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Assemblée nationale

COMPTE RENDU

ANALYTIQUE OFFICIEL

Session ordinaire de 1998-1999 - 27ème jour de séance, 71ème séance

2ème SÉANCE DU DIMANCHE 8 NOVEMBRE 1998

PRÉSIDENCE DE M. Raymond FORNI

vice-président

          SOMMAIRE :

PACTE CIVIL DE SOLIDARITÉ (suite) 1

    ARTICLE PREMIER (suite) 1

La séance est ouverte à quinze heures.


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PACTE CIVIL DE SOLIDARITÉ (suite)

L'ordre du jour appelle la suite de la discussion de la proposition de loi relative au pacte civil de solidarité.

ARTICLE PREMIER (suite)

M. Eric Doligé - Mon amendement 286 est très proche du 285 que j'ai défendu ce matin. J'ajoute seulement un argument, en me fondant sur un lapsus de notre collègue Lefort qui a parlé de Pac au lieu de Pacs, supprimant le S de solidarité... C'est une raison de plus de reporter le Pacs au titre III du code civil : ce n'est pas un contrat de solidarité, mais simplement un contrat qui organise la vie de deux personnes sur certains points particuliers.

M. Maurice Leroy - Nous avons entendu ce matin des propos bizarres sur la conduite de nos débats. N'en déplaise à M. Lefort, nous poursuivons notre travail de parlementaires. Quand on est dans l'opposition, ce travail consiste, si l'on est hostile à un texte comme c'est le cas, à proposer d'abord des amendements de suppression. Il consiste ensuite à présenter des amendements de repli pour tenter d'améliorer le texte. Tel est le cas de l'amendement 841. Il tend à situer les dispositions de l'article premier entre le titre IX "De la société" et l'actuel titre IX bis "Des conventions relatives à l'exercice des droits indivis."

Je saisis cette occasion pour souligner ce qu'a de curieux notre débat. Depuis dix-sept mois, mercredi après mercredi, on nous fait la leçon sur la République et la citoyenneté. Or ce texte ne se fonde en rien sur l'égalité républicaine, comme l'a fort bien démontré Christine Boutin. L'égalité en droit des individus n'implique en rien l'instauration d'un principe général d'égalité de toutes les relations entre individus dans la société. La volonté affichée de mettre à égalité le mariage, le concubinage hétérosexuel et le couple homosexuel ne peut se fonder sur l'égalité républicaine.

Mme Christine Boutin - Tout d'abord une information sur la manifestation d'hier : d'après les chiffres de la préfecture, 90 000 personnes ont manifesté en France (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe RCV).

M. le Président - N'ouvrons pas une polémique sur le comptage des manifestants.

Mme Christine Boutin - Nous essayons d'ôter au Pacs sa connotation de sous-mariage, offrant ainsi au rapporteur et au Gouvernement l'occasion de prouver que tel n'est pas leur projet. L'amendement 60 a donc pour objet de placer les dispositions sur le Pacs après le titre XVI "Du compromis". Le 58 offre au Gouvernement et au rapporteur une autre possibilité : c'est de les placer dans les dispositions relatives aux contrats aléatoires. Quant au 59, il tend à les inscrire au titre IX bis relatif à l'exercice des droits indivis.

M. Thierry Mariani - Je précise à M. Michel que ces amendements de repli ont pour objet, en changeant la place de cet article, de limiter l'irréparable. Quand Mme la présidente de la commission dit qu'il y a eu concertation, c'est vrai, mais au bénéfice des seuls rapporteurs. Pour un travail sérieux en commission, préparant un travail sérieux dans l'hémicycle, la moindre des choses aurait été que ces auditions fussent ouvertes au plus grand nombre de parlementaires. D'autre part, nous avons reçu dans nos casiers la convocation pour la réunion pendant laquelle la commission devait examiner ces nouvelles propositions un soir, à 18 heures. Cette réunion devait se tenir le lendemain à 9 heures ! Or nous ne sommes pas tous députés de la région parisienne....

Enfin, les auditions ont été purement formelles : comme l'a relevé M. Accoyer, sur 19, dix, soit 55 %, concernaient des associations d'homosexuels. Il était normal de les écouter, mais je ne crois pas qu'elles représentent 55 % de la population.

Quant à mon amendement, vous qui gouvernez à coups de symboles devriez en comprendre aisément le sens. Vous proposez de placer ces dispositions dans le code civil, à côté de celles qui ont trait aux droits civils, à la nationalité, à l'état civil, au mariage, au divorce et à la filiation -tout en essayant de nous faire croire que le Pacs n'aurait aucun rapport avec le mariage ! Par l'amendement 276 rectifié, je demande qu'elles figurent plutôt dans le droit des contrats car c'est la seule place qui convienne.

M. Pierre-Christophe Baguet - Pour faire plaisir à M. Michel, j'éviterai de me placer sur le strict plan juridique.

Ces dispositions n'offrent aucune protection des personnes comparable à celle qui organise le titre I du code civil. Ce dernier, peaufiné au fil des années, ne saurait être remis en cause de façon si brutale par des propositions inadaptées. Ainsi, le fait de limiter à deux le nombre des personnes susceptibles de conclure un pacte est contraire à la liberté : on ne saurait ainsi contraindre la solidarité ! Vous allez compromettre l'exercice d'une convivialité qu'on nous envie dans le monde entier.

Quant à nos valeurs de liberté, d'égalité et de fraternité, que deviendront-elles lorsque des registres, à la préfecture ou au tribunal d'instance, garderont trace de la vie privée des contractants ? La mesure n'est-elle pas humiliante et contraire aux règles de notre République ?

La rupture du Pacs, assimilable à une répudiation, va aussi contre la liberté du plus faible. Enfin, on oublie purement et simplement les enfants en permettant à certains parents de se contenter des avantages financiers que leur procurera le Pacs.

Que ce soient des socialistes qui affaiblissent la liberté et la position des plus faibles me paraît choquant. Nos concitoyens pourront du moins voir qu'avec vous, on avance vers le collectivisme, tandis que l'opposition garantit les libertés ! (Exclamations et rires sur les bancs du groupe socialiste)

C'est dans cet esprit que je propose, par mon amendement 489, de placer ces dispositions dans le livre deuxième du code civil.

M. Patrice Martin-Lalande - Nos amendements 728 et 727 procèdent des préoccupations déjà exposées par mes collègues : les dispositions relatives au Pacs n'ont pas leur place dans le livre premier, intitulé "Des personnes", car il s'agit clairement d'un contrat, tel que le définit l'article 1101 du code civil : "Une convention par laquelle une ou plusieurs personnes s'obligent, envers une ou plusieurs autres, à donner, à faire ou à ne pas faire quelque chose". Le Gouvernement et le rapporteur n'ont-ils d'ailleurs pas rappelé ce matin que les règles du contrat s'appliquaient en l'occurrence ? La place du Pacs est par conséquent en toute logique dans le livre III, intitulé "Des contrats".

D'autre part, la notion de solidarité nous semble ici impropre. Elle s'exerce généralement dans des groupes plus vastes et nous proposons donc de reprendre un des objectifs reconnus de la proposition pour rebaptiser le Pacs "contrat civil de vie commune".

Mme Christine Boutin - Je pense avoir déjà répondu à l'appel à l'imagination lancé par le Gouvernement et la commission mais, au cas où cela ne suffirait pas, je suggère par mon amendement 61 de placer ces dispositions entre le titre V, consacré au mariage, et le titre VI, relatif au divorce. Le Pacs prendrait ainsi une identité propre.

M. Maurice Leroy - Comme l'a affirmé l'essayiste Guy Coq, un authentique républicain qui se bat pour la laïcité et contre le communautarisme, le Pacs est "une incroyable agression contre le mariage civil", car mettre sur le même plan les couples hétérosexuels et homosexuels contribuera à "brouiller encore davantage la nécessaire distinction des sexes". La commission a encore accru la confusion. Revenons donc aux fondements : pourquoi l'Etat privilégie-t-il l'institution du mariage républicain, sinon parce qu'il a pour responsabilité majeure d'assurer l'avenir de la société ? Or le Pacs oublie l'enfant ! Faire valoir, par exemple, les avantages procurés par ces dispositions aux couples hétérosexuels, c'est méconnaître que ces avantages sont liés à la présence de l'enfant à venir, c'est méconnaître l'esprit des lois.

Soyez au moins logiques avec vous-mêmes et acceptez notre amendement 840. Puisque le Pacs plagie le mariage sans le dire, en en imitant toutes les dispositions, et ne s'en distingue que par la facilité de le rompre -ce serait en quelque sorte un contrat à durée déterminée !-, placez-le entre le titre V, relatif au mariage et le titre VI, relatif au divorce.

M. Jean-Pierre Michel, rapporteur de la commission des lois - La commission a repoussé ces amendements, car elle désire que ces dispositions soient insérées dans le livre premier du code civil (Exclamations sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL)

Mme Elisabeth Guigou, garde des sceaux, ministre de la justice - Cette proposition visant à organiser la vie commune entre des personnes et non la simple gestion de leurs biens, ses dispositions ne peuvent être inscrites que dans le code civil, et dans le livre premier de celui-ci !

M. Bernard Accoyer - Ces deux réponses expéditives témoignent de l'indifférence, sinon du mépris qu'éprouvent la commission et le Gouvernement envers l'opposition et envers ceux et celles qui subiront les conséquences de ce Pacs.

