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Assemblée nationale

COMPTE RENDU

ANALYTIQUE OFFICIEL

Session ordinaire de 1998-1999 - 19ème jour de séance, 48ème séance

2ème SÉANCE DU JEUDI 29 OCTOBRE 1998

PRÉSIDENCE DE M. Yves COCHET

vice-président

          SOMMAIRE :

LOI DE FINANCEMENT DE LA SÉCURITÉ SOCIALE POUR 1999 (suite) 1

    ART. 13 (suite) 1

    ART. 14 2

    APRÈS L'ART. 14 4

    ART. 15 4

    APRÈS L'ART. 15 7

    ART. 16 9

    ART. 17 11

    ART. 18 14

    ART. 19 15

La séance est ouverte à quinze heures quinze.


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LOI DE FINANCEMENT DE LA SÉCURITÉ SOCIALE POUR 1999 (suite)

L'ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi de financement de la Sécurité sociale pour 1999.

M. le Président - J'invite les oratrices et les orateurs à se montrer concis. Il nous reste plus de 280 amendements à examiner et, à ce rythme, nous serons encore là dans la nuit de samedi à dimanche.

ART. 13 (suite)

M. Bernard Accoyer - L'amendement 162 suscitera un débat animé ; un tel débat a déjà lieu dans le pays et chez les responsables politiques. Il s'agit du problème de la délinquance des mineurs qui devient particulièrement inquiétant.

Nous cherchons tous des solutions. Au-delà du travail social et éducatif dans les quartiers, on constate une certaine déresponsabilisation des parents. J'atténue tout de suite le terme. Souvent, pour des raisons sociales, parfois familiales, quand ce n'est pas psychiatriques, l'autorité parentale ne peut s'exercer pleinement. Mais dans d'autres cas, il y a, au-delà d'un défaut de surveillance, quelquefois incitation à des dérapages et à des actes délictueux.

J'ai donc déposé cet amendement avec Gérard Hamel qui, en tant que maire de Dreux, est confronté à la délinquance des mineurs et à ses effets délétères sur l'équilibre social et la démocratie. Nous proposons que le versement de tout ou partie des allocations familiales puisse être suspendu sur décision de justice après une étude sociale et familiale approfondie.

J'entends l'argument qu'on nous opposera : il faut aider les familles en difficulté que sont souvent les familles des délinquants et la prévention est nécessaire. Mais qu'on ne dénature pas cet amendement. Il prévoit une décision de justice et le juge ne tranchera qu'après une étude approfondie.

Mme Dominique Gillot, rapporteur de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales, pour la famille - La commission a repoussé cet amendement. L'objectif de la politique familiale n'est pas de sanctionner les familles, qu'on jugerait "disqualifiées" ou "démissionnaires" avant même de vérifier qu'elles sont en état d'exercer la responsabilité parentale.

Une nouvelle politique familiale va être développée par des conventions avec les CAF en partenariat avec les collectivités territoriales et les associations pour créer des lieux d'écoute et d'accompagnement. Elle n'empêche pas de porter une attention précoce et d'intervenir à propos des jeunes sur la voie de la marginalité ou de la délinquance, surtout si les familles n'exercent pas leur responsabilité ou même les incitent à commettre des larcins et autres délits dont elles profitent.

Mme Guigou a engagé un travail de restructuration et de renforcement des services de la protection judiciaire de la jeunesse et des mesures d'accompagnement. Il est hors de question que la politique familiale soit coercitive.

Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité - Même avis pour les mêmes raisons.

M. Michel Meylan - Cela ne veut rien dire ! On voit que vous n'êtes pas maire d'une ville à problèmes !

M. Serge Janquin - Cet amendement montre que nous n'avons pas la même conception de la société. Parler de responsabiliser les parents -même en nuançant le terme- c'est dire qu'on les considère comme irresponsables (Protestations sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL). Nous savons bien que les actes d'incivilité et de délinquance chez les jeunes tiennent au chômage, au développement mal maîtrisé de nos cités. A partir de ce constat, que faire ? Votre solution, c'est de sanctionner les familles, et les enfants eux-mêmes qui sont les premières victimes.

Ce n'est pas celle que nous choisissons.

M. Bernard Accoyer - C'est encore l'irénisme.

M. Serge Janquin - S'il est des moments où les sanctions sont nécessaires, il y a tellement de choses à faire avant d'en arriver là. Nous avons foi en la jeunesse et les familles, souvent démunies dans leur détresse, il ne faut pas les "responsabiliser" mais les aider. Ce qui nous sépare de vous, c'est que nous avons, désespérément, confiance en l'homme. Sisyphe parviendra à rouler son rocher jusqu'en haut de la montagne.

Mme Muguette Jacquaint - Nous sommes contre cet amendement car il faut tout faire pour aider les personnes en grande difficulté à sortir la tête de l'eau ; si l'on supprime des allocations, ce sont les enfants qui en feront les frais. D'ailleurs, lorsque nous avons débattu de l'exclusion, les associations et le président de la CAF nous ont demandé que les différentes prestations soient insaisissables.

M. François Goulard - Vous mélangez tout.

M. Bernard Accoyer - Je voudrais répondre.

M. Michel Meylan - Il en a le droit, Monsieur le Président !

M. le Président - La présidence peut accepter de lui donner la parole ; mais la règle est celle-ci : il est de droit qu'un orateur parle contre l'amendement ; quand on en a le temps, le Président peut laisser parler un orateur pour répondre au Gouvernement et un autre pour répondre à la commission.

M. Bernard Accoyer - Je vous remercie de bien vouloir laisser l'opposition s'exprimer. Si vous ne le faisiez pas, nous serions contraints de quitter l'hémicycle... Qu'on ne vienne pas nous opposer l'ordre du jour surchargé, quand on vient le surcharger d'une seconde lecture d'un texte qui a été déclaré irrecevable !

Madame Jacquaint, les jeunes mûrissent plus vite qu'autrefois ; ils sont pubères plus tôt, prennent des responsabilités plus tôt, commettent des délits plus tôt. Il faut donc s'adapter à cette évolution. Il ne s'agit pas ici de rationner les allocations familiales, mais de considérer que l'octroi de celles-ci a pour contrepartie le respect par les parents de leurs devoirs.

M. Serge Janquin - Les allocations familiales ne sont pas une faveur !

L'amendement 162, mis aux voix, n'est pas adopté.

L'article 13, mis aux voix, est adopté.

ART. 14

M. Jacques Barrot - Sans entrer dans la polémique de ce matin, je voudrais faire quelques rappels.

Certes, l'équilibre de la branche famille est essentiel et à cet égard, la loi de 1994 avait été quelque peu imprudente. Cependant il ne faut pas tenir pour négligeable ce qui a été fait. Je pense notamment à l'allocation parentale d'éducation, laquelle était, fin janvier 1997, versée par les CAF du régime général à 305 252 familles. C'est une réelle avancée ; pour ma part, je n'ai fait que mettre en oeuvre le droit à l'APE.

Pour l'avenir, je considère que les grands enfants doivent faire l'objet d'une vraie priorité. L'un des mérites de la loi de programmation de 1994 avait été d'admettre qu'il fallait prolonger les allocations familiales, ainsi que simplifier et augmenter les aides personnelles au logement pour les jeunes adultes.

Vous faites le choix de majorer l'allocation de rentrée scolaire ; mais j'insiste sur la nécessité de donner suite à la loi de 1994. Il conviendrait de prolonger le versement non seulement des AF, mais aussi du complément familial, de l'ALF, de l'APL, de l'AES.

Par ailleurs, on a fait un effort pour actualiser le barème de l'allocation logement, mais il faudrait essayer de fusionner les aides personnelles au logement -en tout cas les barèmes.

J'ai entendu tout à l'heure des appels au versement des AF au premier enfant ; mais la priorité me semble devoir aller aux grands enfants et j'aimerais à cet égard connaître les intentions du Gouvernement.

M. Jean-Luc Préel - Pour avoir demandé à plusieurs reprises l'extension de l'allocation de rentrée scolaire, je me félicite qu'elle soit accordée cette année, cependant j'ai été étonné, presque choqué, que cette extension ait été annoncée en juin, après la conférence de la famille : beaucoup de familles ont compris qu'elle s'appliquerait dès la rentrée 1998. C'est l'éternel problème des annonces médiatiques...

A mon avis, il faudrait une modulation de l'ARS selon l'âge, car le coût de la rentrée n'est pas le même à tous les niveaux de scolarité.

