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Assemblée nationale

COMPTE RENDU

ANALYTIQUE OFFICIEL

Session ordinaire de 1998-1999 - 21ème jour de séance, 53ème séance

2ème SÉANCE DU LUNDI 2 NOVEMBRE 1998

PRÉSIDENCE DE M. Patrick OLLIER

vice-président

          SOMMAIRE :

LOI DE FINANCES POUR 1999 -deuxième partie- (suite) 1

La séance est ouverte à quinze heures.


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LOI DE FINANCES POUR 1999 -deuxième partie- (suite)

L'ordre du jour appelle la suite de la discussion de la deuxième partie du projet de loi de finances pour 1999.


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AFFAIRES ETRANGÈRES

M. Yves Tavernier, rapporteur spécial de la commission des finances pour les affaires étrangères - Le budget des affaires étrangères intègre pour la première fois les services et moyens de la coopération, suite à la réforme de la coopération décidée le 4 février dernier. Le comparer à celui de l'an dernier est donc un exercice délicat. Il s'élève à 20,775 milliards contre 20,921 milliards l'an dernier -14,43 milliards pour les affaires étrangères stricto sensu et 6,49 milliards pour la coopération. Les crédits sont donc en baisse de 146 millions de francs, soit 0,7 % du budget, et leur part dans le budget de l'Etat est tombée à 1,28 %, contre 1,32 % en 1998 et 1,68 % en 1992. Je comprends que le budget des affaires étrangères ne soit pas prioritaire, mais je m'interroge sur l'adéquation entre nos ambitions légitimes sur la scène internationale et les moyens que nous leur consacrons. Peut-on continuer à entretenir le deuxième réseau diplomatique du monde et rester le deuxième contributeur mondial pour le développement avec des crédits qui se réduisent d'année en année ?

Certes, l'intégration de l'administration de la coopération dans celle des affaires étrangères entraînera à terme des économies de fonctionnement. Mais le ministère des finances est allé un peu vite en besogne en imposant les économies dès cette année.

Ma deuxième interrogation porte sur la vérité du budget. L'effet-change influe sur le niveau des crédits réellement disponibles. Ce budget de 1998 se fondait sur un dollar à 5,66 F, or il a été en moyenne de 5,95 F, ce qui entraîne un différentiel de 179 millions, dont 52 au titre des rémunérations. Le ministre des finances s'était engagé à combler le déficit et la commission a voté, à l'unanimité, une observation en ce sens.

Ma troisième observation concerne le personnel. 1998 devait être la dernière année du plan quinquennal de réduction des effectifs, qui a conduit à supprimer 610 emplois. Il n'en est rien puisqu'il est encore prévu de supprimer 143 emplois, non compensés par des recrutements locaux.

Certes, l'effort de rationalisation sera poursuivi et des gains de productivité opérés. Toutefois, je m'interroge sur le seuil en deçà duquel le ministère ne sera plus en mesure de faire face convenablement à ses obligations.

M. Jacques Myard - Il est déjà atteint !

M. Yves Tavernier, rapporteur spécial - Je suis préoccupé, en particulier, par la faiblesse de nos moyens dans un grand nombre de consulats, au moment où nous devons affiner notre politique d'attribution des visas. C'est l'image du service public rendu par la France dans le monde qui est en jeu. Certains postes ont un taux d'encadrement très insuffisant : 5 900 dossiers par agent à Jakarta, 5 100 à Pékin, 9 790 à Taipei et 7 900 à Hong Kong. Je souhaite que soit réalisé un état des lieux pour établir une meilleure relation entre l'ampleur des missions et le nombre d'agents.

J'en viens à l'examen des crédits.

Les moyens dont disposera le ministère augmenteront de 4,51 %. Les effectifs budgétaires s'élèvent à 9 474 emplois, dont 38,5 % dans l'administration centrale, 51,4 % dans les services à l'étranger et 10 % dans les établissements culturels et dans les centres médico-sociaux à l'étranger. En dépit de la suppression de 143 postes budgétaires -130 pour les affaires étrangères et 13 pour la coopération-, les frais de personnel progressent de 5,28 % par suite de la transformation d'emplois d'adjoints administratifs.

Les moyens de fonctionnement progressent de 0,97 %. Je salue à cette occasion les efforts réalisés par le ministère pour moderniser sa gestion par une plus grande autonomie des postes et par une comptabilité rénovée.

Les évolutions sont différenciées. Les crédits de matériel et de fonctionnement courant augmentent de 1,18 %, les frais de réceptions et de déplacements officiels à l'étranger sont stables. En revanche, les moyens informatiques sont en réduction de 2,42 %, ce qui augure mal de l'application du nouveau schéma directeur 1998-2002.

281 millions de francs en AP et 278,05 millions en CP sont prévus pour les nouvelles installations de Berlin et de Pékin, la construction d'une nouvelle ambassade à Téhéran, la réhabilitation de locaux dans plusieurs ambassades, missions de coopération et lycées français.

L'effort pour un meilleur accueil du public doit être poursuivi. J'insiste pour que les services qui gèrent l'état civil des Français à l'étranger et ceux qui traitent les demandes de visas bénéficient des moyens nécessaires.

La France est l'un des meilleurs contributeurs au fonctionnement des Nations Unies, du moins pour les contributions obligatoires. Elles atteindront 3,156 milliards. La baisse de 0,77 % par rapport à 1998 est justifiée par la réduction du coût des opérations de maintien de la paix.

La forte augmentation -21,92 %- des crédits affectés aux contributions volontaires est une bonne nouvelle. Les crédits avaient en effet baissé de près de 65 % entre 1992 et 1998, faisant perdre à notre pays son influence dans un certain nombre d'organismes des Nations Unies. Je me réjouis, en particulier de la hausse des crédits affectés au PNUD. Les crédits du fonds d'urgence humanitaire diminuent légèrement, ceux de l'aide alimentaire sont stables. Notre participation aux subventions directes versées aux Etats les moins avancés et les bonifications d'intérêts pour les prêts d'ajustements structurels diminuent fortement, mais c'est le résultat de l'amélioration de la situation économique dans plusieurs pays d'Afrique.

L'aide aux Français à l'étranger reste prioritaire. Les dotations augmentent de 8,67 % à 132 millions. Un crédit supplémentaire de 220 millions de francs va aux bourses scolaires.

Les crédits de l'OFPRA et l'aide aux réfugiés étrangers sont stables.

J'aborderai plus brièvement l'action culturelle, scientifique et technique qui fera l'objet d'une présentation approfondie par M. Adevah-Poeuf.

Une nouvelle direction de la coopération internationale et du développement va se substituer à l'ancienne direction des relations culturelles, scientifiques et techniques du Quai d'Orsay et à l'ancienne direction du développement du ministère de la coopération.

Après plusieurs années d'érosion, les crédits sont stabilisés cette année : 8 milliards seront consacrés à la coopération culturelle scientifique et technique, ainsi qu'à la coopération au développement.

Un effort très important est accompli en faveur de l'audiovisuel extérieur : 130 millions sont inscrits pour des mesures nouvelles : soutien à l'exportation des programmes audiovisuels, aide au transport par satellite des chaînes françaises, aide à la diffusion et à l'amélioration de TV5. Au total les crédits consacrés à l'audiovisuel extérieur atteignent 1,040 milliard, en progrès de 7,37 %.

Les dotations de la francophonie et de l'enseignement du français à l'étranger progressent de 5,38 %. En particulier, la subvention de fonctionnement de l'agence pour l'enseignement français à l'étranger augmente de 5,6 %. En revanche, les crédits consacrés à la francophonie baissent légèrement.

Ce bilan fait donc apparaître des ombres et des lumières. Globalement les moyens sont en relative stagnation.

En 1999, le montant total des moyens mis au service de notre politique extérieure, y compris les comptes spéciaux du Trésor, s'élèvera à 56,7 milliards de francs, dont 5,9 milliards pour la quote-part française aux actions extérieures de l'Union européenne. En 1998, il s'élevait à 56,8 milliards mais la participation française à l'Union européenne était de 6,7 milliards.

Les dépenses de l'ensemble des ministères pour l'action internationale progressent de 43,4 à 44,5 milliards.

Ainsi, la légère réduction des crédits des affaires étrangères est compensée par la stabilité de la dotation globale dont bénéficie notre politique extérieure.

Il y a un an, Monsieur le ministre, vous nous indiquiez que votre budget d'alors "s'inscrivait dans une dynamique de reconquête". Pour ma part, j'observe plutôt une stabilité préparant la reconquête que nous appelons de tous nos voeux. C'est pourquoi mon optimisme naturel me conduit à vous inviter, avec la commission des finances, à voter ces crédits.

M. Jacques Myard - Quel effort !

M. Jean-Louis Bianco, rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères pour les affaires étrangères - Ce budget est sans conteste décevant, d'une part, parce qu'il diminue par rapport à 1998, de l'autre, parce qu'il succède à d'autres qui étaient encore plus mauvais, alors que la loi de finances précédente laissait espérer un rebond.

Les crédits du budget unique s'élèvent à 20,78 milliards, en baisse de 0,7 % par rapport à 1998. Cette stabilité apparente masque une différence sensible entre les crédits des affaires étrangères et ceux de la coopération. En effet, les premiers augmentent de 2,5 %, alors que les seconds diminuent de 7,7 % du fait de la baisse des concours aux pays les moins avancés, de celle des crédits de paiement du FAC et de la diminution du nombre d'assistants techniques. L'argument selon lequel cela se justifierait par l'amélioration de la situation des économies africaines me laisse un peu sceptique.

Pour les affaires étrangères, le principal point noir est l'évolution des effectifs. En effet, 1998 est la dernière année d'application du schéma d'adaptation des réseaux. Sur cinq ans, le Quai a supprimé 610 emplois, soit plus que les contributions relatives des autres administrations. On pouvait donc espérer que ses effectifs resteraient stables. Or 130 emplois disparaîtront en 1999. Quand on sait que le Quai va perdre 1,5 % de ses emplois alors que le ministère des finances, dont les effectifs sont vingt fois plus importants, n'en perd que 0,4 %, on se demande si la rigueur est équitablement partagée !

M. Jacques Myard - Très bien !

Mme Bernadette Isaac-Sibille - Oui !

M. Jean-Louis Bianco, rapporteur pour avis - Il n'est pas certain que la réforme permettra dès 1999 des gains de productivité. Par ailleurs, la gestion du personnel n'est pas facile. Le recrutement local a en effet atteint un plafond qu'il serait dangereux de dépasser et la disparition du service national suppose le développement du volontariat dans des conditions qui restent à définir.

Il faudra réfléchir à une nouvelle adaptation de la carte diplomatique, en espérant qu'elle ne se fera pas sous la seule contrainte budgétaire mais en prenant en considération l'évolution du monde et les réseaux des autres administrations.

Ces réserves faites, je considère ce projet de budget comme satisfaisant dans la mesure où il dégage des priorités raisonnables et raisonnées.

En premier lieu, les crédits d'intervention de la direction générale des relations culturelles sont préservés et redéployés. L'action audiovisuelle extérieure se voit attribuer 130 millions de mesures nouvelles. Nous attendons que l'amélioration annoncée du programme de TV5 se concrétise. Pour ma part, j'estime qu'il faudra un jour se donner des moyens encore plus importants, notamment pour financer une chaîne d'information en continu. La politique des bourses est également entrée dans une phase de rénovation. Les crédits augmentent pour les bourses versées aux élèves français du réseau d'enseignement à l'étranger et un dispositif nouveau de bourses d'excellence a été mis au point, l'objectif étant d'en offrir 1 500 d'ici trois ans. Ces initiatives sont excellentes, mais la commission des affaires étrangères a estimé qu'il convenait là encore d'être beaucoup plus ambitieux pour sauver la présence culturelle de la France. En réalité, seule la généralisation d'une deuxième langue étrangère obligatoire dans les programmes scolaires de nos partenaires peut garantir l'avenir de notre langue.

Le deuxième aspect positif de ce budget réside dans l'augmentation des contributions volontaires en faveur des organisations internationales. Elles avaient baissé continûment entre 1992 et 1998, alors qu'elles sont un facteur d'influence dans les institutions spécialisées de l'ONU. Le message des parlementaires semble enfin avoir été entendu.

Par ailleurs, le ministère a engagé une action résolue afin que le service central de l'état civil à Nantes dispose enfin des moyens de fonctionner normalement. La numérisation des données devrait ainsi franchir un seuil en 1999.

D'une manière générale, on peut considérer qu'un vent de changement souffle dans la gestion de ce ministère.

La principale réforme est évidemment celle qui touche la coopération. Il n'était d'abord question que d'un rapprochement entre les structures ; vous avez voulu, Messieurs les ministres, une fusion. La nouvelle direction générale de la coopération internationale et du développement sera donc à pied d'oeuvre dès janvier 1999. Vous avez voulu qu'elle soit profondément nouvelle. Le personnel adhère à ce principe, malgré les profonds changements que cela implique pour lui. Il reste cependant des appréhensions, car la fusion doit avoir une traduction statutaire. Vous souhaitez qu'elle soit l'occasion d'une réflexion approfondie sur le regroupement des personnels de centrale et de chancellerie, en particulier au niveau des catégories A. Cette initiative est bienvenue. Mais la réforme ne peut en rester là. En particulier, elle ne peut s'accommoder d'un statu quo concernant le rôle du ministère de l'économie et des finances dans la politique extérieure de la France.

M. Jacques Myard - Très bien !

M. Jean-Louis Bianco, rapporteur pour avis - Nous devons continuer à réfléchir à une administration unique de l'action économique extérieure. Messieurs les ministres, il reste encore des Bastilles à prendre !

On dit souvent que le budget des affaires étrangères est un petit budget pour un grand ministère. Nous souhaiterions tous ici qu'il soit un peu moins petit, car il est au service de grandes ambitions. 1,28 % du budget de l'Etat, c'est peu, surtout si comme moi on estime que notre influence dans le monde dépend en partie des crédits du ministère des affaires étrangères. Sans doute la perception de cet enjeu par nos compatriotes n'est-elle pas suffisante pour que ce budget devienne rapidement une priorité. Néanmoins, la modernisation du Quai d'Orsay se poursuit. Outre la réforme de la coopération, d'autres chantiers sont en bonne voie ou achevés : la rénovation de l'OFPRA et de l'état civil à Nantes, le développement des nouvelles technologies, la redéfinition de notre politique des visas, en particulier à l'égard des ressortissants algériens.

A l'avenir, d'autres pistes mériteraient d'être explorées, qu'il s'agisse de la formation du personnel, de convaincre les Français à l'étranger de l'intérêt de s'immatriculer, de faire travailler de façon plus concertée les réseaux des différents ministères ou encore de développer le volontariat international.

Au bénéfice de ces observations, votre rapporteur et la commission des affaires étrangères vous proposent de donner un avis favorable à l'adoption des crédits (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe RCV et du groupe communiste).

M. Bernard Cazeneuve, rapporteur pour avis de la commission de la défense pour les affaires étrangères et la coopération - Je centrerai mon intervention sur la politique française de coopération militaire et de défense.

Cette politique apparaissait l'an dernier comme insatisfaisante car fractionnée entre trois départements. Les affaires étrangères géraient ce qu'on appelle la coopération de défense, c'est-à-dire la coopération militaire avec l'ensemble des pays développés ou émergents, cependant que la coopération avec nos anciennes colonies d'Afrique, élargie depuis 1996 à l'ensemble des pays ACP, était gérée par la mission militaire de coopération, dépendant de la Coopération et que la Défense menait également des actions d'assistance et de formation militaires.

A ces moyens dispersés correspondaient des budgets disparates. Alors que la MMC disposait de 703 millions, le service de l'aide militaire du ministère des affaires étrangères n'avait pour le reste du monde que 86,1 millions. Les actions de coopération du ministère de la défense en Afrique pouvaient par ailleurs être estimées entre 100 et 200 millions de francs.

Alors que la France disposait d'une mission d'assistance militaire de 59 membres en République Centrafricaine ou de 55 membres au Tchad, elle ne disposait que de 63 coopérants de défense pour le reste du monde, dont 5 seulement dans les ex-pays de l'Est. Cette situation avait le grave inconvénient de laisser notre coopération de défense à l'écart de la réorganisation militaire de ces pays et de l'équipement de leurs armées, alors que la France est à même de leur proposer une coopération militaire efficace, crédible et offrant une alternative au modèle américain. Il s'agissait ici de fournir une base supplémentaire à l'identité européenne de sécurité et de défense.

La réforme de coopération est d'ores et déjà source de progrès considérables. La fusion des deux coopérations permettra l'interaction des moyens et des méthodes, par le biais notamment d'une évaluation comparative des projets, alors qu'aujourd'hui ceux-ci sont évalués dans le cadre d'enveloppes séparées.

Dans la nouvelle direction de la coopération militaire et de défense, l'ancien service de l'aide militaire et l'ancienne mission militaire de coopération devraient constituer chacune une sous-direction bien identifiée mais un pôle commun réunira les moyens nécessaires aux deux, autrement dit la gestion du budget, celle des assistants militaires techniques, les stages et l'aide technique.

Si cette réforme administrative n'est pas encore entrée en vigueur, un premier pas est fait avec la fusion des budgets des deux coopérations. Le chapitre 41-42 de la MMC disparaît et l'ensemble des crédits est désormais regroupé dans le chapitre 42-29 du ministère des affaires étrangères. Ils sont désormais répartis selon la ventilation de l'ancien chapitre de la MMC.

Cette fusion se fait au franc près, sans diminution de crédits, alors que l'an dernier encore, les crédits de la MMC avaient diminué de 5 % environ. Deuxième signe positif, 4 % des crédits de la MMC sont redéployés vers le service de l'aide militaire. Cette politique, qui permet le transfert de 28 millions de francs, devrait être poursuivie dans les prochaines années. Pour le service de l'aide militaire, ce redéploiement aboutit à une augmentation de ses crédits d'un tiers. Quatre postes de coopérants de défense sont ainsi créés en Europe centrale et orientale : un troisième en Pologne, un deuxième en Roumanie, un premier en Bulgarie ainsi qu'auprès du Partenariat pour la paix. On ne peut que se réjouir de cette identification judicieuse des priorités. En Pologne, l'un des trois postes est un conseiller "Air", la Pologne cherchant en ce moment à renouveler sa flotte d'avions de combat. Il est également réjouissant que le caractère essentiel de la coopération multilatérale, dans le cadre du partenariat pour la paix, soit pris en compte.

Même dynamisme en matière d'offre de stages. Leurs crédits augmentent de 50 %, ce qui permet d'accroître le niveau et la technicité des stages. Ainsi sont envisagés des stages de pilotes ou de missiliers, ainsi que des cours d'état-major, et la création d'un cursus de sous-officier en Pologne.

