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Assemblée nationale

COMPTE RENDU

ANALYTIQUE OFFICIEL

Session ordinaire de 1998-1999 - 31ème jour de séance, 83ème séance

3ème SÉANCE DU VENDREDI 13 NOVEMBRE 1998

PRÉSIDENCE DE M. Raymond FORNI

vice-président

          SOMMAIRE :

LOI DE FINANCES POUR 1999 -deuxième partie- (suite) 1

La séance est ouverte à vingt et une heures trente.


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LOI DE FINANCES POUR 1999 -deuxième partie- (suite)

L'ordre du jour appelle la suite de la discussion de la deuxième partie du projet de loi de finances pour 1999.


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COMMUNICATION

M. Jean-Marie Le Guen, rapporteur spécial de la commission des finances - Le budget de la communication est satisfaisant.

Il progressera globalement de 2,6 % par rapport à 1998, pour atteindre 18 478 millions de francs. Cette hausse est assise sur une nette croissance des ressources publiques : la seule part du financement public représente 12 823 millions, soit une progression de 3,2 % supérieure à l'évolution moyenne de 2,2 % des autres budgets de l'Etat.

C'est également un budget de transition qui marque une inflexion dans la structure du financement du service public audiovisuel. Les ressources publiques prennent le pas de façon décisive sur les ressources de publicité et de parrainage annonçant les profondes réformes à venir.

La répartition entre les crédits budgétaires et l'apport de la redevance est claire. Ainsi, le financement public de France Télévision est assuré entièrement par la redevance, qui fait ainsi la preuve de son efficacité.

Car la redevance, quelles que soient les remises en cause récurrentes, reste à ce jour la source de financement sûre, pérenne et massive du service public. Elle rapportera 12 250 millions en 1999. A ce jour, personne n'a encore présenté une recette de substitution crédible.

Il faut le rappeler, la grande majorité des pays européens financent leur télévision publique par une taxe assise sur la détention d'un récepteur de télévision. Le montant de la nôtre est plutôt en-dessous de la moyenne des principaux pays européens.

La redevance est en fait une taxe parafiscale perçue au profit d'un secteur, celui de l'audiovisuel public, dont l'intérêt économique et social sert l'intérêt général. Sa nature juridique est donc parfaitement adaptée.

D'autres critiques portent sur le mode de recouvrement. Le caractère spécialisé du service de la redevance, compétent à la fois pour l'assiette et le recouvrement, serait responsable de sa faible productivité. Pourtant, le coût de son fonctionnement est estimé à 488 millions, soit 3,75 % des encaissements à répartir, ce qui est tout à fait compétitif. En dix ans le coût de la collecte de la redevance a progressivement diminué alors même que le niveau de recouvrement s'est amélioré. Il s'agit donc d'un service relativement performant.

De surcroît, son efficacité doit être mesurée à l'aune de son action de lutte contre la fraude comme de son action de recouvrement des produits constatés. Depuis 1989, l'objectif prioritaire du service en matière de contrôle a porté sur la recherche de postes non déclarés. De ce point de vue, la procédure de rapprochement des fichiers "redevance" et "taxe d'habitation", en particulier, a permis de faire progresser les encaissements annuels bien au-delà de l'effet de l'augmentation des taux. De 1991 à 1997 inclus, les recettes collectées ont augmenté de 41 % alors que le taux de la taxe a été revalorisé de 23,7 %.

Aussi, la fiscalisation de ce service ou son intégration à d'autres services fiscaux classiques ou à des entités extérieures ne sont sans doute pas opportunes.

Les modalités de recouvrement comme l'assiette de cette taxe parafiscale pourraient toutefois connaître des aménagements. A terme, les évolutions technologiques imposeront sans doute une évolution de l'assiette de la redevance. Nous disposons de quelques années pour y réfléchir. De la même façon, il conviendrait de réfléchir à une réforme de l'assiette destinée à la rendre socialement plus équitable. La redevance est actuellement un prélèvement obligatoire, assez injuste puisque son montant est le même quels que soient les revenus des téléspectateurs. Il conviendrait de la rendre plus équitable soit sous la forme d'une politique plus affirmée d'exonération, soit sous la forme d'une différenciation des taux applicables. On pourrait également envisager de renverser la charge de la preuve et de demander aux seuls foyers qui ne détiennent pas de téléviseurs de le signaler.

La remise en question du taux spécifique noir et blanc générerait des encaissements supplémentaires de l'ordre de 50 millions, est également envisageable.

Par ailleurs, la pratique du recoupement de fichiers pourrait être étendue aux données détenues par les diffuseurs satellites, les câblo-opérateurs et Canal +. Enfin, la taxation des foyers à double résidence doit être envisagée, au travers d'une évolution du dispositif réglementaire.

Venons-en maintenant au budget lui-même. La part de la redevance s'établira à 12 250,07 millions alors que les crédits budgétaires baissent à un niveau de 572 millions. La redevance représentera donc 95,5 % des ressources publiques consacrées à l'audiovisuel et deux tiers de la totalité du financement du secteur alors que son taux n'augmentera que de 1,2 %. Je souligne donc à nouveau l'excellent rendement de la redevance. En effet, la progression du montant de la redevance à répartir en 1999 (de + 569 millions de francs) dépasse de loin le seul effet taux (de +126 millions de francs), l'effet base représentant un apport supplémentaire de 443 millions.

Quant aux ressources publicitaires, elles connaissent une légère progression, pour atteindre 4,795 milliards, ce qui ne remet pas en question l'orientation générale du budget en faveur du financement public.

En 1999, le budget de France 2 s'élèvera à 5 316 millions, en progression de 2,5 %. Ses ressources publiques augmenteront de 4,9 %. Elles seront exclusivement constituées de l'apport de la redevance, tandis que les recettes de publicité et de parrainage n'augmenteront que de 0,3 %, ces dernières ne représentent que 50 % du budget de la chaîne. Ainsi, pour la première fois depuis sept ans le choix du Gouvernement en faveur du financement public permet un recul de la dépendance de France 2 à l'égard de la ressource publicitaire. Cette évolution se traduit également par une dotation pour mesures nouvelles de 158,2 millions. Ces choix budgétaires redonnent à France 2 les moyens de remplir son rôle de chaîne généraliste de référence.

Le budget de France 3 passera en 1999 à 5 849,2 millions et les recettes de publicité et de parrainage représentant un peu moins du tiers de ses ressources.

France 3 doit par ailleurs renforcer le caractère régional et local qui fait sa spécificité. Une mesure nouvelle importante de 68,1 millions sera consacrée à la poursuite du développement des programmes régionaux.

Le budget de la 5e s'élèvera à 803 millions, en progression lui aussi, et la part de la redevance y atteindra 96,4 %.

Le budget de la Sept-Arte s'établira à 1,04 milliard, lui permettant de retrouver une situation financière plus réaliste et équilibrée.

Le budget de l'INA est lui aussi en progression. Souhaitons qu'il lui permette d'assurer son nécessaire redressement.

Le budget de Radio France s'élève à 2,814 milliards de francs, dont 92,3 % pour la redevance. Je tiens à exprimer mon scepticisme quant à l'utilité de la station "Le Mouv'" dont l'audience est difficilement mesurable.

Le budget de RFO s'élèvera à 1 250,8 millions, dont 90 % pour la redevance, ce qui lui permettra de poursuivre sa régionalisation et sa redynamisation.

Quant à RFI, son budget est en réduction, du fait de la baisse de la part de redevance affectée à la chaîne.

En conclusion, j'évoquerai le budget de la presse. En la matière, le Gouvernement n'a pas infléchi ses engagements de l'année passée, alors même que le fonds de modernisation se met en place. Je souhaite néanmoins que l'Etat reste à l'écart des professionnels et développe avec eux un véritable partenariat.

Il est également nécessaire d'accroître l'aide au portage et aux quotidiens d'opinion.

L'audiovisuel connaît des mutations, notamment technologiques, très importantes. Un pôle public fort, dénué de complexes, et stable, est nécessaire face à un avenir incertain. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe communiste)

M. Didier Mathus, rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles - Le service public de l'audiovisuel sera réformé en 1999. Ce budget est donc un budget de transition. Il donne aux sociétés nationales les moyens nécessaires à leur développement tout en maîtrisant, dans un souci d'équité sociale, l'évolution de la redevance.

Le financement public croît de 473 millions qui seront pour l'essentiel consacrés au financement de mesures nouvelles. L'augmentation des moyens alloués à Arte et à la Cinquième est méritoire. Elle ne permet toutefois pas de compenser les restrictions budgétaires imposées par le précédent gouvernement.

Je voudrais également attirer votre attention sur l'importance des aides destinées à la presse hebdomadaire régionale qui constitue bien souvent le seul élément de pluralisme face aux monopoles que connaît la presse quotidienne.

Ce budget sera très différent l'année prochaine. Le service public de l'audiovisuel aura alors été réformé d'une manière ambitieuse permettant à l'Etat de garantir son avenir en prenant ses responsabilités d'actionnaire. Il nous appartiendra de veiller à ce que l'audiovisuel public dispose alors des ressources nécessaires à son fonctionnement.

C'est le cas pour 1999. Pour autant, le service public traverse une crise qui s'est traduite cet automne par le recul de son audience. Il s'agit d'une crise d'identité reflétée par le flou de la ligne éditoriale. Ainsi alors que le départ des animateurs -producteurs de France 2 avait été annoncé en juin, M. Sébastien est revenu à l'antenne contre toute attente.