Ou bien ce texte est le même que celui qui a été rejeté le 9 octobre, et nous n'avons pas à en discuter ; ou bien il est différent et alors nous n'en avons pas suffisamment discuté : vingt-sept minutes de réunion de commission, admettez que c'est bien peu ! Je rappellerai que le président de l'UNAF, qui représente quatre millions de familles, s'est déclaré hostile à ce Pacs. On a dit aussi que si l'objet premier de cette proposition était de faire cesser la discrimination entre les homosexuels, il eût été préférable de "construire un corps juridique qui ne fasse pas confusion avec le mariage républicain" : c'était Jacques Delors qui s'exprimait ainsi le 5 octobre ! Mme Gisserot a, quant à elle, rappelé que le mariage était un statut de nature à favoriser l'épanouissement de chacun des membres de la famille, et d'abord les enfants. Enfin, voici ce qu'a dit le professeur Hauser : "Nous avons avec le Pacs un exemple de ce que donne une proposition faite par des groupes de pression qui ne voient que leur intérêt boutiquier et n'ont ni la compétence, ni la largeur de vue nécessaire pour fabriquer des lois dans des domaines compliqués. Tout cela est de l'amateurisme." (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL)

Les Français nous ont, par centaines de milliers, demandé de nous opposer à ce texte. A travers nos amendements de repli, nous voulons dire qu'il est hypocrite d'affirmer que le Pacs n'est pas un mariage et en même temps de l'introduire dans le livre premier du code civil.

Ce contrat sera terrible pour les faibles. En effet, dans un couple homosexuel, il y a toujours un dominant et un dominé (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe RCV). Le fort, plus instruit, mieux conseillé, inscrira dans le contrat les dispositions nécessaires pour qu'en cas de rupture, le faible n'ait que ses yeux pour pleurer. La situation sera pire lorsqu'il s'agira d'un couple avec enfants, car ceux-ci seront eux aussi malmenés. C'est cette dégradation fondamentale de notre droit que nous entendons dénouer (Applaudissements sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL).

M. François Goulard - Nous gagnerions du temps si l'opposition obtenait des réponses. Or depuis hier, celles que nous font le Gouvernement et le rapporteur sont pour le moins superficielles...

Ces amendements posent la question de la nature du Pacs. Est-ce un contrat ? Est-ce une institution ?

Un élément particulièrement important est le mode de dénonciation, insuffisamment protecteur pour la partie la plus faible. La comparaison faite par le rapporteur avec le contrat de travail et avec le contrat de location est particulièrement mal choisie. En effet, dans les deux cas, le législateur a considéré que l'une des parties était en position de force et qu'il fallait donner à la partie la plus faible la possibilité de dénoncer le contrat sans formalités particulières...

Sous couvert d'humanisme, vous nous proposez donc un texte qui sera un piège pour les contractants (Applaudissements sur les bancs du groupe DL, du groupe du RPR et du groupe UDF).

L'amendement 57, mis aux voix, n'est pas adopté, non plus que les amendements 689, 825, 826, 841, 60, 58, 59, 276 rectifié, 489, 728 et 727.

Les amendements 61 et 840, mis aux voix, ne sont pas adoptés.

M. le Président - A la demande du Gouvernement, les amendements 72 à 782, proposant de nouvelles dénominations, sont réservés.

M. Jean-Louis Debré - Monsieur le Président, on a commencé par empêcher l'opposition de s'exprimer (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe RCV). M. Lenoir a été interrompu alors qu'il défendait une question préalable ; ce matin, vingt-cinq de nos orateurs ont été censurés. Pour masquer ses turpitudes, la présidence a fait évacuer les journalistes manu militari. Et comme si cela ne suffisait pas, voici une nouvelle manoeuvre : la réserve ! Le débat, commencé mardi et poursuivi samedi et aujourd'hui, avait pourtant déjà été bien morcelé...

Tout cela n'est pas convenable et manifeste la volonté de la majorité d'éviter tout débat. Elle est incapable de répondre à nos arguments juridiques ; alors elle utilise l'invective et les moyens de procédure...

Dans ces conditions, je demande une suspension de séance de dix minutes pour réunir les groupes de l'opposition (Applaudissements sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL).

M. le Président - Aux termes de l'article 95 du Règlement, la réserve demandée par le Gouvernement est de droit. Dès lors que les amendements réservés portent sur l'intitulé, et sont donc des amendements de forme (Protestations sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL), il me paraît logique de commencer par examiner le fond. Cela va dans le sens du souhait exprimé par beaucoup d'entre vous d'avoir une discussion cohérente. Si d'ailleurs vous aviez suivi les propositions que j'avais faites, sans doute n'en serions-nous pas là.

M. Philippe Douste-Blazy - Le Gouvernement n'a pas l'air très sûr de lui puisqu'il ne sait pas encore comment on va appeler l'objet de ce texte... De tels amendements ne portent pas sur la forme, mais sur le fond. Je m'associe donc à la demande du président Debré (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF, du groupe DL et du groupe du RPR).

Mme la Garde des Sceaux - Le Gouvernement écoute avec patience les orateurs de l'opposition (Exclamations sur les bancs du groupe UDF, du groupe DL et du groupe du RPR ; applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

M. le Président - Le mot "patience" n'a rien de péjoratif !

Mme la Garde des Sceaux - Je disais donc que le Gouvernement écoute avec patience et en silence (Interruptions sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL) les arguments de l'opposition. La réserve ne fait pas obstacle à la discussion, elle reporte seulement à plus tard l'examen de certains amendements. Nous verrons bien si le contenu du texte tel qu'il résultera du débat justifie alors de modifier l'intitulé de la proposition.

La séance, suspendue à 15 heures 45, est reprise à 16 heures 5.

Art. 515-1 du code civil

M. le Président - Les amendements 73, 277, 444, 784 et 808 peuvent faire l'objet d'une discussion commune.

Mme Christine Boutin - Aux termes de l'article 515-1 du code civil, deux personnes physiques, majeures ou émancipées, de même sexe ou de sexe différent, pourront conclure un pacte civil de solidarité. Chacun aura reconnu là le texte de la version I du Pacs...

M. François d'Aubert - Cela n'échappera pas au Conseil constitutionnel !

Mme Christine Boutin - Cet article bouleverserait totalement notre droit alors que de simples aménagements de la loi auraient pu suffire. Le Pacs n'est donc qu'un plagiat du mariage. C'est pourquoi nous proposons de supprimer cet article 515-1.

M. Thierry Mariani - Nous assistons à un débat sciemment haché, sans doute dans l'intention de le désorganiser totalement (Interruptions sur les bancs du groupe socialiste et du groupe communiste). Cela n'est pas sans nous rappeler la méthode utilisée par la majorité lors des débats sur la nationalité et l'immigration. Madame le ministre, vous êtes en train d''élaborer le Gault et Millau du débat parlementaire, le guide Michelin des amendements, le Bottin gourmand du travail de l'opposition,... à moins qu'il ne s'agisse du Guide du routard sur le Pacs. A vous entendre, il existerait des amendements trois toques ou trois étoiles, qui mériteraient de susciter l'attention du Gouvernement, des amendements deux toques ou deux étoiles qui pourraient à la rigueur être discutés, sans qu'on renonce pour autant à la lecture de son livre, des amendements une toque ou une étoile qui seraient étudiés à condition que l'opposition se montre coopérante, enfin des amendements sans aucune distinction qui ne mériteraient d'être examinés que lorsque cela n'aura plus aucun sens, c'est-à-dire à la fin du débat. C'est ainsi que vous avez rejeté une trentaine de nos amendements (Applaudissements sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL).

M. le Président - Tout cela fait un peu cuisine !

M. Thierry Mariani - Il est des cuisines difficiles à digérer. Je crains que les Français n'aient encore plus de mal que l'opposition à digérer celle-là.

L'article 515-5 prévoit que deux personnes, quel que soit leur sexe, pourront conclure un Pacs. Avec cette formulation neutre, votre texte semble s'adresser à tous, couples hétérosexuels, couples homosexuels ou même personnes souhaitant organiser à deux leur vie commune sans avoir de relations affectives.

Nous pensons, nous, qu'il faut distinguer entre chacune de ces catégories qui n'ont ni les mêmes besoins, ni les mêmes aspirations, ni non plus les mêmes obligations vis-à-vis de la société.

Le Pacs vise-t-il à améliorer la situation des concubins ? Nous pourrions en effet débattre de ce problème. Vise-t-il à donner des droits nouveaux aux couples homosexuels ? Pourquoi pas, même si cela n'est pas l'une des priorités de notre assemblée. Vise-t-il à créer un cadre juridique pertinent pour que s'exprime une solidarité entre individus ? Pourquoi alors le limiter à deux personnes ? Serait-il choquant que trois, quatre, cinq veuves ou plusieurs frères et soeurs décident d'organiser leur vie commune ? Un seul et même article ne peut traiter de situations aussi diverses.

Par son caractère universel et son imprécision, votre texte, Madame le ministre, est inapplicable. On ne peut prévoir un même statut pour des couples de concubins hétérosexuels qui peuvent avoir des enfants et des couples homosexuels par nature stériles. En effet, dans le premier cas, il convient de protéger les enfants ; dans le second cas, le problème ne se pose pas.

Votre texte, qui ne peut prévoir les conséquences du Pacs pour chacune des catégories de personnes potentiellement concernées, est bancal, hybride. Ses lacunes le disputent à ses incohérences. Enfin, cessez d'être hypocrites : osez dire que le Pacs s'adresse surtout aux homosexuels, dont vous avez entendu les revendications. Si ce point était clarifié, au moins pourrions-nous continuer de débattre, si vous nous en laissez la possibilité, en toute connaissance de cause (Applaudissements sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL)

M. Jacques Masdeu-Arus - L'amendement 444 vise, comme les précédents, à supprimer le Pacs. En effet, si les contractants d'un Pacs s'engagent à se soutenir moralement et sont solidaires de leurs dettes, ils ne sont pas tenus à la fidélité. En outre, le Pacs peut être rompu unilatéralement, sans aucune sécurité pour l'autre partie.

