Accueil > Archives de la XIe législature > Les comptes rendus > Les comptes rendus analytiques (1998-1999)

Assemblée nationale

COMPTE RENDU

ANALYTIQUE OFFICIEL

Session ordinaire de 1998-1999 - 46ème jour de séance, 120ème séance

3ème SÉANCE DU MARDI 15 DÉCEMBRE 1998

PRÉSIDENCE DE M. Arthur PAECHT

vice-président

          SOMMAIRE :

ÉGALITÉ FEMMES-HOMMES (suite) 1

    EXCEPTION D'IRRECEVABILITÉ (suite) 1

    DISCUSSION GÉNÉRALE 3

    ARTICLE UNIQUE 28

    APRÈS L'ARTICLE UNIQUE 35

    EXPLICATIONS DE VOTE 35

La séance est ouverte à vingt et une heures.


Top Of Page

ÉGALITÉ FEMMES-HOMMES (suite)

L'ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi constitutionnelle relatif à l'égalité entre les femmes et les hommes.

EXCEPTION D'IRRECEVABILITÉ (suite)

M. Jean-Luc Warsmann - C'est l'honneur d'une assemblée que de respecter la liberté d'expression. Je salue donc Didier Julia pour la force avec laquelle il a exposé ses convictions. Pourtant, les miennes sont différentes. Je crois que l'adoption de ce projet est nécessaire. Les députés doivent regarder la réalité. Depuis ce 21 avril 1944, où le général de Gaulle a reconnu aux femmes la qualité d'électrice et le droit de se porter candidates, notre démocratie n'a guère progressé. Aujourd'hui, seulement 8 % des maires et 10 % des membres de cette Assemblée sont des femmes.

La décision du Conseil constitutionnel de 1982 a rendu nécessaire une révision de la Constitution. C'est à mon avis un devoir d'approuver ce texte.

J'ai applaudi Mme Guigou à la fin de son discours. Elle a toutefois omis de préciser que ce projet de loi constitutionnelle nous était présenté "au nom du Président de la République". Ce texte sera voté et le mouvement gaulliste le soutiendra car il est favorable à l'égalité des chances. Fidèle à ses convictions, le groupe RPR ne votera pas cette exception d'irrecevabilité.

Mme Muguette Jacquaint - L'explication de vote du groupe RPR me satisfait. On comprenait d'autant moins l'intervention de M. Julia que, sur la parité, les mentalités semblaient avoir partout évolué. N'est-ce pas, Madame Bachelot ?

Mme Roselyne Bachelot-Narquin - Tout à fait.

Mme Muguette Jacquaint - M. Julia a employé plusieurs fois le mot "faveur". Les femmes n'ont rien réclamé de tel. La parité est bien plutôt une question d'égalité et de justice.

L'adoption de ce projet constituera un progrès majeur et répondra à l'aspiration des femmes.

Si la gauche a toujours veillé à garantir l'équité entre les sexes, elle n'a pas le monopole de ce combat. Sans la reconnaissance du droit de vote aux femmes, nous ne discuterions pas de ce projet ce soir.

Cette exception d'irrecevabilité était donc malvenue. Dans le passé, chaque fois que la droite a été à l'origine d'une avancée significative sous la pression des femmes, le groupe communiste lui a apporté son soutien. Je pense à la loi Veil sur l'interruption volontaire de grossesse ou à la suppression de cette notion préhistorique de "chef de famille".

Je ne suis cependant qu'à moitié rassurée. Il faudra d'autres lois pour continuer de progresser et nous risquons de ne pas nous entendre sur la proportionnelle ou le statut de l'élu.

Le groupe communiste ne votera pas cette exception d'irrecevabilité (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste et du groupe socialiste).

M. Jacques Floch - Si l'égalité entre les femmes et les hommes était cette évidence énoncée par M. Julia, le Président de la République et le Premier ministre auraient-ils accepté de signer ce projet ? Le Conseil constitutionnel a souligné en 1982 que la Constitution était muette sur ce point. Devons-nous lui laisser dire le droit à notre place ou faire notre travail de législateur ?

A l'évidence il nous faut compléter de façon intelligente notre loi fondamentale afin que la moitié de la population française accède enfin à tous les droits et à tous les postes, non pas en fonction d'un quelconque favoritisme mais au nom de l'égalité et du mérite.

La lecture que M. Julia a faite de la Constitution repose sur une vision de la société d'un conservatisme étroit. Il faut arrêter de considérer les femmes comme une minorité. Comment s'étonner que ce discours obtus digne du XIXème siècle n'ait recueilli ici que les applaudissements de Mme Boutin ? Le groupe socialiste demande à l'Assemblée de rejeter cette exception d'irrecevabilité qui a dû en faire rougir plus d'un et plus d'une (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe RCV).

Mme Nicole Ameline - Les arguments de M. Julia sont révélateurs de ce travers français qui fait que l'on fixe des objectifs sans jamais se donner les moyens de les atteindre.

Chacun ici en convient, la situation française est intolérable, notamment au regard de l'Europe. L'efficacité exige des actions et une volonté politique forte.

Les femmes ne sont pas une minorité mais la moitié de l'espèce humaine. Le texte n'a pour elles rien d'infamant. Ce qui l'est, c'est de n'être nulle part, de n'exister en rien et non d'être enfin reconnues dans la Constitution et dans la loi.

Le discours de M. Julia n'a eu de positif que son rappel des progrès sociaux et politiques dus ces dernières décennies à l'actuelle opposition. Ce sont eux aussi qui nous permettent aujourd'hui, alors que nous allons entrer dans un siècle et dans un espace nouveaux, de rattraper un retard historique. Il est plus que temps de prendre les mesures qui s'imposent !

Le groupe DL votera cette proposition et s'opposera donc formellement à cette exception d'irrecevabilité (Applaudissements sur tous les bancs).

M. Pierre-Christophe Baguet - L'absence de M. Julia montre son manque de motivation (Sourires) à défendre ce qui ressemblait plus à une question préalable qu'à une exception d'irrecevabilité et que le groupe UDF rejettera (Applaudissements sur tous les bancs).

M. Michel Crépeau - En écoutant avec beaucoup d'attention M. Julia, j'ai eu l'impression d'entendre mon grand-père, mais qui aurait vieilli (Sourires) car il n'appartient plus à notre temps.

Qu'il y ait un problème juridique, cela me paraît évident. Le Conseil constitutionnel s'était ému du mécanisme des quotas. Or il s'agit cette fois d'aller plus loin en assurant la parité. En fait, le problème est surtout culturel. Nous sommes tous les héritiers à la fois du droit romain, qui considérait les femmes comme des incapables au même titre que les enfants et les fous, de la tradition catholique qui voulait que la femme ne puisse donner ni la communion ni l'absolution, de la loi salique. Cet héritage étant ancré dans notre inconscient collectif, il nous faut aujourd'hui faire un geste de conscience, un geste volontaire, un geste législatif, en votant cette loi, donc en rejetant cette exception d'irrecevabilité dont je ne vois vraiment pas ce qu'elle a de recevable (Applaudissements sur tous les bancs).

L'exception d'irrecevabilité, mise aux voix, n'est pas adoptée.

M. Maurice Adevah-Poeuf - Zéro voix pour !

Mme Odette Grzegrzulka - C'était donc bien marginal et outrancier !

DISCUSSION GÉNÉRALE

Mme Huguette Bello - "Je vois bien que vos intentions sont bonnes. Mais ce que vous voulez me donner, je l'ai déjà... Vous voulez me donner le droit d'être un être humain. Ce droit, je l'avais en naissant. Vous pouvez m'empêcher de le vivre, si vous êtes le plus fort, mais vous ne pourrez jamais me donner ce qui m'appartient déjà." Ces paroles, adressées naguère à un anthropologue plein de bons sentiments, le secrétaire général des Nations Unies les plaçait en tête d'un article récent.

La domination profonde dont les femmes furent et sont encore victimes regarde les hommes et les femmes ensemble, tant, pour ce qui touche à l'essence même de notre condition humaine, le registre de la revendication apparaît limité.

Certes nous, Réunionnaises, pourrions en énoncer, des revendications. Non seulement l'administration des colonies fut une affaire d'hommes, mais les femmes, longtemps minoritaires et vouées au seul service des hommes, y réinventèrent pour un temps une polyandrie toute utilitaire. Et la domination masculine ne s'exerça pas seulement du côté du pouvoir. Anchaing, Cimendef, Dimitile, ces lieux que tous les Réunionnais connaissent, portent le nom des esclaves révoltés qui les ont baptisés. Mais cette Héva, qui partagea la vie d'Anchaing et lutta avec lui pour la liberté, quelle trace est restée d'elle, sinon qu'elle fut une épouse ?

Certes le temps n'est plus où l'on achetait deux noires pour un fusil ! Mais il faut suivre dans l'histoire, et jusque dans la plus récente, jusque dans notre vie quotidienne les traces de l'humiliation. Hier, les enfants des femmes esclaves, qui n'appartenaient qu'au maître, pouvaient être vendus dès l'âge de huit ans. Aux temps du malheur, dans les propriétés, les femmes étaient de simples instruments de reproduction que visitaient, sur l'ordre du maître, des esclaves étalons. Ces violences d'autrefois, en dépit de toutes les législations, on en soupçonne encore la trace dans les crimes sexuels qui sont le quotidien de nos sessions d'assises.

L'injustice moderne prend d'autres formes. Plus touchées encore que les hommes par la crise économique, les femmes ont peu de chances d'aborder aux rivages mythiques de la modernité. La vie familiale s'organise autour de la mère, mais elle est en même temps une femme dominée, belle illustration des thèses de Simone de Beauvoir... Aux femmes, l'enfermement dans le rôle sécuritaire, aux hommes, l'illusion de l'aventure, double aliénation qui s'entretient.

A la Réunion, il ne fut pas remonter au-delà des années 1960 pour trouver des cas de stérilisation pratiqués à l'insu des femmes. Bien des Réunionnaises ont été soumises à des expériences très particulières de contraception, subissant, avec l'aval des pouvoirs publics, des injections de produit vétérinaires.

De tels abus ne peuvent être isolés du contexte d'un développement balbutiant, mais de ces retards, les femmes subissent toujours les dommages les plus lourds.

A la nécessaire protestation contre l'injustice doit s'ajouter une prise de conscience collective. Les problèmes posés par les femmes sont ceux de toute la société. Les relations entre les hommes et les femmes touchent à la fois à l'intime et au politique, à l'instant et à l'avenir.

Il va de soi que les dispositions législatives sont, sur de tels sujets, à la fois urgentes et dramatiquement insuffisantes. Nous avons certes à épurer de monstrueuses injustices, à nous purger de réflexes de méfiance et de mépris, mais nous avons surtout, à nous demander, quand nous participons à la construction de la société, quel être humain, c'est-à-dire quel homme et quelle femme, nous avons dans l'esprit et le coeur.

Nous ne sommes pas ici en face d'une double contrainte, mais d'une double espérance : aucun progrès ne peut être imaginé sans que les femmes y aient toute leur place et seule la volonté conjuguée des hommes et des femmes peut y parvenir. C'est dire que la question de la femme renvoie à une critique radicale de tout ce que nous entreprenons, de toutes les valeurs, sur lesquelles nous fondons notre action. Nous savons, depuis Kant, que l'être humain ne peut se donner d'autre finalité que lui-même. Est-ce ainsi que l'envisagent nos logiques économiques, sociales, culturelles, médiatiques ?

Ne nous étonnons pas si, à chaque fois que l'humanité s'engage sur les chemins de la violence, il se lève des Cassandre. Ce n'est pas parce qu'elles sont femmes qu'elles ont l'humeur maussade, c'est parce que leur amour de la vie les rend plus que d'autres, mais pour d'autres, plus sensibles à la souffrance de tous (Applaudissements sur les bancs du groupe RCV, du groupe socialiste, du groupe communiste et quelques bancs du groupe du RPR).)

Mme Nicole Ameline - Un anachronisme criant frappe notre démocratie française : au pays des droits de l'homme, alors que la déclaration universelle est à juste titre solennisée, la faible représentation des femmes en politique nous distingue singulièrement des autres démocraties européennes.

Cet état de fait a ralenti l'évolution de notre société, et sans aucun doute, sa modernisation. Si personne ne sous-estime la part des femmes dans notre vie sociale et économique, l'accès aux décisions politiques leur est trop peu ouvert.

Au moment d'entrer dans un nouveau temps, celui du XXIème siècle, et un nouvel espace, celui de l'Europe élargie, on constate que la très grande majorité des Etats membres de l'Union ont réussi sans drame là où la France a échoué.

Bien plus, le renouvellement de la vie politique dans le monde se fait, le plus souvent, par et avec les femmes : le Parlement européen compte 30 % de femmes, l'Afrique du Sud, 25 %, l'Allemagne réunifiée, 27 %.

Ce constat est aujourd'hui unanimement partagé : c'est un premier point positif, et il est heureux que ces murs ne résonnent plus, ou peu, d'arguments d'un autre âge.

Constat partagé, comme l'est aussi le sentiment que seul, le volontarisme politique peut répondre au conservatisme de l'histoire, héritage de la loi salique. Et lorsque l'histoire a mis, rarement, en valeur des femmes ce fut comme sujets de curiosité.

Le fait est que les femmes ont raté les marches essentielles des siècles : celle de la Révolution, à laquelle elles ont pris toute leur part et qui a débouché sur un suffrage universel réservé aux hommes ; la marche du XIXème siècle, puisque le code Napoléon en fait des mineures incapables ; enfin celle du XXème siècle, qui malgré leur conduite héroïque pendant le premier conflit mondial, leur a refusé en 1920 le droit de vote.

Certes, les années contemporaines ont vu des progrès nouveaux, tels l'indépendance économique des femmes, la maîtrise de leur descendance, le partage de l'autorité parentale. Ces victoires ont été celles des femmes, mais elles n'ont été rendues possibles que par une volonté politique marquée, traduite en termes législatifs.

De ce point de vue, la parité n'est pas une idée neuve : dès 1979, Monique Pelletier ouvrait le débat, au cours du septennat de Valéry Giscard d'Estaing.

Jacques Chirac à son tour dans le cadre de la modernisation de la vie publique, vient de réaffirmer sa volonté de poursuivre dans cette voie, en approuvant le texte qui nous est proposé aujourd'hui.

Si politiquement, cette question est récurrente, constitutionnellement, depuis 1982, le débat est clos. En effet, le Conseil constitutionnel a alors fermé la voie à toute évolution vers la parité.

Le juge constitutionnel se situait alors dans la conception républicaine de la citoyenneté dans laquelle le droit ne doit connaître que des individus, affirmant ainsi l'unité fondamentale de l'espèce humaine sans distinction de race, de sexe ou de religion. Ce principe d'indivisibilité de la souveraineté nationale conduit à un paradoxe réel : au nom de l'égalité juridique, la Constitution met un frein à l'égalité réelle, par ailleurs affirmée dans le Préambule.

Quel que soit le jugement que l'on porte sur la motivation de cette décision, cette jurisprudence a condamné toute évolution réelle vers l'égalité.

Il faut donc aujourd'hui réviser la Constitution, aller au delà du discours et se donner enfin les moyens d'une véritable transition historique. C'est en quelque sorte accélérer l'histoire et faire de l'année 2000 celle de la parité.

Je ne sous-estime pas les arguments qu'opposent à cette réforme de nombreux juristes, au nom de leur attachement au principe d'universalité posé par la Déclaration des droits de l'homme. Pour eux, elle impliquerait un changement de système politique en imposant une démocratie communautariste comme aux Etats-Unis. Elle mettrait même en péril la démocratie, en ouvrant la porte à de nombreuses législations différenciées visant d'autres groupes spécifiques.

Cette argumentation paraît aujourd'hui dépassée : les femmes ne sauraient être assimilées à un groupe identifié et minoritaire. Elles sont la moitié du genre humain, indissociable de la notion même d'être humain. Elles ne sont pas une catégorie, mais elles se retrouvent dans toutes les catégories, par définition.

En réalité, dans une démocratie moderne, il est des instants où la Constitution et la loi doivent jouer leur rôle d'incitation et d'innovation, bref de réforme de la société et du droit.

Qui pourrait sérieusement craindre une assimilation des femmes à une quelconque minorité ? Ne sont-elles pas plutôt aujourd'hui cette minorité silencieuse, alors qu'elles représentent plus de moitié du corps électoral ?

Serait-il plus infamant de se voir reconnaître un droit par la Constitution, organisé par la loi, que de n'être rien, parce que l'on n'est nulle part ?

Y a-t-il une meilleure solution que celle ouverte par ce projet de loi constitutionnelle ?

Attendre l'évolution normale des moeurs reviendrait à accepter l'inacceptable : une démocratie du XXIème siècle privée de l'apport de la moitié de l'humanité.

Penser que les femmes sont capables, dans notre société, d'être élues sur leur seul mérite, nous conduit à la question : pourquoi ne sommes-nous pas 250 dans cet hémicycle ?

Confier aux seuls états majors politiques le soin d'évoluer vers cette parité conduirait à une nouvelle conception du pouvoir octroyé, et l'on accepterait du pouvoir politique ce que l'on refuserait de la Constitution...

Pour toutes ces raisons, la révision constitutionnelle est le meilleur choix.

Pour autant, le projet présenté, qui prévoit que la loi "favorise l'égal accès des femmes aux mandats et aux fonctions" est-il adapté ? Le terme "favoriser", ambigu et de faible portée juridique, ne préserve pas les textes à venir de la sanction éventuelle du juge constitutionnel. Il eût été préférable de dire que la loi "assure" ou "détermine" pour donner toute sa force à ce texte.

Par ailleurs, nous aurions souhaité connaître les premières applications de ce projet en termes politiques. Rien ne serait plus pervers, en effet, que de réunir le plus large consensus sur un principe pour en détourner aussitôt l'esprit à des fins partisanes ou politiciennes.

Bien que vous nous ayez apporté quelques réponses, nous aurions aimé, Madame la ministre, que vous soyiez plus explicite sur l'évolution législative à venir, notamment dans le domaine électoral. J'ai noté, dans votre intervention, la référence à un projet de loi concernant le financement des partis et je vous demande une large concertation sur ce sujet qui intéresse toute la classe politique.

