Accueil > Archives de la XIe législature > Les comptes rendus > Les comptes rendus analytiques (1998-1999)

Assemblée nationale

COMPTE RENDU

ANALYTIQUE OFFICIEL

Session ordinaire de 1998-1999 - 45ème jour de séance, 115ème séance

1ère SÉANCE DU JEUDI 10 DÉCEMBRE 1998

PRÉSIDENCE DE M. Yves COCHET

vice-président

          SOMMAIRE :

CONTRÔLE DE L'OBLIGATION SCOLAIRE 1

LIMITATION DE LICENCIEMENT 9

    ARTICLE PREMIER 22

    APRÈS L'ARTICLE PREMIER 22

    TITRE 23

La séance est ouverte à neuf heures trente.


Top Of Page

ADOPTION DE RÉSOLUTIONS PORTANT SUR DES PROPOSITIONS
D'ACTES COMMUNAUTAIRES

M. le Président - J'informe l'Assemblée qu'en application de l'article 151-3, alinéa 2, du Règlement, la résolution sur la proposition de lignes directrices pour les politiques de l'emploi des Etats membres pour 1999 (COM 1998 574 final/no E 1171), adoptée par la commission des affaires culturelles, est considérée comme définitive.


Top Of Page

CONTRÔLE DE L'OBLIGATION SCOLAIRE

L'ordre du jour appelle la discussion de la proposition de loi, adoptée par le Sénat, tendant à renforcer le contrôle de l'obligation scolaire.

M. le Président - Le rapport de la commission des affaires culturelles porte également sur la proposition de loi de M. Jean-Pierre Brard.

M. Patrick Leroy - Au moins 6 000 enfants de six à seize ans seraient aujourd'hui soustraits à l'école de la République et soumis à l'emprise de sectes. Outre les menaces qui pèsent sur leur santé physique et mentale, ces enfants sont victimes de propagande sectaire et soumis à une manipulation dogmatique sous couvert de programmes éducatifs originaux. Ils risquent d'être marginalisés et embrigadés, car ils ne disposent pas encore de l'esprit critique qui leur permettrait de conserver leur liberté de conscience.

Il faut donc renforcer le contrôle de l'enseignement dispensé à ces enfants, pour s'assurer que les valeurs fondatrices de la République, la citoyenneté et la laïcité au premier chef, leur sont bien inculquées. Le principe constitutionnel de la liberté de l'enseignement ne saurait justifier le laxisme dans le contrôle du droit de tous à l'instruction que proclame le préambule de la Constitution du 27 octobre 1946. La France est également tenue d'appliquer la convention internationale relative aux droits de l'enfant qui précise, dans son article 29, que l'éducation de l'enfant doit viser à favoriser l'épanouissement de sa personnalité et le développement de ses dons. Cet article prévoit par ailleurs explicitement que l'éducation dispensée dans les établissements d'enseignement privés doit être conforme aux normes minimales prescrites par l'Etat.

Or ces normes, fixées par la loi Ferry de 1882, la loi Goblet de 1886 et la loi Debré de 1959, apparaissent aujourd'hui trop lâches. C'est pourquoi la commission d'enquête de l'Assemblée nationale sur les droits de l'enfant en France avait préconisé de renforcer le contrôle de l'enseignement dispensé aux enfants non scolarisés. C'est pourquoi, aussi, M. Jean-Pierre Brard et les députés membres du groupe communiste et apparentés ont déposé une proposition de loi tendant à renforcer le contrôle de l'obligation scolaire. Il s'agit de la reprise, presque à l'identique, d'une proposition de loi adoptée à l'unanimité par le Sénat le 29 juin 1998 avec l'accord du Gouvernement.

Ce texte concerne uniquement le grave problème des enfants éduqués par les sectes. Il n'est en effet impossible de viser explicitement les organisations sectaires, car elles n'ont pas de définition juridique précise. Il ne s'agit pas non plus d'ouvrir un débat plus général sur l'obligation scolaire.

Le texte du Sénat prévoit que le contrôle de l'obligation scolaire sera tout d'abord renforcé en rendant plus strictes les modalités de la déclaration que doivent faire les parents qui choisissent d'instruire leur enfant dans la famille. Cette déclaration devra désormais être faite chaque année, lors de chaque changement de domicile et aussi lorsqu'un enfant est retiré d'un établissement d'enseignement en cours d'année.

Les enfants instruits dans la famille seront également soumis, dès la première année et au moins une fois par an, a un contrôle de l'autorité académique pour vérifier que leur droit à l'instruction est respecté. Par ailleurs, les maires mèneront tous les deux ans une enquête sociale sur les conditions de l'instruction dispensée dans la famille. En cas de conclusions négatives et au terme d'une procédure contradictoire, les parents seront mis en demeure d'inscrire leur enfant dans l'établissement d'enseignement de leur choix.

En ce qui concerne les établissements d'enseignement privés hors contrat, le texte adopté par le Sénat autorise les autorités académiques à évaluer l'enseignement qu'ils dispensent et leur impose de respecter l'objet de l'instruction obligatoire. Ce contrôle, qui pourra avoir lieu une seule fois par an, sera laissé à la libre appréciation de l'inspecteur d'académie. On peut regretter ce caractère facultatif quand, dans le même texte, le contrôle annuel des enfants instruits dans leur famille est rendu obligatoire.

Par ailleurs, il est institué une procédure contradictoire de vérification, puis de mise en demeure de l'établissement par les autorités académiques. Les parents des élèves pourront aussi être mis en demeure d'inscrire leur enfant dans un autre établissement de leur choix en cas d'avis défavorable. Il ne faudrait cependant pas que les délais fixés soient trop longs, pour ne pas retarder l'enclenchement de l'action judiciaire lorsqu'elle est nécessaire.

Enfin, le texte adopté par le Sénat prévoit de durcir les sanctions pénales relatives au manquement à l'obligation scolaire et au défaut de déclaration d'instruction dans la famille. Il est également proposé de créer un nouvelle infraction délictuelle incriminant les directeurs d'établissement privé qui ne respecteraient pas, dans les classes hors contrat, l'objet du droit de l'enfant à l'instruction. Est également prévue la possibilité de mettre en cause la responsabilité pénale des personnes morales, c'est-à-dire des organisations sectaires soutenant un tel enseignement.

Ce texte marquera un étape importante dans la lutte contre les sectes. Certes, son dispositif pourrait être amélioré et l'efficacité des contrôles encore renforcée, car je ne suis pas convaincu par les réserves faites au nom de la liberté de l'enseignement sur le contenu de laquelle le Conseil constitutionnel ne s'est d'ailleurs jamais prononcé. Mais il faut aller vite car l'avenir de milliers d'enfants est en jeu. C'est pourquoi la commission vous demande d'adopter ce texte sans modification.

L'école de la République doit être privilégiée pour promouvoir l'autonomie de l'enfant, l'épanouissement de sa personnalité et son ouverture sur le monde extérieur. Elle seule permet en effet de transmettre l'esprit des Lumières face à l'obscurantisme des sectes. De manière plus générale, il faut engager résolument la lutte contre les facteurs d'exclusion qui amènent beaucoup trop d'enfants à déserter l'école (Applaudissements sur tous les bancs).

Mme Ségolène Royal, ministre délégué chargé de l'enseignement scolaire - A l'heure où la France célèbre le cinquantenaire de la déclaration universelle des droits de l'homme, je me réjouis tout particulièrement que l'Assemblée nationale légifère sur le renforcement de l'obligation scolaire, qui constitue une formidable avancée dans l'affirmation du droit de tous les enfants à l'instruction et à l'éducation.

La proposition de loi qui vous est soumise ce matin en première lecture émane -pourquoi ne pas le rappeler- de l'opposition sénatoriale et je tiens à souligner à quel point les débats ont permis d'enrichir le texte initial, qui a été adopté, au Sénat, à l'unanimité.

C'est dire que le débat qui s'engage dépasse les clivages partisans ; il concerne, en effet, la protection de tous nos enfants contre l'embrigadement sectaire. Et, fait exceptionnel, si l'Assemblée adopte cette proposition de loi en termes identiques à ceux du Sénat, le texte sera immédiatement applicable.

Le renforcement de l'obligation scolaire est une ardente nécessité. Chaque année, plusieurs milliers d'enfants sont privés du droit élémentaire à l'instruction par la défaillance des mécanismes de contrôle.

Le sénateur Nicolas About a ainsi indiqué que, l'année dernière, les gendarmes qui perquisitionnaient les locaux d'une secte dans la Drôme ont découvert sur les lieux plus de cinquante enfants en âge d'être scolarisés, dont la présence n'aurait pas été déclarée en mairie. Autrement dit, des enfants sans droits.

Il est donc urgent et nécessaire que la loi garantisse à tous les enfants en âge scolaire le droit à l'instruction, qu'ils soient instruits dans la famille ou dans des établissements privés hors contrat dans lesquels les contrôles sont, pour l'instant, limités à l'hygiène et à la sécurité des locaux, aux diplômes et à la "moralité" du directeur.

Afin de donner à la proposition de loi toute sa force, le Gouvernement a jugé nécessaire d'y insérer sous forme de "préambule" deux points fondamentaux.

Le premier rappelle le droit de chaque enfant à bénéficier d'une instruction, conformément au préambule de la Constitution de 1946. Le second proclame la nécessité d'assurer prioritairement l'instruction au sein des établissements d'enseignement, afin que la loi, qui date du XIXème siècle, ne soit plus détournée et que tout enfant puisse jouir de son droit à l'instruction.

Bien souvent en effet, au nom de l'instruction dans la famille, des enfants sont maintenus dans un état d'inculture et d'ignorance, ou pire encore, embrigadés, aliénés, maltraités. Des gourous affirment la nécessité de l'éveil de l'enfant aux plaisirs pour mieux en abuser, certains les privent de leur autonomie pour mieux les asservir et d'autres, enfin, n'hésitent pas à sacrifier leur vie. Dans les milieux intégristes ou obscurantistes, on s'oppose aussi à la scolarisation des filles.

Tout cela est inacceptable, et la loi doit garantir à tous les enfants en âge scolaire le droit à l'instruction sans détournement possible. Il suffit pour cela de s'appuyer sur les fortes exigences de la convention des droits de l'enfant, par laquelle les Etats signataires reconnaissent le droit de l'enfant à une éducation de nature à favoriser l'épanouissement de sa personnalité -en reprenant la définition qui en est donnée à la fois par l'ordonnance du 6 janvier 1959 et par la loi d'orientation du 10 juillet 1989.

C'est ce dispositif qui a été adopté à l'unanimité par tous les groupes politiques du Sénat.

A la fin du XXème siècle, les contrôles opérés par l'inspection académique ne doivent plus se borner à vérifier, comme au XIXème siècle, que l'enfant sache lire, écrire et compter. Ils doivent aussi porter sur la réunion des conditions d'épanouissement de sa personnalité grâce à une ouverture sur le monde lui permettant de devenir un citoyen libre et autonome.

Il est nécessaire d'assurer prioritairement l'instruction au sein des établissements d'enseignement. En effet, l'école est le creuset de la citoyenneté.

La scolarisation des enfants au sein d'institutions leur apprenant que les citoyens reconnaissent l'autorité des lois de la République, et non le pouvoir absolu d'un individu, d'un groupe ou d'une caste, et leur enseignant le respect des différences et le sens de l'égalité, est un droit fondamental de la personne humaine.

L'école est le lieu où l'enfant apprend, comprend, découvre et c'est aussi l'endroit où il se confronte à l'autre et apprend à le respecter.

Tel est le sens profond de l'obligation scolaire : garantir à chaque enfant les conditions d'un développement autonome de ses facultés et notamment de son esprit critique pour le préparer à l'exercice actif d'une citoyenneté responsable.

L'éducation des enfants a toujours été une responsabilité partagée entre l'Etat et les familles. La liberté de conscience implique la liberté d'instruction. Toutefois, la liberté n'est pas l'absence de loi et le devoir de protéger l'enfant s'impose à chacun de nous, particulièrement à l'heure où le désarroi moral fait parfois le lit du fanatisme et du sectarisme.

C'est pourquoi il est nécessaire d'affirmer dans la loi que l'instruction doit être prioritairement assurée dans les établissements d'enseignement.