Votre projet de loi, Madame la ministre, apporte un début de réponse à cette crise. Il précise en effet l'identité du service public face aux chaînes commerciales en diminuant le volume de la publicité diffusée sur son antenne et en engageant sa réunification, dans un contexte bien différent de celui qui avait justifié l'éclatement du monopole d'Etat.

Mais l'Etat dispose-t-il des moyens nécessaires pour être un actionnaire efficace ? Les crédits consacrés à l'audiovisuel sont en effet dispersés et la diversité des administrations en cause nuit souvent à la définition d'orientations claires. La nomination des présidents de chaîne par le CSA, véritable vache sacrée politique sur laquelle on ne peut revenir, conduit en outre à une situation bien singulière où l'actionnaire ne peut choisir le PDG gérant son entreprise.

Mes questions demeurent également en ce qui concerne le financement du secteur public. M. le Guen a souligné l'importance de la redevance. Si utile soit-elle, la redevance me paraît archaïque. L'évasion fiscale élevée à laquelle elle donne lieu en témoigne. Elle ne pourra donc assurer une croissance significative des moyens du secteur public. D'ailleurs, sa fixation à un niveau comparable à celui en vigueur chez nos partenaires européens, soit environ 1 000 F, ne rapporterait jamais que 4 milliards.

Votre budget, Madame la ministre, est un très bon budget puisqu'il assume une croissance de 2,5 % des ressources publiques consacrées à l'audiovisuel. Pourtant, parallèlement, le budget des chaînes privées croît au rythme de 5 à 8 % l'an. Le compte n'y est donc pas.

Les marges de manoeuvre sont limitées en ce qui concerne la redevance. Nous connaissons tous le manque de stabilité des crédits budgétaires en période d'austérité.

Toutefois, pour la première fois, le Gouvernement a annoncé un effort en faveur de la télévision publique. Et il a précisé que la baisse des ressources liée à la diminution de la publicité sera compensée.

La télévision publique est aujourd'hui reconnue, un récent rapport européen l'atteste, comme un facteur de régulation du paysage audiovisuel. Le temps est loin, de la loi Léotard, où elle fut dénoncée comme attentatoire aux libertés. Chacun est désormais conscient de la nécessité d'un effort de l'Etat pour limiter l'emprise de puissantes sociétés privées sur un espace essentiel pour la démocratie.

De nouvelles sources de financement sont donc nécessaires. J'ai proposé, avec quelques-uns de mes collègues, une taxe nouvelle.

M. François Baroin - Toujours des taxes !

M. le Rapporteur pour avis - Je suis convaincu que nous souhaitons tous garantir à l'audiovisuel public des ressources pérennes et pouvant accompagner sa croissance.

D'autres questions, notamment celles liées à la télévision locale et aux modes de régulation du secteur privé sont également importantes. Je rappelle en particulier que des engagements ont été pris concernant l'exclusivité de diffusion sur une plate-forme satellitaire exorbitante du droit commun et incompatible avec la vocation même du service public qui est d'être accessible au plus grand nombre. Je suis certain que le bon sens l'emportera.

Ce budget qui augmente plus vite que le budget marque une volonté forte de relancer le service public de l'audiovisuel... (Rires sur les bancs du groupe du RPR) ...dont la vocation doit être de rassembler 40 % des téléspectateurs.

Les engagements pris par le Gouvernement sont très positifs. C'est pourquoi la commission des affaires culturelles a adopté ce budget et vous demande d'en faire de même (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe communiste).

M. Christian Cuvilliez - L'importance des mutations que connaît le secteur de la communication vous a conduite, Madame la ministre, à élaborer un projet de loi d'orientation réformant le secteur public.

En effet, de nouvelles technologies ont porté la communication à l'échelle planétaire. Un mouvement de dérégulation a parallèlement conduit les Etats à se désengager. La France, depuis 1974, a connu cette évolution. Ainsi le service public n'a cessé de s'affaiblir alors que les groupes du secteur marchand se renforçaient.

Hier, le problème était de limiter le contrôle de l'Etat, du Gouvernement sur l'information, la création et la diffusion. Aujourd'hui, l'enjeu majeur pour la liberté d'information, et donc pour la démocratie, concerne le contrôle économique et financier des grands groupes de communication ; le problème de fond est l'organisation du secteur de la communication, à laquelle doit concourir votre projet de loi.

Cependant, au lieu du préfigurer et d'anticiper ce texte, ce projet de budget marque une fin de cycle.

Les ressources de l'audiovisuel public, qui avaient augmenté de 1,2 % seulement en 1997 mais de 3,28 % en 1998, progressent encore de 2,6 %. Mais les crédits budgétaires, ramenés à 572 millions, baissent de près de 23 % et sont intégralement affectés à RFI ; les autres organismes sont financés par la redevance, en hausse de 1,2 % et par leurs ressources propres, principalement la publicité. Comment, dans ces conditions, va-t-on demain financer la politique de communication par des crédits budgétaires ?

L'an dernier, j'avais souligné l'évolution défavorable depuis 1996 du taux de remboursement des exonérations de la redevance ; en 1999, le financement des exonérations va encore diminuer de 58,5 %, en ne représentant plus que 120 millions. En outre, l'augmentation prévue du produit de la redevance, soit 4,9 %, qui résulterait d'une amélioration du recouvrement et d'un accroissement du parc, paraît aléatoire.

La progression des ressources -publicité et parrainage- est fixée à 1,3 % : est-ce vraiment anticiper l'une des principales dispositions du projet de loi, la réduction du temps de publicité de 12 à 5 minutes par heure d'antenne ?

M. Laurent Dominati - La réponse est non.

M. Christian Cuvilliez - Sur les 18,5 milliards de crédits du secteur public de la communication, 473 millions supplémentaires vont être consacrés aux chaînes publiques, dont 334 millions pour les mesures nouvelles ; France 3 bénéficiera de la progression la plus importante. Les crédits destinés à la chaîne des régions suffiront-ils pour développer les programmes régionaux ?

Les ressources de l'INA sont en baisse de 5 %. Quelle est votre position sur le devenir de cet organisme, confronté à l'enjeu de la numérisation des documents audiovisuels, et sur ses missions de production et de recherche qui, depuis 1974, n'ont pas cessé de se réduire ? Que pensez-vous des réductions d'effectifs qualifiées d'inévitables par la direction ?

En ce qui concerne la SFP, nous avons cru percevoir votre volonté de mettre fin au processus de privatisation, mais nous n'avons aucune garantie quant à la pérennisation de son activité. Quelles sont vos intentions concernant cet établissement public, qui devrait selon nous constituer, comme l'INA, l'un des éléments du pôle de service public audiovisuel que vous nous proposerez ?

Les moyens de Radio-France progressent de 2,4 % mais le budget de RFI baisse de 1,2 % par rapport à 1998 et de 3,6 % par rapport au budget voté par le conseil d'administration. Cette évolution, qu'on explique par l'allégement du dispositif de diffusion en ondes courtes vers l'Amérique latine, le Proche-Orient et l'Europe centrale et orientale, est, néanmoins inquiétante au regard des enjeux auxquels RFI est confrontée -modernisation interne, nécessité de rétablir l'équilibre financier, mise en oeuvre d'un site internet d'actualité quotidienne, création de deux rédactions en langues africaines et développement du réseau FM.

L'an dernier déjà, Madame la ministre, j'avais souligné la nécessité d'un effort de l'Etat en faveur d'une radio de service public qui participe du rayonnement culturel de la France et de la francophonie ; j'appelle à nouveau votre attention et celle du ministre des affaires étrangères sur le devenir de cette société, la seule de l'audiovisuel public dont les moyens sont en réduction et dont on envisage encore d'amputer les crédits, au profit notamment de la télévision extérieure.

La presse écrite est confrontée à un double défi. Le premier est le développement des nouvelles technologies de l'information et de la communication, facteur de modernisation mais aussi de concurrence potentielle et de risques pour l'accès à l'information et la démocratie. Le deuxième est la concentration. A cet égard, nous notons avec intérêt votre volonté de protéger la presse française des investissements étrangers et de mieux contrôler les mouvements du capital des entreprises éditrices, afin de les protéger d'une prise de contrôle indirecte.

Nous nous félicitions de l'augmentation de 2,6 % des aides directes à la presse, à mettre en regard avec la baisse de 14 % enregistrée en 1997, ainsi que du nouveau développement du Fonds d'aide aux quotidiens nationaux.

L'an dernier, nous avions aussi porté une appréciation positive sur la création d'un fonds de modernisation de la presse alimenté par la taxe de 1 % sur le hors média. Nous souhaiterions connaître les critères d'attribution.

Avant de conclure, Madame la ministre, je voudrais vous interroger sur l'avenir de l'Agence France Presse, dont le statut original, ni privé, ni public, sans actionnaire garantit l'indépendance. Revoir à la baisse le montant des abonnements de l'Etat comme le propose le rapport Lépine, ce serait placer l'AFP dans une situation précaire.

Le groupe communiste, malgré les réserves et les observations que j'ai formulées, et dans l'attente des réponses que le débat sur le projet de loi devrait apporter, prend acte de la volonté politique que traduit ce budget, qu'il votera (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste et du groupe socialiste).

