre sous-amendement 420 tend donc à supprimer ce membre de phrase. En revanche, le décret devrait préciser les types de rémunération et la nature de l'activité -frais de transport, participation à un jury, expertise, etc- d'où notre sous-amendement 432.

Mme la Ministre - Monsieur Accoyer, le texte ne dit pas n'importe quoi ! Le rapporteur propose simplement de couper la phrase et d'ajouter "un décret précise les types d'activité". C'est très voisin mais plus précis et je suis d'accord avec ces amendements.

M. François Goulard - Mme la ministre a tort de réagir aux mots de notre collègue Accoyer, qui aime bien provoquer ! (Interruptions sur les bancs du groupe du RPR)

On pourrait, bien sûr, ironiser sur le fait que la Sécurité sociale ne peut pas laisser hors de son champ la moindre rémunération, fût-elle très modeste.

Mais le non-assujettissement des rémunérations d'auxiliaires de services publics est un problème qui dure depuis des dizaines d'années. Le traiter par un amendement gouvernemental déposé au dernier moment et que le rapporteur est obligé de sous-amender, est-ce vraiment de bonne méthode ? Cela ne pourrait-il pas attendre une autre loi ?

M. Bernard Accoyer - Madame la ministre, si je vous ai froissée par un écart de langage, je vous prie de m'en excuser !

Néanmoins, au fil des articles, je suis frappé par une certaine précipitation. Il ne faudrait pas que la loi de financement de la Sécurité sociale s'attache avant tout à corriger la loi précédente !

Hier, nous avons déjà adopté un amendement du Gouvernement sur les aides à domicile qui ne pose pas de problème sur le fond, mais dont la forme risque de créer des contentieux.

Aujourd'hui, vous voulez régler la situation des collaborateurs occasionnels d'un service public. Mais avec ce système, vous allez faire cotiser deux fois certaines professions libérales, qui sont déjà couvertes par un régime d'assurance sociale.

Je profite de l'occasion pour soulever le problème des médecins vacataires dans les hôpitaux publics. Le niveau de ces vacations est dérisoire et c'est une des causes des problèmes de l'hôpital public. Une revalorisation consistante serait un moyen de renouer le lien indispensable entre l'hôpital et la médecine de ville et de faciliter la constitution des réseaux de soins.

J'aimerais avoir votre sentiment sur cette importante question.

Mme la Ministre - Cessez de nous envoyer des piques ! Ai-je insisté sur le fait que, dans bien des domaines, nous avons dû récrire l'ordonnance de 1996 ? Ce qui importe, c'est que la loi puisse être appliquée. Ne faites donc pas un drame pour un point ou une virgule, arrêtez de nous faire perdre notre temps !

M. Bernard Accoyer - Peut-être préféreriez-vous que je m'en aille ?

Mme la Ministre - Pas du tout ! Vous avoir parmi nous est un bonheur de tous les instants (Sourires).

Pour répondre à votre question, lorsque des membres de professions libérales ont une activité principale libérale, ils ne font qu'ajouter leur rémunération occasionnelle à la principale et demeurent sous le régime libéral. Ce ne sont pas eux qui sont visés ici mais ceux qui n'ont pas d'autre régime à titre principal, donc pas de couverture.

Les sous-amendements 420 et 432, successivement mis aux voix, sont adoptés.

L'amendement 408, ainsi sous-amendé, mis aux voix, est adopté.

M. Bernard Accoyer - Déposé par M. Guibal, qui connaît fort bien la question, l'amendement 141 vise à exonérer de CSG et de CRDS les travailleurs frontaliers qui, affiliés au régime de protection sociale du pays où ils exercent leur activité, ne bénéficient pas des droits ouverts par la Sécurité sociale.

M. Alfred Recours, rapporteur - Sans doute M. Guibal connaît-il mieux la question de la Principauté de Monaco que les Ardennes ou le Nord. Pour sa part, la commission a estimé qu'elle ne disposait pas d'éléments suffisants pour savoir s'il s'agissait réellement d'une frontière et elle a donc repoussé l'amendement.

M. le Secrétaire d'Etat - Rejet.

L'amendement 141, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Emile Zuccarelli, ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de la décentralisation - Le congé de fin d'activité a connu un tel succès dans les trois fonctions publiques qu'à l'occasion de l'accord salarial du 10 février 1998, il a été unanimement souhaité qu'il soit prorogé et ouvert aux agents d'au moins 56 ans ayant cotisé 40 ans et accompli 15 ans de service public.

Ce congé était jusqu'à présent financé pour la fonction publique d'Etat sur crédits budgétaires, et pour les fonctions publiques territoriale et hospitalière par un fonds de compensation créé par l'article 45 de la loi du 16 décembre 1996 et alimenté à partir des réserves de l'allocation temporaire d'invalidité.

