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Assemblée nationale

COMPTE RENDU

ANALYTIQUE OFFICIEL

Session ordinaire de 1998-1999 - 19ème jour de séance, 49ème séance

3ème SÉANCE DU JEUDI 29 OCTOBRE 1998

PRÉSIDENCE DE M. Yves COCHET

vice-président

          SOMMAIRE :

LOI DE FINANCEMENT DE LA SÉCURITÉ SOCIALE POUR 1999 (suite) 1

La séance est ouverte à vingt et une heures.


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LOI DE FINANCEMENT DE LA SÉCURITÉ SOCIALE POUR 1999 (suite)

L'ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi de financement de la Sécurité sociale pour 1999.

ART. 19

M. Pierre Hériaud - L'article 19 institue, dans le cadre du MICA, une modulation du droit à l'allocation de remplacement pour les médecins selon les régions et, pour les spécialistes, selon la spécialité. Cette allocation est financée par les cotisations des médecins en exercice d'une part, par le régime général d'assurance maladie d'autre part.

Le mécanisme d'incitation à la cessation d'activité -MICA- a rencontré un succès certain parmi les médecins. Beaucoup se sont fondés pour prendre leur décision sur les déclarations de Mme Aubry à plusieurs reprises au cours de cette année, notamment le 19 mai à l'Assemblée nationale et dans une lettre datée du 29 mai au président du CARMF. Enfin, un décret du 31 août 1998 a confirmé l'application des modalités du MICA pour 1999.

Or l'article 19 contredit ces déclarations en prévoyant que les nouvelles modalités s'appliqueront à compter du 1er juillet 1999. Nous considérons qu'il convient au contraire de prendre en compte la totalité de l'année 1999. Tel est l'objet de l'amendement 181.

M. Claude Evin, rapporteur de la commission des affaires sociales, pour l'assurance maladie et les accidents du travail - La commission a adopté un amendement tendant à repousser au 1er janvier 2000 la date à laquelle le MICA entrerait en vigueur avec le nouveau dispositif de modulation, sur les objectifs duquel je ne reviens pas -nous en avons débattu en fin d'après-midi. Il appartient maintenant aux partenaires conventionnels de fixer ce dispositif. Mais chacun est ici conscient de la nécessité d'adapter le plus rapidement possible le mécanisme afin de répondre aux problèmes actuels de la démographie médicale. Le Gouvernement propose la date du 1er juillet 1999 pour l'application du nouveau dispositif. J'estime, quant à moi, que s'il ne convient pas de fixer autoritairement une date, il faut tout de même faire pression sur les partenaires. Voilà pourquoi c'est contre mon avis que la commission a adopté les amendements 55 et 57 qui substituent à la date du 1er juillet 1999 celle du 1er janvier 2000. Si le Gouvernement tenait à conserver la date du 1er juillet 1999, je n'y verrais pour ma part pas d'obstacle. Je n'en verrais donc pas à ce que l'Assemblée n'adopte pas l'amendement de la commission (Exclamations sur les bancs du groupe UDF).

M. Bernard Accoyer - C'est moi qui avais initialement déposé ces amendements, devenus ceux de la commission après qu'elle les a adoptés à la quasi unanimité, contre l'avis de son rapporteur. Le président de la commission avait été, comme nombre d'entre nous sur ces bancs, saisi par des médecins lui faisant part de leur souhait de bénéficier du MICA, souvent pour des raisons de santé après une carrière fatigante.

M. Bernard Kouchner, secrétaire d'Etat à la santé - Ne reprenons pas le débat de cet après-midi ! Le MICA était une bonne initiative qui a connu un grand succès. Toutes les demandes déposées en 1999 seront bien sûr traitées selon les modalités antérieures, pourtant coûteuses. La date préconisée du 1er juillet 1999 n'est pas une date-couperet. Si les partenaires le souhaitent, ils pourront la déplacer. Mais mieux vaudrait ne pas allonger une période de flottement pour les médecins. Le nouveau dispositif qui doit permettre de moduler les départs selon les régions et selon les spécialités est indispensable, nous en convenons tous.

Le Gouvernement est donc défavorable à l'amendement de la commission. Cela étant, si les partenaires décident d'une autre date, nous ne serons pas rigides.

M. Jérôme Cahuzac, rapporteur pour avis de la commission des finances - Le MICA était une bonne mesure mais la modulation des aides au départ en fonction des régions et des spécialités améliorera indiscutablement le dispositif. Pour autant, il ne faudrait pas changer la règle du jeu pour les médecins qui ont décidé de cesser leur activité et ne s'attendent pas à une modification (Assentiment sur les bancs du groupe UDF et du groupe du RPR). Mais le Gouvernement ayant assuré que les nouvelles dispositions ne seront pas rétroactives, nous pouvons accepter la date qu'il propose et donc rejeter l'amendement de la commission (Protestations sur les bancs du groupe UDF et du groupe du RPR).

M. Jean Bardet - Lorsqu'un médecin part prématurément en retraite, les prescriptions qu'il ne rédige plus représentent 1 à 1,5 millions de moins par an pour la Sécurité sociale. Puisque 3 000 médecins ont profité du MICA, on est donc bien loin du total de 200 millions avancé par le ministre.

M. Gérard Terrier - Compte tenu des garanties apportées par le ministre et du fait qu'il ne s'agit pas d'une date-couperet, je préconise de voter contre les amendements.

M. Bernard Accoyer - Vous cherchez vraiment à détériorer le climat de vos relations avec les médecins ! Alors que le rapporteur devrait se faire ici l'avocat de la position adoptée par la commission, après une intervention insistante de son président, il appelle à repousser les amendements de la commission. Pourquoi ce comportement agressif vis-à-vis des médecins ?

M. Alfred Recours, rapporteur de la commission des affaires sociales pour les recettes et l'équilibre général - Sur cette question, il y a eu un flottement en commission (Protestations sur les bancs du groupe UDF, du groupe DL et du groupe du RPR).

M. Jean-Pierre Foucher - Pas du tout ! On a voté !

M. Alfred Recours, rapporteur - Et ce flottement a pris fin avec un vote, le président s'étant exprimé sur des points précis à propos desquels le Gouvernement vient d'apporter des garanties.

Je rejoins donc la position exprimée par les autres rapporteurs (Protestations sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL).

Les amendements 181, 55, 57 et 246, successivement mis aux voix, ne sont pas adoptés.

M. Claude Evin, rapporteur - La commission ayant adopté l'amendement 56 rectifié à l'initiative de MM. Bur et Préel, je laisse à ce dernier le soin de le présenter.

M. Jean-Luc Préel - Ils proposent que nous soit transmis un rapport d'évaluation, car personne ne sait aujourd'hui ce que coûte le MICA ni quelles économies sont réalisées quand un médecin prend sa retraite, selon qu'il était généraliste ou spécialiste.

M. le Secrétaire d'Etat - Avis favorable. Il est très important de disposer d'une telle évaluation.

L'amendement 56 rectifié, mis aux voix, est adopté.

M. le Président - L'amendement 331 tombe.

L'article 19, modifié, mis aux voix, est adopté.

ART. 20

M. Jean-Luc Préel - On ne peut qu'être d'accord avec la création d'un fonds d'aide à la qualité des soins proposée à cet article.

Mais la qualité ne dépend pas seulement des moyens. Elle passe d'abord par une amélioration de la formation initiale des médecins et par une sélection fondée sur la capacité d'écoute, d'analyse et de synthèse plutôt que sur la connaissance de telle ou telle molécule. Elle suppose ensuite que l'on se préoccupe de la formation continue, actuellement en panne, en privilégiant l'amélioration du diagnostic et de la thérapie, que l'on permette aux étudiants d'être au plus vite au contact des malades afin d'apprendre les gestes essentiels.

Vous ne pourrez, Monsieur le ministre, prouver l'utilité de ce fonds par le nombre de demandeurs : en France, quand on propose de l'argent, il y a toujours preneur...

Comment sera géré ce fonds ? Qui décidera de son utilisation ? Qui en bénéficiera ? S'il est vraiment utile, pourquoi limiter sa durée de vie à 5 ans ? Mais, à l'inverse, pourquoi ne pas le créer plutôt à titre expérimental ? Je ne comprends d'ailleurs pas pourquoi mon amendement à ce propos a été écarté.

M. Bernard Accoyer - Je regrette vivement que, sur les amendements précédents, le rapporteur n'ait pas traduit ici l'esprit qui avait prévalu en commission.