M. Laurent Dominati - Mes prédécesseurs à cette tribune ont dit qu'ils approuvaient ce budget, mais leurs interventions n'ont été qu'une avalanche de critiques... Je pense, Madame la ministre, qu'ils vous rediront tout cela lors de la discussion de votre projet de loi.

Si j'ai bien compris M. Le Guen et M. Mathus, le principal problème qui se pose au service public en crise est son financement. A quand la redevance à 1 000 francs, comme a dit M. Mathus, après l'un des membres de votre cabinet ?

Mes collègues de l'opposition m'ont laissé traiter le sujet le plus facile, l'audiovisuel public... Est-ce vraiment le même gouvernement qui prétend faire adopter le projet de loi Trautmann et qui en arrive à ce misérabilisme concernant le remboursement des exonérations de redevance et les dotations budgétaires ? C'est réellement un budget schizophrène... Comment se fait-il que vous n'ayez pas déjà vu les conséquences de l'annonce de votre loi ? Dès 1998, les rentrées publicitaires ne sont pas au rendez-vous...

Autrement dit, nous discutons d'un budget mensonger, qui ne correspond pas à la réalité des chiffres en notre possession. En outre, vous dites que ce budget est bon pour les programmes, alors que l'augmentation n'est que de 79,5 millions, sur une grille qui coûte 6 milliards... Le budget des chaînes publiques n'augmente que de 2 %, pendant que celui des chaînes privées progresse de 5 % et l'essentiel de cette augmentation va aux personnels.

Comment allez-vous, si votre projet de loi est adopté -ce qui est possible- faire passer les dotations budgétaires à France Télévision de 0 franc cette année à 1 ou 2 milliards l'année prochaine ?

Quelle chaîne publique est en bon état ? Quel éditeur de programme du secteur public est dans une bonne situation financière ? France 2 est en déficit de 100 millions, France 3 d'autant. Quant à Radio France, elle occupe une place à part, gagne de l'audience, mais elle est la seule dont le rapporteur a critiqué la gestion. La Cinquième-Arte sont toujours en déficit, mais leurs résultats s'améliorent. Toutefois pour la Cinquième, les investissements dans les programmes diminuent et les crédits destinés à la communication augmentent ! Oui, le secteur public est en crise, dans ses rédactions, ses personnels, ses programmes.

Prenons précisément le programme d'hier. Qui diffusait un magnifique film américain d'Andrew Davis avec Chuck Norris, TF1 ? Non, il était payé par la redevance et diffusé sur France 2 ! Il y avait aussi une série française. Etait-elle payée par la redevance ? Non, par la publicité et diffusée sur TF 1.

M. Michel Françaix - Vous étiez hostile aux quotas !

M. Laurent Dominati - Cela ne change rien !

Regardons un peu les émissions de l'après-midi. Amoureusement vôtre : service public, Amour, gloire et beauté : service public. Qu'y avait-il en face ? Une leçon particulière, téléfilm français d'Yves Boisset sur TF1. Rattrapage sur France 3 qui programmait aussi un téléfilm ? Dommage, il était américain, Marilyn et moi.

Il est vrai que le soir sur France 2, nous avions la chance d'avoir Envoyé Spécial avec un remarquable reportage consacré à la mairie de Paris qui, je suppose, était tout à l'avantage de l'opposition... (Sourires). Au moins vous, vous en avez eu pour votre argent. Il est vrai aussi qu'il y avait sur France 3 Christine Ockrent, avec France Europe Express, qui devait vous apporter quelque satisfaction. Il y avait aussi un reportage sur André Malraux, mais sur une chaîne privée, Odyssée.

Autre reportage remarquable sur Arte, sans doute à l'occasion de ce budget : soirée thématique Les nouveaux socialistes, de quoi j'me mêle -bonne question- : Gerhard Schröder, le chancelier du nouveau centre, la méthode Jospin. "Un an et demi de pragmatisme revendiqué et de modernisation concertée à la tête du Gouvernement". Cela s'appelle de la propagande, c'est sur Arte, c'est nous qui payons (Rires sur divers bancs) Voilà à quoi sert le service public !

Tout cela n'est pas grave, me dira-t-on, les programmes on les regarde peu, le "flou de l'identité" n'a pas grande importance. Et puis le ministère a commandé -toujours avec notre argent- un sondage pour connaître la légitimité du service public : 66 % des personnes interrogées estiment indispensable qu'il y ait des chaînes publiques car elles ont un rôle particulier à jouer. Je suis comme elles et aussi comme les 68 % qui pensent que France 2 et TF1 ont les mêmes programmes et que la première ne correspond plus vraiment à l'idée que l'on peut se faire du service public.

Aussi peut-on aussi se demander quel service on veut. S'agit-il de le renforcer face aux grands groupes ? Cette loi que vous avez concoctée pendant un an et demi, dont on pourrait se passer car l'essentiel pourrait être fait par décrets, quels seront ses effets ? "Renforcer le pluralisme", le Conseil d'Etat a déjà jugé. Votre intention est de mettre les chaînes publiques entre les mains du ministre de l'économie. "Renforcer France Télévision face à TF1 et M6", c'est pour cela que vous diminuez ses recettes publicitaires et donnez 1,5 milliard aux groupes privés... "Moderniser la réglementation", c'est-à-dire changer les structures du secteur public sans rien toucher au monde de la télévision, en particulier à la production qui nécessite pourtant un plan d'urgence.

Je vous mets en garde : le secteur public est en crise et votre loi comme votre inaction vont aggraver ainsi la situation. Vous menez une véritable opération de sabotage de France 2, au prétexte de sauver le secteur public. Une fois France 2 affaiblie, vous prétendez que l'on a tout tenté et vous demanderez à France Télécom de se porter à son secours.

Si vous avez en tête une privatisation ultérieure, j'aurais préféré que vous y procédiez directement, avec des chaînes en bonne santé.

Les rapporteurs ont posé d'excellentes questions, j'espère que vous saurez y répondre, mais cela suppose que vous changiez de loi. (Applaudissements sur les bancs du groupe DL, du groupe UDF et du groupe du RPR).

M. Christian Kert - Nous avons le sentiment, Madame le ministre, que votre main droite ignore ce que fait votre main gauche. L'une vous a permis de faire les totaux de vos crédits. La seconde vous a autorisé à écrire le texte d'un projet qu'après seize mois d'une préparation minutieuse et chahutée, vous envisagez de nous présenter en décembre. En fait, il aurait fallu que ce projet nous soit soumis avant ce budget. Comment, en effet, le qualifier de bon ou de mauvais alors qu'il se place dans une stratégie qui nous est inconnue ? Vous affirmez dans un grand journal du soir "les gens vous reprochent moins vos échecs que de ne rien faire." C'est cela : nous reprochons au Gouvernement de ne pas trancher. Nous lui avons déjà reproché de ne pas fusionner plus tôt la Cinquième et la Sept-Arte. Nous lui reprochons d'avoir trop tardé à présenter un texte dont vous disiez en juin 1997 qu'il serait aisé à rédiger... Aujourd'hui, nous vous reprochons de ne pas mettre en adéquation vos ambitions -rendre son indépendance économique au secteur public- et les réalités financières, en compensant les pertes par des ressources identifiables.

L'exercice budgétaire 1999 sera plus périlleux que vous le pensez car les ressources publicitaires ont déjà baissé dès l'annonce de votre texte. Pourtant, vos services ont prévu une augmentation de 2,2 % des ressources publicitaires et de parrainage...

Je n'ai pas tout compris de vos positions sur les simulations d'augmentation de la redevance. Certains des vôtres plaident pour une augmentation forte jusqu'à plus de 1 000 F -alors que certains d'entre nous, souhaitent sa disparition. Ni votre budget qui prévoit une faible augmentation de 1,2 %, ni votre projet n'abordent cette question qui a hanté quelques nuits du rapporteur pour avis qui a songé à une taxe sur les jeux. Faudra-t-il ouvrir des boîtes à poker pour financer une nouvelle version des Rois Maudits ? (Sourires)

Votre angélisme peut être dévastateur : privée de ressources publicitaires, la chaîne généraliste publique risque d'être obligée de diminuer sa qualité, perdant ainsi inexorablement ses téléspectateurs et se voyant poussée inéluctablement à la privatisation. Si cette solution donnait toute satisfaction à nos collègues de Démocratie Libérale...

M. Laurent Dominati - Pas comme ça ?

M. Christian Kert - ...elle n'est pas celle que souhaite l'UDF.

La ministre de la communication aurait-elle oublié la ministre de la culture ? Le rapporteur pour avis a souhaité nous rassurer sur le sort des deux chaînes culturelles et éducatives, qui ont un président commun, un canal hertzien commun, une identité commune -l'exception culturelle- mais qui ne sont pour l'instant que des soeurs même pas "pacsées" puisque le texte sur le Pacs n'est pas pour demain et que celui destiné à organiser leur vie commune, voulue par votre prédécesseur Philippe Douste-Blazy est resté coincé dans les oubliettes de la dissolution.

M. le Rapporteur spécial - De sinistre mémoire... (Sourires)

M. Christian Kert - Certes, les crédits de la Cinquième et de la Sept Arte augmentent de 2,9 %, ce qui pourrait paraître encourageant, mais ces deux entreprises restent handicapées par les économies qui leur ont été imposées en 1997, dans la perspective de la fusion.