Le Pacs est un statut hybride, parcellaire, qui permet aux couples non mariés, y compris homosexuels, d'accéder aux avantages fiscaux procurés par le mariage sans leur en imposer les principales obligations à l'égard du conjoint et, plus grave, à l'égard des enfants. Le Pacs est principalement destiné aux couples homosexuels qui obtiendront la reconnaissance de l'Etat alors qu'ils ne peuvent participer à l'accroissement démographique de notre société. Les dangers du Pacs pour l'équilibre de notre société sont innombrables. D'où la nécessité de le supprimer. C'est l'objet de l'amendement 444.

Mme Marie-Thérèse Boisseau - L'amendement 744 a aussi pour objet de supprimer l'article 515-1 dont le texte est exactement le même que celui présenté le 9 octobre dernier, sur lequel l'exception d'irrecevabilité avait pourtant été adoptée.

Pourquoi légiférer dans la précipitation sur un sujet de société aussi important ? Pourquoi choisir le canal d'une proposition de loi, qui échappe donc à l'avis du Conseil d'Etat et à l'approbation du conseil des ministres ? Pourquoi avoir refusé d'auditionner des juristes, des sociologues, des psychanalystes, des représentants des différentes confessions ? Pourquoi ne pas avoir attendu les conclusions de la commission sur le droit de la famille qui doivent être rendues en juin 1999 ? Nous n'en étions pas à six mois près.

Il eût été préférable de se donner le temps de la réflexion pour avoir l'approche la plus globale possible d'une question aussi importante.

Le Pacs ne peut, en tant que tel, traiter de la filiation ni de l'autorité parentale alors que les droits des enfants auraient dû être étudiés en priorité.

Ce pacte civil constitue-t-il un contrat ? Un statut ? Pouvons-nous espérer une réponse à cette question avant la fin du débat ? Pacte civil "de solidarité", dites-vous, mais de quelle solidarité s'agit-il ? Ne devrait-on pas plutôt parler d'un "contrat de bon plaisir", comme le dit Evelyne Sullerot, puisque vous créez une union résiliable unilatéralement sans faute, remettant ainsi en cause un des fondements du mariage civil ? Quelle solidarité au sein des fratries puisque le Pacs ne peut lier, au plus, que deux frères ou soeurs ? Quelle solidarité avec les vrais célibataires ? Le Pacs est présenté comme un projet de justice sociale permettant aux couples homosexuels et aux concubins de s'affranchir d'un statut pénalisant, mais, de ce fait, les 7 millions de personnes qui vivent seules -célibataires, veufs, divorcés- sous ce même statut n'en ressentiraient que plus vivement l'iniquité de leur situation sociale et fiscale. Bref, après vous avoir vainement demandé de supprimer l'article premier, nous vous proposons de supprimer l'article 515-1 du code civil qui en résume toutes les ambiguïtés et contradictions (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF, du groupe du RPR et du groupe DL).

M. François Goulard - L'amendement 808 a le même objet que les précédents.

J'observe que Mme le ministre fait preuve de patience, à défaut de nous accorder son attention (Protestations sur les bancs du groupe socialiste). Je me plais à souligner qu'il y a là un progrès. Hier soir, elle lisait un roman et elle aurait pu lire une bande dessinée : le pire n'est jamais sûr ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF, du groupe du RPR et du groupe DL ; nouvelles protestations sur les bancs du groupe socialiste)

Pour en revenir à l'amendement 808, le défaut majeur de la solution que vous proposez est de ne pas clarifier la situation. Vous tentez de donner à des problèmes très différents une solution unique, pour mieux avancer masqués : votre texte est entaché du péché de tentative de dissimulation. Comment prétendre résoudre de la même façon les problèmes des concubins hétérosexuels et des couples homosexuels ? On peut débattre de la nécessité d'améliorer le statut des premiers, en leur permettant, par exemple, de souscrire une déclaration fiscale commune. Selon moi, ce serait au contraire un progrès plus important d'autoriser les couples mariés à faire une déclaration séparée, ce qui mettrait un des époux à l'abri des conséquences d'une éventuelle irresponsabilité fiscale de l'autre. S'agissant des couples homosexuels, vous pouvez souhaiter leur accorder un statut comparable à celui du mariage, mais vous n'avez pas osé aller jusqu'au bout de votre raisonnement, comme en témoignent vos palinodies sur le lieu de déclaration du contrat.

Pour toutes ces raisons, nous sommes résolument hostiles à la solution que vous avez retenue.

M. le Président - Sur les amendements de suppression de l'article 515-1 du code civil, je suis saisi par le groupe DL d'une demande de scrutin public.

M. le Rapporteur - Faute d'avoir l'humour de M. Mariani, je me contente de distinguer entre les amendements de repli et les amendements d'obstruction. Après avoir déposé des amendements de suppression de l'ensemble de l'article premier auxquels je me suis opposé, vous déposez des amendements de suppression de chacun des huit articles du code civil qui font l'objet de cet article premier. La commission y est bien évidemment défavorable et particulièrement à ceux tendant à la suppression de l'article 515-1, qui constitue la clef de voûte du système.

En ce qui concerne la place des dispositions relatives au Pacs dans le code civil, Monsieur Accoyer, j'ai longuement répondu lorsque je me suis opposé à ce que ces dispositions soient sorties du code civil. Je n'ai donc pas cru devoir répéter mes explications sur ce point car je vous sais très attentif aux interventions du rapporteur et du Gouvernement.

Mme la Garde des Sceaux - L'opposition se plaint que le rapporteur ne réponde pas, mais, quand il le fait, elle ne l'écoute pas ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe RCV ; protestations sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL) Je note les tentatives de M. Mariani pour élever le débat avec sa typologie des amendements quatre étoiles, trois étoiles, deux étoiles, une étoile. Si vous voulez être écouté, évitez la caricature. Lorsqu'on lit des amendements de Mme Boutin parlant de "pacte de célibataires sacrifiés" ou de "pactes de dépendance", comprenez que nous préférions faire autre chose et penser à autre chose (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe RCV).

Pour ce qui est des cinq amendements de suppression de l'article 515-1, ils remettent en cause le principe même du texte. Je ne peux donc que m'y opposer.

M. Patrick Ollier - Lisant le rapport 1097 qui nous a été distribué le 30 septembre et celui qui nous a été remis aujourd'hui, j'ai constaté que la page 93 du premier était rigoureusement identique à la page 47 du second. Je demande donc à notre Président de poser la question au prochain Bureau : l'article 84, alinéa 3, de notre Règlement, selon lequel, avant un délai d'un an, on ne peut pas discuter de documents identiques, est-il respecté, comme vous et moi le souhaitons, Monsieur le Président ? (Protestations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe RCV ; applaudissements sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL)

M. le Président - Il m'arrive, comme M. Ollier, d'écouter ce qui se dit dans cet hémicycle et la question qu'il vient de poser l'a déjà été à 25 ou 30 reprises depuis hier ! J'imagine que, compte tenu de la longueur prévisible de nos travaux, vous obtiendrez une réponse.

M. Bernard Accoyer - L'intervention de Mme la garde des sceaux appelle quelques observations. Ne serait-il pas temps, Madame la ministre, que vous abordiez enfin le fond du débat et qu'au lieu d'admonester l'opposition en l'invitant à écouter les "réponses" du rapporteur, vous répondiez aux questions que nous vous posons inlassablement ? Ce serait la moindre des corrections après avoir passé une soirée entière à lire un roman (Applaudissements sur les bancs du groupe du RPR du groupe UDF et du groupe DL ; exclamations sur les bancs du groupe socialiste) que de répondre à nos interrogations sur l'adoption d'enfants par les couples homosexuels et sur la destructuration profonde du code civil à laquelle vous vous livrez.

Vous qualifiez certains de nos amendements d'obstruction mais en les réservant de façon discrétionnaire, vous limitez les possibilités d'expression de notre assemblée. Il est vrai que nous avons pris l'habitude d'être ainsi méprisés depuis le début de ce débat.

M. Renaud Donnedieu de Vabres - Nous ne cherchons pas la caricature (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe RCV). C'est l'attitude du Gouvernement et de la majorité qui, d'une certaine manière, nous y enferme. Ce n'est pas de notre fait si ce texte, dans ses détails, n'a pu être examiné en commission. C'est pourquoi nous nous voyons obligés de travailler à quatre cents pour poser des questions précises. Ces questions n'ont pas pour objet de remettre en cause un progrès nécessaire ("Ah !" sur les bancs du groupe socialiste). C'est ainsi qu'à l'extérieur vous aimeriez faire apparaître l'opposition : c'est trop facile ! (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe communiste) Nous sommes donc obligés de répéter nos questions, parce que le travail n'a pas été fait normalement en commission. Comptez donc sur notre détermination, non pas à remettre en cause des principes, mais à démontrer point par point les contradictions de ce texte, et le fait qu'il n'aura pas pour résultat une liberté supplémentaire, mais une précarité accrue (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF, du groupe DL et du groupe du RPR).

A la majorité de 251 voix contre 193, sur 444 votants et 444 suffrages exprimés, les amendements 73, 277, 444, 744 et 808 ne sont pas adoptés (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste du groupe communiste et du groupe RCV).

M. Jean-Marc Ayrault - En vertu de l'article 58 du Règlement, je demande une suspension pour réunir le groupe socialiste.

La séance, suspendue à 16 heures 30, est reprise à 17 heures 10.

M. le Président - Pour devancer peut-être certains rappels au Règlement, je commencerai par présenter les excuses de la Présidence pour la prolongation de cette suspension.

M. Eric Doligé - Mon rappel au Règlement n'a pas trait à cela ! Il se fonde sur les articles 61 à 66, relatifs aux modes de votation.