Certes, l'instruction dans la famille recouvre parfois des réalités dramatiques, s'agissant d'enfants malades ou lourdement handicapés. Renforcer l'obligation scolaire nous impose donc d'être capables d'accueillir dans les établissements d'enseignement, comme je m'y suis engagée, le plus grand nombre possible de ces enfants.

La liberté des choix doit être respectée et la possibilité d'instruire l'enfant dans la famille reste ouverte. Il faut toutefois veiller à ce que cette liberté de choix ne se retourne pas contre les enfants en aboutissant à une violation de leurs droits à l'éducation.

Il ne faut pas non plus que la loi en encadrant l'instruction par la famille banalise celle-ci et permette son utilisation par les sectes.

Le dispositif mis au point par le Sénat évite tous ces écueils.

En effet, il renforce le contrôle de l'obligation scolaire qui repose sur un processus clairement balisé.

Dès qu'un enfant atteindra l'âge de 6 ans, la famille devra l'inscrire dans un établissement d'enseignement ou expliquer au maire et à l'inspecteur d'académie pourquoi il ne l'est pas.

Cette déclaration, obligatoire et dont l'omission sera sanctionnée d'une forte amende, entraînera une enquête de la mairie. Débarrassée de son aspect "sommaire" prévue par les lois du XIXème siècle, celle-ci aura pour objet de vérifier la réalité des raisons avancées par les personnes responsables de l'enfant et de s'assurer que sa situation est compatible avec son état de santé et les conditions de vie de la famille.

Le préfet, en sa qualité de représentant de l'Etat, pourra se substituer à l'autorité municipale défaillante.

L'inspecteur d'académie qui disposera du rapport du maire, devra une fois par an, dans un délai de trois mois après la rentrée, vérifier que l'enseignement prodigué est bien conforme au droit de l'enfant à l'instruction, défini à l'article premier.

Le contrôle pourra être opéré, notamment mais pas exclusivement, au domicile des parents de l'enfant. Cela permettra de convoquer le mineur dans un autre lieu que son domicile où il sera beaucoup plus libre de s'exprimer.

En l'absence de mesures suffisantes, l'inspecteur d'académie pourra saisir le procureur de la République sur la base du délit de mise en péril des mineurs faisant encourir aux personnes responsables de l'enfant qui se sont refusées à l'inscrire dans un établissement d'enseignement une peine de six mois d'emprisonnement et de 50 000 F d'amende.

Le contrôle des établissements d'enseignement hors contrat portera quant à lui sur les conditions dans lesquelles l'enseignement est dispensé aux élèves. La mise en demeure éventuelle notifiée au directeur de l'établissement le contraindra à les adapter sous peine de poursuites pénales. Je rappelle que la décision de fermer un établissement n'appartient pas à l'autorité administrative mais au juge judiciaire, gardien des libertés individuelles.

La scolarisation est un droit fondamental de l'enfant qui doit, dès son plus jeune âge, être en mesure d'apprendre et de rencontrer l'autre pour devenir un citoyen libre et éclairé. Interdire à des milliers d'enfants, comme c'est le cas aujourd'hui en France, d'exercer ce droit revient à les exclure de l'humanité et à les livrer à l'obscurantisme. Cinquante ans après l'adoption de la déclaration universelle des droits de l'homme, il nous faut aujourd'hui proclamer le droit de tous les mineurs à l'instruction et à l'éducation dans le respect des libertés qui fondent notre République

La représentation nationale, si elle adopte cette proposition, peut compter sur moi pour prendre très rapidement les textes d'application nécessaires notamment pour donner aux inspecteurs d'académie les moyens de faire respecter ces droits fondamentaux (Applaudissements sur tous les bancs).

M. Jean-Pierre Brard - Je remercie nos collègues du Sénat de leur travail, pour une fois plus rapide que le nôtre, et nous nous honorons de reprendre leur proposition en cette veille de Noël.

Les choses ont bien changé en matière de sectes. Je ne vois plus dans une des tribunes les plus prestigieuses de notre assemblée où elle avait réussi à s'introduire, Mme Gounord la "gourelle" de la scientologie.

Il aura fallu la mort d'un bébé de 29 mois dans une "communauté" des Hautes-Pyrénées, par suite de malnutrition et faute de soins, pour reposer le problème de la situation des enfants vivant au sein des sectes.

L'expérience prouve que l'école peut contribuer à protéger les enfants contre les sectes. Mais il n'y a en France qu'une obligation d'instruction et non une obligation de fréquentation scolaire.

Des enfants peuvent donc être instruits dans une famille appartenant à une secte.

En outre, les organisations sectaires s'appuient sur les facilités offertes par notre législation pour ouvrir des établissements scolaires hors contrat, ce qui favorise l'implantation sur notre sol de toutes sortes de communautés sectaires.

Les enfants nés dans une secte, ou qui y ont été amenés par leurs parents, sont complètement coupés du monde extérieur et d'abord du système scolaire.

Le 29 juin dernier au Sénat, le rapporteur, Jean-Claude Carle, parlait de 1 000 enfants instruits dans des familles appartenant à des sectes et de 3 600 instruits dans des établissements privés qui entretiendraient des liens avec des sectes, soit 4 600 enfants en tout.

A l'évidence, nombre d'enfants échappent à ces statistiques faute d'avoir été déclarés en mairie par leurs parents.

En outre, des centaines d'enfants sont inscrits au centre national d'enseignement à distance pour des raisons dites religieuses, mais qui, en fait, relèvent parfois du comportement sectaire.

Enfin, au moins 30 000 à 40 000 enfants de familles membres des Témoins de Jéhovah, scolarisés dans des établissements relevant de l'Éducation nationale, reçoivent une double scolarisation dans les trop fameuses "Salles du Royaume".

L'enfant devrait pouvoir bénéficier d'une éducation lui permettant de devenir un membre à part entière de la société. Les Témoins de Jéhovah pratiquent au contraire un enfermement qui se traduit par de nombreux interdits, comme de participer à une association quelconque, d'être délégué de classe ou de participer au vote, ou encore de célébrer les anniversaires et les fêtes.

Cela nuit à l'épanouissement des enfants, qui implique l'ouverture sur le monde.

La liste est longue des sectes dont les enfants sont les premières victimes.

Les enfants assujettis à ces groupes en rupture avec l'environnement social et scolaire sont embrigadés et placés sous le contrôle non de leurs parents naturels, mais sous celui d'un gourou. Ainsi, Mme Narootai Salve, alias Sri Mataji, la "gourelle" de la secte du Sahaja Yoga, dit aux mères : "Vous ne devez pas vous attacher à votre enfant : c'est mon travail. Ces enfants sont les miens, pas les vôtres. Trop d'attachement aux enfants est un signe de dégradation".

Le pseudo-révérend Moon en dit tout autant : "Chaque mère devrait considérer son enfant comme son ennemi".

En outre, bien des témoignages font état de suivis médicaux insuffisants, de privation de sommeil, de repas irréguliers, et d'atteintes à l'intégrité physique.

A la secte de la Citadelle, les enfants sont soumis à une nourriture très frugale, avec des jeûnes répétitifs.

Chez les dévots de Krishna, sous prétexte d'un régime végétarien, les enfants sont victimes d'une alimentation carencée.

Les Témoins de Jéhovah, en dépit de l'air bonasse de leurs prédicateurs, ont une attitude criminelle quand ils refusent la transfusion sanguine, même si la vie de leurs enfants est en danger.

Les enfants sont battus dans la secte "Tabitha's Place", dans celle de la "Citadelle" on les frappe avec une ceinture pour chasser les démons, ou encore chez les "Enfants de Dieu".

Des viols ont été perpétrés sur des mineurs dans la secte du Mandarom et chez les Raëliens. Des enfants ont été soumis à la pratique de la prostitution dans la secte des Enfants de Dieu. Enfin, le crime d'inceste a été observé chez des Témoins de Jéhovah. Trois de ses membres, accusés de non-dénonciation de ce crime, ont bénéficié d'un traitement de faveur de la part de la justice, puisqu'ils ont été condamnés seulement à trois mois de prison avec sursis.

Il devenait donc urgent de se doter d'outils plus efficaces pour améliorer la protection des mineurs.

Le renforcement du contrôle de l'obligation d'instruction conforme aux valeurs de la République constitue un premier pas concret dans cette lutte contre l'emprise liberticide des sectes (Applaudissements sur tous les bancs).

M. Bourg-Broc - Cette proposition, présentée au Sénat, par l'opposition, y a été adoptée à l'unanimité et elle est inscrite à notre ordre du jour par le groupe communiste : c'est le symbole d'un consensus intelligent de la représentation nationale pour lutter contre le phénomène sectaire et, plus précisément, contre l'embrigadement des plus jeunes, qui n'ont aucun moyen de résister ou de s'échapper.

Les dispositions prévues permettront aux pouvoirs publics de mieux cerner le nombre d'enfants concernés et leur donneront de bons outils. Au-delà même du problème des sectes, elles permettront de mieux contrôler le niveau de l'éducation à domicile pour les handicapés, les itinérants et les autres enfants élevés par leur famille. Cet aspect est important à l'heure où le développement des nouvelles technologies va sans doute multiplier le nombre des élèves étudiant chez eux.

Si ce texte répond dans l'ensemble à l'attente du groupe RPR, je m'interroge cependant sur la façon dont, pratiquement, les maires et les inspecteurs d'académie vont l'appliquer. La loi oblige déjà les familles qui veulent instruire elles-mêmes leur enfant à le déclarer en mairie quand l'enfant atteint l'âge de 6 ans et le maire est censé diligenter une enquête à 8, 10 et 12 ans. Tous les maires ici savent qu'il n'en est rien. A Châlons-en-Champagne, la ville dont je suis maire, nous n'avons enregistré que deux déclarations en dix ans et nous n'avons pas diligenté la moindre enquête.

Il n'y a aucun moyen réel de vérifier que tous les parents font la déclaration imposée par la loi. L'obligation de contrôle s'étendant à l'âge du collège, n'aurait-il pas été plus judicieux de la confier au préfet ?

Les inspecteurs d'académie doivent contrôler à la fois l'acquisition des connaissances et le développement de la personnalité des enfants élevés dans les familles et les établissements hors contrat. Comment vont-ils procéder à ces contrôles annuels ? Selon quelles normes vérifier le développement de la personnalité ?

Il faut bien voir qu'il s'agit, non plus d'une obligation de moyens, mais d'une obligation de résultat : or, en ce qui concerne les savoirs de base -lire, écrire, compter-, l'enseignement public et l'enseignement privé ne garantissent pas ce résultat : on estime à 20 % le nombre d'élèves entrant en 6ème sans maîtriser ces savoirs. Quelles seront les conséquences de l'article 1A sur ces enfants ?

Si on considère qu'il y a obligation de moyens pour l'enseignement public et privé sous contrat et obligation de résultat pour l'enseignement privé hors contrat ou familial, c'est un traitement pour le moins inéquitable. Je souhaiterais, Madame le ministre, votre réponse sur ce point.

Je félicite les parlementaires à l'origine de cette proposition. La lutte contre les sectes et l'embrigadement des plus jeunes doit recueillir l'assentiment général. Le groupe RPR votera ce texte (Applaudissements sur tous les bancs).

Mme Catherine Picard - Il est urgent de protéger les milliers d'enfants qui, sous couvert d'éducation dans la famille, sont en fait scolarisés dans des écoles de sectes. Jean-Pierre Brard vient de décrire les exactions qui y sont commises.

A la suite du travail effectué par nos collègues sénateurs, et par le groupe parlementaire d'études sur les sectes, nous allons pouvoir développer la lutte contre les abus de ceux qui, sous couvert de pratiques éducatives, nuisent à l'instruction et à l'épanouissement des enfants.

La loi du 10 juillet 1989 dispose que le droit de l'enfant à l'instruction a pour objet de lui garantir, d'une part, l'acquisition des instruments fondamentaux du savoir et des connaissances de base, d'autre part, de développer sa personnalité, élever son niveau de formation initiale et continue et l'aider à s'insérer dans la vie sociale et professionnelle.

Mais comment en vérifier l'application pour les enfants éduqués "dans la famille" ou dans les établissements hors contrat ?