L'avenir des femmes en politique n'est pas un combat de pure forme, il est au coeur de l'évolution de toute la société. Si l'on veut réhabiliter la politique et contrer la montée des extrémismes, cela passe par un rôle nouveau joué par les femmes et l'émergence d'une nouvelle culture politique, plus participative. Redonner du sens à la vie politique, c'est rendre du pouvoir aux Français et aux Françaises.

Le groupe Démocratie Libérale votera ce texte, qui est la victoire de la modernité et le résultat de l'action des associations militant depuis toujours pour la parité, auxquelles je rends hommage.

Parce que les faits ne précèdent pas toujours le droit et que la volonté politique est ici la plus belle expression d'une démocratie en phase avec son temps, dire oui à ce projet, c'est faire confiance aux femmes en politique, comme on leur fait confiance aujourd'hui sur le plan professionnel, social, familial et personnel (Applaudissements sur les bancs du groupe DL, du groupe UDF, du groupe du RPR et du groupe socialiste).

M. François Colcombet - Le pays des droits de l'homme n'est manifestement pas celui des droits des femmes ! Cet état de choses prend racine dans une longue tradition et reste ancré, ne nous le cachons pas, au fond de nous -surtout nous les hommes. Les lois saliques et l'attitude de l'Eglise n'y sont pas étrangères. Le grand moment de revendication intellectuelle de la Renaissance s'est achevé par une remise au pas bouffone et autoritaire : Molière fut applaudi quand il parla de renvoyer les femmes aux fourneaux !

Et ce n'est pas un hasard si l'Académie française, qui a raté Mme de la Fayette, George Sand et Colette ont reçu tant de ducs, de cardinaux, Pétain et Maurice Druon (Rires sur les bancs du groupe socialiste), nous explique aujourd'hui qu'on ne peut mettre au féminin les noms de titres et de métiers...

Même chez elles, les femmes ont été longtemps tenues en tutelle d'abord celle de leur père, puis celle de leur mari. Le régime de la dot faisait que les biens de l'épouse étaient gérés par le mari. L'adultère de l'homme était puni beaucoup moins sévèrement que celui de la femme. Quant aux enfants, ils étaient placés sous l'autorité paternelle, et si elle devenait veuve, la femme se voyait adjoindre un conseil de famille. Bien entendu, il y a eu des protestations, des provocations et cela a permis aux conservateurs de tout poil -il y en a encore quelques-uns parmi nous- de traiter les suffragettes comme on avait traité autrefois leurs ancêtres de précieuses ridicules.

Néanmoins, le problème était enfin posé.

En 1919, la Chambre adopta une déclaration de principes favorable aux femmes mais, en 1922, le Sénat déjà là, toujours là, refusait de discuter sur le suffrage des femmes.

La même année, une nouvelle proposition est déposée par Justin Godart, député de Lyon et signée par Ferdinand Buisson, Paul Boncour et Léon Blum qui nommera ensuite trois femmes dans son gouvernement.

Mme Yvette Roudy - Gloire à eux !

M. François Colcombet - Certes, le droit de vote et d'éligibilité n'était accordé aux femmes qu'à trente ans mais malgré sa prudence, cette proposition a fait long feu.

Il a donc fallu attendre que l'Assemblée consultative provisoire se prononce le 18 mars 1944, grâce à l'obstination du résistant communiste Fernand Grenier en faveur du vote des femmes. Le 21 avril 1944, le général de Gaulle signait l'ordonnance leur accordant ce droit.

La Constitution de 1946 proclame l'égalité de l'homme et de la femme dans tous les domaines. Hélas, nous sommes en France et, malgré les textes, les traditions, même détestables, sont solides.

Aussi, ce texte ne sera-t-il appliqué que dans la sphère privée, dans la famille, près des fourneaux...

Le droit de la famille est certes devenu plus égalitaire en matière de régimes matrimoniaux, de divorce, de filiation et par le passage de l'autorité paternelle à l'autorité parentale conjointe. Beaucoup a été fait au point même que, dans certains secteurs, les femmes sont peut-être trop présentes. Je pense notamment à la pratique des tribunaux qui consiste à ne faire siéger pratiquement que des femmes pour les affaires de droit de la famille alors que ces questions n'intéressent pas qu'elles et que la présence d'au moins un homme devrait être obligatoire.

En bref, ceux qui feignent de croire qu'une avancée supplémentaire est possible sans texte se trompent.

Il n'en est pas moins certain que ce vote ne dispensera ni les hommes de changer leur comportement ni les femmes de continuer à lutter pour acquérir les droits auxquels elles peuvent légitimement prétendre (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et sur quelques bancs du groupe du RPR).

M. le Président - Je signale en tout cas que j'ai déjà le privilège de présider une assemblée où la parité est assurée.

Mme Marie-Jo Zimmermann - Cinquante ans après la reconnaissance du droit de vote des femmes par le général de Gaulle, comment ne pas regretter d'être obligés de modifier la Constitution pour inscrire l'égal accès entre les hommes et les femmes aux fonctions et mandats électifs, ce qui constitue un aveu d'échec ?

La France est au soixante douzième rang mondial et à l'avant dernier rang au sein de l'Union européenne quant à la place des femmes dans la vie politique avec 10,5 % de femmes parmi les députés et 5,9 % parmi les sénateurs.

Compte tenu de la jurisprudence du Conseil constitutionnel, une révision de la Constitution est nécessaire afin de permettre les évolutions trop longtemps attendues. En novembre 1982, le Conseil constitutionnel a en effet annulé une disposition selon laquelle aucune liste ne devait comporter plus de 75 % de candidats du même sexe. Un des principaux motifs de cette décision était le risque de voir apparaître une législation particulière à une catégorie de Français.

Mais les femmes ne sont pas une catégorie de citoyens. Elles forment une des deux composantes de l'humanité et sont absolument égales aux hommes en dignité, en droits et en représentativité.

Si ce projet ne réussissait qu'à mieux enraciner cette évidence dans notre culture, il serait déjà justifié.

Si aujourd'hui les femmes sont sous-représentées dans la vie publique, cela ne résulte pas du choix des électeurs. C'est la conséquence d'une pesanteur sociologique héritée d'un long passé.

Sous l'Ancien Régime, les femmes étaient largement exclues de la vie publique et la Révolution de 1789 a laissé les femmes à l'écart de la démocratisation de la société en leur refusant le droit de vote. De même, si en 1848, le suffrage censitaire a été remplacé par le suffrage universel, ce n'était encore qu'une demi-universalité excluant les femmes.

Elles ne sont devenues des citoyennes à part entière en obtenant le droit de vote qu'en 1944, et c'est au général de Gaulle qu'elles le doivent.

Presque au même moment, en 1945, une autre étape importante a été franchie avec la création de l'ENA, car par la volonté de Michel Debré ce fut la première grande école ouverte aux femmes. Michel Debré a rappelé les difficultés auxquelles il fut confronté lorsqu'il prit cette décision : "Je me vois encore, racontait-il, l'annonçant à tous les responsables... Un silence suivit. Je présentai un exposé des motifs. A quoi bon ouvrir les universités aux jeunes filles si ont leur refusait tout débouché ? Est-il raisonnable, quand on connaît la qualité de nombre d'entre elles, de n'offrir à leur zèle que des emplois de second ordre ? En quoi le travail des administrations centrales, du Conseil d'Etat, de la Cour des comptes est-il incompatible avec l'état de jeune fille, de femme mariée, de mère de famille ?"

Dès lors, le chemin était tracé. Partout, dans la vie familiale et professionnelle, dans la vie personnelle et sociale, les femmes ont conquis, parfois rapidement, parfois plus difficilement, des droits égaux à ceux des hommes.

Nous sommes fiers du chemin parcouru et fiers de la part que les gaullistes y ont pris grâce aux gouvernements de Georges Pompidou, de Jacques Chaban-Delmas, de Jacques Chirac, d'Edouard Balladur et d'Alain Juppé.

Ainsi, c'est pas à pas que l'égalité des droits en matière civile et que l'accès à toutes les responsabilités professionnelles et sociales, ont été reconnus aux femmes.

En 1965, sous le gouvernement de Georges Pompidou, elles ont acquis le droit d'exercer une activité professionnelle sans l'accord de leur mari.

En 1967, une loi votée à l'initiative de Lucien Neuwirth autorise la contraception.

En 1970, sous le gouvernement de Jacques Chaban-Delmas, l'autorité paternelle est remplacée par l'autorité parentale et en 1972, le principe "à travail égal, salaire égal" est voté.

En 1975, sous le gouvernement de Jacques Chirac, le divorce par consentement mutuel est institué ainsi qu'une loi interdisant toute distinction de traitement entre hommes et femmes dans la fonction publique. Cette même année, une nouvelle législation sur l'interruption volontaire de grossesse et l'interdiction des discriminations à l'embauche sont votées.

En 1976, pour la première fois, une femme accède au grade de général et la première promotion mixte sort de l'école de commissaires de police.

En 1993, sous le gouvernement d'Edouard Balladur, l'Ecole navale est ouverte aux femmes.

Enfin, en 1996, sous le gouvernement d'Alain Juppé, une femme est nommée pour la première fois préfet de région, en Lorraine.

Ainsi, la vie des femmes s'est beaucoup modifiée et une nouvelle répartition des tâches au sein des couples fera encore évoluer la situation. Mais si les femmes sont entrées dans la vie active, s'intéressent à la politique et participent très largement à la vie associative, leur place dans les fonctions de responsabilité reste réduite.

Ainsi, si dans le secteur privé, 25 % des cadres sont des femmes ce n'est le cas que de 5 % des cadres supérieurs. Dans la santé, il y a 86 % d'infirmières contre seulement 20 % de femmes médecins généralistes. Dans le secteur de l'éducation, les femmes représentent 65 % des enseignants de l'école primaire mais seulement 10 % des professeurs d'université.

Les évolutions profondes de la société auxquelles les gaullistes ont tant contribué ont donc permis des avancées importantes sans régler pour autant tous les problèmes. C'est néanmoins dans la vie politique que la sous-représentation des femmes est la plus flagrante.

Notre démocratie semble comme rétive, devant les femmes. Certes, des progrès importants doivent être soulignés dans les communes où les femmes représentent 21 % des conseillers municipaux, et dans les conseils régionaux où elles représentent 25 % des élus. Voilà qui nous donne beaucoup d'espoir pour l'avenir de notre démocratie. Toutefois, les femmes ne représentent encore que 7,6 % des maires, que 10,5 % des députés, moins de 6 % des sénateurs et un peu moins de 8 % des conseillers généraux.

Il y a certes là notre héritage historique, mais le passé n'explique pas tout. En effet, l'Espagne avec 24,6 % des femmes au Parlement et l'Italie avec 11,1 % font bien mieux que la France malgré un passé religieux similaire au nôtre. Mais ces pays ont pris des mesures pour faire évoluer la situation.

Il serait donc fort hypocrite de regretter le manque de femmes dans la vie politique sans proposer des solutions pour y remédier.

Mme Roselyne Bachelot-Narquin et M. Jean-Luc Warsmann - Très juste !

Mme Marie-Jo Zimmermann - Ce constat a été dressé indépendamment des clivages partisans.

Dès 1995, à l'initiative du Président de la République, un observatoire de la parité présidé par Mme Bachelot a été mis en place par Alain Juppé. Le rapport qu'il avait soumis préconisait déjà une révision constitutionnelle. Nous avions discuté de cette question en mars 1997.

Par ailleurs, la France a adhéré dès 1979 à la convention des Nations Unies sur l'élimination de toutes les formes de discriminations à l'égard des femmes. Cette convention ratifiée en 1983 autorise les Etats à prendre des mesures temporaires et spécifiques pour lutter contre les discriminations dans la vie publique.

Nous examinons aujourd'hui une révision constitutionnelle qui, je le répète, est un pis-aller mais qui ne peut plus être retardée.

Toutefois, nous ne pouvons, à ce stade, cacher nos inquiétudes quant aux arrière-pensées du Gouvernement.

Mme Yvette Roudy - Quelles arrière-pensées ? Expliquez-vous !

Mme Marie-Jo-Zimmermann - J'ai en tête ce qui s'est passé mercredi dernier.

Attachés au scrutin uninominal, garant d'un lien étroit entre les électeurs et les élus, nous n'accepterons pas que certains s'appuient sur cette révision constitutionnelle pour justifier la modification du mode de scrutin. Nous prenons acte des déclarations du Premier ministre.

Rien ne serait plus condamnable que de cacher derrière la grande cause des femmes des tricheries politiciennes (Mmes Yvette Roudy et Odette Grzegrzulka protestent vivement).

Pour nous, la fin la plus noble ne saurait justifier des moyens peu républicains.

Mme Yvette Roudy - Elle nous fait la leçon !

Mme Marie-Jo Zimmermann - Les quotas, la modulation du financement en fonction du nombre de femmes élues suscitent bien des questions que, le moment venu, nous examinerons avec le plus grand soin. Rien ne serait pire pour les femmes, rien ne serait plus dangereux pour notre communauté nationale tout entière que de bafouer nos principes républicains.

Le groupe RPR votera le projet de loi constitutionnelle ("Ah !" sur les bancs du groupe socialiste et du groupe communiste). Nous formons le voeu que la déclaration inscrite dans notre loi fondamentale provoque enfin une prise de conscience chez les responsables politiques, qui, s'ils en ont vraiment la volonté, peuvent aider les mentalités et les comportements à évoluer.

Mme Odette Grzegrzulka - Langue de bois ! Bouillie pour les chats !

Mme Marie-Jo Zimmermann - Si cette révision constitutionnelle ne se suffisait pas à elle-même, elle ouvrirait la voie, certes étroite et difficile, à la contrainte et à la ferme incitation. Sachons utiliser la chance qu'elle nous donne de faire que la représentation des Français soit, comme le souhaitait le 4 décembre dernier à Rennes le Président de la République, "à l'image de la France". (Applaudissements sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL)

M. Robert Hue - Je veux d'abord dire ma profonde satisfaction de voir venir en discussion une idée défendue depuis plusieurs années déjà par le groupe communiste et apparentés. C'est aussi avec une certaine fierté que j'interviens sur cette question décisive de l'égalité des femmes et des hommes, cinquante quatre ans après que le droit de vote a été accordé aux femmes par le Gouvernement du général de Gaulle sur proposition du député communiste Fernand Grenier.

C'est un honneur pour la gauche d'accéder enfin à une demande portée par une majorité de Françaises et de Français qui n'admet pas une délégation de pouvoirs tenant parfois de la confiscation et qui n'abandonne pas ses espoirs vis-à-vis du politique. La gauche plurielle se doit de marquer un pas vers l'égalité, particulièrement dans la vie politique, où elle fait le plus manifestement défaut. Il est temps de provoquer une avancée qui soit à la mesure du rôle que les femmes jouent dans la vie économique et sociale, de leur apport à la vie associative et locale, au mouvement social, à la vie culturelle et intellectuelle du pays.

En modifiant la Constitution nous dirons la volonté de la communauté nationale et nous fixerons une obligation de résultat.

La notion de parité n'a pas rencontre d'emblée l'adhésion du Parti communiste. Il y a vu, comme beaucoup de gens et notamment de femmes, le spectre des quotas et la marque d'un sexisme condescendant. Il a également pensé pendant longtemps, à tort, que les évolutions sociales entraîneraient naturellement une plus juste représentation des femmes dans la vie politique.

Lui qui avait pris la décision, dès les années 20, de présenter des femmes aux élections alors qu'elles n'avaient pas le droit de vote, et qui a été capable de faire élire de très nombreuses femmes en des périodes où il était bien le seul à le faire, était porté à croire que la force de la conviction et le mouvement de la société seraient suffisants pour dépasser les pesanteurs.

Force est de constater que nous étions trop optimistes. D'abord parce que les discriminations ne sont pas vaincues dans la vie sociale, loin s'en faut ; ensuite et surtout parce que le pouvoir politique est bel et bien toujours dominé par les hommes.

Il faut donc faire preuve de volontarisme. Certes, comme l'a déclaré Mme Tasca, la modification qui nous est proposée est une étape nécessaire mais non suffisante ; elle ne garantit pas la parité, mais constitue un solide point d'appui.

L'inscription dans la Constitution, à l'article concernant la souveraineté nationale de l'égal accès des femmes et des hommes aux mandats et fonctions est une avancée réelle, mais, sans une profonde réforme des institutions, elle perdrait beaucoup de sa force. Il faut donner la primauté à l'assemblée élue au suffrage universel direct et, face à l'exécutif et à l'Union européenne, accroître les pouvoirs d'initiative, de décision et de contrôle de l'Assemblée nationale, dont les membres, hommes et femmes, doivent être vraiment représentatifs de notre pays dans ses diverses catégories socio-professionnelles.

Il est urgent d'étendre le scrutin proportionnel, de limiter le cumul des mandats et d'adopter un véritable statut de l'élu, pour permettre aux femmes, qui rencontrent beaucoup de difficultés pour exercer un emploi tout en éduquant les enfants, d'exercer tous leurs droits de citoyennes et d'élues.

Ces modifications des règles du jeu politique, qui figuraient dans les propositions de loi déposées par le groupe communiste, ont été retenues dans le rapport de l'Observatoire de la parité, alors présidé par Mme Bachelot et Mme Halimi. Mais alors qu'elle s'apprête à approuver ce premier pas, la droite aiguise déjà ses armes contre l'extension de la proportionnelle, pourtant seul moyen de garantir la parité.

Il ne faudra pas s'arrêter au milieu du gué : le Gouvernement et la majorité doivent prendre leurs responsabilités.

Mme Roselyne Bachelot-Narquin - Il faut accorder vos violons !

M. Robert Hue - Il ne faut pas céder aux pressions de ceux qui veulent faire de la politique la chasse gardée d'une élite formée dans les grandes écoles et qui tirent avantage d'une représentation démocratique mutilée.