Si nous n'étions motivés par le respect dû à nos électeurs et par notre détermination à défendre nos idées, nous pourrions nous demander parfois ce que nous faisons ici ! (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe communiste) Mais nous représentons 20 millions de nos concitoyens et, à ce titre, nous avons droit à un certain respect. Or ce droit a été bafoué à trois reprises depuis hier. Je passerai ici sur les lectures à quoi s'occupent certains, mais, assis au premier rang, j'ai pu constater qu'un certain nombre de nos collègues s'étaient déplacés tout à l'heure de pupitre en pupitre pour voter plusieurs fois ! (Protestations sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe RCV) Si vous ne me croyez pas, comparez le nombre des votes émis à celui des personnes présentes. Je pourrais citer des noms, mais je ne suis pas homme à cela !

M. le Président - Si nous voulons conserver une certaine sérénité à nos débats, il y a, Monsieur Doligé, une chose à ne pas faire, c'est de mettre en cause la présidence sur les votes exprimés par notre assemblée (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

M. Eric Doligé - Bien sûr. Je ne l'ai pas mise en cause...

M. le Président - Je n'ai constaté à aucun moment une fraude dans les votes. Si tel avait été le cas, je n'aurais pas manqué de le dire. Pour disposer régulièrement d'un comptage des présents, je puis vous assurer, en tenant compte bien sûr des délégations accordées, que la majorité était majoritaire. Je n'accepterai pas d'être mis en cause sur ce point (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe RCV et du groupe communiste).

Je vais donner la parole à M. d'Aubert pour un rappel au Règlement. Comme il préside parfois, j'espère qu'il ramènera la sérénité dans cet hémicycle.

M. Eric Doligé - Je n'ai pas mis en cause la présidence !

M. le Président - A partir du moment où vous dites qu'il peut y avoir eu fraude, vous la mettez en cause (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

M. Eric Doligé - Je demande le film !

M. François d'Aubert - Il me semble qu'il n'y a pas plus de cent députés sur les bancs de la gauche plurielle. Or tout à l'heure, la gauche, en comptant les délégations, est parvenue à 250 mais, la prochaine fois, il faudra compter. Bien sûr, Monsieur le Président, les choses ont pu se faire à votre insu.

J'en viens à mon rappel au Règlement. Monsieur le ministre des relations avec le Parlement, il s'adresse à vous. Vous êtes venu à 15 heures puis vous êtes parti pour vous exprimer sur Radio J. Vous auriez pu réserver à notre assemblée les propos que vous y avez tenus puisqu'ils concernaient notre ordre du jour... Vous avez en effet déclaré que le Pacs ne sera pas voté mardi. Or le Gouvernement ne nous avait jusqu'à présent pas dit cela (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe RCV). Est-il prévu de modifier l'ordre du jour ? Dans ce cas, quand la Conférence des présidents va-t-elle être convoquée ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF, du groupe du RPR et du groupe DL)

M. le Président - La Conférence des présidents, comme vous le savez, est convoquée mardi matin à 9 heures.

M. Daniel Vaillant, ministre des relations avec le Parlement - Monsieur d'Aubert, vous pourriez encore mieux faire dans le suivi de mon emploi du temps, car il y a un léger décalage entre l'enregistrement et la diffusion de l'émission que vous avez évoquée.

L'avis que j'ai émis tient tout simplement au réalisme de ce gouvernement (Rires sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL). Il ne faut pas être grand clerc pour constater que votre objectif est de faire de l'obstruction (Protestations sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL ; applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe RCV) ; dans ces conditions, il est notable que le vote solennel ne pourra pas intervenir le 10.

Cela étant, le Gouvernement n'envisage pas de modification de l'ordre du jour et je souhaite bons travaux à la représentation nationale (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe RCV).

M. Henri Plagnol - Rappel au Règlement, Monsieur le Président.

M. le Président - Sur quel fondement ?

M. Henri Plagnol - Sur l'article 58.

M. le Président - D'accord... Je fais preuve d'une grande indulgence, mais c'est la dernière fois.

M. Henri Plagnol - Vous êtes bien bon de permettre à l'opposition de défendre un tout petit peu le Règlement de l'Assemblée.

M. le Président - De ce point de vue, je sais ce que j'ai à faire, je n'ai pas besoin de vous.

M. Henri Plagnol - La Conférence des présidents, et elle seule, décide de l'ordre du jour, bien entendu sur proposition du Gouvernement (Interruptions sur les bancs du groupe socialiste). Il est pour le moins curieux que le ministre chargé des relations avec le Parlement, à la suite d'une réunion qui ne concernait que le groupe socialiste, nous annonce que nous allons devoir siéger jusqu'à l'épuisement, dans des conditions indignes d'un débat de cette importance (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF, du groupe du RPR et du groupe DL), alors que, selon une dépêche, il a fait une déclaration publique en sens contraire. Ce n'est pas du réalisme, Monsieur le ministre, c'est du surréalisme ! (Protestations sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe RCV)

C'est par respect de l'Assemblée, nous dites-vous, que vous voulez à tout prix faire voter cette proposition. Or vous n'avez pas cessé de violer la procédure ! Vous vous acharnez à faire voter clandestinement, la nuit, un dimanche soir, une proposition dont personne ne veut parce que vous savez que un certain nombre de membres de la majorité ne reviendront pas pour la voter ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF)

M. le Président - Je voudrais apporter deux précisions.

A 17 heures 19 -il est 17 heures 23-, le rapport entre la gauche et la droite dans l'hémicycle était de 116 contre 91.

Au cours de nos travaux, la droite s'est exprimée pendant quinze heures, la gauche pendant cinq heures (Exclamations sur les bancs du groupe UDF, du groupe du RPR et du groupe DL ; applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe RCV).

J'appelle maintenant trois amendements pouvant être soumis à discussion commune, le premier étant de Mme Boutin (Interruptions sur les bancs du groupe socialiste).

Mme Christine Boutin - Monsieur le Président, vous me donnerez acte que j'ai été très rapide pour présenter mes précédents amendements ; je prendrai un peu plus de temps pour défendre celui-ci.

Au préalable, je voudrais dire à Mme Guigou qu'en parlant d'amendements ridicules de l'opposition, elle a montré une fois de plus son sectarisme (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UDF). En réservant ces amendements, elle a empêché l'opposition de s'expliquer.

Monsieur le Président, je vous demande d'user de votre autorité pour faire en sorte que Mme Boutin ne soit pas systématiquement brocardée (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF, du groupe du RPR et du groupe DL). Quand je dépose un amendement sur les célibataires, c'est ridicule, quand un collègue en parle, personne n'y trouve à redire. Je commence à en avoir assez ! (Mêmes mouvements) Vous parlez de parité, et vous méprisez les femmes ! (Mêmes mouvements et exclamations sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe RCV)

M. le Président - Un peu de calme, je vous en prie...

Mme Christine Boutin - Pour éviter à la majorité de voir son texte déclaré anticonstitutionnel, je propose, par mon amendement 74, de rédiger ainsi l'article 515-1 : "Seul le mariage permet d'organiser une communauté de vie entre un homme et une femme. Un pacte civil de solidarité peut être conclu par deux personnes physiques, quel que soit leur sexe, pour régir leurs intérêts pécuniaires" (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste du groupe communiste et du groupe RCV).

Le premier alinéa correspond à un principe fondamental, appliqué constamment depuis la création du mariage civil en 1792.

Certes, il est arrivé à plusieurs reprises que la loi et la jurisprudence tirent des conséquences juridiques des situations de fait. En matière de baux d'habitation, la loi du 6 juillet 1989 a prévu le maintien du contrat de bail pour le concubin survivant, mais la Cour de Cassation a refusé d'étendre cette mesure aux couples homosexuels. De même, la Cour de justice européenne a refusé d'étendre à ces derniers des réductions du coût du transport. Les contrats de concubinage sont illicites. Or la proposition du Pacs n'est pas seulement matérielle : elle va transformer une situation de fait en situation de droit. La proposition méconnaît donc un principe fondamental et met en cause un des socles de la société : avant de l'adopter, il faudrait réviser la Constitution.

M. le Président - Je constate que M. Dominati n'est pas là pour défendre l'amendement 535.

M. Claude Goasguen - L'amendement 807 n'est pas contradictoire avec celui de Mme Boutin : c'est l'opposition tout entière qui s'oppose à votre système, qui ne tient pas debout et ne passera ni les lectures successives ni le Conseil constitutionnel ni l'épreuve de la jurisprudence -les tribunaux mettront en morceaux votre invention juridique ! (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste) Puisque vous créez un contrat, il faudrait que les notaires aient à le gérer...

M. Christian Bataille - La France des notaires et de la boutique !

M. Claude Goasguen - Croyez-vous qu'un fonctionnaire de préfecture ou de tribunal aura le temps d'examiner de près chaque situation ? Seul un notaire...

M. Albert Facon - Il faudra payer !

M. Claude Goasguen - On pourrait prévoir une indemnisation. Il y aura des problèmes dolosifs à traiter, prenez-y garde, et vous aurez des difficultés considérables. Voilà pourquoi je propose par l'amendement 807, la rédaction suivante : "Une attestation civile de solidarité enregistrée devant notaire peut être délivrée à deux personnes physiques, quel que soit leur sexe, pour organiser leur vie commune".

M. le Rapporteur - La majorité pose les vraies questions, et l'opposition ne veut pas en convenir. Alors, elle propose des solutions "alternatives" et contradictoires : nous avons eu celle de M. Albertini -certificat de vie commune devant les services fiscaux-, puis celle de Mme Boutin -pas de communauté de vie hors le mariage-, celle de M. Goasguen -vie commune, oui, mais devant notaire-, enfin celle de M. Dominati -vie commune à plusieurs ! (Rires sur les bancs du groupe socialiste) Tout cela montre votre gène. La commission des lois a refusé ces amendements et s'en tient à sa propre logique.