Ce budget mettra en difficulté la Cinquième dont la nouvelle grille de programmes, jeune et créative, représente 15 millions de crédits supplémentaires quand l'accroissement des contributions et les glissements de prix font craindre autant de dépenses supplémentaires. Il me paraît prioritaire de veiller financièrement à ce que se poursuive la belle expérience de la banque de programmes et de services conçue par la Cinquième.

Avec un petit 0,4 % d'augmentation pour RFO, êtes-vous sûre de bien servir la cause de l'audiovisuel public au-delà de l'hexagone ? RFO manque cruellement d'argent pour la production locale car la demande est de plus en plus forte pour une télévision et une radio de proximité. Pour lancer la nécessaire décentralisation qui répond aux aspirations à l'émancipation dans ces territoires, il faudrait au moins 100 millions. Un mot par ailleurs sur l'imbroglio juridique autour de la seule télévision privée de Tahiti : Téléfénua qui risque de voir son autorisation d'émettre remise en question par un arrêt du Conseil d'Etat.

Les crédits de Radio France progressent afin d'assurer le financement des activités existantes. Il restera même quelque argent pour améliorer les programmes et développer des projets. Mais la rigidité de la structure de Radio-France ne permet pas de répondre pleinement aux contraintes de la qualité que l'on est en droit d'attendre d'une radio publique qui est en France, depuis des années, en situation de sous-financement, même si cette année votre budget permet de mieux faire face. Il ne sera toutefois pas suffisant pour financer les nouveaux supports de diffusion : Internet, où Radio France doit être présente, le téléphone mobile, les radios par satellite. Pourtant nous ne pouvons ignorer cette radio de demain, seule à même de résister aux progrès de la télévision, qui risque de devoir puiser plus largement dans la redevance.

Je laisse notre collègue Pericard s'exprimer sur la presse écrite. Je crois cependant nécessaire de redistribuer, à l'intérieur de l'aide au portage, une aide spécifique à la transmission de données numériques.

Ce budget de 1999 est une sorte d'iceberg. La partie émergée ce soir est celle qui risque le moins. Le danger est en-dessous, et à venir. Si nous ne votons pas vos crédits, c'est plus par crainte de la menace que font peser vos dispositions à venir qu'au vu d'un budget habilement présenté. Nous nous retrouverons ici en décembre (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF, du groupe DL et du groupe du RPR).

M. Michel Pericard - Etrange situation, qui nous conduit à examiner ce soir le budget de l'audiovisuel public dont nous discuterons la réforme dans un mois ! Je me réserve d'aborder le sujet ce jour-là et je m'en tiendrai aujourd'hui aux aides à la presse écrite, dont j'ai entendu avec surprise le représentant du groupe communiste estimer qu'elles augmentaient beaucoup. Il est vrai que cet après-midi les communistes ont déjà voté contre un budget du Gouvernement et qu'il leur est difficile de recommencer, il est vrai aussi que la subvention à L'Humanité s'accroît...

M. Christian Cuvilliez - Pas de persiflage !

M. Michel Pericard - Votre budget est en trompe-l'oeil, puisque les crédits supplémentaires sont inscrits sur des lignes virtuelles. Ainsi l'aide aux transports SNCF bénéficierait d'une augmentation de 7,4 % mais les millions supplémentaires doivent en fait permettre au Gouvernement d'honorer ses arriérés...

M. le Rapporteur spécial - Les vôtres !

M. Michel Pericard - ...auprès de la SNCF. Mieux encore, le Gouvernement a récemment dénoncé la convention qui le lie à la SNCF, sans concertation avec les professionnels concernés qui se demandent ce que devient cette aide. On appréciera la méthode !

La taxe de 1 % sur le hors média, réputé enrichir le fonds de modernisation de la presse française, n'a pas encore été mise en place par Bercy. Si elle voit le jour, son produit ne dépassera pas 120 millions, au lieu des 300 promis. Enfin on se targue d'augmenter les aides à l'expansion de la presse française à l'étranger. Or elles ne représentent que les deux tiers de ce qu'elles étaient il y a cinq ans, alors que les coûts de cette activité ont explosé. Quand on voyage à l'étranger, on constate la dramatique absence de nos journaux dans les kiosques.

Certaines décisions sont loin de faire l'unanimité, comme le remplacement, sans concertation, des allégements de charge téléphonique par le remboursement du fac-similé. L'ensemble de la presse regrette l'effondrement de 51,7 % de cette ligne budgétaire. L'aide au portage passe de 50 % à 75 % pour le développement, mais de 50 % à 25 % pour le stockage, ce qui pénalise les titres pour lesquels le portage est déjà très développé. Enfin votre ministère n'a rien répondu aux sociétés qui souhaitent financer des plans sociaux basés sur des congés-conversion et des pré-retraites, et non sur des licenciements.

Au total, cette partie de votre budget est dépourvue d'ambition et d'une vision globale pour la presse écrite. La diminution forcée des ressources publicitaires de France Télévision ne se reportera pas sur la presse écrite. Les annonceurs se tourneront vers le secteur privé, ou vers le hors media.

L'aide est très inégalement répartie entre les différents producteurs de presse. Les quotidiens régionaux et départementaux, relais de la démocratie, sont maltraités. Pourtant ils représentent la moitié de la presse d'information politique et générale.

Enfin il est un grand organisme dont on parle peu ici : l'AFP. Nous pouvons être fiers de cette grande agence, qui est la première en Asie. Pourtant, elle est en difficulté. Elle doit disposer d'un financement pluriannuel. L'indexation de la participation de l'Etat à 2,10 % est ici à peu près satisfaisante, mais il s'agit du paiement de fournitures, et non pas d'une subvention. Or prétendre que cette facture entre dans le cadre de l'aide à la presse est une flibusterie. L'agence est malade, ses charges augmentent trop vite, elle a besoin d'une réforme de fond.

Pour toutes ces raisons, le groupe RPR n'a pas hésité longtemps pour décider qu'il ne voterait pas votre budget (Applaudissements sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL).

M. Michel Françaix - Pour nos collègues de l'opposition, tout est simple : il faut dépenser plus et réduire le montant de la redevance. La réalité est plus complexe. Longtemps le secteur public de l'audiovisuel est resté le parent pauvre de la politique audiovisuelle, dont il est pourtant le coeur. Subissant la rigueur budgétaire jusqu'en 1997, il a manqué d'une stratégie de développement. Il a regardé naître le numérique avant de s'y lancer à la hâte. Désorienté par la volatilité de ses dirigeants, il a investi dans des programmes inutiles, et s'est donné à des producteurs dont le seul scrupule est une promesse d'audimat. Aujourd'hui encore, il paraît à la recherche de ses missions. L'ampleur de la crise de l'audiovisuel public pousse à relever le défi de la modernisation en s'appuyant sur les entreprises de communication audiovisuelle. Celles-ci bénéficient de fait de 334,5 millions de mesures nouvelles. C'est donc par une stratégie de développement à long terme que le service public audiovisuel saura retrouver son rôle et justifier l'attachement que les Français lui témoignent.

Il s'agit d'abord d'assurer le succès du service public dans le numérique, en investissant davantage dans les programmes proposés par la diffusion hertzienne numérique. Il s'agit ensuite de multiplier l'édition de chaînes thématiques publiques d'intérêt général. L'année 1999 doit permettre de préparer dans de bonnes conditions les réformes qui découleront de la loi que nous examinerons dans un mois.

Nous revenons de loin, car dans l'esprit de certains technocrates et de parlementaires de l'opposition, la télévision publique, c'est le passé. Face à la déréglementation américaine et à la puissance des industries de la communication, il faut préserver un système public fort.

Comme Dominique Wolton je pense que si la technique permet de fractionner la communication, les êtres humains veulent être reliés collectivement. C'est pourquoi les chaînes généralistes France 2 et France 3 conservent l'intérêt fondamental du grand public, car elles seules sont capables de rassembler tous les publics.

Vous avez fait le choix courageux de limiter la publicité sur les chaînes publiques. De fait, le service public est là pour chercher des programmes pour son public, pas du public pour ses annonceurs. Comment s'étonner que le niveau des programmes chute si le directeur de la publicité est assis sur les épaules du directeur des programmes ? La mission du service public est de former des citoyens et non pas des acheteurs. Reste à s'assurer que l'effet d'aubaine dont vont bénéficier TF1 et M6 soit bien affecté à la production.

La production française se porte bien grâce à la politique des quotas de production et de diffusion. En imposant rigoureusement les conditions d'une production nationale aux diffuseurs, le législateur de l'époque a fait émerger chez nous un professionnalisme incontestable. De TF1 à Arte, de Navarro à L'Instit', de Condorcet aux Guignols, le talent et l'exigence ont suscité une qualité bien plus grande que ne l'avouent ceux qui jugent la télévision en ne la regardant que rarement. Produire n'est pas imiter. Il faut savoir exprimer son identité tout en restant ouvert au monde, et étendre le rayonnement de la France en se souvenant que nous sommes les petits-fils de Molière, pas les enfants de Coca-cola !

Tout doit être fait pour conforter le compte de soutien aux industries de programme et la réduction des recettes publicitaires de France 2 et de France 3 ne peuvent être un simple cadeau aux chaînes privées : si l'on veut maintenir un équilibre, il faudra imposer à celles-ci une contrepartie, par le biais d'une taxe sur leurs recettes publicitaires et d'obligations de production supplémentaires.

