Accueil > Archives de la XIe législature > Les comptes rendus > Les comptes rendus analytiques (1998-1999)

Assemblée nationale

COMPTE RENDU

ANALYTIQUE OFFICIEL

Session ordinaire de 1998-1999 - 25ème jour de séance, 65ème séance

2ème SÉANCE DU VENDREDI 6 NOVEMBRE 1998

PRÉSIDENCE DE M. Michel PERICARD

vice-président

          SOMMAIRE :

LOI DE FINANCES POUR 1999 -deuxième partie- (suite) 1

La séance est ouverte à quinze heures.


Top Of Page

LOI DE FINANCES POUR 1999 -deuxième partie- (suite)

L'ordre du jour appelle la suite de la discussion de la deuxième partie du projet de loi de finances pour 1999.


Top Of Page

DÉFENSE

M. Jean-Michel Boucheron, rapporteur spécial de la commission des finances - Le rapport spécial des crédits du ministère de la défense doit être un rapport de vérité et impose à son auteur, quelles que soient ses proximités philosophiques avec le Gouvernement, une extrême rigueur dans ses jugements. C'est dans cet esprit que j'avais longuement développé l'année dernière les réserves que m'inspirait ce budget. Une certaine expérience parlementaire m'avait appris à me méfier des encoches budgétaires et à douter de la capacité d'un gouvernement à mettre fin à une baisse des crédits de défense.

C'est donc avec la liberté de celui qui a su être critique quand la situation l'imposait que je dis aujourd'hui que le budget de la défense pour 1999 doit être approuvé.

Pour la première fois depuis six ou sept ans, nous partons sur des bases totalement neuves. Nous sommes sortis de cette zone grise où les concepts futurs pas encore totalement définis se mélangeaient aux concepts anciens pas encore totalement abandonnés. Le budget pour 1999 sera un budget de référence pour l'avenir.

La stabilisation des ressources, la transparence de la gestion financière, la montée en puissance de la professionnalisation, la revue des programmes, la réorganisation industrielle représentent cinq révolutions majeures. Certaines de ces réformes étaient engagées, d'autres pas. Vous les avez fait progresser d'une façon extrêmement satisfaisante, même si d'inévitables zones d'ombre subsistent.

Première originalité : une stabilité budgétaire décidée au plus haut niveau de l'Etat. Un équilibre a été défini entre les objectifs de la loi de programmation militaire et des ressources budgétaires compatibles avec les autres missions de l'Etat. A Saint-Mandrier, le 3 avril 1998, le Premier ministre indiquait en substance que la conduite dans la durée d'une politique de défense oblige à dépasser la ligne d'horizon budgétaire. Les crédits d'équipement de la défense s'élèveront à 85 milliards en francs constants pour les quatre prochaines années, à mi-chemin entre le niveau nominal de la programmation et le montant inscrit au budget pour 1998. Ces crédits passent donc à 86 milliards en 1999, en augmentation de 6,2 %. Cet accord assoit définitivement les ressources du titre V et permet tout en respectant les objectifs de la loi de programmation, d'engendrer 20 milliards d'économies "compatibles".

La revue des programmes a permis de définir cet équilibre, sans porter atteinte à nos capacités d'équipement. Après 1995, année funeste où 11,8 milliards de crédits avaient été annulés, les crédits sont passés de 80 milliards en 1996 à 83,7 milliards en 1997, 81 milliards en 1998 avant de remonter donc à 86 milliards en 1999. Les ressources disponibles de ces dernières années entraînaient de graves difficultés dans l'ensemble de notre secteur industriel.

Les crédits du titre III s'élèvent à 104 milliards, en augmentation de 0,2 %. Cette stabilité apparente ne doit pas cacher d'énormes modifications de la structure interne du budget de fonctionnement dues pour l'essentiel aux effets de la professionnalisation.

La part du titre III dans le budget n'a cessé de croître pour atteindre actuellement 55 % et même 60 % en termes nets. L'exécution budgétaire renforce cette situation puisque les ouvertures de crédits portent toujours sur le titre III et les annulations sur le titre V. Cette évolution est inexorable ; l'armée professionnelle la plus comparable en ratio à ce que sera la nôtre, est l'armée britannique dont les dépenses du titre III dépassent souvent les 67 % du budget.

Autre évolution inexorable au sein du titre III : la montée des rémunérations et des charges sociales au détriment des dépenses de fonctionnement. En 1999, alors que les premières progressent de près de 3 % pour représenter 80 % du titre III, les secondes diminuent de près de 10 % n'en représentant plus que 18 %. En effet, la défense perdra 27 641 emplois en 1999, passant sous la barre symbolique des 500 000 hommes.

Malgré la diminution des dépenses réelles de fonctionnement, la difficulté sera de réaliser des économies sans porter atteinte au caractère opérationnel des forces, notamment à leur taux d'activité et d'entraînement.

La deuxième originalité de ce budget réside dans l'énorme effort de transparence et de rigueur dans la gestion. Annulations, reports de charges, intérêts moratoires, demandes d'ouverture de crédits, étaient autant d'indices d'une infernale spirale financière. Ayant souvent critiqué à cette tribune ce que l'on peut appeler la mauvaise gestion du ministère, je suis heureux aujourd'hui de souligner les efforts réalisés. A ce titre, je citerai l'amélioration du contrôle de gestion, la comptabilité spéciale des investissements qui retrace les différentes phases de l'utilisation des autorisations de programme, le catalogue des opérations budgétaires d'investissements, véritable tableau de bord de la programmation, la réforme de la nomenclature budgétaire, souvent demandée par le Parlement, notamment la clarification du titre V. La notion de programme permettra de calculer les coûts consolidés. Vingt-cinq programmes d'armement majeurs sont individualisés en fonction de leur poids financier, de leur conduite en coopération ou de leur portée opérationnelle. Ils représentent 51 % de la totalité des crédits de fabrication et de développement. Cinquante autres programmes pourraient être qualifiés d'importants sur la base des mêmes critères. Le progrès déjà enregistré est cependant considérable.

Le titre III permet maintenant de distinguer les grandes catégories de personnel militaire et donc de suivre précisément le bon déroulement de la professionnalisation.

Il serait possible de clarifier encore les relations entre le fonctionnement et l'investissement. Ainsi au Commissariat à l'énergie atomique, l'intégralité des transferts proviennent du titre V alors qu'ils sont utilisés à 40 % en fonctionnement. On peut aussi s'interroger sur le lien avec la défense du fonds de reconversion économique de la Polynésie française. Enfin, les crédits de la recherche duale, expressément exclus de la loi de programmation, figurent pourtant régulièrement dans ceux du ministère.

Il faut citer également les efforts méritoires réalisés dans le domaine des opérations extérieures.

En 1998 le financement du surcoût de rémunérations a été assuré par un décret d'avance d'un montant de 3,8 milliards au titre III dont un milliard au titre des opérations extérieures.

Les commandes globales pluriannuelles offrent elles aussi plus de transparence. Elles permettent à l'Etat d'obtenir des prix intéressants en contrepartie d'engagements à plus long terme avec les industriels. L'Apache anti-piste, le Scalp EG, la torpille MU90, le missile MICA, le système de transmission MTBA ont bénéficié de ce type de commande.

Des règles plus saines ont été établies en matière de négociations de coopération grâce à la montée en puissance de l'OCCAR.

La politique de réduction des coûts menée par la DGA est également plus rationnelle. L'optimisation du rapport coût-performance permet de fixer les spécifications au juste besoin. C'est essentiel pour atteindre au plus près les objectifs de la loi de programmation militaire.

Si l'on ajuste le plan stratégique de réorganisation des centres d'expertises et d'essais à cette longue liste, on comprend bien que ce budget n'est pas de transition, mais que l'ensemble des mécanismes de gestion du ministère sont profondément réformés.

Conformément au processus de professionnalisation et à la loi de programmation militaire, 39 000 appelés disparaîtront cette année des effectifs, ainsi que 2 700 sous-officiers. Le nombre d'officiers restera stable, 8 600 professionnels militaires du rang et 2 000 civils seront embauchés.

Dans l'armée de terre, la réorganisation du commandement et du soutien est la traduction directe, avec la réduction du format, du passage d'une armée territoriale de masse à une armée professionnelle de projection.

La professionnalisation doit s'effectuer dans un calendrier resserré, afin de limiter les effets démobilisateurs de la période de transition. On n'a pas constaté à ce jour de dégradation significative du comportement civique des jeunes appelés.

Pour le recrutement des engagés, la difficulté consistera à moyen terme à se passer du vivier naturel que constituait la conscription. Des campagnes de communication seront nécessaires, même si elles sont coûteuses -41 millions en 1998. La réussite passera également par une action de proximité à partir des unités, par le rajeunissement des cadres, par la féminisation et par le recrutement de civils. Ce dernier élément est fondamental ; la situation actuelle n'est malheureusement pas satisfaisante, en raison de la rigueur du ministère de l'économie et des finances, et il conviendrait d'assouplir l'utilisation des dotations budgétaires et les possibilités de recours à la sous-traitance.

La revue des programmes a été menée avec une grande minutie. Je réitère le voeu que les commandes pluriannuelles de Rafale soient définitivement signées au profit de nos capacités exportatrices et que l'option ATF l'emporte sur celle des C130J. Par ailleurs, je m'interroge sur le surcoût de 15 % du porte-avions nucléaire, qui n'est certainement pas dû qu'aux étalements de calendrier, sur l'état réel du programme VBCI, ainsi que sur la fin du programme Rubis dont la gendarmerie a un besoin urgent.

Je souhaite pour nos prochains budgets une reprise de notre effort de recherche et développement, qui est tombé de 29 milliards en 1992 à 21 aujourd'hui. Certes la rationalisation du dispositif d'études doit augmenter sa rentabilité, mais il faut que l'effort financier reste important.

Je souligne particulièrement la baisse des crédits nucléaires qui ont chuté de 37 milliards en 1990 à 16 milliards aujourd'hui, la précédente majorité les ayant déjà ramenés à 19 milliards. En revanche, la part des crédits du titre V consacrés à la dissuasion nucléaire est parfaitement conforme à la loi de programmation militaire.

Dans le domaine de la dissuasion, la principale décision a été d'avancer la date de mise en service opérationnel du M51 de 2010 à 2008, afin de la faire coïncider avec celle de l'admission au service actif du troisième SLNE-NG. Cette mesure génère près de 6 milliards d'économies.

Le budget de l'espace suit une pente préoccupante qui traduit les difficultés des programmes en coopération Hélios 2, Horus et Trimilstacom. Alors que dans son ensemble le budget d'équipement de la défense progresse de 6,2 %, les CP de l'espace baissent de 19,5 % et les AP de 9,6 %. Nous continuerons seuls Hélios 2 et Syracuse 3. L'abandon d'Horus permettra une redéfinition opérationnelle et technologique du programme. La France n'a pas de responsabilités dans cet abandon et dans la rupture de Trimilsatcom ; constatons simplement que nos principaux partenaires se mettent entre les mains de nos amis américains. La construction d'une Europe autonome de la défense sera une bien longue marche...

Dans le domaine industriel, cette année a été riche d'événements, dont beaucoup sont à porter à l'actif de votre gouvernement. Mais comment ne pas être inquiet de cette France à deux vitesses ? Il y a d'un côté celle des champions nationaux, avec la restructuration de Thomson-CSF et de Dassault Electronique, la synergie Alcatel-Aérospatiale, la fusion Aérospatiale-Matra haute technologie, les passerelles lancées vers nos partenaires européens DASA, BAE, GEC, Aliéna et d'autres, entraînés par la volonté politique des gouvernements allemand, britannique et français.

Il y a de l'autre la France de nos anciens arsenaux, qui va mal. Le GIAT est au confluent de toutes les crises : baisse des budgets, émergence de nouveaux concurrents, immense marché de l'occasion, matériel terrestre stratégiquement de moins en moins nécessaire. L'outil a été fort justement restructuré, l'organisation interne n'a pas suivi ; la volonté de s'adapter à l'environnement n'a pas été assez forte ni assez rapide. La DCN est menacée par un danger du même ordre, bien que le marché militaire naval soit meilleur sur le long terme ; en revanche, elle n'a pas été modernisée et souffre terriblement, du fait de l'absence de culture de gestion des prix de revient et du poids plume juridique et financier que représente la DCN internationale sur le marché mondial. Une réforme fondée sur la vérité, la concertation et le pragmatisme s'impose d'urgence.

Mon dernier souhait sera de voir s'éclaircir la position française vis-à-vis de l'OTAN, car nous cumulons joyeusement tous les inconvénients. Notre participation au budget de l'OTAN sera passée de 280 millions en 1997 à 451 millions en 1999, soit une augmentation de 61 %. Financièrement, nous sommes bien intégrés.

La nouvelle approche de l'OTAN introduit le concept de "paquet de capacité" et les grands commandements présentent désormais un besoin global pour remplir une capacité donnée. Sur le plan de l'organisation des forces, nous sommes bien intégrés.

Le système SCCOA français de commandement et de contrôle est, lui aussi, parfaitement intégré au système ACCS de l'OTAN, que nous finançons d'ailleurs à 13,3 %. Il est temps de tirer les conclusions ; l'embryon d'une défense européenne commune naîtra dans l'OTAN et nulle part ailleurs, tous nos partenaires nous le disent. Au mois d'avril, de grandes décisions sur le nouveau concept stratégique vont se prendre : j'aimerais que la France pèse lourd dans ces discussions, qu'elle ne se coupe pas elle-même de ses partenaires.

Monsieur le ministre, vous nous présentez un bon budget. Il permet de respecter la loi de programmation militaire, la gestion financière du ministère est en voie d'assainissement, de nombreuses réformes structurelles d'avenir sont lancées. La commission des finances l'a donc approuvé.

Les hommes et les femmes placés sous votre autorité maîtrisent avec succès et rigueur plusieurs révolutions simultanées ; qu'ils sachent que nous connaissons leurs efforts et que nous saluons leur action (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

M. René Galy-Dejean, rapporteur pour avis de la commission de la défense pour la dissuasion nucléaire - Les crédits proposés pour la dissuasion nucléaire sont à l'image du budget de la défense, c'est-à-dire contrastés. Certaines avancées recueillent l'adhésion, mais certains aspects de vos propositions, Monsieur le ministre, suscitent de vives préoccupations.

Par ailleurs, l'effort financier consacré à la sécurité du pays doit être jugé de manière relative. Est-il en phase avec le comportement des autres Etats du monde ? Qu'en est-il pour le nucléaire ?

Il y a, à cet égard, l'apparence des choses : la guerre froide n'est déjà plus qu'un souvenir, la prégnance de la superpuissance américaine accrédite l'idée qu'un gendarme suffit pour assurer la paix du monde. De fait, nous constatons en Europe la tranquille indifférence des opinions publiques, d'autant que la scène internationale est occupée par nombre d'actions diplomatiques et de traités, consacrés soit à la lutte contre la prolifération des armes de destruction massive, soit au démantèlement des arsenaux nucléaires, et qui contribuent à entretenir l'illusion. Pour un peu, certains auraient été tentés de dire, voici encore peu de temps : le nucléaire, c'est le passé...

Or voici que deux pays, l'Inde et le Pakistan, ont à la face du monde, procédé à plusieurs expérimentations atomiques. Certes ces gestes s'inscrivent dans des compétitions de caractère régional et ne prétendent pas accompagner un messianisme guerrier. Ils démontrent cependant que la maîtrise du nucléaire militaire reste au coeur des politiques de sécurité des Etats ; et ils apportent, hélas, la preuve de la précarité du contrôle international.

Cela me conduit à analyser, ce que j'appelle la nécessaire mais désespérante quête diplomatique du désarmement nucléaire, marquée par une succession d'échecs relatifs.

START I, même s'il a conduit à une diminution des arsenaux nucléaires, s'accompagne d'un aménagement des prouesses de destruction des divers systèmes d'armes.

START II a déjà vu les dates de franchissement de seuil de réduction repoussées à 2004 et 2007. Voici maintenant que la Douma russe affiche sa volonté de ne pas le ratifier, confortant ainsi une sorte de chantage diplomatique, face au processus d'élargissement de l'OTAN vers les pays de l'Est européen.

Le traité ABM, inspiré de l'éternelle compétition entre l'épée et le bouclier, voulait limiter les progrès dans la protection antimissiles, pour arrêter la course à la sophistication et à la performance des missiles et des charges utiles ; mais les recherches se sont poursuivies sur les lasers de neutralisation et sur les antimissiles de haute vélocité.

Le TNP portait en germe son propre système autodestructeur. On prétendait limiter le nombre des pays autorisés à détenir l'arme nucléaire, mais dès le départ un sixième Etat, Israël, était de fait autorisé à la posséder. Les essais indiens et pakistanais sont venus rompre les digues. Soyons assurés que désormais, de proche en proche, un ensemble de facteurs -souveraineté, indépendance, fierté nationale, parade aux tentations hégémoniques, réponse aux antagonismes ancestraux, intégrisme religieux- va inéluctablement modifier la donne.

Le TICE -traité d'interdiction complète des essais nucléaires- initié en 1994 et signé en 1996 a été tourné en dérision par les essais indiens alors que c'est l'Inde elle-même qui en avait été le promoteur.

La prolifération des armes nucléaires, sans doute atténuée par cette action diplomatique, se poursuit inexorablement ; et que dire des systèmes de surveillance et de contrôle qui ont été surpris par les essais indiens et par la fusée balistique de la Corée du Nord ?

Je renvoie à mon rapport concernant les divers aspects de la prolifération, de la dissémination des technologies et des cerveaux à la contrebande des matières et au terrorisme nucléaire. Mais j'espère vous avoir convaincus que la France ne peut en aucune façon amoindrir sa vigilance dans le domaine de la dissuasion nucléaire.

M. François Léotard - Très bien !

M. Galy-Dejean, rapporteur pour avis - Ce présent budget apporte quelques éléments de satisfaction. D'abord, l'effort de clarification budgétaire, le ministère s'étant efforcé de regrouper la quasi totalité des crédits de la dissuasion au chapitre 51-71 "forces nucléaires". Mais il y a plus important. L'an passé, j'avais exprimé ma très vive inquiétude quant au sort réservé au missile M51, élément structurant de notre dissuasion à moyen terme ; or voici que la revue des programmes a complètement rétabli ce programme. Je m'en réjouis et vous en remercie, Monsieur le ministre.

Autres éléments positifs : les crédits de paiement affectés à diverses catégories d'armes arrivées en phase de développement ou consacrés à la direction des applications militaires du CEA et à la mise en oeuvre de la simulation des essais.

Mais ces quelques arbres n'arrivent pas à cacher la forêt. D'abord, le décrochage de 12 % enregistré l'an passé en raison de "l'encoche" n'est pas rattrapé. A l'issue de la troisième année d'exécution de la loi de programmation, l'amputation sera de près de 4,5 milliards, soit de 7,64 %.

Rien dans le budget ne témoigne d'une préoccupation vis-à-vis d'une protection de notre territoire contre les missiles balistiques, alors que les Américains y travaillent pour leur propre compte. Si l'Europe ne s'est pas protégée elle-même, craignons donc qu'elle ne redevienne le champ de bataille avancé des Etats-Unis en cas de conflagration grave. Où en est la perspective d'une dissuasion nucléaire concertée entre pays européens ?

La diminution très sensible des autorisations de programme et surtout l'abattement de 20 % des études amont consacrées à la dissuasion m'inquiètent, car c'est l'avenir qui est en jeu. Les gouvernements espèrent toujours, il est vrai, que les responsables militaires accompliront les miracles.

J'éprouve des craintes sur l'exécution budgétaire de l'année prochaine. En effet, le budget général a été établi à partir d'un taux de croissance élevé, voire hasardeux. En outre, le budget des armées est arrivé à sa limite de rupture. Enfin, votre ministère n'a pas bénéficié des ressources que les rentrées fiscales abondantes auraient pourtant justifiées. Pouvez-vous au moins nous assurer que votre budget ne servira pas de variable d'ajustement ? Tout gel de crédit serait catastrophique.

Enfin, notre ministre de la défense et le Premier ministre sont-ils vraiment convaincus que notre dissuasion nucléaire constitue un élément de sauvegarde, de sécurité et de paix absolument indispensable ? L'inscription des crédits budgétaires au niveau souhaitable constituerait la meilleure réponse. A défaut, une solide profession de foi de votre part nous rassurerait.

Dans cette espérance, je m'en suis rapporté à la sagesse de la commission, assuré qu'elle approuverait dans sa majorité les crédits de la dissuasion (Applaudissements sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et sur quelques bancs du groupe socialiste).

M. Bernard Grasset, rapporteur pour avis de la commission de la défense pour l'espace, la communication et le renseignement - Depuis la mise en oeuvre du satellite Hélios, la France s'est dotée d'une capacité autonome d'appréciation dans la prévention et l'analyse des crises. Il est nécessaire de poursuivre dans le "cercle vertueux" de la décision politique, du progrès scientifique et du savoir-faire industriel.

Le budget pour 1999 risque d'introduire une rupture avec les tendances précédentes, car si les programmes destinés à la prévention des crises continuent d'être privilégiés, un certain ralentissement affecte le domaine spatial.

Notre effort dans ce domaine a été sans égal en Europe. Les dotations budgétaires ont progressé jusqu'à dépasser 4 milliards dans les lois de finances initiales pour 1993, 1995 et 1996. Mais le niveau réel des dépenses n'a pas dépassé 2,5 milliards au cours des trois derniers exercices.

Au total, le budget pour l'espace peut être qualifié de raisonnable. La diminution des AP de 10,66 % confirme un ralentissement des programmes spatiaux, celle de 15,9 % des CP contraste avec l'augmentation globale des dotations en capital de la défense.

Regrettons le retour de l'imputation de dotations duales dans les crédits spatiaux en contradiction avec les engagements de la loi de programmation militaire qui avait exclu toute contribution du ministère de la défense aux crédits du BCRD.

Le niveau des transferts devait baisser d'environ 1 milliard en 1997 à 500 millions en 1998, puis disparaître. Or le budget pour 1999 comporte un transfert de 900 millions destinés essentiellement aux recherches spatiales, ce qui constituerait un simple abondement du budget du CNES. Les conséquences de l'affectation de crédits duaux sur le budget spatial sont d'autant plus importantes que le montant des crédits d'études gérées par la DGA ne dépassera pas 265 millions de CP en 1999.

En attendant que les partenaires européens s'engagent sur des projets en coopération, la France garantit le déroulement des programmes majeurs dans le domaine spatial militaire.

Nous proposons ainsi aux Espagnols et aux Italiens de participer au lancement du satellite Hélios 1B en décembre 1999. De même, devant leurs hésitations à participer à Hélios 2, et suite à la défection de l'Allemagne, le budget comporte un financement de 1,254 milliard pour le développement du système Hélios 2.

En raison du coût élevé d'un système radar, l'accès à la filière du renseignement "tout temps" a été envisagé en commun avec l'Allemagne, l'Espagne, la France et l'Italie.

La persistance des incertitudes allemandes a conduit le Gouvernement à arrêter le programme Horus sans pour autant renoncer à l'acquisition d'une capacité d'observation radar.

La succession du programme de communications satellitaires Syracuse II s'avère également difficile. Des compléments et des améliorations tendent à prolonger la durée de vie du système jusqu'en 2005.