Aujourd'hui, les seuls contrôles dont ils font l'objet sont fondés sur la loi Ferry de 1882. Nous ne pouvons nous contenter d'exigences scolaires datant du XIXème siècle : savoir lire, écrire et compter. Cela ne permet pas de soustraire aux intégrismes, aux violences, à l'abrutissement volontaire et à l'embrigadement plusieurs milliers d'enfants.

La nouvelle démarche de contrôle proposée dans ce texte est pleinement satisfaisante.

Tout en respectant le principe de liberté des parents dans le cadre de l'instruction obligatoire, elle affirme que cette liberté ne peut s'exercer au détriment du citoyen en devenir. L'éducation doit préparer l'enfant à assumer ses responsabilités dans la société, comme l'affirme l'article 29 de la déclaration internationale des droits de l'enfant.

Nous devons donner une portée opérationnelle à cette déclaration. L'Etat a donc le devoir d'assurer aux enfants l'application effective de ce droit.

C'est aussi au nom de ce droit que les enfants malades ou gravement handicapés sont autorisés à être scolarisés dans la famille. Il ne s'agit pas de revenir là-dessus : au contraire, l'objectif premier de ceux qui assurent le suivi pédagogique de ces enfants est de les préparer, si leur état de santé le permet, à réintégrer un établissement scolaire. Il est donc naturel que ce texte réaffirme que les établissements d'enseignement assurent prioritairement l'instruction obligatoire.

Il ne s'agit pas non plus de sanctionner les quelque centaines de parents qui font le choix d'éduquer eux-mêmes leurs enfants, dès lors qu'ils le font dans l'intérêt réel de ceux-ci : les pouvoirs publics ont le devoir de s'en assurer.

Il nous est proposé un bon compromis entre ces deux aspects de l'obligation scolaire.

Mais je voudrais appeler votre attention sur les enfants scolarisés par le CNED, le centre national d'enseignement à distance.

Cet établissement étant public, il ne fait l'objet d'aucun contrôle.

Or, dans certains cas, le recours à l'enseignement par correspondance sert à soustraire les enfants à l'obligation scolaire. Il serait particulièrement utile de fixer les critères justifiant un recours à l'enseignement à distance et de contrôler, par exemple, l'invocation de la "phobie scolaire" sur simple certificat médical. Il nous faudra être vigilants, car les sectes sont très promptes à utiliser toutes les failles du contrôle.

Le groupe socialiste souscrit pleinement aux nouveaux dispositifs proposés. En impliquant les autorités municipales pour le suivi général de la famille et les corps d'inspection de l'Éducation nationale pour le contrôle pédagogique, nous allons construire un système efficace. En imposant que la déclaration des parents et les contrôles soient renouvelés chaque année, nous éviterons à beaucoup d'enfants d'être laissés dans un état d'abandon éducatif, et en étendant les contrôles aux établissements hors contrat -qui ne représentent pas plus de 5 % des établissements privés-, nous limiterons les "arnaques" dont sont victimes des parents trop crédules, d'autant que les sanctions prévues sont dissuasives.

Notre combat contre les sectes est fondé sur l'idée que l'Etat, sans se substituer à l'individu dans ses choix de vie, doit garantir à l'enfant qu'il pourra les faire librement. C'est donc dans le strict respect de la laïcité que se place notre travail de législateur. Le groupe socialiste votera donc cette proposition de loi (Applaudissements sur tous les bancs).

M. Christian Kert - Le rapporteur de cette proposition de loi devant le Sénat a eu raison de dire qu'il s'agissait d'un texte modeste et limité, mais réaliste et applicable.

Renforcer le contrôle de l'obligation scolaire, c'est confirmer la place essentielle de l'école dans la construction d'une société ouverte et responsable. L'école est le lieu où l'enfant découvre le monde et fait l'apprentissage de la citoyenneté ; l'instruction en famille, qu'elle soit ou non sectaire, doit demeurer une exception. A cet égard, certaines précisions devront être apportées.

Il n'était pas possible de s'en tenir à des dispositifs plus souples que, pour la plupart, nous avons expérimentés sans succès. Il apparaît en particulier que le fait de suspendre le versement des allocations familiales non seulement n'est pas efficace, mais donne aux familles le sentiment d'être libérées de toute contrainte à l'égard de la société. Il y a quelques années, dans ma circonscription, on a découvert près d'Aix-en-Provence une quarantaine d'enfants installés dans une villa, tous déscolarisés, mais certains inscrits à un centre de téléenseignement ; tous étaient inconnus des services sociaux, les parents ne percevant aucune allocation. Les devoirs rendus au service de téléenseignement étaient parfaitement accomplis en langue française, mais la plupart des enfants ne connaissaient pas notre langue. La secte qui les accueillait, "Les enfants de Dieu", mettait ainsi en évidence le fait que sans lien social à travers les allocations familiales, sans lien scolaire à travers l'école, on pouvait faire vivre des enfants dans un monde virtuel, à l'écart de notre société.

Nous sommes unanimes à penser que le contrôle de l'enseignement ne doit pas porter seulement sur ses méthodes, mais aussi sur son contenu car il a vocation à ouvrir la personnalité de l'enfant. Certaines associations en effet, tout en enseignant aux enfants la grammaire et les mathématiques, leur font subir des cours destinés à assurer leur enfermement idéologique.

Il reste à bien responsabiliser les différents acteurs du dispositif prévu. Je ne doute pas de la capacité du ministère à donner aux inspecteurs d'académie les moyens de remplir leur rôle. En revanche, je m'inquiète des possibilités qu'auront les maires de jouer le leur, car ils ont déjà une multiplicité de missions. Peut-être serait-il bon, Madame la ministre, que vous preniez contact avec les grandes associations des maires de France pour les sensibiliser à ce problème.

Le groupe UDF considère qu'à l'heure où le désarroi moral fait apparaître extrémismes et sectarismes, il convient de soutenir toute initiative tendant à protéger l'enfant ; il votera donc cette proposition de loi (Applaudissements sur tous les bancs).

M. Gilbert Gantier - Cette proposition de loi a été déposée par deux sénateurs du groupe des Républicains Indépendants, Serge Matthieu et Nicolas About, qui sont deux de nos anciens collègues. Elle a été adoptée à l'unanimité au Sénat le 29 juin dernier. Elle est aujourd'hui reprise par le groupe communiste et je ne peux que me réjouir que, sur un texte qui vise à protéger les enfants contre le phénomène sectaire, un large consensus puisse être trouvé. Une fois n'est pas coutume !

La commission d'enquête sur les droits de l'enfant avait bien relevé le problème des enfants non scolarisés, que leur instruction soit assurée par leur famille ou qu'ils soient élevés dans des sectes. Mais le phénomène était mal connu. Je souscris donc à ce texte qui permet un réel contrôle de l'obligation scolaire.

Permettez-moi cependant un bémol. Si le phénomène sectaire doit être combattu parce qu'il porte atteinte à la dignité de la personne et à l'ordre public, et s'il faut préserver les enfants des excès des adultes, néanmoins les contrôles ne doivent pas se faire au mépris des exigences constitutionnelles de liberté d'enseignement et de liberté de conscience.

La liberté d'enseignement est un principe fondamental reconnu par les lois de la République, selon la décision du Conseil constitutionnel du 23 novembre 1977. Elle comprend notamment le respect du caractère propre des établissements privés. La liberté de conscience, elle aussi principe fondamental reconnu par les lois de la République, s'étend à la liberté religieuse et à la liberté des opinions philosophiques. C'est donc seulement en cas d'atteinte à l'ordre public que des sanctions qui vont de la fermeture des classes à six mois d'emprisonnement et 50 000 F d'amende pourront être prises.

La lutte contre des phénomènes dangereux, pour la dignité de la personne, ne saurait mettre en danger les libertés qui font la grandeur de notre République. C'est seulement sous ces réserves que le groupe Démocratie Libérale votera cette proposition de loi (Applaudissements sur tous les bancs).

La discussion générale est close.

M. Jean Le Garrec, président de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales - Je me félicite que ce texte ait été adopté à l'unanimité par notre commission, son vote conforme rendant possible son application immédiate. Je pense, Madame la ministre, puisque des décrets ne sont sans doute pas nécessaires, que vous donnerez très rapidement des instructions à votre administration par voie de circulaire.

Texte important : il concerne plusieurs milliers d'enfants -on a avancé le chiffre de 6 000- qui se trouvent enfermés, selon une expression que je trouve tout à fait appropriée, dans "un monde virtuel dangereux". Il était par conséquent parfaitement justifié de se référer ici à la convention internationale sur les droits de l'enfant.

Texte de portée modeste, certes aussi, mais le travail se poursuit et je m'associe à ce propos à l'hommage rendu par M. Brard -qui y contribue lui-même- à l'oeuvre accomplie par le groupe de travail sur les sectes, sous la direction de M. Vivien puis, aujourd'hui, de Mme Picard...

Mme Odette Grzegrzulka - ...dont il faut saluer le talent !

M. le Président de la commission - En effet. Ce travail est indispensable, en raison d'un risque de contagion qu'on aurait tort de sous-estimer.

Texte applicable, enfin, et je pense que Mme la ministre déléguée répondra à ce propos aux questions de M. Bourg-Broc. Pour ma part, j'approuverai la suggestion faite par M. Kert, tendant à informer l'association des maires.

En conclusion, je ne puis que me féliciter du travail de la commission (Applaudissements sur les tous les bancs).

Mme la Ministre déléguée - Je me réjouis de l'unanimité qui vient de se manifester en faveur de cette proposition adoptée par le Sénat : due à l'initiative d'un parlementaire UDF, elle a été reprise ici par le groupe communiste...

M. Jean-Pierre Brard - Et apparentés !

Mme la Ministre déléguée - ...et sa discussion a été menée à bien grâce au travail effectué par M. Brard et par Mme Picard. Tout donne donc à penser qu'elle va être adoptée conforme, devenant ainsi immédiatement applicable -ce qui est exceptionnel pour un texte d'origine parlementaire.

Lors des travaux préparatoires et du débat au Sénat, je m'étais moi-même interrogée sur le rôle à donner aux maires. La possibilité avait été envisagée de confier aux seuls préfets le pouvoir de déclencher une enquête, après signalement par le CCAS, par la DDASS, par un médecin ou par un voisin. Nous avons préféré laisser ce pouvoir aux maires, dans la mesure où c'est à la mairie que se font les inscriptions à l'école primaire. En outre, les services sociaux des municipalités sont à même de détenir des informations utiles.

Cela étant, je vous rassure : les maires ne seront pas tenus par une obligation de résultat. Ils auront simplement la possibilité de contribuer à ce que la loi du silence soit levée. En cas de difficultés, le préfet pourra se substituer à eux, en requérant le concours de la police ou de la gendarmerie, comme cela s'est déjà fait dans la Drôme, par exemple.

Enfin, l'association des maires sera bien évidemment associée à la rédaction de la circulaire, afin d'aboutir à un tel dispositif simple et efficace, mais qui ne fasse pas peser sur les municipalités une responsabilité excessive.

M. Bruno Bourg-Broc - Merci !

Les articles premier A, premier B, premier et 2 à 4, successivement mis aux voix, sont adoptés à l'unanimité.

L'ensemble de la proposition de loi, mise aux voix, est adoptée à l'unanimité (Applaudissements sur tous les bancs)

M. le Président - A la demande de la commission des affaires culturelles, qui va maintenant se réunir pour examiner les amendements déposés sur le texte suivant, je vais suspendre la séance.

La séance, suspendue à 10 heures 40, est reprise à 11 heures.


Top Of Page

LIMITATION DE LICENCIEMENT

L'ordre du jour appelle la discussion de la proposition de loi de M. Alain Belviso et plusieurs de ses collègues tendant à limiter les licenciements et à améliorer la situation au regard de la retraite des salariés de plus de cinquante ans.

M. Maxime Gremetz, rapporteur de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales - Cette proposition vise à instaurer plus de justice sociale et à réduire le chômage en limitant les licenciements des salariés de plus de cinquante ans et en facilitant leur passage à la retraite. Cette avancée sociale répond à une attente plus forte.

Je rappellerai, d'abord, que nous nous trouvons dans une situation inédite. Le Gouvernement a invoqué l'article 40 avant même que notre commission n'examine cette proposition, et le bureau de la commission des finances a alors amputé le texte de plusieurs mesures sociales. Aussi notre commission n'a-t-elle pu se prononcer que sur quatre des neufs articles initiaux.