On nous propose avec cet article de créer un nouveau fonds. Après, le Fonds d'accompagnement social pour la modernisation des hôpitaux et le Fonds d'aide à l'adaptation des établissements hospitaliers en 1998, voici, en 1999, le Fonds d'aide à la qualité des soins.

M. Alfred Recours, rapporteur - Ainsi fonds, fonds, fonds ...

M. Bernard Accoyer - Où s'arrêtera-t-on ?

M. Jean-Pierre Foucher - Où est le fond ?

Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité - Vous l'avez touché.

M. Bernard Accoyer - Nous souhaitons tous maîtriser les dépenses. Mais si on pense que les filières et réseaux sont plus efficaces économiquement, pourquoi mettre 500 millions au pot ? 500 millions, c'est 7 % de la croissance de l'ONDAM. Ce n'est pas sérieux. Pour nous, ce qui est efficace s'imposera de soi-même. Pour vous, il faut imposer, en y mettant toujours plus d'argent public, des décisions idéologiques dont vous pensez qu'elles sont les meilleures. C'est notre système de santé que vous mettez en cause. Nous sommes contre cet article 20.

M. François Goulard - Cet article est remarquablement vague. A quoi servira-t-il, et comment ? Bien sûr, il y aura les décrets... Mais cette façon de faire est une méthode dépassée. C'est très années 60. La bonne façon de faire, ce n'est pas de créer un fonds national mais de reconnaître aux caisses primaires -souvent pleines d'initiatives mais limitées dans leurs moyens- la possibilité de consacrer librement une partie de leurs ressources à faire des expériences répondant aux besoins des personnels de santé. Certes ce fonds national "pourra être déconcentré". Encore un mot des années 60 ! On va donner une enveloppe et agir par circulaires et instructions au lieu de laisser faire ceux qui le peuvent, sur place. C'est une impasse, c'est du gaspillage.

M. Claude Evin, rapporteur - Je suis vraiment étonné de votre position. Ce fonds de modernisation de la qualité des soins de ville, ce sont les organisations syndicales qui l'ont souhaité.

M. François Goulard - Celles que vous voyez.

M. Claude Evin, rapporteur - Le rapport Stasse en a proposé la création, après concertation. Selon M. Goulard, la gestion des fonds au niveau national est rigide. Je suis en partie d'accord. C'est pourquoi je propose par l'amendement 217 corrigé de déconcentrer cette gestion. Vous réagissez comme si nous parlions de déconcentration administrative. Non. Dans le domaine de la santé, un certain nombre d'organismes ont vocation à gérer ce type de fonds au niveau régional.

M. le Secrétaire d'Etat - Je suis atterré par les arguments employés qui, en outre, sont contradictoires. Nous sommes étatistes, mais corporatistes, centralisateurs, mais enclins à la dispersion...

Mais que croyez-vous donc que nous cherchons à faire, et qu'en savez-vous ? Nous suivons les professionnels eux-mêmes, et la CSMF participait aux groupes Stasse. Tous ont dit que pour donner un contenu à ce mot magique de réseau, il fallait de l'argent, un secrétariat, des études. C'est ce que nous faisons. Mais pour vous, dès qu'il s'agit de moderniser, c'est de l'idéologie. Notre idéologie, c'est le souci de l'avenir. Nous ne faisons pas preuve du sectarisme que vous nous prêtez. Ce n'est pas une manie que d'améliorer notre système de soins, qui mérite mieux que des injures. Les fonds créés l'an dernier ont permis d'améliorer les hôpitaux, ainsi que la formation du personnel et sa mobilité. Et celui dont il est question ici sera géré par tous les partenaires et des représentants des médecins.

M. François Goulard - Où est-ce écrit ?

M. le Secrétaire d'Etat - Je vous le dis. Les décrets le préciseront.

Ce serait beaucoup d'argent ? 500 millions, c'est 0,1 % de l'ONDAM, 0,2 % de l'objectif des dépenses pour les soins de ville. Cela permettra la déconcentration. Nous ne bradons rien, nous ne figeons rien, nous ne centralisons rien. Nous aérons le système au bénéfice des malades.

M. Bernard Accoyer - Notre amendement 168 tend à supprimer l'article. Je regrette le raptus agressif du ministre. 500 millions, c'est quand même 6 % de la croissance de l'ONDAM...

M. le Secrétaire d'Etat - C'est hors ONDAM.

M. Bernard Accoyer - ...alors que vous n'avez déjà plus de marge de manoeuvre pour 1999, car les crédits seront absorbés par les dépassements de cette année.

Ce fonds est dangereux. Vous allez être sollicités, soumis à des pressions.

M. le Secrétaire d'Etat - Ce n'est pas moi qui déciderai.

M. Bernard Accoyer - L'an dernier, quelqu'un à la commission s'est vanté à l'avance d'être sûr d'en bénéficier (Exclamations sur les bancs du groupe UDF et du groupe du RPR). Mieux aurait valu utiliser ces 500 millions pour augmenter l'ONDAM que de créer un énième fonds qui entraînera des frais de fonctionnement.

M. Claude Evin, rapporteur - La commission est contre la suppression de cet article.

M. le Secrétaire d'Etat - Le Gouvernement aussi.

L'amendement 168, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. le Secrétaire d'Etat - L'amendement 433 tend à compléter le II par les mots "et de réseaux de soins liant des professionnels de santé exerçant en ville à des établissements de santé".

M. Claude Evin, rapporteur - La commission est bien sûr d'accord, puisqu'elle avait elle-même proposé cet amendement, dont je regrette profondément qu'il ait été déclaré irrecevable -il n'augmente pas les dépenses, l'enveloppe étant limitée à 500 millions. Il est nécessaire d'aider les médecins de ville non seulement à créer des réseaux entre eux, mais aussi, s'ils le souhaitent, à créer des réseaux avec un établissement de soins.

M. François Goulard - Je ne critique pas la mise à disposition de fonds pour améliorer la qualité de soins, mais la centralisation. Je plaide donc pour qu'on donne aux caisses primaires la possibilité de mener des actions expérimentales ; c'est pour ce motif que j'approuve l'amendement du Gouvernement.

L'amendement 433, mis aux voix, est adopté.

M. Jean-Luc Préel - Personne ne m'a expliqué pourquoi on a écarté un amendement que j'avais proposé et dont l'adoption aurait permis de faire des économies... Je n'ai pas eu davantage de réponse de M. le secrétaire d'Etat à propos de la formation initiale et continue.

Notre amendement 295 tend à supprimer le III, selon lequel les ressources du fonds sont constituées par une participation des régimes obligatoires d'assurance maladie. Cela signifie en effet que ces ressources font partie de l'ONDAM ; mieux vaudrait qu'elles soient mises à la disposition des professionnels de santé...

M. Claude Evin, rapporteur - Contre : si cet amendement était adopté, le fonds ne serait pas financé.

M. le Secrétaire d'Etat - Contre. Les ressources du fonds proviendront des régimes, mais seront hors ONDAM.

L'amendement 295, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Claude Evin, rapporteur - J'ai déjà présenté l'amendement 217 corrigé.

L'amendement 217 corrigé, accepté par le Gouvernement, mis aux voix, est adopté.

L'article 20 modifié, mis aux voix, est adopté.

ART. 21

M. Jacques Barrot - Je n'ai pas bien compris ce qui vient d'être dit car il me semble que l'ONDAM couvre toutes les dépenses, donc toutes les ressources, de l'assurance maladie. Je ne vois donc pas comment on pourrait, pour financer le fonds, ne pas prélever sur ces ressources.

S'agissant de l'article 21, je suis très opposé à la possibilité, pour le Gouvernement, de pratiquer en cours d'année des ajustements tarifaires. Cet article est dangereux pour plusieurs raisons.

D'abord, l'ONDAM n'est pas décliné mensuellement ; il ne pourrait l'être que de manière approximative. Le III évoque le "suivi des dépenses médicales", mais on ne précise nulle part comment celui-ci est effectué. Le Gouvernement, sans doute influencé par les évolutions fortes de 1998, édicte une règle générale qui risque de conduire à l'arbitraire.

La mesure prise pour la radiologie est inopportune et inéquitable. Dans mon département, les quatre cabinets de radiologie n'ont pratiquement pas dépassé l'objectif ; et voilà qu'ils vont subir brutalement une baisse de 13 %... Ils seront ainsi empêchés de renouveler leur matériel.

En outre, en décidant de faire une régulation infra-annuelle, on oublie les fortes fluctuations que peuvent provoquer une épidémie ou une modification de la conjoncture économique, sans parler d'une accélération ou d'un retard dans le traitement des feuilles de soins. Les instruments statistiques dont on dispose sont trop rudimentaires pour qu'on édicte une règle aussi draconienne ; le Gouvernement le reconnaît d'ailleurs implicitement, puisque l'article 16 tend à améliorer les statistiques.