Enfin, je rassure M. Cahuzac -qui n'est pas là cet après-midi- : je voterai l'ARS au premier enfant. Mais cela ne vaut pas approbation du volet famille du projet.

Mme Muguette Jacquaint - Les allocations de rentrée scolaire ne sont pas placées en bourse... Elles sont très utiles aux familles. Leur élargissement à des familles qui en étaient écartées est donc une bonne chose.

330 000 familles avec un enfant vont pouvoir en bénéficier dès la rentrée 1999. Reste tout de même une incertitude quant au renouvellement annuel de la mesure -ne faudrait-il pas la garantir pour l'avenir, en l'inscrivant par exemple dans le code de la Sécurité sociale ? Il y a aussi la question de plafond, qui exclut encore nombre de familles aux ressources modestes. Enfin, il paraît opportun de moduler selon le niveau d'études, car le coût d'un élève du primaire n'est bien sûr pas le même que celui d'un élève de terminale.

Mme Hélène Mignon - Cette année, à nouveau, les familles ont été heureuses de percevoir l'allocation de rentrée scolaire, si utile pour les achats de septembre. J'apprécie que l'allocation soit versée à l'avenir dès le premier enfant, mais les familles font justement remarquer que les frais ne sont pas identiques à 6 ans et à 18 ans.

Il y a donc chaque année de nouvelles avancées, tout ne peut se faire d'un seul coup. Mais les discussions continuent avec les associations familiales, et les priorités seront définies dans la concertation.

M. François Goulard - Les amendements 235 et 236 sont rédactionnels.

Mme Dominique Gillot, rapporteur - La commission a accepté l'amendement 235. Quelques mots en réponse aux orateurs qui ont parlé sur l'article. L'allocation de rentrée scolaire comporte deux éléments : 428 F au titre du régime famille, et un complément apporté cette année encore par le Gouvernement, qui permet d'arriver à un montant de 1 600 F, et qui coûte 6 à 7 milliards à l'Etat. Irons-nous vers une inscription de la totalité au budget de la CNAF ? Cela reste à préciser. Mais tout le monde sait que le coût de la rentrée n'est pas le même au CP et en terminale, et une modulation serait souhaitable -cela demande une concertation qui n'est pas encore terminée, mais un amendement au rapport annexe ouvrira la voie à la réflexion.

M. Préel me paraît mal comprendre l'opinion publique. Le fait que la concertation ait commencé voici quelques mois en vue du budget 1999 ne peut entraîner aucune ambiguïté quant à la date d'application de ces mesures.

L'allocation parentale d'éducation est un instrument intéressant, mais elle coûte très cher et peut avoir des effets malheureux pour la vie professionnelle de certaines mères de famille. J'ai fait des propositions et j'espère qu'on arrivera l'an prochain à un meilleur système, qui permettra à ces mères de garder un lien avec la vie professionnelle.

Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité - Je n'ai pas critiqué l'APE, Monsieur Barrot. Elle existe, même si le système peut être amélioré. Quant aux jeunes adultes, c'est une priorité : sans aller jusqu'à un RMI-jeunes, il faut aider certaines familles -le délégué interministériel à la famille y réfléchit.

L'allocation de rentrée scolaire joue un rôle majeur, à la fois social en aidant les familles, et économique en soutenant la consommation. Je me réjouis que 350 000 familles avec un enfant puissent désormais en bénéficier.

L'amendement 235, mis aux voix, est adopté.

L'amendement 236, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Jean-Luc Préel - L'amendement 317 supprime un paragraphe inutile : l'application en 1999 va de soi.

Mme Dominique Gillot, rapporteur - La commission l'a rejeté (Protestations sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL).

Plusieurs députés RPR, UDF et DL - Pourquoi ?

M. Alfred Recours, rapporteur - Si vous étiez en commission, vous devez le savoir ! (Nouvelles protestations sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL)

L'amendement 317, repoussé par le Gouvernement, mis aux voix, n'est pas adopté.

L'article 14, modifié, mis aux voix, est adopté.

APRÈS L'ART. 14

M. Jean-Luc Préel - L'amendement 280 de M. Sauvadet aligne le régime de la récupération sur donation sur celui de la récupération sur succession, qui comporte un abattement de 300 000 F.

Mme Dominique Gillot, rapporteur - Cela ne paraît pas judicieux (Protestations sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL).

L'amendement 280, repoussé par le Gouvernement, mis aux voix, n'est pas adopté.

ART. 15

M. Jean-Luc Préel - La France tient son rang pour le curatif, beaucoup moins pour le préventif : la dépense par an et par habitant est de 12 500 F dans un cas, de 250 F dans l'autre. Qui plus est, les campagnes du ministère, des caisses, des mutuelles et des associations sont mal coordonnées entre elles, et la prévention ne fait l'objet d'aucune enveloppe individualisée. Or, c'est seulement en agissant en amont que nous éviterons les décès prématurés qui peuvent l'être. Je plaide depuis des années pour la création d'une agence nationale de prévention et d'éducation à la santé et d'agences régionales regroupant les ARH, les URCAM et les ARS.

Le secrétaire d'Etat a annoncé une amélioration du dépistage des cancers du sein, et il faut s'en réjouir, car ils sont la seconde cause de mortalité des femmes, mais plutôt que de confier la généralisation de la prévention à la CNAM, qui produirait plus d'effets médiatiques que réels, mieux vaudrait s'inspirer des expériences réussies menées dans une trentaine de départements, qui ont su mobiliser et fédérer toutes les compétences afin de veiller à la qualité des mammographies, d'améliorer le suivi après les examens, de relancer les femmes qui ne sont pas venues aux séances de dépistage - parfois organisées, comme en Mayenne, dans le cadre cantonal, ce qui permet de toucher toute une tranche d'âge.

M. Bernard Accoyer - Cet article procède d'une intention louable, mais je regrette que l'on procède par petites touches, sans pilotage d'ensemble. Nous somme sans doute l'un des pays les plus retardataires d'Europe si l'on prend le critère de la politique de la prévention et de l'éducation sanitaire, alors que nous consacrons des sommes considérables à la médecine curative. Or, en incluant les dépenses de prévention dans l'enveloppe globale de l'ONDAM, nous persistons dans l'erreur : la politique de santé publique est de la responsabilité de l'Etat, et non des partenaires sociaux qui gèrent ensemble l'assurance maladie.

M. Yves Bur - Il y a consensus sur la nécessité de doter notre pays d'une véritable politique de santé publique, et cela passe sans doute par la création d'une agence nationale dotée de relais régionaux, ainsi que l'a recommandé la conférence nationale de santé. Il est en effet difficile, tant pour les services déconcentrés de l'Etat que pour les caisses, les associations, les collectivités locales, les enseignants et les professionnels de santé eux-mêmes, de se retrouver dans le maquis des initiatives désordonnées, qu'il est donc temps d'essayer de coordonner. Certains conseils généraux s'y emploient avec volontarisme : le Bas-Rhin, par exemple, a lancé un programme de dépistage des cancers du côlon, du sein et de l'utérus, de lutte contre la tuberculose et de promotion de l'hygiène bucco-dentaire. Il est souhaitable d'associer les collectivités locales et les professions de santé, car les moyens de l'Etat sont faibles.

Nous souhaitons également savoir si l'assurance maladie prendra en charge le seul coût des examens ou celui de l'ensemble des actions de prévention actuellement conduites par les collectivités, les associations et les professionnels de la santé.

Mme Muguette Jacquaint - Il est très important de conduire une politique de prévention. Dans mon département de Seine-Saint-Denis, nous avons du reste fait de grands efforts notamment en matière de prévention bucco-dentaire et de dépistage des cancers du sein. La tâche est pourtant si vaste que toutes les contributions seront les bienvenues.

Je me réjouis donc du développement annoncé des programmes de dépistage des pathologies potentiellement mortelles comme le cancer. Ces maladies sont en effet d'autant plus graves et demandent des traitements d'autant plus coûteux qu'elles sont décelées tard. Une politique de prévention permettrait à la fois d'améliorer la santé des Français et de réaliser des économies notables.

Elle nécessite toutefois des moyens importants pour être efficace. Nous pensons en particulier qu'elle doit s'accompagner d'une politique d'éducation à la santé et d'une vaste campagne de communication. L'information, et notamment celle des personnes les plus fragiles, doit en effet être améliorée.