La recherche d'une coopération européenne se justifiait par la concordance des dates de remplacement des systèmes britannique et français, et par la convergence des besoins opérationnels avec l'Allemagne. L'annonce, le 12 août, que la Grande-Bretagne ne prendrait pas part à la définition du programme en coopération a conduit à rechercher une solution nationale.

Les aléas de la coopération européenne expliquent pour l'essentiel le niveau des dotations inscrites en faveur des programmes spatiaux.

Notre pays est contraint d'assurer presque seul la mise en oeuvre des systèmes de nouvelle génération, ce qui conduit à s'interroger sur la réalité de l'engagement européen dans le domaine de la prévention et de la gestion des crises, et sur la capacité de la France à continuer son effort.

On ne comprendrait pas l'abandon de systèmes qui éclairent les décisions politiques, assurent l'indépendance d'appréciation et sont en cohérence avec les objectifs majeurs de la programmation militaire. Le bénéfice des efforts passés ne doit pas être perdu et seules les dotations des prochains budgets pourront éviter de compromettre les acquis indispensables à notre indépendance (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

M. Georges Lemoine, rapporteur pour avis de la commission de la défense pour la gendarmerie - La présentation du budget de la gendarmerie pourrait être l'occasion d'une revue de détail. En l'absence de M. Robert Poujade, je n'y procèderai pas, sauf à parler pendant cinq heures du pacte d'amitié et de solidarité qui unit depuis deux siècles la gendarmerie et la nation (Sourires). Le témoignage de cette solidarité a été à nouveau apporté quand on a évoqué des questions de redéploiement.

Je ne parlerai pas du rapport Hyest-Carraz, qui vivra sans doute moins longtemps que Malet-Isaac ou le Lagarde et Michard.

M. Yann Galut, rapporteur pour avis de la commission de la défense pour l'air - On l'espère bien !

M. Georges Lemoine, rapporteur pour avis de la commission de la défense pour la gendarmerie - Parmi les motifs de satisfaction qu'offre le budget de la gendarmerie, en hausse de 2,63 %, citons la création de 714 emplois budgétaires et, au titre III qui croît de 2,6 %, une hausse des rémunérations de 3,6 %. Aux titres V et VI, en augmentation de 1,28 %, les dotations pour entretien programmé des matériels croissent de 9,2 %. Ces efforts appréciables ne peuvent faire totalement oublier la baisse de 11,4 % des subventions d'investissement.

En outre, les crédits de fonctionnement baissent de 1 %, même si les crédits de maintien de l'ordre augmentent de 70 millions. Espérons que la gendarmerie pourra ainsi régler sa dette à Air France, qui s'élève à 10 millions, ainsi que les intérêts accumulés, d'un montant équivalent. Mais le budget de fonctionnement des unités présentes sur le terrain va reculer de 5,8 % et les crédits des loyers de 1,35 %. Monsieur le ministre, ces chiffres nous inquiètent.

Faisant référence au discours prononcé lors du colloque à Villepinte par le Premier ministre, nos collègues ont décidé hier de réadapter les moyens du ministère de l'intérieur.

L'effort de sécurité ne se divise pas. Il faut prendre en considération les demandes des brigades, qui ont besoin de 50 millions.

M. Yann Galut, rapporteur pour avis - Très bien !

M. Georges Lemoine, rapporteur pour avis - Je tiens à insister sur ce point (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste). Dans le contexte psychologique actuel, une réponse positive à cette demande montrerait qu'il n'y pas deux poids deux mesures dans la sécurité et que le Gouvernement a bien la volonté de dégager les moyens nécessaires (Mêmes mouvements).

La durée moyenne de travail quotidien dans la gendarmerie départementale est de 9 heures et 8 minutes. Les gendarmes mobiles ont eu 216 journées de déplacement en 1997, ce qui est un maximum. Enfin, l'évolution per capita des dotations accordées aux unités, hors maintien de l'ordre et loyers, nous ramène presque aux niveaux de 1988, année de grogne dans la gendarmerie. Je ne crois pas aux cycles décennaux et je sais que les gendarmes apprécieront les efforts que vous consentez en leur faveur.

Pour 1998, le Premier ministre a autorisé le recrutement de 800 jeunes gendarmes adjoints. Il y en aura 3 000 en 1999. Un premier contingent de 324 gendarmes adjoints est actuellement en formation à Montargis. Parmi eux, 177 viennent du corps des gendarmes auxiliaires où ils effectuent leur service, et 147 sont d'anciens gendarmes auxiliaires, rendus à la vie civile.

J'ai passé la journée d'hier avec eux. Ils s'interrogent. Leur solde sera-t-elle identique à celle des adjoints de sécurité du ministère de l'intérieur. Pourront-ils se loger dans les brigades ? Sinon, qui paiera les loyers ? Quand pourront-ils passer les concours des écoles de sous-officier de la gendarmerie ? Qu'adviendra-t-il de ceux qui ne parviendront pas à intégrer la gendarmerie ? Peut-on envisager la création d'un concours interne, réservé aux gendarmes adjoints ?

Je pense qu'il faudrait porter à douze semaines leur temps d'instruction. Dix semaines, c'est trop bref.

En 2002, il aura fallu former 16 230 gendarmes adjoints, dont le plus grand nombre va souhaiter faire carrière. J'insiste sur la motivation de ces jeunes, qui sont l'avenir de notre gendarmerie. Dans cinq semaines, ils seront dans les brigades et les conditions de travail qu'ils y trouveront auront une influence sur leurs choix futurs.

En hausse de 50 millions, votre budget répondra à toutes nos attentes. J'invite l'Assemblée à le voter (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

M. Jean-Claud Sandrier, rapporteur pour avis de la commission de la défense pour les forces terrestres - Cinq minutes pour 50 milliards, c'est bref.

Mon rapport sur le budget de l'armée de terre rappelle tout d'abord les engagements du Gouvernement : le passage à une armée professionnelle et de projection, conformément aux grandes orientations définies par le Président de la République et votées par le Parlement en juillet 1996.

Ce projet de budget pour 1999 s'élève à 49,2 milliards, soit une augmentation, comparable à celle de l'ensemble du budget de la défense, de 2,7 %. Le titre III, qui s'élève à 30,7 milliards, reste au même niveau que l'année dernière. Les titres V et VI progressent de 6,5 %, soit 18,46 milliards. Toutefois, les AP baissent de 9,8 %, ce qui est inquiétant dans la mesure où le stock dont disposait l'armée de terre est en train de s'assécher.

A propos de ce budget, le chef d'état-major de l'armée de terre a évoqué sa "satisfaction lucide" quant au titre V et son "inquiétude raisonnée" quant au titre III. Il a observé que le projet de budget "permettait de poursuivre la refondation de l'armée" et "de garantir ses capacités opérationnelles".

L'évolution des effectifs sera respectée, avec 186 744 postes budgétaires ; 230 postes d'officiers, 1 220 postes de sous-officiers, 22 260 postes d'appelés seront supprimés, alors que 5 879 postes d'engagés militaires du rang et 1 361 postes volontaires seront créés. Le chef d'état-major a souligné le total respect des objectifs en matière de recrutement, en quantité comme en qualité. Les postes d'emplois civils augmenteront de 368 unités ; il semble toutefois difficile qu'ils soient tous pourvus, compte tenu de la suppression de milliers d'emplois au GIAT, à la DCN et à la DGA.

S'agissant des grands programmes d'armement terrestre, ils seront conformes à la revue des programmes que vous avez effectuée, Monsieur le ministre, notamment pour le char Leclerc, le véhicule blindé léger, les hélicoptères Tigre et NH90. J'estime toutefois nécessaire un rééquilibrage en faveur des armements conventionnels terrestres, pour les études et le développement comme pour la fabrication. Le projet de véhicule blindé de combat d'infanterie devrait être réexaminé, vu les difficultés de la coopération européenne en ce domaine, l'urgence de trouver une solution et les besoins réels de l'armée de terre. Si le VEXTRA de GIAT est trop cher, parce qu'il est trop bien, négocions avec le GIAT pour mettre au point un char moins sophistiqué.

M. Yves Fromion - Sans les roues !

M. Jean-Claude Sandrier, rapporteur pour avis - Si les capacités opérationnelles sont préservées, notre commission s'inquiète de la baisse des crédits de fonctionnement des forces : baisse d'ailleurs prévue, et d'autant plus prévisible que chacun savait que le coût de la professionnalisation irait croissant les premières années. Cette réforme, menée dans un délai très court, intervient dans le contexte du pacte de stabilité, qui pèse fortement sur les dépenses publiques.

Monsieur le ministre, je vous demande, au nom de notre commission unanime, de ne pas faire supporter le report des charges de crédits de fonctionnement -plus de 300 millions- dans le budget pour 1999 de l'armée de terre et d'inscrire cette somme dans une prochaine loi de finances rectificative.

Permettez à votre rapporteur d'exprimer son opinion. L'année dernière, j'avais tenu à exprimer mes réserves sur les choix effectués, insistant sur les milliers de suppressions d'emplois industriels qu'induirait le budget pour 1998. Les décisions prises au sujet de Giat Industries, la déflation des effectifs et les restructurations en cours à la DCN et à la DGA ont confirmé ces craintes.

Le budget pour 1999 ne me laisse pas sans inquiétudes pour l'avenir, d'autant qu'au niveau européen, des restructurations se préparent. Elles seront orchestrées par l'OCCAR, dont l'antenne principale est à Bonn. Peut-on faire prévaloir, dans l'industrie d'armement, une logique de marché, ou pire, une logique financière ? Ce qui est en jeu, c'est l'autorité de l'Etat et notre souveraineté. La définition d'une véritable politique de sécurité européenne doit précéder tout abandon de compétence, de savoir-faire ou de technologie.

Il s'agit de savoir si, comme se le demandait récemment un analyste de l'UNESCO, les responsables politiques accepteront toujours avec passivité la tyrannie de l'urgence et du court terme ou si, un jour, ils choisiront d'anticiper au lieu de s'adapter.

C'est également dans un souci d'anticipation qu'un effort sans précédent doit être consenti en faveur de la diversification de nos industries de défense.

La commission a émis un avis majoritairement favorable à l'adoption des crédits des forces terrestres (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste, du groupe socialiste et du groupe RCV).

M. Jean-Yves Le Drian, rapporteur pour avis de la commission de la défense pour la marine - Ce budget nous donne satisfaction, puisque les crédits de la marine progressent de 34 milliards et que les dépenses en capital augmentent de 5,5 %. Cependant, les crédits restent encore en retrait par rapport aux prévisions de la loi de programmation et ne permettent pas de résorber les effets de ce qu'on appelle pudiquement "l'encoche" de 1998. Il reste que le retard est rattrapé pour moitié, ce qui va desserrer la contrainte pesant sur les budgets d'équipement. En outre, la part de la Marine dans le budget de la défense croît légèrement pour la première fois depuis dix ans : puisse cette tendance se maintenir !

Toutefois, comme les autres, ce budget subit quelques "turpitudes", comme le transfert de charges relatives à l'entretien programmé du titre III au titre V, l'augmentation de la part patronale des cotisations au fonds de pension des ouvriers d'Etat... Tout cela pèse pour plus de 350 millions sur le titre V !

Malgré la progression, ce projet de budget permettra-t-il à la marine d'assumer ses missions et de se conformer progressivement au modèle prévu pour 2015 ? La réponse n'est pas entièrement affirmative car un certain nombre d'incertitudes demeurent.

S'agissant d'abord du fonctionnement, elle doit relever plusieurs défis liés à la professionnalisation : la réduction de 20 % du format oblige à désarmer avant terme des bâtiments et à professionnaliser en priorité les forces projetables, donc à remplacer les appelés embarqués ; le rythme d'intégration du personnel en provenance de la DCN s'est fortement ralenti en 1998 pour des raisons d'inadéquation géographique et professionnelle, et cela entraîne des perturbations dans les unités lorsque des postes indispensables ne peuvent être pourvus ; enfin, la progression des rémunérations et charges sociales s'opère au détriment des dépenses courantes de fonctionnement des unités.

Cela étant, la détermination des états-majors et le tempérament des marins nous permettent d'espérer que ces défis seront relevés. Nous avons en revanche davantage d'inquiétudes pour le niveau des équipements.

Nous nous réjouissons que les capacités de la FOST soient préservés avec la livraison en 2008 du quatrième SNLE-NG, directement équipé de M51, et nous prenons acte que le nouveau groupe aéronaval continuera d'être constitué avec l'admission du Charles-de-Gaulle au service actif en 1999, avec l'acquisition du troisième Hawkeye et avec la confirmation de la livraison en 2001 du premier Rafale Marine. Toutefois, la disponibilité de ce groupe aéronaval est amoindrie par le retrait du Foch en 2001 et par le retard pris en ce qui concerne la première flotille Rafale en version intercepteur. De plus, le Charles-de-Gaulle sera immobilisé à deux reprises, vers 2004-2005 et vers 2010-2011. La disponibilité du groupe ne sera donc pas assurée pendant ces périodes et il y a là un pari politique majeur, un risque qui, même évalué, ne pourra être comblé que par la construction d'un deuxième porte-avions.

Deuxième élément d'incertitude : l'âge moyen de la flotte de surface est compris entre 17 et 18 ans, ce qui accroît la charge d'entretien. Or le programme de renouvellement ne concerne que les frégates La Fayette et une nouvelle génération de TCD.

D'autres interrogations portent sur la frégate Horizon. Malgré vos déclarations et celles du chef d'état-major de la marine, nous avons des doutes quant à l'architecture industrielle du projet. Pourriez-vous nous fournir des précisions ?

Une quatrième préoccupation à trait à l'avenir de la DCN. La restructuration et la modernisation de celle-ci sont plus subies qu'anticipées et l'on manque de perspectives claires à long terme. Cela contribue à affaiblir la motivation du personnel et des cadres au moins autant que la réduction des commandes.

Certes, des progrès ont eu lieu : la séparation comptable des services étatiques et industriels. Mais les effectifs ont été réduits de 30 % depuis 1993, ce qui ne pouvait manquer d'avoir des conséquences sociales et psychologiques. Cependant l'essentiel serait de savoir où l'on va. Vous avez dit votre attachement au statut, votre volonté de faire de la DCN une véritable entreprise industrielle et vous avez demandé à la direction d'élaborer son plan en ce sens, mais tout cela n'est qu'en cours. Or il y a urgence à la fois à dire la vérité et à définir une stratégie.

Je vous rappelle que, l'an dernier, la commission avait souhaité une réforme des procédures d'offre et des procédures comptables de la DCN. Elle avait également demandé une plus grande autonomie financière pour DCN International.

M. Loïc Bouvard - Très bien !

M. Jean-Yves Le Drian, rapporteur pour avis - Comme rien n'a bougé depuis, elle a renouvelé ses observations, à l'unanimité : on ne peut à la fois souhaiter que la DCN se comporte en industriel et lui en refuser les moyens. Nous savons que votre position n'est pas éloignée de la nôtre : espérons que nos observations contribueront à convaincre Bercy !

Sous ces réserves, la commission de la défense a donné un avis favorable au budget de la marine (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe communiste).

M. Yann Galut, rapporteur pour avis de la commission de la défense pour l'air - Le projet de budget de l'armée de l'air s'élève à 35,8 milliards, soit en progression de 2,6 %. Cependant, comme l'an dernier, il représente 18,6 % du budget total de la défense.

S'établissant à 15,8 milliards, le titre II décroît légèrement : de 0,98 %. En revanche, après avoir été réduit de 11,4 % l'an dernier, le titre V progresse de 5,6 % et, à 20,38 milliards, il correspond pour ainsi dire parfaitement aux conclusions de la revue des programmes.

Dans le titre III, les crédits de rémunérations prennent de plus en plus de place. En raison de la professionnalisation, ils augmenteront en 1999 de 341,5 millions, soit de 2,7 %. En revanche, les crédits de fonctionnement courant diminuent de 5,2 %, après avoir baissé de 4 % l'an dernier. L'armée de l'air absorbe cette diminution continue de façon remarquable, l'ayant depuis longtemps anticipée. C'est ainsi qu'entre 1982 et 1999, elle aura ramené de 54 à 36 le nombre de ses implantations, ce qui réduit le coût du soutien. De plus, le budget de fonctionnement de ces bases a été distingué des dépenses liées à l'activité opérationnelle ; il a aussi été décentralisé et confié aux commandants de base dont les responsabilités ont aussi été élargies au recrutement et à la reconversion des militaires du rang.

L'armée de l'air poursuit sa professionnalisation à un rythme rapide. Alors qu'elle disposait de plus de 32 000 appelés en 1996, il ne devrait plus y en avoir que 11 000 à la mi-1999 et 6 000 en 2000. En cette fin de 1998, elle n'en a plus que 14 000, ce qui signifie qu'elle a déjà perdu 60 % de ses appelés. Son budget pour l'an 2000 sera donc pratiquement celui d'une armée professionnelle.

L'année 1999 sera donc une année charnière : l'armée de l'air va créer 2 371 postes de militaires du rang engagés, portant leur effectif aux deux tiers de l'effectif final. Le recrutement, au niveau de la base aérienne, apparaît fonctionnel, comme j'ai pu le vérifier en visitant une base. L'armée de l'air, qui est satisfaite des prestations des MTA, a par ailleurs défini sa politique de formation et de promotion pour leur permettre d'aborder au mieux la suite de leur carrière professionnelle.

Le montant du titre V, je l'ai dit, correspond aux décisions de la revue des programmes. Les opérations d'équipement prévues pour 1999 seront toutes réalisées. Seront livrés 22 Mirage 2000 de défense aérienne transformés en Mirage 2000-5, 12 Mirage 2000 D d'attaque au sol et 25 missiles MICA. Le premier escadron de Mirage 2000-5 et trois escadrons de combat de Mirage 2000 D pourront ainsi être mis en oeuvre. Enfin, 500 armements air-sol modulaires seront commandés pour 2004.

La force aérienne de projection, elle, retrouvera 9 Transall rénovés, recevra 1 Casa CN 235 et commandera 2 hélicoptères Cougar Resco.

Evoquons l'avenir. Le nouvel avion d'armes sera le Rafale. Je renvoie qui en douterait à l'article 15 du nouveau chapitre 53-71, qui comporte pour 1999 3 milliards 750 millions de crédits de paiement et 3 milliards 123 millions d'autorisations de programme. Une commande pluriannuelle devrait être passée incessamment. Le premier escadron de Rafale sera opérationnel en 2005. L'échéancier prévisionnel de retrait des avions existants montre que le calendrier de livraison du Rafale est conforme aux besoins. Les retards passés n'ont donc pas eu pour effet d'obérer les capacités opérationnelles de l'armée de l'air.

Les Transall, puis les C130 devront être remplacés à partir de 2004.

Il faut maintenant un appareil plus volumineux et plus puissant, propice à la projection des forces. Le dossier de cet avion de transport futur prend peu à peu forme. Certes, alors qu'on avait d'abord songé à la fin de 2005 pour son entrée en service, il semble qu'on la fixe plutôt aujourd'hui au début de 2006. Cependant, après la définition des spécifications, le prélancement a été fait en juin dernier et un appel d'offres lancé fin juillet à Airbus industrie, Boeing et Lockeed. La remise des offres est prévue pour le 31 janvier 1999.

L'achat sur étagère d'avions existants semble donc perdre de sa pertinence. Plusieurs divergences ont été notées entre l'Antonov 70 et les spécifications de l'ATF, dont certaines semblent sans modifications sérieuses. Il n'est plus sûr non plus que le prix de cet appareil soit compétitif. Enfin, l'achat d'une flotte mixte de C 17 et de C 130 ne serait pas idéal, le C 17 très coûteux ne disposant que de capacités tactiques limitées, tandis que le fuselage du C 130 est trop étroit.

On peut don donc avoir bon espoir que l'appel d'offres aboutisse à une solution satisfaisante pour l'industrie aéronautique européenne et pour l'emploi en France et en Europe, tandis que l'armée de l'air se rapprocherait de l'avion dont elle a besoin.

Compte tenu de ces observations, la commission de la défense a donné un avis favorable à l'adoption de crédits de l'armée de l'air (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste) .

M. François Huwart, rapporteur pour avis de la commission de la défense pour le titre III et les personnels de la défense  - Le titre III s'élèvera, pour 1999, à 104 milliards hors pensions, contre 103,7 en 1998, soit une hausse de 0,29 % en francs courants. Dans ce total, les crédits de rémunérations sont en hausse de 2,86 %, à 82,8 milliards. Cela est dû à la professionnalisation, qui continue à s'effectuer conformément aux prévisions de la loi de programmation. A la fin de 1998, les effectifs réels sont de 498 599, et pour 1999, les postes budgétaires prévus sont tous ouverts selon les prévisions.

La politique des pécules, qui a montré son efficacité, sera reconduite, avec une dotation de 810 millions. Compte tenu de la baisse de 10 % des montants, elle permettra d'assurer le même nombre de départs aidés qu'en 1998.

Le recrutement des militaires du rang se poursuit de façon satisfaisante et les dispositifs de reconversion se mettent en place. La seule difficulté concerne les civils, pour lesquels un déficit de 12 % est constaté. Il sera cependant stabilisé, et le ministère de la défense organisera des concours.

Faute de temps, je laisserai à notre collègue Cova le soin de parler des retraités.

Cependant les rémunérations représentent désormais 80 % du titre III contre 77,6 % en 1998, ce qui signifie que les crédits de fonctionnement, hors rémunérations et charges sociales, diminuent de 23,2 à 21,1 milliards, soit 9 % en francs courants. Pourquoi cette baisse ? D'abord, la loi de programmation prévoit une diminution de 20 % des crédits de fonctionnement entre 1997 et 2002, soit 1,2 milliard pour 1999. Mais il y a aussi des effets de structure : 950 millions d'économies correspondent à des adaptations de périmètre qui ne réduisent pas les moyens de fonctionnement des armées -ainsi l'actualisation des cours pétroliers, des économies liées à la revue des programmes du titre V, ou le transfert au titre V de 400 millions de crédits d'entretien programmé du matériel. De ce fait, la réduction réelle est plus proche de 5 % que de 9 %.

Par ailleurs, le budget de fonctionnement se voit affecter des ressources nouvelles pour conduire des actions consécutives à la professionnalisation : ainsi 50 millions de crédits nouveaux sont-ils prévus pour la sous-traitance, 60 pour faire face à divers coûts de transition et de restructuration, 70 pour le maintien de l'ordre. Il reste que 400 millions d'économies supplémentaires seront dégagés par des efforts de productivité : le ministère de la défense contribue à l'effort général de maîtrise des dépenses de l'Etat.

L'effort ainsi demandé représente certes une contrainte, due pour l'essentiel à la loi de programmation, mais l'essentiel est de savoir si l'efficacité risque d'être mise en péril. J'avoue ma perplexité : dans le budget de la défense, les crédits de fonctionnement courant et les crédits opérationnels sont largement confondus, seule l'armée de l'air séparant les dépenses de fonctionnement courant des bases aériennes -qui diminuent de 5,1 %- et les dépenses liées à l'activité opérationnelle ne baissent que de 1,4 %. C'est pourquoi, avant toute interprétation hasardeuse, il convient que la nomenclature budgétaire permette une meilleure appréciation.