Enfin, une régulation infra-annuelle est la négation de la maîtrise médicalisée. D'ailleurs, MG-France a explicitement déclaré qu'elle était inacceptable.

Je crois donc en mon âme et conscience que cette disposition n'est pas bonne.

M. Jean-Luc Préel - Cet article est l'un de ceux sur lesquels nous divergeons totalement. Nous sommes favorables à une maîtrise des dépenses, mais sur des critères médicaux, et avec une responsabilisation de chacun des acteurs. Le ministre précédent parlait de viser le "juste soin", formule que je reprends volontiers. Or vous nous proposez dans cet article une double sanction collective avec, tout d'abord, des lettres-clés flottantes, revues au bout de 4 et 8 mois. On peut d'ailleurs se demander quelle sera l'utilité de la deuxième révision, qui s'appliquera au moment où l'on discutera de la loi de financement suivante... Les laboratoires de biologie, les entreprises de radiologie sont des PME qui ont besoin de données stables.

Il y a ensuite le mécanisme de reversement collectif, ce que j'appelle "l'impôt social sur le revenu", qui est tout aussi inacceptable. Certes, les hausses d'honoraires ont toujours été collectives et personne ne s'en plaignait, mais les honoraires faisaient partie d'une convention. Avec votre système, on pénalisera de la même façon le médecin qui voit un malade par demi-heure et celui qui en voit dix à l'heure.

Nous souhaitons plutôt une individualisation des sanctions, qui est tout à fait possible avec le codage des actes et des pathologies, les relevés d'activités. On pourrait donner une compétence en ce domaine aux unions régionales. L'intérêt des Français, comme celui des professionnels, c'est d'améliorer la qualité des soins et de sauvegarder la protection sociale.

M. Bernard Accoyer - Cet article, qui est au coeur de votre dispositif, est celui qui suscite de notre part l'opposition la plus vive, car pour nous la maîtrise des dépenses ne peut être que médicalisée. M. Barrot s'est élevé à juste titre contre les lettres-clés flottantes, inaugurées cet été sans qu'on tienne compte des transferts de l'hôpital vers la médecine de ville, et qui sont insupportables du point de vue éthique et médical.

Ensuite, il y a cette "contribution conventionnelle", qui n'est en réalité qu'un reversement global, arithmétique, indexé sur les revenus. Peut-on imaginer système plus aveugle et moins médicalisé ? Certes, ce serait un système efficace, et ce n'est pas que nous refusions toute clause financière -encore faut-il laisser un espace à la liberté, à la respiration. Le dispositif précédent ne concernait que les honoraires, non cet agrégat national divisé par le nombre de médecins, et il ne jouait, le cas échéant, qu'au bout de deux ans, alors que le vôtre s'applique chaque année. Vous allez étouffer les professions de santé, à commencer par les médecins et les laboratoires, qui n'ont pourtant qu'une part de responsabilité, avec beaucoup d'autres acteurs. C'est pourquoi nous voterons contre cet article dangereux.

M. Pierre Hellier - J'ai toujours été contre la maîtrise comptable...

Mme la Ministre - Ah bon ?

M. Pierre Hellier - Je m'étais abstenu sur la loi Juppé.

Mme la Ministre - Dans ce cas, vous avez le mérite de la cohérence.

M. Pierre Hellier - Votre plan enterre aujourd'hui toute possibilité de maîtrise médicalisée : avec les clés flottantes associées au MICA et au numerus clausus, il y aura de grandes difficultés. Certes, MG France a signé votre texte, appâté par le système du médecin référent, mais pour appliquer la maîtrise médicalisée, un médecin doit être serein : ce ne sera plus le cas après le vote de ce texte.

M. François Goulard - Sur un sujet aussi important, efforçons-nous d'éviter les attaques de caractère politicien. Ce qui me paraît, à moi aussi, le plus critiquable, c'est la variation des tarifs en cours d'année, qui est tout à fait injustifiable. En ce qui concerne la contribution conventionnelle, essayons d'être aussi honnêtes que possible : il s'agit de dépenses qui ne peuvent être régulées par la consommation, puisque celle-ci est gratuite. Il faut donc une régulation globale, qui est restée, c'est vrai, imparfaite : jusqu'à une époque récente, on laissait les choses évoluer naturellement, quitte à prendre des restrictions brutales. Puis le gouvernement précédent, instruit par l'expérience, a mis en place un plan cohérent de maîtrise des dépenses, qui présentait avec le vôtre un certain nombre de différences. Le vôtre est en effet plus brutal, il ne tient pas compte des pratiques médicales. Même ceux qui estiment nécessaire une régulation globale ne peuvent que critiquer un régime de sanctions collectives qui loge à la même enseigne l'ensemble du corps médical, et nous sommes un certain nombre, au sein de l'opposition, à penser qu'un tel mécanisme ne pourra durer longtemps, et qu'il nous faudra évoluer vers un mode de gestion faisant appel à certaines formes, régulées, de concurrence.

M. Jean Bardet - Cet article est au coeur de la philosophie du Gouvernement en matière de modération des dépenses. Les sanctions sont injustes parce que collectives, et aussi parce que l'objectif de dépenses pour 1999 est déjà dépassé, compte tenu du dérapage de cette année, avant même que l'exercice suivant ne s'ouvre. En outre, cette logique purement comptable ne s'appuie sur aucune analyse des besoins réels de santé : il est significatif que rien ne soit prévu au sujet des nouvelles molécules, non remboursées, ni des progrès dans le traitement du sida, du cancer ou de l'infarctus du myocarde !

M. le Secrétaire d'Etat - Mais si !

M. Jean Bardet - Vous comparez votre méthode à celle d'Alain Juppé et Jacques Barrot, mais je m'inscris en faux : le plan Juppé était un plan biennal, qui comportait une possibilité de rattrapage la deuxième année, alors que les lettres-clés flottantes pourront être ajustées tous les quatre mois et que les médecins seront mis à l'amende dès la première année.

Mme la Ministre - Vous nous avez mal compris !

M. Jean Bardet - Cessez de dire que les deux plans sont pareils ! (Exclamations et rires sur les bancs du groupe socialiste)

Mme la Ministre - Je suis d'accord avec vous : ils sont très différents !

M. Jean Bardet - Oui, car le plan Juppé-Barrot était un très bon plan, et le vôtre est un très mauvais plan ! C'est pourquoi nous voterons contre ! (Exclamations et rires sur les bancs du groupe socialiste)

M. Philippe Vuilque - Quelle puissante argumentation !

Mme Jacqueline Fraysse - Le groupe communiste ne considère pas que cet article soit bon.

M. Pierre Hellier - Très bien !

Mme Jacqueline Fraysse - Ne parlez pas trop vite... (Sourires)

Nous sommes d'accord pour maîtriser les dépenses et pour responsabiliser les médecins. La cotation des actes n'est pas immuable, et les médecins doivent connaître la portée de leurs actes, aussi bien quant à la qualité des soins qu'à leur coût pour la collectivité. Toute la question est de savoir comment leur permettre d'optimiser leur pratique, au service du patient et au meilleur coût. Cela suppose une évaluation, individuelle et collective, voire des contrôles quand c'est nécessaire. Cela suppose des outils élaborés collectivement, avec les médecins eux-mêmes, car les problèmes ne sont pas les mêmes dans le 16e arrondissement et dans les cités populaires de banlieue - et c'est pourquoi, d'ailleurs, nous contestons la clause de sauvegarde. Comment seront fixés les quotas par département ? Comment sera-t-il tenu compte des disparités au sein d'un même département, par exemple entre Neuilly ou Saint-Cloud et Nanterre ou Gennevilliers ? Que se passera-t-il lorsque les quotas seront dépassés sans qu'aucun abus ait été constaté ? Ces questions sont au coeur de nos préoccupations, car elles mettent en cause, non seulement la qualité des soins, mais encore la déontologie médicale et la relation de confiance entre le patient et son médecin.

Ce qui m'inquiète, dans le système proposé, c'est que la logique est inversée : on commence par fixer l'enveloppe...

M. François Goulard - Très juste !

Mme Jacqueline Fraysse - C'est vous qui avez inauguré cette méthode avec le plan Juppé ! Ce qu'il faut faire, c'est au contraire partir des besoins, tels que définis avec les professionnels de santé et les responsables des caisses, et fixer en conséquence l'enveloppe adéquate, car la santé est une priorité, et l'argent nécessaire à une médecine de qualité existe. Telles sont les raisons pour lesquelles le groupe communiste ne votera pas l'article 21 en l'état.