Par ailleurs, les droits civiques et politiques sont indissociables des droits sociaux. L'application de la loi sur les 35 heures, l'amélioration des conditions de travail, la lutte contre les discriminations salariales, le développement des services publics, la création de nouveaux droits pour les salariés, la lutte résolue contre toutes les formes d'exclusion sont autant de leviers pour une meilleure participation des femmes à la vie publique. Il est significatif que les femmes soient majoritaires dans les actions pour les 35 heures, pour l'enseignement, pour la dignité des chômeurs, des sans-logis, des sans-papiers... Elles savent pourquoi elles luttent car des inégalités scandaleuses persistent dans la formation, les revenus, en matière de chômage et de précarité. Comment faciliter l'accès des femmes aux responsabilités sans engager une politique audacieuse de qualification, sans améliorer les conditions de vie, sans développer des droits d'intervention qui mettent l'exercice de la citoyenneté à la portée de chacune et de chacun ?

Réciproquement, pour avancer dans toutes ces directions, il faut réhabiliter l'action politique, la rendre plus proche des réalités, en faisant en sorte que les élus reflètent la diversité de la société. On sait trop qui a intérêt à enfermer les femmes entre morale et maternité, entre cuisine et précarité !

Dans une société toujours dominée par la rentabilité financière, elles sont encore trop souvent une force d'appoint, avec un salaire d'appoint, une main-d'oeuvre dont on prétexte les responsabilités familiales pour lui imposer le temps partiel ou le retour au foyer mais qu'on n'hésite pas à faire travailler le week-end au nom du profit ; elles sont aussi force de travail domestique, appât publicitaire, bouc émissaire de l'échec scolaire et de la délinquance juvénile, sans parler des nouvelles formes d'esclavage imposées à certaines de celles que la pauvreté a poussées à l'exil dans notre pays.

Pour dire avec leurs mots ce qu'elles attendent de la politique et pour y imprimer leur spécificité, les femmes se doivent d'être plus nombreuses ici comme dans tous les lieux de pouvoir. Reconnaissons que derrière les images d'Epinal qui sont données d'elles, c'est l'exploitation, l'exclusion et la culpabilisation qui leur reviennent dans la triste distribution du libéralisme moderne.

On dit que les hommes auraient peur de perdre leurs "privilèges" mais sur le terrain politique et social, les hommes n'ont rien à "abandonner" ; ils ont tout à gagner, ils ont à s'enrichir de l'altérité.

Il s'agit de donner l'élan nécessaire pour combler un retard qui tient pour une part à l'abstraction de notre tradition universaliste. A la guerre des sexes qui semble succéder outre-Atlantique à la guerre froide, une guerre où les tribunaux facturent en dollars les incapacités à vivre ensemble, il est grand temps qu'un pays comme la France invente un dessein démocratique, favorisant une citoyenneté active et solidaire, complète et donc mixte.

La citoyenneté ne se décrète pas. Elle se conjugue avec la dignité et le respect de la personne humaine, conformément à l'article 2 de la déclaration universelle des droits de l'homme.

Avec l'objectif de la parité, un grand chantier s'ouvre à nous. C'est, comme l'a dit Geneviève Fraisse, la "tentative de joindre ce qui a été disjoint : l'universel et l'utopie". Les communistes, adeptes des utopies concrètes, sauront faire des propositions pour que cet objectif de parité dynamise l'ensemble des choix de la majorité de la gauche plurielle.

Je mesure le chemin parcouru grâce au luttes des femmes -songeons à l'interruption volontaire de grossesse. Je pense néanmoins que jamais depuis cinquante ans l'Assemblée et bientôt le Congrès, n'auront marqué une volonté aussi solennelle en faveur de l'égalité. Sans que nous puissions mesurer aujourd'hui la portée de cet acte et de ce qui en découlera, il laisse augurer un changement profond de la vie politique.

Nous sommes confiants et enthousiastes car, lorsque cet acte symbolique se sera pleinement concrétisé, nous trouverons enfin dans la vie politique la stimulante dualité qui existe dans notre société, composée d'hommes et de femmes que nous voulons libres, associés et égaux (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste, du groupe socialiste et du groupe RCV).

M. Pierre-Christophe Baguet - Il est des moments dans la vie d'un parlementaire empreints d'une particulière solennité. Je remercie donc mes collègues de l'UDF-Alliance et le président du groupe de m'offrir l'honneur de m'exprimer sur ce texte, qui revêt à nos yeux une importance toute particulière.

Je mesure les combats menés et le chemin parcouru. Le mot d'égalité est gravé au fronton de toutes nos mairies, aux côtés de ceux de liberté et de fraternité. Il s'agit aujourd'hui de parfaire cette égalité, si mal appliquée dans notre société en particulier aux femmes dans le domaine politique.

Je ne m'attarderai pas sur les causes pourtant nombreuses et parfois historiques de cette situation. Une anecdote sera plus éclairante. Un de mes amis auquel je demandais ce matin s'il savait depuis quand une femme peut exercer une activité professionnelle sans l'autorisation préalable de son mari m'a répondu : "Sans doute à la fin du XIXème siècle". Que nenni ! Cette loi date de ... 1965 ! 1965 où France Gall gagne le concours de l'Eurovision et où le tunnel du Mont Blanc est inauguré. Tout cela n'est pas si loin, et pourtant...

Je n'insisterai pas sur les chiffres dorénavant connus de tous, mais sur les conséquences de l'absence des femmes en politique qui contribue plus qu'on ne le croit au décalage entre la société civile et la classe politique. Ce décalage persistant entre la réalité que nos concitoyens perçoivent quotidiennement, notamment dans leur vie professionnelle, et le monde politique, les fonde à s'interroger sur notre souhait sincère de mieux les représenter pour mieux les servir.

Je m'interroge souvent sur cette fonction de représentation et sans doute ne suis-je pas le seul. Chacun d'entre nous souhaite un réel changement ; malheureusement, collectivement, nous reculons devant l'ampleur de la tâche. En effet, l'égalité réelle entre les hommes et les femmes passe d'abord par l'égalité socio-économique. Il conviendrait donc de moderniser aussi la vie économique et sociale de notre pays. Nous devrons aussi nous attacher à réduire le fossé qui sépare le monde politique de la vie civile. Un premier pas est aujourd'hui franchi avec ce projet de loi.

Les femmes occupent une place minime dans la sphère politique. Les chiffres à cet égard sont affligeants. Et sur ce point, aucun parti n'a le droit de faire la leçon. Toute tentative de récupération démagogique serait pareillement déplacée. J'ai d'ailleurs approuvé l'analyse objective de Catherine Tasca qui reconnaît dans son rapport que la situation particulièrement défavorable de son parti à la veille des dernières législatives lui a permis beaucoup plus facilement qu'aux autres de favoriser des candidatures féminines. Soyons pour une fois modestes : nous sommes tous responsables de cette situation.

On nous propose de réformer la Constitution pour favoriser l'égal accès des hommes et des femmes aux mandats et fonctions. C'est bien, mais est-ce suffisant ?

M. Bernard Roman - Non !

M. Pierre-Christophe Baguet - Plus qu'une loi qui imposera, ce sont les moyens d'accès à l'égalité sociale et économique qu'il faut développer. Il faut transformer la vie politique dans son ensemble en créant un véritable statut de l'élu, en désignant de manière réellement démocratique les candidats et en modifiant les habitudes de fonctionnement des partis.

Mme Nicole Bricq - Et en décidant le non-cumul des mandats.

M. Pierre-Christophe Baguet - Les femmes sont les principales victimes de ces difficultés. Les chiffres parlent d'eux-mêmes. Au 1er juin, elles représentaient 7 % des directeurs d'administration centrale, 10 % des recteurs, 6 % des ambassadeurs, 3 % des préfets, 5 % des sous-préfets. Seules trois femmes de la promotion 1978 de l'ENA occupent aujourd'hui un poste à haute responsabilité. Elles n'étaient pas forcément les mieux classées à la sortie mais elles étaient les plus pugnaces et leur carrière a été un combat permanent. Comment pourrait-il en être autrement lorsque très tôt, elles sont sommées de choisir entre leur vie familiale et leur épanouissement social, redoutable dilemme ? Comment pourrait-il en être autrement lorsqu'elles n'ont pas de place en crèche pour leur enfant ou, lorsqu'elles ont la chance d'en avoir une, elles se retrouvent prisonnières d'horaires rigoureux ? Comment s'organiser, avec des enfants scolarisés seulement 143 jours par an et quand le calendrier économique est si décalé par rapport au calendrier scolaire ? C'est un exploit quotidien qui leur est demandé pour persévérer dans cette double voie socio-économique et personnelle. Une des solutions repose sur la souplesse et la liberté de choix. Or, depuis 18 mois le gouvernement socialiste semble s'acharner sur cette liberté nécessaire aux femmes. (Protestations sur les bancs du groupe socialiste)

Les attaques répétées contre la famille avec la réduction de l'AGED, la diminution de la déduction fiscale pour les emplois familiaux, la diminution du quotient familial, frappent directement les femmes. Il est assez paradoxal d'entendre aujourd'hui les mêmes s'étonner de leur absence en politique ! Comment les femmes pourraient-elles rajouter à leur course contre la montre, quotidienne, le temps nécessaire à la vie publique ? Je n'ose même pas parler d'une femme seule avec des enfants.

Cessons l'hypocrisie. Même si l'on se plaît à dire qu'une femme moderne peut à la fois être un acteur économique et mère ou épouse, il y a des limites !

Cela étant, les réformes sociales et économiques nécessaires seront longues, l'évolution des mentalités sans doute encore plus. Aussi la loi peut-elle être un premier pas. Ce n'est pas l'idéal, mais parfois le législateur doit savoir stimuler la démocratie. En l'occurrence, un acte volontariste est nécessaire.

L'UDF a toujours été, sur ce sujet, en avance, avec les propositions de loi déposées dès 1996, par Nicole Ameline, Gilles de Robien et Alain Ferry.

Aujourd'hui, nous sommes au pied du mur, et ce n'est pas parce que nous sommes dans l'opposition que nous changerons d'avis. Modifier la Constitution n'est pas neutre. Rechercher plus d'égalité entre les êtres est louable et un républicain ne peut en contester le principe. Mais, lorsque ce choix débouche sur des chemins dont on ne connaît pas précisément l'issue, il y a matière à réfléchir.

Ce projet de loi constitutionnel appelle donc quelques précisions. Tout d'abord, quels seront les calendriers et surtout le contenu des lois qui suivront ?

En deuxième lieu, ces lois ne devront pas servir d'alibi au statu quo des moyens. Aussi serait-il raisonnable de les limiter à une durée de dix ans et de dresser alors un bilan objectif devant le Parlement de toutes les avancées sociales, économiques et politiques qu'elles auront permises.

En troisième lieu, le Gouvernement doit s'engager clairement, à ne pas détourner l'objet de ce projet de loi constitutionnelle à des fins partisanes, en imposant une modification des modes de scrutin. Toutes ces questions appellent des réponses précises du Gouvernement.

M. Bernard Roman - Vous les avez eues !

M. Pierre-Christophe Baguet - Comme le Président de la République, j'aurais préféré que nous puissions nous appuyer sur un changement des mentalités mais je ne me fais guère d'illusions. Dans ces conditions, je suis d'accord : essayons la parité. De toute façon celui qui n'ose rien n'obtient rien ! Au-delà de l'intérêt des femmes, il y va de l'intérêt de notre pays tout simplement.

Dans ce contexte, il conviendrait de réfléchir à la modification de la loi de 1988 sur le financement des partis politiques. Il serait sain de lier leur financement à la place qu'ils accordent aux femmes parmi leurs candidats. Le peuple doit toutefois rester souverain. Et il ne saurait être question de punir un parti parce que les électeurs auraient mal voté (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste).

Enfin, il faut écarter tout risque de communautarisme. On en mesure aujourd'hui les effets pervers outre-Atlantique. A ce propos, on peut s'interroger sur la décision du Conseil constitutionnel du 18 novembre 1982. Sur le plan juridique, il avait raison. Sous l'angle de notre société, sa décision est discutable. On ne peut en effet considérer la femme comme une "catégorie d'individus". Les femmes ne sont pas une minorité, elles représentent plus de la moitié de l'humanité. A ce titre, elles méritent le plus naturel des respects. Elles ne demandent pas l'aumône. Ne les traitons pas avec une condescendance humiliante.

Aussi, au nom du groupe UDF Alliance, je dis oui à cette première étape nécessaire à la modernisation de la vie politique. Nous devrons toutefois rester vigilants sur l'exploitation ultérieure de cet engagement.

Je conclurai par une image qui devrait convaincre les plus réticents sur l'avenir de notre représentation nationale : celle du Parlement des enfants qui compte de plus en plus de filles. Ces enfants sont l'avenir de notre démocratie. Le Parlement des enfants, croyez-moi, c'est le visage de la France. (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF, du groupe DL et du groupe du RPR et quelques bancs du groupe socialiste)

Mme Chantal Robin-Rodrigo - Je suis, depuis quelques semaines, la première femme à représenter ici les Hautes-Pyrénées. (Applaudissements sur les bancs du groupe RCV, du groupe socialiste et du groupe communiste) Pour autant, ce sont des idées politiques que je défendrai ici et non spécifiquement les femmes.

Dans mon département, la place des femmes illustre la situation nationale. Elles n'occupent que 9 % des sièges au conseil général, 6,5 % des postes de maire -le plus souvent dans des communes de moins de cinq cents habitants- et 17 % des sièges dans les conseils municipaux. Ici même, malgré des progrès récents, 90 % des députés sont des hommes. Nous sommes loin de la mixité et du modèle suédois.

Nombreuses sont les historiennes, sociologues et femmes politiques à avoir analysé les raisons de la sous-représentation des femmes dans la vie publique. Je rappellerai brièvement l'héritage historique : le principe d'organisation de la société a cantonné les femmes à la sphère domestique et beaucoup d'entre-elles l'ont accepté.

Mais l'héritage historique ne saurait, à lui seul, expliquer pourquoi les Françaises se tiennent en retrait de la vie politique, alors qu'elles représentent plus de la moitié du corps électoral.

Le mode de désignation des candidats et le mode de scrutin gênent considérablement l'accès des femmes aux lieux de décision. Si beaucoup de responsables politiques trouvent cette situation inacceptable, aucune mesure concrète n'a été prise.

De même, l'organisation de la vie politique est un obstacle pour les femmes qui pratiquent la double journée : le temps libre n'est pas suffisant et le partage du travail à la maison pas assez poussé. Ce qui pose une nouvelle fois la question du statut de l'élu.

Enfin, le cumul des mandats ne favorise pas le renouvellement de la classe politique et ne permet guère aux femmes qui le souhaitent de se présenter aux élections autrement que comme suppléantes.

M. Patrice Martin-Lalande - Il y en a qui deviennent députés comme cela...

Mme Chantal Robin Rodrigo - La limitation du cumul des mandats, conjuguée à des propositions concrètes visant à faciliter la vie quotidienne des femmes qui travaillent me semble nécessaire

Qui aujourd'hui pourrait croire à une évolution naturelle et à une démarche spontanée ? Des sociologues ont calculé qu'au rythme de progression enregistré depuis 50 ans, il faudrait environ 500 ans pour arriver à la parité...

Il faut donc fixer les contraintes, c'est-à-dire légiférer. Or, la loi, en ce domaine, ne peut intervenir sans une révision constitutionnelle préalable.

Faut-il pour autant, se demandent certains, prendre le risque de remettre en cause l'universalisme républicain, d'aboutir à une législation spécifique pour chaque catégorie ? Je réfute ces arguments. Comme l'a écrit Gisèle Halimi que j'ai plaisir à saluer dans les tribunes : "les femmes ne constituent pas une catégorie mais, comme les hommes, elles les englobent toutes et les engendrent".

C'est pourquoi les radicaux de gauche sont favorables au projet et satisfaits de voir que la commission des lois a amélioré le texte initial.

Cette révision constitutionnelle ne serait cependant qu'une coquille vide si elle n'était pas suivie d'une série de lois tendant à favoriser la parité. Le Gouvernement s'y est engagé, il peut compter sur l'appui des radicaux de gauche.

Soyons bien conscients, toutefois, que l'égalité dans le domaine politique n'est qu'un des combats que nous devons mener. Cette réforme devra s'accompagner de mesures visant à transformer la vie quotidienne des femmes, en particulier dans le monde du travail (Applaudissements sur les bancs du groupe RCV, du groupe socialiste et du groupe communiste).

M. François Goulard - Comme le Malraux des Antimémoires, je pense que "les femmes sont la seule part raisonnable de l'humanité".

J'appartiens à une génération pour laquelle la mixité fut la règle, que ce soit pendant nos études ou dans la vie professionnelle. Le partage traditionnel des rôles s'est considérablement estompé. C'est pourquoi la place des femmes dans la vie publique me paraît anormalement peu développée.

Les causes de cette situation sont connues. La première d'entre elles réside dans le conservatisme foncier d'un monde politique dans lequel chacun s'efforce de conserver son mandat, jusqu'à un âge bien plus avancé que dans la vie professionnelle. La lenteur à laquelle se déroulent les carrières joue aussi un rôle sélectif.

Mais l'inégalité tient beaucoup aux conditions de vie des femmes, qui ont incontestablement moins de disponibilité que les hommes, surtout quand elles ont des enfants.

Le souci de remédier à cette situation qui nous distingue des autres pays est légitime. Mais en voulant réviser la Constitution, le Gouvernement a-t-il choisi le bon moyen ? Je répondrai que non, pour des raisons de principe.

Nous ne pouvons pas encore nous prononcer sur certains projets que le Gouvernement envisage de nous soumettre, mais nous savons déjà que cette révision constitutionnelle vise à créer une rupture dans l'égalité des chances au moyen d'une discrimination positive. Je suis quant à moi hostile à toute discrimination, positive ou négative, l'une se traduisant d'ailleurs, nécessairement, par l'autre. On lit à l'article premier de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen que les hommes -entendez par là les hommes et les femmes- "naissent et demeurent libres et égaux en droits". Son article 6 veut que "tous les citoyens étant égaux devant la loi, ils "sont également admissibles à toutes dignités, places et emplois publics, selon leur capacité, et sans autre distinction que celle de leurs vertus et de leurs talents".