La mission militaire de coopération poursuit la politique engagée depuis quelques années. La diminution de ses crédits l'amène une fois de plus à réduire le nombre d'assistants militaires techniques : leur effectif passe de 570 à 506, soit une réduction de 64 contre 70 l'an dernier. C'est sur les missions les plus nombreuses que porte l'ajustement : ainsi celle du Centrafrique passe de 59 membres à 28 ; celle du Tchad de 55 à 46. Plus aucune mission n'atteint 50 coopérants. La formation est autant que possible préservée : plus de 110 AMT y restent affectés, que ce soit dans des écoles nationales, ou dans des écoles nationales à vocation régionale. Ces dernières sont le grand chantier actuel de la MMC, qui souhaite transférer autant que possible les formations en Afrique. Dans ce cadre, les pays africains ont estimé que chacun d'eux devait pouvoir offrir un ou plusieurs centre d'excellence, accueillant aussi les élèves ou stagiaires de pays voisins. La MMC offre pour les écoles nationales à vocation régionale douze AMT et des crédits. Sept de ces écoles fonctionnement et six devraient être ouvertes en 1999, parmi lesquelles une école de maintien de la paix à Zambakro. De ce fait, le nombre de stages offerts en France régresse de 1338 en 1997 à 916 en 1998, tandis que les places offertes en Afrique augmentent, passant de 193 en 1997 à 269 en 1998 et 550 environ en 1999.

La MMC se plaignait de ne pouvoir offrir que des subventions de fonctionnement, non d'investissement. Aussi 8 millions de francs ont été distraits du chapitre 42-29 pour être placés sur une ligne du chapitre 68-80 consacré à des subventions d'investissement, ce qui est encore un point positif. Ces 8 millions seront consacrés à des investissements dans des écoles nationales à vocation régionale ou dans des écoles nationales.

Autre point positif, la coopération militaire sera rapprochée du ministère de la défense, qui contribuera beaucoup plus complètement à l'évaluation des actions des missions locales de coopération.

Il faut replacer la coopération avec les pays africains dans le cadre de la redéfinition de notre politique africaine de sécurité. La France considère désormais que celle-ci doit incomber d'abord aux Etats africains eux-mêmes, ce qui conduit à infléchir l'action menée sur le terrain : c'est le concept de "renforcement des capacités africaines de maintien de la paix". Or sa mise en oeuvre amène à recourir à la fois à la MMC et aux forces prépositionnées. Elle implique d'abord de développer la formation, d'où le développement par la MMC de l'école nationale à vocation régionale de Zambakro.

En conclusion, l'action menée en matière de coopération militaire et de défense apparaît très positive, qu'il s'agisse de l'action en Afrique ou du redéploiement de la coopération militaire -même si dans ce dernier domaine, les progrès à faire restent considérables. Mais la commission de la défense a donné un avis favorable à ce budget (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

M. Patrick Bloche, rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles pour les relations culturelles internationales et la francophonie - Les crédits destinés en 1999 aux relations culturelles internationales et à la francophonie portent la marque de la réunification des ministères des affaires étrangères et de la coopération, enfin réalisée par le gouvernement de Lionel Jospin. Je dois tout d'abord me réjouir que, pour la première fois depuis près de dix ans, ce budget n'ait pas fait l'objet de régulations en 1998. Il y a un an, j'avais en effet déploré des annulations frappant les crédits de la direction générale des relations culturelles, scientifiques et techniques, à hauteur de 200 millions sur 5 milliards. L'image de la France, hier altérée par l'annulation de programmes dans lesquels elle était engagée, a été préservée, et je salue, Messieurs les ministres, votre rôle décisif en ce domaine.

Dans le présent budget, les relations culturelles, scientifiques, techniques et audiovisuelles constituent un secteur protégé de l'action extérieure de la France, et traduisent la volonté de maintenir un fort outil de coopération. Ainsi, les crédits de la direction générale passent de 5,125 à 5,287 milliards. S'y ajoutent la dotation du fonds d'aide et de coopération, ainsi que la subvention de l'agence pour l'enseignement français à l'étranger : les crédits consacrés à la coopération, hors défense, s'élèveront ainsi à plus de 10 milliards, soit près de 50 % des dotations du ministère des affaires étrangères réunifié.

Le travail de votre rapporteur aurait été facilité par l'envoi moins tardif de données essentielles, dont certaines lui sont parvenues après la présentation, jeudi dernier, de son rapport devant la commission des affaires culturelles.

Adieu donc, en 1999, à la direction générale des relations culturelles, scientifiques et techniques ! Et bienvenue à la direction générale de la coopération internationale et du développement. La création d'un outil neuf permettra d'accroître l'efficacité du dispositif. En particulier, une distinction est clairement établie entre les quatre directions fonctionnelles, d'une part, et la direction de la stratégie, de la programmation et de l'évaluation, d'autre part. Votre rapporteur souhaite vivement que la mise en place de la nouvelle direction générale permette de réexaminer la politique de recrutement des personnels du réseau culturel, comme vous en avez d'ailleurs exprimé l'intention, Messieurs les ministres.

Quelles orientations prioritaires ont été retenues pour 1999 ? Un effort particulier est fait en faveur des bourses de l'enseignement supérieur : 55 millions sont dégagés afin de mettre en place 300 bourses d'excellence destinées à la formation, dans le cadre du programme Eiffel, d'étudiants étrangers dans les domaines politique et administratif, mais surtout économique et industriel, secteurs dans lesquels la France souffre d'un manque de relais. Le ministère a donc pris conscience que la baisse continue de l'intervention en ce domaine depuis 1993 devait être stoppée. En quatre ans, la durée de séjour des boursiers est passée de 4,6 mois en moyenne à 3,2 mois en 1997. Surtout, la France, qui occupait depuis des décennies la deuxième place pour le nombre d'étudiants accueillis, s'est vu dépassée par la Grande-Bretagne. Il faut se féliciter qu'une réforme des conditions de délivrance des visas aux étudiants étrangers ait été engagée, pour leur faciliter l'accès du territoire national : motivation des refus de visas, renforcement de la coopération entre les services consulaires et les services de coopération, création d'un visa de court séjour avec mention "étudiant-concours", le succès aux épreuves permettant de demander un visa de long séjour.

En ce qui concerne l'enseignement français à l'étranger, il faut se réjouir de voir accrus les crédits des bourses scolaires destinées à favoriser la scolarisation des élèves français dans les établissements du réseau : le budget prévoit 20 millions de mesures nouvelles, après une augmentation de 12 millions en 1998. Mais il faut regretter que le manque de moyens financiers ne permette pas l'instauration d'un système de bourses "au mérite" qui faciliterait l'accès des élèves étrangers aux écoles françaises.

Il convient de relever, comme il y a un an, les incertitudes nées de la réforme du service national et de la disparition des coopérants servant dans ce cadre, qui leur offrait un mode apprécié de formation complémentaire à l'étranger. Une partie des étudiants diplômés qui en constituaient le vivier devrait logiquement se tourner vers les programmes de bourses. Le millier de bourses dont dispose la direction générale risque de répondre fort mal à un tel accroissement de la demande.

J'en viens à la grande réforme de l'audiovisuel extérieur, tant attendue et, enfin, engagée cette année. Elle poursuit trois objectifs : une relance ambitieuse de la chaîne francophone TV 5, un soutien accru à l'exportation des programmes français, une aide financière renforcée pour que le plus grand nombre de chaînes françaises soient diffusées sur le plus grand nombre de bouquets satellitaires. Le projet, financièrement illusoire, de créer une chaîne française du type CNN a été abandonné. Ces nouvelles orientations se traduisent par une progression de près de 10 % des subventions aux opérateurs de l'action audiovisuelle extérieure, qui dépassent pour la première fois le milliard. Les 130 millions de mesures nouvelles, essentiellement financées par redéploiement, doivent permettre de soutenir l'exportation des programmes audiovisuels, pour 10 millions ; d'aider au transport satellitaire des chaînes françaises et la constitution de bouquets numériques, pour 40 millions ; enfin, de régionaliser et d'améliorer les programmes de TV5, pour 80 millions.

La réorganisation du pôle audiovisuel extérieur a été confiée avec bonheur à M. Jean Stock, qui assure la présidence commune de TV5 et de CFI, sans qu'il ait été nécessaire de créer une holding. La participation française au conseil d'administration de TV5 voit RFO et ARTE-La Cinquième se substituer à la SOFIRAD, la présence de France Télévision étant par ailleurs renforcée. Dans sa conférence de presse du 15 octobre 1998, M. Stock a présenté les plans d'entreprise des deux opérateurs, plans qui ont été ratifiés par les personnels. Leur but est de diffuser dans le monde ce qui se fait de mieux dans l'audiovisuel français et francophone. Le Parlement sera régulièrement informé des activités de CFI et de TV5.

L'exportation de programmes français est un enjeu majeur, tant économique que culturel, quand on sait que les Etats-Unis contrôlent aujourd'hui 60 % des échanges mondiaux dans l'audiovisuel et le cinéma, qui constituent le deuxième poste d'exportation de ce pays. Nous devons adapter nos mécanismes d'aide à l'exportation aux spécificités de ce secteur.

La légère baisse pour 1999 des crédits de RFI reflète l'allégement du dispositif de diffusion en ondes courtes. On peut regretter que ces économies n'aient pas été maintenues dans le budget de RFI de manière suffisante pour amplifier la présence de la chaîne sur internet et à la lumière du succès rencontré par le site sur la chanson française.

Les concours publics représentent toujours la presque totalité des ressources de RFI. Leur composition sera cependant modifiée : la redevance audiovisuelle affectée à RFI diminuera de près de 130 millions pour ne plus représenter que 22,2 % des ressources, tandis que les crédits budgétaires augmenteront de 120 millions, sur les crédits des services généraux du Premier ministre, pour atteindre 76,8 %. La subvention du ministère des affaires étrangères reste stable, à 452 millions.

Les crédits proposés pour 1999 accompagnent efficacement la réforme engagée de l'action culturelle extérieure. C'est pourquoi la commission des affaires culturelles est favorable à leur adoption (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe RCV et du groupe communiste).

M. Georges Hage, rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères pour les relations culturelles internationales et la francophonie - Mon avis portera essentiellement sur les crédits traditionnellement confiés à la DGRCST du Quai d'Orsay, même s'il est de plus en plus ardu de les distinguer de ceux que gérait jusqu'à présent le ministère de la coopération.

Je vous avais décrit le budget 1998 comme un budget de stabilisation, diagnostic heureusement confirmé par l'absence de régulation budgétaire, ce qui ne s'était pas produit depuis cinq ans.

Un coup d'oeil rapide sur le montant global des crédits pour 1999 m'avait donné le sentiment d'une simple reconduction à l'identique avec des crédits d'intervention quasiment stables à un peu plus de trois milliards et des crédits de fonctionnement en hausse de 6,8 %.

Force est pourtant de reconnaître qu'il se différencie des précédents. Il marque tout d'abord la fin de l'érosion des moyens réels de la DGRCST qui se poursuivait depuis 1993. Celle-ci a enfin défini clairement ses priorités comme notre commission le réclamait depuis longtemps. 146 millions sont ainsi consacrés à l'action audiovisuelle extérieure grâce à TV5 et aux nouvelles technologies de l'information, notamment internet. TV5, vitrine souvent médiocre par son anthologie sans prétention des chaînes francophones, va enfin développer ses propres programmes. Comme le disait notre rapporteur, il serait bon que ce fût en continu.

55 millions sont destinés à la seconde priorité, la promotion de notre enseignement supérieur à l'intention des futurs responsables étrangers pour des bourses dites d'excellence, sur l'importance de laquelle notre commission insiste depuis longtemps et qui avait donné lieu à un rapport d'information remarqué de notre collègue Alliot-Marie.

Enfin, ce budget s'inscrit dans une structure toute différente de la précédente puisque les plus hautes autorités de l'Etat ont approuvé la fusion des ministères des affaires étrangères et de la coopération, provoquant le rapprochement de la DGRCST et de la direction du développement de la rue Monsieur, au sein d'une direction générale de la coopération internationale et du développement. Les crédits sont donc présentés sous la forme d'un budget unique s'élevant à environ 8 milliards.

Cette instance nouvelle appellerait la création d'une trentaine d'emplois. Est-ce crédible en cette conjoncture ? Certains changements sont néanmoins attendus. Ainsi seul le cadre institutionnel de la réforme de l'audiovisuel est pour l'heure défini.

De même, une rationalisation des structures de la francophonie est indispensable car, si la créativité n'y fait point défaut, les structures sont profuses et, il faut bien le dire, confuses avec des opérateurs multiples institutionnels et associatifs. En témoigne votre réponse du 3 août 1998 à une question écrite de notre collègue Bruno Bourg-Broc. Je n'évoquerais pas, en outre, les organismes divers que M. Hervé Bourges qualifiait de "budgétivores et valétudinaires".

La raison d'être de la francophonie, ou définition socratique, c'est la langue française.

Or nul ne peut nier le recul du français sur la scène et dans les organisations internationales, l'Union européenne y compris... cependant que l'analphabétisme se développe dans l'hexagone.

L'anglais, langue de l'impérialisme dominant, menace les autres langues.

M. Jacques Myard - Très bien !

M. Georges Hage, rapporteur pour avis - Comme l'écrivait un journal du soir, "la condition première d'une francophonie vivante est l'existence d'un système éducatif performant... Or les pays francophones, développés ou non, sont touchés par une grave crise de l'école."

Je me félicite donc que les crédits de l'agence pour l'enseignement du français à l'étranger -AEFE- augmentent de 6,6 % -au dépens de la coopération scientifique et technique-, de l'effort en faveur de la diffusion du film français à l'étranger -au dernier festival de Cannes, 50 % des films projetés étaient des coproductions assistées par la France- et de l'offre croissante française de la coopération administrative.

Je rappelle l'insistance légitime du président de notre commission concernant l'intérêt commun des nations à rendre obligatoire l'apprentissage de deux langues vivantes.

J'appelle enfin votre attention sur la disparition regrettable des CSN et la nécessité de réfléchir à un volontariat de substitution.

Votre rapporteur souhaite qu'on envisage d'un seul et même regard l'évolution des budgets nationaux de l'éducation nationale, de la recherche et de la culture et celle des crédits consacrés aux mêmes priorités dans l'action extérieure que nous étudions ici, car il s'agit à ses yeux d'une même et ardente obligation.

Le changement de structure est sans doute une opération délicate qui ne léserait pas, j'en suis sûr, l'intérêt des personnels.

Ce budget est donc encourageant même si de nouvelles priorités seront à définir. Je lui apporte donc un soutien critique. Notant une copie, on dirait dans le jargon pédagogique que le Gouvernement peut mieux faire. Appartenant à la majorité qu'il est convenu d'appeler plurielle, je dirais qu'il doit mieux faire. C'est dans cet esprit que je vous invite à le voter (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste du groupe RCV et du groupe socialiste).

M. Philippe Séguin - J'aurais aimé pouvoir vous dire, Monsieur le ministre, que nous apprécions nombre de vos initiatives et plus généralement votre méthode au service de la politique étrangère ambitieuse, déterminée et cohérente qu'a défini le Président de la République.

Mais si je me suis cru contraint d'intervenir, c'est pour déplorer avec force la contradiction aveuglante, dont votre ministère est la victime depuis trop longtemps, entre les intentions qui sont celles de la France et les moyens chichement mesurés.

Que veut la France ? La France veut que l'Union Européenne s'affirme et s'organise car elle y voit le meilleur moyen de préserver son influence dans un monde globalisé. La France veut aussi encourager le mouvement nécessaire vers un monde multipolaire où l'Europe trouvera naturellement sa place. La France veut enfin que la mondialisation inéluctable des technologies et des marchés, mieux organisée grâce à des règles communes, soit pleinement bénéfique.

Autour de ces trois objectifs, la France peut rallier la plupart de ses partenaires. Encore faut-il que notre pays dispose des moyens indispensables à son action diplomatique. Force est de constater que c'est de moins en moins le cas (Approbations sur les bancs du groupe du RPR).

Il n'est pas acceptable que le budget du ministère des affaires étrangères se réduise ainsi comme peau de chagrin car quels que soient le talent et le dévouement de nos diplomates il n'est pas de grande politique étrangère sans un minimum de moyens.

C'est donc avec angoisse que je vous vois taillant avec constance dans les dépenses du Quai d'Orsay poignarder la politique étrangère de la France.

Alors que les dépenses de l'Etat continuent d'augmenter, ce projet de budget impose une nouvelle fois le repli alors que nous devrions reprendre l'initiative pour rénover la relation franco-allemande, relancer après l'euro la construction de l'Europe unie des Etats, assumer nos responsabilités de quatrième puissance économique du monde dans la reconstruction nécessaire du système monétaire international, contribuer à la résolution des crises du Kosovo à l'Afrique des Grands Lacs à notre rang qui est celui d'un membre permanent du conseil de sécurité, aider les plus démunis à réussir leur développement, diffuser enfin notre langue et notre culture.

Pouvons-nous encore sérieusement plaider auprès de nos partenaires le maintien de taux substantiels d'aide publique alors qu'on ampute de cinq cents millions -c'est-à-dire de 7 %- le budget de notre coopération ? Pouvons-nous plaider face aux tentations unilatérales de certains pour un rôle accru des organisations internationales alors que nos contributions volontaires à plusieurs institutions de la famille des Nations Unies, malgré un premier effort, en arrivent à un niveau choquant ?

Peu importe de savoir qui a commencé, ce qui importe c'est que cela doit cesser.

Il faut que chacun soit bien conscient que tenir le rang de la France a un prix, faible au regard du budget général de l'Etat, qui est celui de la solidarité et de la responsabilité. C'est à la crédibilité de la France, à son image que portent atteinte de tels budgets.

Il est plus que temps de redonner au Quai d'Orsay un budget qui soit digne de notre politique étrangère ce qui n'est pas le cas de celui que Bercy a alloué cette année encore (Applaudissements sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL).

M. Pierre Lequiller - Les moyens humains et financiers du ministère des affaires étrangères diminuent à tel point en 1999 que M. Bianco lui-même, rapporteur pour avis, juge ce budget décevant. La tendance n'est pas nouvelle. Les crédits de ce ministère qui représentaient 1,68 % du budget total de l'Etat en 1992 n'en représentent plus que 1,28 % aujourd'hui. Or la France possède toujours le deuxième réseau diplomatique et consulaire mondial.

Le traitement réservé au budget des affaires étrangères qui, de votre propre aveu, ne figure pas parmi les priorités du Gouvernement, inquiète le groupe Démocratie Libérale, d'autant que la diminution des moyens résulte d'arbitrages rendus à Bercy, sans rationalisation des instruments ni perspectives globales à long terme. Si la stabilité des crédits de fonctionnement permettra la gestion courante du réseau, la baisse de 10 % des crédits d'investissement affectera notre action extérieure.