Néanmoins, il est clair que le budget de fonctionnement est un budget contraint, même s'il n'introduit pas de rupture par rapport à la loi de programmation. L'Assemblée nationale devra rester attentive et l'effort de transparence budgétaire être poursuivi. L'année 2000 permettra de mieux apprécier la pertinence de la corrélation entre baisse des effectifs, restructurations et maintien opérationnel des unités. Pour cette année, en tout cas, la commission de la défense a donné un avis favorable à l'adoption des crédits du titre III (Applaudissements sur les bancs du groupe RCV et du groupe socialiste).

M. Jean Michel, rapporteur pour avis de la commission de la défense pour les crédits d'équipement - Cinq minutes pour 86 milliards, c'est peu... La commission de la défense présente pour la première fois un avis sur les crédits d'équipement militaire. Il s'agit de s'affranchir de l'analyse traditionnelle par armée et d'effectuer de façon complémentaire une analyse transversale et interarmées des dotations en capital.

En premier lieu, il faut se féliciter que le mouvement continu de réduction des crédits d'équipement soit enrayé grâce à la hausse globale de 7,5 % du titre V. L'encoche réalisée en 1998 n'est cependant que partiellement résorbée puisque les dotations des titres V et VI -86 milliards- restent inférieures de plus de 3 milliards à la référence de la programmation militaire. C'est d'autant plus vrai que la structure du budget a été modifiée : 1 400 millions -dont 400 au titre de l'EPM et 900 millions destinés aux crédits duaux- ont été intégrés dans l'enveloppe des crédits d'équipement.

L'amélioration des méthodes de gestion des crédits et de déroulement des programmes, menée par la DGA, repose essentiellement sur les notions d'opération budgétaire d'investissement et de comptabilité spéciale des investissements. Mais l'application de la réforme depuis le 1er janvier 1998 a retardé l'engagement des dépenses d'investissement, et il y a fort à parier que les armées seront dans l'incapacité technique d'engager toutes leurs dotations d'ici la fin de l'année : les reports de crédits, qui étaient revenus à 6,77 milliards l'an dernier risquent d'augmenter à nouveau.

Le changement de nomenclature budgétaire a le mérite d'améliorer la clarté de la présentation : près d'une vingtaine de programmes peuvent être individualisés sur des articles spécifiques. Mais il faut relativiser le passage de huit à neuf du nombre de chapitres budgétaires, car une analyse fine montre que tous les crédits consacrés à un programme ne figurent pas dans l'article spécifique qui lui est consacré.

La commission a examiné ensuite l'adéquation des crédits d'équipement aux objectifs de la programmation. Elle a estimé que les grandes fonctions opérationnelles assignées aux forces armées ont été respectées par la revue des programmes au prix d'inflexions dans les calendriers et l'architecture de certains programmes.

Quelques remarques sur les programmes majeurs. Le redimensionnement de la dissuasion nucléaire est acquis, avec l'inflexion durable des crédits et la confirmation du choix de deux composantes. L'aménagement majeur de la revue des programmes concerne la simultanéité des calendriers du 4ème SNLE-NG et du missile M51. Le point le plus important reste donc la commande en 2000 de ce 4ème sous-marin, pour que la capacité opérationnelle de la force océanique stratégique soit maintenue.

Les capacités de projection des forces armées s'appuient sur le renouvellement d'équipements majeurs -Rafale, Tigre, porte-avions nucléaire, missiles- et le renforcement de la cohérence suppose que soient menés à terme des programmes qui souffrent d'incertitudes techniques ou financières. Des décisions fondamentales devront être bientôt prises pour assurer notamment le développement de l'ATF, améliorer le taux de disponibilité du groupe aéronaval et achever les programmes de missiles.

Plusieurs interrogations sont liées aux aléas de la coopération européenne. Les difficultés semblent assez générales comme le montrent les exemples des hélicoptères Tigre ou NH90, des frégates Horizon, de l'ATF ou du VBCI. Elles sont d'ailleurs paradoxales au moment où se renforcent les échéances des restructurations industrielles. Elles ont tendance à retarder le renouvellement des programmes spatiaux, dont la durée de vie est strictement limitée, comme le satellite d'observation optique Hélios ou le successeur du système de communication Syracuse. La conséquence immédiate est que la France doit assumer seule le financement des systèmes dans l'attente de partenaires.

La préparation de l'avenir ne doit pas être sacrifiée à la recherche d'économies budgétaires à court terme. L'équilibre des programmes d'équipement tient à la régularité des flux financiers qui leur sont affectés et à la justesse des prévisions que peuvent faire les industriels sur leur déroulement. Les régulations budgétaires ne doivent pas perturber l'exécution de la première politique d'investissement de l'Etat.

Lorsqu'un livre blanc a précisé les objectifs fondamentaux de la défense nationale et qu'une loi de programmation militaire a été votée puis révisée sur une base réaliste, les dotations devraient correspondre aux choix faits et aux arbitrages rendus. Y aurait-il un ministère qui ne souhaiterait pas mettre en oeuvre la programmation décidée par le Président de la République, le Premier ministre et le ministre de la défense ? La revue des programmes était indispensable étant donné le caractère imprécis des chiffrages précédemment effectués. La commission de la défense considère ou bien que la détermination initiale des besoins financiers était erronée ou bien que les objectifs et les missions doivent être révisés.

Les dotations en capital sont contraintes par l'évolution des crédits de fonctionnement. Or les coûts de la professionnalisation n'ont pas été correctement évalués. Ce décalage entre les prévisions et les besoins peut handicaper nos forces armées pendant la phase intermédiaire.

Certes, aucun grand conflit n'est prévisible à un horizon proche. Mais les prélèvements opérés sur les crédits d'équipement pour financer les dépenses de fonctionnement, sans parler même de l'application du principe selon lequel toutes les armées doivent contribuer à l'effort de maîtrise des dépenses, ont des incidences directes sur les capacités de nos forces militaires.

Sous réserve de ces observations, la commission de la défense a donné un avis favorable à l'adoption des crédits des titres V et VI (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

M. Michel Meylan, rapporteur pour avis de la commission de la défense pour les services communs - Les services communs du ministère de la défense -la délégation générale pour l'armement, le service de santé, le service des essences et la nouvelle délégation à l'information et à la communication de la défense- poursuivent, par des moyens et à des rythmes différents, la réforme qui leur permettra, au terme de la loi de programmation militaire, d'inscrire leur action dans le nouveau système de défense.

La DGA a engagé depuis 1997 une réforme qui vise à adapter notre système de défense au nouvel environnement stratégique et au niveau prévisible des ressources budgétaires. Alors que la nouvelle DGA entre dans sa troisième année de fonctionnement, quel est le premier bilan des réformes déjà entreprises ?

Réforme du système comptable, révision des modes de gestion, rénovation du lien avec les industriels avec la conclusion de commandes pluriannuelles : cette réforme a été difficile. La concomitance de ces nombreux changements a entraîné des retards, si bien que la consommation des crédits d'équipement est très médiocre.

M. Alain Richard, ministre de la défense - Attendez la fin de l'année.

M. Michel Meylan, rapporteur pour avis - Sur quels critères évaluer cette réforme ? Tout d'abord, l'évolution du coût même de la DGA. Ses dotations budgétaires pour le titre III diminuent de 3,5 % en 1999. Quant aux crédits d'investissement sur lesquels elle dispose d'un pouvoir décisionnel, ils régressent du fait du transfert des crédits du secteur nucléaire et spatial vers l'état-major des armées.

On ne peut apprécier la réforme à partir des seuls éléments budgétaires qui ne sont pas représentatifs du coût de structure induit par les activités propres de la DGA.

La DGA a donc défini un coût d'intervention spécifique, représentatif de son intervention et susceptible de servir de référence pour une politique volontariste et maîtrisée de réduction des coûts. Cette notion me paraît peu compatible avec le contrôle budgétaire. Je note cependant avec satisfaction l'effort de clarification et d'explication fait par la DGA. Il faut se féliciter notamment que, pour la première fois en 1998, elle ait publié un rapport sur ses activités.

Le coût d'intervention de la DGA a diminué de 13,5 % entre 1995 et 1997 et devrait diminuer encore en 1998 et 1999. Pour l'essentiel, cette diminution a été obtenue sur les dépenses de fonctionnement et d'investissement technique.

Le deuxième indicateur de suivi de la réforme concerne les réductions de coûts obtenues sur les programmes d'armement. On comptait au 30 juin 1998 81 programmes faisant l'objet d'un contrôle de gestion contre 45 début 1997. Les réductions de coûts acquises s'élèvent à 43,5 milliards.

Si cette évolution est plutôt satisfaisante, la DGA devra néanmoins faire un réel effort, sur le volume des rémunérations si elle veut réduire de 30 % son coût d'intervention en 2002, comme elle s'en est assignée l'objectif. Quant à l'incidence de la réforme de la DGA sur la réduction du coût des programmes, elle est plus délicate à estimer.

Au total, la réforme engagée depuis janvier 1997 constitue bien l'amorce d'un changement radical. J'en veux notamment pour preuve la réforme symbolique que représente le transfert du "gouvernorat" des crédits nucléaire et espace de la DGA vers l'état-major des armées. La DGA rompt ainsi avec une tradition historique qui remontait à sa création en 1961.

Je terminerai en évoquant la mise en place de structures européennes en matière d'offre industrielle d'armement dont la DGA a été un architecte. L'acquisition de la personnalité juridique par l'OCCAR constitue un progrès important. Reste à voir comment les principes fondateurs de l'OCCAR seront mis en oeuvre. En tout état de cause, la montée en puissance de l'OCCAR remodèlera nécessairement les modes d'intervention de la DGA dans le secteur industriel.

Le service de santé des armées qui dispose d'un budget de 1,84 milliard pour 1999, en diminution de 7,1 %. Ses effectifs passeront de 16 700 en 1998 à 13 400 en 2002. De nouveaux postes de médecins seront créés alors qu'il est prévu de diminuer le nombre des militaires infirmiers. A partir de 1999 entrera en vigueur le nouveau statut de fonctionnaire civil pour tous les personnels paramédicaux relevant de spécialités non "projetables" en opérations extérieures. Le service de santé voit ses effectifs en personnel civil réduits alors que, paradoxalement, des postes vacants restent non pourvus. Il conviendra, Monsieur le ministre, que le service, à bref délai, procède aux recrutements nécessaires.

Pour se mettre en conformité avec les normes de santé publique, le service s'emploie à améliorer l'accueil et le traitement des urgences dans ses hôpitaux, qui ne seront plus que neuf à l'horizon 2002.

J'en viens au service des essences. Les approvisionnements étroitement liés au cours du pétrole sont assez fluctuants. S'agissant du soutien pétrolier des forces en opérations extérieures, j'ai pu constater que le service était présent sur tous les théâtres, principalement en ex-Yougoslavie. Le budget s'élève à 560,4 millions pour 1999, en augmentation de 6,5 %, qui s'explique par le recrutement d'une centaine de militaires du rang.

La délégation à l'information et à la communication de la défense se substitue à l'ancien SIRPA, dont elle reprend globalement les missions. Son budget de fonctionnement et d'infrastructure s'élève en 1999 à 62,5 millions, en augmentation de 3,3 %. Elle doit, à brève échéance, engager la professionnalisation de ses effectifs, du fait de la suppression du service national. Même si le remplacement des personnels et le choix des nouveaux moyens doit s'opérer à budget constant, il serait indispensable de connaître le coût des solutions retenues.

Sous le bénéfice de ces observations, la commission de la défense a donné un avis favorable à l'adoption des crédits des services communs (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF, du groupe DL et du groupe du RPR).

M. Jean-Bernard Raimond, rapporteur pur avis de la commission des affaires étrangères - Le projet de budget pour 1999 est en très légère amélioration par rapport à celui de 1998 où l'équipement avait fait les frais de la politique de maîtrise du déficit public et où les crédits étaient nettement inférieurs à ceux prévus par la loi de programmation militaire : 81 milliards au lieu de 86. Il représente 190 milliards, dont 103,7 pour le titre III et 86 pour les titres V et VI.

Il doit permettre la poursuite de la professionnalisation de nos forces. Pour les équipements, il prévoit une remise à niveau conforme à la loi de programmation actualisée. Le Gouvernement a mené une revue des programmes qui se traduit par 20 milliards d'économies de 1999 à 2002.

Je me limiterai à citer les principaux équipements qui ont subi d'importants retards. C'est le cas d'abord du porte-avions Charles-de-Gaulle qui devrait entrer en service vers la fin de 1999, du char Leclerc qui sera opérationnel à la fin de 1998 et du Rafale, qui le sera en 2002 pour la marine et en 2005 pour l'armée de l'air : tous ces équipements devaient être mis en service en 1996. Quant à l'hélicoptère NH90, il devrait être livré en 2003 à l'Allemagne et aux Pays-Bas, en 2005 à notre marine et en 2011 à notre armée de terre, alors que la date retenue à l'origine était 1999. Je n'insiste pas sur les performances du Rafale qui l'emportent sur celles de ses rivaux américain et européen : il convient désormais d'assurer son avenir. Le Gouvernement doit confirmer publiquement la commande groupée de 48 de ces avions. Quant au NH90, il convient de ne pas remettre en question le calendrier prévu.

Tenir ces délais est d'autant plus impératif que tous ces équipements répondent à la situation politico-militaire dans un monde qui a changé. Tous sont nécessaires à une armée appelée à intervenir dans des crises extérieures comme la guerre du Golfe, dans les Balkans, au Kosovo, La modernisation de notre force de dissuasion doit se poursuivre. Le deuxième sous-marin nucléaire lanceur d'engins nouvelle génération, Le Téméraire, sera prêt à l'été 1999 et le nouveau missile M51 mis en service en 2008 au lieu de 2010.

Pour conclure sur ce problème, auquel le Président de la République est particulièrement vigilant, toutes les décisions ont des conséquences essentielles sur les entreprises françaises, notamment les PME-PMI, sous-traitantes de l'industrie de défense. Cela pose de graves problèmes d'emploi. L'Assemblée devrait se saisir de cette question.

Monsieur le ministre, votre budget n'est pas un mauvais budget, à condition, une fois encore, de tenir les délais de livraison. Nous serons particulièrement vigilants sur ce point.

J'évoquerai maintenant quelques situations politico-militaires.

La Russie d'abord, qui traverse une crise politique qui ne pourra pas se dénouer tant que Boris Eltsine ne partira pas. Si son potentiel militaire a été durablement affaibli, elle reste un acteur stratégique majeur, avec beaucoup de contradictions. Alors que l'armée russe sert en Bosnie dans la SFOR, la Russie freine autant qu'elle le peut le recours à la force au Kosovo. Elle est favorable à l'application des grands accords de désarmement stratégique START I et START II, mais le second n'est pas encore ratifié du fait de l'opposition de la Douma et de réserves liées à l'élargissement de l'OTAN. Au sommet d'Helsinki, en mars 1997, les présidents américain et russe ont repoussé l'échéance de START II à 2007 mais se sont engagés à négocier, dès son entrée en vigueur, un accord START III qui réduirait le nombre des têtes nucléaires à 2000 ou 2500. En revanche, en raison des problèmes que lui pose son armée conventionnelle, la Russie entend maintenir une capacité nucléaire stratégique et veille à sa modernisation. En outre, elle assure une présence militaire au-delà de ses frontières dans l'ex-Union soviétique, notamment en Transcaucasie et en Asie centrale. La France, tout en étant prudente, doit la ménager, car sans elle il serait plus difficile de résoudre les problèmes régionaux en Europe. Le nouveau concept stratégique qui sera adopté à Washington devra en tenir compte.

Une nouvelle fois, l'Alliance atlantique apparaît comme le seul instrument militaire efficace en cas de crise d'envergure. Elle a, certes, entrepris sa rénovation depuis 1990, d'abord au niveau des seules forces américaines en Europe, ensuite pour reconnaître progressivement l'identité européenne de défense, en particulier lors des sommets de Berlin puis de Madrid. Une nouvelle structure de commandement doit être mise en place au sommet de Washington en avril 1999, qui donnera plus de responsabilités aux alliés et prendra mieux en compte cette identité européenne. C'est un peu, me semble-t-il, ce qui se passe au Kosovo. Peut-être, Monsieur le ministre, nous donnerez-vous quelques éclaircissements. Une chaîne de commandement européenne pourrait éventuellement être opérationnelle au service de l'UEO ; mais en l'absence d'un rééquilibre, au profit des Européens, du pouvoir décisionnel en dernier recours, l'Alliance demeure aux mains des Américains. D'autre part, l'intégration de l'UEO dans l'Union européenne n'est encore qu'un projet.

Les explosions nucléaires en Inde et au Pakistan ont ramené au premier plan le souci de la prolifération nucléaire. La situation est-elle alarmante ? Sans aucun doute, la prolifération est redoutable, mais la région indo-pakistanaise n'est peut-être pas la plus dangereuse. Il ne faut pas oublier le facteur que représente dans la politique indienne la modernisation de l'arsenal nucléaire chinois. D'autre part, l'Inde et le Pakistan ont affiché une attitude raisonnable en manifestant leur intention d'adhérer au traité d'interdiction des essais. Il reste cependant que le réseau international de surveillance s'est révélé particulièrement faible.

En ce qui concerne le désarmement irakien sous contrôle des Nations Unies, il apparaît qu'en dehors d'un agent chimique, le VX, et de l'armement biologique, pratiquement incontrôlable, Bagdad a rempli ses obligations, notamment pour le nucléaire et les missiles. Sans aucun doute, sa décision d'interrompre sa coopération avec les Nations Unies est une erreur grave ; mais mon avis, qui n'engage que moi, est que la levée de l'embargo n'est plus un problème de désarmement, mais un problème politique.

En dépit des crises et des incertitudes, la situation internationale apparaît nettement meilleure qu'elle ne l'était à l'époque de la guerre froide, où régnait l'immobilisme, en Europe du moins, mais avec des risques potentiels d'explosion majeurs. La situation nouvelle que nous connaissons en Europe même, au Moyen-Orient et en Afrique, exige que la France puisse, elle-même au sein de l'Europe, exercer son influence politique. Elle ne le pourra que si son armée, grâce à la professionnalisation et à la modernité de ses équipements appuie ses engagements ; et de plus en plus, apparaît la nécessité d'une réforme réelle de l'Alliance atlantique, assurant un meilleur équilibre entre l'Europe et les Etats-Unis (Applaudissements sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL).

M. Paul Quilès, président de la commission de la défense - Vous nous présentez, Monsieur le ministre, un projet de budget conforme à l'engagement du Gouvernement de poursuivre, en l'adaptant, l'application de l'actuelle loi de programmation militaire.

Vous avez procédé à une "revue des programmes" qui a ajusté l'enveloppe financière de la programmation pour tenir compte, d'une part, de l'"encoche" de l'exercice 1998 et, d'autre part, d'un effort d'économie supplémentaire de 20 milliards pour la période 1999-2002. La commission de la défense l'a globalement approuvée, certes une fois l'exercice terminé. Elle a consisté en grande partie en une adaptation à la marge de la programmation et n'a donc pratiquement pas modifié le format des armées. Ses conséquences opérationnelles sont limitées : les programmes spatiaux sont ralentis, mais c'est une large part en raison des difficultés de la coopération européenne que j'espère temporaires ; les performances attendues dans certains domaines spécifiques vont être légèrement réduites pour les trois armées, mais sans que la cohérence d'ensemble de nos systèmes soit affectée.

Le titre III du projet de budget permet la poursuite de la professionnalisation selon le calendrier défini. Ses dotations d'équipement financent l'annuité 1999 de la programmation, ajustée par la revue des programmes.

Néanmoins, ce projet de budget révèle certaines difficultés dans le financement de l'effort de défense.

Les rémunérations et charges sociales connaissent une assez forte progression -2,9 %- alors que la programmation repose sur une prévision de stabilité en volume du titre III. Cette évolution doit être compensée par un réel effort d'économie sur les coûts de fonctionnement, qu'il ne faut cependant pas dramatiser. Les 2,1 milliards de réduction des dépenses de fonctionnement hors rémunérations sont largement la conséquence des réductions d'effectifs et d'une évolution favorable du prix des produits pétroliers. Il reste que 400 millions d'économies sont attendues d'une amélioration de la productivité ou d'une rationalisation de la dépense, ce qui représente près de 3 % des coûts de fonctionnement courant et d'activités. Le chef d'état-major des armées, comme les chefs d'état-major de l'armée de terre et de la marine ont exprimé leurs inquiétudes à ce sujet et annoncé des réductions d'activités.

Cet effort n'est d'ailleurs pas suffisant puisqu'il est apparu nécessaire d'alléger les charges qui pèsent sur le titre III en transférant certaines dépenses vers le titre V, comme les dépenses d'entretien programmé des matériels, à hauteur de 400 millions.

Les crédits d'équipement eux-mêmes ne correspondent pas tout à fait à l'enveloppe annoncée : si l'on tient compte de l'inscription de 900 millions de dépenses de recherche dites "duales" -mais en fait civiles- au budget d'équipement de la défense et d'autres modifications de structure, elle est réduite de 1,4 milliard, sur un total de 86 milliards.

Ce budget reste un bon budget, puisqu'il ouvre les postes budgétaires nécessaires à la professionnalisation. Les difficultés rencontrées en ce domaine sont, pour le moment, affaire de gestion, en particulier pour ce qui concerne le recrutement des personnels civils. Les réformes en cours à la DGA devraient permettre d'y remédier.

S'agissant des appelés, en particulier dans l'armée de terre, le projet de budget organise, conformément à la planification des états-majors, la décroissance de la ressource.

Quant au contenu physique des programmes d'équipement, il sera conforme aux conclusions de la revue des programmes. Les équipements majeurs modernes requis par le modèle d'armée 2015 continueront d'entrer progressivement en service ou bénéficieront de commandes. Ainsi, à mi-chemin de l'exécution de la programmation, l'armée de terre disposera de 205 chars Leclerc sur les 307 qui devront être en sa possession en 2002 et l'armée de l'air de 225 avions de combat modernes sur les 355 appareils de tous types, dont elle devra disposer à la même date.

Cependant ce budget suscite des interrogations sur le niveau des ressources humaines et financières que la nation est prête à moyen terme, à consacrer à la défense.

La professionnalisation risque de coûter sensiblement plus cher qu'il était initialement prévu. Nous sommes loin des estimations financières optimistes faites au moment où la décision a été prise.

M. François Léotard - Bien sûr !

M. le Président de la commission de la défense - Dans un rapport établi au nom de la commission des finances, en février 1996, M. Balkany évaluait le coût de la conscription à 14 milliards et estimait, sur la base d'un format proche de celui retenu par la programmation, que la professionnalisation permettrait, au minimum, une économie de 5 à 6 milliards par an en régime de croisière, et de 2 milliards par an pendant une période de transition de quatre ans.

De son côté, le gouvernement de l'époque considérait qu'il était possible de compenser le coût de la professionnalisation par les économies réalisées par la suppression de la conscription, même pendant la période de transition ; il a donc construit la programmation sur la base de cette hypothèse. En réalité, d'après le chef d'état-major des armées, il manquerait, pour chaque année de la programmation, 1 milliard de crédits de fonctionnement environ.

Il me semble, dans ces conditions, qu'un bilan précis de la professionnalisation devrait être fait assez rapidement, en liaison avec les états-majors, pour que nous puissions réfléchir aux solutions à adopter en cas de risques sérieux de dérive financière. Nous souhaiterions naturellement qu'il soit communiqué au Parlement.