Y a-t-il aujourd'hui, dans notre droit, un seul texte qui fasse obstacle à l'accès des femmes aux mandats électifs ? Rien ne leur interdit de se présenter, rien n'empêche les électeurs de voter pour elles... (Protestations sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe RCV) Ce ne sont pas nos lois qui sont en cause, mais nos comportements. Ce que nous ne sommes pas capables de faire nous-mêmes, nous voudrions que la loi nous y contraigne... Je vois là une forme de pusillanimité.

La loi n'est pas faite pour gouverner les moeurs. Elle ne doit pas, en outre, enfreindre un principe fondateur de la démocratie, l'égalité des citoyens devant la loi. Avec cette révision constitutionnelle, nous risquons d'avoir des élus moins élus que d'autres, pour ne pas dire des élus par protection (Protestations sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe RCV).

Mme Roselyne Bachelot-Narquin - Oh la la !

M. François Goulard - Les femmes ont subi une discrimination grave, qui n'a été réparée qu'en 1944 et dont les conséquences se font encore sentir. Nous vivons cependant la fin de cette période. Il n'y a pas de raison que les évolutions qu'ont connu les autres pays sans le secours d'une loi de discrimination, ne s'observent pas en France. Je n'accepte pas qu'on enfreigne le principe d'égalité pour accélérer ce passage.

Mme Nicole Feidt - Ce débat sur la parité ou, pour respecter les convenances du vocabulaire sur "l'égalité" entre les femmes et les hommes revêt une signification toute particulière pour les femmes exclues de la vie politique ou sociale en raison de leur sexe.

Ce n'est un secret pour personne, le barrage existe et il est très lent à disparaître même dans les organisations politiques ou sociales.

Certes, par notre vote, nous allons introduire dans notre Constitution le principe de l'égalité entre les hommes et les femmes. C'est nécessaire mais pas suffisant. Ce ne serait pas la première fois qu'un principe constitutionnel resterait lettre morte.

Une fois reconnu le principe d'égalité entre les hommes et les femmes, il faudra passer aux mesures concrètes. Les femmes attendent cela non seulement dans la vie politique mais aussi dans la vie sociale et syndicale.

Nous sommes en droit d'attendre du Gouvernement qu'il prenne clairement l'engagement de donner un contenu pratique au principe général qui va être inscrit dans la Constitution.

Des avancées ont déjà été réalisées, comme la limitation du cumul des mandats, mais il faut aller plus loin.

Dans un certain nombre de pays de l'Union européenne, la règle du non-cumul s'applique corrélativement à des mesures tendant à assurer la présence des femmes à tous les niveaux de la vie politique et représentative.

Le système des quotas s'impose parce que la volonté sexiste de barrer l'accès des femmes aux fonctions représentatives effectives, et non exclusivement honorifiques, multiplie les obstacles au fonctionnement normal de la démocratie.

Pour passer du principe d'égalité entre les hommes et les femmes, il faudra donc bien assurer l'application de la règle de la parité, au besoin par des pénalités.

On voit bien là que ceux qui ont voulu imposer le principe d'égalité plutôt que d'accepter la règle de la parité n'ont eu qu'une idée, éviter que la parité n'entre dans les faits, espérant sans doute que le Conseil constitutionnel saura, lors de l'élaboration des textes normatifs, comme il l'a déjà fait, privilégier l'égalité sur la parité.

Il nous appartiendra d'éviter qu'une application restrictive rétrograde des principes constitutionnels l'emporte sur les nécessités de la vie politique et sociale.

Il faudra aussi aller plus loin et veiller, bien au-delà de la lettre de la Constitution révisée, à assurer aux femmes l'exercice des responsabilités économiques, sociales et culturelles qui donne au principe constitutionnel d'égalité un contenu concret.

La quasi-totalité des postes de responsabilités dans les entreprises nationales et dans la fonction publique est exercée par des hommes. On ne fera jamais croire à un esprit sensé qu'il n'y a pas de femmes pour exercer de telles responsabilités...

Chaque fois qu'une femme est nommée ou élue au Conseil constitutionnel, à l'Académie française, à la tête d'une juridiction ou simplement d'une administration, la nouvelle est considérée comme exceptionnelle, alors qu'elle ne devrait être que banale.

Une révolution des mentalités s'impose. On l'a vu quand, lors d'un remaniement ministériel, sept femmes d'un coup ont été remerciées...

M. Patrice Martin-Lalande - Et avant elles une femme Premier ministre...

Mme Nicole Feidt - Par delà le fait politique, il y avait là l'expression d'une mentalité qui doit disparaître. Nous attendons du Gouvernement actuel qu'il s'y emploie. Nous savons que nous, femmes et hommes, pouvons compter sur lui (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe RCV).

Mme Roselyne Bachelot-Narquin - Il n'est pas de responsable politique qui ne verse de larmes de crocodile sur la quasi absence des femmes des lieux de pouvoir. Je ne reviendrai pas sur les chiffres, tous et toutes les connaissent et l'Observatoire de la parité entre les hommes et les femmes, dont Alain Juppé m'avait confié la tâche de rapporteuse générale, le 21 octobre 1995, a dressé le constat accablant de l'exclusion de la moitié de l'humanité de la sphère politique.

Le remarquable travail animé par Gisèle Halimi, que je salue ici avec amitié et reconnaissance, a fixé les origines historiques, philosophiques et religieuses de cette exclusion. Le débat du 11 mars 1997, organisé à la suite de la remise de notre rapport à Alain Juppé avaient éclairé le sujet.

Mais assez de pleurnicheries, des actes !

Faut-il espérer une évolution lente vers une féminisation présentée par certains comme inéluctable ? Je n'en crois rien. Certes, la démarche du parti socialiste, lors des dernières législatives, est à méditer. Mais, outre que le quota de 30 % de femmes avait été contesté de façon peu amène des hommes furieux d'être mis sur la touche, le processus n'a amené que 18 % d'élues, preuve que les candidates avaient reçu généralement des circonscriptions plus difficiles. Cette démarche avait aussi été facilitée par la défaite électorale de 1993. En effet, comment fera le PS lors des prochaines élections avec 82 % de sortants hommes ?

Quant à la progression de la présence des femmes dans les conseils municipaux, dont on nous rebat les oreilles, elle est due surtout au monde rural, où les hommes ne veulent plus des responsabilités écrasantes et mal payées que représente le mandat de l'élu d'une petite commune. Elle ne préjuge donc pas d'une quelconque évolution positive dans les sphères réelles du pouvoir.

Aucune femme n'est maire d'une commune de plus de 100 000 habitants, très peu assument les vrais postes de décision, urbanisme, finances, action économique.

La légère amélioration est donc très insuffisante et réversible à chaque élection.

Faut-il du coup nous tourner vers des mesures incitatives ? J'en crois certaines utiles, d'autres profondément nocives, au nombre desquelles j'épinglerai le scrutin de liste proportionnel présenté par certains comme la panacée puisque les scrutins de ce type -régionaux, municipaux et européens- sont ceux qui voient le plus de femmes élues.

J'ai dit ce qu'il fallait penser du scrutin municipal. Les deux autres sont des élections récentes ce qui a empêché la stratification des copinages et des situations acquises, d'autant qu'elles ne constituent pas encore un réel enjeu de pouvoir.

Quant aux législatives, n'oublions pas que celles de 1986 se déroulèrent à la proportionnelle sans augmenter le nombre de femmes députées... Ce n'est donc pas la proportionnelle en elle-même qui féminise. Elle est en revanche un facteur de déstabilisation de nos institutions. Notre groupe s'y opposera de toutes ses forces. Nous ne pourrons accepter de voir ainsi les femmes instrumentalisées.

M. Pierre Albertini - Très bien !

Mme Roselyne Bachelot-Narquin - Vous le refusez aussi, Madame la Garde des Sceaux, mais je n'oublie pas que Mme Voynet comme M. Hue ont vu dans la proportionnelle un corollaire de la parité.

M. Bernard Birsinger - A juste titre !

Mme Roselyne Bachelot-Narquin - Deux mesures d'accompagnement sont en revanche indispensables : le statut de l'élu et le renforcement de l'interdiction du cumul des mandats. Certes, ni l'un ni l'autre ne sont en eux-mêmes susceptibles de féminiser, nous l'avons vu avec les effets de la loi du 30 décembre 1985, mais, ce sont des mesures de modernisation.

Puisqu'aucune amélioration notable ne saurait résulter de ces dispositifs, il nous faut nous résoudre à des mesures contraignantes. Certes, je ne m'y suis pas résolue de gaieté de coeur, mais nous voyons bien aujourd'hui que la loi doit fixer les conditions de cette parité hommes-femmes que nous n'avons pu établir naturellement.

L'épisode malheureux de la décision du Conseil constitutionnel du 18 novembre 1982, annulant l'amendement du 27 juillet 1982, instaurant un pourcentage maximum de candidats d'un même sexe sur les listes municipales, pourtant voté à la quasi-unanimité, a montré la nécessité d'une réforme constitutionnelle. Tous les constitutionnalistes interrogés par l'observatoire de la parité en ont convenu, même ceux qui sont opposés à toute mesure de contrainte.

Dans ce contexte, que penser de cette révision constitutionnelle ? Je suis tentée de la qualifier de service minimum : l'absence du concept de parité, mécanisme opérationnel de l'égalité est regrettable, le mot "favorise" est trop flou et ouvre la porte à des quotas inégaux et progressifs inacceptables.

Il convient donc, sous peine de susciter un contentieux inextricable, de réécrire l'article unique de manière plus ferme, en précisant qu'il s'agit bien des mandats et fonctions politiques.

En revanche, la modification me paraît judicieusement placée à l'article 3 de la Constitution, relatif à la souveraineté du peuple, d'autant que le Conseil constitutionnel s'était fondé sur cet article dans sa décision de 1982.

Mais cette modification peut n'être qu'une incantation de plus si elle n'est pas suivie de procédures opératoires précises. Or vous n'avez pas encore répondu aux questions qui se posent. Quelles lois allez-vous édicter ? J'ai insisté sur notre refus de tout retour à la proportionnelle. Allez-vous établir des mesures progressives comme des quotas évolutifs ? Quel calendrier vous êtes-vous fixé ? Ces mesures seront-elles transitoires comme le recommande Olivier Duhamel ? Comment instituerez-vous la parité dans les scrutins uninominaux ? Nous attendons vos réponses avec intérêt.

Je voterai bien sûr cette réforme constitutionnelle. Elle est la clé que nous allons tourner ensemble pour ouvrir la porte du pouvoir politique aux femmes qui en ont été si souvent exclues.

Mme Nicole Bricq - Belle image.

Mme Roselyne Bachelot-Narquin - Les femmes ne sont ni une minorité, ni une catégorie, ni une race, ni une classe.

La différence sexuée est fondatrice, toutes les autres différences sont contingentes ou transitoires. L'universalisme voulu par les constituants de la Révolution française n'aura été qu'un cache-sexe, une justification de l'exclusion des femmes de la politique.

Ces mesures ne sont pas déshonorantes pour les femmes ! Les hommes se sont-ils sentis déshonorés d'accaparer 90 % des postes ? Nous n'en réclamons que 50 % ... ("Très bien !" sur plusieurs bancs du groupe socialiste et du groupe UDF)

Combien avons-nous vu d'hommes-potiches, d'hommes-alibis, de protégés des chefs, d'amis des ministres ? Peut-être verrons-nous demain quelques femmes "pot de fleurs", ce sera la véritable égalité. (Sourires)

Les femmes s'intéressent à la politique. Quand un élu me dit avec un air faussement navré qu'il a cherché des femmes pour constituer une liste, mais qu'il n'en a pas trouvé, je lui rétorque que quand on fait une politique qui n'intéresse pas 50 % du corps électoral, soit on change de méthode, soit on rentre à la maison tailler ses rosiers.

Nous ne sommes ni moins compétentes, ni moins honnêtes, ni moins bonnes gestionnaires que les hommes. Il nous arrive parfois d'être meilleures, même si nous voulons souvent faire de la politique autrement.

Cette réforme constitutionnelle sera donc un premier pas dans la voie de l'égalité réelle mais seulement un premier pas. Tout reste à faire, au Parlement mais aussi dans l'opinion publique, pour que la parité politique entraîne la parité dans la vie professionnelle, sociale et familiale. Alors seulement nous serons vraiment la "précieuse moitié de la République". (Applaudissements sur tous les bancs).

Mme Elisabeth Guigou, garde des sceaux, ministre de la justice - Très bien !

M. Christian Paul - A vous entendre, Madame, je comprends mieux que le Président de la République se soit rallié, certes un peu tardivement, à ce projet.

M. Pierre Lellouche - C'est le monde à l'envers !

M. Christian Paul - Pour adopter cette réforme, nous irons bientôt à Versailles, lieu qui ne symbolise pas véritablement les progrès de la démocratie, mais où, dès octobre 1789, sortant d'un long silence, la parole publique des femmes, retentit et fut entendue.

Longtemps, y compris dans nos rangs, les efforts engagés et les combats menés pour la justice et pour la démocratie sociales, pour les droits nouveaux à conquérir dans l'entreprise ou dans la société ont occulté la volonté de faire progresser la démocratie politique.

Aujourd'hui, cette réforme offre, une réponse à la crise de la représentation politique. Il est aujourd'hui de notre responsabilité collective de reconstruire un socle de confiance entre les Français et les institutions, les Français et la politique.

La critique portée sur nos institutions ne vise pas seulement leur efficacité, leur moralité ou le spectacle qu'elles donnent, parfois, elle porte aussi sur le reflet déformé que la représentation politique offre de la société ainsi que sur l'écart entre le droit et les faits, entre les droits proclamés et la réalité des droits exercés. En excluant -de fait sinon en droit- les femmes de la représentation et de la décision politiques, nos institutions perdent en légitimité. Comment invoquer sans sourire la souveraineté du peuple quand la moitié de celui-ci reste à l'écart des responsabilités ?

Cette réforme répond à une attente forte dans notre pays. Si la France a beaucoup gagné depuis 40 ans en stabilité constitutionnelle, elle doit encore regagner en vitalité démocratique. C'est l'un des enjeux de cette législature. Alors que les engagements collectifs se sont affaiblis, nous n'avons à l'évidence pas tiré toutes les conséquences de l'élargissement aux femmes du suffrage universel. Leur venue en plus grand nombre dans l'espace public représente à mes yeux une chance de rompre avec ce désenchantement qui est la marque de notre époque.

Ma seconde conviction est que cette réforme ouvre l'un des chantiers majeurs de la modernisation de la vie publique.

Le contrat passé par notre majorité avec les Français en juin 1997, comportait le partage du travail, ce fut la réduction du temps de travail. Il comportait aussi le partage du pouvoir, et c'est l'accès aux responsabilités de femmes et d'hommes porteurs d'autres expériences.

L'égal accès des hommes et des femmes aux responsabilités publiques complète l'édifice dont Lionel Jospin a dessiné les contours à cette tribune en juin 1997.

La limitation du cumul des mandats en est l'une des autres pièces majeures. Des élus plus disponibles, un débat public plus lisible, mais surtout une ouverture à des candidats renouvelant l'image de l'engagement citoyen : l'addition de ces deux réformes provoquera une révolution tranquille dans nos moeurs politiques.

Ma troisième conviction est que la parité reste un combat.

Le terme est violent, mais on a vu le temps perdu depuis 1944. Aussi, ce combat ne sera pas gagné ce soir, même si la force de la loi constitutionnelle fera reculer nombre de résistances.

Le texte nous fait obligation de passer rapidement aux travaux pratiques.

Ce combat n'est pas gagné. Il est des conversions tardives qui ne peuvent faire totalement oublier les obstacles dressés, les arguments déployés ou les doutes exprimés encore aujourd'hui. Nous les retrouverons sur le chemin de la modernisation de la vie publique. Nous verrons les mêmes conservatismes se coaliser.

En France, les changements institutionnels, les droits politiques ont toujours été gagnés à l'occasion de conflits ou de ruptures.

Par cet acte politique fort, nous faisons la démonstration que la modernisation de notre vie publique est possible en dehors d'une crise majeure, même en période de cohabitation. Que cette preuve soit apportée pour la cause des femmes est pour moi ce soir un motif de fierté (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

M. Pierre Albertini - Je voudrais aborder ce débat sans démagogie ni naïveté, en soulignant à la fois l'intérêt et les limites de la démarche proposée.

La faible participation des femmes à la vie politique de notre pays est un échec de notre système institutionnel et de notre démocratie. Elle est indigne de ce que les femmes représentent dans la société civile. Il y a un très grand décalage entre leur émancipation civile et l'accès aux responsabilités, qui demeure beaucoup trop limité à tous les échelons.

Près d'un siècle s'est écoulé entre 1848, date du suffrage universel masculin et 1944, date du suffrage des femmes : c'est beaucoup plus que dans la plupart des autres pays.

Il est aujourd'hui plus difficile pour les femmes de réussir en politique et lorsqu'elles sont sous le feu des projecteurs, la sévérité à leur égard est plus grande. Je me rappelle avec émotion le lynchage médiatique dont a été victime Edith Cresson en 1991 (Approbations sur les bancs du groupe socialiste).

Les modestes progrès réalisés au Parlement européen et dans les conseils régionaux ne sauraient masquer la composition presque exclusivement masculine du Sénat et des conseils généraux.

Les causes de ce décalage sont multiples : poids des traditions et de l'église, droit romain, loi salique... Un facteur important est la conception même de la citoyenneté et de l'égalité des révolutionnaires de 1789 : la notion de citoyen, comme celle de nation, était alors purement abstraite et privilégiait une égalité formelle, puisque le suffrage était censitaire.

Un historien qu'on ne peut soupçonner de partialité, Pierre Rosanvallon, a montré la différence avec les conceptions anglo-saxonnes, beaucoup plus utilitaristes et fondées sur la représentation des différents intérêts.

La conception française du citoyen, sans doute un peu éloignée des réalités de la vie était -et reste- noble et elle insiste sur ce qui rassemble plus que sur ce qui divise : l'esprit de la République implique l'universalisme.