La Conférence des présidents avait, à la demande du groupe communiste, accepté d'inscrire cette proposition à l'ordre du jour de la séance réservée aux initiatives des groupes.

La décision du Gouvernement d'invoquer l'article 40 à ce stade de la discussion est sans précédent. Elle est d'autant moins acceptable que, sous la précédente législature, il avait été convenu entre tous les groupes politiques et le Gouvernement que, dans le cadre des séances réservées à un ordre du jour fixé par l'Assemblée nationale, le Gouvernement n'opposerait, s'il le souhaitait, l'article 40 qu'à l'issue des débats. Cet accord de bonne pratique démocratique avait été respecté en 1996, lors de la discussion sur la proposition de loi relative à la création d'une allocation d'attente pour la retraite, proposition qui a connu une issue favorable avec la création de l'allocation spécifique d'attente. Tous les espoirs sont donc permis pour les dispositions qui viennent d'être déclarées irrecevables à la demande du Gouvernement !

Le bureau de la commission des finances a décidé d'opposer l'article 40 aux articles premier, 2, 3, 4 et 9. La proposition de loi est ainsi vidée d'une grande partie de sa substance. Sa portée en est réduite d'autant et sa cohérence en est affectée.

La décision du Gouvernement est inacceptable, car elle a pour effet de réduire considérablement l'intérêt de la procédure prévue par l'article 48, alinéa 3, de la Constitution. Il serait dommage que le carcan du parlementarisme rationalisé se resserre à nouveau. Mais si le Gouvernement devait renouveler cette façon de faire, mieux vaudrait renoncer à utiliser cette procédure.

Sur le fond, la décision du Gouvernement est aussi injustifiable. Elle revient à empêcher tout débat sur des propositions d'avancées sociales favorables à la fois aux salariés qui ont eu de longues carrières et à l'emploi, en particulier à l'emploi des jeunes. On peut souligner la contradiction qu'il y a à utiliser un artifice de procédure pour éviter de débattre sur certaines dispositions d'une proposition de loi qui vise à concrétiser des engagements du Gouvernement. Cela est particulièrement surprenant pour ce qui concerne les dispositions relatives à l'ARPE, déclarées irrecevables alors qu'elles reprennent exactement les termes d'une proposition de loi déposée par le groupe socialiste. On est en droit de se demander si c'est la seule préoccupation d'auteur qui a motivé l'invocation de l'article 40, ou si la position du Gouvernement a évolué sur le fond.

Quoi qu'il en soit, le rapporteur et la commission ont estimé opportun de présenter l'intégralité de la proposition de loi, dont les dispositions forment un ensemble cohérent ; certaines visent en particulier à dégager les moyens nécessaires pour financer les avancées sociales proposées, prouvant la pertinence de la démarche et sa faisabilité financière.

La proposition de loi comporte quatre volets.

L'article premier propose d'instaurer le droit à la retraite à taux plein pour les salariés totalisant quarante annuités de cotisation à l'assurance vieillesse. Cette mesure de justice sociale, légitime, serait favorable à l'emploi. Elle serait en outre d'un coût limité, aisément finançable, sinon nul.

Je tiens à rappeler que dans un ouvrage qu'il a coordonné, intitulé Les retraites dans l'Union européenne, M. Emmanuel Raynaud relativise l'ampleur des difficultés de financement à venir. Il met en avant deux arguments. Le premier est que "les générations du baby boom ne devraient guère coûter plus cher à la collectivité lorsqu'elles seront en retraite que lorsqu'elles étaient sur les bancs de l'école". Le second est que "le financement des inactifs est le même problème, qu'il s'agisse de verser des pensions aux futurs retraités ou des prestations aux actuels chômeurs".

Le remède doit être recherché dans la croissance de l'économie. Le Premier ministre, lors de sa déclaration de politique générale à l'Assemblée nationale le 19 juin 1997, avait pris cet engagement : "Tout salarié ou chômeur ayant cotisé quarante ans devrait pouvoir cesser son activité dans des conditions satisfaisantes". L'article premier de la proposition de loi s'inscrit dans cette perspective. C'est une mesure de justice sociale.

Je rappelle, d'autre part, que le Gouvernement vient de décider de reconduire jusqu'à la fin de 1999 le congé de fin d'activité pour les fonctionnaires d'au moins 58 ans totalisant 37,5 annuités de cotisations tous régimes confondus et son extension aux fonctionnaires d'au moins 56 ans justifiant de 40 annuités de cotisations. Il serait incompréhensible que les salariés du secteur privé ne bénéficient pas d'une telle amélioration.

La reconnaissance du droit à la retraite à taux plein aux salariés ayant cotisé quarante ans pour la retraite, sans condition d'âge, est une mesure d'équité qui doit être prise rapidement. Elle permettrait notamment de compenser partiellement les inégalités d'espérance de vie entre les catégories socioprofessionnelles.

Cette mesure, qui permettrait aussi de dégager près de trois cent mille emplois pour des personnes plus jeunes, a fait l'objet d'un chiffrage précis. Il permet d'évaluer son coût brut à 49,5 milliards. De ce montant, il faut déduire les 27 milliards destinés à financer des dispositifs dont bénéficient actuellement les personnes concernées. Il faut également prendre en compte les retombées heureuses pour l'emploi, des dégagements de postes et les économies d'indemnisation qui en résulteront. Le nombre de chômeurs pourrait être réduit de 200 000. Sur la base d'un coût moyen par chômeur de 120 000 F, l'économie serait de 24 milliards. Au total, la réforme pourrait donc être réalisée à coût pratiquement nul pour la collectivité.

Le coût de la mesure, faible en tout état de cause, peut être facilement financé en redéployant les crédits consacrés aux exonérations de charges patronales assises sur les salaires, dont l'efficacité est plus que contestable.

Une autre solution, prévue par l'article 8, consiste à créer une contribution sur les revenus financiers au même taux de 14,6 % que celui qui est appliqué aux salaires au titre de l'assurance vieillesse. Cette contribution pourrait rapporter près de 51 milliards en 1999, et ainsi le financement de l'assurance vieillesse ne serait plus supporté essentiellement par le travail. Une telle diversification des sources de financement permettrait également de conforter les régimes de retraite par répartition.

Les articles 2, 3 et 4 de la proposition de loi visent à étendre et à proroger le dispositif d'allocation de remplacement pour l'emploi -ARPE- créé par les partenaires sociaux en 1995. Ce dispositif de "préretraites contre embauches" est très favorable à l'emploi et à l'insertion professionnelle des jeunes dans de bonnes conditions puisque la quasi-totalité des embauches s'effectue en contrats à durée indéterminée et le plus souvent à temps plein.

Depuis la mise en oeuvre du dispositif, 115 000 embauches compensatrices au départ de salariés en ARPE ont été réalisées. L'âge moyen des personnes embauchées est de trente ans. Le dispositif qui devait initialement expirer le 31 décembre 1996 a été reconduit jusqu'à fin 1998.

La proposition de loi vise à apporter une réponse à une forte demande des partenaires sociaux qui s'est notamment exprimée dans plusieurs accords de branches conclus récemment à propos de la réduction du temps de travail, et qui demandent explicitement le renouvellement et l'extension de l'ARPE.

Cette préoccupation est largement partagée. Il y a quelques semaines, le groupe socialiste a lui-même déposé une proposition de loi en ce sens.

Le rapporteur et le groupe communiste pensent eux aussi qu'une initiative parlementaire est nécessaire. C'est pourquoi les articles 2, 3 et 4 de la présente proposition de loi reprennent le texte du groupe socialiste.

En outre, il apparaît opportun que le législateur prenne position pour, au minimum, éclairer les partenaires sociaux sur la voie qu'il préconise. C'est pourquoi je rappellerai la teneur des trois articles de la proposition de loi, déclarés irrecevables.

L'article 2 prévoyait d'étendre le bénéfice de l'ARPE à tout salarié totalisant quarante annuités de cotisation d'assurance vieillesse, sans condition d'âge. L'article 3 visait à proroger l'application du dispositif de l'ARPE dans des conditions fixées par les partenaires sociaux gestionnaires de l'UNEDIC. L'article 4 visait à inscrire dans la loi le principe de la participation de l'Etat au financement de l'ARPE, retenant ainsi l'engagement du Premier ministre de faire participer l'Etat au financement d'une extension de l'ARPE à raison de 40 000 francs par adhésion d'un salarié ayant commencé à travailler à quatorze ans. Le MEDEF a refusé cette solution et préfère la création d'une contribution spécifique demandée aux entreprises.

Le coût de la prorogation de l'ARPE en 1999, s'élèverait à 1,8 milliard. Son extension aux salariés qui ont commencé à travailler à quatorze ou quinze ans, soit environ 14 000 personnes, coûterait 2,9 milliards supplémentaires ou 2,2 milliards seulement si l'Etat y participait. Comparés à celles du régime d'assurance chômage qui dépassent 100 milliards, ces dépenses paraissent supportables pour l'UNEDIC.

La discussion des articles de la proposition de loi sur ce sujet déclarés irrecevables par la commission des finances n'est plus possible, à moins que le Gouvernement ne décide de les reprendre à son compte comme je l'y invite vivement.

La proposition de loi vise également à corriger deux imperfections de la "contribution Delalande" qui a pour objet de réduire les licenciements de salariés âgés de plus de cinquante ans.

C'est la loi du 10 juillet 1986 relative à la lutte contre le chômage de longue durée qui a instauré la cotisation dite "contribution Delalande" due par l'employeur pour toute rupture du contrat de travail d'un salarié âgé de plus de cinquante ans. En 1992, le montant de la contribution a été augmenté et son champ étendu.

Mais le dispositif en vigueur comporte deux failles.

Tout d'abord, certaines entreprises font pression sur leurs salariés pour qu'ils adhèrent à une convention de conversion dans le seul but d'échapper au paiement de la "contribution Delalande". De ce fait, la part des salariés de plus de cinquante ans parmi les entrées en convention de conversion augmente régulièrement. Ensuite, des employeurs peu scrupuleux concluent une convention d'allocation spéciale de préretraite puis font pression sur leurs salariés pour qu'ils refusent d'en bénéficier car cela leur permet d'échapper à ladite contribution.

Le troisième volet de la proposition de loi tend à corriger ces imperfections en assujettissant à la "contribution Delalande" les ruptures des contrats de travail des salariés ayant adhéré aux conventions de conversion et les licenciements des salariés ayant refusé le bénéfice d'une préretraite ASFNE.

Afin d'éviter que des entreprises ne licencient à moindre frais avant l'entrée en vigueur de la loi, l'article 7 prévoit l'application des nouvelles dispositions à compter du 1er janvier 1999.

En conclusion, je remercie le président Jean Le Garrec d'avoir, avec son esprit d'ouverture habituel laisser le rapporteur aborder en commission l'ensemble des dispositions de la proposition, même si celle-ci n'a pu se prononcer que sur les articles recevables. Le fait que des articles aient été déclarés irrecevables ne signifie pas qu'ils aient été rejetés. Bien au contraire, la majorité soutient unanimement l'extension et la prorogation de l'ARPE. En ce qui concerne le droit à la retraite à quarante annuités de cotisation, un consensus semble possible. Des suites positives sont donc envisageables.

Espérons que le Gouvernement tirera profit du débat d'aujourd'hui. Le précédent regrettable qui a conduit à cette discussion tronquée ne doit pas se reproduire. Le Gouvernement doit, en outre, réfléchir pour que nous progressions sur la voie que nous avons tracée. En ce jour de manifestation nationale des associations de chômeurs et à la veille de la trêve des confiseurs, le Gouvernement serait bien inspiré de faire un geste en faveur de nos concitoyens les plus en difficulté qui sont à la recherche d'un emploi. Tel était l'objectif de la proposition initiale.

Enfin, je souhaite que le Président de notre Assemblée veille à préserver le petit espace laissé à l'initiative parlementaire que constitue la séance mensuelle réservée aux groupes afin que le parlementarisme rationalisé ne devienne pas un "parlementarisme rationné" (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste, du groupe socialiste et du groupe RCV).

Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité - Le groupe communiste s'efforce de protéger la fin de carrière des salariés avec constance. Il y a plus d'un an, il avait en effet déjà utilisé son "droit de tirage" pour proposer la création d'une allocation spécifique d'attente au profit des bénéficiaires du RMI ou de l'ASS ayant cotisé au moins quarante ans qui n'étaient pas pris en charge par l'allocation chômeur âgé. Rejoignant les préoccupations des autres groupes de la majorité, cette proposition de loi avait été adoptée à l'unanimité. J'espère que la présente proposition connaîtra un destin identique.

Elle concerne, en effet, une question très importante. Les salariés âgés de plus de 50 ans victimes des licenciements économiques, représente 25 % des inscriptions à l'ANPE au lieu de 10 % seulement pour l'ensemble des salariés. En outre, les chômeurs âgés ont beaucoup moins de chances que les autres de retrouver un emploi : les deux tiers d'entre eux sont des chômeurs de longue durée alors que la proposition n'est que d'un tiers en moyenne nationale.

Le Gouvernement a privilégié la création d'emplois non sans un certain succès puisque les licenciements économiques ont reculé de 26 % cette année. On dénombre, d'autre part, 180 000 chômeurs de moins et 350 000 emplois ont été créés.

Le Gouvernement s'est en outre efforcé d'intervenir le plus en amont possible des plans sociaux afin de trouver des solutions alternatives aux licenciements. C'est notamment l'objet de la loi du 13 juin 1998 qui incite les entreprises à réduire le temps de travail au lieu de licencier. Sur cette base, près de 80 accords concernant 13 000 salariés ont déjà permis de sauver 1 300 emplois. Le groupe communiste était intervenu, à l'époque, pour préciser utilement les modalités de contrôle du respect des engagements pris par les entreprises en matière d'emploi dont la méconnaissance contraint le remboursement de l'aide.

Il faut, par ailleurs, encourager une gestion prévisionnelle des emplois permettant d'éviter les licenciements, ce qui suppose une adaptation de la formation professionnelle à laquelle Nicole Péry et moi-même travaillons.

Il importe aussi de veiller à la qualité des plans sociaux qui ne doivent pas se résumer à des indemnités proposées aux salariés pour qu'ils acceptent de partir "volontairement" ou à des dispositifs de préretraite largement financés par l'Etat. Il faut au contraire qu'ils comportent des mesures de reclassement internes ou externes des salariés.

Chaque plan social fait l'objet d'un examen particulier par l'inspection du travail qui peut constater son absence ou son insuffisance depuis 1993 et qui veille au respect par l'employeur de ses engagements conformément à une disposition introduite par le groupe communiste dans la loi contre les exclusions.

Ce n'est pas à l'Etat de financer les plans sociaux décidés par des entreprises qui font des profits. C'est pourquoi, depuis un an, nous nous efforçons de faire contribuer davantage celles qui le peuvent au financement des préretraites. Cela ne signifie pas que l'Etat se désengage mais simplement qu'il concentrera ses efforts sur les régions, les secteurs et les entreprises en difficulté.

D'autre part, le Gouvernement est favorable à l'institution d'un dispositif en faveur des actifs âgés ayant commencé à travailler tôt mais je voudrais d'abord revenir sur le débat procédural évoqué par votre rapporteur.

Celui-ci a estimé que la saisine de la commission des finances avant la discussion en séance publique était d'autant moins acceptable que, sous la précédente législature, il avait été convenu que, dans le cadre des séances réservées à un ordre du jour fixé par l'Assemblée, le Gouvernement n'opposerait l'article 40 qu'à l'issue des débats.

M. Bruno Bourg-Broc - En effet !

Mme la Ministre - Si vous êtes défavorable à la négociation collective, qui a lieu sur ce thème actuellement, il faut le dire !

Votre rapporteur invoque à l'appui de sa démonstration le précédent de la proposition de loi de M. Berson.

Toutefois, comme M. Gremetz l'a montré avec sa flamboyance habituelle, le fait que l'article 40 ait été opposé à certaines dispositions de cette proposition ne l'a pas empêché d'aborder, lors de la discussion publique, les questions qu'elle concernait.

En outre, cette "jurisprudence" Berson empêchait la discussion des seuls articles auxquels étaient opposés l'article 40. La situation est exactement la même aujourd'hui.

Notre décision a pour origine la volonté de ne pas gêner la négociation engagée entre les partenaires sociaux sur l'ARPE. Il faut que la législation intervienne dans les domaines où la négociation n'est pas possible ou n'est pas souhaitée. Il doit en revanche laisser un champ à la négociation comme nous le faisons pour l'ARPE.

M. François Rochebloine - Et pour les trente-cinq heures !

Mme la Ministre - Dans ce cas-là, la négociation était au contraire très peu avancée puisque seuls 500 accords avaient été conclus en application de la loi de Robien, ce qui est très peu en dix-huit mois, alors que la loi sur les trente-cinq heures a déjà permis la signature de 800 accords en moins de quatre mois.

C'est pourquoi faute d'une négociation suffisante nous avons souhaité intervenir pour prendre une mesure générale.

Je rappelle aussi que l'ARPE est négociée dans un cadre interprofessionnel.

Il n'y a pas d'opposition sur le fond, M. Gremetz le sait bien : depuis mars, je suis intervenue auprès de l'UNEDIC pour que l'ARPE soit non seulement reconduite, mais élargie et le Gouvernement a même proposé d'en financer une partie.

Nous poursuivons donc les mêmes objectifs mais je ne souhaite pas donner un signal négatif aux partenaires sociaux. Je rappelle que l'accord signé en 1995 permet le départ en préretraite à 58 ans des salariés totalisant 40 ans de cotisations. Cela a entraîné 125 000 départs et 110 000 embauches.

Le Gouvernement souhaite que le dispositif soit étendu à tous ceux qui ont commencé à travailler tôt -14, 15 ou 16 ans- et il a proposé de contribuer au financement de cette extension à raison de 40 000 F par an et par personne.

Mais, aujourd'hui, le MEDEF ne souhaite pas que le Gouvernement intervienne dans le financement, et les négociations se poursuivent mercredi prochain.

Bien entendu, si aucun accord n'est signé, le Gouvernement et sa majorité prendront toutes leurs responsabilités.

Tel est donc le sens de notre recours à l'article 40.

Quatrième axe d'intervention, le freinage des licenciements des salariés de plus de 50 ans. En 1987, au moment où l'autorisation administrative de licenciement était supprimée, une contribution dite "Delalande", égale à trois mois de salaire brut, a été imposée aux entreprises licenciant leurs salariés âgés. Le nombre des plus de 55 ans recourant à l'assurance chômage a nettement diminué après cette mesure, passant de 85 000 en 1987 à 65 000 en 1988 et 60 000 en 1990. Mais la tendance s'est inversée ensuite et le nombre des licenciements des plus de 55 ans a atteint 70 000 en 1992. C'est pourquoi nous avons alors renforcé la contribution et l'avons étendue à toute rupture de contrat de travail à partir de 50 ans, avec un barème progressif allant d'un mois de salaire à 50 ans à six mois de salaire pour les plus de 56 ans. Le nombre des nouveaux chômeurs de plus de 55 ans est alors redescendu à 55 000.

Depuis 1994, il a malheureusement à nouveau augmenté, malgré l'amélioration de la conjoncture, pour atteindre 71 000 en 1997, notamment parce que certaines entreprises ont appliqué des stratégies de contournement des préretraites du FNE.

Le dispositif régissant la contribution Delalande a en effet deux failles importantes. D'une part, il exclut les ruptures de contrat de travail intervenant dans le cadre de conventions de conversion : or certaines entreprises font pression sur les salariés pour qu'ils adhèrent à ces conventions dans le seul but d'échapper au paiement de la contribution. La part des salariés de plus de 50 ans adhérant à une telle convention est ainsi passé de 12 % en 1994 à 18 % en 1997, et le nombre des plus de 55 ans concernés a même quadruplé.

La deuxième méthode de contournement consiste, pour certains employeurs, à conclure une convention d'allocation spéciale du FNE, puis à faire pression sur les salariés pour qu'ils en refusent le bénéfice : en ce cas, la contribution Delalande n'est pas due.

Cette proposition de loi double la contribution Delalande. Actuellement le dispositif de préretraite est deux fois plus coûteux pour les grandes entreprises qu'un licenciement sec.

Le taux de la contribution s'élèvera donc de 2 mois de salaire pour le licenciement d'un salarié âgé de 50 ans à 12 mois de salaire à 57 ans, puis sera ensuite dégressif, le coût pour la collectivité étant d'autant moins élevé qu'on se rapproche de l'âge de la retraite.

Ce nouveau barème sera fixé par décret au plus tard le 1er janvier 1999. Il ne s'appliquera pas aux PME, pour qui le barème actuel restera valable.

A ceux qui s'inquiètent du risque d'effets pervers sur l'embauche des travailleurs âgés, je rappelle que la contribution n'est pas due en cas de licenciement de personnes embauchées avant 1992 alors qu'elles étaient âgées de plus de 50 ans et au chômage.

Le Gouvernement accueille donc très favorablement la proposition de loi dans le texte de la commission (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe communiste).

M. Alain Belviso - La question de l'emploi est au coeur des préoccupations de nos concitoyens ; l'abaissement de l'âge de la retraite répond à une forte attente des salariés et est ressenti comme un moyen de libérer des emplois pour les jeunes.

Ces raisons ont conduit le groupe communiste à soumettre une proposition de loi tendant à limiter les licenciements et à améliorer la situation au regard de la retraite des salariés de plus de cinquante ans.

Le Gouvernement a saisi la commission des finances avant même l'examen de notre proposition de loi par la commission des affaires culturelles. Le président de notre groupe, Alain Bocquet, comme le rapporteur, M. Gremetz, se sont élevés contre cette méthode qui prive le Parlement du débat sur le fond, et remet en cause une décision prise lors de la précédente législature. Malgré les explications données par Mme la ministre, on ne peut admettre cette procédure sans précédent, même si nous sommes quand même parvenus à nous exprimer.

Le premier volet de cette proposition de loi tend à accorder la retraite à taux plein à toute personne ayant cotisé 40 annuités à l'assurance vieillesse. Ce serait là une mesure de justice sociale et d'assainissement des finances publiques : en effet, les embauches induites généreraient de nouvelles recettes pour la sécurité sociale, l'UNEDIC, l'Etat et réduiraient les dépenses d'indemnisation du chômage.

On objecte souvent que notre société ne pourrait supporter plus longtemps le coût de notre système par répartition, en raison de la dégradation du rapport actifs-retraités ; il serait donc inconcevable de s'orienter vers un abaissement de l'âge de la retraite. C'est oublier le coût social des salariés exclus de leur entreprise.

Notre proposition rend caduc ce raisonnement spécieux. Son application libérerait des emplois et n'entraînerait aucune dépense supplémentaire.

En effet, la retraite après 40 annuités de cotisation permettrait de dégager 300 000 emplois. Même appliquée sans condition d'âge, son coût s'élèverait à 49,5 milliards de francs, dont il faut déduire le coût des mesures dont bénéficient actuellement les personnes concernées : RMI, ASS, ACA, ARPE, préretraites totales ou progressives. Le tout est chiffré à 27 milliards, ce qui réduit à 22,5 milliards la dépense occasionnée par notre proposition.

En outre, l'embauche d'au moins 200 000 chômeurs pour compenser ces 300 000 départs en retraite représenterait une économie de 24 milliards sur l'indemnisation de ces ex-chômeurs.

Autrement dit, notre proposition simple et applicable tout de suite, ne coûterait rien à la nation, voire, lui ferait faire des économies.

L'abaissement de l'âge de la retraite à 55 ans et le retour à la condition de 37,5 annuités de cotisation est une aspiration d'autant plus forte que trois millions de personnes sont sans emploi et au moins autant dans une situation précaire. Entre 55 et 59 ans, seulement un Français sur deux travaille et un jeune actif sur quatre est au chômage. N'est-ce pas illogique et inhumain de proposer l'allongement de la durée du travail, comme le fait le grand patronat, quand 60 % des salariés qui liquident leur retraite ne sont plus en activité ?

La question du financement impose une réflexion approfondie sur les cotisations sociales, comme l'engagement en a été pris lors du débat sur le financement de la sécurité sociale. Les moyens existent : depuis 1980, la part de la richesse nationale consacrée aux salaires est passée de 68 % à 60 %, alors que la part des revenus de la propriété, des profits des entreprises, des intérêts a augmenté de plus de 20 %. La Bourse bat des records et les plans de licenciements se poursuivent.