Ce débat ne doit pas être occulté par les craintes, récemment exprimées, d'un déficit de la ressource en appelés de l'armée de terre. Le nombre des reports accordés aux jeunes disposant d'un contrat de travail à durée indéterminée est supportable, puisqu'il est à ce jour d'environ 11 600 ; rien ne s'oppose donc à la publication du décret d'application de la disposition relative au report pour contrat de travail à durée déterminée. Par ailleurs, la demande de surincorporation effectuée en octobre pour combler le déficit modéré constaté depuis juin a permis de couvrir les besoins et, au 1er janvier 1999, l'armée de terre se trouvera de nouveau en sureffectif de plus de 7 000 postes, en raison de la suppression des emplois d'appelés dans le cadre de la professionnalisation.

L'armée de terre accomplit un effort considérable, mais sans doute doit-elle encore améliorer sa gestion et accélérer sa restructuration. Il est beaucoup question du sous-effectif d'appelés qu'elle connaît provisoirement, mais on parle moins de son sureffectif d'engagés volontaires ou de son excédent de VSL -qui a pourtant nécessité l'ouverture d'un crédit de 380 millions- dans le décret d'avance d'août dernier.

Une nouvelle réflexion s'impose sur la programmation, car les besoins qu'elle a pour objet de satisfaire et le modèle d'armée auquel elle se réfère ont été définis sur la base des analyses stratégiques du livre blanc de 1994. A l'époque, les conséquences des bouleversements des années 1989 et 1990 n'avaient pas encore été perçues dans toute leur ampleur.

Les analyses du livre blanc ont d'ailleurs donné lieu à des interprétations variables. Le modèle d'armée vers lequel tend la programmation 1997-2002 est nettement réduit par rapport à celui de la programmation 1995-2000 ; 300 avions de combat contre 380, 420 chars lourds contre 790.

D'autre part, après avoir évalué les risques internationaux et les ressources disponibles pour la défense, le livre blanc se prononçait de façon formelle en faveur d'une armée mixte. On y lisait qu'"une armée de métier compatible dans les années à venir avec les missions de nos armées aurait un coût budgétaire excessif et poserait de délicats problèmes de recrutement. Adapter ces deux derniers éléments à nos possibilités budgétaires et humaines ne permettrait plus d'assurer les missions".

La programmation 1997-2002 n'envisage plus exactement les mêmes scénarios d'emploi des forces -et donc les mêmes missions- que le livre blanc. Elle les regroupe en trois hypothèses : dans un conflit régional, dans le cadre d'une alliance ; dans des opérations de maintien de la paix dans le cadre de l'ONU ; pour la mise en oeuvre d'accords de défense bilatéraux.

La revue des programmes ayant constaté que le contexte stratégique avait à nouveau évolué, l'on a envisagé les actions suivantes : prévention ou présence internationale ; gestion des crises ou maintien de la paix ; participation à un conflit régional de haute intensité dans un cadre multinational.

Aussi, plutôt que d'adapter régulièrement les hypothèses d'emploi des forces à l'évolution des circonstances, mieux vaudrait faire le point sur l'état des risques et sur les ressources que nous devons mobiliser pour y faire face, seuls ou en association avec nos partenaires européens et nos alliés américains, et rédiger ainsi un nouveau livre blanc.

La France s'est engagée résolument dans la construction de l'Europe politique, pour éviter que les nations européennes se déchirent à nouveau. Cet objectif a été atteint au-delà de toute espérance, si bien qu'il est apparu que l'Europe pouvait devenir un élément essentiel de la stabilité internationale. Encore fallait-il qu'elle prenne conscience de l'intérêt à parler d'une même voix. Aussi le traité de Maastricht a-t-il reconnu la nécessité de mettre sur pied une "politique étrangère et de sécurité commune" et de faire émerger une "identité commune de défense". Depuis, certaines pierres ont été posées, comme la constitution de l'Eurocorps. Le traité d'Amsterdam comporte également quelques progrès dans ce sens.

Cependant la construction institutionnelle de cette Europe de la défense apparaît difficile.

Etats et industriels ont constaté que, face à des budgets ayant diminué de 25 à 50 %, à des coûts d'investissement extrêmement élevés, à un morcellement des marchés européens, aux impressionnants regroupements américains, il était nécessaire de se regrouper sous peine de disparaître. Dans le domaine aéronautique, l'objectif semblait d'autant plus réalisable qu'il existait déjà une base, le GIE Airbus.

Malheureusement, les entreprises britannique et allemande, British Aerospace et DASA, viennent d'engager des négociations bilatérales, avec comme objectif soit de fusionner, soit de faire pression sur le gouvernement français afin qu'il accélère le désengagement de l'Etat dans l'ensemble Matra-Aérospatiale, au motif que les actionnaires des entreprises britanniques et allemandes ne sauraient tolérer la présence d'un actionnaire public, même minoritaire, dans une entreprise européenne, l'Etat français risquant de peser sur la gestion de l'entreprise en négligeant la rentabilité. Pourtant les résultats courants d'Aérospatiale sont meilleurs que ceux de Daimler-Benz Aerospace, dont le capital est pourtant à 100 % privé. Depuis deux ans, Aérospatiale réalise des profits, alors que Daimler-Benz Aerospace présente des résultats négatifs.

M. Yann Galut, rapporteur pour avis - C'est vrai !

M. le Président de la commission de la défense - De même, le nouveau président de Thomson CSF, Denis Ranque, a annoncé qu'un de ses objectifs principaux était de faire progresser les résultats de l'entreprise de 6 %. Que l'Etat détienne 40 % de Thomson-CSF ne semble pas l'avoir gêné !

Aussi les dirigeants britanniques et allemands devraient-ils plutôt demander aux autorités françaises comment elles envisageraient le rôle d'un actionnaire étatique minoritaire dans une industrie aéronautique et de défense européenne, ou encore si elles comptent se désengager plus avant de cet actionnariat.

On peut comprendre qu'une fusion anglo-allemande puisse servir à court terme les intérêts financiers des entreprises qui la proposent, à condition que l'on reste dans une situation de compétition économique. Mais telle n'est pas la réalité de l'Europe, puisque l'Allemagne, la France et le Royaume-Uni ont signé la déclaration du 9 décembre 1997 et ont été rejoints le 6 juillet 1998 par l'Italie, la Suède et l'Espagne. J'ai bon espoir que la raison l'emporte.

Il serait également utile d'engager une réflexion sur le secteur des armements terrestres et des constructions navales. Il sera plus facile de faire adhérer les personnels à des projets prometteurs au niveau européen, garantissant des carnets de commandes réguliers, que de continuer à attendre avec angoisse la présentation du budget de la défense.

Si la réflexion conduisant à une rationalisation des outils de production d'armements en Europe est bien avancée, il n'en va pas de même pour les missions de nos forces armées qui nous rapprochent de nos partenaires européens. En effet, depuis la chute du mur de Berlin, il est rare que nous ayons eu à intervenir seuls. En général, nous trouvons un ou plusieurs pays européens à nos côtés, notamment les Britanniques et les Allemands.

Il n'y a guère qu'en Afrique que la France pouvait s'engager seule. Mais il est peu probable que ce cas de figure se répète fréquemment et, dans ce cas, la mission de nos armées ne devrait pas dépasser le stade de la protection et de l'évacuation de nos ressortissants. Au-delà, nous aurions à agir dans le cadre d'un mandat de l'ONU.

Nous n'avons probablement pas tiré toutes les conséquences de cette situation, même s'il existe ponctuellement des accords entre pays européens.

Rares sont les matériels utilisés par plusieurs armées européennes et donc conçus en coopération. Dans le budget 1999, cela représentera un peu plus de 8 milliards sur 66 consacrés aux forces classiques. Il est donc nécessaire d'adopter une politique volontariste.

Par exemple, il y a six porte-avions en Europe, deux fois moins qu'aux Etats-Unis, ce qui est logique. Mais chez nous, ces porte-avions sont utilisés dans un cadre strictement national et il y a quatre constructeurs européens de porte-avions ! A l'échelle française, cela se traduit par un groupe aéronaval relativement onéreux et qui n'est pas disponible en permanence. Le déficit ne peut être comblé que par une mise en commun des moyens européens. Il en va de même pour le VBCI et l'ATF. Nous avons tout intérêt à définir ensemble les matériels et à participer à des développements communs, afin de créer les conditions propices au rapprochement des besoins opérationnels.

Notre budget de la défense est également conditionné par la nature de nos alliances. Le nouveau concept stratégique de l'OTAN doit être adopté l'année prochaine lors du cinquantième anniversaire de l'Alliance atlantique à Washington. L'OTAN recevra un rôle accru donné dans la constitution de forces de maintien de la paix, ce qui conduira à l'emploi d'armées au format resserré, projetables, capables de mener des opérations interarmées et dont les matériels sont interopérables.

Si de telles orientations ne peuvent pas nous gêner, il faudra veiller à ce qu'elles respectent bien le cadre politique dans lequel devrait agir l'Alliance atlantique. Pour nous, l'Alliance reste une alliance de défense dont les obligations sont fixées dans l'article 5 du traité de l'Atlantique Nord. Il n'est pas souhaitable qu'elle traite de tout en offrant des réponses de nature militaire. Il faut donc qu'elle ne puisse pas agir sans mandat du conseil de sécurité des Nations Unies.

MM. Yann Galut et Jean Michel, rapporteurs pour avis - Très bien !

M. le Président de la commission de la défense - Ce principe doit être fermement affirmé dans le nouveau concept stratégique, sinon on ne pourrait plus empêcher que la loi du plus fort qui s'impose.

Ceci implique également que l'Alliance, quand elle traite de sujets tels que la prolifération, inscrive sa démarche dans le cadre plus large des instances internationales compétentes. Elle ne doit pas non plus donner l'impression qu'elle n'offre que des réponses militaires à des questions avant tout politiques.

Evitons aussi un nouveau débat sur le "partage du fardeau" où les Européens devrait augmenter leurs charges budgétaires pour acheter des matériels américains en raison de l'interopérabilité des forces, sans en tirer un quelconque pouvoir dans la direction de l'Alliance.

M. Jean-Yves Le Drian, rapporteur pour avis - Très bien !

M. le Président de la commission de la défense - Si l'identité européenne de défense peut se constituer au sein de l'OTAN, il est aussi de l'intérêt de tous que les Européens aient la capacité d'agir seuls quand cela leur apparaît préférable. Il est nécessaire pour cela de donner vie à l'accord de Berlin. Le déploiement de force pour garantir la sécurité des observateurs de l'OSCE au Kosovo sera principalement assuré par les Européens avec le soutien de l'infrastructure de l'OTAN. Pourra-t-on le considérer comme une première application des principes de Berlin ? Dans ce cas, je souhaite que les Européens maîtrisent collectivement la gestion politique de leur action en l'inscrivant dans un cadre politique qui leur soit propre, comme l'UEO. Sinon, ce serait une occasion perdue d'exprimer l'identité politique de l'Europe au sein de l'Alliance atlantique.

Jamais sans doute les menaces dirigées contre notre pays n'ont été aussi faibles. Mais l'environnement géostratégique de l'Europe occidentale reste un espace de risques. L'adaptation de notre politique de défense à cette situation mouvante et incertaine n'est pas aisée, d'autant que l'équilibre international est fortement dépendant de la superpuissance américaine.

Dans ces conditions, il nous faudra procéder à une évaluation rigoureuse de la programmation, en examinant attentivement les missions qu'elle vise à garantir. La revue des programmes était un ajustement financier. Elle ne nous dispense pas de pousser plus loin notre analyse.

En outre, l'extension de la construction européenne aux problèmes de défense me paraît sortir du domaine des projets théoriques pour devenir un enjeu concret, qu'il s'agisse du regroupement des industries d'armement ou de l'expression politique, par les Européens, de leurs intérêts de sécurité communs. Cette évolution peut être une chance pour notre pays et pour l'Europe. Nous devons la saisir.

Sur ces deux thèmes, comme sur d'autres grandes questions qui ne relèvent pas du débat d'aujourd'hui, la commission de la défense est prête à travailler. Elle a publié l'année dernière un rapport sur l'avenir des industries de défense et elle continue de suivre avec attention ce dossier dans le cadre européen. Le rapport sur le lien armée-nation, confié à Bernard Grasset, sera rendu public au début de l'année prochaine. Elle va mener trois missions : la première porte sur le nouveau concept stratégique de l'OTAN ; la seconde, sur la prolifération ; et la troisième, sur les exportations d'armes. Enfin, nous avons pour ambition d'instaurer un contrôle des opérations extérieures, comme il en existe dans toutes les autres démocraties occidentales, l'objectif étant naturellement de renforcer la légitimité de telles actions.

Nous souhaitons poursuivre le dialogue avec le Gouvernement afin de faire évoluer notre politique de défense, tout en vous apportant notre soutien dans les décisions, souvent difficiles, qu'exigent la sauvegarde des intérêts du pays, le respect de nos alliances et la préservation de la paix (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe RCV).

M. Bernard Charles - Ce budget s'inscrit parfaitement dans la ligne de nos grandes orientations de défense. Les députés radicaux de gauche l'approuvent. Sur tous ces bancs, les orateurs reconnaissent qu'il s'agit d'un bon budget, même si certains expriment des craintes.

La transparence a été améliorée. Les crédits inscrits sont conformes à la revue des programmes. La professionnalisation est en cours. Vous veillez aussi à la modernisation de nos armements et à la restructuration des commandements et des soutiens. Nous passons d'une arme territoriale de masse à une armée professionnelle de projection. Les missions accomplies à l'extérieur ont montré l'efficacité de nos armées, auxquelles il faut rendre hommage.

Le niveau des armements doit être maintenu, pour répondre aux besoins mais aussi pour garantir le développement de nos technologies, qui doivent déboucher sur des applications commerciales. C'est pourquoi je regrette, avec M. Boucheron, la baisse des crédits de la recherche.

La fabrication de l'hélicoptère Tigre va être relancée par une commande ferme de deux fois quatre-vingts appareils. C'est une bonne décision, car elle préserve à terme les capacités d'intervention de l'aviation légère de l'armée de terre tout comme nos chances à l'exportation.

S'agissant des missiles, le Gouvernement a signé avec l'Aérospatiale un contrat pour la définition de l'ANF, qui remplacera l'Exocet. Un projet de contrat global de développement et de production, correspondant à une commande pluriannuelle, devrait être signé en 1999.

J'en viens à la gendarmerie, qui bénéficie cette année d'un budget favorable mais contrasté, comme l'a indiqué M. Lemoine. Pour les élus ruraux, l'été fut difficile. Le rapport Carraz-Hyest ne préconisait-il pas la fermeture des deuxièmes et troisièmes brigades dans les cantons ? Il envisage même, à titre d'expérimentation, de placer plusieurs cantons sous la responsabilité d'une seule brigade. Dans le Lot, mon collègue Jean Launay et moi-même avons appris par la presse la décision de supprimer six brigades sur vingt-huit. Nous n'avons pas compris pourquoi on ne nous a pas consultés.

Il faut certes renforcer les forces de sécurité dans les zones urbaines, mais ce n'est pas en prélevant sur les maigres effectifs des départements ruraux qu'on y parviendra.

Nous n'acceptons pas cette opposition entre une campagne supposée paisible et la ville, qui serait toujours difficile. La solidarité nationale doit s'exercer. La suppression d'une brigade, dans un canton rural, équivaut à la fermeture d'une usine de 500 ouvriers dans une zone urbaine.

Si on s'en tient aux statistiques des crimes et délits, il y a peut-être des brigades à supprimer. Mais les gendarmes ne font pas que de la répression. En zone rurale, ils font partie de la vie locale. En VTT, ils veillent à la préservation de notre espace naturel. En bateau, ils préviennent les accidents que peut causer le tourisme fluvial. Nous ne pouvons accepter qu'on enlève leurs forces de sécurité à nos cantons, déjà menacés de perdre leurs subdivision de DDE, leurs perceptions et leurs hôpitaux.

En outre, nos départements, quoique pauvres, ont consenti de gros efforts pour rénover les locaux des brigades. Monsieur le ministre, ne venez-vous pas d'inaugurer avec moi une nouvelle gendarmerie dans le Lot ? (Sourires)

Nous sommes heureux que les projets de redéploiement soient rediscutés et j'espère que vous tiendrez compte, dans vos décisions, des exigences de l'aménagement du territoire et du rôle particulier que joue la gendarmerie dans nos campagnes (Applaudissements sur les bancs du groupe RCV et du groupe socialiste).

M. Bernard Birsinger - Ce budget constitue la traduction financière des choix effectués par le Président de la République. Il ne fait que perpétuer l'orientation stratégique du précédent gouvernement : la professionnalisation de nos armées, leur transformation en une force de projection sous tutelle de l'OTAN, c'est-à-dire des Etats-Unis.

Les députés communistes ont une autre conception de la stratégie de défense nationale. Il faut engager sur ce sujet une réflexion globale, à laquelle le Parlement peut et doit participer.

Dans le monde actuel, la sécurité résulte surtout des politiques économiques et sociales, qui doivent pouvoir préserver la paix. La sécurité, c'est aussi l'affaire d'une armée nationale, soucieuse avant tout de garantir la paix à l'intérieur du pays, même s'il ne faut pas écarter la possibilité de missions humanitaires. Je pense au drame de l'Amérique centrale.

Il faut engager un débat national sur la stratégie, les enjeux de la coopération, notre politique industrielle et technologique...

M. François Léotard - Quelle majorité !

M. Jean-Claude Birsinger - Il importe de renforcer le lien armée-nation, au lieu de mettre en avant un concept de "nation européenne" encore vide de sens.

La défense du territoire national doit rester l'objet principal de notre politique de défense, avec le souci d'y associer la jeunesse. Comment ne pas s'interroger d'ailleurs sur le coût élevé, et grandissant, de la professionnalisation ? Celle-ci s'effectue en partie au détriment de nos forces et de leur entraînement, mais aussi de nos industries d'armement. Je veux me faire ici le porte-parole des trois départements et des 123 communes de la petite couronne qui refusent de supporter le coût de la professionnalisation du corps des sapeurs-pompiers de Paris.

La France doit disposer d'une armée capable de garantir l'autonomie de ses décisions. Il n'est pas dans l'intérêt du peuple français de dépendre d'autres puissances pour assurer la sécurité. Comme l'a écrit le général de Gaulle, "il faut que la défense de la France soit française. S'il en était autrement, notre pays serait en contradiction avec tout ce qu'il est depuis ses origines, avec son rôle, avec l'estime qu'il a de lui-même, avec son âme. S'il devait en être autrement, si on admettait pour longtemps que la défense de la France cessât d'être dans le cadre national ou qu'elle se confondît ou fondît avec autre chose, il ne serait pas possible de maintenir chez nous un Etat". C'est notre indépendance qui est en jeu. Nous devons défendre notre souveraineté. Nous en avons les capacités techniques, technologiques, intellectuelles et humaines. Nous pouvons choisir de coopérer avec les autres armées, mais après avoir mis sur pied une politique de sécurité commune, dans le cadre d'une OSCE renouvelée. Il faut inventer d'autres modes de coopération.

Nous sommes en droit de nous interroger sur la nature de ces coopérations. En matière économique, la Banque centrale se trouve à Francfort. En matière de défense, l'OCCAR se trouve à Bonn. La représentation nationale doit être consultée lorsque la France s'apprête à prendre des décisions concernant l'armement, la défense, la communication et les alliances.

Un exemple parmi d'autres, la question du VBCI. Devant les graves difficultés du GIAT, les problèmes avec nos partenaires, n'est-il pas nécessaire de revoir ce dossier, en réintégrant dans la réflexion le Vextra conçu par le GIAT ?

De même, lorsque nous envisageons des projets en coopération dans le domaine de la communication, des satellites, des renseignements, leur réalisation se révèle difficile, voire impossible, comme c'est le cas pour le radar Horus et Hélios 2.

Nous sommes pour la coopération européenne. Cependant elle doit se faire sur des bases claires. La coopération n'est enrichissante que si elle renforce notre indépendance et la sécurité des peuples.

La priorité que, nous communistes, souhaitons voir accorder à la défense du territoire national devrait conduire à un infléchissement de notre politique de l'armement et de notre politique industrielle. Suppressions de postes et fermetures de sites se multiplient : en deux ans, la DCN a perdu 3 500 emplois, soit plus de 15 % de ses effectifs ! Les crédits de fonctionnement sont réduits de 9 % tandis que le recours à la sous-traitance et l' "externalisation" des réparations navales entravent le développement des compétences et des partenariats. Est-on si sûr que les chantiers privés soient moins cher que la DCN de Toulon ?

M. le Ministre - Oui !

M. Bernard Birsinger - L'Assemblée a adopté au début de cette année une loi sur la réduction du temps de travail : le Gouvernement doit donner l'exemple en l'appliquant, sans remettre en cause les acquis sociaux ni réduire les salaires ! Le dialogue doit être ouvert avec les salariés et avec les autres partenaires, à cet effet mais aussi pour définir des plans de transition et de diversification.

La situation de GIAT est également préoccupante ; en juin, un quatrième plan social a été arrêté, prévoyant une réduction des effectifs de près de 44 % entre 1997 et 2002. Or la diminution a déjà été de 40 % ces dix dernières années, tandis que la production chutait de 30 %. Il est essentiel que l'Etat reconquière ses positions dans le domaine de la fabrication des armements ! Dans une passe difficile, il s'imposerait de freiner ou d'arrêter même, les achats sur étagère qui ne conduisent qu'à de fausses économies.

Dans l'aéronautique et l'aérospatiale, il faut plus de transparence et de démocratie dans les choix. Le Gouvernement a approuvé la fusion entre Dassault électronique et Alcatel-Thomson sans en avoir informé au préalable ni le Parlement ni les salariés. Nous avons des avions qui ont fait leurs preuves et une industrie dont nous n'avons pas à rougir : que l'Etat lui passe des commandes ! Nous nous inquiétons, je dois le dire, quand un gouvernement de gauche reçoit les félicitations de la droite pour sa politique de restructuration courageuse ! (Exclamations sur les bancs du groupe UDF et du groupe du RPR)

La fusion d'Aérospatiale et de Matra aurait de même mérité une information du Parlement. Nous ne sommes pas opposés à la constitution d'un pôle spatial européen, mais il faut mesurer toutes les conséquences de ce choix, compte tenu de l'importance stratégique de ce secteur pour la défense et pour le développement des transports et des communications. Ne compromettons pas non plus tout un savoir-faire, ne perdons pas l'acquis de plusieurs générations de salariés en cédant aux pressions de ceux qui ne pensent qu'à la rentabilité de leurs actions !

Nous ne pouvons approuver votre budget. Nous demandons instamment un moratoire sur les restructurations, pour que l'ensemble des industries de défense fasse l'objet d'un plan de transition, comportant des mesures effectives de diversification, l'application des 35 heures et des embauches de jeunes. Quant aux décisions de fusion ou d'alliance, elles doivent être suspendues en attendant que le Parlement en soit saisi. Nous souhaitons enfin que la représentation nationale débatte de l'état des risques, de notre stratégie de défense et de sécurité, et des questions relatives aux coopérations et au nucléaire -le risque de prolifération est en effet trop important pour qu'on se limite à la mission d'information décidée par notre commission.

A ce moment du débat, je me souviens, Monsieur le ministre, des engagements que vous aviez pris l'an passé à la suite de nos interventions. Ils n'ont été que trop partiellement respectés. C'est en fonction de vos réponses, notamment sur le volet de l'emploi industriel, que le groupe communiste arrêtera son vote (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste).