Mme la Garde des Sceaux - Ce matin, j'ai exposé à l'Assemblée quels principes guideraient ma position sur les amendements. L'un d'eux est particulièrement important : éviter toute confusion entre le Pacs et le mariage. Cela suffit à fonder mon opposition à l'amendement 74.

Mme Christine Boutin - C'est court !

Mme la Garde des Sceaux - Quant à l'amendement 535, qui étend le Pacs à plusieurs personnes, il présente un risque de dérive communautariste, voire sectaire.

Enfin, le Pacs n'est pas une simple attestation, c'est un véritable contrat avec échange d'engagements. Et le Gouvernement ne souhaite pas qu'il se fasse devant notaire, mais dans un lieu où la puissance publique soit clairement perçue par les intéressés (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

M. Pierre Lellouche - On touche là au coeur du débat philosophique. La discussion a permis, depuis hier, de montrer qu'il y a une vraie convergence de tous sur la nécessité de résoudre aussi bien les problèmes des couples hétérosexuels vivant hors mariage que ceux des couples homosexuels.

Le Pacs répond-il seulement à ces besoins ou menace-t-il le coeur même de notre organisation sociale, le mariage ? Voilà la vraie question.

Ces amendements, contrairement à ce que vous prétendez, Madame Guigou, établissent une vraie distinction entre le mariage et le Pacs. La confusion n'est pas de notre côté. Ce sont le rapporteur et vous-même qui avez tenu des discours contradictoires. Vous avez souligné que le Pacs était bien une institution et, à ce titre, devait figurer dans le titre du code civil consacré aux personnes, et non dans celui consacré aux dispositions contractuelles. Le rapporteur a insisté sur le fait que le Pacs était un contrat, qu'il a même comparé à un contrat de location (Protestations sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe RCV). Je ne serai pas inconvenant en précisant de quel type de location il pourrait s'agir...

Votre Pacs, c'est le mariage de la carpe et du lapin ! Il suffit pour s'en convaincre de lire l'article premier où alternent des dispositions relevant tantôt de l'institution, c'est-à-dire du mariage, tantôt du contrat.

Nos amendements qui, au-delà du détail de leur texte, font l'unanimité sur le plan philosophique et anthropologique dans nos rangs,...

Un député socialiste - Quelle prétention !

M. Pierre Lellouche - ...visent à distinguer clairement le mariage, que nous n'entendons pas voir remis en question, et d'autres formes d'union qui régleraient en effet certains problèmes mais relèvent du contrat. D'où notre idée de faire conclure ces contrats devant notaire. Mme Guigou, elle, tient absolument à ce que le Pacs soit signé devant un représentant de l'Etat. En réalité, vous allez "nationaliser" des choix qui relèvent de la vie privée... (Interruptions sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe RCV) Tous les problèmes évoqués pourraient parfaitement être résolus en adaptant la législation sur les baux, sur les successions... Point n'est besoin de remettre en question l'institution républicaine du mariage (Applaudissements sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL ; exclamations sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe RCV).

M. Dominique Dord - Mon intervention est à la fois une réponse à la commission et un rappel au Règlement. Je trouve profondément regrettable la décision parfaitement arbitraire de réserver l'ensemble de nos amendements sur un titre tout à fait essentiel, dont la portée symbolique ne vous a d'ailleurs pas échappé. Nous avons bien compris la manoeuvre qui consiste à réduire le temps d'expression de l'opposition.

Par ailleurs, il n'est pas sérieux de nous répondre de façon aussi lapidaire sur un sujet à la fois aussi sensible et complexe. Le rapporteur, comme il l'a déjà fait tout à l'heure, prétend que ces amendements étaient contradictoires, feignant d'ignorer qu'il s'agit d'amendements de repli. Cinq points au moins sur ce seul article sont restés sans réponse.

Tout d'abord, sur le nombre de contractants possible. Deux ou plus ? Vous avez botté en touche sur le sujet, comme si la solidarité ne pouvait pas s'exercer au-delà de deux personnes. Mme Guigou a souligné le risque de dérive sectaire si plus de deux personnes pouvaient conclure un Pacs. C'est bien la preuve que le Pacs n'est pas le bon outil d'expression de la solidarité.

L'un de nos amendements propose que le contrat soit signé devant notaire. Voilà qui serait clair alors que pour l'heure, le Pacs paraît une "patate chaude" que l'on se refile de la mairie à la préfecture au tribunal d'instance et pourquoi pas demain, à la direction des services vétérinaires.... (Vives protestations sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe RCV)

M. Michel Françaix - C'est honteux !

M. le Président - Monsieur Dord, le mieux serait d'éviter la provocation.

M. Dominique Dord - J'aurais pu dire la DDE.

Les attentes des concubins hétérosexuels et des couples homosexuels ne sont pas du tout les mêmes. Or vous vous obstinez à vouloir régler leurs problèmes dans un seul et même article. Pourquoi ?

Nous n'avons non plus obtenu aucune réponse sur les règles de capacité. L'un de nos amendements tend à réserver le Pacs aux seuls majeurs capables. Votre texte, à défaut de règles de capacités certaines, ouvrira la porte à des bricolages ou des arrangements pour le compte de majeurs -ou de mineurs- incapables qui seront pris en otage (Interruptions sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe RCV).

M. le Président - Veuillez conclure.

M. Dominique Dord - On ne nous a pas répondu non plus sur ce que signifie "organisation de la vie commune". Que recouvre ce nouveau concept ? Emporte-t-il obligation de vie commune ? Si oui, quelle autorité la contrôlera ? (Interruptions sur les bancs du groupe socialiste)

En l'absence de toutes ces réponses, les vides juridiques sont abyssaux (Applaudissements sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL).

L'amendement 74, mis aux voix, n'est pas adopté, non plus que l'amendement 535 et 807.

M. Thierry Mariani - Malgré les hurlements de la majorité plurielle, vous ne réussissez pas à cacher que ce texte laisse sans réponse de très nombreuses questions et surtout que ce Pacs II n'est que le clone du Pacs I. Nous n'aurions donc jamais dû l'examiner avant un délai d'un an depuis son rejet...

Pour illustrer combien votre texte est contradictoire, permettez-moi de citer une lettre récente du courrier des lecteurs de Marianne, intitulée "Le Pacs mélange tout" : "La question, écrit l'auteur, n'est pas de savoir si le Pacs dévalorise le mariage. Le scandale est qu'un couple hétérosexuel non marié soit assimilé à un couple homosexuel dans la loi. Comment le législateur peut-il confondre à ce point amour et union conjugale ? La vie maritale non déclarée et la procréation qui lui est globalement associée ne sont en rien comparables à une union homosexuelle naturellement stérile, à moins d'autoriser la procréation artificielle aux homosexuels. Union conjugale, déclarée ou non, ne rime pas forcément avec amour."

M. Christian Bataille - A quoi sert de lire ce courrier des lecteurs ?

M. Thierry Mariani - Je sais que vous auriez préféré abréger le débat. Mais ce n'est pas de notre faute si nous avons dû le recommencer, car vous n'étiez pas assez nombreux dans cet hémicycle le 9 octobre !

M. Alain Néri - Ce n'est pas le cas aujourd'hui ! (Brouhaha sur tous les bancs)

M. Thierry Mariani - Sans adhérer nullement à votre texte, l'opposition cherche à en corriger les imperfections. C'est l'objet de l'amendement 286. Il précise qu'un Pacs ne pourra être conclu que sous réserve du respect des dispositions de l'article 6 du code civil, à savoir qu'il ne pourra être contraire à l'ordre public ni aux bonnes moeurs. Cela va peut-être de soi mais encore mieux en le disant. Ce garde-fou nous paraît tout à a fait justifié !

M. le Rapporteur - La commission a repoussé cet amendement, car il va de soi. L'article 6 du code civil s'impose à toutes les conventions contenues dans le code.

A Monsieur Dord, sans revenir sur sa provocation inconsciente sur les services vétérinaires, je conseillerai d'écouter plus attentivement nos réponses. Notre texte concerne les couples, qui par définition sont composés de deux personnes. En réalité, vous cherchez à noyer le poisson. Vous faites de l'obstruction alors que la sérénité serait nécessaire dans ce débat important (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe RCV).

Mme la Garde des Sceaux - Le Gouvernement partage l'avis de la commission, puisque, en effet, l'article 6 du code civil dispose qu'aucun contrat ne peut être contraire aux bonnes moeurs. Or -je le répète à l'intention de M. Lellouche qui semble ne pas écouter bien qu'il ne lise pas de roman- le Pacs est non une institution, mais un contrat soumis, en tant que tel, à cet article.

L'amendement 286, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. le Président - A la demande du Gouvernement, les amendements 428, 427 et 429 sont réservés.

M. Bernard Accoyer - Depuis ce matin, tous mes amendements sont réservés. Au bâillonnement général de l'opposition par le Gouvernement, s'ajouterait-il maintenant un bâillonnement sélectif ?

M. le Président - A défaut de bâillonnement, convenez que la réserve demandée par le Gouvernement obéit à une certaine logique.

M. Renaud Donnedieu de Vabres - Je tiens à informer les parlementaires des conditions dans lesquelles les amendements ont été examinés par la commission.

Mme Véronique Neiertz - Vous n'étiez pas là !

M. Renaud Donnedieu de Vabres - La commission a été convoquée une première fois à 9 heures, puis une deuxième fois à 9 heures 30 (Interruptions sur les bancs du groupe socialiste). Lorsque je me suis rendu à cette deuxième convocation, la présidente de la commission ainsi que son rapporteur et certains commissaires présents m'ont dit que je m'étais trompé, que la réunion avait eu lieu à 9 heures et que la commission avait achevé ses délibérations. Dans ces conditions, comment pouvez-vous prétendre que la commission a travaillé de manière sereine ?