Or ces réserves risquent de ne pas être suffisantes en 1999 et le Gouvernement n'entend pas faire supporter la charge supplémentaire de 300 millions aux collectivités. Il nous propose donc, par l'amendement 417, d'instituer un double prélèvement, l'un sur le fonds de compensation de la cessation progressive d'activité, pour les agents territoriaux, l'autre sur le fonds pour l'emploi hospitalier, pour les agents hospitaliers. Il s'agit en fait de permettre le basculement des excédents entre trois fonds tous gérés par la Caisse des dépôts.

L'amendement tire aussi la conséquence de la prorogation du dispositif, en renonçant à la suppression du fonds de compensation prévue au 31 décembre 2000.

M. Alfred Recours, rapporteur - La plupart d'entre nous sont favorables au dispositif du congé de fin d'activité, qui permet de libérer des emplois au profit des jeunes. La commission se réjouit que la recette nécessaire soit désormais plus structurelle.

M. Germain Gengenwin - Vous aviez ponctionné l'an dernier 4,5 milliards de réserves du fonds de l'allocation temporaire d'invalidité des agents des collectivités locales, et voilà que vous devez le renflouer en prélevant sur deux autres fonds... En fait, vous creusez deux nouveaux trous pour en combler un autre. Nous ne sommes pas d'accord !

Une fois de plus, le Gouvernement reporte le règlement du problème des régimes spéciaux de retraites. Nous refusons de cautionner cette attitude.

M. Bernard Accoyer - Nous ne pouvons accepter cet amendement inique à l'égard des Français qui n'appartiennent pas à la fonction publique.

La majorité actuelle avait refusé, en 1995, que l'on fasse simplement le bilan des régimes spéciaux. Elle s'est opposée à la création d'un organisme destiné à évaluer le coût pour les contribuables du régime de retraite des agents des collectivités publiques. Aujourd'hui, voilà qu'elle veut faire financer par ces mêmes contribuables des dispositions bien plus favorables que celles qui s'appliquent au secteur privé, à la suite de la réforme courageusement conduite en 1994 par Edouard Balladur.

M. Jean Bardet - Et par Simone Veil.

M. Bernard Accoyer - Comme le souligne Liaisons sociales dans son dernier numéro : "Plusieurs régimes ne subsistent déjà qu'avec ces béquilles que sont les contributions des caisses. Déjà, les régimes spéciaux coûtent 150 milliards chaque année au budget national. Or ce coût devrait s'aggraver. La Poste verse plus de 11 milliards par an au titre de la retraite de ses agents mais elle ne fait pas de réserves pour le futur, alors que ses engagements sont évalués à plus de 300 milliards pour ces prochaines années. Comment payer ? Augmenter le prix du timbre sera insuffisant..."

D'où cet avertissement de Francis Bazile, président de l'Observatoire des retraites, dans Le Monde : "Il va de soi que les réformes devront concerner aussi les régimes spéciaux qui gèrent sans transparence la retraite des agents de l'Etat ou des collectivités locales et les salariés des services et des entreprises publiques.

Ces cinq millions de personnes cotisent pour 7,85 % de leur salaire contre 10,35 % pour les quatorze millions de salariés du secteur privé. Leur retraite est calculée sur le dernier salaire et non sur les vingt-cinq dernières années comme dans le secteur privé. Ils continuent à cesser leur activité au bout de trente-sept ans et demi de cotisation, alors que le privé voit allonger cette durée à quarante ans. Leurs pensions sont indexées sur les salaires alors que celles du privé varient avec les prix, ce qui est moins avantageux.

"Tous ces avantages entraînent des déficits intégralement gommés par des subventions payées par les contribuables et les usagers... Rappelons qu'il est prévu 194,6 milliards de cotisations fictives dans la loi de finances de 1999 pour équilibrer le seul budget de ces retraites, noyé dans celui de l'Etat".

Jugez-vous décent de solliciter les contribuables par le biais d'un mécanisme du reste totalement opaque, pour combler le déficit d'un régime de retraite qui manque de transparence et d'équité ? Nous voterons bien sûr contre cet amendement scandaleux.

M. le Ministre - Quelle véhémence  et quel amalgame ! Vous dénoncez je ne sais quelle manoeuvre qui serait destinée à faire supporter aux contribuables une faveur consentie aux fonctionnaires. Il n'en est rien. Il s'agit simplement d'utiliser l'excédent éventuel de l'un des fonds en question, alimentés par des prélèvements sur les salaires des agents de la fonction publique territoriale et hospitalière, pour combler le déficit d'un autre, en l'espèce, à hauteur de 300 millions.

Vous allez voter contre un amendement destiné à financer le CFA. L'opinion jugera. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste)

L'amendement 417 mis aux voix, est adopté.