M. Claude Evin, rapporteur - Les termes du débat ont été parfaitement posés par M. Goulard. Il s'est dit partisan, en effet, de la maîtrise des dépenses, mais a ajouté que les mécanismes de régulation proposés, tant hier qu'aujourd'hui, auraient vite atteint leurs limites, pour en conclure qu'il faudrait mettre sur pied un tout autre système, faisant une certaine place à la concurrence. La différence entre nous est là !

Dans un système concurrentiel, il y aura inévitablement sélection. Ce serait leurrer les assurés comme les professionnels que de faire croire le contraire. Si nous souhaitons maintenir le système de Sécurité sociale à la française fondé sur la solidarité, tel que ses pères fondateurs l'ont voulu en 1945 et auquel j'ai cru comprendre que les plus hautes autorités de l'Etat étaient attachées, comme d'ailleurs un grand nombre d'entre nous, bien au-delà de la gauche de cet hémicycle, alors il nous faut instituer en son sein des mécanismes de régulation. Il n'est pas d'autre voie... sauf à s'orienter dans celles tracées par M. Goulard -je n'y reviens pas.

Cela dit, des mécanismes de régulation, de reversement serais-je même tenté de dire, existaient depuis longtemps... qui touchaient universellement et uniformément l'ensemble des assurés sociaux, en toute solidarité. Dès lors que nous nous refusons d'une part à augmenter indéfiniment les cotisations pour financer des dépenses qui ne cessent de gonfler, d'autre part à diminuer les remboursements, il n'est pas anormal de solliciter les professionnels de santé.

Certes, aucun mécanisme de reversement n'a jamais été très intelligent. L'augmentation générale et uniforme des cotisations l'était-elle ? D'où l'intérêt d'en instituer en amont, par exemple dans le cadre de la négociation conventionnelle. Si nous avons élargi tout à l'heure son champ, c'est précisément pour donner aux partenaires la possibilité de négocier des accords qui éviteront le dérapage des dépenses de santé. Je crois profondément à la négociation. Elle doit réussir et je regrette l'attitude qu'ont adoptée jusqu'à présent certains syndicats médicaux.

Le dispositif prévu n'a pas par ailleurs la rigidité qu'on lui prête. Loin d'instituer un reversement au franc le franc, il prévoit "un tunnel" et surtout la possibilité pour les partenaires de se revoir en cours d'année.

Les dépenses de médecine de spécialité ont augmenté de 6,9 % sur les quatre premiers mois de l'année 1998 quand l'objectif voté l'an passé pour l'ensemble des dépenses d'assurance maladie était de 2,4 % ! Des rencontres en cours d'année permettraient de procéder aux ajustements nécessaires et d'éviter en fin d'année les reversements. J'ajoute que le dispositif ne concernera pas que les médecins. Les dépenses liées au médicament par exemple dérapent elles aussi -nous y reviendrons.

J'ai posé les termes du débat. Si nous souhaitons sauvegarder notre système de Sécurité sociale, il nous faut aller dans cette voie. Sinon d'autres solutions existent, M. Goulard les a évoquées, mais qui ne s'appuient pas sur la solidarité.

M. Jérôme Cahuzac, rapporteur pour avis - M. Evin a clairement cerné nos débats, l'un de fond, entamé avec M. Goulard et d'une manière plus générale, avec M. Madelin sur le plan national, l'autre d'opportunité qui n'est pas moins respectable.

Quelques éléments pour nourrir ce second débat. Nos collègues de l'opposition souhaiteraient opposer des médecins vertueux et d'autres qui ne le seraient pas. C'est ainsi qu'ils légitimeraient un système de reversement individuel. Or il n'est pas possible de tracer ainsi une frontière, de surcroît étanche, au sein du corps médical.

Si un médecin souhaite, par choix personnel, travailler 15 heures ou 18 heures par jour, lui imposerez-vous de réduire son temps de travail à 39 heures ou 35 heures ? En ce domaine, quantité et qualité ne sont pas nécessairement antagonistes, même si elles peuvent dans certains cas s'exclure l'une l'autre.

De même, vous refusez que la tarification des actes puisse être abaissée en cours d'année. Mais n'oubliez jamais qu'un médecin qui exerce son art est aussi un ordonnateur de dépenses publiques. Au nom de quoi serait-il exclu que des régulations budgétaires le touchent ? Nous acceptons bien, sans état d'âme particulier, comme vous-mêmes l'avez accepté, que des gouvernements procèdent à des régulations budgétaires en cours d'année ?

Vous avez également invoqué la brutalité du dispositif. Mais au fond, est-il plus brutal de faire ce que nous avons toujours annoncé ou le contraire ?

M. Jean Le Garrec, président de la commission des affaires sociales - Avec l'article 21, nous abordons un débat fondamental au cours duquel nous allons être amenés à affirmer nos convictions, d'autant que le sujet est par nature complexe et non transparent.

Je tiens d'emblée à m'expliquer sur les deux termes "comptable" et "sanction". "Comptable" sonne pour certains comme un jugement de valeur. Mais, mes chers collègues, nous sommes comptables de l'intérêt général, nous sommes comptables de la santé publique et des moyens publics dont elle dispose. Et lorsqu'on ne compte pas, quelqu'un finit toujours par payer, et ce sont les plus pauvres, les plus démunis.

M. Claude Evin, rapporteur - Tout à fait.

Mme la Ministre - En effet.

M. le Président de la commission - Le médecin soigne, guérit, accompagne vers la mort -c'est la grandeur de son métier- mais il est aussi dans le même temps, très humblement, un ordonnateur de dépenses publiques. Comment assumer cette terrible contradiction ?

Et j'en viens au mot "sanction". Quand on prend la décision d'augmenter les prélèvements ou de diminuer les remboursements, ce qu'ont fait tous les gouvernements successifs, est-ce que l'on sanctionne les citoyens ?

M. Goulard et M. Mattei affirment que la maîtrise médicalisée n'a jamais fonctionné et ne fonctionnera jamais. Mais elle n'a jamais été vraiment essayée ! Tel est précisément l'enjeu des années qui viennent. Claude Evin avait amorcé une telle politique, René Teulade s'y est aussi essayé, tout comme Alain Juppé, mais de manière très maladroite. Cette fois, le Gouvernement tient compte de l'expérience et fait jouer la responsabilité des acteurs principaux, les médecins.

Quant à la clause de sauvegarde, son premier objectif est de ne pas être appliquée. Si les médecins admettent, même si c'est difficile, qu'ils sont à la fois acteurs de santé et comptable des moyens publics, si nous les incitons à le faire, alors la réforme sera couronnée de succès. A défaut, seules deux solutions subsisteraient : l'étatisation, systématiquement récusée, et la mise en concurrence, dont on connaît le prix. Ce sont donc les médecins et, bien sûr, les citoyens qui paieraient l'échec. Tel est l'enjeu de cet article (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

Mme la Ministre - Le rapporteur et le président de la commission ont bien posé le débat. Nous voulons défendre la Sécurité sociale telle qu'elle est, comme un élément majeur de la cohésion sociale, car, quand elle va mal, ce sont les plus pauvres qui en pâtissent. D'autres, tels MM. Mattei et Goulard, pensent déjà à un autre système.

Maîtriser l'évolution des dépenses de santé signifie pour nous soigner mieux, soigner tout le monde, tout en veillant à la meilleure allocation des ressources. Il n'est certes pas facile d'y parvenir.

Vous-même, Monsieur Barrot, dont je suis sûre que vous voulez comme nous défendre la Sécurité sociale, vous avez plusieurs fois changé d'avis à cet égard, ce qui est fort compréhensible sur un tel sujet. Et vos collègues ont applaudi debout M. Juppé lorsqu'il a proposé un système de reversement que vous critiquez aujourd'hui.

Nous savons que seules des mesures structurelles peuvent changer l'organisation de la santé, permettant que chacun soit soigné avec plus de sécurité et à un moindre coût. L'ancien Premier ministre pensait que seule la coercition peut entraîner un changement de comportement. Je crois plutôt, moi, aux réformes structurelles, engagées avec les acteurs de santé par la voie conventionnelle. Ainsi l'on évitera des dérapages qui tireraient notre système vers le modèle américain, dans lequel 40 millions de personnes n'ont pas accès aux soins. Nous cherchons au contraire à assurer la couverture maladie universelle, afin de mieux protéger les plus faibles.