Cela implique de donner davantage de moyens à la médecine préventive du travail dont l'indépendance vis-à-vis de l'employeur doit être renforcée. L'amendement 411 du Gouvernement rejoint cette préoccupation. Elle nous semble très importante, en particulier dans les entreprises employant une main-d'oeuvre précaire, souvent féminine, qui est aujourd'hui bien trop peu suivie. On dit que la médecine du travail peut participer à la politique de prévention, je pense pour ma part qu'elle le doit et qu'il faut lui demander autant qu'aux collectivités locales et notamment qu'aux départements.

J'insiste aussi sur la nécessité de mieux assurer la prévention et l'éducation à la santé à l'école. Cela passe par le recrutement de davantage d'infirmières, de médecins, de psychologues et d'assistantes sociales : les enfants eux-même le réclamaient lors du Parlement des enfants. On ne peut pas accepter qu'il y ait au mieux un médecin scolaire pour 10 000 enfants.

Il reste donc beaucoup à faire mais votre mesure constitue un premier pas louable dont nous espérons qu'il prélude au développement d'une politique de prévention ambitieuse. La santé publique est en effet un véritable enjeu de civilisation et si elle a bien entendu un coût, nous pensons qu'elle n'a pas de prix.

M. Jean Bardet - Je me réjouis de votre volonté de faire prendre en charge les frais de dépistage des maladies comme le cancer par la Sécurité sociale. J'espère que cela incitera les Français à se soumettre davantage à de telles actions.

Je m'interroge en revanche sur le coût que vous nous avez indiqué pour ces mesures. Comment avez-vous pu chiffrer un dispositif dont la portée n'est pas encore définie puisque votre projet prévoit que des arrêtés préciseront la liste des actions concernées ? J'ai peur que cela signifie qu'une fois de plus vous avez une vision comptable de la santé : c'est faire les choses à l'envers que commencer par fixer l'enveloppe financière. La logique voudrait que l'on définisse d'abord les besoins avant d'évaluer le coût des politiques nécessaires à leur satisfaction.

L'expérience du Val d'Oise où nous avons mis en place un programme de dépistage des cancers du sein m'a appris qu'une des principales difficultés était que les femmes viennent se faire pratiquer une mammographie. Comme le disait notre collègue Mme Jacquaint, ce sont les femmes les plus défavorisées qui répondent le moins. Je partage donc son souhait d'accompagner les campagnes de dépistage de grands programmes d'information.

M. Préel a souligné la diversité des acteurs de la prévention. La loi de décentralisation de 1983 avait pourtant confié cette compétence aux départements. Comment la prise en charge de ces actions par la Sécurité sociale s'articulera-t-elle avec la diversité des intervenants, afin d'éviter les redondances ?

M. Claude Evin, rapporteur de la commission des affaires sociales pour l'assurance maladie et les accidents du travail - Cet article vise à renforcer les actions de dépistage mais n'a pas l'ambition de traiter l'ensemble des questions liées à la prévention dont nous souhaitons tous le développement.

Il est vrai, Monsieur Accoyer, que notre système de financement de la santé a d'abord été fondé sur le remboursement des prestations de soins. Il repose donc essentiellement sur la consommation de soins, sur le traitement des maladies et trop peu sur leur prévention. L'interaction entre ces deux pans de la politique de la santé doit donc être développée.

Nous aborderons ce point lorsque nous évoquerons l'élargissement du champ des conventions. Il s'agit de trouver de nouveaux modes de rémunération des prestations permettant une prise en charge globale du malade. Il faut mieux coordonner soins et prévention. J'ai du reste souhaité en commission qu'une enveloppe particulière soit consacrée à la prévention au sein de l'ONDAM.

M. Bernard Accoyer - Donc financé par des crédits d'Etat !

M. Claude Evin, rapporteur - Les financements sont aujourd'hui d'origine très diverse et devraient être repensés et rendus plus homogènes. Le proposition du Gouvernement reprend des préoccupations que nous avons exprimées. Je crois que chacun reconnaîtra la nécessité d'adopter l'article 15.

M. Bernard Kouchner, secrétaire d'Etat à la santé - La nécessité de développer la prévention est reconnue par tous.

Notre projet vise à élargir l'accès aux programmes de dépistage notamment en direction des femmes défavorisées.

La prévention, nous la mettons en oeuvre cette année en généralisant le dépistage des cancers féminins et colo-rectaux, qui sera désormais national et remboursé à 100 % par la CNAM. Lorsque notre système de protection sociale a été créé, en 1945, la prévention n'était pas à l'ordre du jour car on ne connaissait pas les facteurs de risques. Désormais on les connaît et le système peut donc être efficace avant le déclenchement de la maladie. Sans le bouleverser, nous le complétons en agissant en amont.

Il existait un fonds national de prévention doté d'une enveloppe close, et à tel point qu'elle n'a jamais servi. Méfions-nous, donc, de ces attributions non suivies d'effets ! Pour qu'elles le soient, il faut que le système intègre vraiment l'idée de prévention. Et notamment que la médecine scolaire et celle du travail participent au dépistage -nous présenterons un amendement en ce sens. Mais il faut aussi disposer de méthodes crédibles d'investigation ainsi que de suivi de l'information et pouvoir coordonner le tout.

Le dépistage des cancers du col de l'utérus et du sein sera donc pris en charge par l'assurance maladie, à raison d'une périodicité de trois ans. Le public visé est dans le premier cas les femmes de 25 à 65 ans, dans le second les femmes de 50 à 69 ans. Le surcoût attendu est selon nos calculs de 250 millions, mais beaucoup de vies seront ainsi sauvées.

M. Claude Evin, rapporteur - Les amendements 40 rectifié, 41, 42 et 43 sont rédactionnels ou corrigent des erreurs matérielles.

M. le Secrétaire d'Etat - D'accord.

L'amendement 40 rectifié, mis aux voix, est adopté.

Les amendements 41, 42 et 43 sont successivement adoptés.

M. Bernard Accoyer - Tout le monde reconnaît qu'il y a un manque de coordination des actions de prévention et de dépistage, ce qui fait que les subventions allouées n'ont pas toujours le rendement souhaitable. Par l'amendement 135, je propose que chaque semestre, les professionnels et organismes concernés établissent un récapitulatif de leurs actions et que celles-ci soient soumises à une évaluation financière et sanitaire effectuée par l'ANAES.

Je voudrais d'autre part souligner qu'à mon avis, si le ministère de la santé doit disposer de crédits clairement identifiés comme destinés à la prévention et à l'éducation sanitaire, l'assurance maladie doit, comme son nom l'indique, concentrer ses efforts sur la prise en charge des soins.

M. Claude Evin, rapporteur - Je partage le souci de rigueur de M. Accoyer concernant à la fois les procédures de dépistage et l'utilisation des deniers publics, mais la méthode qu'il propose est un peu lourde. Au demeurant l'ANAES remplit déjà cette fonction puisqu'elle préconise telle ou telle action de dépistage. La commission a donc refusé cet amendement.

M. le Secrétaire d'Etat - Même avis.

L'amendement 135, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Yves Bur - Par notre amendement 324, nous recommandons que la généralisation du dépistage s'appuie sur les expériences en cours. On pourrait en particulier se fonder sur les registres du cancer tenus dans certains départements pour ensuite mieux cibler les actions.

M. Claude Evin, rapporteur - L'intention est louable mais nous ne sommes pas ici dans le domaine de la loi. Avis défavorable.

M. le Secrétaire d'Etat - Les expériences dont vous parlez ne sont menées que dans vingt-huit départements. C'est dire l'ampleur du manque. Cela étant, nous ne refusons pas l'aide d'associations comme La Ligue ou l'ARC. Et vous avez raison concernant les registres : la pratique s'en généralisera.

M. Jean-Luc Préel - Notre amendement ne visait pas des associations comme l'ARC mais celles qui se sont mises en place dans les départements -en Loire-Atlantique, par exemple- pour fédérer l'ensemble des partenaires du dépistage. Là où elles existent, ces associations présentent l'intérêt de fédérer les spécialistes, les caisses, le Conseil général, mieux à même d'intervenir à bon escient.

M. le Secrétaire d'Etat - Les associations qui fonctionnent dans les 28 départements seront encouragées et nous souhaitons qu'elles soient imitées.

L'amendement 324, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Jean-Pierre Foucher - Il faut utiliser tous les outils de prévention. Nous souhaitons donc par l'amendement 323 que la médecine du travail participe aux actions de lutte contre le saturnisme, les maladies liées à l'amiante ou l'alcoolisme.