ART. 12

M. le Président - A la demande du Gouvernement, l'article 12 est réservé jusqu'après l'article 36.

Mme la Ministre - Nous préférons reporter cet article à la fin du débat afin de pouvoir récapituler toutes les modifications intervenues dans les recettes.

M. François Goulard - Ces modifications étant habituelles, ces articles ne devraient-ils, pas, d'emblée, être placés à la fin du projet ?

Mme la Ministre - C'est une bonne idée.

APRÈS L'ART. 12

M. Bernard Accoyer - La plus haute juridiction financière de notre pays, la Cour des comptes, ne peut pas certifier la conformité des comptes approuvés par la Commission des comptes de la Sécurité sociale non plus que ceux approuvés par les conseils d'administration des caisses. Or, il s'agit de quelque 1 800 milliards ! Nous espérons à l'avenir plus de transparence sur ces agrégats monétaires considérables dont d'ailleurs, avant les ordonnances de 1996, le Parlement ne pouvait même pas débattre.

M. Alfred Recours, rapporteur - La philosophie qui inspire cet amendement est intéressante. La commission n'a néanmoins pu le retenir. En effet, la Cour des comptes ne peut, sauf à changer de statut, apprécier les comptes d'une instance administrative.

Mme la Ministre - Je rassure M. Accoyer : la Cour des comptes contrôle bien ces comptes. Simplement, on ne peut pas aujourd'hui comparer les comptes établis par la Commission des comptes de la Sécurité sociale à ceux des caisses car, ils ne sont pas élaborés selon les mêmes méthodes. A l'avenir, tous seront établis en droits constatés. Une mission a été confiée à un conseiller de la Cour des comptes en vue d'améliorer l'harmonisation des plans comptables des caisses, préalable à la mise en conformité qui s'impose. En un mot, Monsieur Accoyer, vous êtes en avance, une fois de plus, mais nous avancerons pour vous rattraper ! Contre l'amendement.

M. François Goulard - Je note des divergences d'appréciation entre le rapporteur et Mme la ministre.

Aucune instance n'est en mesure aujourd'hui de certifier les comptes de la Sécurité sociale. Le rapporteur invoque la loi qui a fixé les missions de la Cour des comptes. Certes, mais ce que la loi a fait, elle peut le défaire ! Cet obstacle ne me paraît donc pas dirimant. Quant à Mme la ministre, elle reconnaît que la clarté n'existe pas aujourd'hui dans les comptes de la Sécurité sociale.

Mme la Ministre - Tout comme hier !

M. François Goulard - Je ne critique pas le Gouvernement mais chacun s'accordera sur le fait que notre administration pèche. Oui, l'amendement de M. Accoyer est prémonitoire : les comptes de la Sécurité sociale doivent être certifiés, au sens propre du terme, que ce soit par la Cour des comptes ou par des commissaires aux comptes. Il y va de leur crédibilité.

Mme la Ministre - Les comptes de la Sécurité sociale sont transparents et clairs et font l'objet d'un contrôle par caisse. Ne laissons pas croire qu'ils pourraient être faux ou trafiqués ! Le seul problème est que l'on ne peut pas, pour l'instant, établir de comptes consolidés. Pour y parvenir, nous ferons en sorte d'harmoniser les méthodes d'élaboration.

M. François Goulard - Je ne partage pas cet avis. Ce n'est pas la seule difficulté. Une comptabilité de caisse, n'est qu'une comptabilité de ménagère. Elle ne peut pas être exacte comme une comptabilité en droits constatés. J'en conclus donc qu'elle est fausse.

L'amendement 161, mis aux voix, n'est pas adopté.

ART. 13

M. Jacques Barrot - Nous nous félicitons bien sûr du rétablissement des allocations familiales pour tous. Mais pour compenser l'augmentation des dépenses qui en découlera pour la branche famille, le Gouvernement a décidé de financer l'allocation parent isolé sur le budget de l'Etat. Le coût de l'API, soit 4,2 milliards, serait, en effet, sensiblement équivalent cette année au surcoût induit par le retour à l'universalité des allocations familiales. Mais qu'en sera-t-il les années suivantes ? Et si l'API devait être fusionnée avec le RMI, qu'adviendrait-il de la compensation prévue ? J'aurais préféré que l'Etat verse chaque année une subvention, revalorisée en fonction de l'inflation. Le dispositif prévu manque de transparence et ne garantit pas les ressources futures de la branche famille.

M. Jean-Luc Préel - Ne disposant que de cinq minutes, je vais devoir, hélas, simplifier mon propos sur un article essentiel. Nous nous félicitons du rétablissement de l'universalité des allocations particulières, qui illustre, du reste, l'incohérence du Gouvernement, puisque, l'an dernier, il avait fait de leur mise sous condition de ressources la mesure-phare de son projet de loi.

Cela étant, nous voyons bien que la famille n'est pas une priorité pour vous.