Vous avez dit, Monsieur Barrot, ne pas comprendre notre système. Mais, en 1996, soutenant le plan Juppé, vous disiez à Libération : "S'il y a un dépassement important, une partie en sera imputable aux honoraires payés aux médecins". Je pourrais reprendre ce propos.

En mai 1998, commentant notre politique, vous avez déclaré que "ce n'est pas en desserrant l'étau que l'on peut agir en profondeur". Mais je n'ai pas l'impression que c'est ce que nous avons fait, car nous en savions les risques.

Il s'agit aujourd'hui de poser la responsabilité des médecins, individuelle, par la nécessité de mieux s'informer, de mieux se former, de travailler en réseau pour le bien des malades et aussi pour mieux dépenser ; collective, en instituant une évaluation sur les médecins eux-mêmes et en prévoyant une clause de sauvegarde.

Cette clause ne vise pas à mettre en place des lettres flottantes, encore que vous-même ayez déclaré au Quotidien du médecin en février 1998 : Nous avons imaginé le système des remboursements d'honoraires, mais ce n'est pas le seul. On peut imaginer les lettres clés flottantes ou un autre dispositif."

M. Jacques Barrot - Pas les deux en même temps.

Mme la Ministre - Avec les lettres clés flottantes, si vous dépassez vos honoraires ou vos préscriptions, automatiquement, les lettres baissent. Tel n'est pas le mécanisme que nous instituons. En fait, nous avons la volonté que la clause ne joue pas. Mais nous ne pouvons pas regarder les dépenses augmenter sans rien faire. Il faut se mettre autour d'une table, se demander s'il y a des raisons objectives au dépassement ou s'il s'agit de dérapages, comme pour l'auto-prescription des radiologues, que je persiste à juger inacceptable. Nous proposons donc que la CNAM et les syndicats de médecins fassent le point après quatre mois, après huit mois, et éventuellement prennent des mesures. Je souhaite vivement que cela se fasse par la voie conventionnelle. Si nous sommes intervenus en juillet pour les radiologues, c'est parce qu'il n'y avait plus de convention et parce qu'il n'y avait aucune raison pour que l'ensemble des médecins paient pour ces dérapages. D'ailleurs, même s'il y en avait eu une, l'article L. 162-38 du code de la Sécurité sociale nous aurait permis d'intervenir.

La plupart des professions ont compris nos intentions et nous avons signé des protocoles avec les biologistes, l'industrie pharmaceutique, l'industrie des dispositifs médicaux, les dentistes, les masseurs kinésithérapeutes et les orthophonistes, qui ont ainsi reconnu que certaines pratiques ne sont pas acceptables et que des décisions s'imposent.

Quant à la clause de sauvegarde, elle n'est pas une sanction contre les médecins mais une reconnaissance de leur responsabilité collective. La Sécurité sociale solvabilise l'ensemble des malades et permet aux médecins de remplir leurs fonctions. Quand les taux de remboursement baissent ou quand les cotisations augmentent, on ne se demande pas si l'usager que ces mesures touchent est vertueux... Les médecins vivent de la Sécurité sociale, il est normal qu'ils soient collectivement responsables. Dans un système privé, ils seraient bien moins nombreux.

En outre, cette clause n'est que temporaire, car nous croyons que les réformes structurelles porteront leurs fruits.

Ensuite, il s'agit d'un mécanisme de responsabilité collective. Mme Fraysse aurait souhaité qu'il soit individuel. Mais c'est alors que l'on avait eu un rationnement de la santé. S'il ne peut pas être individuel, ce mécanisme doit être juste. Il l'est parce qu'il est simple et que chacun est responsable à hauteur de ses revenus. C'est aussi un mécanisme à visée préventive et d'ultime recours. Il est souple et prévoit un "tunnel" dont nous discuterons avec les partenaires sociaux. Les médecins installés depuis moins de sept ans sont exonérés, et ce mécanisme n'implique pas que les médecins mais aussi l'industrie pharmaceutique.

Monsieur Hellier, MG n'a pas été "appâté" par l'institution de médecin référent -mesure préparée sous M. Barrot. Nous ne sommes pas des maquignons. Nous avons discuté avec eux depuis un an et chacun a pris ses responsabilités.

Faut-il défendre le système de Sécurité sociale et le mettre à bas pour le remplacer par un autre ? Notre choix est fait. Il nous faut mettre en place une clause de sauvegarde collective. Ce n'est pas de gaieté de coeur. J'espère qu'elle jouera le moins possible et le moins longtemps possible. M. Evin et M. Barrot y ont contribué. De plus en plus de médecins le comprennent. Le pari n'est pas facile mais les Français le comprendront car ils tiennent à la Sécurité sociale et à un système de santé qui leur apporte beaucoup. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste)

M. Jacques Barrot - Je souhaite répondre d'un mot.

M. le Président - Vous êtes intervenu et nous allons passer aux amendements.

Mme la Ministre - Disons que j'ai posé une question à M. Barrot.

M. Jacques Barrot - J'ai été assez cité pour dire quelques mots -et ce ne seront pas des propos oiseux. Monsieur le Président, si vous voulez que l'on ait des comportements vertueux, il faut savoir les encourager.

J'ai bien pris soin d'évoquer les modalités de la régulation économique. Cette régulation est nécessaire tant que nous n'aurons pas un système de maîtrise médicalisée individuelle, tant que le codage et l'informatisation ne permettront pas au médecin conseil de sanctionner le médecin qui s'est éloigné du juste soin mais aussi le consommateur abusif. Il faut y parvenir.

J'ai reconnu que les modalités de la régulation économique mise en place auparavant n'étaient pas satisfaisantes et qu'il fallait renégocier. Mais prenez garde de ne pas commettre à votre tour une erreur. Avec ce rendez-vous presque trimestriel, vous pourriez donner le sentiment que la maîtrise médicalisée n'est plus la régulation prioritaire, même si vous dites qu'elle l'est. Je déplore que le syndicalisme médical n'accepte pas de cogérer cette maîtrise médicalisée. C'est la seule solution. Mais attention à ne pas faire d'une clause de sauvegarde économique une régulation au quotidien. Vous donneriez raison à ceux qui se sont mis en congé de la maîtrise médicalisée.

Sur les lettres-clés flottantes -car des baisses de tarif linéaire, cela y ressemble fort- vous m'avez répondu que l'avais moi-même évoqué la possibilité d'y recourir. Oui, mais on ne peut pas faire cela et une clause de sauvegarde générale en même temps. Je ne vous cache pas que la mesure qui a frappé les radiologues m'a paru un peu aveugle.

Il ne faut pas s'installer dans la régulation économique. C'est le dernier recours. Tous les efforts doivent porter sur la maîtrise médicalisée (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF, du groupe DL et du groupe du RPR).

M. Jean-Luc Préel - Notre amendement 297 est de suppression. Cet article est essentiel et je regrette que nous ne puissions pas en discuter plus à fond.

Mme Jacqueline Fraysse - Il ne fallait pas perdre de temps auparavant !

M. Jean-Luc Préel - M. Evin a parlé de façon intelligente -le président de la commission plus encore- mais il est bien manichéen : il y a ceux qui veulent sauvegarder la protection sociale, et les autres ! Mme la ministre a été plus claire. Il y a ceux qui veulent aller vers la privatisation et ceux qui veulent préserver la protection sociale. Parmi ceux-là, certains veulent des sanctions collectives, d'autres une responsabilité individuelle car ils placent la personne au-dessus de la société.

Vos mesures, comptables et collectives, seront efficaces. Les rendez-vous tous les 4 ou 8 mois aboutiront à généraliser le mécanisme que vous avez appliqué en juillet, qui revient à diminuer la valeur des lettres-clés. Pour les PME que sont les laboratoires de biologie et de radiologie, il n'y aura plus de recettes prévisionnelles.

M. Cahuzac a eu des formules ironiques. Mais qui était au gouvernement lorsqu'on a instauré les quotas d'actes pour les infirmières ? Selon vous cela ne s'appliquera pas aux médecins. Mais quelle est la différence ?

M. François Goulard - Les trois groupes de l'opposition ont tenu à déposer ensemble l'amendement de suppression 372 car ils sont unis dans leur hostilité à l'article 21. Notre discussion a pris une certaine hauteur. En particulier, les propos de M. Le Garrec m'ont réellement ému. Lorsque j'étais enfant en Bretagne, les assurances sociales n'existaient pratiquement pas pour les agriculteurs. J'ai vu certains d'entre eux retirer leur enfant de l'hôpital au bout de trois jours, alors qu'il n'était pas guéri, parce qu'ils ne pouvaient plus payer. Vous comprendrez donc mon attachement fondamental à ce que chaque Français ait une assurance maladie et le meilleur remboursement possible.