M. le Secrétaire d'Etat - L'intention est louable, mais l'amendement 411 corrigé du Gouvernement précise mieux le rôle de la médecine du travail : "Elle peut accompagner par des actions de prévention les programmes de dépistage visant à réduire les risques de maladies mortelles évitables par des actions de sensibilisation collectives ou individuelles".

Le médecin du travail ne pratique pas lui-même les actes comme le frottis.

M. Claude Evin, rapporteur - La commission n'a pas retenu l'amendement défendu par M. Foucher, qui ne paraît pas assez précis. Celui du Gouvernement prévoit des actions de sensibilisation collectives et individuelles utiles. La commission ne l'a pas examiné mais elle aurait pu lui donner un avis favorable. Je souhaite cependant qu'on le rectifie pour parler de "maladies aux conséquences mortelles évitables".

M. le Président - Si le Gouvernement en est d'accord, c'est l'amendement 411 corrigé rectifié.

M. Jean-Pierre Foucher - C'est notre amendement sur le dépistage que la commission a repoussé, non celui-ci sur la prévention. Cela dit, je veux bien le retirer au profit de celui du Gouvernement, même s'il me paraissait moins restrictif.

L'amendement 411 corrigé rectifié, mis aux voix, est adopté.

L'article 15 modifié, mis aux voix, est adopté.

APRÈS L'ART. 15

M. Bernard Accoyer - Mon amendement 186 prévoit que "le patient doit présenter son carnet de santé à chaque médecin appelé à lui donner des soins. La non présentation du carnet de santé entraîne une diminution du remboursement de ces soins de 10 %".

Il s'agit à la fois de responsabiliser le patient sans le pénaliser et d'améliorer la coordination des soins.

Nous sommes attentifs à la coordination des soins pour éviter les maladies iatrogènes. Il faut aussi avoir un document assurant la continuité pour répondre aux adversaires de la Sécurité sociale qui parlent de gaspillage.

Il n'est pas sérieux de croire que ce document puisse être la carte SESAM VITALE II, qui ne sera pas mise en place.

M. le Secrétaire d'Etat - Elle le sera en 1999.

M. Bernard Accoyer - Bien sûr que non. Déjà SESAM VITALE I ne fonctionne pas. Les outils nécessaires n'ont pas été distribués et après 16 mois aux affaires, le Gouvernement n'a toujours pas assuré le transfert de responsabilité des caisses aux professionnels. Par leur immobilisme, le Gouvernement et la nouvelle direction de la CNAM ont réussi à établir un record. 3 000 feuilles de soins ont été transmises pour un investissements de 3 milliards ; cela fait un million la feuille et on voudrait rendre les seuls médecins responsables du dérapage financier !

On perd la raison. Pour y revenir, je vous propose donc d'utiliser le carnet de santé.

M. Claude Evin, rapporteur - Vous voulez rendre obligatoire la présentation du carnet de santé, à peine pour le patient de percevoir 10 % de moins sur son remboursement. Alors ne prétendez pas dans l'exposé des motifs que c'est pour ne pas le pénaliser.

M. Bernard Accoyer - C'est pour garantir sa santé. S'il est allergique à un produit, le médecin le saura.

M. Claude Evin, rapporteur - Je suis très favorable au carnet de santé et à une mémoire de l'histoire médicale. Le carnet de santé était une bonne idée. Dans les conditions où il a été lancé, ce n'est pas une réussite. Il faut sûrement mener une action pédagogique avec les caisses pour qu'il soit davantage utilisé. Mais pénaliser les assurés sociaux qui ne le présentent pas parce que son lancement a échoué, ce n'est pas acceptable.

A l'occasion du premier projet de loi de financement, M. Barrot avait refusé cet amendement.

M. Bernard Accoyer - Je l'avais retiré à la demande du ministre.

M. le Secrétaire d'Etat - Nous sommes très favorables au carnet de santé. Le système ne fonctionne pas. Faut-il pénaliser ceux qui n'en ont pas compris l'intérêt ?

M. Bernard Accoyer - C'est de l'éducation sanitaire.

M. le Secrétaire d'Etat - Vous êtes dans la même logique que lorsque vous voulez pénaliser les familles en supprimant les allocations familiales. Allez donc expliquer cela au pays.

Quant à notre immobilisme, nous avons trouvé une situation, disons "particulière", et vous verrez ce qu'il en sera en 1999. Même si des difficultés existent -SESAM-Vitale II sera un instrument de modernisation efficace- 54 % des médecins sont déjà équipés pour l'utiliser. C'est un progrès.

M. François Goulard - L'amendement de M. Accoyer provoque en moi des sentiments mitigés.

Un carnet de santé n'est utile que s'il est utilisé... Une première solution est donc, comme le propose mon collègue Accoyer, de sanctionner sa non-présentation. Mais je préfère l'incitatif au coercitif. Je suggère donc au Gouvernement un sous-amendement -que je ne puis déposer moi-même car on m'objecterait l'article 40- selon lequel la présentation du carnet de santé entraînera une amélioration du remboursement -disons de 5 %, pour être économe des deniers de la Sécurité sociale... (Sourires)

Mme Jacqueline Fraysse - Je ne peux pas entendre des propos aussi méprisants à l'égard des patients sans y répondre.

Si les gens comprennent l'intérêt du carnet de santé, ils l'utiliseront, sans incitation ni pénalité financières. C'est déjà le cas pour le carnet de santé des enfants ; quand les parents oublient de l'apporter, ils s'excusent... Ce que vous dites montre que vous ne connaissez pas très bien l'activité médicale.

M. Jean Bardet - Là, qui est méprisant ?

M. Bernard Accoyer - Fait personnel !

Mme Jacqueline Fraysse - Vous continuez à faire preuve de l'autoritarisme qui caractérisait le plan Juppé et qui a empêché qu'aux yeux de nos concitoyens, le carnet de santé apparaisse comme un réel progrès. Ajouter au mépris et à l'autoritarisme, la coercition ne grandit pas la droite française !

L'amendement 186, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Jean-Luc Préel - Je vais essayer d'aller vite, sinon nous serons encore là dimanche soir, mais il faut rendre hommage à Alain Juppé et Jacques Barrot d'avoir fait en sorte que chaque année, nous puissions débattre de notre protection sociale (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF, du groupe DL et du groupe du RPR).

L'UDF veut sauvegarder notre système de protection sociale. Elle est convaincue qu'une privatisation conduirait à une sélection des malades et des professionnels et n'engendrerait sans doute pas d'économies de gestion. Néanmoins, je propose, par mon amendement 325, d'autoriser une expérimentation. La délégation de gestion du risque serait limitée géographiquement, exercée selon un cahier des charges strict ; l'expérience serait suivie d'une évaluation.

M. Claude Evin, rapporteur - Cet amendement ouvre la porte à une privatisation de l'assurance maladie. C'est une raison suffisante pour le rejeter.

M. le Secrétaire d'Etat - Même avis.

M. François Goulard - J'avais déposé un amendement très voisin ; la commission, en le déclarant irrecevable, m'a paru particulièrement sévère. Je déplore que sur cette affaire, le rapporteur adopte une attitude de blocage.

L'amendement 325, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Jean-Luc Préel - Mon amendement 132 tend à insérer un article ainsi rédigé : "Le Gouvernement étudiera l'opportunité de financer des mesures de sécurité anesthésique et des mesures de sécurité sur la périnatalité". Deux décrets ont été pris à ce sujet, sans que les moyens financiers soient prévus.

M. Claude Evin, rapporteur - Avis défavorable. Cet amendement pourrait, éventuellement, figurer dans l'annexe mais il n'a certainement pas sa place ici.

M. le Secrétaire d'Etat - Les conséquences financières des normes de sécurité sanitaire ont été prises en compte dans l'ONDAM ; consigne a été donnée aux agences régionales d'hospitalisation de vérifier que ces normes pourront bien être appliquées.

L'amendement 132, mis aux voix, n'est pas adopté.

ART. 16

M. Jean-Luc Préel - Après le SNIR, le SNIRAM : je salue son arrivée. Mais dès lors qu'on s'oriente vers un système de sanctions collectives, indifféremment imposées aux médecins consciencieux et à ceux qui le sont moins, il est inutile de monter cette usine à gaz...