Or, la démarche qui nous est proposée, à laquelle l'UDF adhère, comporte un risque de catégorisation et ouvre le débat sur d'autres critères, comme l'âge ou l'origine sociale.

Je suis tout à fait partisan d'une participation beaucoup plus forte des femmes dans la vie politique mais cette place se conquiert beaucoup plus qu'elle ne peut être octroyée par la Constitution ou la loi. Ce n'est d'ailleurs qu'un des aspects du combat en faveur d'une plus grande diversité -sociale, professionnelle- des élus. La clé de cette évolution, le Président de la République l'a dit le 17 juin 1998, c'est l'évolution des mentalités : celles des hommes, notamment ceux qui décident des investitures dans les partis politiques, mais aussi celles des femmes qui doivent prendre toute leur place.

Aucun pays ne s'est engagé dans la reconnaissance constitutionnelle d'une stricte parité. Le texte proposé parle d'ailleurs de favoriser l'égal accès à la vie politique, ce qui est une démarche infiniment préférable à une stricte égalité mathématique, qui sera réductrice -on peut imaginer un Parlement comportant beaucoup plus que 50 % de femmes, pourquoi pas ? (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste)

Je conclurai en soulignant quelques ambiguïtés du texte : il n'apporte rien de plus aux principes posés par le Préambule de 1946, mais vise simplement à parer aux objections du Conseil constitutionnel.

Cette révision constitutionnelle aura des effets différés : mais aucun principe ne guide le législateur ultérieur et rien ne garantit que les lois qui seront votées à l'avenir ne seront pas censurées par le Conseil constitutionnel.

En attendant, un des meilleurs moyens d'accélérer l'évolution est de réformer la législation de 1988 sur le financement des partis politiques : nous avons rédigé une proposition de loi visant à créer une prime en faveur des partis présentant un plus grand nombre de candidates. Une telle mesure n'encourt aucune censure du Conseil constitutionnel et c'est un moyen très pratique d'engager la responsabilité de ceux qui décident des investitures, tout en respectant la liberté du suffrage à laquelle nous tenons tous.

Mme Gilberte Marin-Moskovitz - La France, pays de l'universalité, a mis un siècle et demi pour accorder le droit de vote aux femmes. En effet, les Françaises l'ont obtenu il y a cinquante ans seulement, bien après les Néo-Zélandaises -1893-, mais aussi les Scandinaves, les Allemandes -1919-, les Britannique -1928-, les Portugaises -1931- et les Turques -1933-.

Aujourd'hui, le nombre de femmes occupant en France des postes de responsabilité demeure particulièrement faible. Cela démontre les limites de l'égalité formelle proclamée par le Préambule de la Constitution de 1946.

Il est vrai que cette situation résulte largement de la tendance à considérer comme naturelle la répartition des rôles dans laquelle l'homme s'occupe de la sphère publique et la femme de la sphère privée. La tentation est d'ailleurs toujours grande lorsque l'activité fléchit de renvoyer les femmes à la maison. On l'a constaté après les guerres durant lesquelles on les avait pourtant appelées dans les usines. Il y a encore très peu de temps, c'est une inspiration voisine qui animait les promoteurs de l'AGED.

Le poids de l'histoire, de la culture, les conditions économiques et sociales, le rapport des hommes au pouvoir, constituent autant d'obstacles sur la route des citoyennes.

Il faut abattre ces barrières pour accéder à un nouvel âge de la démocratie.

En 1982, un amendement présenté par Gisèle Halimi prévoyant que "les listes de candidats aux élections municipales ne peuvent comporter plus de 75 % de personnes du même sexe" avait été adopté par la quasi-unanimité des deux assemblées. Aucun recours contre cet amendement n'avait été alors déposé. Cependant, le Conseil constitutionnel, saisi d'autres dispositions de la loi, le déclara non conforme à la Constitution le 18 novembre 1982 en justifiant sa décision par le risque d'une division des citoyens en "catégories".

Pourtant, la démocratie représentative transcende les intérêts particuliers au service de la collectivité nationale toute entière, composée d'hommes et de femmes qui sont différents mais qui concourent complémentairement à la pérennité de l'espèce humaine. Il leur appartient donc de concourir complémentairement à la conduite des affaires de la cité.

Cette conception l'emportera parce qu'elle correspond aux niveaux de formation, au moins égaux entre les sexes, à l'évolution des moeurs et à la place acquise, ou en voie de l'être, dans le monde du travail par les femmes. Mais à l'étape actuelle de l'évolution des mentalités, il est nécessaire de légiférer pour vaincre l'inertie et établir l'équilibre entre les hommes et les femmes, en matière de représentation politique.

Le Conseil constitutionnel lui-même a, de façon constante, admis que le principe d'égalité n'était pas méconnu lorsqu'à des circonstances différentes le législateur faisait correspondre des dispositions différentes. La loi compense d'ailleurs souvent des rapports de force trop déséquilibrés notamment en droit du travail.

De même, c'est à la loi qu'il appartient de créer les conditions d'une réelle parité entre hommes et femmes dans les instances élues.

Dès 1994, des députés du Mouvement des Citoyens, Jean-Pierre Chevènement, Georges Sarre, Jean-Pierre Michel et Christiane Taubira-Delannon, déposaient une proposition de loi constitutionnelle tendant à assurer un égal accès des hommes et des femmes aux mandats politiques par la parité. Ils souhaitaient que cette révision soit réalisée par référendum si elle ne pouvait l'être par celle du Congrès. En outre, ils précisaient que la loi constitutionnelle serait accompagnée d'une proposition de loi définissant pour chaque mode de scrutin les règles susceptibles d'assurer l'application effective du principe de parité.

Cette proposition n'a toutefois jamais été inscrite à l'ordre du jour de nos travaux. Il est vrai que comme l'a révélé ma question posée au Premier ministre la semaine dernière, la droite semble avoir peur de devoir faire de la place aux femmes.

M. Pierre Lellouche - Il est scandaleux de dire cela !

Mme Gilberte Marin-Moskovitz - Toutes les femmes de France ont encore en mémoire la valse des "Jupettes". En revanche, ce gouvernement Jospin compte 30 % de femmes.

M. Richard Cazenave - Bla bla bla.

Mme Gilberte Marin-Moskovitz - La parité est donc bien une idée de gauche.

M. Richard Cazenave - C'est ridicule.

Mme Gilberte Marin-Moskovitz - Cependant, la rédaction de ce projet paraît trop prudente. Favoriser l'égal accès des femmes et des hommes aux mandats et fonctions, cela paraît en retrait par rapport à la disposition du Préambule selon laquelle la loi garantit l'égalité de la femme et de l'homme.

Favoriser, ce n'est pas garantir et cette révision constitutionnelle ne fera donc qu'autoriser le Parlement à adopter des mesures de discrimination positive en faveur des femmes. La modification des lois électorales sera donc nécessaire. Cela sera long.

Dans combien d'années les assemblées compteront-elles autant de femmes que d'hommes ? Ou simplement davantage qu'aujourd'hui ?

Je voterai donc l'amendement proposé par la commission des lois et je souhaite vivement que nous adoptions ce texte qui fera avancer la démocratie dans notre pays. (Applaudissements sur les bancs du groupe RCV, du groupe socialiste et du groupe communiste)

Mme Yvette Roudy - Ce projet se propose de modifier la Constitution pour permettre au législateur de prendre des mesures garantissant la participation des femmes à la décision politique, et cela à parité. C'est ainsi tout au moins que j'ai choisi de la comprendre même si le terme de parité ne figure pas, hélas, dans ce texte. Mais l'important c'est que plus de 50 ans après avoir obtenu le droit de vote, les Françaises se trouvent bonnes dernières en Europe en matière de représentation politique.

Nous n'en serions pas là si en 1789 les hommes de la Révolution n'avaient pas eu si peur des femmes. Le fait est qu'en entendant parler de liberté, d'égalité et de fraternité, les femmes se sentirent concernées et prétendirent participer à la Révolution, prendre part aux débats de l'Assemblée nationale et porter les armes, et la cocarde, symbole du pouvoir politique. Les hommes d'alors ne l'entendirent pas de cette oreille. Ils avaient su faire rayonner les grands principes des Droits de l'Homme mais, pour eux, l'expression désignait bien la seule moitié masculine de l'Humanité, le concept peu convaincant du "sens générique" n'ayant pas encore été inventé.

S'appuyant sur la loi salique, ils approuvèrent le député Amar qui proposait d'interdire aux femmes la sphère politique par voie législative. Incroyable d'arrogance, une de ses moitiés allait parler au nom de l'Humanité toute entière. Ce texte d'exclusion fut adopté en novembre 1793 : la faute originelle date bien du 9 brumaire de l'an II et Napoléon la consolidera ensuite.

C'est Olympe de Gouges, l'indomptable, qui la première mit le doigt sur la "bavure républicaine" en ripostant à cette exclusion par sa fière Déclaration des Droits de la Femme qui proclame notamment que "Si la femme a le droit de monter à l'échafaud, elle doit également avoir le droit de monter à la Tribune". Le droit de monter à l'échafaud lui fut accordé par Fouquier-Tinville dès 1793, mais pour ce qui est du droit de vote, les Françaises durent encore attendre 150 années.

C'est donc par la loi que les Françaises ont été privées de leurs droits politiques et c'est par la loi qu'il faut effacer cette, j'insiste, "bavure républicaine".

Les premières tentatives de réparation datent de l'entre deux guerres. A 60 reprises, je crois, nos députés se posèrent avec angoisse la question du vote des femmes. Leurs efforts restèrent infructueux, le Sénat veillant à ce que la représentation nationale reste pure de toute intrusion féminine. La lecture des débats est, je puis vous l'assurer, plus que divertissante.

Il fallut donc attendre 1944 et la décision du CNR appliquée par le général de Gaulle, et cela par ordonnance, pour couper court à la reprise de discussions peu glorieuses pour nos représentants. Ainsi les Françaises purent enfin voter pour la première fois le 29 avril 1945, bien après les Américaines, les Allemandes, les Britanniques et les Canadiennes qui l'obtinrent toutes au lendemain de la guerre de 14-18.

Après cela, quel silence ! Pour un signe, il a fallu attendre la Convention conclue dans le cadre de l'ONU en 1979 dont l'article 4 autorise "l'adoption par les Etats parties de mesures temporaires spécifiques visant à accélérer l'instauration d'une égalité de fait entre les hommes et les femmes". Ainsi, il y a déjà vingt ans des mesures positives étaient recommandées par une convention ratifiée par la France.

Au niveau européen, la Charte d'Athènes de 1992 revendiquant l'égalité de participation des femmes et des hommes à la décision politique, lança le débat européen sur la parité, réveillant assez l'opinion pour que le thème soit devenu un enjeu politique majeur.

Enfin, en France, le Manifeste des dix pour la parité publié le 10 juin 1996 par dix anciennes ministres, à parité cette fois-ci de sensibilité politique et appelant au respect de la parité dans les instances dirigeantes des partis politiques. Son point 3 prônait "un financement des partis politiques en fonction du respect de la parité dans les instances dirigeantes et parmi leurs élus."

Certains considèrent qu'il n'était pas nécessaire de modifier la Constitution dans laquelle le principe d'égalité entre hommes et femmes est déjà inscrit. Toutefois, cela n'a pas empêché en 1982 nos gardiens de la Constitution de considérer qu'une mesure d'application de ce principe était inconstitutionnelle parce que, favorisant une certaine catégorie de citoyens. Ainsi, une mesure visant à réduire une inégalité peut être contraire à l'égalité telle que la Constitution l'entend ! Faut-il comprendre qu'il peut exister une conception de l'égalité qui soit contraire à la justice ? Pour ma part je vois là un fabuleux paradoxe.

Mais soit -modifions la Constitution afin de ne pas encourir les foudres de ses sages gardiens. Mais si cette modification est nécessaire elle n'est pas suffisante.

En effet, une fois ce texte voté, tout restera à faire. Il faudra définir un calendrier et des orientations voire des sanctions pour garantir la parité et éviter que ce beau texte ne reste un voeu pieux. Cela serait particulièrement fâcheux non seulement pour les Françaises mais aussi pour la crédibilité de nos gouvernements lorsqu'ils se présenteront au nom du pays des Droits de l'homme à une table de discussion européenne puisque le degré de démocratie d'un pays se mesure à la place qui y est faite aux femmes.

Il faut donc parler d'ores et déjà du contenu de la loi d'application. Je plaiderais pour qu'elle soit votée dans le courant de l'année 1999. Le Gouvernement doit se tourner vers les partis afin qu'ils garantissent la parité graduellement, progressivement mais intégralement dans la décennie. Je propose que dès le lendemain du vote de cette seconde loi, la subvention que l'Etat octroie aux partis soit calculée proportionnellement à l'effort de féminisation de leurs élus ; je parle d'un malus, et non pas d'un bonus : les femmes ne sont pas à mettre sur le marché. Je souhaite d'ailleurs que dans ce projet de loi constitutionnelle, le mot "accès" soit remplacé par le mot "exercice".

Certains peuvent être choqués qu'on mêle à une question de démocratie un problème d'argent. L'idée n'est pas neuve : en 1871, Hubertine Auclert posa, la première, la question de la parité en même temps que celle du vote des femmes ; elle décida de faire la grève de l'impôt. "Je ne vote pas, je ne paie pas" disait-elle. Morte en 1914, elle ne vécut pas assez longtemps pour voir le vote des femmes, mais assez pour voir ses meubles saisis par le fisc.

On ripostera à ma proposition que "ce sont les électeurs qui décident". Sans doute, mais ce sont les partis qui proposent et ratifient les candidatures ; or, on le sait bien, les circonscriptions sont plus ou moins bonnes...

En arriver à de telles propositions serait consternant ? La place occupée par les Françaises est plus affligeante encore... C'était l'opinion d'un ministre socialiste qui, plus d'une fois, m'a soutenue dans mon combat lorsque je sentais monter le découragement. Il s'appelait André Bouloche. C'était un grand ami de la cause des femmes, comme il s'en est trouvé tout au long de notre Histoire et comme il s'en trouve aujourd'hui encore. Tout le monde connaît Condorcet, Fourrier ou Saint-Simon. On connaît moins Poulain de la Barre, qui a inspiré John Stuart Mill et Simone de Beauvoir et qui, dès le XVIIème siècle, voyait dans l'exclusion des femmes un effet de la plus vieille loi du monde, la plus primitive, la plus barbare, la loi du plus fort.

Il est plus que temps de mettre fin à ce pur scandale qu'est l'absence des femmes dans les lieux de décision. Elles nous apporteront dans un univers souvent décrié un peu d'air frais, un peu plus d'humanité, un regard neuf sur la chose politique. Dès maintenant, il faut prévoir une loi d'application de cette révision constitutionnelle, car demain se prépare aujourd'hui (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe RCV et du groupe communiste).

Mme Nicole Catala - Du point de vue de la participation des femmes à la vie politique, la situation de la France est choquante et ne doit pas se perpétuer. C'est ce qui était ressorti du débat qui avait eu lieu ici le 11 mars 1997 à l'initiative d'Alain Juppé. J'avais relevé alors que notre pays constituait, sur ce terrain aussi, une exception, puisque le pourcentage des femmes dans les assemblées parlementaires était le même qu'en 1945, soit 6 %, alors qu'il était de 16 % en moyenne dans l'Union européenne et de près de 12 % dans le monde. Pourtant, la France n'a cessé d'apposer sa signature au bas de déclarations internationales ou de conventions prévoyant des mesures d'action positive, voire de discrimination positive. Elle a signé la convention de l'ONU pour l'élimination de toutes les formes de discrimination à l'égard des femmes, elle a participé à la conférence des femmes à Pékin en 1995...

Le décalage persiste chez nous entre la société politique et la société civile. Dans l'administration, l'égalité est devenue à peu près effective, notamment sous la pression du droit européen, lequel a contraint notre pays à ne plus organiser de concours séparé de recrutement des fonctionnaires ; seules deux catégories d'emplois publics sont encore réservées aux hommes. Dans le secteur privé aussi, la place des femmes s'est accrue.

En 1982, le Conseil constitutionnel a censuré le texte qui tentait de faire évoluer la situation dans le monde politique. Aujourd'hui, on nous présente un projet qui, nous dit-on, écartera l'obstacle. Pourtant, il ne présente aucun caractère normatif, il ne contraindra pas le Conseil constitutionnel à renoncer à sa jurisprudence. M. le doyen Vedel l'a constaté dans un récent article paru dans un journal du soir, en expliquant qu'avec ce texte, le constituant se déchargeait sur le Conseil du soin de décider si les mesures de discrimination positive qui pourraient être prises dans l'avenir seront, ou non, contraires à la Constitution. Pour ma part, je ne peux pas accepter cette démarche : nous n'avons pas le droit de réviser la Constitution dans un simple but d'affichage politique.

Par ailleurs, je déplore le flou entourant la suite qui pourrait être donnée à cette révision constitutionnelle. Quelles mesures le Gouvernement entend-il prendre ? S'agira-t-il de quotas ? S'agira-t-il de faire élire les députés à la proportionnelle, ce dont nous ne voulons pas ? M. le Premier ministre a pris ici le quasi-engagement de ne pas le faire mais les partenaires du parti socialiste le souhaitent ; une proposition de loi, discutée dans le "créneau" laissé à la discrétion d'un groupe parlementaire, pourrait permettre d'y parvenir...

M. Jean-Pierre Brard - Politique fiction !

Mme Nicole Catala - Nous serons très vigilants, Monsieur Brard...

L'amendement adopté par la commission des lois, qui réécrit entièrement le texte, ne lève pas les ambiguïtés.

En vérité, nous ne savons pas ce que veut le Gouvernement. Veut-il parvenir à une véritable parité, c'est-à-dire à une répartition par moitiés des mandats et des fonctions ? Nous ne savons d'ailleurs même pas s'il s'agit seulement des mandats et des fonctions politiques...

M. Bernard Roman - Il s'agit de modifier l'article 3 !

Mme Nicole Catala - Le texte n'est pas explicite pour autant.