Jean Le Garrec a présenté le vrai débat, ce choix décisif et parfois tragique que doit faire le médecin entre la maîtrise de la dépense et la nécessité de soigner.

J'ai été très critique à l'endroit de la Sécurité sociale ; j'aurais dû souligner davantage que c'est un progrès social formidable et que nous avons beaucoup de chance d'en bénéficier. Mais pour l'avenir, il me semble que la manière la plus efficace et la plus humaine de réaliser les arbitrages nécessaires est le dialogue direct entre celui qui a la responsabilité économique et celui qui prend la décision médicale, dans un cadre décentralisé. Le principal reproche que je fais à notre Sécurité sociale actuelle est d'organiser le dialogue au seul niveau national, entre des organisations syndicales et des fonctionnaires qui, les premières comme les seconds, sont loin du terrain.

Or, la décentralisation et l'autonomie, j'ose le dire même si le mot fait peur, appellent immanquablement la concurrence. Il n'est pas souhaitable que les assureurs privés soient présents sur le marché de la Sécurité sociale ; mais une concurrence organisée, fondée sur des principes clairs, entre les caisses de Sécurité sociale, entre les mutuelles, mérite d'être essayée. Je prône donc une expérimentation, en m'appuyant sur les exemples des Pays-Bas, de l'Allemagne, de la Suisse, pays où la protection sociale et le niveau sanitaire sont de grande qualité. Il y a d'autres solutions que le contrôle global des dépenses de santé ; je ne dis rien d'autre et je récuse d'avance toute caricature.

M. Claude Evin, rapporteur - La commission est bien évidemment contre les amendements de suppression. Mais je voudrais rendre hommage à l'ensemble de nos collègues pour la qualité de ce débat. Nous n'en avions sans doute encore jamais eu d'aussi approfondi sur ce sujet ; mais il n'est pas clos...

M. le Secrétaire d'Etat - Avis défavorable.

M. Bernard Accoyer - Je me félicite moi aussi que nous ayons un débat élevé, et surtout qu'il puisse avoir lieu, grâce aux ordonnances de 1996.

Mais je regrette que cet article 21 traduise le choix d'une voie coercitive, qui tourne le dos à la maîtrise médicalisée. La clause économique qui existait méritait d'être améliorée ; nous connaissons les outils, dont il faudrait accélérer la mise en place. Par ailleurs, les ordonnances prévoyaient une assurance maladie universelle, qui aurait permis une harmonisation au niveau national et une concurrence entre les caisses au niveau régional. L'article 21, au contraire, va conduire à une forme larvée d'étatisation, solution que je récuse autant que la privatisation. Si nous voulons sauvegarder notre sécurité sociale, nous ne pouvons l'accepter en l'état.

M. Jean-Paul Bacquet - Je voudrais revenir sur les lettres-clés flottantes. Nous les dénonçons tous quand elles évoluent à la baisse, mais a-t-on entendu un seul médecin, un seul parlementaire les dénoncer quand il s'agissait d'augmenter les honoraires libres?

Par ailleurs, peut-on considérer comme responsables des syndicats qui ne cessent de dénoncer le rationnement des soins alors que nous ne voulons qu'une rationalisation, qui ne cessent de dénoncer les pénalités alors que nous ne voulons que la responsabilité de chacun ?

Un professeur de grand service hospitalier me disait hier au téléphone que, bien sûr, il soignait de la même façon le plus pauvre et le plus riche ; mais arrivent-ils dans son service au même stade de la maladie ? Ont-ils été l'un et l'autre bien suivis ? Tel est bien le problème de la maîtrise médicalisée.

Celle-ci suppose des moyens. Sesam-Vitale, c'est l'informatisation vue par le petit bout de la lorgnette. Il faut se donner les moyens de mieux connaître les pratiques médicales. Faisons confiance aux partenaires conventionnels pour prendre leurs responsabilités.

Nous sommes devant un véritable choix de société. Pour ma part, je suis pour un système fondé sur la solidarité (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

Les amendements 297 et 372, mis aux voix, ne sont pas adoptés.

M. Jean-Luc Préel - Nous ne souhaitons pas de sanctions collectives, je l'ai dit. L'amendement 299 vise à supprimer les clés flottantes.

L'amendement 299, repoussé par la commission et le Gouvernement, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Jean-Luc Préel - Rappel au règlement -article 98, 6. Le droit d'amendement est essentiel, et je proteste solennellement contre l'irrecevabilité qui frappe plusieurs de mes amendements, et notamment l'amendement 298. En effet, alors qu'on a accepté l'amendement 297 qui supprimait l'article et l'amendement 299 qui supprimait le I, on a écarté l'amendement 298 qui supprimait le I, II, III. Où est la logique ?

M. le Président - Le même article du Règlement précise bien que c'est le président de la commission des finances qui se prononce sur la recevabilité des amendements.

M. François Goulard - L'amendement 248 est défendu.

L'amendement 248, repoussé par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. François Goulard - L'amendement 206 corrigé est défendu.

M. Bernard Accoyer - Moi aussi, j'ai été victime du couperet de l'irrecevabilité pour plusieurs amendements importants, concernant par exemple la retraite par capitalisation, la publication du rapport annuel de la commission de contrôle des mutuelles, ou encore l'obligation de placer une photo sur la carte d'assuré social. L'amendement 193 est défendu.

Les amendements 206 corrigé et 193, repoussés par la commission et le Gouvernement, et mis aux voix, ne sont pas adoptés.

Les amendements 194 et 196 corrigé de M. Accoyer et 249 de M. Goulard, repoussés par la commission et le Gouvernement, et successivement mis aux voix, ne sont pas adoptés.

M. le Président - Les amendements 195 et 197 tombent.

M. Claude Evin, rapporteur - L'amendement 59 permet de décliner l'objectif des dépenses médicales par spécialités -mais je reconnais que cela peut être difficile à mettre en oeuvre.

Mme la Ministre - Je comprends ce souci, mais un tel amendement est prématuré. Une réflexion est en cours à ce sujet.

M. Bernard Accoyer - Je suis d'accord avec Mme la ministre. A multiplier les enveloppes, on finira par rendre le système ingérable.

L'amendement 59, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Jérôme Cahuzac, rapporteur pour avis - L'article prévoit un "tunnel" en cas de dépassement des objectifs, et il faut que cette soupape existe. Dans un souci de symétrie, néanmoins, l'amendement 15 le supprime si l'objectif est respecté. Cela dit, on m'a fait valoir que des discussions étaient en cours, et que les choses ayant changé depuis l'adoption de cet amendement par la commission des finances, celui-ci était moins justifié : il pourrait donc être repoussé.

Mme la Ministre - Merci.

M. Claude Evin, rapporteur - La commission des affaires sociales avait repoussé l'amendement.

Mme la Ministre - Je souhaite le rejet pour les raisons que M. Cahuzac a exposées.

M. Bernard Accoyer - Ce tunnel, c'est 10 % de la hausse prévue de l'ONDAM, soit 80 millions, un jour de dépenses-maladie en ambulatoire !

L'amendement 15, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Bernard Accoyer - L'amendement 203 complète ainsi l'article : "Cette contribution ne peut être exigée lorsque les frais de gestion des Caisses de sécurité sociale augmentent plus rapidement que le taux d'inflation".

L'amendement 203, repoussé par la commission et le Gouvernement et mis aux voix, n'est pas adopté.

L'amendement 198 de M. Accoyer, repoussé par la commission et le Gouvernement et mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Claude Evin, rapporteur - L'amendement 60 rectifie une erreur.

Mme la Ministre - Favorable.

L'amendement 60, mis aux voix, est adopté.

M. Bernard Accoyer - L'amendement 182 est de repli : il s'agit d'exonérer de la contribution conventionnelle les médecins dont le montant des honoraires remboursés n'a pas augmenté au cours de l'année.

L'amendement 182, repoussé par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Bernard Accoyer - L'amendement 199 est également de repli : il s'agit de subordonner l'imposition d'un reversement à la vérification individualisée, et préalable, du respect des bonnes pratiques, ainsi qu'à l'évaluation des nouvelles contraintes sanitaires et démographiques et des progrès techniques et scientifiques. Ces évaluations seraient faites par les comités paritaires locaux.

L'amendement 199, repoussé par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Bernard Accoyer - Les amendements 200 et 403 sont défendus.