Vous plafonnez le quotient familial ce qui pénalise 500 000 familles pour un montant de quatre milliards. Telle est la réalité.

Parallèlement, votre projet de PACS remet en cause la famille. En outre, vous n'avez pas entrepris de simplifier les vingt trois ou vingt quatre prestations ou allocations existantes en faveur de la famille.

M. Jean-Marie Le Guen - Et vous, qu'aviez-vous fait ?

M. Jean-Luc Préel - Vous ne revenez pas non plus sur les mesures relatives à l'AGED et aux emplois familiaux.

En outre, vous ne revalorisez les prestations familiales que de 0,7 %, soit 0,5 point de moins que les retraites. Cela en dit long sur la priorité que vous accordez à la politique familiale !

Vous imposez, de plus, des charges très lourdes à la branche famille en payant avec retard vos dettes en matière de RMI et d'ARS.

Vous n'accordez pas de réelle autonomie de gestion à la branche. Ainsi, une caisse locale que je connais bien ne peut embaucher le personnel qui lui serait indispensable pour accueillir le public. Les files d'attente s'allongent jusque dans la rue et il n'est répondu qu'à 1 500 des 40 000 appels quotidiens.

D'autre part, vous ne cessez de modifier la réglementation en cours d'année, ce qui crée de nombreuses difficultés. Enfin, la convention prévoyait le prolongement du versement des allocations familiales jusqu'à vingt deux ans. Nous sommes à nouveau en retard, et je le regrette vivement.

Mme Dominique Gillot, rapporteur - C'est la meilleure !

M. Bernard Accoyer - Cet article manifeste à nouveau la volonté du Gouvernement de régler ses comptes avec les familles (Protestations sur les bancs du groupe socialiste).

En 1998, il avait décidé, au détriment des familles avec enfants, la mise sous condition de ressources des allocations familiales. Vous n'aviez alors, Madame la ministre, pas de mots assez durs pour qualifier notre opposition déterminée à cette mesure inique. Heureusement, un an après, vous avez été contraints de céder sous la pression mais les familles ont néanmoins été lésées en 1998 de plus de 4 milliards, sans parler de la réduction de moitié de l'AGED et de l'exonération d'impôt pour garde d'enfants.

Cette année, vous récidivez : sous le couvert d'un retour à l'universalité des allocations, votre loi de finances abaisse d'un tiers le niveau du quotient familial !

Pour la deuxième année consécutive, votre Gouvernement n'augmente donc les impôts que d'une catégorie de Français : ceux qui ont décidé de fonder une famille et qui ont eu la chance, du point de vue de la nation, d'avoir des enfants. Non seulement le transfert de la charge de l'API sur le budget de l'Etat ne suffira pas pour financer le retour à l'universalité des allocations familiales mais, en outre, cette ressource nous paraît "quasi-fictive" car un gouvernement ou l'autre reviendra immanquablement sur ce qu'il faut bien appeler une compensation. Du reste, les 17 milliards d'exonérations de charges sociales ne seront pas augmentés en 1999.

En ce qui concerne les prestations, de nombreuses dispositions de votre projet réduisent les avantages dont les familles bénéficiaient à juste titre. Je ne citerai que le report de 10 à 11 ans et de 15 à 16 ans des majorations d'allocations familiales qui représentent un milliard supplémentaire pris aux familles.

Malgré le sourire charmant de notre rapporteur spécialisé sur les questions familiales, Mme Gillot, je constate qu'au total les familles perdent près de 15 milliards. L'utilisation de plus de 60 milliards d'excédents dégagés par la CNAF jusqu'en 1994 pour financer les déficits de la CNAV illustre la continuité de votre acharnement contre les familles avec enfants.

M. Yves Bur - Les Français attendent une véritable politique familiale rénovée. L'année dernière, vous aviez fustigé notre opposition à la mise sous condition de ressources des allocations. Cette année, vous opérez une retraite en rase campagne.

Cette décision, qui pénalisait plus de 8 % des familles, dérogeait au principe fondateur de notre politique familiale selon lequel l'enfant est le fait générateur de l'aide et en aucune façon le revenu des parents. Quant à la réforme du quotient familial que vous nous proposez aujourd'hui, elle pénalisera plus de 500 000 familles. Les Français apprécieront votre absence de stratégie.

La CNAF sera bénéficiaire l'année prochaine mais l'Etat devra prendre en charge plus de 8 milliards de dépenses supplémentaires ou de recettes perdues du fait du PACS.

Vous ne proposez, en outre, aucune avancée significative sur le problème de la garde des enfants qui préoccupe particulièrement les familles.