Le problème, éternel, est de passer de l'égalité formelle à l'égalité réelle. Pour cela, je préférerais qu'on module le financement des partis politiques, en leur allouant un bonus en proportion du nombre de femmes élues sous leur étiquette. Une telle réforme ne nécessiterait pas de réviser la Constitution, car elle ne mettrait pas en cause l'exercice des droits fondamentaux. Elle pourrait être décidée pour une période déterminée, dix ans par exemple ; on pourrait ensuite consulter le peuple par référendum, pour lui demander s'il juge nécessaire de prolonger ce dispositif de contrainte.

Je voterai ce projet de révision constitutionnelle pour ne pas donner le sentiment que je n'adhère pas à l'objectif d'égalité mais c'est une réforme de façade, inutile et fallacieuse (Applaudissements sur les bancs du groupe du RPR).

Mme Béatrice Marre - Je veux d'abord dire ma satisfaction de voir l'Assemblée débattre d'une réforme constitutionnelle qui n'a que trop tardé -même si ce soir, la parité n'est pas tout-à-fait respectée.

M. Patrice Martin-Lalande - Nous sommes quand même là...

Mme Béatrice Marre - La France, fière de sa tradition démocratique, ne pouvait plus en rester à une aussi faible représentation des femmes en politique.

La France se classe au 41ème rang mondial en matière de représentation des femmes dans la vie politique et publique. Dans la période récente, les avancées de la parité ont été le fait de l'Europe. En novembre 1989, un séminaire était organisé à l'initiative du Conseil de l'Europe sur le thème de "la démocratie paritaire". En 1991, dans le cadre du troisième programme "Egalité des chances", la Commission européenne mettait en place un réseau d'expertes européennes chargées de réfléchir à la place des femmes dans la prise de décision -Françoise Gaspard y représentait la France. Ont suivi, en 1992, la charte d'Athènes puis en 1996, la recommandation du Conseil européen incitant les Etats membres à prendre les mesures appropriées pour une participation équilibrée des femmes et des hommes à la prise de décision, dans tous les domaines -le bilan des actions engagées sera dressé fin 1999. Enfin, le traité de Maastricht a expressément prévu l'égalité de traitement entre les hommes et les femmes en matière sociale et le traité d'Amsterdam prévoit une possibilité de discrimination positive.

Face à ces avancées européennes et aux comportements positifs de nombreux pays membres de l'Union, la France se devait de concrétiser l'égalité entre les hommes et les femmes en politique. L'inscription du principe de la parité dans le titre I de la Constitution place d'emblée le débat où il doit l'être, je le souligne à l'intention de Mme Catala. Non, la moitié de l'humanité ne saurait constituer une catégorie.

La réforme constitutionnelle qui nous est proposée n'aura toutefois de portée que si des lois d'application sont rapidement votées. La première devra être exclusivement consacrée à la parité. Elle sera l'occasion de réaffirmer le rôle conféré aux partis politiques par l'article 4 de notre Constitution. "Ils doivent respecter les principes de la souveraineté nationale et de la démocratie", dit notamment cet article. Ils seront donc au premier chef tenus d'appliquer le nouvel alinéa de l'article 3 de la Constitution. La lourde responsabilité de la mise en oeuvre de la parité leur incombera. S'ils manquent à ce principe, il est envisageable de les sanctionner au niveau du financement public qui leur est accordé. Rappelons que les lois de 1988 et de 1990 relatives à leur financement, voulues par une majorité de gauche, sont destinées à assurer une meilleure représentation démocratique.

Je conclurai en soulignant le caractère tardif de la reconnaissance officielle d'une égalité pourtant si naturelle et en invitant à la vigilance devant certaines oppositions qui, même si elles sont d'un autre siècle, ont bel et bien été exprimées ici ce soir (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe RCV)

Mme Marie-Hélène Aubert - "Alors heureuses ?", nous disent en choeur MM. Chirac et Jospin. Eh bien non, pas vraiment, pas encore ! La cause des femmes est décidément un long combat. Il aura fallu seize ans, depuis la décision du Conseil constitutionnel d'annuler une loi de 1982 instaurant des quotas, pour que l'on propose au Parlement de réviser, bien timidement la Constitution, autorisant peut-être des discriminations positives.

Votre texte Madame la ministre, est donc le plus petit dénominateur commun entre l'Elysée, le Gouvernement, l'Assemblée et le Sénat. Autant dire qu'il ne va pas très loin ! Il se contente de "favoriser l'égal accès des femmes et des hommes aux mandats et fonctions", alors que le Préambule de la Constitution garantit l'égalité entre les hommes et les femmes. Cela relativise aussi les prétendues réformatrices du Président de la République.

C'est pourquoi nous demanderons une rédaction plus volontariste de l'article proposé, où figurera le terme de parité, qui revêt pour nous une importance à la fois stratégique et symbolique. Les Verts ont inscrit la parité dans leurs statuts dès l'origine et ce n'est pas un hasard si les femmes y tiennent des rôles importants : je pense à Marie-Christine Blandin et à Dominique Voynet.

Pendant seize ans donc, la proportion des femmes élues n'a quasiment pas bougé en France, malgré l'émergence du concept de parité au niveau européen à travers le "programme pour l'égalité des chances" et la recommandation de décembre 1996 du conseil des ministres, malgré la pression du mouvement des femmes, malgré Pékin 1995, malgré la convention de l'ONU de 1979, que la France a pourtant ratifiée en 1983. Ca bouge partout sauf chez nous. Incroyable exception française. Nous ne sommes toujours que 10 % de femmes dans cette assemblée, si bien que même les plus réticents et les plus réticentes voient dans cette loi constitutionnelle une nécessité, désespérant que les hommes et les partis politiques veuillent bien un jour consentir à déverrouiller le système !

Pourtant cette révision constitutionnelle n'aura qu'un effet d'affichage si elle n'est pas suivie rapidement de lois électorales déterminant pour chaque scrutin comment promouvoir l'égalité des candidatures ou mieux encore, des élus. C'est ce que nous attendons, d'abord pour les européennes puis pour les municipales. C'est ce que nous proposons dès aujourd'hui à travers une proposition de loi.

Plus globalement, la parité s'inscrit à nos yeux dans une démarche urgente de rénovation de la vie politique. Elle va de pair avec une amélioration du statut de l'élu, la fin du cumul des mandats. La réforme aussi des modes de scrutin. Les Verts ont toujours milité pour la proportionnelle et n'ont pas changé d'avis. Cette révision constitutionnelle ne saurait donc servir de contrepartie à un statu quo sur les autres points, où il est plus difficile d'obtenir le consensus et où la résistance des hommes est très forte.

L'égal accès des hommes et des femmes aux mandats et aux fonctions ne suffira pas à alléger le fardeau des milliers de femmes qui connaissent le chômage ou ne travaillent qu'à temps partiel, qui font une double journée, subissent des violences et des discriminations de toutes sortes. C'est cette condition féminine même dont elles ont tant de mal à sortir qui les empêche de se lancer dans la vie ou politique à égalité avec les hommes.

Madame Péry, nous comptons sur vous pour proposer une vraie politique pour l'égalité et l'amélioration des conditions de vie des femmes.

A toutes celles-ci, le débat d'aujourd'hui apparaîtra sans doute très intellectuelle et leur fera une belle jambe, s'il ne s'accompagne pas de réformes touchant à leur quotidien. Mais dans ce domaine comme dans d'autres, le droit suit l'évolution des mentalités. Il y a encore donc du chemin à faire ! Quand à ceux, à droite comme à gauche, qui veulent monnayer la présence des femmes, en y liant le financement des partis politiques, je me demande ce qui a pu leur passer par la tête. Cette proposition est scandaleuse, qui une fois de plus associe les femmes et l'argent d'une façon très malsaine. Là aussi, le marché se substituerait-il peu à peu au droit ? Espérons que cette idée ne sera qu'un moment d'égarement, vite dépassé.

S'il nous est difficile de nous opposer à une proposition aussi minimale, nous veillerons à ce qu'elle ne soit pas seulement un trompe-l'oeil. La modernisation de notre vie politique et la refondation d'une VIème République, si nécessaires aujourd'hui, ont besoin d'un projet d'ensemble cohérent qui redonne vie à nos institutions. Il y faudra du courage politique et sans doute un retour salutaire vers l'expression du peuple. La parité en est un élément essentiel. Nous en sommes encore loin mais cette révision constitutionnelle nous permet d'entrevoir une lumière au bout du tunnel. C'est une chance à saisir. Pardonnez-nous ce manque d'enthousiasme mais les femmes, en France comme ailleurs, savent qu'elles doivent compter avant tout sur elles-mêmes et les associations qui les représentent, avec le soutien de nos collègues les plus éclairés, pour obtenir gain de cause. Continuons ! (Applaudissements sur les bancs du groupe RCV, du groupe socialiste et du groupe communiste)

Mme Martine Lignières-Cassou - Que le constat est amer ! Nous vivons dans une société où les hommes dominent. Nous savons aussi que rien ne nous a jamais été donné, à nous les femmes, et que rien ne le sera. Plusieurs oratrices ont rappelé avant moi le long combat des femmes à travers les siècles. La parité exigera le même combat. Elle ne sera pas atteinte spontanément. Un seul exemple : le parti socialiste a été le seul parti à présenter 30 % de candidates féminines aux dernières législatives, ce qui lui a permis d'obtenir quarante députées. Malheureusement, il s'est quelque peu endormi sur ce succès et aucune autre avancée n'a été confirmée lors des cantonales non plus que des sénatoriales.

La révision constitutionnelle qui nous est proposée aujourd'hui peut être historique. L'objectif de parité restera toutefois un voeu pieux si des lois d'application ne suivent pas rapidement. La parité devra être appliquée, quel que soit le mode de scrutin. Quel calendrier et quelles méthodes envisage le Gouvernement pour qu'elle s'inscrive vraiment dans les faits ? Dans la mesure où ce sont les partis qui désignent les candidats, il conviendra qu'ils aient des obligations de résultats.

S'il faut assurer l'égalité des hommes et des femmes dans le domaine politique, elle doit aussi exister dans le domaine économique et social. Quand on sait que 80 % des bas salaires sont perçus par des femmes, on mesure le chemin qui nous reste à parcourir.

Nous disposons depuis peu d'un secrétariat d'Etat aux droits des femmes. L'Observatoire de la parité va être réactivé. Il y aura bientôt une délégation parlementaire aux droits des femmes. Les instruments existent : sachons nous en servir (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe RCV).

M. Richard Cazenave - L'échec est partagé. Notre collègue vient de se féliciter de l'initiative prise par Lionel Jospin à l'occasion des dernières élections législatives, tout en s'étonnant qu'elle n'ait pas eu de suites aux cantonales et aux régionales. C'est qu'aux législatives, il y avait fort peu de sortants socialistes... En outre, il n'y a pas eu 30 % d'élues car, comme l'a rappelé Roselyne Bachelot-Narquin, on a souvent présenté des femmes dans des circonscriptions difficiles (Protestations sur les bancs du groupe socialiste).

M. Jean-Pierre Brard - La paille vous empêche de voir la poutre !

M. Richard Cazenave - Mme Zimmermann, par ailleurs, a rappelé les avancées réalisées à l'initiative des gouvernements gaullistes.

Si la volonté est partagée, c'est parce que l'échec l'est aussi.

La révision constitutionnelle serait-elle possible sans l'accord de l'opposition ? Une majorité qualifiée est en effet nécessaire, je le rappelle à ceux qui seraient tentés par l'excès.

Cette révision aura certes une portée symbolique. Mais garantir l'égal accès des hommes et des femmes aux mandats et aux fonctions, est-ce vraiment nouveau ? On trouve cette exigence à l'alinéa 3 du préambule de la Constitution de 1946 et le Conseil constitutionnel aurait été bien inspiré de s'en souvenir.

Une fois la Constitution révisée, il faudra légiférer. Alors seulement les vraies questions se poseront.

Comment déclarer aujourd'hui que cette révision est inopportune ? Elle ne fait que réaffirmer un principe proclamé en 1946. Reste toutefois à organiser l'égalité d'accès aux mandats, sans tomber dans des pratiques discriminatoires jugées par certains scandaleuses, quand d'autres ne les trouvent qu'incitatives.

En outre, si les femmes ont du mal à jouer un rôle politique, ce n'est pas à mon avis que les hommes les en empêchent, mais c'est pour des raisons concrètes qui tiennent à leur vie quotidienne. Beaucoup de femmes rencontrent des difficultés à concilier leur engagement avec leur vie professionnelle et familiale (Interruptions sur les bancs du groupe socialiste).

Si nous ne voulons pas décevoir, il faudra innover par des mesures concrètes. On l'a dit, il y a bien d'autres domaines que la vie politique dans lesquels nous devons nous montrer vigilants et actifs pour faire évoluer la situation.

Y a-t-il risque de communautarisme ? Je ne le crois pas. Quoi de plus naturel que de rappeler que les femmes représentent la moitié de la population ?

Enfin, je m'interroge sur l'inscription du texte que nous examinons à l'article 3 de la Constitution. J'ai déposé des amendements pour rattacher la disposition en cause à un autre article.

En effet, ce n'est pas parce que le Conseil constitutionnel, en 1982, s'est appuyé sur l'article 3 que celui-ci doit être modifié ! D'ailleurs, c'est surtout l'article 6 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen qui a fondé la décision du Conseil.

Si le principe de la parité devait s'appliquer à d'autres domaines que la vie politique, il faudrait l'inscrire à l'article premier, qui traite de l'égalité. Sinon il devrait se rattacher à l'article 4, relatif au rôle des formations politiques dans l'exercice de la souveraineté.

Pour nous montrer cohérents et levers les ambiguïtés, nous devrions inscrire le principe de la parité à l'article 4 (Applaudissements sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL).

M. Bernard Roman - L'inscription de ce projet à notre ordre du jour a provoqué un débat philosophique autour de la notion d'universalisme républicain. Ce débat n'est pas illégitime mais la réalité de la société française s'impose au législateur. Elle résulte de notre histoire. Faut-il rappeler que la Déclaration des droits de l'homme excluait les femmes de la citoyenneté ? Que le suffrage dit "universel" de 1848 ne concernait que les hommes ? Que les femmes ne sont devenues citoyennes, électrices et éligibles qu'en 1944 ? Faut-il rappeler qu'un demi siècle plus tard, leur place n'est tout simplement pas digne de la démocratie ?

On retrouve la même inégalité dans le domaine social, face à l'emploi, dans les salaires, devant la crise, dont les femmes sont les premières victimes.

Comment mieux prendre en compte cette réalité qu'en permettant aux femmes de jouer un plus grand rôle politique ? Dans une démocratie représentative rien n'est pire qu'un monde politique perçu comme décalé.

Nous avons déjà fait ce constat en examinant le projet limitant le cumul des mandats : le monde politique ressemble de moins en moins à la société qu'il est censé représenter.

M. Pierre Lellouche - C'est parce qu'il y a trop de fonctionnaires ici !

M. Bernard Roman - Mais cette crise de la démocratie n'est pas inéluctable. Monsieur Lellouche, je suis heureux que nous puissions nous rejoindre dans ce constat fait par le Président de la République.

M. Pierre Lellouche - Rappelez-vous de la campagne de 1995 !

M. Bernard Roman - En garantissant l'accès des femmes aux mandats et fonctions, nous permettrons aux citoyens de se retrouver davantage dans leur représentation politique.

Il s'agit d'ouvrir toutes grandes les portes de la politique aux femmes et de donner aux partis politiques un cadre contraignant.

Notre Assemblée est presque unanime sur cette révision. Cependant, vous avez raison, Monsieur Cazenave : pour être crédibles, nous devons appliquer le principe de la parité dès les prochaines échéances électorales.

Le plus difficile sera de le faire dans les cas où le scrutin est uninominal, qu'il s'agisse des législatives ou des cantonales. Des idées ont été suggérées : contraindre les partis à présenter autant de candidates que de candidats, faire en sorte que les candidats et les suppléants ne soient pas du même sexe, ou encore, comme l'a proposé Mme Roudy, prévoir une contrainte financière.

Le législateur doit se saisir de ces idées. Mme Roudy a estimé qu'il faudrait dix ans pour changer la situation. Le législateur doit veiller à ce que nous allions bien plus vite.

M. Christian Paul - Très bien !

M. Bernard Roman - Il sera aisé de progresser rapidement pour les scrutins proportionnels : élections municipales, régionales, européennes et -pour certains départements- sénatoriales. Rien ne justifierait que nous ne fassions pas jouer la parité dès le premier renouvellement.

Pour les élections régionales, les choses sont bien engagées. Pour les autres scrutins, l'argument classique, "on voudrait bien mais il faut y aller progressivement, il n'y a pas assez de femmes investies en politique." n'est plus acceptable. Les femmes s'engagent, elles sont citoyennes actives, souvent majoritaires dans les responsabilités associatives. Cet engagement doit trouver aujourd'hui son prolongement politique.

Ni notre culture latine, ni notre histoire ne peuvent justifier l'inacceptable, c'est-à-dire la place faite aux femmes dans notre démocratie. Nous devons donc agir, engager un mouvement irréversible qui passe par cette révision constitutionnelle, mais qui doit rapidement se prolonger par des lois appliquant le principe de la parité aux différents scrutins.

Nous ferons ainsi ce que nous avons dit, nous servirons la démocratie, nous montrerons notre fidélité à nos convictions, à notre mission, à la République (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe communiste).

Mme Yvette Benayoun-Nakache - Peut-on en cette fin d'année faire un plus beau cadeau aux femmes que d'introduire dans notre Constitution le principe de l'égal accès des femmes et des hommes aux mandats et fonctions ? Comme l'a annoncé Lionel Jospin dans son discours de politique générale du 19 juin 1997, il s'agit de "permettre aux Françaises de s'engager, sans entrave, dans la vie publique". Cette volonté politique a incité au débat sur la place des femmes dans nos sociétés et a ainsi contribué à consolider leur place. Nous ne pouvons que nous réjouir de voir ce débat aujourd'hui ouvert.