Cent trente emplois seront supprimés en 1999 alors qu'en application du schéma d'adaptation des réseaux qui depuis six ans a déjà conduit à la suppression de 610 emplois, les effectifs devaient être stabilisés cette année. Cette rigueur nous étonne, appliquée à un ministère dont le titre III n'est pas, loin de là, celui qui grève le plus le budget de la nation. Appliquée à d'autres secteurs, dont le poids financier est beaucoup plus important, elle permettrait des économies d'échelle à la fois plus substantielles et plus opportunes.

Nous apprécions le regroupement des crédits de la coopération avec ceux des affaires étrangères. Comme je l'ai indiqué en commission, nous aurions souhaité qu'y soient rattachés également les crédits de l'action économique extérieure. Nous avons besoin d'une véritable force de frappe diplomatique, qui regroupe au sein du ministère des affaires étrangères, tous les moyens financiers et humains qui contribuent au rayonnement culturel et économique de la France. Dans un contexte de mondialisation et de concurrence toujours plus vive, le rattachement de la direction des relations économiques extérieures au ministère des finances est un anachronisme qu'il faut corriger pour aider efficacement nos entreprises à exporter et à s'implanter à l'étranger. La très grande attention portée par le Président de la République à ces problèmes serait d'autant mieux relayée au niveau des services si une unité de décision et d'action était mise en place.

Nous devons également revoir notre carte diplomatique et consulaire, dans un souci de rationalisation. Est-il opportun que la France maintienne tous ses consulats dans les pays de l'Union ? Elle pourrait parallèlement défendre auprès de ses partenaires l'idée de consulats européens dans les pays tiers. L'expérimentation d'une coopération franco-allemande constituerait un premier pas important sur le plan symbolique.

La transformation prévue du service national des coopérants inquiète le conseil supérieur des Français de l'étranger. On suppléerait, nous dit-on, aux postes vacants par le biais d'un volontariat international dont les termes feront l'objet d'un prochain projet de loi. Pouvez-vous nous éclairer davantage ?

Le groupe Démocratie Libérale souhaite bien sûr une rationalisation des actions du ministère des affaires étrangères, à la condition qu'elle s'inscrive dans une perspective à long terme et qu'elle ne s'opère pas au détriment de la place de la France sur l'échiquier international, où les enjeux restent multiples.

Jamais le leadership américain n'a été aussi manifeste, confinant même au quasi-monopole diplomatique. A preuve les accords de Wye Plantation, la décision unilatérale des frappes au Soudan et en Afghanistan, l'attitude de M. Holbrooke au Kosovo ou encore la tournée africaine de Bill CLinton qui marque l'ambition des Etats-Unis d'agir dans des zones du monde qui relevaient de la sphère d'influence du vieux continent, notamment de la France.

La désinvolture avec laquelle la diplomatie américaine traite ses partenaires européens est plus patente que jamais.

Nous nous félicitons bien sûr des accords de Wye Plantation et de la relance du processus de paix au Proche-Orient, même si l'application de ces accords sur le terrain pose problème. Mais il est anormal que l'Europe n'y ait pas été associée, alors qu'elle contribue largement au développement des territoires sous autorité palestinienne. Nous avions fait, à juste titre, de la reprise du processus de paix une condition de notre ratification de l'accord entre l'Union européenne et Israël. A votre avis, cette ratification peut-elle intervenir rapidement dans le nouveau contexte ?

Le groupe DL s'inquiète de la perte de crédibilité de l'ONU qui non seulement connaît des problèmes financiers mais voit des résolutions régulièrement battues en brèche, comme celle demandant à la Syrie et à Israël de retirer immédiatement et sans conditions leurs troupes du Liban.

L'offensive américaine en Afrique nous invite à la plus grande vigilance. La baisse de 7 % des crédits de l'aide au développement inquiète donc. Elle serait justifiée "par l'amélioration de la situation des économies africaines". Mais, comme l'a d'ailleurs fait valoir notre rapporteur pour avis, qui peut croire que la relative amélioration de leurs "fondamentaux" annonce que les pays les plus déshérités vont s'engager rapidement sur la voie du développement ? Il est grave de baisser la garde dans une zone où la France doit maintenir son influence et au contraire entraîner ses partenaires européens.

M. Jacques Godfrain - Très bien !

M. Pierre Lequiller - La dérive de l'attitude des Etats-Unis est également patente dans la crise du Kosovo. Ils étaient prêts à faire intervenir l'OTAN sans mandat de l'ONU dans une région qui n'est pas reconnue comme un Etat souverain. Si l'OTAN intervient, ce doit être sur mandat de l'ONU. Il serait par ailleurs souhaitable, s'agissant de l'Europe, que l'ONU soit saisie par une décision politique des instances européennes. A cet égard, où en sont les négociations sur le retour de la France dans les structures intégrées de l'OTAN ?

Cela étant, il va de soi que l'Europe ne peut réclamer des droits de consultation et d'intervention que pour autant qu'elle s'organise elle-même. Il serait grand temps qu'elle prenne son destin en main sur le plan politique et diplomatique, après l'avoir fait sur le plan monétaire. Nous soutenons donc la déclaration belgo-italo-française sur la réforme des institutions. Mais il faut aller plus loin. Nous souhaitons, comme l'avait suggéré le Président Giscard d'Estaing, que d'une manière ou d'une autre, même si on ne peut intégrer juridiquement la déclaration dans le texte du traité d'Amsterdam, un dispositif marque la volonté du Parlement français de faire avancer l'indispensable réforme institutionnelle européenne.

Le revirement du Premier ministre britannique à Pörtschach sur la défense européenne confère une nouvelle portée à la nécessité d'une identité diplomatique et militaire de l'Europe. Quelles initiatives comptez-vous prendre pour profiter de cette position favorable ?

Je terminerai par un problème que l'affaire Pinochet porte sous les feux de l'actualité. Alain Madelin a, à juste titre, réclamé une ratification rapide du traité, portant création d'une juridiction criminelle internationale pour les crimes de guerre, les crimes contre l'humanité et les génocides. Quelles initiatives compte prendre la France, pays des droits de l'homme, pour faire progresser la suprématie du droit sur le crime d'Etat ? Les Etats démocratiques ont, par le passé, trop souvent pratiqué le silence gêné, en Amérique latine, en Asie, en Afrique, mais aussi dans les pays communistes de l'Est de l'Europe.

La France est sollicitée par de nombreux pays avec lesquels elle nourrit de longue date des rapports amicaux noués, au fil de l'histoire, sur une complicité culturelle ou politique. Ces pays attendent beaucoup de nous. Plus que jamais, il nous faut affirmer le rôle de la France et promouvoir celui de l'Europe. Or la baisse des moyens de votre ministère risque d'entraver le développement d'une politique étrangère à la hauteur de notre histoire et de nos ambitions.

La rationalisation de vos services est une nécessité, mais elle ne doit pas se faire au détriment de notre poids sur l'échiquier international. C'est pourquoi le groupe Démocratie Libérale votera contre vos crédits.

M. Michel Suchod - Dans la brièveté du temps qui m'est imparti, je me limiterai à deux points.

Je me félicite du rattachement des services de la coopération à ceux du ministère des affaires étrangères. Espérée en 1981, cette réforme avait avorté en 1982 avant d'aboutir aujourd'hui, grâce à vous-même et à M. Jospin. Il faut parfois savoir attendre !

La mission de coopération non gouvernementale sera l'interlocuteur privilégié des ONG et des collectivités locales pour leur politique de coopération décentralisée. Une réserve toutefois : le service de coordination géographique devrait permettre de maintenir des liens privilégiés avec les pays d'Afrique et ceux dits de la zone de solidarité prioritaire. Or un rééquilibrage serait nécessaire entre les aides accordées aux pays du champ et aux pays hors champ. Est-il normal qu'Haïti reçoive 120 millions quand la République dominicaine, c'est-à-dire l'autre partie de la même île d'Hispanola, ne reçoive, elle, que 2,5 millions ?

Vous aviez exprimé ici même l'an dernier, Monsieur le ministre, la volonté d'enrayer la baisse continue des moyens de notre diplomatie. Or votre ministère se trouve en 1999 parmi les six les plus mal lotis. Ses crédits de paiement et ses dépenses ordinaires diminuent, alors que les dépenses de l'Etat, d'une manière générale, augmentent de 2,2 %. Si les crédits du ministère des affaires étrangères se stabilisent bien à 20,7 milliards, leur part dans le budget n'a fait que décroître, d'année en année, depuis 1992, passant de 1,68 à 1,28 % des dépenses. A ce rythme, votre budget passera en 2003 en dessous de la barre de 1 %.

En termes de personnel, votre ministère a perdu 800 postes entre 1990 et 1995 et 500 autres depuis. Malgré cela, on continue de parler du "maintien du réseau".

Les effectifs, bien entendu, ne diminuent pas au niveau de l'administration centrale, mais dans les postes, dans nos ambassades, consulats et centres culturels... Ce phénomène est connu : le Colonial Office de Londres, qui ne comptait que 100 fonctionnaires quand le Royaume-Uni dominait le monde, en employait 1 350 quand l'empire avait disparu...

Je sais, Monsieur le ministre, que vous souhaitez que votre budget augmente. Il est temps de relancer la machine, sans quoi l'influence française, dont tant de personnes souhaitent l'extension, ne fera que reculer. Les députés du Mouvement des Citoyens sont prêts à vous aider (Applaudissements sur les bancs du groupe RCV et du groupe socialiste).

M. François Loncle - L'examen de ce budget constitue un moment privilégié pour les membres de la commission des finances.

La politique que vous menez, au nom du Président de la République et du Premier ministre, est bonne.

Au-delà des chiffres, cet exercice annuel nous donne l'occasion de faire le point sur la place et le rôle de la France dans un monde qui bouge, ainsi que sur les outils dont dispose l'Etat pour défendre ses ambitions et l'intérêt national.

Notre vie personnelle et collective est conditionnée par la mondialisation. Pourtant, les affaires étrangères n'occupent pas la place qu'elles méritent dans le débat national. Perçues comme lointaines et complexes, elles ne sont traitées que de manière superficielle par les médias. Dans notre assemblée même, dans la vie publique, trop peu de temps leur est consacré.

La France occupe-t-elle, sur la scène internationale, une place en rapport avec ses ambitions, sa vocation, elle qui dispose d'un siège au conseil de sécurité de l'ONU ? A-t-elle bien négocié le virage de l'après-guerre froide ? A-t-elle défini une stratégie adaptée à ses moyens ? Dispose-t-elle des dotations nécessaires ?

Nous vous demandons, Monsieur le ministre, de nous donner votre sentiment sur les rapports de force qui menacent la stabilité des Etats, leurs économies, la paix, et sur la façon dont la France les analyse.

Le monde, depuis 1990, est-il unipolaire, soumis au bon vouloir des Etats-Unis ? L'accord de Wye Plantation et les rebondissements de la crise irakienne doivent-ils nous conduire à répondre par l'affirmative ?

Les conflits régionaux se multiplient, malgré les réactions internationales. On le voit en Algérie, en Afghanistan ou en Afrique centrale. La crise financière court d'un continent à l'autre, mais l'Europe a su faire face.

Quelle voie le Gouvernement doit-il choisir pour préserver son autonomie et défendre l'intérêt bien compris du pays ?

Dire son mot dans un monde plus ouvert, plus rude, préserver la paix et le droit, cela suppose la recherche permanente d'un équilibre, c'est-à-dire d'alliances cohérentes. La France a donc raison de vouloir conforter la politique étrangère et de sécurité commune, dont on mesure l'intérêt, mais aussi les limites, en Bosnie et au Kosovo. Il est à cet égard urgent de ratifier le traité d'Amsterdam, quelles qu'en soient les insuffisances. Ceux qui rechignent à le faire, objectivement et indirectement, font le jeu des Etats-Unis.

M. Jean-Claude Lefort - Oh !

M. François Loncle - La France entretient des relations prometteuses avec l'Egypte, la Chine et le Brésil. Elle mène avec le Canada, et plus particulièrement le Québec, une politique active de coopération visant à préserver la place du français dans les technologies modernes de communication. Enfin, la France entend donner un nouveau souffle à son action en Afrique.

Sur tous ces dossiers cependant, que d'incertitudes ! Les compromis sont difficiles à trouver. Notre diplomatie chemine laborieusement au Kosovo, entre OSCE, OTAN et ONU. Les choses seraient plus aisées si les priorités étaient clairement définies : je pense au dossier agricole, à l'élargissement, au blocage des négociations entre l'Union européenne et le marché commun constitué par les pays latino-américains du cône sud.

J'en arrive aux moyens matériels. Comment préserver notre influence aux Nations Unies si nous ne sommes pas à la hauteur sur le terrain, si nous ne consentons pas les efforts financiers nécessaires au sein des organisations internationales, ou si nous ne sommes pas aussi présents au Kosovo que nos partenaires européens ?

A lire les rapports, on ne peut s'empêcher de songer que les crédits consacrés à l'action extérieure baissent au moment où le monde est en plein bouleversement. Notre diplomatie a besoin d'énergie. Vous n'en manquez pas, à titre personnel, mais votre budget, qui représentait 1,7 % des dépenses en 1992, n'en est plus qu'à 1,28 %. Nous sommes collectivement responsables de cette évolution. Collectivement, nous devons admettre que l'avenir de la France se joue aussi à Bruxelles, à New York, à Jérusalem et à Brasilia. Un sursaut budgétaire est nécessaire. Nous l'attendons avec impatience et sommes prêts à vous aider (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe RCV et du groupe communiste).

M. Marc Reymann - Pour une fois, je dérogerai à l'usage : ne cherchant pas à ménager une fausse surprise, le groupe UDF annonce d'emblée qu'il ne votera pas ce budget.

En conséquence de la réforme administrative du 4 février 1998, votre budget comporte, pour la première fois, deux parties : celle du ministère des affaires étrangères et celle du ministère de la coopération. Cette présentation est la traduction comptable d'un choix politique du Président de la République : placer l'action extérieure de la France sous l'autorité d'un seul ministre, ne pas séparer artificiellement notre action de coopération, en Afrique notamment, du reste de notre politique étrangère.

Il s'agit de rendre plus efficaces les actions conduites par la France, en recherchant une unité de moyens pour une unité de dessein.

La France a un objectif : affermir nos liens de solidarité traditionnelle avec toute l'Afrique, mais selon des modes opératoires nouveaux. Cet objectif est-il atteint ? Avez-vous les moyens de notre ambition ? Notre réponse est non.

S'agissant des moyens financiers, la réunion du Quai d'Orsay et de la rue Monsieur reste encore à l'état d'ébauche. Le groupe UDF s'interroge sur la capacité du ministère des affaires étrangères à mener à bien une réforme aussi complexe avec un budget aussi étriqué. La somme de deux budgets étriqués ne fait pas un grand budget.

Il est louable de rationaliser les moyens d'une politique ; il est plus difficile de mener une politique sans moyens.

Le ministère de la coopération, désormais inséparable de celui des affaires étrangères, a pâti d'une certaine interprétation de la réforme du 4 février dernier. Nous en reparlerons.

S'agissant maintenant des hommes, cette fusion doit préserver ce qui fait la richesse de votre ministère : ces diplomates, qu'on critique, souvent injustement, mais dont l'expertise est partout reconnue. Ce métier a sa spécificité. Sera-t-elle maintenue avec cette fusion ?

Votre réforme s'accompagne-t-elle d'une véritable réflexion sur les compétences et les carrières ? N'est-il pas temps de mettre un terme à ces distinctions improbables entre les corps et agents, pour aboutir à un recrutement et un déroulement de carrière uniques, comme dans les autres pays européens ?

L'inquiétude monte parmi les agents de votre ministère. Sachez l'apaiser. Bousculez les pesanteurs, les cloisonnements, les distinctions artificielles, Monsieur le ministre, mais rassurez sur l'avenir de ce métier qui est aussi une vocation.

Le budget des affaires étrangères est en recul de 0,7 % par rapport à 1998 et représente à peine 1,5 % du budget de l'Etat. C'est donc un budget décevant, pour reprendre les termes de M. Bianco. Le Gouvernement a, du reste, eu l'honnêteté d'avouer qu'il ne figurait pas parmi ses priorités. Il prolonge ainsi la politique de diminution des effectifs et de redéploiement de la carte diplomatique menée depuis cinq ans. Si ce plan quinquennal fut sans doute nécessaire en son temps, son prolongement laisse entendre que la France renonce, à terme, à relever efficacement tous les défis qui se présentent à elle et à conserver le deuxième réseau diplomatique du monde.

Si la diplomatie se limite à de la politique déclaratoire et à de grands sommets, vous n'avez pas tort, Monsieur le ministre, de réduire le nombre des cadres de votre ministère. Mais, pour nous, la diplomatie repose d'abord sur des moyens à mettre en oeuvre pour relever les défis d'aujourd'hui et de demain. A cet égard je reconnais un effort louable en faveur de la promotion de Strasbourg comme capitale européenne, grâce notamment aux crédits alloués à sa desserte aérienne.

Les organes de suivi des négociations, d'application des traités, de représentation de la France et d'information imposent une dépense qui devient à un moment incompressible.

Je m'étonne de la suppression de 119 emplois gelés en 1998 au nom d'une rigueur budgétaire avec laquelle, dans d'autres ministères, vous prenez une distance condamnable. Est-il sage de continuer sur cette pente, alors que nous devons répondre à de nouveaux défis -prolifération nucléaire et balistique, grande criminalité, développement de l'audiovisuel, etc. ?

A supposer qu'il y ait eu une réflexion sur les moyens et les réformes nécessaires, elle ne se traduit guère dans les chiffres. Par exemple, pour adapter notre réseau diplomatique vous allégez notre réseau consulaire, alors qu'une autre voie est possible, à savoir l'ouverture conjointe de consulats avec nos partenaires de l'Union européenne. Un tel choix est dans la logique de la construction européenne, car la protection et la représentation de nos ressortissants dans le monde n'ont pas les mêmes implications en termes de souveraineté politique que l'idée d'ambassades communes. Où en sont les négociations en vue de ces consulats communs ? L'augmentation des contributions volontaires en faveur des organisations internationales, notamment celles qui relèvent de l'ONU, comme le HCR et le PNUD, est conforme à la vocation de la France dans le monde. La France doit continuer à manifester son intérêt à l'égard des organes de l'ONU et de leurs programmes en faveur des pays en voie de développement. Toutefois je m'interroge sur l'usage et le contrôle précis des fonds versés au PNUD. Pourriez-vous nous préciser, par souci de clarification, le contenu des programmes en cours ?

En ne votant pas ce budget, nous souhaitons également vous adresser un signal.