Pourquoi seules les cotisations salariales devraient-elles participer au financement des pensions ? Les profits financiers spéculatifs qui gangrènent notre économie pourraient également y contribuer.

Le deuxième volet de notre texte reprend une proposition de loi du groupe socialiste : il vise à lever la condition d'âge pour les salariés en activité qui souhaiteraient bénéficier de l'ARPE, favorisant ainsi l'embauche de jeunes.

Le dispositif actuel voté à l'unanimité le 21 février 1996, après accord des partenaires sociaux permet le départ en retraite anticipée des salariés âgés d'au moins 57 ans 9 mois et totalisant 40 annuités au régime d'assurance vieillesse, 12 ans au régime d'assurance chômage et un an d'ancienneté chez l'employeur. Le départ se fait à l'initiative du salarié, après accord de l'employeur et acceptation du fonds paritaire pour l'emploi. L'intéressé perçoit une allocation égale à 65 % du salaire brut moyen des douze derniers mois. En contrepartie, l'employeur s'engage à réaliser une ou plusieurs embauches permettant de maintenir le volume d'heures travaillées.

A ce jour, 126 000 personnes ont pu bénéficier de l'ARPE, permettant l'embauche compensatrice de 115 000 chômeurs, dont l'âge moyen est de 30 ans.

Mais la situation du chômage demeure préoccupante. Les salariés qui ont cotisé 40 annuités et donc commencé à travailler dès 14 ans, ont amplement participé au développement de la nation.

D'après les calculs effectués par l'UNEDIC, la prorogation de l'ARPE coûterait 1,8 milliard, et son extension à l'ensemble des salariés ayant commencé à travailler à 14 ou 15 ans -soit environ 14 000 personnes- 2,2 milliards supplémentaires en 1999 et aux alentours de 4 milliards en 2000 et 2001. Ce sont des sommes peu importantes comparées à celles que les organismes sociaux et l'Etat consacrent à l'indemnisation du chômage et aux diverses mesures d'aide sociale ; et comme le rappelait mon ami Christian Cuvilliez lors du débat sur le collectif, puisque nous disposons d'un excédent, pourquoi ne pas l'utiliser à satisfaire une revendication tant attendue, au lieu de réduire le déficit budgétaire ?

Le troisième volet est consacré à l'extension du dispositif Delalande. La cotisation due par l'employeur en cas de rupture du contrat de travail d'un salarié de plus de 50 ans qui à l'origine devait être égale à trois mois de salaire brut, sera portée à un an de salaire après l'adoption de la loi de finances. La loi ne l'avait pas étendue aux ruptures intervenant dans le cadre des conventions de conversion ; or nombre d'employeurs font pression sur leurs salariés pour qu'ils adhèrent à ce dispositif dans le seul but d'échapper au paiement de la cotisation. C'est ainsi que la part des salariés entrés en convention de conversion est passée de 12 % en 1994 à 17 % en 1997 pour les plus de 50 ans et a été multipliée par quatre pour les plus de 55 ans.

En outre, des employeurs, pour échapper à la contribution, concluent une convention d'allocation spéciale puis font pression sur leurs salariés pour qu'ils refusent le bénéfice de la préretraite. Nous proposons donc également de viser ces salariés.

Le dernier volet accroît les recettes de l'Etat et de la sécurité sociale par un prélèvement sur les revenus financiers -hors épargne populaire- équivalent à celui effectué sur les salaires. Une cotisation de 14,6 % rapporterait près de 51 milliards. Il est donc tout à fait possible de trouver les financements nécessaires sans remettre en cause notre système par répartition.

Je regrette une nouvelle fois la procédure employée mais j'espère que les propositions faites par notre groupe, si elles ne rencontrent pas immédiatement l'approbation du Gouvernement, pourront servir de base à un approfondissement de notre réflexion commune, afin de répondre avec plus d'audace aux exigences de la lutte pour l'emploi et contre les licenciements (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste, du groupe RCV et du groupe socialiste).

M. Gilbert Gantier - La présente proposition de loi a bien failli "passer au trou", puisque, sur neuf articles, cinq ont été déclarés irrecevables par la commission des finances et un, créant une contribution sur les revenus financier, a finalement été retiré en commission des affaires sociales.

M. le Rapporteur - Il n'a pas été retiré : la commission l'a repoussé.

M. Gilbert Gantier - Bref, il ne reste plus que trois articles. A l'origine, le texte tendait à limiter les licenciements et à améliorer la situation au regard de la retraite des salariés de plus de cinquante ans. Il comprenait trois volets, le premier ouvrant le bénéfice des droits à la retraite à taux plein sans condition d'âge pour chaque salarié ayant cotisé quarante annuités, le deuxième permettant d'étendre l'allocation de remplacement pour l'emploi, le troisième tendant à appliquer la cotisation Delalande aux ruptures de contrat de travail de salariés ayant adhéré à une convention de conversion. Seul ce dernier subsiste c'est déjà ça ! Tout est bon pour ressouder la majorité plurielle, surtout en période de manifestations des chômeurs.

M. Jean-Pierre Brard - Parlez-nous de l'Alliance !

M. Gilbert Gantier - D'ailleurs, il s'agissait au départ d'un projet du Gouvernement : Mme Aubry avait annoncé le doublement de la cotisation Delalande et son application aux conventions de conversion. La manoeuvre consiste donc à flatter les partenaires politiques en les laissant déposer une proposition de loi.

La contribution Delalande a été instituée en 1987 par une autre majorité pour les employeurs qui procèdent à des licenciements économiques secs de salariés de plus de cinquante ans, afin de compenser le surcoût ainsi imposé à l'UNEDIC.

Depuis, c'est toujours la majorité socialiste qui, tel le coucou pondant ses oeufs dans les nids des autres, a augmenté cette contribution : en 1989 puis en 1991, on a généralisé son application à toute rupture du contrat de travail d'un salarié de 55 ans ou plus ouvrant droit au bénéfice de l'allocation de base du chômage ; en 1992, son montant a été porté à six mois de salaire, puis on l'a étendue aux ruptures de contrat de travail de salariés de plus de 50 ans.

Le problème du chômage des plus de 50 ans a-t-il été résolu pour autant ? Je ne le pense pas... Au contraire, dès qu'ils ont 45 à 48 ans, les chômeurs ne trouvent plus à se faire embaucher.

Aujourd'hui, vous décidez d'appliquer la contribution aux conventions de conversion au prétexte que leur nombre a beaucoup augmenté. Demain, peut-être voudrez-vous la doubler... Moi qui vous croyais convertis à la baisse des charges sociales grâce au professeur Malinvaud !

Le Gouvernement prépare un projet qui mettrait en place une contribution Delalande nouvelle formule, pour taxer les entreprises qui ont un usage abusif des emplois précaires. Il envisage également une modulation des cotisations d'assurance chômage en fonction des pratiques de licenciement des entreprises. Il souhaite des négociations entre les partenaires sociaux, mais si elles échouent, il semble prêt à prendre des dispositions législatives au premier semestre 1999. Comme toujours, les partenaires sociaux sont libres de leurs négociations pourvu qu'ils négocient comme ce gouvernement le demande !

A nouveau, vous employez les recettes habituelles -augmenter une taxe, créer une nouvelle cotisation. Ce n'est pas de cette manière que la France sortira de sa situation tristement singulière parmi ses partenaires. Elle préfère collectivement le chômage à la remise en cause de ses habitudes ! La seule solution serait d'abaisser les charges sociales.

Le groupe Démocratie Libérale votera donc contre cette proposition de loi (Applaudissements sur les bancs du groupe du RPR).

M. Jacques Desallangre - La discussion de cette proposition de loi intervient à point, au moment où nous devrions engager un débat sur les retraites.

L'inquiétude est réelle chez les retraités et les futurs retraités, au vu de certains projets de réforme qui porteraient atteinte au principe de mutualisation ainsi que des mesures qui ont affecté depuis quelques années leur pouvoir d'achat.

Selon les propos de M. le Secrétaire d'Etat au budget, "le Gouvernement a pris la décision courageuse de réfléchir à l'évolution de notre système de retraite". Je crains que cette déclaration n'ait pas apaisé nos concitoyens... Le désarroi actuel est largement imputable à l'accroissement de la pression fiscale sous les précédents gouvernements.

Les retraités ont vu leur pouvoir d'achat chuter depuis 1993 avec la suppression progressive de l'abattement fiscal de 10 %, la hausse des prélèvements sociaux et de la TVA. 1993 : hausse de la CSG ; 1996 : création de la CRDS, hausse des cotisations maladie ; 1997 : hausse de la CSG et des cotisations maladie... Le Gouvernement et sa majorité doivent montrer leur volonté de changer de logique. Malheureusement, lors de la discussion budgétaire, le Gouvernement s'est opposé à la volonté unanime de la représentation nationale de stabiliser à 20 000 F le plafond de l'abattement fiscal de 10 %.

L'adoption de cette proposition de loi permettrait de réformer judicieusement l'ouverture des droits à la retraite et de montrer qu'il existe de substantielles différences entre une politique de droite et une politique de gauche. Il ne faut pas, bien sûr, prendre des mesures inconsidérées sans tenir compte des contraintes liées au financement du régime de retraites. Tout comme celle que les députés du Mouvement des Citoyens ont déposé en février, la présente proposition prend pleinement en compte ces contraintes : elles ne visent pas à abaisser uniformément l'âge de la retraite, mais à donner la faculté aux travailleurs ayant cotisé plus de 160 trimestres de bénéficier de leur retraite, quel que soit leur âge. Le Gouvernement a du reste manifesté un souci similaire au bénéfice des chômeurs dans ce cas : le 14 janvier, nous avons voté une proposition de loi leur permettant de percevoir, en sus du RMI ou de l'allocation de solidarité, une allocation spécifique d'attente.

Pour leur part, les députés du MDC estiment que tous les salariés ayant cotisé 160 trimestres, qu'ils soient chômeurs ou non, ont le droit de prendre leur retraite : ayant commencé à travailler très jeunes et souvent soumis à des tâches astreignantes, ils ont mérité de se reposer. La mesure étant facultative, ceux qui trouvent dans leur travail une forme de réalisation pourraient poursuivre leur activité. Le dispositif aurait l'avantage de créer des emplois car, à la différence de l'allocation d'attente ou de l'allocation chômeurs âgés, il concernerait aussi des salariés, dont le départ anticipé permettrait d'embaucher des jeunes.

Quant à la charge supplémentaire ainsi créée, elle pourrait, comme en Allemagne, être couverte à parité par l'Etat et par les caisses de retraite sans que cela compromette l'équilibre de leurs budgets. Le coût de la réforme est d'ailleurs probablement surévalué : en effet, le dispositif se substituerait pour les chômeurs à des allocations multiples -ce qui, accessoirement, se traduirait pour les intéressés par une meilleure reconnaissance de leur dignité et de leurs droits acquis- et les embauches ainsi devenues possibles feraient diminuer le nombre des chômeurs et augmenter à proportion celui des cotisants au nouveau régime.

Mais nous ne saurions nous en tenir à des considérations comptables : il nous faut aussi prendre en compte les effets sociaux et psychologiques de l'exclusion si nous souhaitons évaluer le plus justement possible le coût de cette réforme. Garants de l'intérêt général, nous avons enfin à affirmer des choix politiques.

Je me réjouis de partager sur ces points la conception de nos collègues communistes et l'article premier de leur proposition aurait eu notre entier soutien si le Gouvernement n'avait, avant toute discussion, invoqué l'article 40, vidant le texte de la majeure partie de sa substance. Je regrette vivement que nous ne puissions ouvrir aujourd'hui le débat sur la retraite des salariés justifiant de quarante annuités de cotisation, ni sur l'extension du dispositif ARPE, dont tous les groupes de la majorité ont pourtant reconnu l'efficacité. C'est d'autant plus incompréhensible que, grâce à la ténacité de M. Masseret, nous venons de voter un article du projet de loi de finances obligeant l'employeur à embaucher dès qu'un salarié ancien combattant entre dans ce dispositif.