Enfin, en ce qui concerne l'API, est-il souhaitable de ne demander aucun effort d'insertion aux femmes qui en bénéficient ? Est-il judicieux d'attendre le dernier mois d'allocation pour se soucier de leur avenir ? Il faut au contraire mettre l'accent sur l'insertion, afin qu'elles n'aient plus le choix, au terme de l'aide, qu'entre recourir de nouveau à l'API ou demander le RMI. Nous souhaitons donc qu'une obligation d'insertion soit prévue, au moins pour la dernière année d'allocation.

Mme Muguette Jacquaint - L'article 13 qui rétablit l'universalité des allocations familiales à partir du deuxième enfant à charge est une des dispositions positives de ce projet. Il revient sur les mesures contre lesquelles nous avions longuement bataillé l'année dernière et contre lesquelles s'étaient mobilisées les organisations syndicales et familiales.

Vous aviez alors justifié cette décision par la nécessité d'une politique de redistribution. Convaincus de cette nécessité, nous avions proposé, dès l'année dernière, la baisse du quotient familial.

Cette décision ne rencontre pas l'approbation de tous et je ne m'en étonne pas. En effet, si nous souhaitons que des moyens soient donnés à toutes les familles, je n'ai pas l'impression que ce soit le cas de M. Accoyer par exemple. Ainsi comment peut-on parler des droits de l'enfant et de la famille après avoir déposé un amendement qui interdit le versement des allocations aux familles en difficultés ?

Mme Martine David - Nous ne défendons pas les mêmes familles !

Mme Muguette Jacquaint - Le groupe communiste, mais aussi de nombreuses associations familiales, souhaitent aller plus loin dans l'application du principe d'universalité en versant les allocations familiales dès le premier enfant. Une telle mesure coûterait 15 milliards, c'est pourquoi notre amendement en ce sens a subi le sort que vous imaginez.

M. Bernard Accoyer - Ce n'est pourtant que deux fois le coût du PACS.

Mme Muguette Jacquaint - Nous allons voir si, de l'autre côté de l'hémicycle, on soutient cette proposition. Elle ne coûterait pas plus cher que les exonérations de cotisation consenties au détriment de la branche famille.

Nous voterons l'article 13.

Mme Hélène Mignon - La branche famille représente un cinquième des dépenses et des recettes du régime général. Comme pour les autres branches, nous devons garantir son équilibre et veiller à conjuguer justice sociale et solidarité dans l'intérêt des enfants.

Les associations familiales ont montré leur attachement à l'universalité des allocations. Conformément à votre engagement, Madame la ministre, vous l'avez rétablie. Cette décision va de pair avec l'abaissement du plafond du quotient familial. Certains diront que les ménages sans enfant paient pour les enfants des autres, mais l'impôt sur le revenu n'a-t-il pas, précisément, un rôle de redistribution ?

Il faut considérer la politique familiale dans son ensemble. L'allocation de rentrée scolaire va être versée dès le premier enfant, ce qui est un premier pas vers la généralisation de certaines prestations. S'agissant des allocations familiales, l'âge limite sera porté de 19 à 20 ans pour les jeunes inactifs. Je ne tiens pas non plus pour négligeable la majoration pour âge des allocations familiales versées aux bénéficiaires du RMI, non plus que toutes les mesures qui serviront à abonder, à hauteur d'un milliard, le fonds national de l'action sociale.

Je me réjouis que des familles bénéficient de l'AGED, mais il faut aussi se préoccuper de toutes celles qui ont besoin de structures d'accueil collectives. Il importe d'augmenter l'offre de crèches et de développer les réseaux d'appui aux parents, dans le cadre de la politique de la ville.

Même si certains le nient, la famille est bien au coeur de ce projet.

Nous n'avons pas le regard constamment fixé dans le rétroviseur, mais les familles ne sont pas amnésiques (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe RCV).

M. Denis Jacquat, rapporteur - Pendant des années, la politique familiale a privilégié la petite enfance. Puis on s'est aperçu qu'un adolescent coûtait au moins aussi cher qu'un jeune enfant. C'est pourquoi, du temps de Mme Veil nous avons demandé que les allocations familiales soient versées le plus longtemps possible. Il faut poursuivre l'effort maintenant que les enfants restent très longtemps au domicile de leurs parents.

S'agissant de l'API, de nombreuses mères viennent nous voir au moment où elles cessent de percevoir cette aide, car elles n'ont aucune perspective d'avenir. Il faut donc les encourager à préparer leur insertion pendant la période où elles perçoivent l'allocation.

Par ailleurs, de nombreux maires ruraux aimeraient créer des haltes-garderies, mais ne peuvent prendre en charge les investissements nécessaires. Il faut développer les opérations intercommunales pour surmonter cet obstacle.

Enfin, il y a aujourd'hui en France de nombreuses familles monoparentales qui, vivant en HLM dans des quartiers sensibles, se plaignent des incivilités dont elles sont victimes. Il faut rapprocher l'offre de la demande pour leur permettre de vivre dans des quartiers plus agréables.