S'agissant de la redevance, tout a été dit : elle croit de 1,2 % après avoir crû de 5 % l'an passé ; elle représente 9 F par téléspectateur cette année et, à 744 F, elle est beaucoup moins élevée que dans les autres pays européens ; enfin, elle contribue pour 66 % au budget de l'audiovisuel public. Mais il faut aussi prendre conscience qu'elle ne pourra croître guère plus vite que l'inflation, de sorte que le retard pris ne pourra être rattrapé. Il conviendrait donc que les exonérations soient normalement remboursées. D'autre part, le bon sens et l'efficacité administrative exigent l'abandon du système actuel de perception : il serait souhaitable que tous les foyers acquittent la redevance, sauf à déclarer sur l'honneur qu'ils ne détiennent pas de poste de télévision ou qu'ils relèvent d'un cas d'exonération. La fraude en serait fortement réduite et le produit de cette redevance croîtrait sans que son taux ait à être relevé excessivement. Rêvons : 2,5 milliards d'un côté, 500 millions de l'autre...

Pour les aides directes à la presse, l'effort est notable et la presse d'information bénéficie d'une priorité. M. Pericard a sans doute raison, une civilisation qui ne serait fondée que sur le verbe et sur l'image serait vouée à une forme de décadence et c'est pourquoi ces aides sont indispensables. L'intervention de l'Etat, comme l'a dit encore mon prédécesseur à la tribune, est une garantie, et non un carcan. Cependant, ces aides sont parfois disparates et peu sélectives ; égalitaires dans leurs modalités, elles favorisent trop souvent la reproduction des inégalités et ne contribuent pas assez à la création de journaux d'opinion. Elles devraient être différentes pour un quotidien d'information générale et pour un hebdomadaire à sensation, et varier selon l'importance de la publicité collectée. L'amendement de M. Le Guen permettra dans un premier temps de mettre à contribution une partie des ressources de hors-média au profit de la presse d'information générale : c'est une première étape, mais nous savons bien qu'il faudra aller plus loin et réfléchir, par exemple, à l'opportunité d'une aide aux transmissions de données numériques.

Ce budget de transition est un bon budget. Les crédits de la Sept-Arte augmentent de 2,9 % ; 7,9 millions iront à la banque de programmes de la Cinq, 10,2 millions à la modernisation de Radio France ; le budget de RFO, une hausse de 3 %, conforte le développement des programmes régionaux. Le monde de l'audiovisuel va passer de la pénurie à l'abondance. La libération des ondes, les chaînes thématiques, les télévisions locales ne remplaceront jamais le service public : au classique triptyqe distraire-informer-éduquer s'en ajoute un nouveau : réunir-servir-enraciner. Face à l'éclatement des programmes, à la surenchère commerciale et à la mondialisation de la création, les missions de ce service public sont plus essentielles que jamais. C'est pourquoi le groupe socialiste vous suivra, Madame la ministre, et votera votre budget ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste)

M. Henri Nayrou - Tout ayant été dit, j'ai le choix de mon propos et ce choix se portera sur deux thèmes : les radios associatives et la presse écrite.

Les radios associatives : retenu à Buenos Aires par la conférence sur les changements climatiques, Philippe Duron m'a demandé d'intervenir à sa place. Considérant que ces radios sont depuis 17 ans les supports de la citoyenneté locale, il rappelle que, bien qu'un peu oubliées, elles n'en touchent pas moins plus d'un million d'auditeurs chaque jour, grâce à l'action de milliers de bénévoles. L'évolution technologique les place aujourd'hui à la croisée des chemins ; pour relever le défi, elles auront besoin de financement nouveaux et M. Duron a relevé deux ressources possibles : les campagnes d'intérêt général lancées à l'initiative de divers ministères et l'appel au fonds de soutien à l'expression radiophonique, alimenté par une taxe parafiscale instituée par le décret du 12 septembre 1997. Ce fonds peut attribuer des aides à l'investissement aux radios classées par le CSA en catégorie A : hélas, ces aides viennent en déduction de celles qui sont destinées au fonctionnement.

Madame la ministre, si vous donnez satisfaction à M. Duron, je m'engage à lui faxer immédiatement la bonne nouvelle, le décalage horaire m'assurant de ne pas le réveiller !

La presse écrite, quant à elle, a laissé beaucoup de plumes dans l'assaut que lui ont livré les radios, la télévision, les concentrations puis, aujourd'hui, Internet. Ce sont, non des incantations mais des actes concrets qui lui rendront sa splendeur ! Je n'épiloguerai pas sur l'importance de la chose écrite pour la diffusion des idées et pour le débat démocratique : je me contenterai de relever que, si 85 % des Norvégiens lisent un quotidie, seulement 15 % des Français le font et que 2 milliards de recettes publicitaires à peu près ont basculé de la presse vers la télévision !

Reprenant après la dissolution le cours d'une mission d'information sur la presse écrite, nous avons entendu les représentants de divers syndicats. J'en tire la conclusion que chacun voit midi à sa porte et que l'Etat aura beaucoup de difficulté à réguler les aides. Le Gouvernement a cependant arrêté des priorités claires : 253 millions iront aux aides indirectes, soit une progression de 2,6 %, à quoi s'ajoutera pour près de 4 milliards le produit de la taxe sur le hors-média.

Comment comptez-vous "cible toutes aides pour ne pas donner le sentiment de distribuer de l'eau avec un panier ? Où en êtes-vous pour ce qui est de la publicité pour la presse à la télévision ? La France est le seul pays de l'OCDE à la refuser, mais le remède ne pourrait-il être pire que le mal ? La commission des finances du Sénat a décidé hier de reporter d'un an la réduction progressive du fameux abattement de 30 % dont bénéficiaient les journalistes mais, ce faisant, elle n'a fait que botter en touche. Dans la mesure où cette prime de chemise s'est transformée en cinquante ans en un élément de politique salariale, ne vaut-il pas mieux maintenir le principe des 50 000 F tout en fixant un plafond de ressources ?

Enfin, Internet vient modifier la donne, pour ce qui est de la propriété intellectuelle des journalistes : où placerez-vous le curseur ? Il est l'heure de boucler : j'ai terminé ! (Sourires)

Mme Catherine Trautmann, ministre de la culture et de la communication - Presse écrite et audiovisuel sont des piliers de notre démocratie, favorisant l'accès de tous au savoir, au divertissement et à la vie sociale. Il est donc de la responsabilité de l'Etat d'assurer leur développement dans des conditions qui garantissent le pluralisme de l'information et la richesse de la création.

L'année 1999 est à ce titre exemplaire : le Fonds de modernisation de la presse quotidienne viendra amplifier très sensiblement le soutien à la presse, en même temps qu'il complètera les réformes entreprises. L'examen du projet de loi relatif au secteur public de l'audiovisuel permettra tout à la fois de réaffirmer ses missions, d'adapter son organisation et de repenser son financement. La croissance de ce budget vient à l'appui de cette volonté de modernisation et je sais gré aux rapporteurs d'avoir analysé ces crédits sans rien relâcher de leur vigilance et en ouvrant plusieurs pistes intéressantes.

Dès mon entrée en fonctions, j'ai souligné la nécessité d'une action ambitieuse en faveur de la modernisation de la presse. Cet effort s'est traduit par l'adaptation et le renforcement des dispositifs d'aides budgétaires. Comme certains d'entre vous l'ont souligné, le développement des technologies de l'information représente un défi majeur pour les éditeurs ; l'accroissement des moyens du Fonds multimédia-presse a déjà aidé à mettre en oeuvre une trentaine de projets, et la dotation de 15 millions devrait contribuer à conforter la présence de la presse française sur Internet.

Pour l'aide au portage, la dotation passera de 15 à 50 millions, au bénéfice surtout des titres les plus dynamiques.

Les fonds spécifiques à la presse quotidienne nationale et aux quotidiens régionaux à faibles ressources publicitaires ainsi qu'aux titres de la presse hebdomadaire régionale, ont vu leurs crédits augmenter de 20 % en deux ans et, le 22 septembre, le président du syndicat de la presse hebdomadaire régionale a jugé appréciable la progression de 5 %, prévue pour le fonds d'aide à la diffusion pour l'an prochain.

Il s'agit bien d'instaurer une relation de partenariat entre l'Etat et les professionnels.

Au total, les efforts d'adaptation ont déjà porté sur les deux tiers des chapitres relevant des aides directes à la presse et les propositions budgétaires pour 1999 traduisent une progression de 2,6 % des aides directes, hors abonnements, de l'Etat à l'AFP.

S'agissant du fonds de modernisation de la presse quotidienne, je rappelle que sa création résulte de la conjonction de la volonté du Gouvernement et de l'initiative du Parlement. Sa mise en place sera effective au cours des toutes prochaines semaines : le décret précisant les modalités d'organisation du fonds devrait paraître début décembre. Dès les premières semaines de 1999, représentants de la presse et de l'Etat, qui composeront de manière paritaire son comité d'orientation, se réuniront sous la présidence d'un membre du Conseil d'Etat pour examiner les projets de modernisation qui leur seront soumis par les éditeurs. L'intervention du Fonds s'opérera par l'octroi de subventions et d'avances remboursables.

En 1998, la collecte au bénéfice du Fonds s'est révélée sensiblement inférieure aux prévisions. Mais dès 1999, ces recettes devraient augmenter très sensiblement pour atteindre 200 millions, contre 135 millions en 1998. J'attends de cette nouvelle ressource qu'elle suscite un véritable "effet de levier", en faveur des entreprises de presse.