Cette déclaration d'irrecevabilité est donc regrettable, s'agissant de dispositions aussi novatrices et socialement justes. Je souhaite vivement que nous puissions engager le débat annoncé par le Gouvernement, afin de renouveler nos propositions mais aussi de forcer le barrage opposé aux députés unanimement désireux de stabiliser le plafond auquel a été assujetti l'abattement fiscal des retraités. Mais je veux trouver dans les propos tenus à l'instant par Mme la ministre des raisons d'espérer ! (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste)

M. François Rochebloine - L'espoir fait vivre.

M. Christian Kert - Mieux gérer les ressources humaines en fonction de l'âge répond à une situation louable. Le propos s'inscrit d'ailleurs dans le droit fil du dispositif voté il y a maintenant onze ans, avec le soutien du groupe UDF et qui a depuis permis de maîtriser dans une certaine mesure les licenciements de salariés âgés. Nous ne pouvons donc que saluer l'initiative de notre collègue Delalande, grâce à laquelle les entreprises licenciant des salariés de plus de 55 ans doivent s'acquitter d'une pénalité versée à l'UNEDIC.

Ministre du travail, Mme Aubry, loin de remettre en cause la mesure, a augmenté et élargi cette contribution en transposant dans la loi un accord signé par les partenaires sociaux : les entreprises ont alors été tenues de verser entre un mois et six mois de salaire pour tout licenciement d'un salarié de plus de cinquante ans. Grâce à ce "durcissement" du dispositif, le régime d'assurance chômage a perçu à ce titre 1,7 milliard en 1997.

Le 6 novembre dernier, un quotidien économique annonçait en "une" que la contribution Delalande pourrait être doublée... Une nouvelle fois, le Gouvernement propose aux partenaires sociaux de négocier en fixant par avance le terme de la négociation ! Pour notre part, nous lui avons dit ce que nous en pensions, lors de la discussion des crédits de l'emploi et du travail, le 10 novembre, et, aujourd'hui, alors que le Parlement prend la ministre au mot, si je puis dire, nous pourrions avoir une nouvelle occasion de prolonger l'échange...

Pour cela, il me semble utile de revenir sur les termes de nos précédentes discussions. La majorité plurielle a apparemment choisi de faire porter aux entreprises la responsabilité d'une certaine dérive en matière de licenciements : la faute serait du côté du chef d'entreprise qui chercherait à se séparer de salariés âgés sans même envisager d'autres solutions. Cela ne saurait nous surprendre, le débat sur les 35 heures nous ayant permis de connaître l'idéologie de la majorité sur ce point. Cela étant, nous partageons le diagnostic, sachant comme vous que la part des plus de 50 ans bénéficiant de l'allocation unique dégressive est passée de 25 à 27,9 % entre juillet 1997 et juillet dernier.

Le chômage ne recule donc pas pour ces salariés...

M. Jean Le Garrec, président de la commission des affaires sociales - Eh non !

M. Christian Kert - Au contraire, il a augmenté en septembre de près de 3 % pour les hommes et de 5 % pour les femmes. Or ce chômage des "quinquas" ouvre la voie au pire : le chômage de longue durée et, après la fin des droits, l'exclusion. Mais, pour arrêter cette dérive inacceptable, il ne nous semble pas que la démarche proposée ici soit celle qui convienne. Elle fait en effet l'impasse sur les raisons qui conduisent les entreprises à agir ainsi.

Confrontées à de réelles difficultés, un certain nombre licencient de préférence leurs salariés les plus âgés, car ce sont ceux qui leur coûtent le plus cher. Mais elles le font indépendamment du fait qu'elles peuvent faire financer ces licenciements par la collectivité. Gardons-nous de toute vision manichéenne ou caricaturale. La réalité ici est souvent terrible pour l'entreprise, en termes de coûts, humains et psychologiques avant d'être financiers...

Aussi pourrions-nous, au lieu d'insérer un nouvel alinéa après l'article L. 321-13 du code du travail et de compléter l'article L. 633-9 du code de la sécurité sociale par un nouvel alinéa instaurant une contribution sur les revenus financiers, envisager d'autres pistes. La méthode proposée nous paraît pour le moins répressive et pénalisante à l'excès, ce qui n'incitera pas à l'embauche.

Notre collègue Delalande a raison quand il propose de subordonner le paiement de la contribution à la conclusion, avec une autre entreprise, d'une convention de reclassement, via des réseaux d'entreprises. Pourquoi n'avez-vous pas pris cette direction ?

Nous approuvons également M. Delalande lorsqu'il suggère de subordonner le paiement de la contribution à une formation, quand il y a eu un plan de formation et de reconversion dans les deux années précédant le licenciement.

Suivant en cela Jacques Barrot, le groupe UDF est convaincu qu'il faut, dans le domaine de l'emploi et du travail, s'acheminer vers une réforme d'ampleur : elle consisterait à dispenser une formation tout au long de la vie, pour faire bénéficier le plus grand nombre, d'une véritable deuxième chance. Nous passerions ainsi de l'obligation de former à l'obligation de qualifier. Ce serait là pour les salariés une garantie forte contre les évolutions économiques et technologiques, ainsi qu'un facteur de promotion indispensable à leur épanouissement social.

Avec cette proposition, nous craignons d'avoir l'effet inverse de celui que vous recherchez, d'ailleurs sincèrement. Vous risquez de ralentir l'embauche des salariés de plus de quarante ans. Les entreprises, à l'évidence, hésiteront à embaucher des salariés ayant un peu moins de cinquante ans, craignant d'avoir à supporter le coût d'un licenciement ultérieur... Or, même si nous assistons actuellement à une baisse du chômage due à la conjoncture, la France se situe en cette matière très en dessous de la moyenne européenne. Alors de grâce, Mesdames et Messieurs de la majorité, imaginez des dispositifs qui soient une vraie chance pour l'emploi, et évitez ceux-ci, lourds, pénalisants, contraignants et à effet quasi nul !

Le groupe UDF votera donc contre cette proposition qui emprunte une voie trop répressive et insuffisamment incitative pour servir l'emploi !

MM. François Rochebloine et Bruno Bourg-Broc - Très bien !

Mme Hélène Mignon - Cette proposition met en cause un usage contestable, surtout depuis 1992, des conventions de conversion instituées en 1986. Pourquoi y a-t-il de plus en plus de salariés de plus de 50 ans, et même de plus de 55 ans qui quittent l'entreprise avec une convention de conversion ? Si les salariés doivent se préparer à changer de métier, une telle convention à quelques années de la préretraite est surtout un licenciement déguisé au moindre coût. La contribution Delalande avait pour but de dissuader les entrepreneurs de licencier les plus de 50 ans avant qu'ils ne puissent prétendre à la préretraite. L'utilisation du congé de conversion permet de détourner la loi. Les employeurs peuvent aussi jouer de l'allocation spéciale de préretraite qui relève d'une décision du salarié souvent prise sous la pression.

Ce texte veut mieux protéger les salariés. Les chefs d'entreprise ne doivent pas jouer avec la dignité de ceux-ci qui leur permettent de réaliser des profits. Il y a des entreprises en difficulté, c'est vrai. Mais il y a différentes manières d'y faire face.

Quant à l'ARPE, les négociations prévues entre partenaires sociaux devaient permettre sa reconduction à partir du 1er janvier 1999. Les discussions doivent aussi porter sur son extension. Mme Aubry a proposé une aide financière. Le MODEF a préféré une augmentation des versements des entreprises, alors qu'il demande constamment des allégements de charges. Nous souhaitons que le Gouvernement soit attentif à ces discussions. Le groupe socialiste en suivra les conclusions avec intérêt. Serge Janquin a déposé une proposition de loi sur le sujet. Nous saurons prendre nos responsabilités.

Je regrette que l'on n'ouvre pas la discussion, très attendue, sur le droit à la retraite. Elle aura lieu valablement lorsque nous connaîtrons les conclusions du rapport confié à M. Charpin, commissaire au Plan. Ce sera un grand débat dans les prochains mois (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe communiste).

M. Bruno Bourg-Broc - Je ne reviens pas sur les quatre articles de la proposition occis par l'application de l'article 40.

M. Jean-Pierre Brard - Et sans prières.

M. Bruno Bourg-Broc - En d'autres temps, cet article avait été appliqué plus tardivement. Le président de la commission des affaires culturelles de l'époque y avait veillé.

M. le Président de la commission - Ce n'est pas gentil.

M. Bruno Bourg-Broc - J'ai bien entendu l'argument de Mme Aubry. Des négociations vont avoir lieu. Comme ce n'est pas toujours le cas, nous nous en réjouissons.

Par cette proposition, le groupe communiste entend mettre en pratique la déclaration faite par Mme Aubry le 10 novembre dernier, selon laquelle il fallait renforcer le coût de la contribution Delalande par rapport à celui d'une pré-retraite pour limiter les licenciements de salariés âgés de 50 à 57 ans. Mme Aubry a d'ailleurs déjà doublé la contribution Delalande en 1992. Cette fois, on nous propose de l'étendre aux salariés licenciés adhérant à une convention de conversion ou ayant refusé le bénéfice de la préretraite.

Mais ces dispositifs ne résolvent pas le problème de fond. Pourquoi une entreprise licencie-t-elle les plus de 50 ans ? Outre l'effet d'aubaine cela lui permet de recruter des salariés plus jeunes, moins chers et plus aptes à s'adapter aux nouvelles technologies. Il faut donc s'interroger sur la difficile question de la formation continue des salariés. A l'avenir, le plein emploi laissera de plus en plus place à une société d'actifs qui changent d'entreprise et d'activité. La formation continue deviendra aussi importante que la formation initiale, sinon plus.

C'est à ces chantiers qu'il faut s'attaquer. Vous ne le faites pas. Avec Mme Catala et M. Delalande nous avons déposé des amendements qui exonèrent de contribution les entreprises qui font un effort particulier de reclassement effectif ou de formation des salariés qu'elles veulent licencier. Nous préférons donc une démarche incitative. Cette proposition ne répond pas au problème réel du chômage des plus de 50 ans. Vous vous contentez d'augmenter les charges des entreprises. Le groupe RPR votera contre votre texte (Applaudissements sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL).

M. Gérard Bapt - L'extension de la contribution Delalande qui nous est proposée répond au souhait de la majorité et du Gouvernement. La préretraite à 56 ou 57 ans étant deux fois plus coûteuse, les entreprises préféraient les licenciements de 50 à 56 ans. Avec l'ACA, qui améliore l'indemnisation chômage des personnes ayant plus de 40 ans des cotisations vieillesse et bénéficie aux préretraités, ce sont donc surtout les fonds publics qui servent à prendre en charge les salariés âgés, même si la contribution Delalande a déjà été relevée. Un tel système rendait moins efficace l'ARPE, qui a l'avantage de faire embaucher un jeune en contrepartie d'un départ en préretraite. De plus l'ARPE va coûter plus cher aux entreprises. En effet, le patronat est d'accord pour que, à l'occasion du renouvellement de la convention, les entreprises versent à l'UNEDIC 20 % de la rémunération des douze derniers mois du salarié partant en ARPE, soit deux mois et demi de salaire. Pour 40 000 départs, l'UNEDIC percevrait 1,2 milliard qui permettraient de financer l'extension de l'ARPE aux salariés ayant commencé à travailler à 14 ans. C'est un progrès, d'autant que le patronat a refusé l'aide de l'Etat.

La négociation qui va s'ouvrir étendra donc probablement le système de l'ARPE. Espérons qu'elle contribuera aussi à mieux indemniser les chômeurs de longue durée et les travailleurs précaires.

La proposition est donc bien venue même si l'amélioration de la conjoncture et la volonté du Gouvernement ont limité le recours aux préretraites. Au collectif 1998 on a ainsi pu annuler trois milliards de crédit prévus pour les AS-FNE. Les crédits inscrits à ce titre passent de 8,3 milliards en 1998 à 4,8 milliards en 1999, et ceux destinés à financer les préretraites progressives passent de trois à deux milliards.

Il faut privilégier l'ARPE, procédure d'excellence pour favoriser l'entrée des jeunes dans le monde du travail en contrepartie de préretraites. C'est aussi un moyen offert aux entreprises pour mieux gérer la pyramide des âges de leurs effectifs. Il s'agit donc de rendre plus difficiles les départs en pré-retraite de salariés âgés. A cet égard, les dispositions de la proposition de loi qui visent à étendre la "contribution Delalande" aux conventions de conversion et en cas de refus d'une préretraite totale sont en parfaite cohérence avec la proposition visant à proroger et à étendre l'ARPE.