En France, les relations extérieures se déroulent traditionnellement d'Etat à Etat, même si elles prennent un tour personnel, comme c'est l'usage depuis cinquante ans.

Or nous observons, depuis quelques semaines, de manière presque furtive, et à la faveur d'élections chez nos voisins, la tentation d'un modèle internationaliste de relations diplomatiques. Les connivences de parti à parti ne doivent pas interférer dans la conduite de notre diplomatie.

Je conclurai par quelques remarques sur la position de la France dans le monde.

Les relations internationales sont actuellement dominées par la puissance des Etats-Unies, fondée sur une capacité technologique, une créativité culturelle et médiatique et un dynamisme économique qui tendent à donner aux modes de pensée de ce pays, voire à ses intérêts, une valeur universelle.

Très ancienne alliée de Washington, la France peut cependant se trouver en concurrence d'intérêts et d'ambition avec les Etats-Unis, qui ont la tentation d'utiliser les organisations internationales à leur profit ou de créer à partir de leurs normes internes une légalité internationale.

Savons-nous suffisamment résister à cette tentation de prééminence ?

Deux exemples d'actualité : au Kosovo, M. Holbrooke menait les négociations plus qu'il ne représentait le groupe de contact, dont la France est membre ; en Yougoslavie, l'OTAN paraît définir elle-même les critères d'une intervention militaire éventuelle. Où est le contrôle politique ?

Au Proche-Orient, les accords de Wye Plantation ont été conclus sans que notre diplomatie ait semblé y jouer le moindre rôle : les Etats-Unis négocient, la France et l'Europe paient...

Trois grands dossiers mériteront une attention particulière dans les mois à venir.

Le premier est l'élargissement de l'Union européenne, qui nécessite, selon nous, une réforme préalable des institutions. Le Président Giscard d'Estaing défendra l'addition d'un article 2 en ce sens au projet de ratification du traité d'Amsterdam. Quelle est la position du Gouvernement à ce sujet ?

Le second est la relance des relations franco-allemandes à laquelle je suis particulièrement attaché : nous avons besoin d'un nouveau cadre conceptuel de relations avec nos amis allemands.

Le dernier dossier concerne le lien transatlantique et l'identité européenne de défense. Il faut donner à la France et à l'Europe les moyens d'une influence politique : cela passe par la recherche d'une identité européenne au sein de l'OTAN, accompagnée d'une adaptation de l'Alliance.

En un mot, Monsieur le ministre, le groupe UDF a le sentiment que vous réagissez plus que vous n'anticipez.

En refusant de voter ce budget, nous marquons notre inquiétude face à cette timidité européenne et internationale.

M. Jean-Claude Lefort - L'examen de ce budget se situe à un moment où le monde paraît pris de convulsions subites et variées où s'expriment des fanatismes et des barbaries qu'on croyait à jamais éradiqués.

Où va le monde ? Il faut chercher à le comprendre et à dégager ses lignes de forces, afin de replacer l'action de la France dans cet univers qui paraît étrange et qui, pourtant, ne manque pas de sens.

Nous sommes sortis d'une période historique pour entrer dans une autre période, marquée par une nouvelle, mais forte, contradiction.

Depuis le début de la décennie, nous assistons à la fin d'un monde bipolaire, marqué par la rivalité entre deux blocs. Cela suscite des nostalgies et pas seulement là où on peut le penser... Ce monde bipolaire fournissait une grille de lecture bien commode pour beaucoup.

Première remarque, si ce monde s'est écroulé -je parle de celui qui n'était pas communiste et que l'on qualifiait pourtant ainsi-, c'est qu'il ne pouvait pas tenir, qu'il était dépassé par les évolutions et les aspirations d'aujourd'hui.

A cet ébranlement majeur, se sont ajoutés d'autres phénomènes, d'amplitude planétaire. Je pense à la mondialisation qui est irréversible.

Là encore, il convient de ne pas pleurer les temps passés, ce qui ne veut pas dire qu'il faille les oublier. "Celui qui n'a pas de mémoire n'a pas d'avenir."

Pour autant, évitons de nous comporter, en quelque sorte, comme les "canuts" de la mondialisation (Interruptions sur les bancs du groupe du RPR et du groupe UDF) sous prétexte qu'elle serait la cause d'où viendrait tout le mal.

Il ne faut pas confondre le progrès, qui est positif, et les conditions dans lesquelles ce processus se développe. Celles-ci soulèvent nombre d'interrogations et interpellent notre peuple dans les profondeurs de sa conscience.

Le fait que notre planète soit devenue un village est ressenti par chacun non seulement parce que l'information, les images, les moyens de transport rapprochent, à une vitesse prodigieuse, les êtres humains mais aussi parce que tel ou tel événement qui se déroule à l'autre bout de la planète affecte notre propre vie. Il en résulte un sentiment de fatalité, de résignation qui interfère dans les choix politiques et marque les comportements de nos concitoyens.

Comment, par exemple, affirmer que le plein emploi est possible en France si l'interdépendance des pays semble rendre cet objectif inaccessible ?

Stricto sensu, les "affaires étrangères", cela n'existe plus ! Ce qui était traditionnellement considéré comme extérieur à la France ne l'est désormais plus. En vérité, Monsieur Védrine, vous êtes de moins en moins le ministre des affaires étrangères et de plus en plus le ministre des affaires de "notre" monde !

Prendre en considération cette réalité est essentiel pour appréhender ce que nous avons à faire ici et maintenant.

Il nous faut distinguer ce qui est objectif, mais aussi positif, dans les phénomènes nouveaux de ce qui est le fruit de l'action et de la volonté politiques. On voit trop bien ce que la confusion sur ce point peut entraîner de conséquences négatives pour certaine force politique, qui fait du repli sur soi, de la crainte de l'autre et de la modernité l'un de ses chevaux de bataille. Tomber dans ce travers c'est, à coup sûr, pour de sordides calculs politiciens, pousser notre peuple dans le précipice.

Le fait est que le contenu de cette mondialisation nous pose un problème stratégique.

Le monde d'aujourd'hui, nous dit-on, n'est plus bipolaire mais unipolaire. Reste qu'il n'est pas neutre pour autant. Il n'est pas le simple résultat de phénomènes naturels qui s'imposeraient à tous sans que l'on n'y puisse rien.

Nous sommes entrés dans un monde qui a été conceptualisé sous le vocable de "nouvel ordre international", après l'heureuse chute du mur de Berlin.

Cet ensemble d'événements a été utilisé par une volonté toute classique, mais terriblement forte et qui ne se heurte plus au pôle constitué hier, la volonté des Etats-Unis de marquer encore plus nettement leur emprise sur le monde, une emprise très connotée politiquement et socialement, puisque au service exclusif des multinationales. Ces forces économiques et financières ont la taille et les moyens de développer le phénomène de mondialisation. Le prochain siècle, disait récemment le Président Clinton, sera américain !

Là est le noeud du problème : un phénomène objectif, et en soi positif, qui, tel qu'il se développe, a un contenu dévastateur et inquiétant.

Est-ce vraiment un monde unipolaire que celui où, d'un côté, jamais les puissants n'ont concentré tant de richesses et de pouvoirs, tandis que de l'autre, les trois quarts de l'humanité sont devenus encore plus pauvres ? Et que l'on songe aussi aux dizaines de millions de chômeurs et de précaires qui existent dans cet espace où flotte un drapeau bleu frappé de quinze étoiles dorées, ou encore aux cent millions de pauvres dénombrés dans les pays riches !

N'est-ce pas, en effet, une nouvelle bipolarité qui s'installe quand, selon le rapport 1998 du PNUD, les 225 plus grandes fortunes du monde disposent de 1 000 milliards de dollars, soit l'équivalent du revenu annuel des 47 pays les plus pauvres où vivent deux milliards cinq cent mille personnes ? Quand on sait que donner un accès universel aux services sociaux de base coûte 40 milliards de dollars par an, soit moins de 4 % de la fortune de ces 225 grandes fortunes, le coeur se noue.

Bref, nous assistons à la mise en place d'une volonté hégémonique qui bloque les progrès que l'on pourrait légitimement attendre du phénomène positif en lui-même que constitue la mondialisation. Car cette volonté hégémonique suscite une véritable "guerre économique" aux effets soudains et planétaires. Elle provoque une crise d'autant plus massive que le concept d'hégémonie, global, concerne l'économique mais aussi le politique jusqu'au militaire.

Dès lors, quelle stratégie adopter ?

Certains se demandent s'il y a vraiment lieu de s'opposer à cette volonté hégémonique faite d'intérêts particuliers aveugles à l'intérêt général et dont les ramifications sont planétaires. Nous avons, quant à nous, choisi de refuser cette soumission et de nous opposer à cette loi de la jungle qu'on appelle le libéralisme, à la fois par souci de justice et d'efficacité.

Mais comment faire pour tirer le meilleur parti de la mondialisation, tout en lui ôtant son contenu inhumain ? Un pays comme le nôtre peut-il s'y employer ? Oui, s'il en entraîne d'autres dans son sillage et si la réponse qu'il propose est avant tout politique, étant entendu qu'un des effets de la "mondialisation-hégémonie", c'est précisément que l'économie cherche à dévorer le politique au point de lui contester tout espace.

Ce n'est donc pas un des moindres mérites du Premier ministre d'avoir, comme nous le souhaitions, su refuser l'AMI qui consistait à donner tous les droits aux multinationales et tous les devoirs aux Etats. Tout le monde ici devrait se réjouir de cette décision prise par le Premier ministre, mais à laquelle le Président de la République n'est sans doute pas totalement étranger.

Il faut rassembler des forces suffisamment nombreuses et unies pour travailler à une autre bipolarité que celle d'aujourd'hui, à une multilatéralité pour parler clair. L'Europe, de ce point de vue, est un espace pertinent.

L'Union européenne, tout d'abord, qui est la première puissance économique mondiale. Malheureusement sa réaction se limite à répondre à la guerre par la guerre, ce qui n'est pas tellement étonnant si l'on songe que les multinationales ne sont pas qu'américaines mais aussi européennes...

Mais cette logique de guerre n'est pas la nôtre, car qui paie les guerres sinon les peuples ? D'autant que cette guerre se déroule aussi au sein de l'Europe, à coups d'absorptions, de fusions et de restructurations. L'autre réponse de l'Union européenne, c'est l'euro, présenté comme un paratonnerre et certes, un jour ou l'autre, il attirera la foudre mais est-ce bien cela qu'il nous faut ? Si l'on veut répondre à la guerre par la guerre, il faudrait au moins aller jusqu'au bout et prendre la direction du FMI ! Mais en vérité, il nous faudrait plutôt, si nous voulons vraiment mondialiser le progrès, une monnaie commune -le "mondial", par exemple- en lieu et place du dollar ou, demain, de l'euro. Il faudrait une monnaie de coopération au lieu d'une monnaie plus ou moins hégémonique.

Du point de vue institutionnel aussi, l'Europe cède trop au tropisme américain, alors qu'elle ne s'est pas constituée avec d'emblée la même langue et la même monnaie.

Cela étant, une nouvelle donne existe en Europe, ce qui devrait permettre d'aller plus loin que les premières initiatives qui ont déjà été prises. Nous demandons, par exemple, que le pacte de stabilité soit renégocié, car il étouffe les économies et manque de réalisme. De même, faudrait-il renégocier le traité d'Amsterdam, qui n'efface pas Maastricht mais le prolonge, en particulier en ce qu'il assure la domination de l'économique sur le politique, résumant l'Union européenne à une économie de marché ouverte où la concurrence est libre. Inutile après de se plaindre que la Banque centrale n'ait d'autre objectif de lutter contre l'inflation !... En vérité, il faut un autre traité car le modernisme et le progrès ne consistent pas à opposer une zone de libre concurrence à une autre. Cette réponse-là est par trop vieillotte.

A cette sorte d'empire en construction, nous préférons, pour reprendre une expression de Gramsci, l'union dans la diversité. L'Union européenne doit donc être plurielle.

Estimant que la politique du Gouvernement s'inscrit plutôt dans la voie que je viens d'esquisser et que celui-ci ne manquera pas de faire bon usage de nos idées, nous voterons pour ce budget (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste et du groupe socialiste).

M. Jean-Bernard Raimond - Je regrette une fois de plus, Monsieur le ministre, que l'on vous ait contraint à appliquer la règle des réductions d'emplois, alors que le ministère des affaires étrangères, comme quelques autres, devrait pouvoir y déroger compte tenu de la mission essentielle qu'il exerce : informer le Gouvernement, le Premier ministre et le Président de la République sur la situation politique du monde. La qualité des analyses du ministère des affaires étrangères ne peut que souffrir de l'insuffisance des effectifs.

Mais je vous félicite d'être le premier à nous soumettre un budget unique correspondant à la fusion des structures administratives du ministère des affaires étrangères avec celles de l'ex-secrétariat à la coopération et à la francophonie. Sans doute, la réforme du dispositif français de coopération devra-t-elle, par la suite, être aménagée et étendue à d'autres secteurs du budget de l'Etat, comme celui de l'aide économique et financière qui dépend du ministère des finances. Mais dès maintenant, ce budget unique vous permet de définir plus rationnellement les priorités.

Un territoire exigu, le Kosovo, exige une réponse urgente de la communauté internationale. La crise actuelle met en lumière tous les obstacles qui s'opposent à une influence de l'Europe des Quinze dans le domaine de la politique étrangère et de sécurité commune, même quand il s'agit d'une crise purement européenne. L'absence d'anticipation de la part des Européens est flagrante. Peut-être le traité d'Amsterdam apportera-t-il une amélioration à cet égard...

C'est en 1989, au moment de la libéralisation de l'Europe centrale et orientale, que Milosevic met fin au statut d'autonomie du Kosovo. Il a ainsi les mains libres en Croatie et en Bosnie-Herzégovine. Lorsqu'après les atermoiements des Nations Unies, le Président de la République en 1995, puis les Etats-Unis, avec l'intervention de l'OTAN ramènent par le recours à la force et les accords de Dayton le calme en Bosnie et règlent au moins provisoirement les problèmes politiques de l'ex-Yougoslavie, les Européens n'auraient-ils pas dû montrer une plus grande fermeté à l'égard de Belgrade ? Le temps perdu a permis que s'aggravent les difficultés puisque l'armée de libération de l'UCK a pu faire pression en faveur de l'indépendance.

Or l'indépendance du Kosovo n'est pas envisageable. En raison de symboles attachés à l'histoire de la Serbie et de la majorité albanaise, elle risquerait de provoquer une explosion en chaîne dans les Balkans.

Une discussion de fond, qui dépasse le problème du Kosovo, a opposé les Américains, prêts à intervenir sans mandat de l'ONU, et les Européens, la France en tête, qui maintenaient comme pour toutes les interventions depuis 1991, même la guerre du Golfe, l'exigence préalable d'un mandat du conseil de sécurité. C'était aussi prendre en considération la position de la Russie, qui s'oppose au recours à la force au Kosovo. La résolution 1199 ne prévoit pas explicitement le recours à la force, non plus que la seconde résolution adoptée le 25 octobre, même si elle renforce la pression des Nations Unies pour l'application des récents accords, et si la Russie et la Chine se sont abstenues.

Faute de temps, je ne traiterai pas des problèmes, si importants de l'Alliance atlantique, qui apparaît comme le seul instrument militaire efficace devant une crise d'envergure. Je dirai seulement un mot sur l'Irak. Sans aucun doute, la décision de Bagdad d'interrompre sa coopération avec les Nations Unies est une erreur grave, alors qu'on pouvait raisonnablement penser qu'on aboutirait à la levée de l'embargo. Mais Bagdad a rempli toutes ses obligations sur le nucléaire et les missiles -c'était déjà vrai en janvier 1996 lorsque je me suis rendu en Irak. dans le domaine chimique, le contrôle concerne maintenant presque exclusivement le programme irakien VX. Quant aux armes biologiques, elles sont pratiquement incontrôlables. Mon avis, qui n'engage que moi, est que la levée de l'embargo n'est plus un problème de désarmement mais un problème politique.

En revanche, Monsieur le ministre, j'ai suivi avec un extrême intérêt votre voyage en Iran, qui alliait fermeté et dialogue. Vous avez pu rencontrer les principales personnalités, d'abord le président Khatami, qui agit en faveur d'un Etat de droit et de la détente internationale, mais aussi M. Rafsandjani, ancien Président de la République, qui incarnait, il y a dix ans, l'espoir de l'Iran d'aujourd'hui. Si l'on se souvient des pressions américaines d'il y a à peine deux ans, voilà qui justifie ceux qui, en Europe, préconisent une politique extérieure à la fois ouverte et ferme.

Au moment où le continent africain est victime de conflits qui le déchirent et le déstabilisent, sous le regard d'une communauté internationale largement impuissante, la France a plus que jamais la chance de pouvoir exercer une influence prépondérante, comme l'a illustré, en juin la visite du Président de la République en Afrique australe.

Je ne peux conclure sans parler de l'Allemagne. La construction européenne ne peut se passer d'une solide entente franco-allemande. Au moment où s'éloigne la grande figure d'un chancelier qui a réunifié son peuple divisé et tout fait pour l'ancrer en Europe, il n'y a pas de raison de faire des procès d'intention à ses successeurs. Mais l'une des questions fondamentales de l'avenir de l'Europe et de la France, est l'indépendance énergétique. Au moment où votre gouvernement, Monsieur le ministre, entend poursuivre, dans le nucléaire civil, une politique de coopération franco-allemande, l'accord de gouvernement entre le SPD et les Verts sur l'abandon du nucléaire, ainsi que les commentaires qui l'accompagnent, non seulement en Allemagne mais aussi en France, ne peuvent que nous alerter, malgré une réponse qui se voulait rassurante du ministre de l'économie, mercredi dernier. Je crois que votre gouvernement ne peut rester silencieux. Il me semble donc indispensable que l'Assemblée nationale débatte prochainement de la politique française en matière d'énergie (Applaudissements sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL).

M. Roger-Gérard Schwartzenberg - Il est très légitime d'accueillir progressivement dans l'Union européenne les nouvelles démocraties d'Europe centrale et orientale. Mais si nous élargissons l'Europe sans réformer préalablement ses institutions, nous risquons de la condamner à la dilution, voire à la paralysie. On ne peut certes dire : "Trop d'Europe tue l'Europe" ! Mais on ne peut pas non plus accepter le paradoxe d'une Europe qui se déferait en s'élargissant, victime de son succès. L'Union européenne doit incarner l'Europe de la volonté, de la détermination et de l'action. Elle doit renforcer avec vigueur ses politiques communes. Elle ne peut risquer de devenir une machinerie lente et lourde qui peinerait ou tarderait à prendre les décisions nécessaires.