M. Antoine Carré - Ce projet de budget est un chef-d'oeuvre en "trompe-l'oeil". On le présente comme étant en progression de 2,2 % et le titre V, si cher à nos militaires, est de même présenté comme en nette augmentation puisqu'il atteindrait 86 milliards, mais, qu'on prenne le titre V ou le titre III, ces crédits en réalité diminuent, et les réductions en sont arrivées à la limite de ce que peuvent supporter nos forces. Ne jouons donc plus avec les chiffres et prenons conscience de l'état réel de nos armées !

S'agissant du titre V, contrairement à ce qui est habituellement dit, les crédits d'équipement ne se réfèrent plus à la programmation, mais à la revue des programmes que vous nous avez présentée en avril. Or quelle était la finalité de celle-ci ? Il s'agissait de faire moins avec moins ! Dans ces conditions, peut-on dire que la programmation est maintenue ?

L'année 1997 s'est signalée par l'annulation de 3,9 milliards de crédits d'équipement et 1998 par la célèbre "encoche" de 8,9 milliards. Cela représente déjà un déficit de 12,8 milliards par rapport à la loi de programmation.

Mais à ce déficit s'ajoute l'effet de votre revue des programmes, qui a dégagé 19,2 milliards d'économies sur la période 1999-2002. Au total, ce sont donc 32 milliards qui manquent sur l'ensemble de la durée de la programmation, soit un déficit de 6 %.

Prenez, me direz-vous, la revue des programmes pour référence et vous pourrez constater que le projet de budget pour 1999 est conforme aux engagements pris dans ce cadre. Hélas, non ! Car il faut tenir compte de la modification du périmètre des dépenses d'équipement, et notamment du transfert de 400 millions destinés à l'entretien programmé du matériel du titre III vers le titre V, ainsi que de quelque 900 millions de crédits pour la recherche dite duale, inscrits au même titre. Avec quelques autres dépenses intégrées de même dans les crédits d'équipement, c'est au total 1,4 milliard qui figure indûment là !

Pour l'armée de terre, les crédits de paiement sont, c'est vrai, en augmentation de 6,5 % en francs courants, ce qui est conforme à l'évolution prévue dans la revue des programmes. Mais la contrainte financière qui a été imposée à l'entretien programmé des matériels est telle qu'elle a conduit à limiter l'objectif de disponibilité technique opérationnelle à 75 % pour les matériels terrestres et à 65 % pour les matériels aériens.

La perte financière résultant de la revue des programmes se monte à 2,2 milliards. Toute "entaille" supplémentaire dans ces crédits d'équipement entraînerait une totale remise en cause des missions confiées à l'armée de terre.

Pour la marine, la situation n'est pas meilleure. Le titre V est amputé de 355 millions par rapport à ce qui avait été prévu après la revue des programmes. Les crédits d'entretien programmé des matériels ont subi un abattement forfaitairement de 5 % et pour les professionnels, il n'y a plus de réduction possible dans ce domaine. Le concept de quasi-permanence du groupe aéronaval est abandonné. Les crédits manquent pour financer un second porte-avions... Or, avec un seul porte-avions, nous ne pouvons prétendre réagir efficacement à une situation de crise.

Alors que les missions de la marine sont restées les mêmes, le nombre de bâtiments diminue. De plus, notre flotte vieillit, ce qui augmente les coûts d'entretien.

Pour l'armée de l'air, j'en conviens, la situation est moins critique. Cependant, pour notre capacité de projection, nous avons réellement besoin d'un nouvel avion de transport. Le successeur du Transall devra être livré au plus tard en 2005, compte tenu du calendrier de retrait du Transall, si nous voulons éviter une perte de capacité opérationnelle.

Quant à la gendarmerie, elle arrive à une limite au-delà de laquelle elle ne pourra plus assurer ses missions, alors que celles-ci n'ont cessé de croître. Les discours rassurants n'apaisent plus. Le vaste projet de redéploiement des forces de sécurité ne doit plus tarder. Il faut un renfort d'effectifs et de moyens qui n'apparaît pas dans le budget. Il faut également se préoccuper de la formation de nos futurs gendarmes.

Sur la question du nucléaire, mon opinion est plus contrastée. Le programme du M51 qui paraissait compromis l'année dernière, est confirmé cette année, et c'est une bonne chose d'autant que sa mise en service est avancée de deux ans. En revanche, l'abandon du programme Horus est regrettable. Vous ôtez à la France son indépendance en matière d'observation des zones de conflits, nous continuerons donc de dépendre de nos alliés américains, même si leurs intérêts ne sont pas toujours les nôtres.

Malgré une augmentation apparente, le titre III demeure en deçà de ce qui était prévu dans la loi de programmation, du fait notamment d'une modification de périmètre. Il manque pour chaque année environ un milliard de crédits de fonctionnement, alors que la professionnalisation implique la constitution de forces projetables et donc entraînées de manière adéquate.

Ces forces projetables sont utilisées dans les nombreuses opérations extérieures. Or le financement de ces opérations n'est pas prévu dans les lois de finances initiales. Déjà, pour 1998, il manquera environ un milliard. Essayons d'éviter que ne soit grevé encore un peu plus le budget de fonctionnement de nos années.

La poursuite de la réduction des crédits de fonctionnement risque de remettre en cause la professionnalisation. En effet, si nos armées ne peuvent recourir à la sous-traitance autant qu'elles en ont besoin, elles seront obligées de conserver des effectifs plus nombreux dans les secteurs du soutien. De plus, la professionnalisation suppose un recours accru aux personnels civils. Or 6 500 postes civils restent vacants.

Pour l'armée de terre, l'équilibre du titre III n'a été obtenu que par une réduction sévère des crédits de fonctionnement, qui a elle-même entraîné une réduction draconienne des objectifs de soutien et d'activités. En effet, plus de 80 % des crédits de ce titre III sont consacrés aux rémunérations, soit plus de 24,6 milliards. Mais dans le même temps, les crédits de fonctionnement courant sont réduits au minimum. Ainsi, comme nous l'avons entendu dire en commission, "l'année 1999 marque un véritable décrochage qui a atteint, et probablement dépassé, ce qui est supportable et qui pourrait conduire inexorablement l'armée de terre sur la voie de la paupérisation".

En effet, le niveau des crédits de fonctionnement courant est inférieur de 5 % à ce qui était prévu dans la revue des programmes, soit un déficit de quelque 230 millions de francs. Les dépenses de soutien seront diminuées de 8 %, l'essentiel des réductions portant sur l'entretien immobilier. Le budget de fonctionnement des forces ne sera pas non plus épargné : l'activité passera de 80 à 70 jours, et les pilotes d'hélicoptères perdront 10 heures de vol. Pourtant, la modicité des sommes en jeu est sans commune mesure avec les implications qu'elle peut avoir sur les conditions de vie et le moral de nos militaires.

Pour la marine, la situation est également préoccupante : les dépenses de fonctionnement sont en baisse de 241 millions de francs et, certaines dépenses étant incompressibles, la marine pourrait envisager une réduction d'activité générale ou le report d'opérations d'entretien importantes.

Le même problème se pose pour le personnel civil : plus de mille postes civils sont vacants, et le flux de personnels venant de la DCN se tarit -145 reclassements en 1998 sur les 420 annoncés. La marine devrait pouvoir embaucher rapidement, et de manière directe, les effectifs civils dont elle a un besoin pressant.

Dans l'armée de l'air, comme dans l'armée de terre, les dotations destinées au fonctionnement courant ou à l'activité aérienne diminuent. Pour l'armée de l'air aussi, le recrutement de personnels civils s'avère difficile. Dans la gendarmerie enfin, les crédits de fonctionnement courant sont en baisse de 1 %.

Dans le service de santé, le recrutement de médecins est insuffisant, et la question du fonctionnement de certains hôpitaux militaires peut se poser prochainement. Ces personnels, dont les compétences et le mérite sont reconnus, méritent mieux.

Ce budget est loin d'être un budget de reconquête. Les crédits accordés à nos armées ont atteint un seuil en deçà duquel elles ne pourront plus remplir les missions que la nation leur a confiées. Ce budget vous impose au moins de tenir parole sur les programmes d'équipement. Mais il ne faudrait pas que la professionnalisation, qui pour l'instant se déroule de manière satisfaisante dans le recrutement des personnels militaires, échoue par manque de compétences civiles et de moyens de fonctionnement. C'est malheureusement ce qui se dessine dans ce budget.

M. le Ministre - Ainsi, le représentant de la famille libérale préconise d'un côté des allocations sociales pour des agents civils qui resteraient sans travail, et de l'autre des recrutements extérieurs !

M. Antoine Carré - Ce n'est pas ce que j'ai dit. J'ai dit qu'il y avait une difficulté de recrutement du côté de la DCN.

M. le Ministre - Vous n'avez pas lu le dossier !

M. Antoine Carré - Quoi qu'il en soit, le groupe DL ne votera pas le budget.

M. le Ministre - Comme ses amis du Front national !

M. Arthur Paecht - Comme l'a rappelé le Président de la République en avril dernier, la rénovation de notre défense est une tâche ambitieuse, car "nous devons conjuguer la professionnalisation et la modernisation des équipements". Pour mener cette tâche à bien, nous disposons, avec la programmation militaire, d'un échéancier cohérent des financements à assurer jusqu'en 2002.

Vous avez choisi, Monsieur le ministre, d'adapter cet échéancier à vos contraintes budgétaires -c'était le sens de votre "revue des programmes". Vous n'y avez guère associé le Parlement, et nous le regrettons d'autant plus que la programmation ainsi amendée avait revêtu la forme de la loi.

Au terme de ce réexamen, vous avez diminué de 20 milliards l'enveloppe financière allouée jusqu'en 2002. Certains de vos choix sont acceptables, car ils ne remettent pas en question la cohérence des programmes et ne réduisent qu'à la marge les capacités. D'autres sont plus préoccupants, comme la réduction des crédits destinés aux études en amont et surtout la diminution de 5 % des dépenses d'entretien programmé des matériels. Le chef d'état-major de la marine nous a indiqué que toute réduction supplémentaire comportait le risque de "casser l'outil".

Mais l'essentiel est que le Gouvernement ait pris l'engagement d'assurer aux armées, pour les années à venir, des ressources financières suffisantes pour leur permettre de garantir le pays contre les risques nouveaux auxquels il est exposé. Après "l'encoche" de 8,3 milliards de francs faite à la programmation par le précédent budget, la situation est meilleure. Mais les crédits d'équipement inscrits au budget sont inférieurs de 4,4 milliards aux objectifs de la programmation, même s'ils s'intègrent dans un cadre pluriannuel. Nous devons reconnaître que leur montant est sensiblement supérieur à celui de 1996, qui après annulations n'atteignait que 80,4 milliards, comme à celui de 1997 qui s'est établi -83,7 milliards après annulations. Par rapport aux 81 milliards de la loi de finances initiale pour 1998, le redressement est net, malgré les modifications de structure qui accroissent artificiellement les dotations d'équipement d'environ un milliard et demi.

Mais nous ne pourrons nous satisfaire pleinement de ce redressement que si vous nous assurez qu'il sera durable -ce qui implique une répartition égale, sur chacun des exercices à venir d'ici 2002, des 20 milliards d'abattement. Les 86 milliards que vous attribuez au budget d'équipement de la défense pour 1999 devront donc être reconduits jusqu'au terme de la programmation.

Les ponctions réalisées en cours de gestion par les gels et annulations de crédits devront rester modérées -à cet égard, 4,15 milliards d'annulations intervenues sur la gestion 1998 nous paraissent dépasser la limite du tolérable, même s'ils sont prélevés sur des reports de crédits. Nous attendons donc de vous, Monsieur le ministre, un engagement formel de continuité dans l'effort budgétaire et de consommation rapide et complète des crédits dans le cadre des nouvelles procédures d'exécution financière que vous avez instaurées.

Nous souhaiterions aussi connaître vos prévisions sur l'évolution des besoins de financement des programmes d'équipement au-delà de 2002. La revue des programmes n'a pas reporté de charges au-delà de l'horizon de la programmation. Mais qu'en est-il des programmes engagés ou envisagés, comme par exemple l'ATF ? Faudra-t-il, après 2002, abandonner des projets en cours ? Je suis d'autant plus à l'aise pour vous poser cette question que j'ai exprimé les mêmes inquiétudes face à votre prédécesseur.

Quant au titre III, il doit répondre aux besoins de la professionnalisation. La réduction de format des armées est conforme aux prévisions, les postes budgétaires nécessaires sont ouverts, les mesures d'accompagnement -et en particulier d'aide au départ- donnent aux armées les moyens d'adapter leurs effectifs à leurs nouveaux besoins. Les difficultés rencontrées concernent surtout les postes civils : les armées souffrent en ce domaine d'un sous-effectif qui gêne leur professionnalisation, alors que les sureffectifs persistent à la DGA. Comment allez-vous, Monsieur le ministre, résoudre ce problème ? Consentirez-vous aux recrutements indispensables dans l'hypothèse où vous ne parviendriez pas à assurer un transfert de personnels suffisant en provenance de la DGA ?

Ce n'est pourtant pas l'évolution des effectifs qui suscite les plus grandes inquiétudes, mais la réduction des dotations de fonctionnement courant. Je ne veux pas ici amplifier les craintes exprimées par les armées, mais je ne peux que constater la contrainte qui leur est imposée. Hors carburants et entretien programmé des matériels, les crédits de fonctionnement et d'activité passent de 14,6 à 13,8 milliards, soit une baisse de 5,5 %, alors que l'économie réalisée grâce à la réduction de format n'équivaut qu'à la moitié de cette somme.

Les charges de personnel absorbent une part grandissante du titre III et compriment les ressources disponibles pour la vie courante et l'entraînement des forces. Vous pourrez sans doute encore faire face à cette situation sur l'exercice 1998. Mais ensuite ?

Deux possibilités s'offrent à vous pour lever cette difficulté : soit accroître l'enveloppe du titre III ; soit revoir le format et donc les missions des forces. Il faudrait abonder le titre III d'un milliard. Mais je me demande si les analyses du livre blanc qui ont permis de définir le "contrat opérationnel" des armées ne doivent pas être revues. En effet, les risques ont évolué : les scénarios d'emploi des forces sont plus divers, mais, pour l'avenir proche du moins, ils ont perdu en gravité, ce qui nous laisse un répit pour restructurer nos forces. Par ailleurs, l'hypothèse d'un engagement solitaire des forces françaises n'est plus réaliste. C'est dans un cadre international, avec nos alliés européens, en particulier, que nous agissons à présent. Pourquoi ne pas en tirer toutes les conséquences ? La spécialisation des tâches, la complémentarité et la coopération entre armées européennes doivent devenir des réalités. C'est pourquoi nous nous félicitons, Monsieur le ministre, que vous ayez envisagé une coopération franco-britannique pour les groupes aéronavals. Si le Charles-de-Gaulle ne peut être disponible que les deux tiers du temps, et même si un jour nous nous dotions d'un second porte-avions, il faudra bien imaginer des formules d'association pour faire face à des crises qu'en toute hypothèse nous serons amenés à gérer ensemble.

La sécurité de notre pays n'est plus dissociable aujourd'hui de celle de nos partenaires européens et de l'Alliance atlantique. La constitution d'une identité européenne de défense doit donc être une priorité, elle nous donnera une garantie de sécurité plus solide et nous permettra de faire vivre l'Alliance atlantique sur des bases plus équilibrées.

Si nous avons réformé nos modes traditionnels de coopération, si nous nous engageons dans la construction d'un véritable marché commun de l'armement face à la concurrence américaine, c'est aussi le gage d'une réduction des coûts des matériels. Les évolutions actuelles sont contradictoires : les unes positives, comme la récente décision de donner à l'OCCAR la personnalité juridique ; d'autres préoccupantes -les difficultés de grands programmes comme la frégate Horizon, le VBCI ou les satellites d'observation. Quant à la constitution de la grande société aérospatiale européenne, elle marque le pas.

Sur tous ces points, nous attendons des éclaircissements.

La construction de l'Europe de la défense est aussi au centre des négociations sur le nouveau concept stratégique de l'Alliance atlantique. L'Europe devra faire entendre sa voix dans le débat sur les finalités nouvelles d'une Alliance atlantique élargie, qui n'a plus seulement pour fonction d'assurer la défense collective de ses membres, mais aussi de contribuer à la sécurité collective du continent européen. Au sein de cette alliance transformée, l'Europe doit pouvoir agir seule si elle l'estime nécessaire, en disposant des infrastructures alliées existantes, comme le prévoient les conclusions du conseil Atlantique de Berlin.

Cette Europe de la défense ne pourra se situer que dans le prolongement de l'Union européenne. L'Europe de la sécurité intérieure, celle de Schengen et du "troisième pilier", l'Europe de la monnaie unique ne peuvent s'interdire la dimension de la défense. La solidarité qui nous a conduits à partager notre souveraineté dans les domaines de la justice et de la monnaie nous conduira aussi à la partager dans le domaine de la défense. Les traités de Maastricht et d'Amsterdam en ont ouvert la perspective très timidement. Le Président de la République en a tracé la voie en préconisant la création, le moment venu, d'une conférence des ministres de la défense de l'Union européenne.

Monsieur le ministre, quelles mesures envisagez-vous pour relancer les discussions sur la construction de l'Europe de la défense ? Qu'allez-vous répondre au Premier ministre britannique qui a récemment fait des propositions identiques à celles déjà formulées par le Président Chirac ? Quel bilan tirez-vous de la récente réunion de Vienne avec vos homologues de l'Union européenne ? Comment envisagez-vous l'articulation des relations entre l'UEO, l'Union européenne et l'Alliance atlantique ? Votre réponse pèsera d'un poids particulier dans notre vote, car nous jugeons aussi votre politique à l'aune de votre contribution effective aux progrès de la construction européenne (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF et du groupe DL).

M. Yves Fromion - Dans un contexte budgétaire calamiteux pour nos armées et nos industries de défense, le Gouvernement annonçait l'année dernière une revue des programmes d'équipement inscrits dans la loi de programmation militaire. Votre majorité y voyait la promesse d'économies substantielles : on allait enfin recueillir les dividendes de la paix !

Or l'essentiel de la loi de programmation votée par la majorité précédente est maintenu. Je m'en réjouis sans pouvoir m'empêcher de rappeler les critiques sans nuances dont elle fit l'objet de la part de l'opposition de l'époque.

La cohérence de la démarche, la rigueur des choix industriels, la pertinence des programmes retenus se sont imposés à vous. Vous avez sans doute aussi été sensibles à la détermination et à la foi avec lesquelles les personnels de nos armées se sont impliqués dans la réforme de l'outil militaire qu'il leur a été demandé de conduire dans des conditions difficiles. Je pense, Monsieur le ministre, que vous avez joué un grand rôle dans le fait que votre majorité en ait pris conscience, et je vous en félicite. Le Gouvernement a aussi mesuré les incidences de ces choix budgétaires sur nos industries d'armement. Mais nul n'ignore que le redressement du budget d'équipement militaire est à porter au crédit du Président de la République ("Ah !" sur les bancs du groupe socialiste). Si vous avez pu discuter sereinement avec Bercy, Monsieur le ministre, c'est que le Président de la République, chef des armées, avait convaincu le Gouvernement qu'il ne pouvait accepter une remise en question des objectifs et des moyens de la politique de défense. De cette conjonction de facteurs, tirons au moins la satisfaction de voir enfin "estampillées" par l'actuelle majorité, les orientations de la politique de défense de la France.

Des inquiétudes se font néanmoins jour lorsqu'on examine de plus près votre projet de budget pour 1999. Lifté par vos soins, il est tendu de toutes parts à l'extrême, au point que l'institution militaire paraît condamnée à se figer pour ne pas le faire éclater (Sourires). La remarque vaut pour les crédits de fonctionnement comme pour les crédits d'équipement.

Le titre III n'atteint pas le niveau prévu par la loi de programmation. La professionnalisation se déroule, certes conformément au cadencement imposé par la loi -le mérite en revient à tous les échelons de responsabilité. Cette mutation est néanmoins difficile, notamment en raison de l'absence de toute marge de manoeuvre financière. Les économies résultant de la réduction progressive du format des armées n'absorbent pas automatiquement et exactement le surcoût induit par la professionnalisation. Le chef d'état-major général des armées estime à plus d'un milliard l'enveloppe nécessaire au lissage des à-coups. Il faudra la trouver. En effet, l'excès des difficultés et des contingentements vécus au quotidien par les unités peut à la longue susciter leur désenchantement, les conduisant même à douter de la pertinence de la réforme entreprise et de l'intérêt porté par la nation à son armée. Personne n'aurait à y gagner.

Les crédits de fonctionnement diminuent de 9 %, à tel point que l'entraînement des personnels en pâtira. Or nos soldats doivent être au niveau des meilleurs : c'est sur cette conviction que les combattants trouvent la force morale nécessaire à leur efficacité. Il est donc inacceptable que l'armée de terre soit contrainte de réduire son activité de 78 à 68 jours par an, la marine de reporter l'entretien de ses bâtiments, l'armée de l'air de limiter les heures de vol de ses pilotes.

Il est étonnant que les économies réalisées sur le titre V n'aient pas permis de répondre aux besoins légitimes, et somme toute très mesurés, du fonctionnement de nos armées.

Certes, le budget d'équipement pour 1999 se rapproche des objectifs de la loi de programmation. La revue des programmes a conclu au maintien de l'essentiel des décisions antérieures sous réserve d'ajustements, d'ailleurs très pertinents -c'est le cas de l'adéquation SNLE et M51. Cela étant, les crédits sont très inférieurs à ceux prévus par la loi de programmation qui pourtant, disait-on, ne comportait guère de marges de manoeuvre.

L'annuité 1999 est amputée de 1,4 milliard. Voudriez-vous décourager ceux qui voudraient croire à vos bonnes intentions ? Rattacher au titre V l'entretien programmé du matériel ou la mystérieuse "recherche duale" n'est pas critiquable en soi. Il l'est en revanche d'imputer ces dépenses à un budget tendu à la limite du raisonnable.

D'autres interrogations demeurent, sur le devenir du projet de commande groupée des avions Rafale, sur les études préliminaires au lancement d'un deuxième porte-avions, sur l'avion de transport futur. Nous répondrez-vous, Monsieur le ministre, sur ces sujets ?

L'avenir de nos industries de défense, je songe en particulier à GIAT Industries, est évidemment étroitement lié à ce budget. Après les suppressions d'emplois, on passe maintenant aux fermetures de sites comme Salbris. Non ce budget ne s'inscrit pas dans la logique de la politique de l'emploi de votre gouvernement, à moins qu'elles n'en soient une inquiétante préfiguration...

On nous reparle certes de mesures d'accompagnement, d'accroissement des fonds de reconversion, de départs anticipés à la retraite. Sans méconnaître que tous les gouvernements passés ont dû adapter notre outil industriel, vous avez la main exceptionnellement lourde. Vous aurez déçu plus d'illusions que quiconque. Nous attendons de vous, Monsieur le ministre, des engagements fermes sur le respect des commandes de l'Etat, notamment vis-à-vis de GIAT, et sur le soutien des exportations.