Mme Catherine Tasca, présidente de la commission des lois - Il n'y a eu qu'une seule et unique convocation de la commission et vous êtes effectivement arrivé trop tard. J'ai vérifié dans le feuilleton qui vous avait, disiez-vous, induit en erreur.

M. Thierry Mariani - Quand la convocation à la réunion de la commission a-t-elle été envoyée ? Personnellement, je ne l'ai reçue que la veille de la réunion à 18 heures ! Avouez qu'il n'est pas aisé, pour un député de province, de revenir à Paris en quelques heures.

M. le Président - Nous n'allons pas régler les problèmes de convocation de la commission des lois en séance publique ! Songez au spectacle que nous sommes en train de donner.

Mme la Présidente de la commission - Je suis très attentive au bon fonctionnement de la commission et la convocation a été faite le vendredi pour le mercredi matin. Or qu'il soit de province ou de Paris, chaque parlementaire prend au moins connaissance de son courrier tous les trois jours.

M. Thierry Mariani - La convocation n'a été diffusée que la veille de la réunion (Protestations sur les bancs du groupe socialiste).

Je voudrais revenir brièvement sur les débats auxquels ont donné lieu la loi relative au code de la nationalité et celle dite RESEDA. A l'époque, M. Accoyer et moi-même avions déposé des amendements pour exclure les futurs Pacs du champ d'application de ces textes. On nous avait alors dit que c'était inutile. Je constate, en lisant votre texte, que cela peut se révéler utile aujourd'hui !

Pour ce qui est de mon amendement 285, il tend à conférer une certaine sécurité juridique à la conclusion d'un Pacs en prévoyant la présence d'un notaire... Il calque les conditions de rédaction d'un Pacs sur celles applicables aux contrats de mariage.

M. le Rapporteur - La commission a repoussé cet amendement. L'article 515-3 répond partiellement à vos préoccupations puisque les partenaires devront déposer devant le tribunal d'instance, en même temps que leur déclaration, une déclaration conjointe organisant leur vie commune qui pourra être rédigée soit par eux seuls, soit avec l'aide d'un notaire ou de tout autre conseil juridique. Pourquoi obliger les personnes qui concluront un Pacs à faire une convention notariée alors que les personnes qui se marient sont dispensées de cette formalité ?

Quant à votre amendement 279, il renvoie à des règles générales du code civil qui s'appliqueront évidemment au Pacs puisqu'il s'agit d'un contrat.

Mme la Garde des Sceaux - Même avis.

L'amendement 285, mis aux voix, n'est pas adopté, non plus que le 279.

M. Jacques Kossowski - Pourquoi limiter à deux personnes la conclusion d'un Pacs ? Il se peut qu'un jour la polygamie soit acceptée dans l'esprit moderne des partisans du Pacs ! (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste) Plusieurs amis, étudiants ou membres d'une famille n'auraient-ils pas le droit d'avoir un projet de vie commune et solidaire ? Ces arguments montrent l'absurdité de votre proposition, qui justifie mon amendement 737.

M. Jean-Pierre Foucher - Notre amendement 845 a le même objet. Pourquoi, en effet, limiter le Pacs à deux personnes si il n'a pas pour objet de sceller une union sexuelle. Selon vous, plusieurs personnes d'une même communauté pourraient se "pacser" deux par deux, mais que se passera-t-il si cette communauté compte un nombre impair de membres ? De même, que faites-vous des fratries de trois, cinq ou sept frères et soeurs ? Et ne m'objectez pas qu'on peut craindre des dérives sectaires entre frères et soeurs !

D'autre part, la solidarité ne s'exercerait-elle qu'à deux ? Cette référence à la monogamie semble donc déplacée. Ou alors c'est qu'il s'agit bien d'un sous-mariage. Je rappelle qu'en droit français le mariage est le seul contrat qui ne puisse être signé qu'à deux.

Mme Christine Boutin - Je retire l'amendement 77. Mais je tiens à défendre tout à l'heure l'amendement sur les célibataires.

M. Jean-Louis Bernard - L'amendement 842 tend à remplacer les mots "physiques, quel que soit leur sexe" par : "de sexe différent". Dans notre subconscient, la notion de couple implique un homme et une femme. Ceci peut s'expliquer par nos traditions judéo-chrétiennes : il est dit que Dieu créa l'homme et la femme, pour faire corps l'un avec l'autre et donner la vie. Mais nous sommes ici au Parlement, et la loi laïque républicaine n'a pas à faire référence à des considérations religieuses. Cependant la Cour de cassation a toujours considéré qu'un couple est formé d'un homme et d'une femme. Je propose donc de la suivre en cela.

Mme la Présidente de la commission - Les amendements m'offrent l'occasion de réaffirmer clairement le sens du texte. Ce sont pour beaucoup des amendements de dérision et je le regrette. La proposition ne permet aucune perspective sur la polygamie ou les associations à plus de deux : il s'agit de légiférer pour les couples. Nous l'avons dit, un couple peut se composer de deux personnes de même sexe ou de sexe différent, et Mme Boutin elle-même a accepté cette double définition.

Ces amendements tendent à présenter sous un jour dérisoire ce que nous faisons. Une des grandes difficultés que nous avons à nous entendre, et peut-être à tenter ensemble d'améliorer ce texte, c'est que vous nous ramenez constamment à l'institution du mariage, pour nous reprocher, soit de ne pas assez nous en rapprocher et de ne pas assurer les mêmes garanties de sécurité, soit au contraire de créer un sous-mariage. Le texte tend à donner à des unions qui ne s'inscrivent pas dans le cadre du mariage un statut reconnu par la société. Il tend à faire entrer l'union libre, état de fait sans reconnaissance de droit, dans un cadre juridique. Ceux qui raisonnent constamment à partir du mariage ne peuvent se retrouver dans ce texte, ni contribuer à l'améliorer. Avis défavorable sur les amendements.

Mme la Garde des Sceaux - Défavorable.

M. Henri Plagnol - On nous a dit qu'il s'agissait de légiférer pour les couples, non pour les familles. Mais vous ne pouvez plus le prétendre dès lors que vous intégrez les fratries. Pourquoi l'avez-vous fait ? Parce que, dans vos propres circonscriptions, on vous a demandé pourquoi vous accordiez les avantages du Pacs à peu près à tout le monde, sauf les frères et soeurs. C'était évidemment indéfendable. Mais il y a une contradiction entre la logique des fratries et celle des couples. L'extension de ces avantages aux frères et soeurs devrait s'inscrire dans une modernisation générale du droit des successions, comme l'a bien démontré M. Devedjian. Et elle ne saurait être limitée à deux personnes, sinon vous allez créer toutes sortes d'inégalités successorales. On ne voit pas comment vous pouvez limiter le Pacs à deux, dès lors que vous le généralisez aux fratries. Ce point fait ressortir toutes les contradictions de votre texte.

M. Charles de Courson - Ces amendements posent un problème central. Le Pacs s'applique à trois catégories de personnes : les couples hétérosexuels, les couples homosexuels, les communautés de vie à caractère non sexuel. Et l'on voit dans le débat sur ces amendements que vous ne pouvez pas donner un statut unique à ces trois catégories. Si vous aviez voulu travailler sérieusement, il fallait faire un Pacs pour les couples hétérosexuels, et vous auriez trouvé avec nous un certain nombre de points d'accord. Vous savez que, même dans vos rangs, beaucoup n'auraient jamais voté un texte spécifique aux couples homosexuels. Et comme vous avez encore ajouté les communautés de vie à caractère non sexuel, nous sommes devant un monstre juridique. La justice sociale consiste à donner les mêmes droits à ceux qui assument les mêmes devoirs sociaux : ce n'est pas le cas de ces trois catégories (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF, du groupe du RPR et du groupe DL).

L'amendement 737, mis aux voix, n'est pas adopté, non plus que les amendements 845 et 842.

L'amendement 77 est retiré.

M. Richard Cazenave - Vous dites depuis le début que le Pacs n'a pas vocation à être un mariage bis, et vous avez même prévu de l'ouvrir aux fratries, curieusement limitées à deux personnes. L'amendement 198 de M. Estrosi tend à lever cette limitation quand il s'agit de membres d'une même famille. Si votre pacte s'appelle "civil" et "de solidarité", c'est bien qu'il s'adresse à d'autres personnes que celles qui sont liées par une relation sexuelle. Je ne vois donc pas ce qui s'oppose à l'extension proposée. La refuser poserait un problème constitutionnel au regard du principe d'égalité. Ce serait aussi avouer le caractère essentiellement sexuel du pacte. Il faudrait alors changer la dénomination de ce contrat, et il est dommage d'avoir réservé les amendements à ce sujet. S'il a une dimension sexuelle, il ne s'adresse pas aux concubins hétérosexuels : la législation actuelle leur en donne déjà presque tous les avantages, et pour le reste on pourrait le compléter. Il ne concerne pas non plus la majorité des coupes homosexuels, qui ne revendiquent pas de statut particulier. A qui donc s'adresse le Pacs, si ce n'est pas aux fratries ?

M. le Rapporteur - Rejet. Comme l'a rappelé M. de Courson, ces dispositions ne s'appliquent qu'à des couples. Cependant cet amendement pourrait éventuellement avoir sa place à l'article 10, qui étend certains des droits ouverts par le Pacs aux frères et soeurs -deux en l'état du texte- qui auront fait la preuve de leur vie commune.

Mais, en tout état de cause, il apparaît absurde d'élargir ces dispositions aux parents et aux enfants, comme vous le proposez : les relations entre ces derniers sont suffisamment codifiées.

Mme la Garde des Sceaux - Même avis.