Enfin, je ne saurais évoquer devant vous les perspectives d'évolution de la presse écrite pour 1999 sans aborder la situation de l'AFP, qui apporte chaque jour une contribution essentielle au travail des rédactions de l'ensemble des organes d'information.

La mission d'audit confiée en début d'année à l'Inspection générale des finances, a souligné les perspectives difficiles auxquelles est confrontée l'AFP, malgré la qualité de son outil de travail et le dévouement de son personnel. En décidant une progression de 2 % des moyens qui lui sont affectés, soit plus de 600 millions au total, l'Etat a donné à l'Agence les moyens nécessaires à la mise en oeuvre des mesures qui doivent permettre d'assurer son redressement.

J'attends maintenant que le projet de plan triennal, qui doit être présenté par la direction, permette de préciser très rapidement les termes du débat sur l'avenir de l'AFP. Le Gouvernement a déjà indiqué à son président les aspects qui lui semblent devoir être traités en priorité.

Concernant la réglementation applicable aux cessions dans la presse, je vous confirme que des dispositions seront prises, visant à clarifier les termes de la loi du 1er août 1986 en matière de transparence des opérations financières, afin qu'elles s'appliquent de plein droit aux opérations de prises de contrôle indirectes.

Enfin, s'agissant des dispositions fiscales applicables aux journalistes, une concertation approfondie a pu se développer entre mes services, ceux du ministère de l'Economie, et l'Intersyndicale des journalistes, afin de dégager une "solution équitable et durable". Elle prend la forme d'une allocation spécifique pour frais d'emploi, dont vous avez bien voulu valider le principe lors de la discussion de la première partie de cette loi de finances. Sur ce point, je ne suis pas loin de partager l'analyse de M. Nayrou.

Je partage également son souci concernant les radios associatives. L'instauration d'une aide à l'équipement ne remet pas en question le soutien au fonctionnement de ces radios. De surcroît, dans le deuxième texte de loi concernant l'audiovisuel, j'ai prévu de doter ces stations d'un statut qui leur faisait défaut jusqu'à maintenant, ce qui leur assurera sans doute une plus grande reconnaissance et renforcera leur position.

Quant à l'aide au portage, pour en terminer avec les aides à la presse, je rappelle qu'un fonds provisoire avait été créé en 1997. Le projet lui donne un caractère permanent et renforce significativement sa dotation, qui passera à 50 millions en 1999.

J'en viens maintenant à l'audiovisuel public. Ce budget est préalable à une réforme profonde, qui se concrétisera en matière financière avec le PLF 2000. Année de transition en termes de financement, 1999 sera une année-clef pour la réorganisation de l'audiovisuel public. Le Gouvernement n'a en effet pas souhaité, par respect pour le Parlement, proposer un budget anticipant une loi sur laquelle il ne s'est pas encore prononcée (Exclamations sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL)

1999 sera l'année de la mise en place des nouvelles structures de la télévision publique et l'élaboration des premiers contrats d'objectifs et de moyens.

1999 sera également une année décisive en ce qui concerne les relations sociales dans les entreprises. La convention collective actuelle ne permet pas à l'audiovisuel public de mener à bien l'indispensable modernisation. Elle définit par exemple très précisément les grilles de salaires en fonction des métiers. Ces grilles, qui datent de 1984, ne sont plus adaptées. Un accord récent permet désormais la révision à tout moment. Le Gouvernement a ainsi pu éviter de dénoncer unilatéralement la convention collective, au mois d'octobre. D'ailleurs, même en ce cas, la convention serait restée en vigueur et figée, pendant trois ans et demi. En choisissant la voie de la négociation, le Gouvernement préserve donc les chances de la nécessaire modernisation.

J'évoquerai ensuite le lancement des expérimentations de la télévision numérique hertzienne.

Le 14 septembre elles permettront à tous les acteurs d'avoir des renseignements technologiques très utiles pour l'élaboration de leur plan d'investissements.

Dans le développement de ces nouveaux services permis par la diffusion hertzienne numérique, le service public doit avoir les moyens de donner l'impulsion à l'ensemble du secteur, en développant de nouveaux services et de nouveaux formats, qu'il s'agisse de la télévision sur le réseau Internet, de services interactifs ou de programmes multimédias.

1999 sera donc bien la première année de mise en oeuvre de la réforme de grande ampleur qui vient d'être adoptée par le Conseil des ministres. Cette réforme correspond parfaitement à la conception du rôle du service public que défend le Gouvernement et qu'a exposée Lionel Jospin à Tours : "Au coeur du lien social, il est un des garants de l'égalité entre les citoyens. Le service public n'est ni archaïque ni dépassé".

Nous croyons profondément qu'un audiovisuel public fort constitue un outil irremplaçable au service de la démocratie, de la cohésion sociale, de la création culturelle et du rayonnement international. Un audiovisuel public puissant, c'est aussi un pôle d'équilibre pour l'ensemble du paysage audiovisuel national. En rupture avec les politiques précédentes, je ne pense pas que cette consolidation du PAF passe par la privatisation.

M. François Baroin - Il n'y a pourtant pas d'autre solution !

Mme la Ministre - Non, elle passe par un renforcement de la part des ressources publiques dans le financement de ces chaînes, par une réaffirmation de leurs missions de service public.

La refonte du financement que nous poursuivrons réduira la dépendance de la télévision publique à l'égard des recettes publicitaires et reposera sur une contractualisation pluriannuelle des relations entre l'Etat et les chaînes.

Le budget de l'audiovisuel pour 1999 augmente davantage que l'ensemble du budget de l'Etat. Cela illustre bien l'importance que le Gouvernement attache à l'existence d'un secteur public puissant et diversifié.

Le budget total du secteur public s'établira en effet à 18 milliards et demi en progression de 2,6 %. Celui-ci disposera donc des moyens nécessaires à son développement et à l'affirmation de son identité. L'augmentation de la redevance sera néanmoins limitée à l'évolution prévisionnelle des prix, soit 1,2 %. Elle passe ainsi de 735 à 744 F pour un poste couleur. M. Le Guen s'est interrogé sur la pertinence de la tarification distincte pour les postes noir et blanc. Celle-ci ne constitue pas un enjeu financier significatif puisque leur nombre a fortement diminué, passant de 2,8 millions en 1980 à 200 000 en 1998 et que ce mouvement devrait se prolonger. La suppression de la tarification spécifique frapperait de plus surtout des personnes âgées et modestes. Elle n'est donc pas opportune.

Les moyens des sociétés publiques augmentent de 473,2 millions dont 334,5 sont consacrés à des mesures nouvelles. Celles-ci serviront en priorité à améliorer les programmes. Elles auront donc une incidence visible à l'antenne.

M. Laurent Dominati - Non !

Mme la Ministre - Le budget de France 3 croît de 3,6 %, permettant d'amplifier la vocation régionale de la chaîne. L'avant première partie de soirée de la Sept-Arte sera également profondément modifiée pour assurer un meilleur enchaînement avec les programmes de la Cinquième. Le budget de RFO progresse de 3 %. Il importe que les coût fixes de cette société soient maîtrisés pour que ces moyens supplémentaires puissent être consacrés au développement de sa production propre.

Radio France dont les moyens augmentent de 2,4 % sera modernisée. L'offre de programmes sera améliorée, l'information devant être renforcée en particulier sur France Inter, et le renouvellement des publics devra être assuré.

RFI bénéficiera l'année prochaine d'une réduction substantielle de ses coûts de diffusion en ondes courtes, ce qui lui permettra de poursuivre son développement. La diminution du budget prévue pour 1999, dont s'est inquiété M. Cuvilliez, ne se traduit pas par une baisse des moyens de cette société. Des ressources consacrées à la diffusion en ondes courtes sont en effet libérées par le recours à la reprise en modulation de fréquences notamment en Afrique.

En ce qui concerne l'INA, l'année 1999 permettra de consolider ses ressources commerciales, de renforcer sa mission patrimoniale et de réorganiser ses activités autour du numérique. Son financement est assuré grâce à une progression importante des ressources publiques et notamment à une augmentation de 8,4 % de la redevance. Les crédits consacrés à l'INA augmentent donc de 4 %. La recherche ne sera pas remise en cause. Ses crédits passent même de 67,2 millions à 72 millions.

S'agissant de France 2, j'ai souhaité baisser la part des recettes publicitaires : le seuil symbolique des 50 % sera atteint cette année, grâce à une augmentation de 4,9 % des concours publics à la chaîne. Ce rééquilibrage n'empêche nullement les ressources de la chaîne de croître de 2,5 %, et de financer une amélioration de l'information et un accroissement des moyens consacrés à la fiction cinématographique et audiovisuelle.

M. Renaud Muselier - C'est Majax !

Mme la Ministre - Vous vous interrogez sur les incidences possibles dès l'année 1999 de l'annonce de la baisse de la publicité à partir du premier janvier 2000. Des déclarations des différents annonceurs ou des publicitaires, je retiens surtout l'ampleur de leurs divergences quant aux mouvements de marché. Dans ces domaines, chacun tient le discours qu'il a le plus intérêt à tenir et il ne faut pas prendre les déclarations de tel ou tel à la lettre.

Les chaînes privées peuvent bien sûr tenter d'influencer les annonceurs en leur faveur mais la prudence de ceux-ci devrait les conduire à consolider leur présence sur les écrans des chaînes publiques, qui seront ultérieurement plus rares, mieux exposés et donc plus recherchés (Exclamations sur les bancs du groupe du RPR). N'oublions pas non plus la très grande élasticité des recettes publicitaires des chaînes, notamment des chaînes publiques, aux variations de leur audience.