Il ne faudrait pas pour autant considérer la parité comme une panacée. Elle n'est qu'une étape sur ce long chemin semé d'embûches qu'ont ouvert pour nous un grand nombre de pionnières héroïques et pugnaces. Telles ces femmes de la Révolution française, défilant sous les fenêtres de la Royauté, ces suffragettes violentées lors de manifestations pacifiques, ces femmes du "joli mois de mai", alors accusées d'être hystériques. Car l'oppression des femmes n'est pas qu'une histoire de travaux domestiques, de tâches répétées, d'appartenance à la sphère privée de notre société, c'est aussi une histoire politique, une histoire de combats et de ruptures.

Année importante dans l'histoire des femmes, 1946 l'est aussi dans ma propre histoire puisqu'elle est celle de ma naissance mais aussi celle qui a vu ma maman voter pour la première fois, elle qui, venant d'Algérie, avait choisi de vivre en France. Deux citoyennes sont ainsi nées cette année-là. Comment ne pas penser à celles qui furent citoyennes sans que ce droit leur soit reconnu, telles Rosa Luxemburg ou Louise Michel, sans lesquelles je ne serais certainement pas à cette place.

Mais l'absence des femmes des lieux de décision est malheureusement encore d'actualité, non pas en raison du cours naturel d'une histoire, mais parce qu'elle est le fruit d'une construction sociale sur laquelle nous pouvons agir en construisant à notre tour, avec les hommes, une autre forme de rapports sociaux.

Ce combat, nous devons le mener, que nous soyons femme ou homme, de droite ou de gauche. Revendiquer la parité aujourd'hui, c'est vouloir accéder au pouvoir de façon égale aux hommes, avec eux et non contre eux, pour participer ensemble à la gestion des affaires communes. D'aucuns diront que nous n'en sommes pas capables, que notre action politique se résume à un spectacle larmoyant, digne de "potiches", "kleenex", ou de "Jupettes", nous déniant ainsi toute légitimité à exercer une activité politique, à être des femmes politiques.

Certaines ont montré de façon spectaculaire, comme Françoise Giroud, ou Simone Veil, que nous pouvions prendre des décisions politiques courageuses. Ce que nous renvoient nos détracteurs, c'est leur incapcité à admettre que notre travail quotidien est digne de reconnaissance sociale et de l'exercice des plus hautes fonctions de l'Etat.

Nous le savons, les jugements portés sur l'exercice d'une fonction politique diffèrent selon que la fonction est exercée par un homme ou par une femme. Nous devons en faire beaucoup plus que n'importe quel homme pour nous attirer le minimum de reconnaissance. Les lourdeurs, les blocages sociaux sont souvent décourageants.

Heureusement, des mesures telles que celle que nous nous apprêtons à adopter, nous encouragent sur la voie de l'établissement de nouveaux rapports entre femmes et hommes. Aragon était un précurseur, lorsqu'il affirmait que "la femme est l'avenir de l'homme". Aujourd'hui elle est celui de notre Constitution. Il était temps que notre société prenne en compte, dans ses textes fondateurs, la moitié de la population qui la compose. Je suis fière, moi fille d'ouvriers, de pouvoir le dire ce soir de cette tribune. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe communiste)

Mme Danièle Bousquet - Ce texte va dans le sens de l'histoire, car la parité est un des éléments majeurs de la modernisation de la vie politique. Il va dans le sens de l'histoire parce que la sous représentation des femme dans les lieux de décision et de pouvoir ne constitue pas seulement une discrimination à leur égard, mais aussi un véritable handicap pour nos sociétés.

Pour construire de nouveaux équilibres correspondant aux réalités économiques et sociales, il faut prendre en compte la diversité des aspirations et de besoins, or notre système exclut de fait une partie importante de la population des systèmes de décision.

Chaque jour en effet, des décisions prises dans la sphère politique, dans l'entreprise, et dans la vie locale, exercent un impact important sur la vie quotidienne des citoyens et sur leur avenir. A l'évidence, les principaux acteurs de ce processus sont des hommes. Une représentation plus équilibrée constitue donc un enjeu majeur.

Si tous les partis politiques regrettent cet état de fait, beaucoup estiment toutefois que les choses évolueront d'elles-mêmes et qu'il ne servirait à rien de légiférer, certains y voyant même un danger ; au motif que l'universalisme de la République serait menacé par la parité et que le concept de citoyen est neutre.

Mais l'universel s'est passé des femmes pendant longtemps et a entraîné des effets pervers. Chaque fois que l'on efface la différence sexuelle, on identifie en fait le genre humain a un seul sexe.

Jusqu'à présent, notre Constitution traduisait une conception formelle de l'égalité, masquant inégalités et exclusions. Or, l'humanité est sexuée et nous devons assumer cette mixité à travers l'exigence de parité, condition de la traduction de l'universel en politique. Les femmes sont la moitié de l'humanité et l'universalité est avant tout une exigence d'égalité.

Le débat sur la parité se situe dans la perspective de l'égalité des sexes fondée sur une différence que l'on reconnait pour l'évacuer là où elle produit de l'inégalité. La parité dans la représentation, c'est tout simplement l'application du principe d'égalité des personnes qui forment le genre humain. C'est un combat législatif autant que culturel. La gauche l'avait compris en proposant dès 1982 une première loi, dont cette révision constitutionnelle est l'héritière. Sa portée devrait dépasser le domaine politique afin de généraliser un principe de l'égal accès, l'exposé des motifs évoquant l'objectif d'égalité dans l'ensemble des composantes de la vie.

Ce projet de loi réaffirmant un principe qui existe déjà, cette loi ne prendra tout son sens que lorsque les textes d'application seront adoptés. Il nous faudra donc travailler encore pour rendre les processus de décision réellement accessibles aux femmes.

Lorsqu'on exclut les femmes du système politique, on ferme le chemin du progrès démocratique. Au contraire, tout ce qui peut encourager, améliorer la représentativité des femmes dans la vie publique et dans les assemblées élues est bénéfique à la démocratie.

En nous tournant résolument vers une modernisation de la vie politique en phase avec son temps nous faisons le choix de l'avenir. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe communiste)

Mme Odette Casanova - En 1789, les hommes et les femmes qui ont construit la République l'avaient voulue égalitaire. Dans la patrie des droits de l'homme, celle qui a inventé l'universel, les femmes et les hommes participaient de l'universalité sans distinction de sexe. Par conséquent, les assemblées représentatives, élues par les femmes et les hommes, représentent et les femmes et les hommes. Qu'importe le sexe des représentants, ils sont l'émanation de la nation. Pour autant, la pleine citoyenneté de toutes les femmes n'était pas acquise et c'est par leur combat qu'elles en ont pas à pas conquis des parcelles. Pourtant en 1892, Hubertine Auclert disait déjà : "Il n'y aura de bonheur pour l'humanité que dans l'égalité des droits pour tous et l'équitable répartition des fonctions entre tous les hommes et toutes les femmes indifféremment".

En 1945 les deux piliers de la citoyenneté des femmes étaient acquis, le droit de vote et leur éligibilité. Et pourtant là aussi, beaucoup restait à faire.

Ici dans ce haut lieu de la démocratie, souvenons-nous des quolibets sexistes qui accueillirent un Premier ministre... On peut se demander comment cela aurait pu se passer s'il y avait eu 50 % de femmes dans l'Assemblée.

Plus récemment, souvenons-nous d'un Premier ministre qui, après avoir affiché une féminisation significative de son gouvernement, a profité du premier remaniement ministériel pour débarquer une bonne dizaine de femmes ! Tout un symbole !

Quelle femme, dans cette Assemblée, n'a eu à affronter des obstacles à la prise de parole, à la décision et l'enfermement dans des pièges statutaires ?

Après des avancées significatives dans les années 1980 grâce au ministère des droits de la femme conduit par Mme Roudy, l'année 1993 a marqué un coup d'arrêt brutal. L'alternance de 1997 a permis de rompre avec ces principes d'un autre âge et lors de la victoire de la gauche plurielle, le Premier ministre a confié aux femmes des ministères importants. Mais ce projet de loi constitutionnelle va beaucoup plus loin.

Il s'agit d'ajouter aux deux droits du suffrage et de l'éligibilité des femmes, un troisième : "l'égal accès des hommes et des femmes aux mandats et fonctions", c'est-à-dire une participation égale des hommes et des femmes dans toutes les institutions de la République, à commencer par les assemblées d'élus.

Ce droit à la parité, fondement de la démocratie au même titre que le suffrage universel, doit s'inscrire dans la Constitution.

Jusqu'alors, l'égalité des femmes était traitée par une succession de textes juridiques séparés. L'idéal de l'égalité des femmes et des hommes n'a jamais été reconnu comme un principe fondamental, mais comme une question à caractère subsidiaire.

Sa reconnaissance constitutionnelle en fera un principe directeur auquel toutes les autres branches du droit devront se conformer.

Pour que cette égalité soit réelle, il faut que les lois et règlements traduisent dans les faits cette volonté politique "proclamée" dans la Constitution.

Il ne suffit pas d'affirmer que l'humanité est duelle. Il faut qu'elle soit légitimement représentée sous sa double forme, masculine et féminine, pour éviter les pièges d'une abstraction asexuée du citoyen, qui finit toujours par se décliner au masculin.

Il nous faut donc aujourd'hui parler de l'égalité quantitative pour l'accès et la participation aux mandats et fonctions politiques, égalité qui n'est ni reconnue ni réalisée dans les faits.

"Les femmes se désintéressent de la politique" dit-on. Pourtant, depuis les élections municipales de 1977, les femmes ont participé au moins autant que les hommes à tous les scrutins politiques.

"Les femmes ne sont pas formées" : dans le monde entier, elles luttent pour les libertés et la paix, en Argentine, en Afghanistan, en Algérie et plus près de nous en Corse.

"C'est à cause du mode de scrutin que si peu de femmes sont élues". La réforme des scrutins, la loi sur la limitation du cumul des mandats et le statut de l'élu sont des problèmes certes fondamentaux mais ils ne constitueront en rien une discrimination positive en faveur des femmes.

On entend dire aussi : "Pour être élues, les femmes n'ont qu'à se présenter. La compétition est ouverte à toutes et à tous". La réalité est toute autre. On a souvent envoyé jusqu'à ce jour, des femmes dans des "terres de mission" : contre des anciens présidents de la République, premiers ministres et ministres, contre un maire FN ! Ces combats symboliques sont-ils toujours reconnus à leur juste valeur ?

Aujourd'hui, nous franchissons ensemble une étape historique et nous devons ensemble nous donner les moyens pour que ces propos n'aient plus cours, notamment dans nos formations politiques respectives.

Ce projet de loi rend hommage à des décennies de lutte et contribue à la modernisation nécessaire de nos pratiques politiques.

Nous devrons donc proposer des lois et règlements pour instaurer une démocratie paritaire et rester vigilants sur les méthodes, les moyens et les délais.

Ce concept de parité contient un potentiel constructif et subversif qui bousculera les règles du jeu et débouchera sur une société plus généreuse et plus ouverte (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

M. le Président - La discussion générale est close.

ARTICLE UNIQUE

M. Claude Goasguen - Nous avons déposé plusieurs amendements mais dans un esprit constructif. Nous sommes en effet nombreux à nous féliciter que pour une fois un réel consensus se soit établi sur un sujet important pour l'avenir de la démocratie française.

M. Pierre Lellouche - Puisque la parité n'exclut pas la galanterie, souffrez, Madame la ministre, que je vous dise mon plaisir de passer à nouveau une longue soirée en votre présence, après celles consacrées au Pacs et au traité d'Amsterdam...

J'observe que sur la trentaine de députés présents ce soir il y a, pour une fois, une forte majorité de femmes et fort peu d'hommes, à gauche comme à droite, ce qui est assez symptomatique. Il semble que cette modification n'intéresse qu'assez peu nos collègues masculins...

Sur l'objectif nous sommes tous d'accord : il est ridicule et injuste que les femmes soient si peu nombreuses dans nos institutions et puisque nous n'y arrivons pas autrement, il est normal de forcer un peu les choses par une révision constitutionnelle et des mesures de discrimination positive.

En revanche, je dois dire mon embarras face à certaines arrière-pensées. Le gouvernement actuel aime à utiliser les problèmes de société pour faire diversion sur l'essentiel. Il donne l'impression du mouvement en lançant des faux débats dans tous les sens. J'ai été choquée d'entendre une de nos collègues de la majorité dire que la parité était une idée de gauche. Ce manichéisme m'inquiète.

Ma deuxième inquiétude tient à l'ambiguïté du texte, telle qu'elle a été soulignée par le doyen Vedel dans un excellent article. Est-ce que ce texte vise à organiser l'égalité des candidatures, ce qui est parfaitement louable mais ne nécessite pas de réforme de la Constitution, ou s'agit-il d'aboutir à une égale répartition des sexes parmi les élus ? En ce cas, non seulement on limiterait la liberté de vote mais cela implique nécessairement le retour à la proportionnelle. J'ai entendu les dénégations embarrassées du Premier ministre à ce sujet. Soyons clairs : si le jeu consiste à constitutionnaliser le scrutin proportionnel et à préparer une magouille électorale, alors nous serons très vigilants.

Il serait parfaitement scandaleux que l'entrée en plus grand nombre des femmes dans cet hémicycle s'accompagne de l'entrée du Front national.

Ce texte modifie l'article 6 de la déclaration des droits de l'homme, qui prescrit que tous les citoyens sont admissibles à toutes les fonctions publiques sans autre distinction que celle de leurs talents. On nous a dit et redit que la distinction hommes-femmes n'était pas une distinction communautariste, mais la distinction structurante de l'humanité. Je le comprends bien et j'aurais aimé entendre davantage cet argument dans la discussion sur le Pacs...

Mais vous n'empêcherez pas que certains utilisent cette innovation constitutionnelle pour demain prétendre accorder à d'autres communautés un accès proportionnel aux emplois et fonctions. D'ailleurs, dans un article récent publié par L'Express, un homme de gauche, Jacques Attali, réclamait une représentation proportionnelle à l'Assemblée d'une certaine communauté religieuse.

Ce texte ne doit pas être dévoyé par le communautarisme ou les magouillages électoraux.

J'ai vécu ce que pouvait entraîner aux Etats-Unis la discrimination positive. Je vous assure qu'elle s'est révélée totalement contre-productive pour ceux qui devaient en bénéficier, pour les femmes comme pour les autres minorités... (Protestations sur les bancs du groupe socialiste) ...car c'est bien ainsi qu'a été envisagée la situation des femmes aux Etats-Unis.

Je souhaite donc que nos travaux préparatoires rendent compte de ma mise en garde vis-à-vis de ces dérives potentielles.

Mme Françoise de Panafieu - Nous envisageons de réviser notre Constitution. Cela doit être un acte solennel car on ne doit toucher à notre Constitution qu'avec prudence et parcimonie de crainte de trop la banaliser. La Constitution n'est pas un contrat révisable à la petite semaine mais un pacte essentiel posant les fondements de notre République.

Le genre humain est mixte et l'égalité n'est pas divisible. Alors que la situation se normalise sur de nombreux plans, dans la fonction publique ou dans le secteur privé, même si des progrès restent à faire, force est de reconnaître que cinquante ans après la reconnaissance de leur droit de vote par le général de Gaulle, la place des femmes reste marginale dans notre vie politique. Pourtant si nous voulons que nos concitoyens se reconnaissent dans nos assemblées, elles doivent refléter la composition de notre société. Le peuple le demande. Il a raison.

Des mesures volontaristes ne seront nécessaires que temporairement -lorsque les femmes sont en place, elles savent se défendre. Elles sont simples pour les scrutins de listes sur lesquelles il suffit d'imposer qu'alternent une femme et un homme, ce qui est brutal mais efficace.

Toutefois, il ne saurait être question de changer de mode de scrutin dans le seul but d'assurer la parité notamment pour ce qui concerne les élections législatives. Le dialogue direct entre l'élu et ses électeurs doit être préservé.

Il faut donc envisager une incitation financière, un bonus à la parité dans la répartition de l'aide publique à laquelle les partis ont droit. Cette dotation doit être calculée au prorata des femmes élues. Cette mesure peut choquer mais elle constitue la seule alternative à l'institution d'un mode de scrutin proportionnel.

Des mesures concrètes doivent compléter les déclarations d'intentions. Le pays des Droits de l'Homme ne peut rester la lanterne rouge européenne quant à la place des femmes dans la vie politique.

La discussion relative à la rédaction est focalisée sur le verbe employé. Le texte initial parlait de favoriser l'égal accès des femmes aux fonctions politiques. La commission a préféré une rédaction selon laquelle la loi détermine les conditions de l'égal accès qui me semble meilleure.

Toutefois la vraie question était celle du complément de ce verbe. L'égal accès a été préféré à la parité. Cette rédaction correspond mieux à l'universalité républicaine des droits.

Ce texte n'impose pas d'obligations. Il établit une habilitation à faire. C'est donc l'interprétation modérée qui a prévalu et c'est celle qui correspond le mieux à une inscription dans notre Constitution. Que celle-ci soit nécessaire au printemps du troisième millénaire semble surréaliste !

Mas puisqu'il faut le faire nous le ferons.

Mme Roselyne Bachelot-Narquin - Mesdames les ministres nous avons noté avec satisfaction votre engagement de ne pas profiter de cette discussion pour instituer la proportionnelle aux élections législatives.

Comment alors garantir la parité tout en conservant le scrutin uninominal ?

Comme Françoise de Panafieu et Yvette Roudy, la prise en compte dans le financement public des partis de la place qu'ils accordent aux femmes me parait souhaitable.

Cette modulation ne peut concerner la première partie du financement calculée en fonction du nombre de candidats présentés car les femmes risqueraient, sinon, de se voir systématiquement réservées les plus mauvaises circonscriptions. Il faut prendre en compte les seules femmes élues.

Chacun d'entre nous rapporte environ 300 000 francs par an à son parti. Une partie de cette somme, par exemple 100 000 francs, pourrait être consacrée à une cagnotte de parité. Cent députés permettraient ainsi de trouver dix millions en cas de parité parfaite mais seulement la moitié s'il y a soixante quinze hommes et vingt cinq femmes ou soixante quinze femmes et vingt cinq hommes et rien du tout si tous les députés sont du même sexe.