Les amendements 200 et 403, repoussés par la commission et par le Gouvernement, successivement mis aux voix, ne sont pas adoptés.

M. Claude Evin, rapporteur - L'amendement 61 est de clarification rédactionnelle.

L'amendement 61, accepté par le Gouvernement, mis aux voix, est adopté.

Mme la Ministre - L'amendement 421 confirme, pour apaiser ceux qui craignent la réduction automatique des lettres-clés, qu'elle se produira seulement "lorsque le montant des dépenses réalisées n'est manifestement pas de nature à permettre le respect de l'objectif des dépenses médicales".

M. Claude Evin, rapporteur - C'était implicite, mais il vaut encore mieux l'expliciter.

L'amendement 421, mis aux voix, est adopté.

M. Bernard Accoyer - L'amendement 402 est de repli : si reversement il doit y avoir, nous souhaitons qu'il soit discuté et établi dans le cadre conventionnel.

L'amendement 402, repoussé par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Claude Evin, rapporteur - Les amendements 62 et 63 sont rédactionnels.

Les amendements 62 et 63, acceptés par le Gouvernement, successivement mis aux voix, sont adoptés.

M. Bernard Accoyer - L'amendement 202 est encore de repli : le reversement ne devrait pas être exigé sans que les caisses de sécurité sociale aient auparavant présenté des éléments d'explication, épidémiologiques, démographiques ou liés au progrès scientifique, de la hausse des dépenses. Médecins et laboratoires ne doivent pas être présentés comme les seuls responsables de la dérive des dépenses.

L'amendement 202, repoussé par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Bernard Accoyer - L'amendement 204 fait porter le poids du reversement sur les seuls médecins dont les honoraires et prescriptions remboursés ont augmenté plus vite que l'ONDAM.

L'amendement 204, repoussé par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Bernard Accoyer - L'amendement 184 tient compte de la situation financière inextricable que le reversement créera à nombre de praticiens qui auront dû réduire leur activité pour des raisons diverses.

L'amendement 184, repoussé par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Bernard Accoyer - L'amendement 185 est défendu.

L'amendement 185, repoussé par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, n'est pas adopté.

L'article 21, modifié, mis aux voix, est adopté.

ART. 22

M. Jean-Pierre Foucher - L'amendement 300 tend à supprimer l'article.

L'amendement 300, repoussé par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Jean-Luc Préel - L'amendement 175 est défendu.

L'amendement 175, repoussé par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Bernard Accoyer - La référence aux "honoraires perçus" et aux "prescriptions réalisées" n'est pas rigoureuse. L'amendement 187 leur substitue celle aux "honoraires remboursés" et aux "prescriptions remboursées". Il ne faut pas dévoyer l'esprit des ordonnances de 1996.

M. Claude Evin, rapporteur - Avis défavorable.

Mme la Ministre - Même avis (Exclamations sur les bancs du groupe du RPR).

M. Bernard Accoyer - C'est un peu court !

L'amendement 187, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Jérôme Cahuzac, rapporteur pour avis - L'amendement 16 de la commission des finances est le pendant de son amendement 15. Compte tenu de l'accord prometteur signé par un syndicat de médecins avec la CNAM, je crois devoir et pouvoir le retirer.

L'amendement 16 est retiré.

Mme la Ministre - L'amendement 439 abroge, par cohérence, les dispositions relatives aux reversements qui sont issues des ordonnances de 1996, à compter de la date de l'annulation de la convention des généralistes par le Conseil d'Etat.

M. Claude Evin, rapporteur - Non examiné, mais j'y suis favorable.

L'amendement 439, mis aux voix, est adopté, de même que l'article 22, ainsi amendé.

APRÈS L'ART. 22

M. Claude Evin, rapporteur - L'amendement 430 rectifié vise à améliorer l'information du Parlement sur la santé bucco-dentaire de la population, en vue d'améliorer le niveau de remboursement des soins dentaires, notamment d'entretien et de prévention, dont chacun reconnaît qu'il n'est pas suffisant. Il va de soi que cette amélioration doit intervenir dans le cadre de la négociation conventionnelle et dans celui de la révision de la nomenclature.

La Cour des comptes relève dans son rapport que les chirurgiens-dentistes ont pu maintenir l'opacité sur les prix facturés par les prothésistes et les coefficients multiplicateurs appliqués aux prothèses censés rémunérer leurs prestations. Plus de transparence serait donc nécessaire. Le Conseil national de la consommation avait préconisé dans un avis de décembre 1994 l'obligation pour le praticien d'adjoindre à la feuille de soins remise au patient copie de la facture de la prothèse. Cet avis avait été adopté à l'unanimité des deux collèges du Conseil, moins une abstention dans le collège des professionnels. Nous proposons dans la deuxième partie de cet amendement d'inscrire cette obligation dans la loi.

M. Bernard Accoyer - Rappel au Règlement fondé sur l'article 98, alinéa 4. La commission avait adopté un amendement que j'avais proposé de sous-amender. Mon sous-amendement n'ayant pas été adopté, j'avais décidé de le présenter de nouveau en séance publique. Or, ni l'amendement de la commission ni mon sous-amendement ne figurent dans la liasse. Je demande une suspension de séance afin de tirer cette affaire au clair.

M. Claude Evin, rapporteur - L'amendement que j'ai déposé en commission a été déclaré irrecevable par la commission des finances, j'ai oublié de le préciser. Je dépose donc ici un amendement à titre personnel, différent de celui adopté par la commission. S'y est notamment ajoutée l'obligation d'informer le Parlement sur l'état de la santé bucco-dentaire de la population et le niveau de remboursement des soins.

M. Bernard Accoyer - Quoi qu'il en soit, je demande une suspension de séance afin de pouvoir déposer des sous-amendements.

La séance, suspendue le vendredi 30 octobre à 0 heure 5, est reprise à 0 heure 15.

M. Bernard Accoyer - Sous prétexte d'une clarification, la mesure proposée est extrêmement brutale. Afin de l'atténuer quelque peu, mon sous-amendement 445 en subordonne l'application à l'établissement d'une nouvelle nomenclature des actes de chirurgie dentaire.

En effet, la nomenclature actuelle, qui date de plusieurs dizaines d'années, ne permet plus qu'un remboursement à hauteur de 50 %, les actes les plus mal remboursés étant en outre ceux de prévention et de conservation. On ne peut donc que déplorer que le Gouvernement ait brutalement rompu les négociations cet été et remis sine die la réforme tarifaire.

M. Yves Bur - En imposant aux dentistes de présenter les factures de prothèse, vous stigmatisez une profession qui s'est spontanément engagée dans cette voie depuis des années, au lieu de vous attaquer au fond du problème.

Les soins de conservation et de prévention sont mal remboursés, sur la base d'une nomenclature que la Cour des comptes a qualifiée d'obsolète, qui date de 1960, qui n'a pas tenu compte des progrès techniques et qui, figée depuis dix ans, ne couvre même plus la réalisation des pièces. Les soins prothétiques sont ainsi hors de portée de beaucoup. Contrairement à ce qui a été dit, il ne s'agit pas simplement d'un achat et d'une revente, mais d'un acte complexe.

Ce n'est pas en imposant des contraintes sans précédent à une profession que l'on facilitera l'accès à des soins de qualité.

Je vous rejoins en revanche sur la nécessité d'un rapport qui nous permettrait de mieux apprécier la situation désastreuse des soins et de l'hygiène bucco-dentaire.

Mieux vaudrait encourager le Gouvernement et l'assurance maladie à rechercher d'autres moyens. La profession avait d'ailleurs négocié, dans la convention de 1997, la revalorisation des actes de prévention et de conservation en contrepartie d'un encadrement des actes prothétiques.

Il faudrait aujourd'hui remettre à plat tout le système et aller vers une véritable politique de santé bucco-dentaire, qui aura bien sûr un coût.

J'en viens à mes sous-amendements. Le 444 conditionne l'application du nouveau dispositif à la révision de la nomenclature. Le 442 impose aux laboratoires d'indiquer le pays de fabrication car les dentistes n'ont aucune responsabilité dans la mise en place de véritables filières, notamment asiatiques, qui réalisent maintenant 25 % des prothèses. Cette proposition sera de nature à préserver l'emploi dans les laboratoires français. Enfin, le sous-amendement 443, dans un souci de transparence, prévoit que "le ministère de la santé déterminera les modalités d'inscription des pièces prothétiques bucco-dentaires au tarif interministériel des prestations sanitaires."

M. Claude Evin, rapporteur - La commission avait adopté un amendement qui a été déclaré irrecevable. J'ai donc déposé, à titre personnel, un autre amendement auquel le rapporteur est, bien sûr, favorable...