Le problème ne vient pas d'une loi qui n'est pas encore votée mais des programmes, et ce n'est certainement pas un membre du Gouvernement qui décide de leur contenu (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste ; exclamations sur les bancs du groupe du RPR).

M. François Baroin - Pas encore !

Mme la Ministre - M. Mathus a évoqué le budget de la Cinquième et de la Sept-Arte et a rappelé que la loi de finances pour 1997 avait été une loi contre le service public de l'audiovisuel. Les concours publics à France 2, à France 3, à la Cinquième et la Sept-Arte avaient été littéralement amputés. Je m'emploie depuis deux ans à restaurer la situation.

Quant à ce que nous disait tout à l'heure M. Dominati, je précise que les programmes augmenteront de 548 à 569 millions. Je l'invite à regarder les documents budgétaires.

M. Laurent Dominati - Ce sont eux que je cite ! Vous ne connaissez pas votre budget !

Mme la Ministre - Les charges de structure baissent de 59 à 57 millions.

Le rôle de la Cinquième et de la Sept-Arte est essentiel en matière de programmes éducatifs et de diffusion de cinématographie étrangère et de campagnes d'information.

Un accord avec les producteurs a été signé levant les incertitudes qui demeuraient.

Concernant la SFP, évoquée par M. Cuvilliez, je rappelle que nous avons garanti sa survie alors qu'elle était en dépôt de bilan. Elle est aujourd'hui compétitive grâce à nos efforts et surtout à ceux de ses personnels. J'ai donc confiance en son avenir.

Enfin, je souhaite évoquer un instant le cinéma et la production audiovisuelle. Les crédits du compte de soutien de l'industrie cinématographique et des programmes audiovisuels progressent en effet de 2,5 %, s'élevant pour 1999 à 2,49 milliards, dont 1,1 milliard sera plus spécifiquement consacré à la production audiovisuelle. Cela renforce les possibilités de production de programmes français, qui sont un des enjeux majeurs du développement du paysage audiovisuel et du rayonnement international de la culture française.

Ce budget prépare donc l'avenir. Il prépare une réforme qui reposera sur la compensation par des crédits budgétaires de la baisse des ressources publicitaires, et sur l'écrêtement de recettes consistant en effets d'aubaine.

Oui, tout cela permettra le renforcement du secteur public auquel nous sommes attachés et le développement de l'industrie française des programmes, qui est si vivement attendu par les téléspectateurs (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe communiste).

QUESTIONS

M. Christian Kert - Edouard Landrain, que les changements dans les horaires de nos travaux ont empêché d'être présent, m'a chargé de vous poser, Madame la ministre, des questions concernant le sport.

Il demande tout d'abord s'il ne pourrait pas être fait obligation aux chaînes publiques de télévision, voire aux chaînes privées, d'offrir des temps de passage gratuits pour la campagne de lutte contre le dopage.

Constatant, d'autre part, que certains sports, comme le cross country sont oubliés par la télévision, il demande s'il ne faudrait pas obliger les chaînes publiques à faire des reportages sur les championnats ou sur les épreuves les plus importantes.

Mme la Ministre - Il n'appartient pas aux diffuseurs publics de financer des campagnes d'intérêt général. Les labels "grande cause nationale" et "campagne d'intérêt général" attribués par le Premier ministre permettent d'obtenir, pour des campagnes faisant appel à la générosité publique, des diffusions gratuites ou à tarif préférentiel. Par ailleurs, les chaînes publiques sont régulièrement sollicitées pour diffuser des spots publicitaires ou des programmes courts, à titre gratuit ou à tarif préférentiel pour des campagnes d'intérêt général qui n'auraient pas obtenu ou sollicité ces labels ; c'est ainsi que des programmes sur les mines antipersonnel ont été diffusés gratuitement l'an passé.

Le ministère n'a pas été saisi à ce jour d'une demande d'inscription dans les cahiers des charges de dispositions relatives à la diffusion, de messages concernant la lutte contre le dopage ; au demeurant, elles relèveraient du domaine réglementaire et mériteraient une concertation entre les ministres concernés.

M. François Baroin - Nous sommes appelés à voter ce budget avant d'examiner le texte sur lequel vous travaillez depuis dix-huit mois et qui en est à sa quatrième ou cinquième version...A cet égard, MM. Le Guen et Mathus ont posé de bonnes questions et je les invite, en toute logique, à ne pas voter ce budget. La meilleure critique faite à votre texte est venue de vos rangs, par la voix de Jack Lang, qui a parlé de "réforme salami".

Pour ma part, je relève des contradictions dans vos propos. D'abord, vous avez dit sur RTL que pour financer le service public, il n'y aurait pas de hausse de la redevance, mais des crédits supplémentaires, sans que pour autant il soit nécessaire d'augmenter les impôts : comment est-ce possible ? Ensuite, vous avez dit qu'il fallait donner au service public la dimension du "vaisseau amiral" pour les compétitions internationales ; en même temps, vous expliquez qu'il faut rationaliser le fonctionnement. Pouvez-vous assurer les personnels qu'il n'y aura jamais de plans sociaux ?

Enfin, qu'allez-vous proposer aux journalistes pour compenser la suppression de l'abattement fiscal ? (Applaudissements sur les bancs du groupe du RPR et du groupe UDF)

Mme la Ministre - Vous n'avez sans doute pas bien entendu mes déclarations à RTL...

L'augmentation de la redevance accompagnera le développement des moyens des chaînes ; elle n'a pas de lien avec la baisse des ressources publicitaires, laquelle sera compensée par des crédits budgétaires ; ceux-ci représentant un millième des recettes de l'Etat, il ne sera pas nécessaire d'opérer une ponction fiscale supplémentaire.

M. Laurent Dominati - Sur quels budgets ferez-vous des économies ?

Mme la Ministre - Je comprends que vous soyez gênés, les gouvernements que vous souteniez n'ayant pas eu la même politique !

Vous, vous aviez laissé s'écrouler les crédits destinés aux programmes. Nous, nous menons une politique ambitieuse, courageuse, qui permettra de garantir le financement du développement technologique et des programmes. J'ai d'ailleurs entendu dans l'opposition plus de critiques que de propositions... (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste)

M. Olivier de Chazeaux - Je vous rassure, Madame la ministre, l'opposition vous fera des propositions lorsque votre projet de loi viendra en discussion... Mais alors que vous préparez cette réforme liberticide de l'audiovisuel, nous nous interrogeons sur les modalités de financement du secteur public ; je regrette que vous n'ayez pas apporté de réponse aux questions soulevées par Laurent Dominati.

Quelles seront les conséquences de la réforme de la taxe professionnelle ? Selon les premières évaluations, le surcoût serait de 100 à 120 millions pour l'audiovisuel public. Sur quelle ligne budgétaire ces dépenses supplémentaires sont-elles inscrites ?

Comment justifiez-vous les hausses de redevance au regard de la qualité des programmes ?

Comment pouvez-vous escompter 4,5 milliards de recettes publicitaires pour l'audiovisuel public, alors que l'annonce de la réduction de la durée de la publicité sur les chaînes publiques entraîne dès à présent des changements de comportement des annonceurs, et alors que le marché publicitaire s'essouffle ?

Mme la Ministre - Monsieur le Président, je constate que le temps de parole a été curieusement réparti : les questions se transforment en interventions...

M. Michel Pericard - Cela ne vous regarde pas !

Mme la Ministre - Vous parlez de texte liberticide, alors que nous rendons à l'audiovisuel public la possibilité de créer des programmes...

Au 30 septembre 1998, France 2 souffrait d'une insuffisance de recettes publicitaires de 27,5 millions, essentiellement en raison du fléchissement de l'audience à la rentrée.

Pour France 3, les recettes manquantes atteignent 68 millions mais on peut attendre 25 millions de plus-value de parrainage. France 3 a continué à subir les conséquences de la grève de fin 1997, ce qui nous a conduit à inscrire une dotation supplémentaire dans le prochain collectif. De même, c'est dans le collectif 1999 que seraient proposés, en cas de nécessité, d'éventuels aménagements des budgets de France 2 et France 3.

M. Lucien Degauchy - Baratin !

M. Patrice-Martin Lalande - Un colloque organisé en juin dernier à l'Assemblée sur les enjeux du multimédia pour la production musicale, a montré que l'explosion de la diffusion par des moyens numériques -réseaux câblés, hertziens, téléphoniques ou satellites, DAB- modifie en profondeur l'économie de la production musicale. Techniquement, il est possible d'enregistrer sur le disque dur de son ordinateur personnel relié au réseau, ou sur un CD vierge, une version enregistrée d'un disque disponible sur un site Web ou diffusé sur une radio numérique. Un système de distribution et de vente de musique par voie électronique se substitue ainsi progressivement au système de vente en magasins, sur des supports enregistrés.