Ce budget est sans doute "moins pire" que le précédent. Si "l'encoche" faite au titre V est devenue comme on pouvait s'y attendre une profonde entaille, l'inquiétude des députés RPR se focalise aujourd'hui sur le budget de fonctionnement. La professionnalisation ne pourra se poursuivre convenablement sans un abondement de ses crédits permettant de "lisser" la conjoncture. Quelles sont vos intentions à ce sujet ? En effet, après le lifting excessif que vous avez pratiqué sur ce budget, il n'y a plus rien à "tirer" nulle part. Votre gouvernement s'est mis le dos au mur. Vous allez devoir naviguer entre les écueils que constituent la perspective du ralentissement de la professionnalisation, l'atteinte aux capacités opérationnelles des armées, ou la remise en cause du modèle 2015.

Votre budget n'est pas vraiment bon, même si sous l'impulsion du Président de la République, on a évité le pire. Nous attendons vos réponses (Applaudissements sur les bancs du groupe du RPR).

M. Guy-Michel Chauveau - Monsieur le ministre, depuis dix-sept mois, les parlementaires, toutes tendances confondues, ont constaté que vous n'entendiez pas rester inactif face aux bouleversements géostratégiques, aux mutations industrielles et aux impératifs économiques.

La France doit adapter son outil de défense pour demeurer une puissance reconnue, moderne et dynamique ; cela passe par la maîtrise des quatre fonctions autour desquelles s'articule notre politique de défense : la prévention, la protection, la projection et la dissuasion.

Le budget pour 1998 avait été l'occasion de rationaliser les dépenses en utilisant pleinement les crédits votés, ce qui tranchait avec les exécutions budgétaires précédentes, approximatives. J'avais soutenu cette démarche responsable. Certains prétendaient alors que le Gouvernement, et la gauche en général, mettraient en péril notre défense, puisque les crédits du titre V ne se conformaient pas à la loi de programmation militaire. L'argument n'est pas recevable quand le niveau des crédits effectivement consommés n'a cessé de s'éloigner des objectifs de cette même loi.

Fort de cette première réorientation, le Gouvernement a maintenant pu fixer un niveau de crédits constant pour le titre V sur quatre ans, grâce notamment aux commandes pluriannuelles et à la revue des programmes de mars dernier. Cette planification des crédits permettra d'assurer la modernisation de l'outil industriel et de répondre aux besoins de nos armées.

Les crédits réellement alloués à la défense en 1998, et je l'espère en 1999, s'établiront à un niveau jamais atteint depuis cinq ans. Cela tient bien sûr à l'amélioration de notre économie grâce à la politique conduite par ce gouvernement (Exclamations sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL). La deuxième raison tient aux dispositions que vous avez prises.

Les lois de programmation depuis 1960 n'ont jamais été respectées. Seul M. Fromion semble encore être frappé d'angélisme quand il écrit dans un quotidien du matin que "le projet de budget militaire souffre également la critique parce qu'il confirme la prise de distance avec la loi de programmation militaire 1997-2002 en matière d'équipements de nos forces".

M. Yves Fromion - Je deviens une référence !

M. le Président de la commission de la défense - Mauvaise !

M. Guy-Michel Chauveau - Peut-on faire de cela, Monsieur Fromion, la pierre angulaire d'une opposition raisonnée à ce budget ?

Si les lois de programmation ne sont pas respectées, c'est d'abord qu'elles sont trop ambitieuses. Le président de la commission rappelait l'an dernier pourquoi : pour la gauche, parce qu'elle est en permanence soupçonnée de ne pas accorder de place suffisante à la défense, pour la droite, parce qu'elle est institutionnellement la gardienne de l'orthodoxie militaire.

La deuxième raison est également bien connue : le budget de la défense a toujours servi de variable d'ajustement. Depuis quarante ans, nombreux ont été les débats budgétaires où les députés se battaient pour quelques dizaines de milliers de francs, pour apprendre quelques jours plus tard qu'un décret annulait quelques milliards pour l'exercice en cours il est vrai ! Les chiffres de ces dernières années sont éloquents sur l'exécution du titre V : en 1994, 95 milliards inscrits, 88,4 milliards consommés ; en 1995, 94 milliards inscrits, 74,7 milliards consommés ; en 1996, un écart de 12 milliards.

Nous sommes bien loin des 4,5 % du PIBm annoncés par M. Chirac en 1991, deux ans après la chute du mur de Berlin.

Ce projet de budget n'aurait pas été possible si la situation économique ne s'était pas améliorée. Mais le bon niveau des crédits ne doit pas nous faire oublier la nécessité de mieux assurer la maîtrise des dépenses du titre III comme du titre V : d'abord parce que le secteur de la défense doit contribuer à la politique générale de maîtrise des finances publiques, mais surtout parce qu'il s'agit pour nos armées d'efficacité opérationnelle, et il faut veiller à ce qu'il n'y ait pas un trop grand déséquilibre entre le titre III et le titre V.

Le rapporteur spécial de la commission des finances commence son rapport par cette affirmation : "Le ministère de la défense n'était pas bien géré" -je note l'emploi de l'imparfait. Les nombreuses mesures que vous avez prises, Monsieur le ministre, ne peuvent avoir un effet immédiat ; je ne doute pas que vous poursuivrez ce travail de clarification budgétaire, de réduction des coûts et des délais. Cependant, nous restons perplexes devant les nombreux dysfonctionnements repérés par la Cour des comptes, et notamment les reports de charges de 1996 et 1997.

Par ailleurs les rémunérations et les charges sociales représentent entre 75 et 80 % des dépenses de fonctionnement et la professionnalisation de nos armées nous oblige à recruter de bons professionnels, qu'il faudra correctement rémunérer. La maîtrise du titre III doit donc être un objectif à court terme, afin de pas tomber dans l'irrationnel.

Les considérations financières ne doivent pas faire oublier les problèmes humains et industriels.

Les questions que vous poseront mes collègues du groupe socialiste démontrent notre souci du devenir des personnels, aussi bien dans l'armée que dans les arsenaux et les entreprises.

En ce qui concerne la politique industrielle, la nouvelle orientation a pris la forme d'une restructuration, passant soit par une diversification, soit par des alliances franco-françaises par métier. Cette restructuration s'impose et s'inscrit dans une perspective européenne. Elle est commandée par la forte contraction des dépenses militaires de tous les Etats depuis 1990. Elle prend un tour à la fois défensif et offensif, de nouveaux territoires s'offrent à ceux qui veulent bien se donner la peine de les conquérir.

Depuis quinze mois, les décisions courageuses n'ont pas manqué : pôle électronique autour de Thomson-CSF, accord Aérospatiale-Matra haute technologie, annonce de l'issue des négociations avec Dassault Aviation, mise en place de l'OCCAR. Voilà qui nous permet d'aller plus loin dans les discussions avec nos partenaires étrangers, qui aurait pu mieux faire dans des délais aussi brefs ?

Nous, Européens, nous sommes condamnés à réussir le regroupement de nos industries aéronautiques. Les étapes que nous venons de franchir étaient un préalable ; il faut en féliciter tous les acteurs.

Bien que les budgets soient toujours une affaire d'intendance, ils traduisent des orientations qui prennent en compte les données politiques et géopolitiques. Mais il faudrait nous interroger sur la méthode à employer pour avoir une vision à long terme au niveau européen. L'idée d'un livre blanc réalisé avec nos partenaires est bonne.

Bien sûr, Monsieur le ministre, les députés socialistes voteront ce budget (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

La séance, suspendue à 18 heures 20, est reprise à 18 heures 30, sous la présidence de M.  Paecht.

PRÉSIDENCE DE M. Arthur PAECHT

vice-président

M. Gérard Charasse - 1999 marque la fin d'une érosion des crédits d'équipement militaire qui avait commencé en 1990. Dans ce domaine aussi, le Gouvernement a tenu ses engagements, et respecté l'orientation fixée en avril dernier à Saint-Mandrier par le Premier ministre.

Finalement, ce budget illustre la volonté de ne pas rompre avec des directions approuvées par la représentation nationale au cours des derniers mois, et de garder à la France une place centrale sur la scène internationale dans la construction de la politique européenne de sécurité commune.

Le processus de professionnalisation se poursuit, et les Cassandre se sont tues. La professionnalisation est une réalité et s'accompagne de la création de 15 000 postes, dans le respect de la loi de programmation. Vous y ajoutez un renforcement des moyens humains de la gendarmerie, une réorganisation et un effort particulier pour la reconversion des militaires les moins gradés.

Respectée dans son principe, la loi de programmation militaire reçoit, au cours de son application, certains correctifs. Qui songerait à vous reprocher de vous engager dans le juste chemin qui consiste à n'insulter ni le passé, ni l'avenir ? Les députés radicaux ne seront pas de ceux-là.

De fait, vous vous donnez les moyens de lancer notre deuxième satellite de reconnaissance optique et de poursuivre le développement d'une nouvelle génération de satellites d'observation Hélios 2. La dissuasion bénéficie d'une somme proche de celle allouée en 1998.

Enfin, nous nous réjouissons que les grands programmes d'armement soient maintenus, à commencer par le char Leclerc, dont la construction contribue à faire fabriquer à nos établissements l'obus-flèche de 120 mm. Citons aussi le développement du nouveau VBCI, le porte-avions nucléaire Charles-de-Gaulle, la frégate Lafayette, les hélicoptères Tigre et NH90, le transport de chalands de débarquement. Enfin, le Rafale possède désormais un support budgétaire, et ouvre de nouvelles perspectives industrielles, avec son canon de semonce et ses munitions de 30 mm.

Au total, votre budget réalise la synthèse entre l'impératif général d'économie budgétaire et le désir de ne pas compromettre les moyens de nos forces opérationnelles, au moment où nous nous employons à reformater nos forces pour les rendre compatibles avec les impératifs de sécurité nouveaux.

Au moment aussi où nous ambitionnons d'être au coeur de la construction d'une politique européenne de sécurité commune, la France ne peut pas créer une défense européenne sans les Européens, il convient donc d'aller chercher ces partenaires-là où ils sont, c'est-à-dire dans l'OTAN. Les premières avancées obtenues à Berlin en juin 1996 doivent être reprises, et vous aurez pour cela le soutien des radicaux de gauche. Pour avancer, nous devrons chercher des partenariats, mais aussi nous interroger sur le signal que nous envoyons à nos partenaires européens avec notre revue des programmes, qui signifie que nous continuerons d'être, en tous domaines, notre propre fournisseur. Cette démarche est-elle de nature à favoriser la PESC, et à ouvrir au char Leclerc ou au Rafale les marchés de nos partenaires ? Je n'en suis pas sûr.

Dans le domaine de l'industrie d'armement, l'Etat actionnaire s'est comporté de façon exemplaire, en particulier socialement.

Au total, ce budget conserve à notre pays sa capacité d'intervention sa faculté à s'intégrer à ces dispositifs internationaux. C'est pourquoi les radicaux de gauche vous assurent de leur soutien en votant vos crédits (Applaudissements sur les bancs du groupe RCV et du groupe socialiste).

M. Bernard Outin - A de nombreuses reprises et notamment lors de l'entrevue du 30 juin, je vous avais entretenu de la situation des trois sites GIAT de la Loire, et l'intérêt de prendre en compte les propositions présentées par les organisations syndicales et les personnels. Je vous demande à nouveau que des négociations s'ouvrent pour mettre en cohérence les quatre activités essentielles que sont la production de matériel de protection, les armes de petit calibre, l'optique vision et la mécanique. C'est indispensable pour éviter la fermeture à bref délai du site de Saint-Etienne.

Je vous demande également d'attirer l'attention de la direction du GIAT pour revoir dans les meilleurs délais le plan social présenté au dernier comité central d'entreprise. En effet, ce plan semble ne pas respecter l'engagement pris au cours de notre rencontre, suivant lequel il n'y aurait aucun licenciement. Qu'en est-il exactement ?

Le département de la Loire rencontre depuis longtemps d'importantes difficultés. Il a besoin que l'Etat apporte des activités et non qu'il supprime celles qui existent.

Lors de notre rencontre du 24 septembre, vous aviez confirmé l'installation d'un service d'imprimerie de l'armée pour permettre le reclassement d'une centaine d'employés du site GIAT de Saint-Etienne après une formation appropriée. Souhaitons que ce projet se concrétise. Envisagez-vous d'autres mesures de ce type, nécessaires au réaménagement du territoire ? (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste)

M. Guy Teissier - Il y a les paroles, et il y a les actes. Vos paroles sont rassurantes, parfois surprenantes.

M. le Ministre - Les vôtres ne le sont pas !

M. Guy Teissier - J'ai à peine commencé que vous vous en prenez à moi !

M. le Ministre - Vous chassez sur les terres du Front national !

M. Guy Teissier - Vous n'avez pas le droit de dire cela !

Votre présentation idéale du budget est habile, mais elle ne masque pas les sacrifices que vous imposez aux armées. Les paroles des chefs d'état-major sont beaucoup moins rassurantes. Il y a les paroles, et il y a les actes.

Les contraintes imposées par Bercy mettent sérieusement à mal le processus de professionnalisation.

Le chef d'état major des armées a ainsi rappelé que le niveau des crédits d'équipement aboutissait à faire moins avec moins, et il a indiqué une série d'annulations de programmes d'un montant de 32 milliards, soit un déficit de 6 % par rapport aux crédits initialement prévus.

Le même général Kelche, en commission, précisait qu'il fallait tirer le signal d'alarme pour les crédits de fonctionnement.

Même cri d'inquiétude de la part des chefs d'état-major de l'armée de terre et de la marine, pourtant traditionnellement peu enclins à livrer publiquement leurs sentiments.

M. Prévost, directeur général de la gendarmerie, a souligné que la situation budgétaire de son administration apparaissait délicate.

Car si la hausse des crédits du titre III s'élève à 2 %, les crédits destinés au fonctionnement enregistrent une baisse de 1 %, soit 60 millions, qui altérera l'activité opérationnelle de l'arme.

Si les crédits du titre V progressent de 0,7 % en AP et de 3 % en CP, les abattements par rapport à la loi de programmation s'élèvent à 20 millions, auxquels s'ajoutent 64 millions au titre de la revue des programmes.

Ainsi, la gendarmerie rencontrera des difficultés pour renouveler ses hélicoptères et ses 12 500 ordinateurs portables.

Ces encoches répétées risquent de compromettre le processus de la professionnalisation.

Car, au-delà des paroles exprimant les divergences d'appréciation entre les militaires et vous-même, il y a les réalités auxquelles les militaires, du caporal au général, sont confrontés quotidiennement. Et ces réalités, qu'Antoine Carré a brillamment dénoncées expliquent les doutes et les démotivations des hommes. De fait, comment ne pas être désabusé quand on annonce qu'en 1999 la marine devra réduire l'entretien de ses bâtiments, que l'armée de terre devra réduire le nombre de ses journées d'action sur le terrain et que l'armée de l'air devra limiter ses vols ?

M. le Ministre - Puis-je vous interrompre un instant ?

M. Guy Teissier - Avec plaisir.

M. le Ministre - Les crédits d'entretien de la flotte vont augmenter de 30 %, pour atteindre le montant de 2,838 milliards. On ne peut dire que la marine ne pourra pas entretenir ces bâtiments (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe RCV).

M. Guy Teissier - C'est une augmentation relative... (Rires)

M. le Ministre - Vous avez dit que les crédits baissaient. Vous vous êtes trompé.

M. Guy Teissier - Non. J'ai repris les propos du chef d'état-major des armées. Notre collègue Cova nous donnera bientôt tous les détails sur cette question.

Vos efforts sont restés vains : les militaires ont le sentiment d'être abandonnés.

S'agissant des 6 500 postes civils vacants, votre réponse est franchement décevante.

M. le Ministre - Je préfère vous décevoir que vous satisfaire !

M. Guy Teissier - Calmez-vous, Monsieur le ministre, et respectez l'opposition !

M. le Ministre - Vous appartenez à un groupe qui essaie de se démarquer par son sectarisme (Protestations sur les bancs du groupe DL, du groupe UDF et du groupe du RPR).

M. le Président - Mes chers collègues ! Décidément, je n'ai pas de chance... (Rires)

M. Guy Teissier - Nous avons entendu M. Heber, le "patron" de la DGA. Il semble que vous ayez des difficultés à recruter les employés de la DGA et de la DCN dans les armées. S'ils n'acceptent pas de faire preuve de mobilité, il faut envisager d'autres solutions.

M. le Ministre - Pourquoi n'en proposez-vous pas ?

M. Guy Teissier - C'est vous, le ministre. Vous devrez recourir à des recrutements externes non prévus, qui viendront amputer des budgets déjà étriqués. Et le risque est grand que ces amputations se fassent au détriment du titre V.

Même crainte pour les réserves, dernier pilier de la professionnalisation, dont le budget est notoirement insuffisant pour permettre de remplir les missions que la future loi sur les réserves devrait leur assigner.

Je tiens d'ailleurs à votre disposition ma proposition de loi portant organisation générale de la réserve militaire. Elle pourrait utilement contribuer à accélérer la tenue de ce débat devant le Parlement.

En outre, ne risque-t-on pas de voir s'aggraver la diminution des crédits d'équipement, au mépris de la loi de programmation ?

On comprend mieux, dès lors, pourquoi vous commencez à évoquer la nécessité d'une nouvelle loi de programmation militaire !

Il est clair, Monsieur le ministre, que dans de telles conditions, le groupe Démocratie Libérale ne pourra pas voter ce budget (Applaudissements sur les bancs du groupe DL, du groupe UDF et du groupe du RPR).

M. Michel Voisin - Ce projet de budget s'inscrit dans le mouvement de professionnalisation décidé par le Président Chirac le 22 février 1996. C'est dans cette optique, et au prix d'une forte réduction des crédits de fonctionnement des trois armées et de la gendarmerie, que l'ensemble des crédits inscrits au titre III est globalement maintenu à niveau, ce dont, compte tenu du contexte de rigueur et de la volonté de maîtriser les dépenses publiques, il convient de vous donner acte, Monsieur le ministre. Toutefois,...

Plusieurs députés socialistes - Ah !

M. Michel Voisin - ....Toutefois, les contraintes que fait peser la professionnalisation sur le fonctionnement courant de l'ensemble des forces, soulèvent des difficultés. Il vous appartient de faire en sorte que celles-ci ne soient que provisoires. Que serait en effet une armée professionnelle privée des moyens qui la rendent opérationnelle ? Bien que le général Mercier, chef d'état-major de l'armée de terre, malgré la tempête qui souffle parmi ses cadres et dont il a fait état devant les cadres généraux de deuxième section, ait voulu faire montre de quiétude, force est de constater que les responsables des armées et de la gendarmerie nous ont paru, sinon inquiets, du moins très réservés.

Je ne suis pas sûr qu'avec 70 jours sur le terrain, dont la moitié seulement avec leurs équipements organiques, les militaires professionnels de l'armée de terre puissent avoir véritablement l'impression d'exercer le métier des armes ! Il faut craindre que cette diminution des activités d'entraînement ne contrarie vos efforts pour attirer dans la carrière militaire un nombre suffisant de candidats motivés.

Si vous innovez en inscrivant au budget des crédits de sous-traitance, leur montant demeure particulièrement modeste au regard des besoins. Il y a là, toutefois, un effort qui mérite d'être souligné et, surtout, amplifié.

Autre sujet de préoccupation pour les chefs d'état-major, la diminution généralisée des crédits d'entretien programmé des matériels. Certes, la réduction des effectifs aura pour effet une légère diminution du parc de matériel, mais ce ne saurait être le cas de la marine, à qui les moyens d'entretien feront dans l'avenir cruellement défaut si vous n'y prenez garde. Comme M. Teissier, je m'interroge. Le groupe UDF trouve également préoccupante la baisse de 1 % en francs courants et de 2 % en francs constants des crédits de fonctionnement de la gendarmerie. Ce choix est en contradiction avec l'attente des Français. Qualifiée de "paradoxale" par le rapporteur Georges Lemoine, cette diminution de crédits va gêner l'action de la gendarmerie sur l'ensemble du territoire. Avec ces qualités d'analyse que chacun lui reconnaît ici, Georges Lemoine considère la gendarmerie comme "une arme au service du droit à la sécurité".

Les statistiques de la criminalité me font peur, Monsieur le ministre ; ne laissons pas ce sujet à certains. La criminalité augmente de 5 % chaque année depuis dix ans ! Donnons aux gendarmes les moyens de la combattre !

N'y a-t-il pas aussi une contradiction entre cette diminution des crédits de fonctionnement et les discours apaisants du Gouvernement en matière de redéploiement ? La gendarmerie, présente sur 95 % du territoire, a besoin d'une dotation budgétaire plus importante.

S'agissant des effectifs, malgré vos propos rassurants, des doutes subsistent sur l'intégration des 823 postes de volontaires du service national créés par anticipation en 1998 dans les 3 000 postes inscrits dans ce projet de loi de finances. De même, le recrutement de ces 3 000 volontaires du service national permettra-t-il d'atteindre le niveau d'effectifs prévu par la loi de programmation militaire ? Et n'avez-vous pas la tentation de recourir à un volontariat à coût réduit pour atteindre vos objectifs ?

Le fonctionnement courant des unités sera amputé de 60 millions, ce qui réduira nécessairement la capacité opérationnelle des brigades. A moins de leur demander un nouvel effort de productivité, sur la nature duquel il nous serait agréable d'avoir quelques informations...

Une telle diminution de crédits ne peut qu'inquiéter les collectivités locales, qui redoutent de voir l'Etat se retourner vers elles pour leur demander d'assurer à sa place ses obligations en matière de sécurité, notamment en zone rurale, où se manifestent les pires inquiétudes. Le sentiment d'insécurité, même s'il y entre une part d'irrationalité, y est fort, tandis que votre plan relève, quant à lui, du plus implacable des rationalismes : celui des technostructures, qui ne regardent que les chiffres et ignorent les comportements.

Monsieur le ministre, chaque canton doit conserver sa gendarmerie...

M. le Ministre - "Sa" !

M. Michel Voisin - ...et toute décision doit être prise en concertation avec les élus de terrain. Il en va de la crédibilité du redéploiement.

Informez-nous, informez nos concitoyens des moyens que vous entendez donner à la gendarmerie, et redressez vite la barre pour ce qui est des crédits de fonctionnement des forces, sans quoi vous réduirez à néant vos efforts pour professionnaliser nos armées.

Au nom du groupe UDF, je tiens à rendre hommage aux militaires, gendarmes et employés civils de la défense qui, malgré toutes les mutations en cours, continuent d'assurer leur mission avec toute la compétence qu'on leur connaît (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF, du groupe DL, du groupe RPR et sur plusieurs bancs du groupe socialiste).

Votre budget apporte une réponse politique à nos interrogations. Nous allons vous poser des questions techniques. Vos réponses conditionneront notre vote.

M. Charles Cova - Après l'excellent rapport, tout en nuances, de M. Le Drian, vous me permettrez de revenir à mon tour sur la situation de notre marine nationale.

Les besoins en personnels de celle-ci doivent s'apprécier par rapport à ce qu'il advint du service national. La marine doit encore faire appel au contingent, mais la qualification de la ressource ne correspond plus aux postes offerts cependant que la conscription s'essouffle.