Mme Dominique Gillot, rapporteur - Le ton de ce débat a changé depuis l'année dernière. Je comprends que certains souhaitent raviver de mauvais souvenirs pour stigmatiser le Gouvernement ; mais il faut avoir l'honnêteté de reconnaître que les mesures prises l'année dernière, en vue de rééquilibrer les comptes de la branche famille n'étaient que temporaires. Il fallait se donner le temps de réexaminer la politique familiale dans son ensemble. En effet, on ne peut considérer aujourd'hui la famille selon les mêmes critères qu'il y a dix ans, les parents rencontrant davantage de difficultés et les mères étant de plus en plus nombreuses à travailler.

Conformément à l'engagement de Mme Aubry, ce projet constitue la première étape du renouvellement de notre politique familiale.

J'ai eu l'honneur de mener la concertation avec les associations familiales. Ce n'est pas sous leur pression que nous sommes parvenus à un accord, contrairement à ce que certains prétendent. Nous avons négocié dans le dialogue, ce qui a autorisé la tenue de cette conférence de la famille, qui a eu un écho favorable dans la société. Je comprends que cela vous gêne.

M. Jacques Barrot - Changez de disque, Madame !

Mme Dominique Gillot, rapporteur - J'admets que la mise sous condition de ressources des allocations familiales avait été décidée sans l'accord des associations.

M. Jacques Barrot - Et sans concertation !

Mme Dominique Gillot, rapporteur - J'ai là une déclaration de M. Barrot, pour qui "la révision du quotient familial apparaît comme la moins mauvaise formule, car même les familles d'un seul enfant apporteraient leur contribution. Ce serait une façon de ne pas alourdir les charges des familles nombreuses".

Nous avons satisfait la presque totalité de nos partenaires.

Des critiques, enfin, ont été formulées contre la mesure tendant à garantir à la branche famille l'affectation de l'excédent d'impôt tiré de l'abaissement du plafond du quotient familial.

Afin d'éviter qu'il y ait chaque année une négociation difficile, un accord a été passé avec les associations familiales et l'on n'y reviendra pas. Chaque année, l'Etat prendra donc à sa charge l'allocation de parent isolé.

Au moment de la création du RMI, il avait été question d'un rapprochement entre ces deux revenus de substitution, mais force est de constater que les bénéficiaires de l'API perçoivent celle-ci comme la reconnaissance d'un statut familial. Il ne serait donc pas judicieux de faire absorber l'une par l'autre. En revanche, nous avons prévu les mêmes encouragements à la reprise d'activité.

Simplifier les prestations ? Nous travaillons à une simplification administrative mais il faut bien voir que la multiplicité des prestations répond à la diversité des situations.

M. Préel s'est inquiété du manque d'autonomie des caisses et de leurs difficultés, faute de personnel, à satisfaire les attentes des usagers. En réalité, elles ont une autonomie de gestion mais doivent rentrer dans les objectifs fixés au niveau national et appliquer les nouvelles orientations de la politique familiale, lesquelles visent toutes à améliorer le quotidien des familles et à rendre le système plus juste.

L'opposition nous reproche de ne pas aller assez loin dans l'application de la loi famille de 1994. Mais qui d'autre que nous a prolongé jusqu'à 19 puis 20 ans le versement des allocations familiales ?

M. Accoyer ne cesse de répéter que nous réglons des comptes avec les familles. Mais celles-ci voient bien qui sert leurs intérêts et qui les pénalise ! Le quotient familial en vigueur est antiredistributif. L'abaissement de son plafond est conforme à l'exigence de solidarité.

S'agissant des modes de garde, vous mettez toujours en avant la baisse de l'AGED. C'est oublier que l'AGED ne bénéficie qu'à 70 000 familles, tandis que les autres aides à la garde d'enfant bénéficient à 4 millions de familles. Par ailleurs, votre façon de faire les comptes m'étonne. La mise sous condition de ressources des allocations familiales n'a rapporté en 1998 que 3,8 milliards et la modulation de l'AGED moins d'un milliard.

L'adaptation des différents modes de garde sera l'un des points forts de la discussion avec les caisses et les associations familiales, étant entendu que nous voulons conforter les parents dans leur capacité éducative.

M. Jérôme Cahuzac, rapporteur pour avis de la commission des finances - La mise sous condition de ressources décidée l'an dernier obéissait surtout à un souci d'économie.

Il faut dire que vous nous aviez laissé un déficit de 14 milliards sur la branche famille et qu'il était urgent de trouver un financement. Nous reconnaissons notre erreur, reconnaissez donc la paternité du déficit, chers collègues de l'opposition.