Cette évolution peut porter un coup mortel à la création. Si l'un des objectifs culturels de la France reste de promouvoir la créativité musicale et la diffusion la plus large de nos auteurs et de nos artistes, les producteurs phonographiques doivent réaliser d'importants investissements. Pour maintenir la création, il faut préserver le "droit exclusif d'autoriser" des producteurs sur les utilisations qui seront faites par les nouveaux services, des enregistrements, y compris des téléchargements à domicile. Ce droit du producteur lui permet en effet de définir ses prix et de négocier les conditions commerciales applicables à l'utilisation de ses productions, comme tout producteur de films ou éditeurs de logiciels. Pour cela, il est essentiel, d'une part, de ne pas étendre la licence légale aux nouveaux services, d'autre part, de restreindre les cas d'exception pour copie privée. En effet, la copie numérique dont la qualité ne se dégrade pas, devient de fait substituable à la vente. Aujourd'hui, le régime applicable aux logiciels aboutit à ce que la copie privée numérique est soumise à autorisation.

L'enjeu pour l'industrie musicale est que la copie numérique ne soit pas concernée par l'exception pour copie privée. Pour autant, un système pour le CD vierge qui équivaudrait à une rémunération aux producteurs de 1,50 franc par CD, comme la négociation en cours peut le faire craindre, ne serait économiquement pas viable.

En outre, le droit exclusif ne sert à rien s'il n'est pas rendu effectif. Ceci passe sans aucun doute par des mesures au niveau européen pour réaffirmer le principe d'absence d'épuisement des droits de propriété intellectuelle en matière de commercialisation électronique de disques ou de vidéo.

Madame la ministre, quelles mesures comptez-vous mettre en oeuvre pour accompagner l'évolution de la diffusion numérique musicale, et donner à ceux qui le souhaitent les moyens de continuer d'investir dans la création française ?

Mme la Ministre - Vous appelez mon attention sur les dangers pour les producteurs de phonogrammes de la mise en place progressive d'un système de distribution et de vente de musique par voie électronique sur les réseaux.

Il est certain que les développements prévisibles de la société de l'information présentent des risques pour tous les titulaires de droits, en même temps qu'ils constituent une chance de plus large diffusion des oeuvres de nos créateurs. Il nous faut saisir cette chance tout en préservant leurs droits légitimes. Pour moi, il est très clair que la société de l'information ne connaîtra pas de développement durable sans contenus de qualité, ce qui passe par le nécessaire respect sur les réseaux des droits des créateurs, producteurs et diffuseurs qui en sont la garantie, en même temps que l'assurance de la préservation de notre identité culturelle.

Il faut donc accompagner ces évolutions techniques et économiques par les évolutions juridiques offrant les garanties nécessaires.

En ce qui concerne la licence légale et la rémunération équitable des producteurs de phonogrammes et des artistes interprètes, j'ai bien noté l'impact économique du numérique pour les producteurs, leurs inquiétudes et leur revendication d'un droit exclusif face aux développements de certains services sur les réseaux qui pourront être un jour complètement substituables à la diffusion des phonogrammes du commerce.

Cette question est importante sur le plan économique. Elle est délicate sur le plan juridique en raison de l'imbrication des droits de la radiodiffusion et des services à la demande. Elle doit donc être traitée dans la concertation. C'est que je m'emploierai à faire dans le cadre de la préparation de la directive relative aux droits d'auteur et droits voisins dans la société de l'information, sur la base des discussions déjà entamées avec tous les titulaires de droits par mes services.

En droit français, l'auteur ne peut s'opposer, dès lors que l'oeuvre a été divulguée, à ce que l'utilisateur en fasse une copie ou reproduction pour son usage privé, copie non destinée à une utilisation collective. Le principe est d'application générale et ne connaît d'exception que pour les copies d'oeuvres d'art destinées à être utilisées à des fins identiques à celles pour lesquelles l'oeuvre originale a été créée et les copies de logiciels ou de bases de données, dont la copie privée est interdite.

L'avènement du numérique et ses développements potentiels constituent un enjeu majeur pour tous les titulaires de droits -auteurs, artistes, producteurs- car la qualité de la copie numérique, véritable clone de l'original et les possibilités de reproduction et de diffusion à l'infini la rende complètement substituable à l'oeuvre originale, sans perte de qualité, à la différence de la reproduction analogique. C'est la raison pour laquelle le régime juridique de la copie privée numérique fait l'objet de réflexions approfondies dans le cadre des discussions communautaires en cours et sur le plan national, notamment à la suite du récent rapport du Conseil d'Etat.

Donner aux titulaires de droits celui exclusif d'autoriser la copie contre rémunération négociée, suppose que les outils techniques soient disponibles sous forme de codages informatiques incorporés dans les matériels ou les logiciels. Dans l'attente de garanties suffisantes du point de vue technologique et parce qu'il n'est pas possible d'interdire la copie privée numérique, je propose comme solution transitoire une disposition législative prévoyant un droit à rémunération pour copie privée dont l'assiette serait forfaitairement assise sur la commercialisation des supports de reproduction ou sur les abonnements des fournisseurs de services. Telle me semble aujourd'hui la seule voie pour ne pas risquer, à trop vouloir, de tout perdre. Mais je demeure attentive aux propositions de toutes les professions concernées afin de parvenir à une solution équitable. Votre question rejoint donc une des préoccupations brûlantes du moment.

M. Renaud Muselier - Je ne suis pas convaincu qu'un financement publicitaire important tire obligatoirement, pour la télévision publique, la programmation vers le bas. Un financement privé n'est pas nécessairement synonyme de "télévision paillettes" et d'un alignement sur la programmation des chaînes privées. C'est aussi le prix de l'indépendance à l'égard du pouvoir en place, pourvu que les chaînes publiques respectent les missions de service public que lui a assignées le législateur.

Dans le système actuel, le financement public repose entièrement sur la redevance, devenue pourtant totalement archaïque, anachronique et obsolète. Or je ne distingue dans ce budget nulle amorce d'une réflexion sur la refonte du dispositif de recouvrement de la redevance ou sur son remplacement.

L'audiovisuel est plus que tout autre un espace sans frontières. Désormais, l'information, la représentation du monde ne sont plus seulement transmises par la famille, l'école, la religion, Internet, mais surtout par la télévision qui brille par son objectivité, on l'a vu lors des grèves de 1995, dans l'affaire des sans-papiers ou à l'occasion du Pacs...

La tentation est grande pour de puissants groupes de communication -Bertlesmann, Kirch ou CNN, mais aussi les énormes groupes contrôlés par Ruppert Murdoch ou Bill Gates- d'essayer d'imposer leur propre vision du monde. Une télévision publique française, majoritairement financée par une taxe affectée totalement archaïque, pourra-t-elle efficacement faire face à cette mondialisation de la communication ?

Alors que dans votre propre camp, des voix affirment qu'il manquera trois milliards pour que les chaînes publiques fonctionnent normalement en 1999, votre budget contient-il réellement des éléments de nature à remédier au sous-financement de la télévision publique ?

N'aurait-il pas été par ailleurs plus logique de nous présenter votre projet avant ce budget ? (Applaudissements sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL)

Mme la Ministre - Je n'ai pas vraiment distingué votre question, mais je vais m'efforcer d'y répondre (Sourires).

Vous critiquez un projet, mais dans le même temps vous montrez tout l'intérêt d'une télévision déconnectée des intérêts commerciaux des annonceurs, qui cherchent moins à satisfaire l'intérêt général qu'à augmenter leur chiffre d'affaires. N'oublions pas en outre que le téléspectateur-consommateur supporte le coût des campagnes publicitaires, répercutées dans le prix du produit.

Les responsables de chaînes privées eux-mêmes ne voient pas d'un bon oeil les chaînes publiques rechercher toujours plus de recettes publicitaires. Le plafond transitoire instauré en 1999 ira dans le sens d'une plus grande indépendance du secteur public.

Le Traité d'Amsterdam confie aux Etats la responsabilité de décider de l'organisation, des missions et du financement de l'audiovisuel public.

Par quoi ceux qui qualifient la redevance d'archaïque et d'inutile veulent-ils la remplacer ?

M. Laurent Dominati - C'est bien la question que nous vous posons !

Mme la Ministre - Je rejoins les rapporteurs sur la nécessité d'en modifier le mode de perception, d'en améliorer le recouvrement, d'en modifier l'assiette. Mais il ne s'agit pas moins d'une bonne recette.

Pour vous, les télévisions publiques devraient être des entreprises à part, exemptes de conflits, donc de dialogue social, avec des règles et des programmes figés.

Nous défendons une télévision où la création et l'innovation soient présentes, et non pas des entreprises administrées, dont l'époque est révolue.

M. Lucien Degauchy - Nous verrons le résultat !

M. le Président - J'appelle les crédits inscrits à la ligne "Services du Premier ministre - Services généraux".

Les crédits des titres III et IV de l'Etat B, successivement mis aux vois, sont adoptés.

Les crédits du titre V de l'Etat C, mis aux voix, sont adoptés.

Les lignes 44 et 45 de l'Etat E, successivement mis aux voix, sont adoptées.

L'article 63, mis aux voix, est adopté.

M. le Président - Nous avons terminé l'examen des crédits de la Communication.

La suite de la discussion de la deuxième partie du projet de loi de finances pour 1999 est renvoyée à la prochaine séance qui aura lieu lundi 16 novembre, à 10 heures.

La séance est levée à minuit.

          Le Directeur du service
          des comptes rendus analytiques,

          Jacques BOUFFIER

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ERRATUM

au compte rendu analytique de la 2ème séance du mardi 10 novembre 1998

Page 4 (question de M. Roland Garrigues) :

au lieu de "l'implantation des communes", lire "l'implantation des commerces".


© Assemblée nationale


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