M. Bernard Accoyer - Il est vrai que lorsqu'on prétend maîtriser les dépenses de santé en oubliant le mot "médicalisée" après le mot "maîtrise", il est important de s'occuper des chiffres. Mais voilà qu'on nous dit que certains chiffres ne sont pas fiables et que le professeur Stasse propose un conseil chargé de veiller à la transparence des données statistiques. Il s'agit en réalité, avec ces nouvelles structures, de se prémunir contre les contentieux à venir. Avec cette maîtrise strictement comptable, avec les lettres-clés flottantes, avec les reversements proportionnels, vous allez entraîner un rationnement des soins et des drames humains et ouvrir la voie à un double système de soins. Cet article est un aveu : il s'agit de se préparer des arguments à présenter aux juges lorsqu'il y aura contestation, mais rien ne garantit la qualité des soins, et nous ne pourrons pas le voter. L'amendement 326 tend à supprimer l'article.

M. Claude Evin, rapporteur - Repoussé.

Mme la Ministre - Ce matin, M. Accoyer faisait un plaidoyer pour la transparence des données et cet après-midi quand nous allons dans ce sens, il trouve cela mauvais ! Ce sont les médecins qui ont souhaité un tel dispositif. Mais il n'est pas question d'un contrôle individuel, ainsi que je l'ai dit hier à M. Barrot, car les situations varient beaucoup selon les lieux et les clientèles.

M. Jean Le Garrec, président de la commission des affaires sociales - Un peu de cohérence, Monsieur Accoyer ! Votre collègue Mariani a demandé une commission d'enquête sur la fiabilité des statistiques et cet article va dans ce sens. Par ailleurs, la transparence est réclamée aussi bien dans le document de la CNAM sur les orientations stratégiques que dans le rapport de la Cour des comptes. Nous proposons ici un outil qui répond à cette demande.

L'amendement 326, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Claude Evin, rapporteur - L'amendement 44 remplace "leur revenu" par "leurs recettes". L'amendement 45 met cet article en conformité avec la loi Informatique et libertés.

Mme la Ministre - Favorable.

M. Bernard Accoyer - Contre l'amendement 44, qui n'est pas anodin. Le Président de la République a bien dit, en 1996, que les dépenses de santé n'avaient pas vocation à être plafonnées, c'est au contraire l'un des secteurs qui créera de l'emploi et se développera. Ce qui doit être maîtrise, ce sont les dépenses remboursées, car elles ont un caractère parapublic. Il faut donc prendre garde au mot que l'on utilise.

S'agissant du SNIRAM, j'admets vos arguments, Madame la ministre, sur l'évolution du dispositif, mais il faut bien comprendre que, dans un système comptable, les chiffres prennent de plus en plus d'importance.

L'amendement 44, mis aux voix, est adopté, de même que l'amendement 45.

M. Bernard Accoyer - L'amendement 136 complète ainsi l'article : "Les frais inhérents à la création et au fonctionnement des systèmes nationaux d'information interrégimes de l'assurance maladie sont couverts par des économies de gestion des caisses d'assurance maladie.".

En cas de dépassement de l'enveloppe, vous incriminez deux responsables : les médecins et les laboratoires pharmaceutiques. Mais vous oubliez bien d'autres responsables : le demandeurs qui sont les patients ; les organismes complémentaires qui contribuent à déresponsabiliser ces derniers ; les parlementaires, qui décident de lancer telle ou telle campagne ; les médias qui appellent l'attention sur une nouvelle technique ; sans oublier des facteurs que nous ne maîtrisons pas, tel le vieillissement de la population, telle l'arrivée de nouvelle molécules -et sans oublier, enfin, les décisions du Gouvernement qui augmente le nombre des personnes couvertes sans compenser les dépenses nouvelles, lorsque par exemple il régularise 70 000 sans-papiers (M. le président de la commission s'exclame). Il n'est pas normal que tout cela doive être financé uniquement par des économies.

M. Claude Evin, rapporteur - Défavorable.

Mme la Ministre - Défavorable. J'admire le talent de M. Accoyer qui réussit à parler des sans-papiers à propos du SNIRAM !

L'amendement 136, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. François Goulard - Une fois de plus, on sollicite la loi de façon quelque peu abusive. Certes, l'exposé des motifs relève qu'aujourd'hui aucune règle n'oblige l'ensemble des régimes à transmettre les données nécessaires à la CNAMTS, mais faut-il vraiment qu'une loi les y oblige ? La centralisation des données ne peut-elle reposer sur une base volontaire ? Qui peut croire que le nouvel organe est vraiment destiné à améliorer l'information du Parlement ? Telles sont les questions qui motivent mes amendements 237, 238 et 239.

M. le Président de la commission - La commission ne les a pas adoptés, et le second d'entre eux m'a personnellement peiné, qui tend à m'interdire de participer aux travaux de cette nouvelle structure d'information... (Sourires)

Les amendements 237, 238 et 239, repoussés par le Gouvernement, successivement mis aux voix, ne sont pas adoptés.

M. Bernard Accoyer - L'amendement 137 appelle l'attention de mes collègues sur l'importance des informations relatives à l'hospitalisation.

L'amendement 137, repoussé par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. François Goulard - L'amendement 240 est défendu.

M. Bernard Accoyer - L'amendement 139 également.

Les amendements 240 et139, repoussés par la commission et par le Gouvernement, successivement mis aux voix, ne sont pas adoptés.

M. Claude Evin, rapporteur - Le Gouvernement souhaitant maintenir l'hospitalisation hors du champ d'investigation du conseil pour la transparence des statistiques de l'assurance-maladie, il n'y a pas lieu pour celui-ci d'absorber le Comité national paritaire de l'information médicale, dont la mission, relative au codage des actes et des pathologies, s'étend au secteur hospitalier. L'amendement 46 tend donc à supprimer l'avant-dernier alinéa de l'article.

M. François Goulard - L'amendement 241 est identique. C'est une erreur, à mon avis, que de séparer médecine de ville et médecine hospitalière. Quant à mes précédents amendements, le président Le Garrec a bien compris qu'ils ne le visaient pas personnellement : je m'élève simplement contre la tendance à la représentation systématique du Parlement dans des instances relevant de la fonction exécutive.

Mme la Ministre - Réflexion faite, le Gouvernement accepte les amendements.

Les amendements 46 et 241, mis aux voix, sont adoptés.

M. Claude Evin, rapporteur - L'amendement 47 est de précision.

L'amendement 47, accepté par le Gouvernement, mis aux voix, est adopté.

M. Bernard Accoyer - L'amendement 138 tend à décomposer l'évolution des dépenses en quatre rubriques : hospitalisation, soins ambulatoires, secteur médico-social et gestion des caisses.

L'amendement 138, repoussé par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Claude Evin, rapporteur - L'amendement 48 est rédactionnel.

L'amendement 48, accepté par le Gouvernement, mis aux voix, est adopté.

M. Claude Evin, rapporteur - L'amendement 49, auquel l'amendement 242 de M. Goulard est identique, est de conséquence.

Les amendements 49 et 242, acceptés par le Gouvernement, mis aux voix, sont adoptés.

L'article 16, modifié, mis aux voix, est adopté.

M. Bernard Accoyer - Nous travaillons sans interruption depuis deux heures et demie. Je demande une brève pause.

La séance, suspendue à 17 heures 45, est reprise à 17 heures 50.

ART. 17

M. Jean-Luc Préel - Cet article introduit dans la loi le dispositif du médecin référent, jusqu'alors expérimental. La coordination des soins et la tenue de dossiers médicaux exhaustifs sont certes nécessaires. Il est en effet dans l'intérêt du patient que ses antécédents soient connus du prescripteur de soins afin, par exemple, d'éviter de renouveler inutilement des examens pénibles et coûteux.

Nous pensons toutefois que cette coordination peut être réalisée dans le cadre de réseaux ou de filières organisés par pathologie, autour du malade ou sur une base géographique. Il nous paraît en outre nécessaire de préserver la possibilité d'un accès direct aux spécialistes notamment pour les ophtalmologistes, les pédiatres, les oto-rhino-laryngologistes, les gynécologues, les psychiatres ou pour les cardiologues, en cas d'urgence.

La question de l'accès direct à l'hôpital se pose également car il est anormal que du fait des lacunes des urgences ambulatoires, celles des hôpitaux soient encombrées par de la petite chirurgie.

Nous partageons donc votre préoccupation de renforcer la coordination des soins mais nous ne pouvons nous empêcher de nous demander si votre souhait de légiférer en cette matière ne tient pas avant tout à votre volonté de signer une convention avec un grand syndicat de généralistes.

Votre projet modifie également les conditions de rémunération des médecins tant pour leurs activités non-curatives, ce qui était nécessaire, que pour leurs actes de soins, ce qui en revanche ne l'était pas.