En outre, pendant les quatre ans qui ont précédé 1997, vous n'avez pas procédé à la moindre revalorisation des bases mensuelles des allocations familiales, alors qu'elles constituent la référence pour le calcul de la quasi-totalité des prestations. Nous nous apprêtons, pour notre part, à voter 1,5 milliard de prestations nouvelles.

Les faits plaident en notre faveur. Un mot maintenant sur l'exigence de cohérence. Vous déclarez vouloir une politique en faveur des familles et des enfants mais voterez-vous, oui ou non, pour l'extension des allocations familiales aux étudiants de 20 ans ? Pour l'allocation de rentrée scolaire versée dès le premier enfant ? Pour la dotation de 650 millions du Fonds d'action sociale de la CNAF ? Il faudra vous prononcer clairement.

Pour votre part, qu'avez-vous fait ? L'AGED était une bonne mesure, mais son extension sans doute pas. Quant au quadruplement de la réduction d'impôt accordée pour les emplois à domicile, il ne profitait certes pas aux familles les plus modestes ! Où était donc la cohérence de votre action ? Et où est-elle quand vous déclarez, Monsieur Accoyer, en criant à la fonctionnarisation, que les emplois-jeunes sont des emplois publics dès lors qu'ils sont subventionnés à 80 %, mais que par ailleurs vous vous accommodez d'une prise en charge par l'Etat de 70 % du coût d'un emploi à domicile ?

Nos choix sont clairs et cohérents. Il serait bon qu'il en soit de même des vôtres.

M. Bernard Accoyer - Il y a un an, vous nous expliquiez combien il était logique et cohérent de mettre les allocations familiales sous condition de ressources, avant de capituler en rase campagne, sous la pression communiste, et d'inscrire dans la loi le caractère temporaire de cette disposition.

Et puisque l'on m'accuse de me tromper dans mes comptes, permettez-moi de les détailler. L'abandon de la réforme de l'impôt sur le revenu a coûté 11 milliards aux familles (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste)...

Mme la Ministre - Et vos augmentations de TVA 40 milliards !

M. Bernard Accoyer - En face, l'extension aux jeunes de 20 ans des allocations familiales n'a coûté à l'Etat que 1,1 milliard. L'abaissement du plafond du quotient familial représente une perte de 4 milliards pour les familles, à comparer au coût pour l'Etat -400 millions- de l'extension de l'allocation de rentrée scolaire. Reconduction de la réduction de l'AGED : 900 millions perdus pour les familles. Crédits pour les crèches : 400 millions. Reconduction de la diminution de la réduction fiscale pour l'emploi à domicile : 700 millions perdus pour les familles. Extension aux Rmistes des majorations pour âge : 300 millions. Report des majorations pour âge : 1 milliard perdu pour les familles. Unification progressive des barèmes des allocations logement : 400 millions. Dans la colonne "pertes pour les familles", je trouve donc 17,6 milliards, dans celle "coût pour l'Etat", seulement 2,7 milliards. Il y a donc bien une perte de 15 milliards pour les familles. Alors que vous trouvez 8 milliards pour financer le PACS...

Alors qu'il aurait été normal de revaloriser les prestations familiales autant que les retraites, vous leur avez appliqué une revalorisation moindre.

Contrairement à ce que vous avez dit, la politique de la majorité précédente était très lisible. La grande loi de 1994 sur la famille comportait des avancées considérables et unanimement reconnues.

M. Le Garrec, président de la commission des affaires sociales - Encore eût-il fallu l'honorer !

M. Bernard Accoyer - Cette loi quinquennale s'applique jusqu'en 1999 et là nous serons heureux de voir ce que le Gouvernement va faire pour les familles. Je rappelle que leur contribution fiscale, notamment au titre de la TVA, est très importante car elles consomment ! (Interruptions sur les bancs du groupe socialiste)

M. Pascal Terrasse - C'est vous qui avez augmenté la TVA !

M. Bernard Accoyer - J'espère que le Gouvernement en tiendra compte et c'est bien ce que le président de l'UNAF vous a demandé : trouver un second souffle après la grande loi de 1994 dont vous n'avez pas respecté les engagements.

Mme la Ministre - Si vous incluez dans les pertes des familles la non-réalisation d'une baisse d'impôt sur le revenu, annoncée mais non financée, je vous fais observer que le Gouvernement précédent a pris 120 milliards aux familles par le biais des hausses de la TVA, de la CSG, de la redevance, etc. A ce jeu-là, on arrive à 15 milliards contre 120...

Monsieur Barrot, nous sommes d'accord, la meilleure protection des familles, c'est l'équilibre de la branche famille. Or à notre arrivée elle accusait un déficit de 12 milliards ; l'an prochain elle aura un excédent de 3 milliards. Si nous avions dû appliquer intégralement cette fameuse loi Balladur -nous avons commencé à le faire, contrairement à vous, en versant les allocations familiales jusqu'à 19, puis 20 ans- il aurait fallu 10 milliards de plus ! Voter des lois sans les financer, ce n'est pas respecter les familles. Nous, nous efforçons de rendre le système plus équitable parce que nous voulons que les mesures projetées soient financées.