Le bilan de l'ARPE est en effet très positif. Il a déjà bénéficié à près de 120 000 personnes, et il a permis 110 000 embauches compensatrices en trois ans. Le 10 octobre 1997 déjà, le Premier ministre avait proposé que l'Etat abonde, à hauteur de 40 000 F par an et par salarié, l'extension de ce dispositif. Le patronat semble, par principe, hostile à cette offre. Mais l'essentiel est que le dispositif puisse être étendu, et incite les entreprises à choisir l'ARPE.

Les dispositions envisagées vont dans ce sens. Le groupe socialiste les votera (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

M. Jean Le Garrec, président de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales - Nous débattons des articles 1, 2 et 3 d'une proposition de loi déposée par le groupe communiste qui concerne l'élargissement de la "contribution Delalande" et la correction des imperfections de ce dispositif, dont je note qu'il avait été bien compris, par l'opposition actuelle, lors de sa création et qu'il semble, étrangement, l'être moins aujourd'hui.

La France présente deux caractéristiques détestables qui sont d'avoir le taux de chômage des jeunes le plus élevé d'Europe et le taux de cessation d'activité précoce le plus mauvais d'Europe. La distorsion de la pyramide des âges qui s'ensuit aura des conséquences catastrophiques pour notre économie. Il faut donc à la fois remédier à cette situation et dénoncer une formidable hypocrisie qui consiste à prétendre que cette situation s'explique par les mutations technologiques alors qu'elle trouve son origine dans l'absence de toute gestion prévisionnelle des emplois. En la matière, les entreprises n'assurent plus leurs responsabilités et laissent à la collectivité le soin de s'en débrouiller, tout en se plaignant de la lourdeur des charges que leur comportement contribue à aggraver. Vraiment, trêve d'hypocrisie !

En outre, lorsque les entreprises signent des conventions -conventions FNE notamment-, elles ne remplissent pas leurs obligations, la Cour des comptes évaluant leurs arriérés de paiement à quelque 3 milliards !

Nous préférerions que les problèmes dont nous traitons trouvent leur solution grâce à une meilleure gestion des effectifs des entreprises. Nous préférerions aussi que le MEDEF s'indigne de ces comportements et dénonce aussi l'abus du recours aux contrats précaires et aux contrats à durée déterminée. Mais j'ai beau tendre l'oreille, je n'entends rien, jamais !

Dans ces conditions, il est normal que le Gouvernement, s'appuyant sur l'initiative heureuse du groupe communiste, décide de dispositions législatives visant à mettre un terme à cette situation. On ne sait que trop bien, en effet, ce que signifie un licenciement pour un salarié de plus de 50 ans : la précarité et, en fin de course, l'exclusion. Personne ne le niera.

A la préoccupation sociale, évidente, s'ajoute une préoccupation économique. Je sais, pour avoir longtemps travaillé dans de grandes entreprises, que la politique consistant à se défaire des salariés de plus de 50 ans est une absurdité que ceux qui la pratiquent paieront au prix fort. C'est à dessein que je parle des grandes entreprises car c'est principalement là que les problèmes se posent -il serait pour exemple intéressant d'examiner de près les pratiques de l'industrie automobile. C'est donc à juste titre que la ministre a précisé que le nouveau barème ne s'appliquerait pas aux petites entreprises, dans lesquelles le "contournement" des dispositions en vigueur reste marginal. Il n'y a pas lieu, en effet, d'assimiler les entreprises employant moins de 20 salariés, celles qui en emploient de 20 à 50 et les plus grandes. La vision des chefs d'entreprise y est en effet tout autre.

Mon adresse est donc très précisément dirigée : j'invite le MEDEF à dénoncer ces pratiques coupables, d'une part, à veiller, d'autre part, à ce que la pyramide des âges des effectifs ne soit pas totalement déséquilibrée. Quant à prétendre que les salariés de plus de 50 ans seraient incapables de s'adapter aux nouvelles technologies, c'est à la fois remettre en cause l'utilité des dispositifs de formation continue... et très désagréable pour un président de commission qui a lui-même dépassé cet âge ! Que le grand patronat prenne conscience des difficultés et y porte remède, et le législateur n'aura pas à intervenir. Pour l'heure, il le doit.

Pour ce qui est du dispositif ARPE, M. Maxime Gremetz, fin politique comme à son habitude, a repris les dispositions d'une proposition de loi socialiste dont j'étais l'un des cosignataires : il est donc peu probable que je m'y déclare opposé ! J'ajoute que l'on ne saurait confondre le licenciement des salariés âgés de plus de 50 ans et une retraite plus rapide pour ceux qui ont travaillé depuis leur quatorzième année à des métiers parfois très durs. Aucun désaccord ne s'est d'ailleurs manifesté à ce sujet, et je suis certain que l'opposition nous suivra.

M. François Rochebloine - En effet.

M. le Président de la commission - Cependant, des négociations devant s'engager mercredi 16 décembre entre les partenaires sociaux, le Gouvernement a souhaité ne susciter aucun blocage. Avançant avec prudence, il a amené sa majorité plurielle à maîtriser ses impatiences. Elle les maîtrisera donc, mais restera vigilante.

La ministre a indiqué à la fois qu'elle souhaitait que les négociations s'engagent et que le Gouvernement était prêt à y participer. Nous espérons, nous souhaitons, nous demandons qu'elles aboutissent. Faute de quoi, le Gouvernement et le législateur devront intervenir car, en tout état de cause, la question devra être réglée avant la fin de 1999 (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

M. le Rapporteur - Je rappelle que le texte présenté comporte trois propositions et il me semble que l'une d'entre elles a été oubliée par le président Le Garrec... Il a évoqué la "contribution Delalande", et ce qu'il a dit de la proximité des négociations sur l'ARPE entre les partenaires sociaux est justifié. Cela étant, si elles n'aboutissent pas, le travail législatif visant à la reconduction et à l'extension de ce dispositif devra reprendre.

Mais vous avez oublié notre première proposition, qui concernait pourtant près de 550 000 personnes auxquelles le droit à la retraite à taux plein devrait être ouvert sans condition d'âge dès lors qu'elles ont cotisé quarante annuités.

Il est tout de même paradoxal, alors que des millions de jeunes recherchent un emploi, que certains, comme je le lisais ce matin dans La Tribune, proposent de repousser l'âge de la retraite à 65 ans.

L'article 40 ayant foudroyé les articles 1 et 2 de notre proposition, seul subsiste l'article 3. La discussion a toutefois eu lieu sur l'ensemble du texte. Des engagements ont été pris. Nous veillerons à ce qu'ils soient tenus.

ARTICLE PREMIER

M. François Rochebloine - Comme le rapporteur, je regrette que la proposition du groupe communiste ait été amputée par la commission des finances en vertu de l'article 40, alors même que la revalorisation du rôle du Parlement est si nécessaire.

D'autre part, nos conditions de travail ne sont pas satisfaisantes. Le rapport sur cette proposition ne nous a été distribué que ce matin. Cela n'est pas acceptable, mais je précise que le personnel de l'Assemblée n'est pas en cause. Légiférons moins mais légiférons mieux.

Un amendement que j'avais déposé à l'article premier reprenait la proposition de loi de M. Gremetz que j'avais cosignée comme de nombreux collègues appartenant à tous les groupes de cette assemblée. Il visait à ouvrir aux anciens combattants demandeurs d'emploi totalisant quarante années de cotisation moins la durée de leur séjour en Afrique du Nord entre le 1er janvier 1952 et le 2 juillet 1962 le droit à une retraite anticipée.

Il s'agissait là d'un engagement du candidat Jospin qui, comme d'autres, n'a eu de valeur que pour ceux qui le recevaient !

Comment alors s'étonner des progrès de l'abstention et de l'extrême droite que j'ai toujours dénoncé ?

M. Bruno Bourg-Broc - Avant de défendre note amendement 1 de suppression de l'article 1 de cette proposition cul-de-jatte, je m'étonne de la sortie anti-entreprises du président Le Garrec dont les analyses sont habituellement, et heureusement, moins caricaturales.

Cela dit, cet article premier ne résoud rien. Il pénalise les entreprises sans favoriser la reconversion ni la formation. Nous souhaitons donc sa suppression.

M. le Rapporteur - Cet article répond pleinement à son objet. La commission a donc repoussé cet amendement.

L'amendement 1, repoussé par le Gouvernement, mis aux voix, n'est pas adopté.

L'article premier, mis aux voix, est adopté.

APRÈS L'ARTICLE PREMIER

M. Bruno Bourg-Broc - Les amendements 2, 3, 4 et 5 précisent l'article L. 321-13 du code du travail.

L'amendement 2 concerne les entreprises dont les salariés ont des difficultés réelles à s'adapter aux mutations technologiques. Il permet leur reclassement dans une autre entreprise ce qui favoriserait en outre la constitution de réseaux d'entreprise.

L'amendement 3, adopté par la commission, vise à faciliter la signature des conventions permettant le reclassement des salariés entre les entreprises, d'une part, et le secteur associatif et les collectivités locales, d'autre part.

L'amendement 4 dispense du versement de la contribution les entreprises dont le réel effort de formation a favorisé le reclassement du salarié.

Enfin, l'amendement 5 en dispense celles qui favorisent la reconversion de leurs salariés dans des fonctions d'enseignement.

M. le Rapporteur - La commission a estimé que le code du travail répondait déjà à la préoccupation qu'exprime l'amendement 2.

Comme le disait M. Bourg-Broc, la commission avait adopté l'amendement 3 mais sous réserve d'en vérifier les conséquences. Or il s'est avéré qu'il risquait d'avoir des effets pervers. Mieux vaut ne pas l'adopter pour ne pas entrer dans un engrenage de dérogations multiples.

M. Bruno Bourg-Broc - Quels effets pervers ?

M. le Rapporteur - De nombreuses associations risquent par exemple de se constituer pour profiter de cette disposition.

En ce qui concerne l'amendement 4, je rappelle que c'est un devoir pour les entreprises d'assurer la formation de leurs salariés. Qu'elles le remplissent ne peut justifier une dérogation au versement de la contribution !

Enfin, l'amendement 5 conduirait à multiplier les dérogations. Autant supprimer l'article !

Mme Nicole Péry, secrétaire d'Etat aux droits des femmes et à la formation professionnelle - En ce qui concerne l'amendement 2, le remboursement de la contribution à l'entreprise est déjà prévu si le salarié trouve un emploi en CDI dans les trois mois suivant son licenciement.

Cet amendement, qui n'impose pas d'obligation de résultat n'est pas conforme à la logique du Gouvernement qui veut rendre le dispositif plus incitatif. Mon avis est donc défavorable.

C'est également le cas pour l'amendement 3 qui ouvre la possibilité d'un détournement du dispositif par la multiplication de CDD très courts.

Le Gouvernement est défavorable à l'amendement 4 car il souhaite rendre le dispositif dissuasif. M. Kert a rappelé l'effort de formation des entreprises. Celui-ci est réel mais c'est leur devoir et également leur intérêt.

Enfin, je suis également défavorable à l'amendement 5 tout en souhaitant, comme vous, que les salariés puissent mettre leur expérience au service des jeunes par exemple en tant qu'enseignants associés. Cela ne concerne toutefois pas notre discussion d'aujourd'hui.

Les amendements 2, 3, 4 et 5, successivement mis aux voix, ne sont pas adoptés.

Les articles 2 et 3, successivement mis aux voix, sont adoptés.

TITRE

M. le Président - Avant de mettre aux voix l'ensemble de la proposition de loi, j'indique à l'Assemblée que, conformément aux conclusions de la commission, son titre est ainsi rédigé :

"Proposition de loi tendant à limiter les licenciements des salariés de plus de cinquante ans".

L'ensemble de la proposition, mis aux voix, est adopté.

Prochaine séance cet après-midi, à 15 heures.

La séance est levée à 13 heures.

          Le Directeur du service
          des comptes rendus analytiques,

          Jacques BOUFFIER


© Assemblée nationale


© Assemblée nationale