Nous admettons une rémunération de la fonction de coordination mais il nous semble choquant que les conditions de remboursement du malade varient selon le médecin qu'il consulte, ce qui risque d'accroître les inégalités dans l'accès aux soins (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF).

M. Bernard Accoyer - Mon amendement 140 de suppression est défendu.

M. Claude Evin, rapporteur - Cet amendement vise à supprimer l'article 17. Or celui-ci étend le champ conventionnel afin de donner aux partenaires sociaux les outils juridiques nécessaires à la modernisation de notre système de soins.

Le Conseil d'Etat a en effet estimé que les conventions ne pouvaient s'étendre aux mécanismes indispensables à une réelle modernisation sauf dans le cadre des actions expérimentales relevant du comité Soubie.

Ceux qui s'opposent à cet article souhaitent donc restreindre le champ offert aux partenaires conventionnels et retarder le processus de modernisation du système de soins.

M. le Secrétaire d'Etat - Notre volonté d'introduire ce dispositif du médecin "référent" est tout à fait indépendante, Monsieur Préel, de la négociation que nous avons conduite avec un syndicat de généralistes et qui a déjà abouti.

Vous souhaitez que les patients puissent consulter sans restriction un ou des spécialistes. Mais ils en ont la possibilité et nous ne restreignons nullement leur libre choix. Nous cherchons simplement, via le médecin référent, à assurer une bonne coordination. Et nous donnons aux partenaires conventionnels la possibilité d'établir de nouveaux modes de fonctionnement et de rémunération.

L'amendement 140, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Claude Evin, rapporteur - L'amendement 50 de la commission adresse un message politique fort aux partenaires conventionnels en leur donnant la possibilité, s'ils le souhaitent, d'étendre les mécanismes de tiers-payant.

M. le Secrétaire d'Etat - Favorable.

M. Bernard Accoyer - Le tiers-payant est un outil réservé à certaines circonstances bien précises. Le galvauder déresponsabiliserait trop les patients. Je m'inquiète donc de la généralisation qui se profile insidieusement dans cet amendement.

Et je constate que l'article 17 nous fait passer d'un système de soins à un autre, où prévaudront l'obligation de passer par un généraliste et des modes de paiement contraires à la tradition du paiement à l'acte. Les ordonnances de 1996 avaient certes prévu des expérimentations mais leur généralisation aurait dû être précédée d'une évaluation.

L'amendement 50, mis aux voix, est adopté.

M. Claude Evin, rapporteur - L'amendement 51 de la commission élargit le champ conventionnel en donnant aux signataires la possibilité de valoriser les actions d'évaluation.

M. le Secrétaire d'Etat - Je ne voudrais pas que la rédaction de l'amendement laisse penser qu'il faut dégager un financement complémentaire... Je propose donc de remplacer "valorisation" par "promotion".

M. Claude Evin, rapporteur - J'accepte la rectification proposée car nous ne songions évidemment pas à une valorisation financière.

M. Bernard Accoyer - Mais que signifie "promotion" ? Veut-on parler d'une forme de publicité ?

M. le Secrétaire d'Etat - Il s'agit de promouvoir des actions.

M. Claude Evin, rapporteur - Je suis étonné que des gens se réclamant d'un certain libéralisme et voyant que nous élargissons le champ conventionnel en concluent que nous voulons imposer quelque chose.

M. Bernard Accoyer - Je ne comprends toujours pas.

L'amendement 51, mis aux voix, est adopté.

M. François Goulard - Me réclamant du libéralisme, je me sens visé par les propos du rapporteur. Mais pour ma part, je ne considère pas la négociation des conventions médicales comme l'expression parfaite du libéralisme. Car de quoi s'agit-il ? De trouver un syndicat plus ou moins représentatif et de signer avec lui, voilà tout. Quant au médecin référent, je ne suis ni pour ni contre, je crois simplement qu'il ne faut pas l'imposer dans un système uniforme. Que telle ou telle caisse, telle ou telle mutuelle en fasse l'expérience, très bien, mais je ne veux pas d'un modèle unique, surtout qu'en l'occurrence personne n'est sûr que la formule soit la panacée. D'où mon amendement 243.

M. Claude Evin, rapporteur - Il n'est nullement question du médecin référent à l'article 17 et je constate qu'en dépit de vos idées libérales, vous voulez restreindre la liberté des négociateurs de la convention en leur imposant de passer par le comité Soubie. Mais s'ils sont d'accord sur de nouvelles formes d'organisation de la médecine ambulatoire, pourquoi leur refuser la possibilité de les mettre en oeuvre ?

Vous dites qu'un seul syndicat, plus ou moins représentatif, suffit pour signer, mais enfin il n'appartient pas au législateur de porter un avis sur la validité des partenaires appelés à négocier la convention médicale.

Vraiment, je suis étonné que vous vous opposiez à un élargissement du champ conventionnel.

M. le Secrétaire d'Etat - Je suis absolument du même avis.

L'amendement 243, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Bernard Accoyer - L'amendement 163 prévoit que le système du médecin référent soit, à titre expérimental, soumis à évaluation sanitaire, médicale et financière par le Conseil d'orientation des filières et réseaux de soins expérimentaux ; c'est-à-dire la commission Soubie. Le système de soins ambulatoires doit évoluer dans la liberté, et de façon objective.

M. Claude Evin, rapporteur - Contre. L'expérimentation est prévue dans l'article.

M. Bernard Accoyer - Et l'évaluation ?

M. le Secrétaire d'Etat - Les caisses et les partenaires sociaux vont y procéder. Pourquoi voulez-vous alourdir le système ? Laissez les praticiens s'engager dans une voie qui n'est pas contraignante et qui autorise d'autres expérimentations. Le forfait ne remet pas en cause le système français de libre choix du médecin et de paiement à l'acte.

L'amendement 163, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Jean-Luc Préel - Il est vrai que le médecin passe parfois du temps qui n'est pas rémunéré, et on peut comprendre l'idée d'un forfait. Mais nous sommes opposés à ce que l'on revienne sur le paiement à l'acte qui correspond au colloque singulier. Notre amendement 328 supprime donc la forfaitisation.

M. Claude Evin, rapporteur - La commission n'y est pas favorable. Nous reprendrons certainement ce débat.

M. Bernard Accoyer - Nous sommes là pour débattre !

M. le Secrétaire d'Etat - Certes, mais il faudrait consacrer des heures à ce sujet. Tous les pays ont expérimenté d'autres modes de paiement. Le colloque singulier a lieu aussi à l'hôpital, où l'on ne pratique pas le paiement à l'acte. Personne ne remet cela en question, et nous sommes satisfaits lorsque la pathologie est lourde et le colloque singulièrement singulier, de pouvoir recourir à l'hôpital. De toute façon il n'est pas question de supprimer le paiement à l'acte même si s'y ajoute un autre mode de rémunération qui donne au praticien le temps d'écouter. Pensons aux soins palliatifs. C'est ce commerce humain, cette disponibilité que nous voulons favoriser.

M. Bernard Accoyer - On ne peut comparer la médecine de ville et l'hôpital, où la plupart des actes sont pris en charge par le tiers payant. Pourquoi remettre en cause un système admis par l'immense majorité et qui est fondé sur la médecine libérale dont l'un des principes est le paiement à l'acte ? Si nous n'avons pas ici ce débat fondamental, où aura-t-il lieu ?

M. le Secrétaire d'Etat - Nous poursuivrons ce débat de toute façon. D'abord le tiers payant peut prendre en charge le forfait comme le paiement à l'acte. Je répète qu'à l'hôpital, lorsqu'un médecin voit cinq patients ou quinze, il n'est pas payé différemment. Le dogme français du paiement à l'acte n'a nulle part son équivalent. Alors donnons la priorité au patient.

M. Claude Evin, rapporteur - Il est vrai que le sujet est essentiel. Notre système a été fondé sur une série d'actes alors qu'aujourd'hui le médecin doit de plus en plus prendre le malade en charge de façon globale. Le financement doit donc évoluer. Refuser un nouveau mode de rémunération, c'est rendre impossible cette prise en charge globale. Elargissons le champ de la convention médicale pour permettre ces nouveaux modes d'exercice. Vous vous opposez à toute évolution. Le paiement à l'acte n'est pourtant pas un principe déontologique. Le président du conseil de l'Ordre s'est exprimé clairement à ce sujet. Il n'est plus possible de refuser toute modernisation en s'appuyant constamment sur une charte de la médecine libérale qui date de 1927.

L'amendement 328, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Jean-Luc Préel - Monsieur Evin, ne caricaturez pas l'opposition. Nous sommes là pour débattre de la santé des Français, prenons le temps nécessaire.