Nous en reparlerons à l'occasion de la ratification du décevant traité d'Amsterdam, négocié il est vrai par un autre gouvernement. Il faut restructurer le système, clarifier et simplifier les mécanismes de décision, comme le proposent la France, l'Italie et la Belgique, pour que l'Union européenne soit un cadre et non un simple assemblage de vélléités. Il faut avancer résolument dans la construction de l'Europe politique. Nous le devons à nos concitoyens qui attendent plus de démocratie, plus de clarté, plus de justice sociale.

L'Europe sociale qui n'a longtemps été qu'un slogan peut devenir une réalité. Aujourd'hui, sur quinze Etats de l'Union, onze ont des gouvernements dirigés par des forces de gauche. L'arrivée au pouvoir de Tony Blair, de Lionel Jospin, de Gerhard Schröder et de Massimo d'Alema ouvre de nouvelles perspectives, comme l'a déjà montré le sommet de Portschach. L'Europe renouant avec le volontarisme politique privilégie de nouveau la croissance et l'emploi. Saisissons cette occasion historique pour mettre au coeur de la construction européenne nos priorités : le combat contre le chômage, la lutte contre l'exclusion, dans une Europe où près de 12 % des ménages vivent encore au-dessous du seuil de pauvreté, le soutien à l'activité et à la demande intérieure, la défense de la protection sociale. Il importe d'harmoniser nos normes sociales vers le haut : aux critères de convergence économique, ajoutons des critères de convergence sociale.

Mon second propos portera sur les droits de l'homme. Lionel Jospin l'avait très bien dit dès 1995 : "Il n'y a pas de diplomatie sans pragmatisme. Mais il n'y a pas de politique étrangère sans principes". C'est vrai : la communauté internationale se fait "une certaine idée" de la France. Parce que notre pays a sa tradition, son histoire, son identité particulière, on attend de lui qu'il incarne des valeurs, en particulier la paix, la solidarité, la démocratie, les droits de l'homme.

Considérons l'exemple de l'Afrique : certes, il ne faut pas oublier les différences de structures et de traditions. Mais, comme le rappelait François Mitterrand dès 1990, au sommet franco-africain de La Baule, "la démocratie est un principe universel". La France devrait donc lier davantage son aide aux progrès accomplis vers les élections libres, le multipartisme, la liberté de la presse. Quant à la Chine, même si quelques progrès ont été faits, nous ne pouvons pas accepter la conception du Président Jiang Zemin, qui déclarait en visite aux Etats-Unis en octobre 1997 : "La théorie de la relativité peut aussi s'appliquer au domaine politique. Les droits de l'homme sont des concepts relatifs et non absolus."

Enfin, en Afghanistan, le régime islamiste intégriste des Talibans multiplie les mesures de discrimination et d'exclusion, qui privent les femmes de leurs droits les plus élémentaires. Il a provoqué le départ des ONG qui refusent à bon droit cet apartheid sexuel. La France doit agir, dans le cadre de l'ONU et de l'UE, auprès des pays proches des autorités de Kaboul -Arabie Saoudite, Emirats, Pakistan- pour combattre cette inadmissible violation des droits des femmes.

Les radicaux de gauche approuvent votre action et votre budget, Monsieur le ministre. Mais ils souhaitent que l'action internationale de notre pays aille résolument dans le sens des orientations que j'ai évoquées, et qui sont conformes à la vocation profonde de la France (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

M. Pierre Brana - Ce budget fera date, car il intègre pour la première fois celui de la coopération, entérinant une évolution de notre politique étrangère attendue depuis longtemps. Pour assumer son rôle de puissance d'influence mondiale, face à la mutation et à l'intensification de l'activité internationale, à une mondialisation hyperconcurrentielle, à la disparition des zones d'influence traditionnelles, à la montée en puissance d'intérêts financiers ou de dynamiques plus pernicieuses -criminalité organisée, drogue, blanchiment d'argent, corruption, traite et exploitation des êtres humains...-, notre pays doit s'exprimer d'une seule voix. L'efficacité et la lisibilité de notre action exigeaient d'adapter nos moyens. Mieux défendre nos intérêts, mieux vendre notre savoir-faire et nos productions à l'échelle mondiale, mais aussi mieux agir pour la démocratie, la solidarité, la réduction des inégalités et le développement durable, nécessitaient un regroupement des compétences et des structures.

Ce budget nous donne-t-il les moyens de notre ambition ? La rigueur comptable se traduit par un repli de 0,7 % des crédits, et je le regrette. Certes, je me félicite de la hausse de 25 %, soit 50 millions, des contributions volontaires aux organisations internationales. La France, il est vrai, a dans ce domaine un lourd retard à rattraper puisqu'elle se situait en 1997 seulement entre les douzième et quatorzième rangs des contributeurs du programme des Nations Unies pour le développement, du programme alimentaire mondial, de ceux de l'UNICEF et du Haut Commissariat pour les réfugiés. Toutefois, le fonds d'urgence humanitaire diminue. N'y a-t-il pas là un paradoxe ? J'espère qu'en cas de besoin il serait tout de même possible de l'abonder.

D'autres évolutions sont satisfaisantes, en particulier les dotations de l'action culturelle extérieure, avec notamment 130 millions pour l'audiovisuel extérieur. L'action de la France dans ce domaine stratégique était déficiente. Il faudra encore poursuivre nos efforts.

De même, bienvenues sont les mesures nouvelles en faveur de la formation, de la promotion de la langue et de la culture, notamment le dispositif de bourses d'excellence destiné à attirer des étudiants étrangers. Notre handicap s'est en effet accentué par rapport aux anglo-saxons. Pour reconquérir notre place, le ministère de l'éducation et les affaires étrangères souhaitent "labelliser" des formations supérieures. Cette bonne idée doit être mise en oeuvre au plus vite car plus le temps passe, plus il sera difficile d'inverser le courant.

Je me félicite des priorités de ce budget en faveur de nos compatriotes établis à l'étranger : priorité sociale, avec une dotation d'assistance dopée de 11 millions, priorité éducative avec une revalorisation des bourses des enfants français.

En revanche, les importantes réductions d'emplois -alors que l'on nous avait dit qu'elles seraient stoppées- auront des conséquences dans de nombreux postes. Supportées principalement par le réseau diplomatique, elles vont accentuer les difficultés en matière de relations et d'accueil. Nos représentations consulaires sont la vitrine de la France. Les candidats à l'obtention de visas doivent notamment être reçus dans des conditions décentes. J'ai constaté en Afrique comme en Europe centrale et orientale que ce n'était pas toujours le cas. Des moyens humains et matériels supplémentaires sont indispensables pour que partout les conditions d'accueil soient vraiment dignes de la France. Par ailleurs, ne serait-il pas judicieux de chercher à regrouper, dans certains cas, nos moyens avec ceux de nos partenaires de l'Union européenne ? Les obstacles juridiques et institutionnels doivent pouvoir être surmontés. C'est une piste à explorer.

Il y a trois ans, commençaient les négociations de Dayton sur la Bosnie et les pays européens s'engageaient à éviter toute nouvelle guerre dans les Balkans. Pourtant l'Union européenne n'a pu empêcher ces huit derniers mois, au Kosovo, des massacres de civils qui ont fait environ 1 500 morts et des dizaines de milliers de déplacés ou réfugiés.

Wolfgang Schüssel, s'exprimant sur les objectifs de la présidence autrichienne de l'Union européenne, s'est, du reste, publiquement interrogé sur les déficiences de la politique extérieure et de défense européennes.

Malgré les efforts incontestables du groupe de contact, une réflexion en profondeur doit être engagée pour améliorer l'efficacité des interventions européennes dans le domaine de la sécurité et de la paix.

L'accord de Rome institue une Cour pénale internationale permanente pour juger les génocides, les crimes contre l'humanité et les crimes de guerre -pour laquelle, avec beaucoup d'autres, je militais depuis longtemps.

Après les 800 000 victimes du génocide rwandais, les 150 à 200 000 morts en Bosnie, les récents tués du Kosovo, les péripéties de l'affaire Pinochet, sanglant dictateur que j'espère voir jugé, l'urgence de créer un tel organisme n'est plus à démontrer pour les défenseurs des droits de l'homme.

Mais le faible nombre de pays signataires de l'accord et les compétences limitées de cette Cour risquent de nuire à son efficacité. Je compte sur vous, Monsieur le ministre, pour que la France mette tout en oeuvre pour convaincre ses partenaires afin que ces obstacles soient levés le plus rapidement possible.

S'agissant de la réforme préalable des institutions de l'Union européenne avant son élargissement, la France, quoique soutenue par la Belgique et l'Italie, est restée assez isolée. Or les partis de la coalition du nouveau gouvernement allemand ont signé un accord stipulant entre autres que l'Union doit procéder à des réformes internes, notamment institutionnelles, avant l'élargissement. Croyez-vous, Monsieur le ministre, qu'une initiative commune soit désormais possible ?

Enfin, l'Union européenne a engagé une politique d'accords commerciaux et de coopération avec toutes les régions du monde, qui reflète le caractère mondialisé des échanges. Mais cette recherche d'alliances et de complémentarité n'est pas toujours facile à mettre en oeuvre.

Il faut donc du temps. Or l'absence de coordination des calendriers s'est révélée dommageable aux intérêts collectifs comme à ceux de la France, notamment entre l'Agenda 2000, en particulier son volet agricole, et l'accord de l'Union européenne avec le Mercosur.

J'espère, Monsieur le ministre, que vous nous apporterez quelques précisions sur ces questions (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

M. Loïc Bouvard - Je voudrais évoquer l'insuffisance de la présence française dans les quatorze pays qui, avec la Fédération russe, constituaient l'URSS et dans lesquels je me suis rendu au sein de missions de l'Assemblée de l'Atlantique Nord.

Ces pays forts de 140 millions d'habitants, soit autant que la Fédération russe, se répartissent en quatre groupes : les trois pays Baltes, les trois pays jouxtant l'Europe centrale, les trois pays du Caucase et les cinq pays d'Asie centrale.

Nous les connaissons mal et sommes peu conscients de l'importance des réformes politiques, économiques et sociales qu'ils ont entrepris pour se rapprocher de nos modèles occidentaux. Ces bouleversements ont entraîné une baisse du niveau de vie, favorisé l'essor de groupes mafieux et créé de nouvelles tensions régionales.

Ces pays se sont donc tournés vers la communauté euro-atlantique, et en particulier vers l'OTAN qu'ils considèrent désormais comme la meilleure garantie de la sécurité en Europe. Nous en avons pris acte avec un temps de retard et la France a désormais des ambassades dans toutes leurs capitales sauf trois, ce qui nous a demandé un effort important alors que votre budget limité n'est pas une priorité nationale.

30 millions ont été consacrés à l'action culturelle en direction de ces quatorze pays ce qui est trop peu. Notre pays est ainsi en retrait par rapport à nos partenaires européens ce qu'illustrent d'ailleurs les liaisons aériennes puisque, pour me rendre à Bakou, j'ai dû passer par Amsterdam et Francfort, le seul de ces pays desservi par Air France étant l'Ukraine.

Les effectifs qui y sont déployés sont totalement insuffisants avec en particulier seulement vingt conseillers commerciaux. En conséquence, la part de marché de la France dans ces pays n'est que de 1 à 3 %, soit deux à cinq fois moins que l'Allemagne, la Grande-Bretagne ou même l'Italie.

Il faudrait donc renforcer notre assistance technique qui permet souvent la réalisation de contrats importants, pouvant être fructueux dans des pays où les richesses naturelles sont importantes.

Il convient donc, en liaison avec les ministères des finances et du commerce extérieur, de multiplier nos contacts et d'accompagner nos entreprises vers ces pays qui se tournent d'ailleurs vers nous, les chefs d'Etat de ces pays étant ainsi venu à trente reprises dans notre pays depuis sept ans (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF, du groupe du RPR et sur quelques bancs du groupe socialiste).

M. Jacques Myard - C'est un symbole, Monsieur le ministre, de débattre de votre budget, qui est le fossoyeur de notre action extérieure, le jour des morts ! (Protestations sur les bancs du groupe socialiste)

Alors que le mammouth, de plus en plus boulimique, devient obèse, vous êtes au pain sec et à l'eau. C'est sans doute là l'expression de la solidarité revue et corrigée par M. Strauss-Kahn !

M. Bianco a fait un excellent travail d'opposition. Je ne reprendrai pas ses judicieuses critiques, mais j'espère que mes collègues socialistes qui les partagent, cohérents avec eux-mêmes, voteront mon amendement afin de vous donner les moyens de votre politique.

En ce qui concerne l'outil diplomatique, si la fusion des ministères des affaires étrangères et de la coopération n'est pas une mauvaise chose, l'institution d'une DGCID qui couvre l'ensemble de la planète est une erreur. C'est aller trop loin -et je crois que M. Josselin en conviendra- dans la banalisation des pays du champ qui pour des raisons historiques, politiques et économiques doivent faire l'objet d'une politique de développement spécifique.

A propos de l'action diplomatique, Monsieur le ministre, le français est-il toujours la langue officielle de notre diplomatie ? J'en doute lorsque j'entends le Premier ministre s'exprimer en Chine dans une langue étrangère qui n'était pas celle de ses auditeurs...

M. Jean-Claude Lefort - "I am the french President", ai-je entendu à Jérusalem !

M. Jacques Myard - Jérusalem est loin.

La diplomatie, après une analyse correcte de l'état du monde, consiste à prévenir les ruptures et les conflits potentiels. Or, à l'évidence, votre politique est en complet décalage avec l'évolution du monde.

Notre diplomatie s'épuise dans un "tout-Europe" devenu l'alpha et l'omega de notre action extérieure. Certains envisagent même de la faire disparaître dans la PESCE...

M. Jean-Claude Lefort - La PESCE et le choléra ! (Sourires)

M. Jacques Myard - ...afin que la France se taise et rentre dans le rang.

La coopération européenne ne doit être que l'une des dimensions de votre politique étrangère. Cela serait une faute qu'il en soit autrement car la fracture du monde n'est plus aujourd'hui en Europe, sur la ligne bleue des Vosges ou sur la ligne Oder-Neisse. Elle est désormais en Méditerranée. C'est là que se concentrent tous les déséquilibres démographiques, politiques et économiques. Si, en 1950, 30 % de la population méditerranéenne vivait sur la rive sud, 70 % sur la rive nord, dans quelques années, ce rapport sera inversé. 80 % des jeunes Algériens sont au chômage. La population de l'Algérie, du Maroc et de l'Egypte double tous les 25 à 30 ans.

C'est là que notre effort doit porter. Assez de temps a été perdu dans l'élaboration de vaines directives sur la taille des cages à poules ou sur la longueur des asperges ! Monsieur le ministre, le monde a changé depuis la conférence de Messine de 1956 et la coopération européenne ne doit pas être la préoccupation exclusive de notre politique étrangère. La France joue désormais la maîtrise de son destin en Méditerranée. Nous devons ensemble lui en donner les moyens (Applaudissements sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL).

Mme Marie-Hélène Aubert - Si le budget des affaires étrangères ne fait pas la une des journaux et ne pousse personne à manifester dans la rue, ce qui explique sans doute en partie sa modestie, il revêt néanmoins une importance particulière. Or il décroît d'année en année.

Comment accepter qu'à l'ère de la mondialisation, au moment où le G7, dans un accès de compassion, souhaite insuffler un peu d'humanité dans un néo-libéralisme ravageur, il y ait de moins en moins à faire pour la France sur le plan international ? Le budget des affaires étrangères devrait au contraire accompagner la construction européenne, notamment la mise en place de la politique européenne de sécurité commune, favoriser le développement de relations plus équitables avec l'Est et le Sud, permettre l'application des conventions internationales que la France a signées. Les engagements pris à Rio en 1992 puis à Kyoto l'an passé n'ont pourtant toujours pas été suivis de mesures concrètes dans notre pays. Il nous faut rechercher un mode de développement fondé sur la démocratie et la solidarité, alliant l'économie et l'écologie, prévenant les conflits pour assurer enfin une paix durable. Objectif lointain, je le concède, mais qui devrait être celui de la gauche plurielle.

Par nature, les Verts s'inscrivent dans une démarche planétaire. Ce n'est pas un hasard si Joschka Fischer et les Grünen en Allemagne ont fait du ministère des affaires étrangères un enjeu stratégique majeur. Nous leur souhaitons bonne réussite et espérons qu'ils sauront donner à cette fonction un style nouveau, où pragmatisme et convictions pourraient faire bon ménage. Il faudra bien aborder sans faux-fuyant la question de l'énergie nucléaire et de l'énergie en général sur le plan national, européen et mondial.

La France ne doit pas être en reste. Or ce budget plus que décevant suscite bien des interrogations.

S'il convenait, en effet, de réformer la coopération, la fusion proposée trace-t-elle de nouvelles orientations ? L'objectif de 0,7 % du PNB qu'il conviendrait de consacrer au développement prôné par le parti socialiste -pour nous, ce devrait être 1 %- reste-t-il d'actualité ? Le prochain sommet franco-africain de Paris sera-t-il l'occasion de rompre avec les mauvaises habitudes ?

A force de clamer qu'il ne faut pas dépenser plus mais mieux, donne-t-on au ministère les moyens de jouer son rôle ? Quelle politique du personnel veut-on mener ? Pour quelles priorités ?

Le développement des moyens audiovisuels français à l'étranger et le soutien aux Français expatriés tiennent-ils lieu de politique étrangère pour 1999 ? La faiblesse, malgré une très légère augmentation cette année, de notre contribution au PNUD notamment traduit bien une certaine frilosité de la France à l'égard des programmes des Nations Unies. Le Royaume-Uni et le Danemark donnent bien davantage.

En un mot, à quoi la politique étrangère de la France aujourd'hui diffère-t-elle de celle du gouvernement précédent ?

Certes, la cohabitation ne favorise pas l'audace. Mais on peut craindre qu'en ce domaine aussi perdure la pensée unique, soutenue par un honorable Quai d'Orsay qui peine à innover. Les tout aussi honorables parlementaires de la majorité déplorent souvent la fadeur des réponses à leurs questions, comme ils déplorent l'attitude de la France, très en retrait, lors de la négociation sur la création de la Cour criminelle internationale ou sur le code de bonne conduite européen en matière de vente d'armes, ainsi que la priorité accordée, lors de déplacements à l'étranger à la signature de gros contrats commerciaux, obtenus parfois en faisant fi d'une véritable parole politique de la France. Sans contester l'utilité des échanges commerciaux -nous sommes d'ailleurs hostiles aux embargos qui pénalisent les populations et confortent les dictateurs-, nous dénonçons la dérive qui consiste à transformer la politique en promoteur d'intérêts privés.

L'élaboration de la politique étrangère de la France doit enfin sortir du secret des cabinets et des cellules. Les parlementaires et la commission des affaires étrangères ne devraient pas avoir à se battre pour siéger par exemple au Haut Comité à la coopération. Les ONG et la société dans son ensemble doivent aussi pouvoir se reconnaître dans une politique dont les priorités sont lisibles et issues de débats publics. A cet égard, ce budget est indigent.