Cet amendement n'a pas la prétention, Monsieur Bur, de régler l'ensemble du problème de la prise en charge des soins bucco-dentaires. Mais dans la mesure où il appartient aux partenaires de négocier, à la commission de la nomenclature d'avancer vers la révision, tel est le seul moyen pour le Parlement d'exprimer le souhait, partagé par tous j'en suis sûr, que les choses bougent, que l'on n'en reste pas avec des soins aussi mal remboursés.

La première partie de l'amendement fait en sorte que nous disposions d'informations plus précises lors de l'examen de la prochaine loi de financement. La seconde partie répond au souci de transparence évoqué par la Cour des comptes et par le Conseil national de la concurrence.

Si les professionnels s'entendent avec les caisses et le ministère sur des règles plus transparentes, ce dispositif sera abandonné. Pour l'instant, il est nécessaire pour faire évoluer ce secteur. En revanche, il ne faut pas accepter le sous-amendement 442 qui concerne plutôt des relations commerciales entre dentistes et prothésistes, le sous-amendement 443 qui propose une mesure acceptable mais ne relevant pas de la loi, ni le sous-amendement 444.

M. le Secrétaire d'Etat - M. Barrot avait engagé une action. Il faut aller plus loin. C'est l'occasion de le faire avec cet amendement. Les dentistes ne sont pas pénalisés.

Je rappelle que la convention signée par la CNAM a constitué une avancée sur la prévention, mais c'est insuffisant. Les dentistes ont bénéficié des deux premières tranches de revalorisation de la nomenclature et de la revalorisation de la lettre-clé. La troisième tranche prévue pour le 1er juillet et qui aurait conduit à une augmentation de 1,4 % des dépenses de l'année a été reportée car ces dépenses ont augmenté de 5,9 % pour les quatre premiers mois de 1998. Nous réexaminerons cela, mais il faut d'abord essayer d'y voir plus clair.

Les sous-amendements 445, 442, 443, 444, successivement mis aux voix, ne sont pas adoptés.

L'amendement 430 rectifié, mis aux voix, est adopté.

ART. 23

M. Jacques Barrot - L'exercice du droit de substitution par un médicament générique est fondé. Il faut simplement assurer à la fois la sécurité et la simplicité en laissant les professionnels et l'assurance maladie prendre des dispositions produit par produit. Il faut aussi que la pharmacie d'officine soit préservée des excès de sollicitation commerciale. Nous souhaitons tous pour l'assurance maladie que la substitution réussisse.

M. Bernard Accoyer - Jacques Barrot a dit l'essentiel. J'ajoute que l'on n'utilise pas assez le réseau exceptionnel des pharmacies d'officine qui pourraient contribuer grandement à contenir les dépenses de l'assurance maladie en jouant un rôle de conseil et en permettant une automédication contrôlée. La substitution générique n'est de toute façon qu'une substitution limitée. Elle pose cependant un problème de responsabilité. Nous y sommes favorables.

M. Yves Bur - Nous nous félicitons de cette mesure mais il faut préciser les conditions de sa mise en oeuvre. La substitution doit se faire avec l'accord du patient qui doit être bien informé. La responsabilité du pharmacien doit être couverte. Il serait peut-être plus simple que les médecins utilisent pour leurs prescriptions la dénomination commune internationale. Il y aura quelques réticences. Déjà les laboratoires distribuent des tampons avec les noms des produits substituables. Il faut être vigilant.

M. Jean-Pierre Foucher - Cette disposition était attendue. Elle élargit le droit de substitution déjà possible sous certaines conditions en application de l'article R 5015-61 du code de la santé publique. La formation des pharmaciens d'officine les rend tout à fait aptes à assurer cette tâche. Il faut que le patient soit bien informé et donne son accord. Le nom du produit de substitution doit être porté sur l'ordonnance. La rémunération du pharmacien doit rester la même qu'il s'agisse du produit princeps ou du produit de substitution. Si le produit de substitution est plus cher que le générique habituel pour des raisons techniques, le pharmacien ne doit pas être sanctionné. La loi "anti-cadeau" -l'article L 365-1 du code de la santé publique- doit s'appliquer aux pharmaciens pour éviter la surenchère commerciale.

Il faut enfin définir clairement les responsabilités du prescripteur, du pharmacien et du laboratoire et affirmer qu'on ne peut sanctionner la substitution si elle est effectuée dans les conditions prévues par la loi.

M. Jean Bardet - Certains malades sont attachés à un médicament, et il est difficile de leur expliquer l'intérêt du générique. Que se passe-t-il s'ils ne sont pas d'accord pour la substitution ? En cas de dépassement de l'ONDAM, qui est responsable ? Le médecin, le pharmacien ou le patient ?

Normalement, il y a responsabilité conjointe du médecin prescripteur et du pharmacien. Imaginons que le médicament délivré à la place de celui qui a été prescrit entraîne un problème de pharmacovigilance. Qui est alors responsable ?

Enfin, ne peut-on envisager une autre façon de fixer le prix du médicament ? Le prix fixé lors de sa sortie serait dégressif pendant dix ans avant que le produit ne tombe dans le domaine public. Il serait alors au prix du générique et il n'y aurait plus besoin de substitution.

Mme Jacqueline Fraysse - La prescription de médicaments génériques est souhaitable mais cet article appelle de notre part plusieurs observations.

D'abord, comment expliquer que l'écart moyen de prix entre les médicaments génériques et les médicaments équivalents soit de 30 % ? Un contrôle plus rigoureux et une plus grande transparence dans l'élaboration des prix seraient nécessaires.

Ensuite, il faudrait obtenir que les laboratoires dépensent moins en publicité et en visiteurs médicaux qui, en vantant chacun les mérites de leurs produits, ne donnent pas aux médecins une information claire.

Il conviendrait en revanche de permettre aux médecins de prescrire davantage de médicaments génériques, en les informant par tous les moyens -formation initiale, dossiers, conférences...

Ce qui nous est proposé nous paraît difficilement applicable : je vois mal les médecins indiquer sur chaque ordonnance les médicaments pour lesquels ils acceptent une substitution, d'autant qu'ils pourraient alors faire cette substitution eux-mêmes. En outre, c'est un système dangereux car si un accident survient après substitution, le médecin se sentira dégagé de sa responsabilité. Enfin les patients, qui font confiance à leur médecin, risquent d'être inquiets de voir le pharmacien modifier le traitement qui leur a été prescrit.

M. Jean Bardet - Eh oui...

Mme Jacqueline Fraysse - Je passe sur les conflits qui risquent de naître entre les médecins et les pharmaciens.

En résumé, nous sommes d'accord pour qu'on mène une action résolue en faveur de l'utilisation de génériques, source d'économies pour la Sécurité sociale, sans être préjudiciable à la qualité des soins ; mais nous émettons des réserves sur la possibilité donnée au pharmacien d'opérer une substitution. Nous nous abstiendrons donc sur cet article.

M. Claude Evin, rapporteur - Les génériques représentent 4 à 5 % du marché des médicaments de ville en France, contre 20 % en Allemagne, 15 % en Grande-Bretagne, 12 % aux Etats-Unis. Or ce sont des médicaments qui ont la même efficacité que les autres ; mais ils peuvent être vendus à un prix moindre parce qu'ils sont tombés dans le domaine public.

La substitution par le pharmacien ne sera pas suffisante pour développer l'usage des génériques : il faudra aussi faire en sorte que médecins prescripteurs et patients soient mieux informés. Mais cette substitution est nécessaire. A cet égard, je voudrais rappeler que les pharmaciens sont des professionnels de santé ; je pense que les Français ont confiance en eux, comme ils ont confiance dans leur médecin. Nous devrons, par l'adoption d'un amendement, préciser que toute substitution devra être notée par le pharmacien, afin que la responsabilité de celui-ci soit engagée.

Quant au consentement, Monsieur Bardet, c'est un droit fondamental du malade ; il vaut tant pour la prescription du médecin que pour la décision du pharmacien.

M. Jean Bardet - Si le malade refuse la substitution, qui sera responsable du dépassement de prix ?

M. Claude Evin, rapporteur - Personne ! Nous reviendrons sur tout cela lors de la discussion des amendements.

La suite du débat est renvoyée à la prochaine séance, qui aura lieu aujourd'hui, vendredi 30 octobre, à 9 heures.

La séance est levée à 0 heure 55.

          Le Directeur du service
          des comptes rendus analytiques,

          Jacques BOUFFIER


© Assemblée nationale


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