M. Henri Plagnol - Monsieur le rapporteur, j'avoue ne pas comprendre qu'on "saucissonne" un contrat en en réservant certaines dispositions seulement aux frères et soeurs. Un contrat ne forme-t-il pas un tout ? Je suppose que, si vous avez imaginé un système aussi compliqué, qui a dû faire tiquer la Chancellerie, c'est qu'il vous fallait bien accorder certaines concessions à certains membres de la majorité, qui n'aurait pas voté le texte sans ces mesures en faveur des fratries, mais sans pour autant leur étendre l'ensemble des droits attachés au Pacs, car alors Mme le Garde des Sceaux n'aurait plus pu soutenir que ce pacte était réservé aux couples. Reste que vous le paierez d'une censure du Conseil constitutionnel !

M. Charles de Courson - Aux trois catégories que je distinguais tout à l'heure -la dernière étant la communauté de vie à caractère non sexuel-, l'article 10 en ajoute, presque, une quatrième : presque, car ce ne sera pas un véritable Pacs. Il n'est pas étonnant qu'on constate quelque trouble dans vos rangs ! Pourquoi ne pas rajouter une cinquième, puis une sixième catégorie ?

L'amendement 198, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Bernard Accoyer - La discussion de nos amendements a au moins le mérite d'éclairer des points que la brièveté du débat en commission avait laissés dans l'obscurité !

Notre amendement 426 est un amendement de repli : il fixe à 21 ans l'âge minimal requis pour conclure un Pacs. S'agissant d'un nouveau contrat, il nous est tout à fait loisible de déterminer une majorité appropriée. Or cela s'impose dans la mesure où le pacte peut être conclu entre deux personnes de même sexe. On sait aussi que la Grande-Bretagne a fixé, pour les relations homosexuelles, un âge minimal différent de celui que propose le rapporteur -16 ans. La nation, qui financera les avantages matériels consentis aux "pacsés" n'est-elle pas fondée à se préoccuper de certains risques de déviances : abus des dispositions fiscales liées au Pacs ou mise en péril de l'équilibre psychologique des enfants ?

Les avantages fiscaux offerts peuvent être tentants et ceux qui ont les moyens de se faire utilement conseiller pourraient être amenés à conclure un pacte avec des personnes jeunes, moins bien armées pour préserver leurs intérêts.

D'autre part, l'un des cocontractants peut être parent. Dans ce cas aussi, pour garantir l'équilibre de son ou de ses enfants, il convient que l'autre partenaire ne soit pas trop jeune. Les enfants ont besoin, pour grandir, de modèles à intérioriser, qu'ils peuvent trouver grâce à leur entourage ou aux relations dont ils ont l'exemple : qu'arriverait-il, comme s'en inquiète Guy Coq, si on leur imposait un modèle "unilatéral", c'est-à-dire où les rôles ne seraient pas répartis entre un père et une mère ?

On pourra "pacser" comme on va à Las Vegas : il sera possible de conclure ce contrat en quelques heures. C'est là une raison supplémentaire d'exiger une maturité suffisante et donc de porter l'âge minimal à 21 ans.

M. Thierry Mariani - Notre amendement 288 est un amendement de repli. Il fixe l'âge minimum à 18 ans révolus. Comment accepterions-nous qu'un mineur émancipé puisse conclure un Pacs ? On imagine tous les excès qui seraient alors possibles, d'autant qu'il n'y aura pas publication de bans et que l'opposition de tiers est donc exclue.

M. Edouard Landrain - Quant un texte n'a pas été examiné comme il convient, notre devoir est d'essayer d'y remédier et je défendrai donc notre amendement 843, Monsieur le Président, même s'il est identique au 288.

Il est inadmissible qu'aucune condition d'âge ne figure dans cette proposition. Je rappelle qu'un mineur, même incapable juridiquement, peut accomplir un acte juridique par l'intermédiaire de son représentant légal : ainsi un enfant de cinq ans peut parfaitement vendre ou acheter un immeuble. La loi doit clairement exclure cette hypothèse dans le cas présent.

M. Pierre Albertini - Les amendements 170 et 289 ont un objet purement politique. M. Michel a déclaré à plusieurs reprises que les dispositions générales relatives aux contrats s'appliquerait ipso facto Pacs, même si la proposition de loi ne le précise pas expressément. Or les dispositions relatives à la capacité de contracter sont éparses dans le code civil : si l'article 488 fixe la majorité requise à 18 ans, il faut par exemple se reporter à l'article 489 pour apprendre ce qu'il en est en cas de trouble mental et à l'article 1108 pour connaître l'immeuble des conditions de validité d'une convention.

Le droit a aussi une fonction pédagogique : il doit être le plus clair possible, notamment pour ceux qui ont quelques difficultés à en comprendre les subtilités. Je vous propose, même si c'est redondant, de compléter les mots "personnes physiques" par l'adjectif "majeures" (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF, du groupe du RPR et du groupe DL).

M. le Rapporteur - La commission a repoussé ces amendements.

Monsieur Albertini, il y a le texte, mais il y a aussi les travaux préparatoires et nos débats, qui l'éclairent.

Les conditions de capacité figurent dans le livre premier du code civil, aux articles 488 et 489. C'est la raison pour laquelle je me suis opposé aux amendements qui faisaient sortir les dispositions relatives au Pacs du livre premier, afin que ces deux articles s'appliquent ipso facto à ceux qui concluront un Pacs. D'ailleurs, Monsieur le Président, sans vouloir contester votre souveraineté, je considère que ces amendements auraient dû tomber dès lors que l'Assemblée a maintenu dans le livre premier les dispositions relative au Pacs.

Avec l'amendement 426, M. Accoyer me semble témoigner d'un manque de respect vis-à-vis de celui qui est aujourd'hui Président de la République et qui était Premier ministre en 1974, lorsque la majorité légale a été abaissée à 18 ans...

Mme la Garde des Sceaux - Je partage l'avis du rapporteur sur l'amendement 426 : depuis la loi du 5 juillet 1974, le code civil fixe l'âge de la majorité à 18 ans.

En revanche, l'amendement de M. Albertini pose une vraie question.

Il existe trois régimes différents d'incapacité. La minorité : les enfants de moins de 18 ans ne peuvent pas conclure un acte juridique. L'émancipation : un mineur âgé de 16 ans ou plus que ses parents émancipent peut contracter comme le ferait un majeur. Le régime propre au mariage : les mineurs, même émancipés, qui souhaitent contracter une union doivent obtenir le consentement de leurs parents.

Ce dernier régime est inapplicable au Pacs, celui-ci se différenciant fondamentalement du mariage.

M. François Goulard - Ce n'est pas sûr du tout.

Mme la Garde des Sceaux - En revanche, on peut hésiter entre les deux autres régimes. Si on privilégie l'idée que le Pacs est un contrat d'organisation matérielle de la vie en commun, il est logique qu'il puisse être conclu par un mineur émancipé. Mais il est vrai qu'au-delà de sa nature contractuelle, le Pacs présente une spécificité certaine puisque c'est un projet de vie commune, qui engage l'avenir ; il n'est pas certain que des parents, lorsqu'ils demanderont l'émancipation de leur enfant, auront en tête qu'il va lui être possible de conclure un Pacs. C'est la raison pour laquelle je suis favorable à cet amendement ("Bravo !" sur les bancs du groupe UDF). S'il est adopté, les amendements 288 et 843 deviennent sans objet.

M. Patrick Delnatte - On parle beaucoup de l'évolution de la société, mais en l'idéalisant : nous constatons tous les conséquences de la perte de valeurs et de repères, en particulier chez les jeunes. C'est pourquoi nous voulons les protéger. Le rapporteur nie les réalités ; la position du Gouvernement est plus sage.

M. Claude Goasguen - Après plusieurs semaines de discussion en commission, pendant lesquelles vous aviez, Monsieur le rapporteur, balayé nos remarques sur ces problèmes de capacité, la sagesse triomphe enfin. C'est dire l'état d'impréparation de ce texte (Protestations sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe RCV). Sur chaque alinéa, il nous faudra vous faire des remarques juridiques de ce type !

M. Jacques Floch - Une fois n'est pas coutume... Le groupe socialiste votera l'amendement de M. Albertini.

L'amendement 426, mis aux voix, n'est pas adopté, non plus que les amendements 288 et 843.

Les amendements 170 et 289, identiques, mis aux voix, sont adoptés à l'unanimité.

Mme Christine Boutin - Je retire mon amendement 75, ayant obtenu les réponses que j'attendais.

M. Thierry Mariani - Mon amendement 283 tend à compléter les mots "personnes physiques" par les mots : "vivant ensemble de façon notoire depuis au moins deux ans". Mon amendement 284, qui est de repli, à les compléter par les mots "vivant ensemble de façon notoire depuis au moins un an". Mon amendement 280, à les compléter par les mots "vivant effectivement sous le même toit".

En effet, nous devons tenter d'éviter les fraudes. Compte tenu, en effet, des avantages liés au Pacs, on risque de voir fleurir des annonces de ce type : "Jeune homme sans revenus cherche compagnon pouvant lui assurer gîte, couvert et menus plaisirs ; Pacs possible". Ou alors : "Accepte Pacs moyennant partage des bénéfices fiscaux du partenaire"...

M. le Rapporteur - La commission a repoussé les amendements 189, 283 et 284 pour des raisons de fond. Quant à l'amendement 280, il est inutile.

Mme la Garde des Sceaux - Défavorable. L'institution d'une condition de cohabitation préalable poserait le problème de la preuve et porterait atteinte à la liberté contractuelle.

Les amendements 283 et 189, mis aux voix, ne sont pas adoptés, non plus que les amendements 284 et 280.

Mme Christiane Boutin - L'amendement 78 corrigé est retiré.