A cela s'ajoutent un tarissement des personnels civils de la DCN et la difficulté qu'il y a à organiser la sous-traitance. Il me semble donc nécessaire de faire appel aux VSL chaque fois que l'occasion s'en présente, mais aussi et surtout de recourir au recrutement extérieur. Il y a déjà déficit dans certaines spécialités et vous conviendrez qu'on peut difficilement faire confectionner des repas par des "bac plus quatre", des informaticiens ou des chaudronniers de la DCN. Il faut donc autoriser la marine à recruter dès maintenant des engagés volontaires. Le décalage se creusant quelle que soit l'armée, je me demande d'ailleurs si la conscription permettra de tenir jusqu'en 2002 !

En tout état de cause, on ne peut attendre 1999 pour lancer le recrutement d'ouvriers civils et pour commencer à recourir aux volontaires, sachant que les carences affectent essentiellement les postes à terre et non les unités de combat.

S'agissant des rémunérations et des charges sociales, les prévisions de dépenses établies à la fin du troisième trimestre laissent présager un déficit de 190 millions, malgré les 198 millions accordés par le décret d'avance du 21 août. Certes, peuvent apparaître en cours d'année des besoins imprévus, qui peuvent être couverts soit par des redéploiements de crédits, soit par des compléments de dotation en fin d'année. Mais ces pratiques budgétaires anciennes sont préjudiciables aux armées, qui ne peuvent consacrer l'ensemble des crédits votés à l'exécution de leurs missions de l'année. Malgré le recours à un décret d'avance généralement accordé par Bercy, la marine en particulier connaît de grandes difficultés pour couvrir son déficit de gestion en fin d'année.

Or ces déficits du titre III sont essentiellement liés aux opérations extérieures.

Une politique budgétaire aussi incohérente ne récompense pas les bons gestionnaires et même engendre une dérive contraire aux principes essentiels des finances publiques.

Les obstacles que rencontrent nos armées devraient nous inciter à nous interroger sur le coût réel de la professionnalisation. L'insuffisance de la dotation du titre III fait apparaître qu'il a été en réalité sous-évalué. C'est ainsi que le remplacement des appelés par des engagés sur les bâtiments de la flotte, grève singulièrement le titre III car il faut alors ajouter à la solde des indemnités spécifiques.

La professionnalisation, la participation aux opérations extérieures et aux exercices internationaux accroissent enfin sensiblement le montant des frais de déplacement et de mutation, déséquilibrant encore davantage les chapitres consacrés aux rémunérations et aux charges sociales.

La réduction de 1,6 % des crédits de fonctionnement courant est d'autant plus inquiétante que le même chapitre avait déjà été amputé de 3,8 % l'année dernière. Il est à craindre que cette politique ait pour conséquence de réduire l'activité des bâtiments et de faire reporter sine die des opérations d'entretien essentielles, voire de faire désarmer encore plus de bateaux.

Un autre élément entraîne une rupture très préjudiciable à la crédibilité de notre défense : si l'on compare les crédits consacrés à l'entretien de la flotte et ceux destinés à son renouvellement, on s'aperçoit qu'ils sont équivalents. Autrement dit, pour la première fois, notre marine va vieillir plus rapidement qu'elle ne va se renouveler.

Quels que soient les contraintes de la professionnalisation et les effets prévisibles de la réduction du format de nos armées, il faut prendre conscience que la capacité opérationnelle de la marine serait mise en question si les crédits d'entretien de nos bâtiments étaient à nouveau entamés et si nous ne fournissions pas, à l'avenir, un effort important de renouvellement et de modernisation des matériels : la limite de rupture est atteinte.

J'en viens à ma question qui me tient à coeur : à plusieurs reprises à cette tribune, j'ai comme beaucoup d'autres souligné la nécessité de doter notre groupe aéronaval de deux porte-avions. Vous en êtes conscient, Monsieur le ministre, pour l'avoir souligné il y a peu sur la Jeanne d'Arc, les besoins stratégiques d'aujourd'hui nous obligent à projeter des forces pour permettre à nos armées d'intervenir sur des théâtres d'opérations extérieures. Un groupe aéronaval disponible en permanence à la mer, reste le meilleur instrument pour cela. Le Charles-de-Gaulle ne pourra à lui seul l'assurer.

Je sais, Monsieur le ministre, que vous avez le souci du moral de nos armées. Comme l'a rappelé l'amiral Lefebvre, l'état d'esprit dans la marine est bon, mais "le moral est atteint car la gestion de carrière proposée aujourd'hui aux personnels les inquiète". La réduction brutale du format des armées n'a pas été précédée d'un véritable plan social comme il l'a été pour le personnel civil. Gardons-nous donc de dispenser trop chichement les pécules.

La France dispose d'une marine encore capable de mener à bien ses missions. Une réduction supplémentaire des crédits menacerait ce fragile équilibre. Veillons donc ensemble, comme nous y invitait une voix autorisée, à ne pas prendre le risque de "casser l'outil" de défense ! (Applaudissements sur les bancs du groupe du RPR, du groupe DL et du groupe UDF)

M. François Lamy - Ce budget nous fournit une excellente occasion de faire le point sur la professionnalisation. Pour cela, on peut se contenter de se référer aux objectifs financiers inscrits dans la loi de programmation pour vérifier leur respect chapitre par chapitre, mais cette conception notariale a un défaut majeur : la loi de programmation est une loi-cadre, une loi d'objectifs ; or nous ne pouvons nous soustraire aux contraintes économiques et sociales. Je préfèrerai donc me demander si les capacités opérationnelles de nos armées sont préservées et si les moyens alloués cette année leur permettront d'atteindre l'objectif fixé pour 2002.

J'ai ainsi noté que, lors de son audition, le général Mercier a déclaré que l'armée de terre, la plus affectée par la professionnalisation, garde "les capacités requises pour remplir sans difficulté le contrat qui lui a été assigné pour la période de transition, à savoir la capacité de projeter 20 000 hommes". Quant au général Nelda, s'il a exprimé quelques craintes, il a conclu à un renforcement des capacités opérationnelles. Le rapport sur l'exécution de la loi de programmation montre enfin que, si la situation est tendue, les indicateurs sont plutôt positifs. S'agissant du titre V, il confirme l'analyse de nos rapporteurs : les capacités futures de nos armées sont préservées dans les domaines essentiels -dissuasion, observation... L'"encoche" de l'année dernière était donc bien -seulement- une encoche et la "casse" prophétisée par M. Debré un mirage (Exclamations sur les bancs du groupe du RPR).

Je remercie donc le Gouvernement d'avoir une nouvelle fois tenu ses engagements et nous ne doutons pas qu'il continuera, soutenu par notre amicale vigilance.

Sur le titre III, le pessimisme de certains ne semble pas de mise. Comme l'a excellemment montré M. Huwart, il n'y a pas rupture avec le précédent budget, la réduction nette réelle s'établissant à 5 %. Au reste, la professionnalisation ne devait-elle pas conduire mécaniquement à une baisse des crédits de fonctionnement ?

Je ne rappellerai pas les conditions dans lesquelles cette professionnalisation a été décidée et surtout les conditions dans lesquelles le Parlement y a été associé ! Je n'étais pas élu, mais j'ai lu le rapport de la mission d'information Séguin et j'ai constaté que les décideurs de l'époque ne faisaient état d'aucune inquiétude majeure. Il serait donc malvenu de reprocher à ce gouvernement ce que le précédent n'avait pas prévu (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste). Il faudra donc faire dans le cadre de l'enveloppe dont nous disposons.

Des efforts de productivité ont été demandés à nos armées : le groupe socialiste pense qu'il faudra aller plus loin et il s'associe à la proposition faite par le président Quilès de vérifier certaines missions cette année.

Les objectifs majeurs de la professionnalisation étant respectés, les critiques sans nuances de MM. Fromion et Carré semblent déplacées. On ne peut parler, Monsieur Fromion, d'un budget de parade, comme vous l'avez fait dans Le Figaro, après avoir expliqué qu'il doit beaucoup au Président de la République. Il semble aussi contradictoire de proclamer, comme M. Galy-Dejean, que ce budget est fondé sur les hypothèses irréalistes et de réclamer une augmentation du titre III !

Ce budget, au regard des contraintes financières et des objectifs prioritaires que sont la bataille pour l'emploi et la consolidation de notre tissu social, est un très bon compromis. Certes nous connaissons l'effort consenti par l'ensemble des personnels militaires, et tout particulièrement par les cadres. Mais ils savent que c'est le prix à payer pour une professionnalisation dont nous aurions peut-être dessiné autrement les contours si nous avions été au pouvoir à l'époque. Nous n'avons pas changé le cadre : à nous, tous ensemble d'en accepter les conséquences en votant ce budget (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

M. Jean-Louis Bernard - Je parlerai du budget de l'armée de l'air. Celui-ci devrait permettre de mener à bien cette évolution que constitue la professionnalisation voulue par le Président de la République et approuvée par le Parlement.

Contrairement aux chefs d'état-major de l'armée de terre et de la marine, le général Rannou n'a pas formulé de critiques particulières lors de son audition par la commission de la défense.

M. Charles Cova - C'est le seul !

M. Jean-Louis Bernard - La baisse des crédits de fonctionnement de 79 millions par rapport au budget initial de 1998 -moins 5,2 %- n'est que la conséquence directe des baisses d'effectifs et des restructurations. L'armée de l'air a entrepris néanmoins des efforts considérables pour maîtriser ses coûts de fonctionnement qui sont per capita les plus faibles des armées. C'est dire qu'il n'y a plus de marge de manoeuvre. S'agissant des capacités opérationnelles, il faut signaler la faiblesse de la projection des forces par avions de transport. Les Transall ne sont plus adaptés, et je regrette que leur durée de vie soit prolongée jusqu'en 2005 dans l'attente de la livraison de l'avion de transport du futur.

Ce dernier a fait l'objet d'un accord entre huit chefs d'état-major européens, qui souhaitent l'avion le moins cher possible, doté de bonnes capacités logistiques et tactiques, pouvant charger et décharger très vite les matériels essentiellement destinés à l'armée de terre. Ce programme paraît donc réaliste et adapté aux besoins de l'armée française qui recevrait 50 appareils. Le caractère européen du programme le rend économiquement et politiquement très "porteur" : l'ATF peut être exemplaire pour la future défense européenne.

Ce programme ATF est structurant pour l'avenir de l'industrie européenne, et générateur d'activités à haute valeur ajoutée. Or, Monsieur le ministre, lors de votre audition par la commission de la défense, je n'ai pas senti de votre part une détermination farouche à son sujet. Vous nous avez indiqué qu'une flotte ATF pourrait être concurrencée par une flotte de C17 et de C130 américains et par une flotte d'Antonov russo-ukrainiens. Or plusieurs études ont démontré que l'ATF est la meilleure réponse au besoin de projection des forces dans un contexte national et européen. Si les huit pays européens se laissaient tenter par la solution américaine, ils feraient courir un danger mortel à l'industrie aéronautique européenne.

Par ailleurs, la solution est techniquement mauvaise vu le coût du C17, le C130 étant trop étroit et financièrement irréaliste. Mais elle serait surtout très dangereuse en ce qu'elle placerait l'Europe dans la totale dépendance des Etats-Unis.

Quant à l'avion fabriqué dans le cadre d'une coopération avec l'entreprise russo-ukrainienne Antonov, son coût de fonctionnement paraît attractif et la taille de sa soute est comparable à celle de l'ATF. Néanmoins, les incertitudes politiques font peser des doutes sérieux quant à la capacité de la Russie et de l'Ukraine d'assurer à long terme la production et la maintenance de cet appareil. Je vous demande donc instamment, Monsieur le ministre, de faire en sorte que l'ATF soit demain l'avion de transport de la France et d'autres pays européens.

M. Charasse a dit tout à l'heure que les radicaux voteraient le budget. Il permettra au radical valoisien que je suis, membre de l'UDF, de réserver son vote en attendant certaines réponses (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF, du groupe DL et du groupe du RPR).

M. le Ministre - Je voudrais d'abord saluer la qualité des interventions, à commencer par celles du président de la commission de la défense et de tous les rapporteurs, mais aussi celles des orateurs qui ont formulé beaucoup de questions et d'observations pertinentes, dans un esprit positif et partenarial. C'est le type d'échanges que l'on peut souhaiter au sujet de la défense. J'ai bien perçu ici et là quelques figures imposées venant de certaine formation politique surtout soucieuse de se placer par rapport à ses voisins -mais cela fait partie de la variation saisonnière de la composition de l'Assemblée.

Je vous suis reconnaissant d'avoir accepté de fusionner l'examen du budget et de l'exécution de la loi de programme, cela permet de faire un vaste tour d'horizon. Ce n'est pas un secret, il n'a pas été nécessaire, cette année, de recourir à l'arbitrage du Premier ministre, le travail ayant été fait en commun avec le ministre des finances dans un climat de confiance qui a permis d'aboutir à un budget réaliste et équilibré. Le 20 octobre, j'ai remis d'autre part au Parlement, conformément aux engagements pris, le rapport sur l'exécution de la loi de programme : il montre que les grandes orientations ont été respectées, les ajustements nécessaires ne constituant pas une rupture, mais une adaptation à des évolution stratégiques. Nous sommes entrés en 1989 dans un environnement international plus incertain et plus complexe, auquel nous devons adapter sans cesse notre outil de défense. C'est ce que nous avons fait avec la revue des programmes -mais depuis, d'autres mutations ne cessent d'intervenir.

C'est pourquoi je voudrais d'abord présenter brièvement la perspective internationale dans laquelle nous nous plaçons : le cadre européen, la situation en Yougoslavie, la préparation du sommet de Washington, la rénovation de nos liens avec les pays d'Afrique.

L'Europe de la défense et de la sécurité communes est, après l'euro, le prochain objectif de la construction européenne. L'Union dispose depuis Maastricht des capacités autonomes de l'UEO. S'agissant des capacités d'analyse et de planification, le traité d'Amsterdam autorise une pleine utilisation des ressources à la disposition de l'UEO, mais nous ne faisons guère appel à ces capacités, et il faudra examiner pourquoi cette réticence. En tout cas, l'expérience récente a montré l'intérêt de pouvoir bien analyser une situation de façon préventive -le temps de réaction a été nettement meilleur à propos du Kosovo qu'il ne l'avait été lors de la crise bosniaque.

Les contributions nationales à un gouvernement de crise commune devraient également permettre un certain apport d'expertise militaire au sein des structures européennes. Le pilotage diplomatique d'une crise, comme celui tenté par le groupe de contact au Kosovo, ne peut être pleinement efficace que si les diplomates peuvent s'appuyer sur une expertise militaire de qualité pour étayer leurs propositions. Les ministères de la défense des pays de l'Union ont une responsabilité particulière dans la mise en oeuvre des dispositions qui existent déjà dans les traités. Ainsi, le traité d'Amsterdam prévoit-il clairement la définition progressive d'une politique européenne de défense commune. La France entend prendre toute sa part dans la construction d'une défense commune en Europe, comme l'attestent les déclarations du Président de la République en août dernier devant les ambassadeurs de l'Union et du Premier ministre peu après à l'IHEDN.

Avec les décisions de Berlin, s'ouvrent à nous de nouvelles possibilités qu'il nous appartiendra d'exploiter une fois finalisés les accords en cours de négociation entre l'OTAN et l'UEO. Ces derniers portent sur les procédures de consultation pour les décisions touchant les deux institutions, sur un accord-cadre pour un transfert de moyens de l'Alliance favorisant la signature ultérieure d'accords spécifiques entre les deux institutions, adaptés à chaque crise, enfin sur l'utilisation de noyaux de quartiers généraux de groupes de force, auxquels la France a décidé de s'associer pour préparer le travail d'une éventuelle chaîne de commandement européenne. J'ai écouté avec grand intérêt les recommandations de M. Jean-Bernard Raimond sur les relations entre l'UEO et l'OTAN. Les indications que je viens de donner devraient répondre à ses interrogations. Il serait très utile que les discussions en cours entre les deux instances aboutissent avant le sommet de Washington.

L'Europe aussi dispose depuis plusieurs années de forces multinationales de nature et de format différents, susceptibles d'agir en coalition, comme ce fut le cas pour l'opération engagée par l'Italie en Albanie, ou dans le cadre de l'UEO ou de l'OTAN. Notre objectif est de conforter ces forces dont les atouts principaux sont la flexibilité et la souplesse d'utilisation. J'attache la plus grande importance au corps européen qui doit pouvoir s'intégrer à des forces européennes ou euro-atlantiques plus larges.

La nécessité de construire une Europe de la défense, partagée par la plupart de nos partenaires même si leurs problématiques restent différentes, est apparue encore plus nettement avec la crise du Kosovo. Depuis son déclenchement, les partenaires européens ont toujours été d'accord sur les objectifs à atteindre : octroi d'une autonomie respectant les droits des Kosovars, refus d'une indépendance de la province qui déstabiliserait toute la région, ouverture de négociations débouchant sur une paix durable, retour des réfugiés. Malgré les critiques entendues çà et là, la leçon de la Bosnie a été retenue. L'opération menée actuellement se déroule dans le cadre d'une résolution des Nations Unies adoptée sur la proposition de deux pays européens. La proposition de règlement, à laquelle se sont associés les Etats-Unis, a été finalement acceptée par la Russie -peu auraient parié sur cette convergence. Nous discutons au sein de l'Alliance, sur des initiatives européennes, pour mettre en place, aux côtés de la mission des vérificateurs de l'OSCE, une force d'intervention et de réaction. La crise du Kosovo a montré le rôle croissant de l'Europe dans le maintien de sa propre sécurité, même si elle s'appuie, pour l'emploi éventuel de la force, sur les structures collectives de l'OTAN.

Le développement d'une Europe de la défense n'est pas contradictoire avec le renforcement de la contribution des pays européens solidaires, au sein de l'Alliance. C'est la position que la France défendra lors de la négociation du nouveau concept stratégique de l'OTAN, conduite sous la responsabilité du ministère des affaires étrangères. Les priorités sont au nombre de quatre : préserver la spécificité de l'OTAN, alliance politique et militaire centrée sur la défense collective ; réaffirmer qu'elle assure la sécurité de la zone euro-atlantique en coopération avec d'autres organismes régionaux, comme l'UEO et l'OSCE, dans le respect des prérogatives du conseil de sécurité ; préserver les acquis du développement d'une Europe de la défense et de la sécurité dans l'Alliance mais aussi hors d'elle ; préserver les intérêts des industries européennes de défense qui pourraient être contestés au travers des débats sur l'interopérabilité des matériels, la contre-prolifération ou la coopération industrielle.

Une remarque m'a été faite sur notre participation à l'Alliance. La France a soutenu sans réserve le développement de partenariats pour la paix avec des pays qui ne font pas partie de l'Alliance mais représentent un élément essentiel de stabilité en Europe de l'Est. Ceci a entraîné des coûts supplémentaires que nous avons acceptés. De même, l'élargissement de l'Alliance à la République tchèque, la Pologne et la Hongrie a conduit à une augmentation d'environ 40 millions de notre contribution, ce qui n'est rien au regard du gain de sécurité que cela représente.

S'agissant de l'élargissement ultérieur de l'Alliance, la France reconnaît aux pays retenus lors du sommet de Madrid, à savoir la Slovénie et la Roumanie, vocation à rejoindre l'Alliance à brève échéance. Elle n'exclut pas que d'autres demandes d'adhésion de la part d'Etats souverains puissent être honorées plus tard. A cet égard, la priorité est d'assurer la stabilité dans les Balkans. La crise au Kosovo a montré que l'intégration ou non à l'Alliance des Etats limitrophes de la Yougoslavie serait un élément-clé pour assurer la dissuasion contre toute menace à la stabilité de l'Europe.

Sur tous ces points, le sommet de Washington sera déterminant. Je souhaite son plein succès.

J'en viens dans ce tour d'horizon au continent africain. Le rôle que la France a joué, notamment en Guinée-Bissau et au Congo-Brazzaville, montre qu'elle est restée fidèle aux engagements qu'elle avait pris : ouverture, non-ingérence sans dégagement, restructuration du dispositif de coopération.

Nous estimons qu'il revient aux pays africains d'assurer de plus en plus leur sécurité par eux-mêmes, même si nous devons continuer de leur apporter de l'aide, par exemple en matière de formation. C'est dans cet esprit que nous avons réorganisé notre dispositif prépositionné en Afrique, dont l'utilité a encore été démontrée lorsqu'il a fallu assurer la sécurité de nos concitoyens à Kinshasa. Il comptera, à l'issue de la réforme en cours, 5 300 hommes, 15 unités de combat, 13 avions d'armes répartis entre Djibouti, N'Djamena, Libreville, Abidjan, Dakar. Nos moyens auront été réduits d'un quart à l'horizon 2000, mais nous conserverons une capacité d'action suffisante. Nous soutenons par ailleurs le renforcement des capacités africaines de maintien de la paix sur le continent -RECAMP. Nous avons réorienté notre dispositif de coopération en ce sens, en établissant des partenariats plus équilibrés avec les forces africaines sur la base de projets concrets, librement décidés par les pays partenaires et accordant plus d'importance à la formation sur place.

Un dernier mot sur l'affaire irakienne. La prolifération des armes de destruction massive constitue une grave menace pour la paix dans le monde. Ce qui se passe en Irak justifie que la France maintienne sa participation à la zone d'exclusion aérienne sur le sud du pays avec des moyens stationnés en permanence en Arabie Saoudite et le renforcement par des Mirage IV des moyens d'observation de l'UNSCOM. Les toutes dernières déclarations irakiennes, que la France a désapprouvées, ne nous incitent pas à relâcher notre vigilance.

Pour faire face à ces évolutions et à ces risques, nous devons adapter notre système de défense. Cela concerne les hommes, autant que les équipements et les structures.

Globalement, les dépenses de défense sont en augmentation de 2,9 % ; mais les dépenses de fonctionnement du titre III ne progressent que de 0,3 %, tandis que les dépenses du titre V connaissent une remontée significative, conformément à l'engagement pris l'année dernière.

Notre effort reste l'un des plus élevés au sein de l'Union européenne. Nous nous efforçons de montrer l'avantage que présenterait une convergence des taux d'effort pour la crédibilité collective de l'Europe.

On constate qu'il existe une très forte corrélation entre le dynamisme économique des pays et leur vitalité en matière de défense. Même les plus militarisés, lorsqu'ils sont en situation d'échec économique, ne parviennent pas à maintenir la crédibilité de leurs armées. En revanche, même dans les régions où il y a peu de conflits, les pays qui ont de bons résultats économiques augmentent presque toujours leurs capacités de défense. Nous nous retrouverons l'année prochaine pour apprécier si, comme en 1997, la politique économique choisie par le Gouvernement a donné des résultats permettant que le budget de la défense soit exécuté dans des conditions satisfaisantes.

S'agissant des hommes, le passage à une armée de professionnels constitue une mutation très profonde dont on peut se demander si beaucoup d'organismes publics ou privés seraient capables de la mener dans un délai aussi bref. L'institution militaire, qu'on décrit parfois, dans des analyses superficielles, comme rétive au changement, a su prendre son parti des adaptations qui lui étaient demandées.

En 1998, nous avions décidé de ne faire porter les économies que sur les équipements, afin de garantir le titre III. Je veux insister, dans les orientations de notre politique, sur la création d'emplois et la formation.

La réussite de la réforme repose sur la maîtrise de la transition entre une armée de conscription, forte de plus de 570 000 hommes et femmes, à une armée professionnalisée à plus de 95 %, à capacités opérationnelles maintenues, mais à effectifs en réduction de 25 %. Les appelés font preuve d'un sens du service et de l'intérêt général qui permet un passage harmonieux à la professionnalisation. Leur présence reste indispensable à la réalisation des missions des forces armées ; on l'a vu avec le plan Vigipirate, mais on peut citer d'autres exemples : ainsi l'équipage qui prépare la mise en service du Charles-de-Gaulle est constitué pour plus de 10 % d'appelés.