Certes, seize mois sont bien courts pour changer tout cela. Encore voudrions-nous être assurés qu'il existe une volonté politique de le faire. Nous accorderons la plus grande attention à vos réponses. En l'état, ce budget nous déçoit. Nous le voterons du bout des lèvres en raison notamment des incertitudes qui pèsent sur la coopération et de la diminution de l'aide au développement. Nous comptons sur un sursaut en 1999, à la veille d'un troisième millénaire où la France devra faire entendre une voix à la fois forte et généreuse dans le concert mondial (Applaudissements sur les bancs du groupe RCV, du groupe communiste et quelques bancs du groupe socialiste).

Mme Monique Collange - Quel pourrait être le rôle de la France et de l'Union européenne après la signature, le 23 octobre dernier, du nouvel accord israélo-palestinien. Cet accord salué par tous ceux que désespérait l'arrêt du processus de paix, est le résultat du courage politique de Yasser Arafat qui n'a cessé de jouer un rôle modérateur dans les Territoires en restant ouvert au compromis et du courage politique de Benjamin Netanyahou qui a, ce jour-là, accepté le principe de "la paix contre les Territoires", renonçant ainsi à l'utopie dangereuse du grand Israël.

Certes, cet accord ne résout aucun des problèmes de fond, non plus d'ailleurs que ne le faisaient les accords d'Oslo. Il doit permettre un nouveau redéploiement et il renforce considérablement les garanties de sécurité d'Israël grâce à la coopération et à l'arbitrage des Etats-Unis. Ainsi, l'argument de la sécurité ne devrait plus être invoqué pour bloquer le processus de paix.

Cet accord précise des accords antérieurs, le plus souvent d'ailleurs au désavantage des Palestiniens. On peut ainsi s'interroger sur l'ampleur des concessions territoriales en Cisjordanie. L'autorité palestinienne ne contrôlera qu'une part limitée d'un territoire épars. On voit par ailleurs mal comment les négociations finales pourraient aboutir d'ici au 4 mai 1999. Les positions d'Israël sur Jérusalem Est et les implantations sont, en effet, diamétralement opposées à celles des Palestiniens. Les parties se sont engagées à ne pas prendre d'initiatives unilatérales qui modifieraient le statut de la Cisjordanie ou de la bande de Gaza. Mais, alors qu'une clause identique existait dans les accords d'Oslo, Israël a considéré qu'elle ne s'appliquait pas à Jérusalem Est ni n'interdisait l'extension des colonies. On peut donc craindre qu'il poursuive sa politique de colonisation. En outre, l'accord du 23 octobre ne reconnaît pas la légitime revendication des Palestiniens de créer un Etat.

Espérons toutefois qu'il apaise les esprits et permette aux territoires autonomes de s'intégrer dans un espace économique qui est, de très loin, le plus développé du Proche-Orient.

Depuis cinq ans, les espérances des Palestiniens ont été déçues. Yasser Arafat, qui a multiplié les concessions, doit aujourd'hui affronter une opposition qui l'accuse d'avoir trahi la cause palestinienne et la situation de l'économie palestinienne s'est dégradée. Pourtant, nul doute que l'accord du 23 octobre sera approuvé par une majorité de l'opinion palestinienne qui, sans nourrir d'illusions, en attend des résultats.

En premier lieu, la libération des Palestiniens détenus dans les prisons israéliennes, dont le nombre est estimé par les ONG à 2 200. Dans un protocole annexé au mémorandum, Israël s'est engagé à libérer 750 prisonniers, à raison de 250 par mois. Cette question sera un test décisif de la volonté de paix israélienne.

En second lieu, la liberté de circulation aujourd'hui très entravée par les autorités israéliennes -nous l'avons constaté au cours d'une mission. Même en l'absence de bouclage des Territoires, les Palestiniens ne peuvent quitter facilement leurs lieux de résidence. Cela a beaucoup contribué à ruiner l'espoir placé dans le processus d'Oslo et a provoqué l'effondrement de l'économie palestinienne. Sans désenclavement, le redéploiement n'aurait donc aucun sens.

L'accord du 23 octobre prévoit aussi l'ouverture prochaine de l'aéroport et de la zone industrielle de Gaza, mais sous l'entière autorité israélienne, sur le comportement de laquelle on peut s'interroger.

Le mémorandum prévoit également la reprise des négociations sur l'ouverture d'un corridor entre la bande de Gaza et la Cisjordanie.

Des négociations sur la construction d'un port à Gaza doivent également s'engager sans délai en vue d'aboutir à la conclusion d'un protocole sous 60 jours.

Des négociations doivent enfin s'ouvrir afin de développer les échanges économiques. Cet aspect, vital pour l'économie palestinienne, est aussi le point d'appui le plus solide pour la politique de l'Union européenne.

Les Etats-Unis ont une influence décisive au Proche-Orient et c'est vers eux que Yasser Arafat s'est principalement tourné pour arracher cet accord. C'est eux qui seront les garants de la bonne application des dispositions relatives à la sécurité et qui parraineront les négociations sur le statut final. L'OLP est en train de devenir leur allié dans une région qu'ils dominent déjà largement.

L'Union européenne, quant à elle, a été pratiquement absente des dernières négociations alors qu'elle est le principal bailleur de fonds des territoires palestiniens et le principal partenaire commercial d'Israël. La France, pour sa part, est probablement l'Etat européen qui a le plus soutenu la cause palestinienne après avoir joué un rôle décisif, avant 1966, dans la défense d'Israël. Tout Français qui a eu l'honneur de rencontrer Shimon Peres ou Yasser Arafat, comme moi-même, peut témoigner de l'affection dont la France est l'objet en Israël ! Il serait donc consternant que l'Europe ne joue pas un plus grand rôle dans le processus de paix.

L'Union européenne a conclu avec l'OLP un accord commercial préférentiel, qui permet à certains produits d'accéder au marché européen en franchise de droits et de quotas ou à des conditions préférentielles. Mais pour l'instant, les Territoires n'ont aucun accès direct vers l'extérieur. Leurs exportations et leurs importations doivent transiter par des points de passage, dont la plupart sont contrôlés par des transitaires israéliens. Ces derniers coûtent cher et la compétitivité des produits palestiniens en souffre. En vertu du protocole de Paris, les Palestiniens ont le droit d'exporter sans restrictions leurs produits, selon les mêmes modalités que les produits israéliens. Mais la réalité est différente : les produits palestiniens entrent dans l'Union européenne sous étiquette israélienne, ce qui est inacceptable. Les autorités israéliennes considèrent que les territoires palestiniens sont sous leur responsabilité douanière et ne reconnaissent aucune validité à l'accord conclu avec l'Union. Ce problème n'a pas été résolu par le mémorandum du 23 octobre.

C'est un dossier qu'il faut examiner avant de ratifier l'accord d'association entre Israël et l'Union européenne. Peut-on ratifier un accord dont on sait qu'il n'est pas interprété de la même manière par ses signataires ? Peut-on admettre que les relations entre l'Union et Israël se développent, alors qu'Israël entrave le développement des relations avec les Territoires ?

Une fois ce préalable levé, et même si la question palestinienne n'est pas résolue, l'Union pourra intensifier ses relations avec Israël comme avec les Territoires.

Avec Israël, la coopération est déjà intense. La relance du processus de paix devrait notamment permettre le renouvellement de l'accord de coopération scientifique qui unit Israël et l'Union européenne. A ce sujet, Monsieur le ministre, le Conseil prendra-t-il sa décision prochainement, ou seulement après l'application du mémorandum ?

Avec les Territoires, beaucoup reste à faire. L'aide de l'Union a été consacrée au soutien du budget palestinien, à l'assistance technique et aux infrastructures. Certains projets devraient se débloquer grâce à l'application du mémorandum. Ce soutien est vital pour les Territoires. La seule question de l'approvisionnement en eau grève l'avenir de la bande de Gaza, dont la population ne cesse de croître et bat des records de densité. Le potentiel économique des Territoires est important, le niveau d'éducation des Palestiniens, très élevé. Lorsqu'elle ne sera plus entravée, l'économie palestinienne pourra devenir performante.

Ces évolutions devraient conduire l'Europe à jouer un rôle politique au Proche-Orient, à l'instigation du gouvernement français (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe RCV).

M. Hubert Védrine, ministre des affaires étrangères - J'ai écouté avec beaucoup d'attention les interventions des différents orateurs, qui dénotent une connaissance attentive de notre diplomatie, de ses moyens, et des problèmes qu'elle rencontre. Pour beaucoup d'entre elles, vos analyses et vos suggestions rejoignent les miennes.

Plusieurs d'entre vous ont souligné les aspects positifs de ce premier projet de budget unique des affaires étrangères et de la coopération. Certains d'entre vous ont déploré quelques insuffisances, dont je suis bien conscient. Je suis néanmoins convaincu que ce projet me permettra de soutenir notre action, de relayer notre influence dans le monde et de poursuivre cette réforme de notre outil diplomatique dont j'ai fait un objectif prioritaire.

Quels sont nos objectifs ? En temps de crise comme en temps ordinaire, notre diplomatie contribue à renforcer la sécurité de notre pays, à prévenir ou à contrebalancer les évolutions stratégiques, économiques ou culturelles qui pourraient nous être défavorables et à défendre nos intérêts. Elle oeuvre à la propagation de nos conceptions et de nos idées. Elle nous assure, dans une Europe de plus en plus large, une influence toujours déterminante. Ce sont là des buts permanents, que nous poursuivons en Europe comme en Méditerranée, en Afrique, au Proche et au Moyen-Orient, ou dans les Amériques, et que nous déclinons dans tous les domaines, au cours des sommets internationaux, comme à l'occasion des rencontres bilatérales.

Pour atteindre ces objectifs, comment tenons-nous compte des caractéristiques du monde de 1998 ?

Parce que ce monde est global et que notre pays est une puissance d'influence mondiale, nos intérêts sont partout. Notre diplomatie doit l'être aussi. C'est le sens des nombreux voyages du Président, du Premier ministre, de M. Moscovici ou de moi-même. Nous avons des relations étroites et régulières avec plusieurs dizaines de pays. L'Allemagne, les autres membres de l'Union européenne, les Etats-Unis sont des partenaires de tous les jours, mais aucun des 184 autres pays du monde ne peut être négligé. C'est ainsi que nous avons relancé notre diplomatie dans toutes les instances multilatérales, qu'il s'agisse d'institutions, comme le conseil de sécurité ou de réunions de fait, comme le groupe de contact.

Comme dans ce monde global, tout se négocie en permanence, nous devons prêter attention à tout. C'est le rôle du ministère des affaires étrangères que de prévenir les risques et de saisir les opportunités, de conduire ou au moins de suivre toutes les négociations. Ainsi, nous entamons avec nos partenaires européens des négociations délicates pour maintenir à 1,27 % du PIB le budget de l'Union pour les années 2000-2006, afin de préserver les moyens de la politique agricole commune et des fonds structurels. La contribution de chaque pays doit rester raisonnable. Nous avons déjà fait part à nos partenaires de notre détermination à réformer les institutions européennes avant tout nouvel élargissement, sans quoi l'Union se diluerait ou se paralyserait. L'idée fait son chemin. Avec six des pays candidats, nous commençons à quinze des négociations d'adhésion que Pierre Moscovici et moi suivrons de près.

M. Lefort l'a rappelé, nous nous sommes retirés des négociations de l'AMI.

M. Jean-Claude Lefort - Très bien !

M. le Ministre - Nous avons aussi obligé la Commission européenne à reconsidérer les négociations NTM. Nous allons bientôt devoir définir la position de l'Union dans les futures négociations de l'Organisation mondiale du commerce, qui porteront sur des sujets aussi sensibles que l'agriculture, l'audiovisuel, les services et l'information. Chacune de ces négociations comportera pour nous des risques, mais aussi des chances.

Enfin, nous commencerons à débattre, en décembre, avec les Etats-Unis et nos autres alliés de l'OTAN, du "concept stratégique" qui sera adopté pour le cinquantenaire de cette organisation. Nous voulons qu'il respecte la charte des Nations Unies et n'entrave pas l'éveil de cette identité européenne de défense et de sécurité que la France préconise depuis si longtemps et que la récente ouverture britannique rend moins inaccessible.

Beaucoup d'entre vous ont évoqué le poids des Etats-Unis. Parce que les Américains sont nos amis, nous devons être prêts à soutenir leur effort chaque fois que c'est justifié, comme pour la relance du processus de paix au Proche-Orient, à travailler avec eux, comme nous l'avons fait au sein du groupe de contact sur le Kosovo, ou à débattre de tous les sujets difficiles : l'Irak, l'Iran, l'Afrique, l'OTAN. Mais parce qu'ils sont aussi une "hyperpuissance" sans contrepoids, portée à l'hégémonisme, nous devons aussi être capables de leur résister.

M. Jean-Claude Lefort et Mme Yvette Roudy - Très bien !

M. le Ministre - C'est dans cet esprit que nous avons fait face aux principaux événements de l'année. Ainsi, en ce qui concerne sur l'Irak, malgré tous les incidents, nous ne renonçons pas à rechercher une issue d'avenir, conforme aux résolutions. Mais il faut que l'Irak respecte enfin ses obligations. Je le dis avec gravité, alors qu'une fois de plus ses dirigeants s'engagent dans la mauvaise direction. En Iran, tout en restant prudents, nous encourageons les évolutions nouvelles. Au Proche-Orient, tout en ne cessant d'agir pour le déblocage du processus de paix, nous avions souhaité que les Etats-Unis assument les responsabilités que leur avait créé leur rôle dans les négociations de Madrid et d'Oslo. Nous avons donc soutenu les efforts de Mme Albright, salué l'engagement du Président Clinton et les résultats obtenus à Wye Plantation. Nous entendons relancer le processus de paix, comme le souhaite Mme Collange, mais nous n'oublions, dans ce contexte nouveau, ni la Syrie, ni le Liban.

Après les essais indiens et pakistanais, nous avons agi pour préserver le traité de non-prolifération et convaincre, autrement que par des sanctions, ces pays importants de choisir une autre voie. En Afrique, notre nouvelle politique respecte les engagements de la France, mais proscrit les ingérences, et vise à développer des liens avec tout le continent. Nous ne devons pas nous laisser décourager par les drames de l'Afrique des Grands Lacs.

S'agissant de la Russie, il nous faudra encore longtemps l'aider à se redresser. On ne peut plaquer brusquement, sur les décombres de l'URSS, une économie de marché que partout ailleurs, nous avons mis des siècles à édifier. Aux Russes de trouver le chemin de ce processus.

Au Kosovo, en liaison avec nos partenaires du conseil de sécurité, du groupe de contact, de l'Union européenne et de l'OTAN, nous nous sommes mobilisés pour arracher aux autorités de Belgrade l'engagement d'une autonomie substantielle pour le Kosovo et convaincre les Kosovars d'accepter cette solution. C'est maintenant une question de persévérance.

Enfin, s'agissant de l'Union européenne, l'enjeu est tout simplement de reprendre le contrôle politique de son évolution, afin qu'elle apporte aux citoyens des Etats membres des raisons de continuer à souhaiter son développement et prouve au reste du monde son utilité. Elle doit rester une référence, qu'il s'agisse de la préservation de la diversité des cultures et des langues, de l'environnement, de la prévention des conflits, du développement, des progrès de l'Etat de droit. Nous ferons tout pour que l'Union retrouve son rayonnement et son élan.

Ce monde est instable, il est aussi très concurrentiel : aucune situation "acquise" n'y est protégée des remises en cause ; perturbé, comme l'attestent les trente guerres ou crises graves qui mettent aujourd'hui aux prises plus de cinquante Etats, ainsi que les rebondissements de la crise financière, alors qu'au même moment les organes de régulation mondiale -conseil de sécurité, FMI, G8- peinent à accomplir leur tâche. Notre diplomatie doit plus que jamais anticiper, et inventer. C'est bien parce qu'elles sont conscientes de tous ces enjeux, et pas uniquement en raison de la Constitution, que les autorités françaises ont à coeur de parler d'une même voix, même si c'est par plusieurs bouches.

Ainsi, au cours des mois écoulés, j'ai relancé l'idée, avancée naguère par le Président, d'une conférence sur la paix pour l'Afrique des Grands Lacs et proposé, après les essais indiens et pakistanais, la négociation d'un traité universel d'interdiction des matières fissiles à usage militaire. Le Président a lancé l'idée d'une convention universelle contre le financement du terrorisme que j'ai reprise devant l'ONU.

Le ministre des finances a proposé à nos partenaires européens un mémorandum contre l'instabilité financière internationale ; le Président en a saisi ses partenaires du G8 lançant l'idée d'un code pour la bonne circulation des capitaux. Enfin, le gouvernement français a joué un rôle décisif dans l'aboutissement de la conférence de Rome sur la création d'une Cour pénale internationale crédible : nous avons été parmi les tout premiers Etats signataires -32 sur les 60 nécessaires ont signé.

J'en viens maintenant à la réforme de notre administration, rendue nécessaire par l'évolution du monde.

Nous avons commencé par la réforme de la coopération, attendue depuis de nombreuses années, annoncée par le Premier ministre lors de son discours de politique générale de juin 1997 et arrêtée dans ses principes début février 1998 ; depuis lors Charles Josselin et moi-même y travaillons sans relâche. Je me réjouis de la large compréhension de votre assemblée pour les objectifs de cette ambitieuse réforme dont Charles Josselin vous parlera plus en détail. Mais je voudrais mettre l'accent sur deux points.

Le premier est que nous mettons en place à cette occasion une organisation administrative profondément rénovée. En janvier prochain, la "direction générale de la coopération internationale et du développement" verra le jour. Plutôt que de juxtaposer les structures des deux ministères, laissant perdurer des doubles emplois, nous avons choisi d'intégrer dans un même ensemble les multiples fonctions de coopération internationale assurée aujourd'hui par la DGRCST et celles d'aide au développement portées par les services de la rue Monsieur. Nous en attendons une rationalisation de notre dispositif de coopération et une clarification de nos priorités et de nos modes d'intervention.

Je le répète, cette réforme de la coopération ne signifie nullement une prise de distance vis-à-vis de nos partenaires traditionnels, en premier lieu africains. Certes, notre politique africaine est en mutation, parce que l'Afrique et les Africains évoluent. Nous adaptons notre présence et notre assistance à la modernité africaine, restant fidèles à nos amis et élargissant nos relations à l'ensemble du continent. Notre solidarité ne se relâchera pas. Mais notre aide publique bilatérale doit se concentrer sur les pays les plus fragiles. En réunissant prochainement le comité interministériel de coopération internationale et de développement, le Premier ministre arrêtera les contours de cette "zone de solidarité prioritaire".