M. Jacques Myard - L'amendement 76 remplace "quel que soit leur sexe" ou "de sexe différent". En effet, le Pacs appliqué aux hétérosexuels n'est qu'un prétexte pour reconnaître les couples homosexuels. Si vous aviez présenté des dispositions pour améliorer les conditions de concubinage, j'aurais été à l'écoute. Mais vous allez accorder des droits -et des créances sur la société- à des gens qui ne lui apportent rien (Vives exclamations sur les bancs du groupe socialiste). Vous ne pensez toujours qu'à distribuer des droits, c'est la pagaille mentale qui vous caractérise.

M. Thierry Mariani - Mon amendement 281 est identique -et contrairement aux apparences, il n'est pas contradictoire avec l'amendement 282 qui limitera le Pacs aux homosexuels. Je considère qu'à situations différentes, il faut des textes différents. Evitons la pagaille.

M. Christian Bataille - Vous êtes des obsédés !

M. Thierry Mariani - L'obsession est plutôt de votre côté. Les couples homosexuels ne peuvent être féconds : il faut donc des règles différentes de celles qui s'appliquent aux concubins hétérosexuels, car les enfants sont un enjeu important. Il faut absolument recentrer le débat pour que la nation reçoive un message clair.

M. Charles de Courson - Sur 100 couples hétérosexuels, 12 ou 13 vivent en concubinage -encore une bonne partie d'entre eux se marient-ils ensuite. 95 % des jeunes qui se marient ont vécu ensemble, et les concubins à vie sont une espèce rare.

Vouloir donner le même cadre juridique à trois catégories aussi différentes que les couples homosexuels, les couples hétérosexuels et les communautés de vie à caractère non sexuel, c'est une idée étrangère qui s'explique seulement par le fait que le rapporteur avait bien conscience qu'il n'arriverait pas à donner un statut juridique aux couples homosexuels sans y mêler les couples hétérosexuels.

L'amendement 691, qui est identique aux précédents, vise à recentrer le débat.

M. Bernard Accoyer - A la différence du rapporteur, à qui il faut reconnaître un objectif constant, légitimer l'union des homosexuels, le Gouvernement a manqué de courage en diluant les choses et en saisissant l'occasion pour accorder des avantages matériels aux couples de même sexe. A ceux-ci, le Pacs en réalité n'apporte rien. Je propose, par l'amendement 425, de réserver aux couples concubins hétérosexuels l'aide matérielle que prévoit le texte -6 ou 7 milliards selon Bercy-, car ce sont des couples en état de procréer, et donc de perpétuer la nation ainsi que la solidarité entre les générations.

M. Jacques Kossowski - L'amendement 735 est identique. Alors que notre société connaît une crise démographique sans précédent (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste), vous choisissez de donner un statut officiel aux couples homosexuels qui ne peuvent procréer. Pourtant, le manifeste "Pour l'avenir" du 8 octobre estimait que le nombre des naissances en France était insuffisant et que le vieillissement était gros de difficultés. Le manifeste a reçu le soutien de M. Hollande, de M. Hue, de M. Sarre et M. Chevènement lui-même avait signé en janvier 1996 un appel regrettant que la politique familiale ne favorise plus la constitution de familles stables. Je demande à certains collègues de gauche de mettre leurs actes en accord avec leurs discours ! Si vous reconnaissez aujourd'hui que deux homosexuels forment un couple aux yeux de l'Etat, comment leur refusez-vous ensuite le droit de se marier et d'avoir des enfants ? Pour l'instant, il n'en est pas question. Mais dans dix ans ?

Nous considérons, pour notre part, que l'homosexualité est une forme, parmi d'autres de sexualité et qu'elle relève donc strictement de la vie privée. Notre société garantit le droit de chacun au respect de sa vie privée. L'Etat n'a pas à s'immiscer, mais n'est-ce pas chez vous un vieux réflexe que de vouloir réglementer la vie de nos concitoyens ?

M. le Président - Les amendements 282 et 620, respectivement déposés par M. Dutreil et M. Mariani, sont identiques. M. Dutreil étant absent, je donne la parole à M. Mariani (Protestations sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL).

M. Thierry Mariani - Renaud Dutreil est actuellement hospitalisé. Il a demandé à certains de ses collègues de défendre ses amendements.

M. le Président - Vous allez le faire parfaitement bien !

M. Thierry Mariani - Je cède donc la parole à M. Dord (Protestations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe communiste).

M. Bernard Roman - Vous ne devriez pas parler ! Retirez d'abord ce que vous avez dit tout à l'heure, qui était scandaleux !

M. Dominique Dord - Je défends l'amendement de Renaud Dutreil. Il m'a demandé de défendre ses amendements.

M. le Président - Je souhaite un prompt rétablissement à Renaud Dutreil. S'il vous a donné des consignes, ce dont je ne doute pas, vous auriez dû les transmettre à la présidence, ce qui n'a pas été fait (Dénégation de M. Dord). J'ai considéré que comme il s'agissait d'amendements identiques et que chaque groupe s'était déjà largement exprimé, les amendements de M. Dutreil n'avaient pas à s'ajouter aux autres, suivant en cela une jurisprudence du Président Séguin. Cela étant, je vous donne la parole.

M. Dominique Dord - Mon groupe ne s'est pas exprimé sur le sujet. L'amendement 620 va de pair avec l'amendement 628. Le premier réserve le Pacs aux concubins homosexuels, le second aux concubins hétérosexuels. Ces deux catégories de personnes n'ont pas les mêmes besoins, notamment parce que les uns ont des enfants, les autres non. Un contrat identique pour les deux ne satisfera ni les unes ni les autres.

Enfin, à nos collègues qui estiment que nous faisons de l'obstruction, je fais observer que l'un de nos amendements, tout à fait important, qui précisait les capacités des contractants du Pacs, a été adopté avec l'aval du Gouvernement et enrichira donc le texte.

M. Bernard Birsinger - Beaucoup à droite disent n'avoir rien contre les homosexuels. A écouter ce qui vient d'être dit, je n'en suis pas convaincu.

Le Pacs contribuera à lutter contre les discriminations dont sont victimes les homosexuels. Notre amendement 1 vise à indiquer clairement que le Pacs est ouvert à tous les couples, hétérosexuels et homosexuels. Nous proposons donc de substituer dans le texte "quel que soit leur sexe" par "de même sexe ou de sexe opposé", afin de ne laisser aucun pouvoir d'appréciation à la jurisprudence sur ce qu'est un couple. Jusqu'à présent, cette dernière n'a jamais reconnu les couples homosexuels. Toutes les associations que nous avons nous ont bien dit que les homosexuels ne souhaitaient pas des droits spécifiques mais simplement les mêmes droits que les hétérosexuels. Nous remercions donc la commission d'avoir adopté notre amendement.

M. le Rapporteur - La commission a repoussé les amendements 282, 620 et 628 car le Pacs s'adresse à tous les couples, homosexuels ou hétérosexuels. J'observe que M. Mariani et M. Dutreil ont déposé chacun des amendements contradictoires, l'un indiquant que le Pacs est réservé aux couples homosexuels, l'autre aux couples hétérosexuels (Protestations de MM. Mariani et Dord). Mme Boutin en revanche a retiré, elle, un amendement du même type, exprimant par là son souhait qu'une solution soit trouvée aux problèmes des couples homosexuels, qu'elle n'a jamais niés -je l'en remercie.

La commission a approuvé l'amendement 1, dont la formulation est plus précise que celle du texte.

Mme la Garde des Sceaux - Le Gouvernement refuse tous les amendements tendant à réserver le Pacs aux couples hétérosexuels. Il accepte l'amendement de M. Birsinger qui améliore la rédaction du texte, soulignant que le Pacs s'adresse indifféremment aux homosexuels et aux hétérosexuels.

M. Thierry Mariani - Monsieur le rapporteur, ne caricaturez pas nos positions. Vous avez attaqué mon collègue Dutreil, je vais le défendre.

M. le Président - Il ne l'a pas attaqué. Il a simplement souligné qu'il avait déposé deux amendements contradictoires.

M. Thierry Mariani - M. Michel laisse entendre que l'opposition est incohérente alors qu'elle ne fait que remettre de l'ordre dans un texte incohérent. Nous avons déposé ces deux amendements car nous sommes fermement opposés à ce que l'on traite dans un même texte des couples homosexuels, des couples hétérosexuels, voire des fratries.

M. Dominique Dord - La jurisprudence constante de notre assemblée veut que lorsqu'un amendement est retiré, il puisse être repris en séance.

M. le Président - Mais lorsque l'auteur d'un amendement est absent, la jurisprudence du Président Séguin veut qu'il ne puisse être repris.

M. Dominique Dord - M. Michel, pour la troisième fois de la journée, est pris en flagrant délit de provocation (Vives protestations sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe RCV ; dénégation de M. le rapporteur). C'est votre droit mais ne vous reniez pas !

M. le Rapporteur - Vous me connaissez mal.

M. Dominique Dord - Vous essayez de faire croire que ces amendements sont contradictoires alors que je viens de vous expliquer l'origine de notre précision.

Je suis touché enfin par votre largesse de vues, ainsi que celle de Mme la ministre, qui viennent d'accepter de substituer à "quel que soit leur sexe", "de même sexe ou de sexe opposé", comme s'il existait un troisième état (Rires).

M. Jacques Floch - L'amendement 1, qui précise qu'un couple peut être de même sexe ou de sexe opposé, interdira à l'avenir une jurisprudence comme celle de la Cour de cassation. Voilà pourquoi il convient de l'adopter.

L'amendement 76, mis aux voix, n'est pas adopté, non plus que les amendements 205, 281, 425, 628, 691 et 735.

Les amendements 282 et 620, mis aux voix, ne sont pas adoptés.

L'amendement 1, mis aux voix, est adopté.

La suite du débat est renvoyé à la prochaine séance, qui aura lieu ce soir, à 21 heures.

La séance est levée à 19 heures 30.

          Le Directeur du service
          des comptes rendus analytiques,

          Jacques BOUFFIER


© Assemblée nationale


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