Ce sens civique est partagé par ceux qui ont participé aux journées d'appel de préparation à la défense, dont la réussite est également due au travail remarquable de la direction du service national et à l'engagement des personnels militaires, et auxquelles se sont associés de nombreux élus, que je veux remercier. Les jeunes ont compris et approuvent la réforme des armées.

Les orientations budgétaires qui ont été retenues permettent une évolution des effectifs conforme à la programmation, associée à un renforcement des mesures d'accompagnement social et matériel. Il convenait en effet de créer un double flux de recrutements et de départs.

Des observations ont été faites sur la progression des crédits affectés aux rémunérations et charges sociales. Sans doute sera-t-il utile dans quelque temps d'examiner la validité des prévisions faites sur le coût de la professionnalisation ; mais en tout cas, je ne peux pas considérer comme une mauvaise nouvelle pour les armées que ces crédits soient en augmentation de 2,9 % : c'est l'application du principe selon lequel les rémunérations dans les armées évoluent comme celles de l'ensemble des agents de l'Etat. C'est une garantie fondamentale, le statut des militaires ne leur donnant pas des moyens de défense professionnelle semblables à ceux des fonctionnaires civils. En outre, c'est la condition d'une attractivité suffisante de la carrière militaire.

La professionnalisation se déroule conformément aux précisions non seulement en quantité, mais aussi en qualité. Le niveau et la motivation des candidats au recrutement permet de disposer d'une ressource humaine particulièrement choisie ; l'intensification des recrutements prévue en 1999 -8 339 militaires du rang et 4 725 volontaires- ne se fera pas au détriment de cette exigence de qualité. Mais il faut aussi réussir l'adaptation des effectifs de cadres, officiers et sous-officiers.

A cet égard, les efforts réalisés ont permis de gérer de manière cohérente les départs induits par le resserrement du dispositif. Des mesures ont été prises en faveur de la reconversion et des moyens financiers ont été alloués au fonds d'accompagnement de la professionnalisation.

1 837 postes avaient été supprimés en 1998 ; on en supprime 2 690 en 1999. Sur les trois premières années de la professionnalisation, plus de 2 milliards auront été consacrés au financement des primes au départ ; la dotation de 1999, de 844 millions, permettra d'assurer le départ aidé de 900 officiers et de 2 000 sous-officiers. Elle est en baisse par rapport à celle de 1998, ce qui demande la bonne maîtrise de ce mécanisme de rajeunissement volontaire de nos cadres militaires.

Plusieurs intervenants ont évoqué les prises de position des chefs d'état-major, du secrétaire général et du délégué général à l'armement devant la commission de la défense. Mon propos n'a pas eu pour objet de démontrer que tout allait bien ; il est normal que des inquiétudes se manifestent. Je pense que si d'autres ministères envoyaient leurs dirigeants s'exprimer devant vos commissions, hors la présence de leur ministre, il y aurait une certaine diversité dans la présentation de la situation... Il ne serait pas très utile d'user devant vous de la langue de bois. Il reste que les cadres dirigeants du ministère que vous avez entendus travaillent au quotidien à faire réussir la réforme (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

Le ministère ouvrira en 1999 16 000 postes nouveaux -8 800 pour les militaires professionnels, 4 800 pour les volontaires, 2 400 pour les agents civils. La gendarmerie nationale accroît sensiblement ses moyens humains, avec le recrutement de 3 000 gendarmes adjoints -qui viennent s'ajouter aux 800 recrutés au cours de ce dernier trimestre. Ce volontariat représente une possibilité d'emploi pour des jeunes qui n'ont pas eu la chance de pouvoir passer des concours. Des perspectives de développement professionnel s'offriront à eux, qu'ils s'engagent dans la gendarmerie s'ils réussissent les épreuves de sélection, ou qu'ils se dirigent vers une carrière civile, pour laquelle ils disposeront d'une formation reconnue.

159 agents civils, dont le rôle va croissant avec la professionnalisation, ont été recrutés en 1996, 384 en 1997 et 2 177 en 1998. Ils seront encore plus de 2 000 l'an prochain. De même, 129 postes d'ouvriers d'Etat ont été créés en 1996, 294 en 1997, 638 cette année, et à peu près autant le seront l'an prochain. D'importants mouvements de personnels ont eu lieu entre la DGA et les armées, concernant plus de 1 000 personnes l'an dernier, et 800 depuis le début de celui-ci. Ce mouvement entraîne un nombre important d'emplois non pourvus. Certains orateurs ont paru s'en étonner, et c'est pourquoi j'ai réagi avec vivacité aux propos de M. Carré. Comment l'Etat ne s'astreindrait-il pas à un effort particulier de transition vers des emplois nouveaux, lorsque des entreprises publiques en sureffectifs doivent se reconvertir aux frais du contribuable ? Il est inévitable que cela se traduise par des retards. Il y a là une épreuve de gestion à laquelle tout gouvernement doit se soumettre (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

La durée de 6 ans pour passer de la conscription à la professionnalisation est incompressible. Je remercie MM. Meylan et Carré d'avoir souligné que c'est pour le service de santé des armées que la transition est la plus difficile. Je tiens à saluer le rôle éminent rempli par ce service. J'ai vu les grands blessés atteints lors de l'opération d'extraction de Brazzaville. Si les hommes du service de santé ne s'étaient pas trouvés sur place, ils ne seraient pas revenus vivants.

Pour terminer avec la professionnalisation, je veux dire à quel point les personnels engagés dans cette réforme sont motivés et conscients de leurs responsabilités. Ils ont besoin du soutien moral de la représentation nationale.

MM. Quilès et Paecht ont vu juste : il importe que l'an prochain nous mettions au point en commun une méthode permettant de procéder à une évaluation à mi-chemin de la professionnalisation. Les dépenses d'équipement sont conformes aux prévisions, a indiqué le général Kelche, à un milliard près, sur 190 milliards : il n'y a donc pas lieu de se lamenter. Mais il est logique de faire le point l'an prochain.

Nous devons aussi commencer à réfléchir à une analyse des perspectives stratégiques. Nous ne pouvons pas en rester au rythme d'un livre blanc tous les 22 ans, alors que la situation géo-stratégique est si mobile.

L'actuelle loi de programmation militaire ira jusqu'au terme de 2002. Mais nous devrons débattre dès 2001 de la loi de programmation suivante. Le dernier budget d'une loi de programmation n'est pas concevable dans l'ignorance de la loi suivante. C'est donc dans deux ans déjà qu'il nous faudra mener ce travail d'analyse stratégique, dix ans après l'élaboration du précédent livre blanc. En matière stratégique, il s'agit là d'une vitesse de révision plus réaliste.

La réforme des réserves représente une priorité dans la réorganisation des armées. Le Gouvernement déposera devant le Parlement un projet au début de l'an prochain, avec la volonté que les réserves renouvellent et affermissent le lien entre l'armée et la nation. Une concertation méthodique avec les associations de réservistes est en cours, en particulier au sein du conseil supérieur d'études des réserves. J'ai également l'intention de rencontrer les représentants des groupes parlementaires.

Le ministère de la défense est l'un de ceux qui assument le plus complètement la formation continue de ses cadres. Il s'emploie aussi à dispenser une formation initiale qui rend les hommes immédiatement opérationnels. Le niveau des écoles d'officiers de Coëtquidan, Brest et Salon-de-Provence demeurera analogue à celui des meilleures grandes écoles. Elles devront rester ouvertes sur l'extérieur.

J'en viens aux crédits d'équipement. Si leur programmation s'améliore, celle du titre III constitue un exercice nouveau et difficile. Les crédits de fonctionnement ne doivent pas être confondus avec les crédits d'entretien, qui sont passés dans le titre V. C'est ce qui m'a conduit à interrompre M. Teissier sur les crédits de la marine. Toute comparaison des crédits du titre III d'une année sur l'autre doit tenir compte de cette modification. En 1999, ces crédits suffiront à faire face aux activités de nos forces. MM. Cova et Teissier l'ont dit avec raison, les crédits non consommés à la fin de 1998, en particulier ceux de la marine, devront faire l'objet de reports.

S'agissant des coûts de fonctionnement de la gendarmerie, M. Lemoine indique dans son rapport que le projet de loi de finances pour 1999 va donner à ce corps les moyens de poursuivre la mise en oeuvre des réformes engagées en vue de l'adapter à notre nouveau système de défense et aux mutations de la société. En francs constants sur cinq ans, la progression des crédits est supérieure à celle des effectifs. En outre, la dotation de maintien de l'ordre est augmentée, de façon que la gendarmerie n'ait plus à prélever sur ses propres moyens pour financer, notamment, les transports.

L'évolution à la baisse du prix du pétrole se traduira par une moindre dépense. L'allégement des tâches administratives, la qualification judiciaire des gendarmes adjoints, le remplacement des militaires par des personnes spécialisées dans les fonctions de soutien devraient contribuer à donner à la gendarmerie des moyens à la hauteur de ses responsabilités.

Sur les équipements, je veux d'abord souligner l'ampleur de la tâche accomplie par les services, tâche grâce à laquelle j'ai pu formuler des propositions, garantir le respect de la loi de programmation tout en réalisant 20 milliards d'économies sur les années 1999-2002.

Outre ces économies, les mesures que nous avons prises dans le domaine nucléaire allégeront considérablement les charges de défense après 2002. Tel est le double effet de la loi de programme : l'ajustement du coût des achats et la suppression de ces "effets de bosse" qui grevaient les capacités de financement sur le long terme.

Avec l'assentiment du Président de la République, le Gouvernement a arrêté des orientations dont ce budget constitue la première traduction. Nous avons la volonté de maintenir à 85 milliards, en francs constants, le niveau des crédits d'équipement.

Comme l'a souligné Gérard Charasse, toutes les composantes de notre système de défense contribuent à dégager des économies. Ainsi, en matière nucléaire, le calendrier arrêté pour la réalisation du sous-marin de nouvelle génération coïncidera avec celui du missile M51.

Pour ce qui est de la projection, nos grands programmes sont maintenus, mais aménagés. L'entrée en service du Charles-de-Gaulle interviendra comme prévu à la fin 1999 et ce bâtiment assurera à lui seul l'ensemble des missions dévolues au groupement aéronaval. Le Foch en effet sera retiré du service. Il en résultera que notre groupe aéronaval ne sera pas disponible à 100 %.

Il participe aujourd'hui à notre dispositif de riposte qui devrait intervenir si les accords de paix n'étaient pas respectés au Kosovo. Nos alliés, quant à eux, ont choisi de stationner leurs forces aériennes en Italie. Si une crise survenait au moment où notre groupe aéronaval serait indisponible, il nous faudrait aussi rechercher une base terrestre.

Cependant, nos amis britanniques s'orientent vers une solution semblable à la nôtre. Nous pouvons donc espérer rendre à terme complémentaires les groupes aéronavals européens.

Comme l'a annoncé le Premier ministre, le véhicule amphibie TCD sera bien réalisé, mais selon des modalités nouvelles, afin de réduire son coût.

Nos programmes majeurs ne sont pas remis en question, qu'il s'agisse du char Leclerc, du VBCI, de l'hélicoptère Tigre ou du NH90, qui intéresse aussi la marine. En revanche, notre gamme d'armes antichars sera réduite, car redondante.

Le calendrier de réalisation du Rafale sera réaménagé et le format de l'armée de l'air évoluera plus vite que prévu, en raison de la suppression de deux unités équipées en avion Jaguar, cet appareil étant aujourd'hui dépassé ! Nous devons nous doter de l'avion de transport du futur. Cependant il ne faut pas croire, Monsieur Bernard, que les capacités opérationnelles du Transall sont devenues insuffisantes. Nous allons le voir, malheureusement, au Honduras et au Nicaragua : c'est le seul avion capable de se poser sur certains terrains difficiles et qui soit utilisable à partir de pistes très courtes. Nous continuerons d'utiliser ces appareils, dont certains ont d'ailleurs été modernisés.

Pour l'ATF, nos avons un accord avec sept autres pays, mais il repose sur le principe de la mise en concurrence, je le souligne. Même si je comprends que les parlementaires forment des voeux en faveur du groupement Airbus, cet accord n'exclut pas d'autres choix, même si l'évolution récente de la situation économique et politique en Ukraine et en Russie rend moins vraisemblable une solution de type Antonov.

Les programmes de coopération sont confirmés, mais compte tenu de leur part dans nos défenses, ils ne pouvaient être épargnés par les mesures d'économies. Nos partenaires en sont informés et ces réexamens sont d'ailleurs limités.

S'agissant de la coopération spatiale militaire, la réalisation du projet Syracuse II sera retardée par le retrait britannique, mais le partenariat franco-allemand demeure solide.

Le projet Hélios 2 est maintenu, car il constitue la seule solution technique pour le remplacement d'Hélios 1 en 2001. En revanche, nous avons renoncé au radar Horus, lui préférant la formule plus économique des petits satellites radars. Il nous faut discuter avec le Royaume-Uni, l'Allemagne et l'Italie, qui s'intéressent aussi à ce type de matériel.

Nous allons mettre au point la dernière édition du plan spatial pluriannuel défense, qui nous servira de base de travail dans les négociations avec nos partenaires européens.

Je partage l'avis du rapporteur sur les crédits alloués aux "recherches duales" : ils ne se justifient que si les programmes de recherche qu'ils financent ont un réel intérêt pour la défense. Telle est aussi l'opinion de M. Allègre. D'ailleurs, l'essentiel des recherches ainsi financées concernent l'espace.

Les crédits des études de recherche ayant diminué de 40 % de 1990 à 1998, il importe d'en rendre l'attribution plus sélective. Le critère principal sera leur destination, c'est-à-dire leur utilité dans la préparation des futurs programmes d'investissement. N'opposons pas la recherche fondamentale et recherche appliquée, long terme et court terme. Le programme de simulation nucléaire illustre notre capacité à mettre à profit pour le long terme la connaissance scientifique.

Dans un contexte de plus grande efficacité, la seule analyse des crédits ne permet pas de mesurer l'ampleur des efforts de recherche. La France, à cet égard, se trouve dans le peloton de tête des nations occidentales, même si, avec 21 milliards, on ne peut la comparer aux Etats-Unis, qui consacrent 55 % de leurs crédits de recherche aux applications militaires, soit un budget de 250 milliards. La comparaison avec nos voisins européens est plus pertinente. Nous partageons la première place avec le Royaume-Uni, l'Allemagne ne disposant quant à elle que de 10 milliards et les douze autres pays européens 10 milliards à eux tous. Ainsi, alors que les Etats-Unis consacrent 0,6 % de leur PIB à la recherche-développement, la Grande-Bretagne et la France y consacrent 0,25 %, l'Allemagne 0,10 % et l'ensemble des autres pays de l'Union 0,03 %, soit huit fois moins que nous et vingt fois moins que les Etats-Unis. Autrement dit, si tous les pays européens faisaient autant que la France et la Grande-Bretagne, nous en serions à la moitié de l'effort américain, ce qui établirait un certain rapport de forces. Nous en sommes au quart. De cela, il faut que nous aidions nos partenaires à prendre clairement conscience.

Poursuivre l'ensemble des ces actions dans les conditions prévues exige de nouveaux moyens. Construire une industrie de défense européenne forte est une priorité du Gouvernement : il s'agit de permettre à l'Europe de maîtriser les technologies-clés et à nos armées de bénéficier des meilleurs matériels au meilleur coût. C'est à quoi tend la déclaration conjointe des trois gouvernements, allemand, britannique et français du 9 décembre 1997.

La stratégie technologique et industrielle doit avoir le pas sur les considérations financières à court terme et, a fortiori, sur les prises de position idéologiques. Le Gouvernement opère des regroupements rationnels d'actifs industriels en excluant toute vente aux enchères d'entreprises publiques. Son objectif principal est de construire des alliances d'envergure à l'échelle européenne pour faire pièce aux concentrations à l'oeuvre aux Etats-Unis. Cela se traduit par la constitution d'un pôle d'électronique professionnelle et de défense autour de Thomson-CSF, Alcatel et Dassault électronique, et d'un pôle aéronautique et spatial autour d'Aérospatiale-Matra qui coopérera avec Dassault.

Nous attachons une grande importance à la méthode selon laquelle ces restructurations doivent être conduites : un dialogue authentique. Aucun grand industriel, aucun responsable syndical n'a été tenu à l'écart de la réflexion, de sorte que nos choix n'ont fait l'objet d'aucune contestation de fond. Ainsi, treize mois après son entrée en fonctions, ce gouvernement a pu mener à bien deux regroupements majeurs. Mais il est vrai aussi qu'il a été servi en cela par les réflexions de la commission de la défense, telles que celle-ci les a présentées il y a quelques mois.

Le 6 juillet dernier, j'ai signé à Londres avec mes cinq collègues européens une lettre d'intentions que des groupes de travail s'emploient aujourd'hui à mettre en oeuvre. Il s'agit d'organiser des synergies entre les Etats acheteurs européens, synergies que l'OCCAR contribuera à développer en conduisant les programmes de coopération entre les quatre Etats membres.

Les commandes pluriannuelles, d'autre part, assurent aux industriels une vision plus claire de leur plan de charge et leur permettent des économies grâce aux effets de série. Cinq de ces commandes ont été passées par la Défense en 1997 et six autres l'ont été depuis le début de 1998. L'extension de ce dispositif à des programmes majeurs comme le M51 et le Leclerc confortent ceux-ci tout en garantissant aux industriels concernés la cohérence indispensable. Nous allons donc poursuivre dans cette voie : la commande groupée d'avions Rafale fait actuellement l'objet d'études approfondies entre mes services, ceux du ministère de l'économie et les industriels concernés. J'ai bon espoir que les commandes pourront être notifiées au début de 1999.

L'an dernier, comme l'a rappelé M. Birsinger, j'avais annoncé ici même la redynamisation de la délégation ministérielle aux restructurations de la défense, précisant qu'elle disposerait de 500 millions pour la diversification et pour la reconversion des entreprises concernées. Un nouveau délégué ministériel a été nommé : il a effectué plus de trente déplacements pour installer les comités de site et tous ceux qui ont participé à l'entreprise savent que du bon travail a été fait. Alors que seulement 75 millions des crédits du fonds de restructuration de la défense avaient été consommés en 1997, 175 l'ont été cette année et le nombre de créations d'emplois aidées est passé de 670 à plus de 1 400. Sur les 500 millions annoncés, 460 ont d'ores et déjà été engagés. Pour 1999, les crédits du fonds seront en légère augmentation, à 202 millions. Seront également disponibles 250 millions de crédits européens et de droits de tirage sur le FNADT et le FEDER. Le délégué disposera donc d'au moins 700 millions.

Par ailleurs, le Gouvernement accorde une attention toute particulière aux bassins d'emploi les plus affectés par la restructuration, qui sont souvent caractérisés par une "mono-industrie" de défense. Le 15 décembre, un premier CIAT a ainsi pris des mesures en faveur de Brest, Lorient, Cherbourg, Saint-Etienne et Roanne. Le 6 juillet, un comité interministériel aux restructurations de défense s'est attaché à définir les grands axes de la politique du Gouvernement en vue de la deuxième phase des restructurations. Un nouveau CIAT se réunira d'ici à la fin de l'année, pour étudier plus spécialement la situation de Bourges et de Tarbes.

Dans les industries de défense, la diminution des effectifs tend à se ralentir : de 10 à 12 000, elles sont tombées à 6 000 en 1997 et le chiffre de 1998 devrait être également rassurant. En outre, les réductions qui touchent GIAT et la DGA s'effectuent sans licenciements.

La direction de GIAT industries, après avoir allégé ses charges en cédant une filiale, a proposé au Gouvernement un plan stratégique et social comportant de nouvelles mesures d'adaptation. Adopté par le comité central d'entreprise le 2 octobre après de réelles négociations sociales, il entrera en application au début de l'année prochaine. Ce plan est dur pour les bassins d'emploi concernés : les effectifs devraient être réduits de plus du tiers. Le Gouvernement n'y a donné son aval que parce qu'il organise une reconversion industrielle indispensable à la conclusion d'alliances. Ce plan sera d'autre part mis en oeuvre en préservant la situation des personnels : il n'y aura pas de licenciement. En outre, pour porter une juste appréciation sur le dispositif, il convient de tenir compte du temps -plusieurs mois- qui sera consacré à la formation du personnel des ateliers graphiques : c'est l'explication d'un décalage apparent qui a pu susciter parmi vous quelque hésitation.

Le Gouvernement n'a pas l'intention de changer le statut de la DCN, mais celui-ci autorise une certaine évolution, dont il faut tirer profit pour permettre à l'entreprise de mieux affronter la concurrence et de nouer des partenariats.

S'agissant de mon ministère, une des choses qui me tient le plus à coeur est de clarifier la gestion financière et d'améliorer le classement comptable des opérations. Plusieurs progrès importants ont été faits de ce point de vue, mais il reste encore à faire, avec la collaboration du Parlement, pour avoir une vision plus claire des engagements financiers de la Défense.

Quelques mots enfin au sujet de ce qui va être fait en Amérique latine où s'est produit le drame que vous savez. Des démineurs seront envoyés au Nicaragua, où 75 000 mines ont été découvertes à la suite du cyclone. Un Transall sera stationné à Managua pour distribuer l'aide d'urgence dans l'ensemble de la zone. Par ailleurs, j'ai décidé de dérouter le porte-hélicoptère Jeanne d'Arc de Baltimore vers l'Amérique centrale (Applaudissements sur tous les bancs) : il pourra mettre à disposition ses hélicoptères et ses médecins stagiaires, que le Président de la République pourra féliciter lui-même, sur place, la semaine prochaine. Nous acheminerons ensuite un second Transall et une bioforce pour lutter contre les épidémies. Nous verrons aussi ce que peut faire le génie pour déblayer les zones ensevelies et permettre le retour des habitants.

La France a aujourd'hui la chance de vivre en paix, et ses citoyens sont surtout préoccupés de la violence urbaine. Sachons profiter de ce moment, cependant, pour la préparer à affronter les dangers éventuels d'un monde qui ne sera peut-être pas toujours aussi paisible. La politique que nous menons, chef de l'Etat, Gouvernement, Parlement, s'inscrit dans la longue durée et la cohérence. Une réforme vaste et profonde a été engagée, et elle aboutira car elle repose sur le dialogue, la transparence et la rigueur. Elle aboutira car elle est réaliste et soutenue par une volonté collective.

En m'en remettant avec confiance à votre jugement sur le budget, je vous remercie de ce débat qui a été un véritable débat général sur notre politique de défense. Permettez, Mesdames et Messieurs les députés, à l'un de vos anciens collègues, très attaché à cette institution parlementaire, de dire que, loin de certains épisodes superficiels exploités par les médias, votre travail scrupuleux et la version de l'avenir que vous avez su montrer représente la réalité d'un Parlement à la hauteur de ses responsabilités (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe RCV).

La suite du débat est renvoyée à la prochaine séance, qui aura lieu ce soir, à 22 heures 15.

La séance est levée à 20 heures 50.

          Le Directeur du service
          des comptes rendus analytiques,

          Jacques BOUFFIER


© Assemblée nationale


© Assemblée nationale