L'adaptation en cours des structures du ministère des affaires étrangères ne concerne pas uniquement l'ancienne "direction générale". A l'usage, plusieurs ajustements sont en effet apparus nécessaires. Le nouveau décret d'organisation qui les fixe sera très prochainement publié.

L'idée générale est de simplifier nos structures d'administration centrale, de raccourcir les différentes chaînes hiérarchiques et de clarifier les différentes fonctions.

De même, la carte de nos implantations à l'étranger doit évoluer, tout simplement parce que le monde change et que la localisation à l'étranger de nos entreprises et de nos compatriotes se modifie. Nous devons en tenir compte et procéder à des redéploiements, rendus de toute façon nécessaires par la limitation de nos effectifs. J'ai donc demandé qu'un plan d'adaptation de notre réseau, fondé sur une vision prospective du monde, me soit présenté d'ici les prochaines semaines. J'en informerai naturellement vos commissions spécialisées. Je compte ensuite interroger les autres administrations de l'Etat présentes à l'étranger sur leurs projets dans ce domaine afin de coordonner notre action.

J'ai également entrepris de moderniser en profondeur les méthodes de gestion de mon administration. Certes, je ne mésestime pas ce qui a été engagé dans ce domaine par certains de mes prédécesseurs. Mais mon diagnostic est clair : les contraintes budgétaires, la nécessaire réforme de l'Etat, le développement des relations internationales des autres ministères ou de la société civile, la nécessité d'être mobiles, adaptables et réactifs obligent à "changer de braquet". J'espère réussir à enraciner au ministère des affaires étrangères une vraie culture de gestion moderne, ce qui implique aussi d'accepter des évaluations. Dans cet esprit, j'ai créé un comité de management regroupant les principaux responsables du ministère autour du nouveau secrétaire général pour mettre en oeuvre les changements nécessaires : rénover la politique du personnel et de la formation, en favorisant la mobilité interne et externe et en réformant les statuts et les corps ; déconcentrer les crédits, renforcer l'évaluation, introduire les nouvelles technologies de l'information. Des initiatives nombreuses ont été prises depuis plusieurs mois, j'accélère ce mouvement. Les Affaires étrangères ne sont pas seulement dépositaires d'une fonction régalienne éminente, elles sont également un service public qui doit contribuer à la réforme de l'Etat.

Je m'attache en particulier à la restructuration de notre politique immobilière, qu'il s'agisse de la conservation du patrimoine exceptionnel dont nous sommes dépositaires ou des constructions nouvelles, notamment des ambassades. J'ai arrêté, il y a quelques semaines, un plan d'action qui comprend une refonte des procédures et de nouveaux responsables.

Un mot enfin sur un secteur d'activité auquel vous êtes à juste titre sensibles : l'administration des deux millions de Français de l'étranger. Un réel effort a été fait en faveur de la sécurité des communautés françaises expatriées ; les crises en Afrique, en Indonésie et ailleurs en ont montré la nécessité. De nouvelles modalités ont été adoptées en matière d'adoption internationale, un site internet d'informations pratiques pays par pays sera prochainement ouvert. Toutes ces initiatives contribueront à augmenter la qualité du service rendu par le ministère à ses usagers.

Je rappelle en outre que le Gouvernement a assoupli la politique des visas au profit des universitaires, des étudiants, des hommes d'affaires et des personnalités culturelles sans, bien entendu, remettre en cause la lutte contre l'immigration clandestine à laquelle participent nos services consulaires.

Toutes ces réformes seront patiemment poursuivies, avec l'objectif de créer de nouvelles mentalités.

J'en viens maintenant aux principales orientations de ce premier budget unique affaires étrangères-coopération. Avec 20,7 milliards de francs, il s'inscrit dans la continuité des moyens que vous aviez votés l'an dernier.

Mais ce budget de consolidation comporte des priorités claires que nous finançons par des redéploiements. Je vous en donnerai quatre illustrations.

J'ai personnellement insisté pour le maintien d'un effort public significatif en faveur de la coopération culturelle, scientifique et technique. C'est parfois contesté, et je le regrette car nos actions dans ce domaine constituent l'indispensable accompagnement de notre diplomatie, un support de la politique menée en faveur de la francophonie et, souvent, un préalable au succès de nos entreprises sur certains marchés extérieurs -M. Bouvard l'a souligné à propos de la CEI. La culture est au coeur de la place de la France dans le monde.

Après plusieurs années d'érosion continue, interrompue in extremis l'an dernier, j'ai obtenu cette année la reconduction des moyens financiers affectés à ces actions. Pour lutter contre l'éparpillement, j'ai toutefois amorcé une réorientation de ces crédits autour d'actions prioritaires. Ainsi, pour financer le plan d'action présenté en conseil des ministres le 30 avril dernier, la politique audiovisuelle extérieure bénéficiera de plus de 130 millions de mesures nouvelles. Les trois axes de ce plan sont le soutien à TV5, dont la grille de programmes va être profondément remaniée sous l'impulsion de son nouveau président, M. Jean Stock, dont je salue le dynamisme et la créativité, l'aide à la montée sur satellites de nouvelles chaînes françaises et le soutien à l'exportation de productions françaises. Au total, les moyens consacrés à l'audiovisuel extérieur par le ministère des affaires étrangères dépasseront le milliard de francs.

Autre priorité : améliorer l'offre de formations supérieures françaises à l'étranger, de sorte que l'université française demeure attractive pour les jeunes élites étrangères. En 1999, il s'agira de mieux accueillir les étudiants étrangers, d'assouplir pour eux les formalités de visas et de mettre en place un nouveau programme de bourses d'excellence. J'ai réservé à cet effet 55 millions de moyens financiers nouveaux. M. Allègre et moi allons constituer dans les prochaines semaines un nouvel opérateur, l'agence "EduFrance", dont la mission sera de relayer les efforts de nos deux administrations et des universités françaises pour assurer à l'étranger la promotion de notre système d'enseignement supérieur.

Enfin, je crois que notre action culturelle doit obéir à des priorités géographiques plus claires et plus compréhensibles -je parle de vraies priorités. Il s'agit de savoir avec qui l'on coopère, avec quels moyens et dans quel but. Ainsi, en 1999, c'est la coopération avec les Etats-Unis, la Chine, les pays du Mercosur et les grands pays de l'Afrique anglophone -Afrique du Sud et Nigeria en particulier- qui sera favorisée, les crédits d'aide au développement de l'ancien secrétariat d'Etat à la coopération restant bien sûr orientés en priorité vers nos partenaires traditionnels. Ces orientations auront pour inévitable corollaire une diminution des moyens affectés aux autres types d'actions.

Le deuxième choix important de ce budget consiste à restaurer le niveau de nos contributions volontaires aux organisations internationales : d'où une mesure nouvelle de 50 millions, soit un accroissement de 25 % des crédits correspondants. Une telle mesure était indispensable et avait été réclamée par beaucoup d'entre vous l'an dernier, et en particulier par la commission des affaires étrangères. De fait, alors que les négociations fondamentales se multiplient dans les enceintes multilatérales, notre absence durable des fonds et programmes des Nations Unies financés sur contributions volontaires aurait pu conduire à une marginalisation de notre pays. L'effort budgétaire dont je viens de parler nous redonnera toute la crédibilité nécessaire pour peser de toute notre influence au sein de ces organismes.

Troisième priorité : la solidarité envers nos compatriotes de l'étranger. Votre assemblée ne pourra qu'adhérer à la décision du Gouvernement de les faire bénéficier à des choix sociaux faits pour la collectivité nationale. Vous approuverez certainement l'effort consenti en faveur de l'enseignement français à l'étranger : les crédits confiés à l'agence pour l'enseignement français à l'étranger augmenteront de 5,4 % et les bourses scolaires bénéficient d'une mesure nouvelle de 20 millions. D'autre part, les crédits sociaux d'assistance vont s'accroître de 10 % grâce à une mesure nouvelle de 10 millions.

Vos rapporteurs ont évoqué l'évolution des effectifs diplomatiques et consulaires. Il est vrai que ce projet de budget prévoit une nouvelle tranche de suppression d'emplois à hauteur de 143 postes. Vos rapporteurs se sont inquiétés des contraintes supplémentaires qu'elle allait occasionner, après tous les efforts déjà consentis au cours de ces dernières années. M. Jean-Louis Bianco a même parlé d'une réduction "sans équivalent dans le reste de l'administration". Compte tenu de la configuration actuelle de notre réseau à l'étranger, nous sommes probablement parvenus, c'est vrai, à une sorte de point-limite.

M. Jacques Myard - C'était votre discours l'an dernier !

M. le Ministre - Je suis prêt à procéder aux aménagements nécessaires, à condition qu'ils résultent d'une vision politique de l'évolution de notre présence à l'étranger et non d'une simple approche comptable. Au demeurant le rapprochement entre les services des affaires étrangères et ceux de la coopération, par les gains de productivité dégagés et les économies d'échelle réalisées, permettra d'effectuer plus facilement ces redéploiements.

Je suis sûr que vous êtes convaincus comme moi de la nécessité de renforcer pour 1999 le caractère vigilant, global, inventif et mobile de notre diplomatie. Ambitieux, également, car il s'agit de rien de moins que de civiliser la mondialisation. Ce projet de budget représente une nouvelle étape. Je vous remercie de bien vouloir l'adopter, lorsqu'en fin de débat vous aurez à vous prononcer par un vote unique (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe RCV).

QUESTIONS

M. Bernard Schreiner - La situation budgétaire du Conseil de l'Europe, et en particulier, celle de l'assemblée parlementaire, est préoccupante. En tant que président de la commission du budget et du programme de travail intergouvernemental de cette assemblée, j'y suis confronté de manière aiguë. Le budget de l'assemblée parlementaire, qui ne représente que 8,42 % de celui du Conseil de l'Europe, va reculer en 1999, alors même que, suite aux décisions du sommet d'octobre 1997, le mandat statutaire de cette assemblée s'est considérablement élargi et que sa configuration a changé -augmentation du nombre de commissions, d'invités spéciaux, d'observateurs... Ces modifications ont considérablement enrichi le contenu de l'action politique du Conseil de l'Europe, mais les moyens financiers n'ont pas suivi, le plafond budgétaire pour 1999 étant fixé à 1,34 milliard et les propositions formulées par l'assemblée parlementaire en ce qui concerne ses propres dépenses de fonctionnement étaient restées lettre morte.

La France est-elle, à l'instar de la Norvège, prête à une contribution volontaire qui permette au Conseil de l'Europe de faire face aux dépenses additionnelles induites par les décisions du sommet de 1997 ? N'oublions pas que nous avons la chance que le siège du Conseil de l'Europe soit à Strasbourg. A plus long terme, le Gouvernement serait-il favorable à l'accroissement des pouvoirs budgétaires de l'Assemblée, qui aujourd'hui se limitent à l'adoption d'un avis non contraignant pour le comité des ministres ?

M. le Ministre - Le budget global du Conseil de l'Europe est passé de 432 millions en 1989 à 843 en 1996 et 975 en 1997. Cette progression considérable s'explique par l'arrivée des nouvelles démocraties, en particulier en 1996 par celle de la Russie, qui est devenue un des grands contributeurs -je ne sais si elle est encore en mesure de l'être.

Pour 1999, le secrétaire général a chiffré les besoins du budget ordinaire à 1 066 millions, soit une nouvelle augmentation de 5,4 %.

Pour sa part, la France assume près de 13 % des charges ordinaires de l'organisation, soit 125 millions et même 170, si l'on ajoute notre contribution aux accords partiels, au budget des pensions et au budget immobilier. C'est une participation significative. Avant d'aller plus loin, il conviendrait de connaître le résultat de la réflexion du comité des sages -présidé par M. Soares, ancien Président de la République du Portugal- sur les restructurations à mener. Or le rapport doit être remis le 4 novembre.

Mme Nicole Catala - Le 26 juillet dernier, des élections législatives se sont déroulées au Cambodge, sous l'égide des Nations Unies, ce qui laissait espérer la fin de la période tourmentée que connaissait ce pays depuis 1993 et un retour de la paix. Malheureusement, il n'en a rien été. La répartition des responsabilités entre les deux principales formations politiques a en effet entraîné des affrontements larvés puis violents, qui ont abouti en juillet 1997 à un coup de force du "second" Premier ministre, Hun Sen, lequel a accusé le "premier" Premier ministre, le prince Ranaridh, d'avoir eu un comportement agressif, et en particulier d'avoir incorporé des Khmers Rouges dans l'armée cambodgienne. Un coup d'Etat a eu lieu en juillet 1997, provoquant des morts, et le départ à l'étranger de certains responsables politiques. C'est donc de façon presque inespérée que des élections législatives ont pu se tenir en juillet 1998. Les observateurs internationaux ont estimé qu'elles se sont déroulées de façon régulière, même s'ils ne peuvent garantir que la population n'a pas subi de pression des autorités locales.

Par la suite, la situation s'est à nouveau dégradée. Peu après les élections, on aurait tiré sur la demeure de M. Hun Sen. Une grenade aurait ensuite été lancée contre lui alors que le roi allait réunir les dirigeants des différentes formations politiques. Récemment encore, alors que l'Assemblée allait tenir sa première séance, une nouvelle agression aurait eu lieu contre M. Hun Sen. Celui-ci n'est d'ailleurs pas en reste, puisqu'il a fait arrêter ou menacé d'arrestation certains de ses adversaires. Plusieurs d'entre eux, dont le prince Ranaridh, ont dû se réfugier à l'étranger.

La situation politique est par ailleurs bloquée. M. Hun Sen ne dispose pas à l'Assemblée du nombre de voix nécessaire pour constituer un gouvernement. Le roi lui-même n'a pu obtenir que les partis d'opposition entrent dans un gouvernement de coalition.

D'où ma question : que fait la France pour aider au déblocage de la situation politique ? Et que fait-elle pour que les droits de l'homme soient respectés ? Je pense en particulier au président de la commission des droits de l'homme de la précédente assemblée, empêché aujourd'hui de quitter le territoire.

M. le Ministre - Depuis la crise de juillet 1997, la France n'a cessé d'agir pour une solution politique pacifique et démocratique. Pour de nombreuses raisons, nous sommes très engagés au Cambodge ; nous essayons d'agir en liaison avec nos partenaires européens et les pays de l'ASEAN. L'objectif prioritaire était de mettre en place un cadre juridique permettant la tenue des élections. De manière presque surprenante, vous l'avez dit, elles ont eu lieu, et les observateurs internationaux les ont jugées équitables, alors qu'elles étaient sous la responsabilité des seules autorités cambodgiennes, contrairement à celles de 1993 qu'avait organisées l'ONU. Mais cela n'a pas suffi, car il faudrait une majorité des deux tiers à l'Assemblée pour débloquer la situation politique. Que faisons-nous ?

Nous sommes en relation avec les différentes forces politiques, et nous les incitons à trouver un accord. Nous soutenons surtout les efforts du roi Sihanouk, non seulement en raison de son prestige personnel, mais parce que la Constitution en fait l'arbitre suprême chargé d'assurer le fonctionnement des pouvoirs publics. Il a obtenu quelques résultats : l'Assemblée a pu se réunir le 24 septembre, et les parlementaires ont prêté serment. Nous espérons qu'il en obtiendra d'autres, mais n'avons d'autres moyens d'action que ceux du dialogue et de la persuasion. Quand le nouveau Gouvernement sera constitué, on pourra traiter les problèmes en suspens : adhésion à l'ASEAN, développement économique...

Mme Nicole Catala - Droits de l'homme !

M. le Ministre - Droits de l'homme, dont le respect suppose le développement économique et un cadre institutionnel qui fonctionne.

M. Charles Ehrmann - Trop de Français l'oublient : depuis 1515, la France et les Etats allemands ont été en guerre tous les vingt-trois ans en moyenne. Cela fit des millions de morts. Depuis 1945 -et c'est un orphelin de la guerre de 14-18 qui vous parle- nous sommes en paix. L'Europe des Quinze, c'est d'abord la paix. C'est aussi la richesse : les Etats membres font 75 % de leur commerce extérieur entre eux ; le niveau de vie a triplé en francs constants ; nos Etats sont devenus des Etats-providences, qui devront toutefois relever le défi du chômage.

Cette Europe est à la croisée des chemins. L'Allemagne a changé : elle est plus berlinoise, moins sentimentale qu'au temps du chancelier Kohl -qu'on se rappelle Kohl et Mitterrand à Verdun. Mais le plus grand problème est l'élargissement à vingt ou à vingt-cinq, qu'a voulu l'Allemagne soutenue par la majorité des Quinze, préalablement à la réforme des institutions, voulue, elle, par la France avec le soutien de la Belgique et de l'Italie. Pourtant ces institutions faites pour six, obsolètes pour quinze, sont inutilisables à vingt. Elargir sans les réformer, c'est faire certes une grande zone de libre-échange, mais une Europe faible, toujours obligée de faire appel aux Etats-Unis. Réformer d'abord les institutions, c'est construire une Europe politique, économique, sociale, militaire, qui règle elle-même ses problèmes intérieurs et soit capable de tenir tête aux grandes puissances américaine et asiatiques. Monsieur le ministre, sommes-nous sur le bon chemin ?

M. le Ministre - Toute notre politique tend vers ce que vous dites. Rarement autant d'échéances européennes majeures se seront précipitées dans un si bref laps de temps. Nous devrons d'abord trouver la moins mauvaise solution pour l'Agenda 2000. Ensuite, se posera clairement le dilemme que vous évoquez entre approfondissement et élargissement. Nous avons ouvert des négociations d'élargissement avec six pays, mais bien d'autres attendent. Nous sommes favorables à l'élargissement, pour lequel militent l'histoire, la démocratie, la civilisation. Mais nous voulons qu'il soit sérieusement négocié, que soient posés au préalable tous les problèmes qui, s'ils n'étaient pas réglés, empoisonneraient ensuite la vie de l'Union. C'est notre intérêt mais aussi celui des pays candidats, afin que l'Union à laquelle ils souhaitent adhérer ne soit pas affaiblie, paralysée par leur arrivée.

Cela implique qu'on réforme les institutions ; c'est là le problème clé. Nous avons fait des suggestions pragmatiques qui permettraient, sans même changer les traités, d'améliorer le fonctionnement du conseil des affaires générales, de la commission, du Conseil européen. Nous avons également fait des suggestions plus importantes, avec la Belgique et l'Italie, que soutiennent à des degrés divers d'autres Etats, tendant à réformer les institutions : il s'agit notamment du vote à la majorité qualifiée et de l'organisation de la commission.

Ainsi la France à nouveau innove et propose. Mais elle ne peut rien imposer, seulement convaincre ; et nous nous y employons. Il est clair que nous n'accepterons pas un nouvel élargissement s'il n'est pas précédé d'une réforme des institutions. La politique de la France est claire sur ce point, et nos partenaires sont de plus en plus convaincus du bien-fondé de sa démarche.