J'ai souhaité, de façon nuancée, une meilleure coordination des soins. Nous sommes favorables par exemple à ce qu'un médecin ait l'ensemble du dossier d'un patient. Ce que nous ne voulons pas, c'est que ce médecin référent soit obligatoire.

M. le Secrétaire d'Etat - Il ne l'est pas du tout.

M. Jean-Luc Préel - Il le sera un jour. Nous voulons que le malade ait le choix du praticien. Si vous ne voulez pas que le référent soit obligatoire, dites-le dans la loi en acceptant notre amendement 329.

Mme la Ministre - Et l'autonomie des partenaires ?

M. Claude Evin, rapporteur - Il n'est écrit nulle part que le référent est obligatoire. Cet amendement n'a pas lieu d'être.

L'amendement 329, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Bernard Accoyer - Il n'est jamais inutile de répéter ce qui est important... Nous redoutons que ce texte nous fasse changer de système de soins. Il nous paraît indispensable, comme je le propose dans mon amendement 164, que la mise en place de modes de rémunération autres que le paiement à l'acte soit précédée d'une expérimentation et d'une évaluation.

M. Claude Evin, rapporteur - La commission est pour l'évaluation, mais contre l'amendement.

M. le Secrétaire d'Etat - Contre.

L'amendement 164, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Bernard Accoyer - Vous me pardonnerez d'insister encore... Nous considérons que le paiement à l'acte ne doit pas être remis en cause pour les activités de soins. C'est l'objet de mon amendement 165.

L'amendement 165, repoussé par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Bernard Accoyer - L'un des arguments avancés par les partisans du paiement forfaitaire est l'absence d'avance de frais. Cette avance pose en effet problème, notamment dans les familles nombreuses. Je propose donc par mon amendement 166 de rendre possible le paiement par carte bancaire ; celui-ci permet en effet un paiement différé, qui laisse le temps à l'assurance maladie de rembourser.

Cette proposition devrait faire l'unanimité car elle respecte l'attachement d'une très grande majorité de Français au paiement à l'acte.

M. Claude Evin, rapporteur - Non, les Français ne sont pas attachés au paiement à l'acte : si l'on généralisait le tiers-payant, ils applaudiraient !

Nous venons d'ouvrir aux partenaires conventionnels la possibilité de le généraliser. S'il ne tenait qu'à moi, ce serait déjà fait. Mais les organisations syndicales de médecins s'y opposent. Nous sommes quasiment les seuls en Europe à conserver ce système archaïque...

Quant au paiement par carte bancaire, il n'est pas sérieux de proposer de le faire entrer dans le champ de la négociation conventionnelle. Cela supposerait de faire participer l'Association française des banques à la négociation... Cependant on peut envisager des accords sur ce sujet en dehors du champ conventionnel.

M. le Secrétaire d'Etat - Même avis défavorable, bien sûr. J'ajoute que non seulement les Français, mais les jeunes médecins sont très favorables à une évolution des modes de paiement. Vous savez sans doute que selon une statistique anglo-saxonne, lors du colloque singulier le médecin interrompt son malade au bout de dix-huit secondes...

M. Bernard Accoyer - Le rapporteur a une approche trop manichéenne. Instaurer le tiers-payant systématique serait aller à l'encontre d'un principe essentiel de notre système de soins, tout en ne contrôlant plus l'évolution des dépenses. Cependant, nous ne sommes pas fermés à une évolution.

A M. le ministre, je voudrais dire qu'il m'a fait beaucoup de peine en critiquant la manière dont travaillent les professionnels de santé.

M. le Secrétaire d'Etat - Je n'ai fait que citer une statistique !

M. Bernard Accoyer - Il est normal que le médecin pose des questions... Evitons de faire dévier ce débat par des propos excessifs.

L'amendement 166, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. François Goulard - Je retire mon amendement 244.

M. Yves Bur - Mon amendement 327 est défendu. La coordination des soins ne saurait exclure l'accès direct à certains spécialistes, et il ne doit pas y avoir de différence de traitement entre les assurés sociaux pour le remboursement des actes médicaux.

L'amendement 327, repoussé par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. le Secrétaire d'Etat - L'article 17 permet aux parties conventionnelles de définir des modalités de coordination des soins, dans le double souci d'améliorer la qualité des soins et l'utilisation des ressources. Il importe que ses dispositions puissent trouver application dans la convention actuellement en cours de négociation, après l'annulation prononcée le 3 juillet par le Conseil d'Etat. L'amendement 438 tend donc à préciser que les dispositions de l'article 17 sont applicables à compter du 3 juillet 1998.

M. Claude Evin, rapporteur - La commission n'a pas examiné cet amendement, auquel elle aurait très certainement donné un avis favorable, car il est cohérent.

M. François Goulard - Avec cet article, on va très loin dans la correction des anomalies dont j'ai déjà parlé : n'eût-il pas été plus simple d'écrire que le législateur entend revenir sur la décision du Conseil d'Etat du 3 juillet 1998 ?

L'amendement 438, mis aux voix, est adopté.

L'article 17 modifié, mis aux voix, est adopté.

ART. 18

M. Jean-Luc Préel - Vous avez refusé l'amendement qui prévoyait que le recours aux médecins référents ne serait pas obligatoire, puis vous avez refusé que le remboursement ne soit pas différencié. C'est donc que le recours au référent sera obligatoire et que vous souhaitez des remboursements différenciés (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste). C'est l'évidence même.

M. le Secrétaire d'Etat - Fausse évidence !

M. Jean-Luc Préel - L'article 18 concerne les unions, dont les missions pourraient être étendues. Je suis favorable à une auto-évaluation de la profession, à une autodiscipline et une véritable responsabilisation, avec des sanctions pour les praticiens ne respectant pas les références médicales. Mais votre logique de sanction collective, cet "impôt social sur le revenu", relève de l'hypocrisie.

M. Bernard Accoyer - Je suis favorable à cet article. Mais je souhaite que, pour évaluer la pratique des médecins libéraux, on recoure à des experts qui soient eux-mêmes des médecins libéraux en exercice, et non de prétendus experts ayant oublié ce que c'est d'être réveillé la nuit pour une urgence ou confronté à certaines demandes de prescriptions délicates.

Par ailleurs, on a observé des transferts de soins et de dépenses du secteur hospitalier au secteur ambulatoire -pour la radiologie par exemple, et aussi pour la pharmacie. Il faut assurer la transparence sur les évolutions et en informer les unions.

M. Claude Evin, rapporteur - L'amendement 52 confie aux sections de généralistes et de spécialistes le soin de procéder à des évaluations distinctes.

M. le Secrétaire d'Etat - Je ne suis pas trop favorable à de tels cloisonnements, mais je m'en remettrai à votre sagesse.

M. Jérôme Cahuzac, rapporteur pour avis de la commission des finances - Je voudrais revenir sur la pseudo-logique de M. Préel. L'absence de caractère obligatoire n'équivaut pas à une interdiction. Ainsi notre présence dans l'hémicycle n'est-elle pas obligatoire : est-ce à dire que nous ne puissions jamais venir ? (Rires)

L'amendement 52, mis aux voix, est adopté.

M. Bernard Accoyer - J'ai défendu par avance l'amendement 167.

L'amendement 167, repoussé par la commission et le Gouvernement, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Claude Evin, rapporteur - L'amendement 53 répond au voeu de M. Accoyer puisqu'il précise que les médecins évaluateurs exercent parallèlement une activité médicale.

L'amendement 53, accepté par le Gouvernement et mis aux voix, est adopté.

M. Claude Evin, rapporteur - L'amendement 54 précise que les évaluations régionales seront collectées au niveau national.

L'amendement 54, accepté par le Gouvernement et mis aux voix, est adopté.

M. Bernard Accoyer - L'amendement 169 précise que "les Unions de médecins exerçant à titre libéral sont tenues informées de l'évolution des dépenses d'hospitalisation de la région et spécialement de toute pratique tendant à transférer des dépenses de l'hospitalisation vers la médecine de ville et réciproquement." Avant qu'on en vienne peut-être à la fongibilité des enveloppes, il faut identifier clairement ces dernières.

M. Claude Evin, rapporteur - Défavorable. Mais il est vrai qu'il faut clarifier les choses et la commission présentera un amendement au rapport annexé à ce sujet.

M. le Secrétaire d'Etat - Même position.

L'amendement 169, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Jacques Barrot - La démarche de cet article me paraît bonne, mais une expérimentation serait opportune -ou à défaut une évaluation sérieuse dans un an. Tel est l'objet de l'amendement 176.