Monsieur Préel, ne dites pas que nous avons changé d'avis sous la pression de la rue. Dès le 27 octobre 1997, je déclarais que le Gouvernement était prêt à réexaminer la question des allocations familiales dans le cadre d'une réflexion d'ensemble sur la politique familiale et à substituer une réforme du quotient familial à la mise sous condition de ressources des allocations.

Nous avons donc gardé notre cohérence : nous voulons pour la famille une politique ambitieuse, mais plus équitable et plus solidaire. L'an dernier, d'autres avaient préconisé la même solution, dont M. Pinte. C'est aussi ce que souhaitaient le groupe communiste, les syndicats et les associations familiales. C'est après une concertation exemplaire menée par Mme Gillot que nous avons opéré cette avancée. Aujourd'hui, une famille de trois enfants qui a un revenu annuel de 100 000 F ne tire aucun bénéfice du quotient familial, alors qu'avec un revenu annuel de 700 000 F l'avantage fiscal est de 60 000 F. Nous avons modifié le système. Résultat, 130 000 familles récupéreront les allocations familiales sans payer plus d'impôt, soit un gain moyen de 950 F par mois et pour 100 000 familles le solde sera un gain moyen de 600 F ; enfin pour les 325 000 familles qui perdront au changement, la perte moyenne ne sera que de 300 F par mois pour un couple avec un enfant gagnant en moyenne 49 000 F par mois !

Nous avons voulu réintroduire de l'équité dans la politique familiale et l'ensemble des organisations syndicales et familiales ont approuvé nos propositions.

Je voudrais rappeler les mesures déjà prises pour les familles : l'allocation de rentrée scolaire majorée, 7 milliards en 1997, 7 milliards en 1988 ; la revalorisation de l'allocation-logement, 2,5 milliards en 1977, 1,6 milliard en 1998 ; l'allongement des allocations familiales jusqu'à 20 ans, 1,5 milliard ; la revalorisation des plafonds de l'allocation logement familiale, 1,3 milliard ; les majorations pour âge et l'APJE pour les allocataires du RMI, 500 millions ; le développement de l'action sociale de la CNAF, un milliard qui servira à développer les modes de garde dans les communes les plus défavorisées et à aider les parents qui n'arrivent pas à assumer leurs responsabilités familiales.

Monsieur Préel, vous dites que les caisses d'allocations familiales ne répondent pas au téléphone et en même temps vous critiquez les crédits de gestion.

Monsieur Barrot, fallait-il financer l'API par les économies réalisées grâce à la réforme du quotient familial ? Nous en avons discuté mais, outre que cette solution n'était pas équilibrée -cette année l'API va coûter 4,2 milliards alors que la réforme rapportera 3,2 milliards - les associations et syndicats ont jugé peu souhaitable d'avoir à rediscuter la question chaque année : elles ont souhaité que cette allocation soit financée sur le budget de l'Etat et même si cette solution est discutable sur le plan juridique, elle est celle qui offre le plus de sécurité pour l'avenir. Je vous confirme qu'il n'est pas question de rapprocher l'API du RMI.

Monsieur Bur, pour faciliter la sortie de l'API, nous avons décidé d'autoriser son cumul avec une rémunération pendant un certain temps.

J'indique à M. Jacquat que les familles monoparentales ne sont pas touchées par la réforme du quotient familial.

Nous allons maintenant poursuivre le travail avec les organisations familiales et syndicales dans plusieurs directions : simplification et harmonisation des prestations, allocation pour le premier enfant, situation des jeunes adultes restant au foyer, modes de garde -dans le prochain DMOS, nous rendrons obligatoires les schémas locaux de l'accueil de la petite enfance-, enfin conciliation de la vie familiale et professionnelle. Ce sont là les bases d'une politique ambitieuse, juste et solidaire (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance qui aura lieu cet après-midi, à 15 heures 15.

La séance est levée à 13 heures 15.

          Le Directeur du service
          des comptes rendus analytiques,

          Jacques BOUFFIER

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ERRATUM

au compte rendu analytique de la deuxième séance du mercredi 28 octobre 1998.

A la page 3, dans la question de M. Jean-Michel Ferrand lire "Sud-Est" au lieu de "Sud-Ouest".

D'autre part, il convient de rétablir la bonne ponctuation et de lire :

"La Caisse nationale d'assurance vieillesse conteste ces chiffres. Soutenu par son conseil d'administration et l'ensemble des syndicats, le président de la caisse régionale maintient ses dires et demande les moyens d'effectuer les contrôles nécessaires."


© Assemblée nationale


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