M. Jean-Jacques Weber - Le dossier de l'immigration ne se limite pas à la vingtaine de personnes qui font la grève de la faim, et pour qui j'ai beaucoup de compassion. Il reste un dossier explosif, humainement désastreux. Il faut l'aborder avec le coeur et la raison. Le coeur commande l'humanité. Les immigrés sont là, en nombre imposant : plus de dix mille sans-papiers dans le Haut-Rhin, m'a-t-on dit. Comment faire le procès de ceux qui, tenaillés par le besoin, sont venus partager quelques miettes de notre Eldorado ? Traquons leurs vils exploiteurs et régularisons les autres au plus vite !

Mais la raison commande la rigueur. Rendons en même temps impossible l'arrivée de nouveaux clandestins. Or le problème concerne les Affaires étrangères et les Affaires européennes. Leur rôle est d'abord d'informer, dans les pays pauvres, sur les conditions d'accueil en France. Il est ensuite d'ouvrir partout des écoles françaises, de former les jeunes, de les initier à notre langue et à notre culture, tout en les formant aux métiers dont leur pays a besoin. Il faut aussi se fixer un numerus clausus de personnes autorisées à venir travailler en France pour une durée déterminée.

Mais, en même temps, il faut poser une règle impérative : tout hôte sans papiers sera reconduit chez lui, sans délai ni atermoiement. Cela suppose qu'il soit identifié de façon sûre. Or le moyen en existe : c'est le système Eurodac pour la comparaison des empreintes digitales, qui a été proposé pour améliorer le fonctionnement de la convention de Dublin de 1996. Eurodac permettra de vérifier rapidement si une personne a déjà demandé l'asile dans un pays de l'Union et d'éviter qu'elle soit renvoyée successivement d'Etat en Etat. Il permettra surtout de déjouer les identités multiples et les récidives et de lutter contre les filières d'immigration clandestines grâce à une base de données accessible à tous les pays membres. Il rendra en outre impossible la substitution de personnes dans nos centres hospitaliers au détriment de la Sécurité sociale.

Ce projet est débattu au sein du comité exécutif Schengen -le siège d'Eurodac n'a toujours pas été fixé. De quelle façon, Monsieur le ministre, appréhendez-vous le problème de l'immigration ? Souhaitez-vous que la France rejoigne les pays qui, telle l'Allemagne, sont engagés dans ce projet Eurodac ?

M. le Ministre - Votre question concerne l'ensemble du Gouvernement. Nous souhaitons tous une politique d'immigration républicaine, humaine, préservant le droit d'asile lorsqu'il est légalement invoqué et permettant l'accueil dans des conditions décentes des personnes qui pourront s'insérer dans notre société.

Nous recherchons avec nos partenaires européens des procédures permettant de savoir au plus tôt quelles sont les personnes que nous pouvons accueillir, afin de réduire les délais générateurs d'incertitude. Nous souhaitons que les règles soient transparentes afin que ne viennent en Europe que ceux qui seront sûrs de trouver le bon accueil que nous voulons leur offrir.

Alors que la méconnaissance des dispositifs de chaque pays a longtemps alimenté des affrontements véhéments, un consensus apparaît aujourd'hui entre les partenaires de Schengen sur la façon dont le souci de leur dignité commande de traiter les personnes. Des solutions techniques, telle celle que vous avez évoquée, sont envisageables mais je ne peux répondre sur ce dossier précis sur lequel je n'ai pas eu à travailler.

M. Michel Voisin - La proposition de règlement du Conseil relatif à la coopération financière et technique avec les territoires occupés qu'a reçue la délégation pour l'Union européenne, la récente mission de notre commission des affaires étrangères dans cette région, à laquelle assistait notre collègue Bernardette Isaac-Sibille et la conclusion des accords de Wye Plantation suscitent des interrogations sur la place de la France et de l'Union européenne dans le processus de paix au Moyen-Orient.

Lors de la conférence des donateurs tenue à Washington en octobre 1993, un plan international de développement de l'économie palestinienne sur cinq ans, de 2,4 milliards de dollars, avait été décidé. L'Union européenne devait y participer à hauteur de 500 millions d'écus. Aujourd'hui, le soutien international à l'économie palestinienne s'élève à 2,8 milliards de dollars. L'Europe représente 54 % des versements alors qu'elle ne devait y contribuer que pour 38 %. Les Etats-Unis avaient promis 27 % de l'aide ; ils n'y ont participé que pour 10 %.

La situation des Palestiniens s'est entre-temps dégradée puisque leur PNB par habitant a reculé de 35 % depuis 1992, essentiellement du fait du bouclage des territoires occupés par Israël.

L'Union européenne a révisé à la hausse son aide. La France peut-elle approuver cette proposition qui jette implicitement un doute sur l'avenir du processus de paix sans remettre en cause ses choix politiques ?

Sans compter que cette proposition de règlement E 1125 ne reprend pas l'expression de "territoires occupés" et se prévaut des accords d'Oslo pour limiter l'aide à la Cisjordanie et à la bande de Gaza. Cette correction marque-t-elle une révision de l'objectif final de la politique européenne qui était jusqu'alors la création d'un Etat palestinien ?

L'aide française se conformera-t-elle à ces limites géographiques ?

L'alignement de la France sur cette proposition européenne marquerait la fin de notre politique dans la région qui se traduisait encore récemment par une proposition franco-égyptienne de conférence de paix régionale, dont personne ne parle plus et qui serait pourtant souhaitable.

M. le Ministre - L'engagement de la France en faveur d'une solution équitable au Proche-Orient est connu depuis de nombreuses années même si la plupart des percées diplomatiques se sont réalisées sous la pression des Etats-Unis. Les accords de Wye Plantation qui impressionnent l'opinion ne surprennent pas ceux qui connaissent l'histoire de la région.

L'action de la France a été réelle pour renforcer dans chaque camp ceux qui souhaitent la paix et pour préparer les évolutions en introduisant dans la discussion des concepts nouveaux.

Cet effort doit être poursuivi, car des accords comme ceux de Wye Plantation sont bien difficiles à traduire dans les faits et paraissent extrêmement fragiles. Il nous faut soutenir ceux qui veulent loyalement les appliquer afin d'entretenir l'espérance qui renaît, après un an et demi de blocage pendant lequel le niveau de vie en Cisjordanie s'est effondré de près de 40 %.

En ce qui concerne l'aide, l'Union européenne avec beaucoup d'élégance apporte 60 % de l'aide internationale que reçoivent les Palestiniens. Nous allons continuer, mais nous voulons que cette aide soit utile et consolide effectivement ce qui commence à ressembler à ce que sera demain un Etat palestinien.

Notre politique reste donc constante et au sein de l'Union européenne, ce sont nos partenaires qui se rapprochent de nos analyses et non l'inverse.

M. le Président - Les crédits inscrits à la ligne Affaires étrangères et Coopération seront appelés à la suite de l'examen des crédits de la coopération. Toutefois, en accord avec la commission des finances, j'appelle maintenant l'amendement 48 de M. Myard qui porte sur le titre IV de l'état B.

M. Jacques Myard - L'article 40 de la Constitution ne nous permet pas de créer des charges nouvelles. Mon amendement 48 supprime donc des suppressions de crédits opérés par Bercy au sein du titre IV. Nous déplorons tous le manque de moyens du budget du ministère des affaires étrangères et vous-même, Monsieur le ministre, vous dites, comme vos prédécesseurs l'avaient fait avant vous, qu'il en est ainsi pour la dernière année.

Je souhaite donc agir dès maintenant par cet amendement dont je ne doute pas qu'il aurait pu être signé, au-delà des options partisanes, par notre collègue Jean-Louis Bianco (Sourires). Manifestons ensemble de manière forte que nous voulons rétablir ces crédits du ministère des affaires étrangères car il en va de l'existence de la France sur la scène internationale et de sa capacité à défendre des objectifs de paix au Proche et au Moyen-Orient et à favoriser le développement de l'Afrique.

Ce que nous dépenserons aujourd'hui à ces fins, nous n'aurons pas à le payer demain dans des conditions catastrophiques.

M. Yves Tavernier, rapporteur spécial - Vous êtes, Monsieur Myard, un incorrigible récidiviste.

M. Jacques Myard - Il vaut mieux se répéter que se contredire !

M. Yves Tavernier, rapporteur spécial - La répétition devient de l'entêtement puisque vous proposiez cette même disposition il y a deux ans, sans succès d'ailleurs, à la majorité d'alors dont vous étiez membre...

M. Jacques Myard - C'est bien la preuve qu'il ne s'agit pas d'une proposition partisane !

M. Yves Tavernier, rapporteur spécial -...en proposant d'affecter les crédits rétablis à l'audiovisuel. Vous avez été entendu, les crédits consacrés à l'audiovisuel ayant fortement augmenté. Vous supprimez donc des mesures nouvelles négatives pour alimenter les crédits de coopération pour le développement.

Or la politique française pour le développement est l'une des plus remarquables qui soient. Cette année les crédits consacrés à la coopération culturelle, scientifique et technique augmentent et je vous rappelle que notre pays est le deuxième contributeur mondial.

M. Jacques Myard - Les crédits reculent de 500 millions !

M. Yves Tavernier, rapporteur spécial - Nous consacrons 0,45 % de notre PNB à la coopération.

Pour toutes ces raisons, je demande le rejet de votre amendement.

M. le Ministre - Je suis sensible à la philosophie de votre amendement, de même que je l'ai été à la sollicitude exprimée tour à tour par les rapporteurs et les orateurs. Cela étant, j'ai exposé tout à l'heure en quoi ce budget comportait les moyens nécessaires pour mettre en oeuvre les priorités retenues -que j'ai énoncées clairement et qui ont semblé recueillir un large assentiment. Nous avons répondu à vos attentes de l'an dernier, notamment en matière d'audiovisuel extérieur et d'offre de formation supérieure. Espérons que nous répondrons l'an prochain à vos attentes de cette année. Pour ces raisons, je demande le rejet de votre amendement.

M. François Loncle - L'esprit facétieux de notre collègue Myard suscite toujours notre sympathie. Force est néanmoins de constater que sa démarche fait assez penser à Pierre Dac -qu'il l'entende d'ailleurs comme un compliment. Mais nous ne pourrons le suivre dans sa demande de neutralisation d'une diminution par suppression d'une augmentation. Nous voterons donc contre cet amendement.

Cela étant, au-delà de mon groupe politique, nous serons à vos côtés, Monsieur le ministre, pour défendre un budget qui, depuis 1992, n'a cessé de s'éroder. La politique étrangère de la France doit disposer de moyens financiers à la hauteur de ses ambitions.

M. le Président - Moins par moins donne plus !

M. Jacques Myard - Je ne cherche pas à être facétieux, mais efficace. Monsieur le ministre, il est des moments où il faut savoir être indiscipliné et prendre ses responsabilités. Un message fort doit être adressé à Bercy dont le rapporteur de la commission des finances respecte à la lettre -cela ne m'étonne pas- l'orthodoxie. Dans ce combat, mon amendement, Monsieur le ministre, serait le meilleur moyen de vous aider. Quel que soit le gouvernement en place, j'ai toujours fait valoir les mêmes arguments.

L'amendement 48, mis aux voix, n'est pas adopté.


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COOPÉRATION

M. le Président - Nous abordons l'examen des crédits de la coopération.

M. Maurice Adevah-Poeuf, rapporteur spécial de la commission des finances - Nous assistons aujourd'hui à une grande première puisque le ministre des affaires étrangères et le ministre de la coopération assistent tous deux à notre débat. Cela tient à la "révolution" intervenue dans ces deux ministères après plus de dix années de discussions stériles et des arbitrages complexes.

Le rattachement des services de la coopération à ceux du ministère des affaires étrangères est en soi important. Plus important encore est l'évolution doctrinale qu'il traduit. En tout état de cause, ces modifications sont plus exaltantes que l'évolution des crédits. Nous avons regretté, sur tous les bancs, l'insuffisance des crédits des affaires étrangères et de ceux de la coopération, qui en sont désormais une composante. Cette année encore, ce domaine ne constitue pas une priorité budgétaire. Un effort substantiel de notre politique, devra être entrepris dès 1999 pour qu'il le redevienne. A défaut apparaîtra un décalage flagrant entre le discours de grande puissance que continue de tenir la France et les moyens qu'elle consacre à ses ambitions.

Trois niveaux d'intervention, deux organes nouveaux, le comité interministériel de la coopération internationale et du développement (CICID) et le haut conseil de la coopération, deux pôles, l'un diplomatique, l'autre financier, enfin un instrument technique, l'agence française de développement et ses filiales : l'ensemble est cohérent, performant d'autant que la pratique de coopération est conduite, contrairement aux accusations infondées dont elle fait parfois l'objet, par des personnes efficaces, sur la base de projets sérieusement contrôlés et évalués.

Si la réforme des structures est parfaitement lisible, l'évolution des crédits l'est moins ! Ceux du titre III augmentent de 4,7 % mais comment analyser ce chiffre qui résulte de divers mouvements à la hausse et à la baisse ? Les crédits du titre IV diminuent, pour leur part, de 10,25 %, résultante d'une diminution massive des concours financiers ainsi que de l'assistance technique et d'une augmentation, importante en valeur relative mais mesurée en valeur absolue, des moyens de la coopération décentralisée. Les autorisations de programme du titre VI progressent de 1,7 % tandis que les crédits de paiement régressent de 11,4 %. Cela peut paraître beaucoup mais les engagements, notamment au titre du FAC, ont accumulé un tel retard que même à ce niveau, ces crédits devraient suffire en 1999 pour faire face aux décisions déjà prises. Une question toutefois sur les crédits de l'article 40 du chapitre 68-91 : pourquoi diminuent-ils de 40 % alors même qu'ils servent à financer les projets en direction des pays les plus pauvres ? Pour le reste, je vous renvoie à mon rapport écrit, notamment pour apprécier l'évolution des crédits d'un exercice à l'autre -encore que, le périmètre ayant été modifié, les comparaisons soient difficiles.

Je souhaite maintenant vous poser quelques questions, Monsieur le ministre, essentielles à mes yeux. Tout d'abord, sur la zone de solidarité prioritaire. Je regrette que des impératifs liés au calendrier ne vous permettent de détailler ni son périmètre ni son rôle. La représentation nationale devra être rapidement saisie des propositions du CICID. Nous ne pouvons pas laisser indéfiniment dans l'incertitude les anciens pays du champ. A côté du pôle diplomatique, dont vous serez une composante à part entière, un pôle financier va se constituer au ministère de l'économie et des finances. Je souhaite que vous nous en disiez un peu plus sur la répartition des rôles. L'administration du Trésor va-t-elle vous laisser un peu d'espace au sein des organismes de Bretton Woods, ou pour ce qui touche à la gestion multilatérale de la dette ? Le Trésor gère en effet des fonds qui dépassent de beaucoup ceux de la coopération au sens strict.

M. Jacques Myard - Eh oui !

M. Maurice Adevah-Poeuf, rapporteur spécial - Avez-vous mis au point un modus operandi ?

Les moyens humains se réduisent, dans les postes à l'étranger. S'agissant de l'assistance technique, vous nous avez expliqué que la déflation des effectifs serait moindre que celle de l'année dernière, elle-même comparable à celle de l'année précédente... On ne peut continuer à dire, année après année, qu'on passe d'une coopération de substitution à une coopération de projet, comme l'ont fait certains collègues ici présents...

Veut-on encore d'une assistance technique et si oui, pourquoi faire et avec quels moyens ? Je souhaite une réponse précise sur ce point.

Les volontaires sont en droit d'attendre de la fusion un progrès significatif : la suppression des quotas par zone qui ont perdu toute justification. Parviendra-t-on à établir la fongibilité des affectations, après celle des compétences ? La question est posée par les ONG et la réponse est très attendue.

Par ailleurs, qu'en est-il du projet de loi sur le volontariat ? La suppression de la conscription fait que tout le monde va avoir besoin de volontaires. Où en est ce projet et quand nous sera-t-il présenté ?

M. le ministre des affaires étrangères a dit que nous vivions dans "un monde instable et concurrentiel". Instable, l'Afrique ne l'est ni plus ni moins que le reste du monde. Du point de vue de la concurrence, elle est plus fragile que les autres continents. C'est pourquoi je souhaite savoir ce qui va se passer, au-delà de la réforme de notre dispositif, avec la renégociation des accords de Lomé et l'arrimage du franc CFA à l'euro.

Nos amis du champ peuvent se réjouir que le conseil des ministres des finances ait décidé d'amarrer ainsi leur monnaie à l'euro. Je rappelle à cet égard que ce sera sous la garantie du Trésor et non de la Banque de France, ce qui explique pourquoi nos partenaires l'ont accepté. C'est une chance pour nos partenaires africains, de sortir ainsi d'un système unilatéral de préférence commerciale pour entrer véritablement dans l'économie mondiale. Ils ne doivent pas laisser passer cette opportunité qui doit favoriser le développement durable de leur pays.

Il y a le fonds européen de développement, qui aide les pays ACP ; le dispositif des accords de Lomé ; les aides du budget général qui profitent aussi aux pays non ACP... Comment ces différents éléments vont-ils s'articuler ?

Par ailleurs, je souhaite que la non-ingérence dans la région des Grands Lacs ne soit pas une politique à la Ponce Pilate Si d'aventure un des géants de l'Afrique venait à être dépecé, la France devrait faire entendre sa voix, même s'il y avait une conférence de paix...

M. Jacques Godfrain - Très bien !

M. Maurice Adevah-Poeuf, rapporteur spécial  - On sait que la morale a peu de rapports avec la politique... Je souhaite cependant qu'on introduise davantage de moralité dans les aides, qui doivent être conditionnelles. Nous sommes nombreux, sur tous ces bancs, à être choqués de voir l'argent des contribuables français aller à certains Etats.

Nous n'avons pas à rougir. Certes, ce budget n'est pas très bon...

M. Jacques Godfrain - Il n'est pas bon du tout !

M. Maurice Adevah-Poeuf, rapporteur spécial - Mais je rappelle qu'avec un montant d'aide publique au développement égal à 0,45 % du PIB, nous sommes les premiers donateurs de l'Union européenne et les seconds du G7. La France joue son rôle et doit continuer de le faire. J'espère que nous nous retrouverons l'année prochaine pour examiner un budget en hausse.

La commission vous invite à adopter les crédits de la coopération.

La suite du débat est renvoyée à la prochaine séance, qui aura lieu ce soir, à 21 heures.

La séance est levée à 19 heures 25.

          Le Directeur du service
          des comptes rendus analytiques,

          Jacques BOUFFIER


© Assemblée nationale


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