M. Jean-Luc Préel - L'amendement 330 a le même objet, mais il demande en outre un rapport à présenter au Parlement.

M. Jacques Barrot - Je retire mon amendement au profit de celui de M. Préel.

M. Claude Evin, rapporteur - La commission n'est pas hostile à l'élargissement des compétences des unions professionnelles, mais elle est sceptique sur leur capacité actuelle à évaluer les pratiques. Il serait prématuré de rédiger un rapport dans un an.

M. le Secrétaire d'Etat - L'article 18 est notamment destiné à établir les bases de l'évaluation, pour laquelle les unions seront assistées de l'ANAES. Le Gouvernement n'entend pas donner à cette mesure un caractère expérimental. Cela dit, le Parlement sera naturellement informé des résultats.

L'amendement 330, mis aux voix, n'est pas adopté.

L'article 18, modifié, mis aux voix, est adopté.

ART. 19

M. Bernard Accoyer - L'une des raisons de la difficulté d'équilibrer les comptes de l'assurance-maladie est, selon certaines analyses, la démographie médicale. Aussi les ordonnances refondatrices de 1996 (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste) se sont-elles attaquées à ce problème, notamment en instituant le mécanisme incitatif à la cessation d'activité, dont ont bénéficié 3000 praticiens. Comme il est apparu, cependant, qu'il s'agissait surtout de médecins exerçant dans des zones ou des spécialités menacées de pénurie plus que de pléthore, le Gouvernement a décidé, non sans raison, de mieux cibler le dispositif. Le délai fixé est toutefois trop court, et je remercie la commission d'avoir accepté d'amender l'article pour le prolonger de six mois. Je m'étonne, cela dit, que le secrétaire d'Etat envisage, en l'absence d'études prospectives sérieuses, de relever le numerus clausus, et souligne le fait que, parallèlement aux 3 000 retraites anticipées, 3 000 autorisations d'exercer aient été délivrées à des titulaires de diplômes extra-communautaires, dont la compétence n'est pas en cause, mais dont la présence retarde la restructuration de nombreux petits établissements, où ils occupent des postes qui, sans eux, seraient vacants.

M. le Secrétaire d'Etat - Ces médecins étrangers, qui sont au nombre de 6 000 au total, sont indispensables au fonctionnement de nombre de nos établissements, de taille et de caractéristiques très diverses. Il est humainement souhaitable de le reconnaître, et de constater leur qualification par un examen professionnel permettant à ceux qui y satisferont d'accéder à un statut normal. S'agissant du numerus clausus, nous suivons le rapport Choussat à la lettre, et si nous portons à 3 800 le nombre de places en première année, c'est en prévision de la pénurie de praticiens hospitaliers annoncée pour 2005-2006, notamment dans certaines spécialités. La même raison doit nous conduire à revaloriser le statut de ces praticiens.

M. François Goulard - Le mécanisme d'incitation à la cessation d'activité est un excellent dispositif, qui permet de gérer en douceur les aléas de la démographie médicale. Je n'ai pas d'opposition de principe à ce qu'il soit modulé selon les régions et les spécialités, quitte à évaluer, par la suite, ses résultats. Ce que je déplore, en revanche, c'est que le Gouvernement ait sensiblement réduit l'allocation de remplacement et veuille appliquer le nouveau régime dès le 1er juillet prochain. Nos amendements visent à rétablir les médecins concernés dans leurs droits.

M. Jean Bardet - Votre politique n'est pas cohérente en matière de démographie médicale.

Vous vous êtes appuyés sur les recommandations du rapport Choussat pour élargir modestement le numerus clausus. Le directeur de la CNAM souhaitait pourtant qu'il soit diminué.

M. Jacquet Barrot - Tout à fait.

M. Jean Bardet - Les avis divergent donc sur ce point.

En outre, il me semblait que la maîtrise des dépenses de santé reposait notamment sur une politique de réduction de l'offre de soins et donc du nombre de médecins. C'était l'objet du numerus clausus, c'était aussi, pour les médecins âgés, celui du MICA mis en place par MM. Juppé et Barrot et qui a connu un succès réel.

Or vous avez changé les règles gouvernant ce dispositif en juillet en réduisant de 25 % l'allocation. Et aujourd'hui, vous modifiez les conditions de départ en retraite.

Cela a provoqué, bien que vous disiez le contraire, un profond mécontentement chez les médecins qui s'étaient engagés sur cette voie ou qui souhaitaient le faire. En atteste l'abondant courrier que j'ai reçu à ce sujet.

Vous augmentez donc le numerus clausus, vous limitez la portée du MICA, vous souhaitez en outre la titularisation de 8 000...

M. le Secrétaire d'Etat - 6 000.

M. Jean Bardet - ...8 000, nous avez-vous dit précédemment, médecins étrangers. Ils rendent bien entendu de nombreux services mais la compétence de ces médecins à titre étranger hors CEE n'est pas la même que celles des médecins européens.

M. le Secrétaire d'Etat - Elle est souvent plus grande.

M. Jean Bardet - Il serait donc souhaitable de les remplacer par de vrais PH et les internes demandent d'ailleurs depuis longtemps que les médecins à titre étranger passent un concours d'un niveau équivalent à celui de l'internat...

M. le Secrétaire d'Etat - C'est le cas.

M. Jean Bardet - ...ce qui n'est pas le cas.

Vous nous dites que nous allons manquer de PH dans l'avenir. Mais combien de postes ont-ils été ouverts cette année à l'Assistance publique des hôpitaux ce Paris ? Six. Je m'interroge sur votre cohérence.

M. Denis Jacquat, rapporteur - Tout le monde était jusqu'à présent d'accord pour diminuer le nombre de médecins. Différentes solutions avaient été envisagées dont la mise en place de passerelles vers la médecine du travail, dont l'exercice nécessite un diplôme spécifique, et le MICA, qui est un excellent dispositif.

Vous nous dites qu'il coûte trop cher et qu'il faut le moduler géographiquement et par spécialité.

Les médecins qui se sont engagés dans cette voie sont donc très inquiets et craignent de ne pouvoir cesser leur activité comme ils l'avaient prévu. Les mesures d'adaptation ne doivent pas être prises à leur détriment.

En ce qui concerne le numerus clausus, je m'étonne que l'an dernier encore on nous ait dit que nous avions 20 000 médecins de trop et que cette année vous décidiez pourtant de l'élargir. Vous nous dites que cela est nécessaire pour éviter une pénurie de médecins dans dix ou douze ans.

M. le Secrétaire d'Etat - Tout à fait.

M. Denis Jacquat - Pourquoi ce risque n'était-il pas apparu l'année dernière ? Nous connaissons parfaitement la démographie médicale.

Est-ce que l'élargissement du numerus clausus n'est pas plutôt dictée par les besoins en personnel de certains hôpitaux ?

M. le Secrétaire d'Etat - Je voudrais dissiper les inquiétudes des médecins. La date du 1er juillet 1999 n'est pas une date-couperet et les partenaires conventionnels pourront la déplacer de trois ou six mois par exemple s'ils le souhaitent.

Tous les dossiers seront pris en compte.

Toutefois, nous devons raisonner en fonction des spécialités ou des besoins locaux. On ne peut tout de même pas favoriser le départ de gens dont on a absolument besoin. Des modalités différentes seront donc mises en place

En ce qui concerne le numerus clausus, nous appliquons simplement les propositions du rapport Choussat. Il n'a rien de révolutionnaire, il montre simplement que, s'il est souhaitable que des médecins installés en ville prennent leur retraite comme le MICA les y encourage, nous aurons besoin à partir de 2005 de médecins hospitaliers. Et il faut le temps de les former.

Distinguons les médecins libéraux des praticiens hospitaliers. Nous avons entamé une réforme de l'internat, créant des filières, et nous allons ouvrir le grand chantier de la réforme des études médicales. Nous voulons attirer les jeunes vers l'hôpital public en rendant plus attractif le statut de ses praticiens.

En ce qui concerne le MICA, si nous avons augmenté les cotisations de 0,70 % à 1,76 % et si nous avons aligné les plafonds sur celui de 60 ans, par le décret du 31 août 1998, c'est parce que 200 millions risquaient de nous manquer.

La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance qui aura lieu ce soir, à 21 heures.

La séance est levée à 19 heures 25.

          Le Directeur du service
          des comptes rendus analytiques,

          Jacques BOUFFIER


© Assemblée nationale


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