Les partis trop éloignés de la parité contribueraient ainsi à un fonds de parité qui pourrait financer des actions de sensibilisation notamment en direction des jeunes.

Cela nécessiterait une modification de la loi du 11 mars 1988 et de l'article 9 de la loi du 15 janvier 1990 qui précise les contributions d'attribution de l'aide publique aux partis politiques.

Celle-ci est d'ores et déjà possible, comme nous l'ont confirmé tous les constitutionnalistes, dont MM. Vedel, Favoreu et Carcasonne, interrogés dans le cadre de l'observatoire de la parité. En effet l'organisation des partis est régie par l'article 4 de la Constitution dont le libellé est purement incitatif.

La révision constitutionnelle n'est donc pas nécessaire pour instituer un financement conditionnel des partis. En outre une telle modulation a été approuvée par l'ensemble des responsables politiques que nous avons consultés, dont M. Jospin alors premier secrétaire du parti socialiste et à l'exception de M. Hue qui n'était pas hostile à son principe mais préférait l'institution d'un mode de scrutin proportionnel la rendant inutile.

Un dispositif efficace peut donc être adopté rapidement. (Applaudissements sur les bancs du groupe du RPR)

M. Richard Cazenave - Mon amendement 5 vise à inscrire la formulation retenue par la commission à l'article premier de la Constitution et non à l'article trois. Cela permettrait en effet de donner une portée plus large à cette disposition qui ne portera plus sur le seul champ politique mais sur tous les aspects de la vie sociale.

Mme Catherine Tasca, présidente et rapporteur de la commission des lois - La commission a repoussé cet amendement car c'est l'article 3 de notre Constitution que visait la décision du Conseil constitutionnel déclarant inconstitutionnelles des dispositions tendant à favoriser la présence des femmes aux élections municipales. C'est donc cet article qu'il convient de modifier.

En ce qui concerne le champ d'application de ce projet, vous savez que le Gouvernement souhaitait initialement lui donner la portée la plus large. Le Conseil d'Etat a toutefois observé que le 3ème alinéa du préambule de la Constitution de 1946 permettait déjà de prendre des mesures en faveur des femmes dans les autres domaines de la vie sociale que les responsabilités politiques. C'est pourquoi le projet ne concerne que celles-ci.

Mme Elisabeth Guigou, garde des sceaux, ministre de la justice - Même avis.

M. Richard Cazenave - La décision du Conseil constitutionnel que vous évoquiez, Madame Tasca, visait certes l'article 3 de la Constitution mais aussi et surtout l'article 6 de la déclaration des droits de l'homme. Je ne pense pas que vous souhaitiez la modifier.

Mme la Rapporteur - Nous n'en sommes pas là.

M. Richard Cazenave - Votre argumentation me paraît donc spécieuse. Ce n'est pas parce qu'une disposition a été invoquée par le Conseil constitutionnel qu'il faut la modifier !

Puisque ce projet ne concerne que le champ politique, je retire mon amendement 5 au profit du 18.

Mme Roselyne Bachelot-Narquin - Par mon amendement 18, je propose que l'alinéa ajouté à l'article 3 de la Constitution soit ainsi rédigé : "L'égal accès des femmes et des hommes aux mandats et aux fonctions politiques est assuré par la parité. La loi en fixe les modalités".

Ainsi serait introduit le concept de parité, principe opérationnel de l'égalité. Les mots "est assuré" donneraient au principe posé une valeur contraignante, alors que le mot "favorise" est flou. Enfin, il serait ainsi précisé qu'il s'agit bien de mandats et fonctions "politiques".

Mme la Rapporteur - La commission n'a pas examiné cet amendement mais elle avait longuement débattu de l'opportunité d'inscrire le mot "parité". Il figure dans l'exposé des motifs mais n'a pas été repris dans le texte lui-même ; en effet, même s'il a une portée symbolique très forte, il correspond à un concept mathématique, imposant de parvenir, en termes de résultats chiffrés, à l'égalité absolue, laquelle n'est pas toujours réalisable. Nous préférons donc nous en tenir au principe de l'égalité républicaine.

En ce qui concerne la qualification des mandats et des fonctions, sur laquelle je reviendrai plus tard, l'adjectif "politiques" ne me paraît pas suffisamment précis.

Enfin, nous avons beaucoup discuté en commission du verbe qu'il convenait d'utiliser : "Assurer" a été abandonné au profit d'"organiser", nous y reviendrons tout à l'heure.

A titre personnel, donc, avis défavorable à l'amendement.

Mme la Garde des Sceaux - Je partage le souci de Mme Bachelot de manifester que notre objectif est la parité. Mais celle-ci est l'instrument essentiel pour parvenir à l'égalité réelle ; la loi devra donc déterminer les conditions dans lesquelles elle est obtenue. C'est pourquoi la rédaction retenue par la commission des lois me semble la meilleure.

L'amendement 18, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Richard Cazenave - Par cohérence, je propose dans mon amendement 6 d'insérer la modification constitutionnelle à l'article 4, qui concerne les partis politiques. Ce sont eux, en effet, qui construisent les listes lorsqu'il y en a, ou qui donnent les investitures.

On ne peut m'opposer que le Conseil constitutionnel s'est appuyé dans sa décision sur l'article 3, lequel traite de la souveraineté, et non de l'exercice des responsabilités politiques.

M. Claude Goasguen - La question de la place, où sera introduite dans la Constitution la nouvelle disposition peut paraître bien formelle. On connaît d'ailleurs déjà des dispositions mal placées... Mais il est bien singulier de se fonder sur la décision du Conseil constitutionnel pour choisir l'article 3. Alors que depuis 1982, le Conseil s'oppose en fait à ce que souhaite le pouvoir constituant. Voilà que c'est lui qui déciderait de la place de la nouvelle disposition dans la Constitution !

L'article 3 qui concerne l'exercice de la souveraineté, a une portée très générale. Si c'est celui-ci qui est modifié, le Conseil constitutionnel sera tenté d'en rester à une conception restrictive : la souveraineté étant indivisible, on ne peut pas la diviser en fonction du sexe...

Au contraire, en plaçant à l'article 4 qui concerne l'expression du suffrage, la nouvelle disposition, on lui donnerait sa place naturelle et on assurerait une plus grande sécurité juridique aux textes qui seront adoptés.

Mme la Rapporteur - La place de la disposition n'a, en effet, rien d'anecdotique. Cependant, la commission a repoussé ces deux amendements.

La sécurité juridique de ce texte est également notre préoccupation. Si le Conseil constitutionnel a tranché comme il l'a fait en 1982, ce n'est pas qu'il était hostile au principe de la parité -encore que...- mais parce qu'il a jugé trop floue la volonté du constituant. Il s'agit bien de modifier notre conception de la souveraineté et du suffrage, ce qui concerne donc bien l'article 3. Tout notre effort a été de démontrer qu'il s'agissait d'une même souveraineté, mais bisexuée. C'est d'ailleurs ce qui nous oppose à M. Lellouche qui craint une dérive communautariste.

M. Pierre Lellouche - Je ne sais pas ce qu'est "une souveraineté bisexuée".

Mme la Rapporteur - Vous le savez très bien. A M. Goasguen et à M. Cazenave, je dirai qu'en plaçant cette révision à l'article 3, nous éclairons pour l'avenir notre conception de l'exercice de la souveraineté.

Enfin, pour être tout à fait logique avec votre démarche, Monsieur Cazenave, vous devriez écrire que ce sont les partis politiques qui déterminent les conditions de l'égal accès des femmes et des hommes aux mandats et aux fonctions, puisqu'en effet beaucoup dépendra d'eux. Je vous fais seulement observer qu'il est des candidatures hors parti.

Mme la Garde des Sceaux - Je partage totalement l'analyse de Mme Tasca.

M. Pierre Lellouche - Madame Tasca, la position de ce texte dans la Constitution n'est absolument pas neutre. Nous sommes tous ici d'accord pour que les femmes soient mieux représentées dans la vie politique. Mais que cherche-t-on ? L'égalité des candidatures ou des élus ?

Mme la Rapporteur - Un égal accès aux mandats, on ne peut être plus clair.

M. Pierre Lellouche - Là réside toute l'ambiguïté. En inscrivant la parité à l'article 3, vous redoublez mes inquiétudes. Vous avez d'ailleurs dit vous-même en commission que la seule façon d'aboutir effectivement à la parité serait de modifier le mode de scrutin. Voulez-vous constitutionnaliser la proportionnelle ? C'est ce que je crains. En tout cas, placer ce texte à l'article 3 y ouvre la voie. A l'article 4, il aurait simplement permis une évolution du mode de désignation des candidats.

Mme Nicole Feidt - En fait, vous êtes contre la parité, un point c'est tout !

M. Richard Cazenave - Vous dites, Madame le rapporteur, que pour être cohérent, j'aurais dû proposer que ce soient les partis qui déterminent les conditions de la parité. Non, car il n'y a pas qu'eux. En effet, des groupements se créent à l'occasion d'élections qui ne sont pas des partis. Il existe en outre des candidatures hors partis. D'ailleurs, comment imposerez-vous une quelconque obligation à des candidats indépendants ? Interdirez-vous à tel ou tel de se présenter parce qu'il est un homme ? Je soutiens donc que ma proposition est parfaitement cohérente et je ne vois toujours pas en quoi l'article 3 peut servir de support à cette réforme.

L'amendement 6, mis aux voix, n'est pas adopté.

L'amendement 17, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. le Président - Les amendements 15 et 14 peuvent être soumis à discussion commune.

M. Charles de Courson - Mon arrière grand-mère était une ardente suffragette qui a d'ailleurs eu l'heur de connaître l'issue de ce combat puisqu'elle est morte deux ans après que les femmes ont obtenu le droit de vote. Qu'aurait-elle pensé de ce projet ? Elle l'aurait sans doute jugé flou : il ne fixe aucun principe constitutionnel clair, ne choisit pas entre l'égalité des moyens et celle des résultats, il pourra avoir des effets pervers si les mesures prises pour l'appliquer devenaient permanentes.

Elle m'aurait donc certainement suggéré de préciser que le seul principe constitutionnel auquel on peut déroger afin de faciliter l'égal accès des femmes aux mandats et aux fonctions est celui d'égalité. Dans un article intitulé "La parité mérite mieux qu'un marivaudage législatif", le doyen Vedel souligne que ce texte laisse au Conseil constitutionnel le soin de fixer les règles constitutionnelles à respecter dans l'application de la présente réforme constitutionnelle, si bien que cette absence de rigueur juridique risque d'aboutir une nouvelle fois au gouvernement des juges.

Enfin, il conviendrait de limiter dans le temps la possibilité de déroger au principe d'égalité. Deux législatures, soit dix ans, paraît une durée convenable. En effet d'ici là, soit la pompe aura été amorcée et ces dispositions ne seront plus nécessaires. Soit rien n'aura changé, preuve alors que ces mesures n'étaient pas bonnes et qu'il faut les remplacer par d'autres.

Je propose donc par mon amendement 15 de rédiger comme suit le dernier alinéa de l'article unique : "La loi détermine, pour une période maximale de dix ans, les mesures dérogatoires au principe d'égalité visant à organiser l'égal accès des femmes et des hommes aux mandats et fonctions.".

Mme Marie-Hélène Aubert - Notre amendement 14, fort différent, tend à rédiger cet alinéa comme suit : "La loi organise l'égal accès des femmes et des hommes aux mandats et fonctions pour atteindre l'objectif de parité". Une rédaction plus volontariste nous semble en effet nécessaire. Pourquoi la formule alambiquée qu'a retenue la commission ? Une subtilité m'échapperait-elle ? Nous souhaitons, pour notre part, que l'objectif de parité figure expressément dans le texte, étant entendu qu'il s'agit d'un objectif et non d'une règle mathématique.

M. Pierre Lellouche - Cela au moins serait cohérent !

Mme la Rapporteur - La commission a repoussé l'amendement 15 de M. de Courson. Monsieur le député, vous proposez de fixer une période transitoire de dix ans. Je vous trouve très pessimiste et j'espère que nous irons plus vite. Au demeurant, même si la parité devenait une réalité, ce principe que nous voulons inscrire dans la Constitution doit demeurer valable.

S'agissant de l'amendement 14, je lui opposerai les mêmes arguments qu'à celui de Mme Bachelot-Narquin. La parité, même si c'est un thème très fort de l'action militante, est un concept mathématique, qui ne peut figurer dans notre dispositif constitutionnel. Avis défavorable.

Mme la Garde des Sceaux - Je suis hostile à l'introduction, dans le texte constitutionnel, de dispositions destinées à ne s'appliquer que pendant une durée déterminée. Cela affaiblirait notre loi fondamentale tout comme les dispositions du Préambule de la Constitution de 1946 relatives à l'égalité entre les sexes. Cela diminuerait aussi la portée symbolique de la révision constitutionnelle.

Je suis aussi défavorable à l'amendement de Mme Aubert. Je préfère poser le principe de l'égalité réelle et renvoyer à la loi l'objectif de parité.

M. Charles de Courson - Vous n'avez pas compris le sens de mon amendement. La disposition que je vous propose est pérenne. Ce seraient les mesures prises sur un fondement qui resteraient temporaires.

Pense-t-on que les mentalités vont évoluer rapidement ? Depuis 1975, le nombre de femmes élues a régressé.

Enfin, vous ne m'avez pas répondu sur un point, quels sont les principes auxquels on pourra déroger ? Votre texte est trop flou. Ce sera le Conseil constitutionnel qui fixera les règles à notre place.

L'amendement 15, mis aux voix, n'est pas adopté, non plus que l'amendement 14.

Mme Nicole Catala - L'amendement 10 est défendu.

L'amendement 10, repoussé par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, n'est pas adopté.

Mme Nicole Catala - L'amendement 13 est défendu.

L'amendement 13, repoussé par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, n'est pas adopté.

Mme la Rapporteur - L'amendement 1 de la commission vise à dissiper certaines craintes en indiquant qu'il reviendra au législateur de déterminer les conditions dans lesquelles le principe posé devra être mis en oeuvre. Cet amendement tend aussi à renforcer l'obligation de résultat du législateur en remplaçant le mot "favorise" par les mots "détermine les conditions dans lesquelles est organisé".

Il est important que l'application du principe posé par le constituant ne soit pas soumis à l'interprétation du Conseil constitutionnel.

Nous proposons en somme de donner une obligation de faire au législateur.

L'amendement 4 de Mme Jacquaint est identique.

Mme Muguette Jacquaint - Le groupe communiste se rallie à l'amendement de la commission.

Mme Nicole Catala - Les amendements 12 et 11 sont défendus.

Mme la Rapporteur - La commission les a repoussés.

Mme la Garde des Sceaux - Le Gouvernement est favorable à l'amendement 1 et défavorable aux amendements 12 et 11.

M. Charles de Courson - Madame Tasca, peut-on parler d'une obligation de résultat, ou bien n'y a-t-il qu'une obligation de moyens ?

Mme la Rapporteur - Commune au Gouvernement et au Président de la République, l'intention de ce texte est claire. Il n'y a pas engagement de résultat au sens mathématique, mais engagement d'enclencher un processus. Il appartiendra au législateur d'intervenir.

L'amendement 1, mis aux voix, est adopté.

L'amendement 12, mis aux voix, n'est pas adopté, non plus que l'amendement 11.

M. Claude Goasguen - Mon amendement 16 vise à préciser le texte dont nous débattons, qui sera soumis à la vigilance du Conseil constitutionnel. Le préambule de la Constitution de 1946 pose le principe des droits égaux en termes extrêmement généraux. L'article 3 sera nécessairement en retrait. C'est pourquoi sa rédaction doit être précise. Les mots de "mandat" et de "fonction" sont des termes génériques, sans grande signification, si bien que leur qualification sera soumise au bon vouloir du Conseil constitutionnel, qui les interprétera de manière large ou restrictive, selon l'humeur.

Je propose donc d'insérer, après le mot "mandats", l'adjectif "électoraux", et après le mot "fonctions", l'adjectif "électives".

Cela ne réglera pas tous les problèmes, par exemple en ce qui concerne les élections prud'homales, mais nous éviterons ainsi un certain nombre de contestations.

Mme Nicole Catala - Mon amendement 9 me paraît plus restrictif puisqu'il précise qu'il s'agit des mandats et fonctions politiques. Le Gouvernement peut-il nous indiquer si le principe d'égalité jouerait dans ce cas pour la désignation des membres du Conseil économique et social et des comités économiques et sociaux régionaux, étant entendu qu'avec mon amendement il ne jouerait ni pour les prud'hommes ni pour les juges consulaires.

Mme la Rapporteur - Le texte vise bien la vie politique, et donc les mandats électoraux et les fonctions électives. La commission avait par conséquent repoussé l'amendement 16 parce qu'il lui avait semblé inutile de placer cette précision dans l'article 3 de la Constitution. Toutefois, au cours de la réunion de ce matin au titre de l'article 88 pour examiner l'amendement de Mme Catala, j'ai indiqué à titre personnel que si cette précision permettait de mettre un terme au débat sur le champ d'application, je recommanderais à l'Assemblée d'adopter l'amendement.

En revanche l'amendement 9 de Mme Catala me semble insuffisamment précis par rapport à l'objet de la réforme.

Mme la Garde des Sceaux - Dès lors que la révision porte sur l'article 3 relatif à la souveraineté nationale et aux élections politiques, il n'y a guère de doute sur le fait qu'elle concerne les mandats électoraux et les fonctions électives. Je juge donc l'amendement 16 inutile. Toutefois, si l'Assemblée tient à apporter cette précision, je n'ai pas d'objection de fond et je m'en remets à sa sagesse. Je trouve cet amendement bien préférable à celui de Mme Catala.

Mme Nicole Catala - Je ne comprends pas pourquoi on refuse d'ajouter le mot "politiques" alors que chacun convient que tel est l'objectif poursuivi. En outre j'attends toujours une réponse sur les prud'hommes et les juges consulaires.

L'amendement 16, mis aux voix, est adopté.

M. le Président - L'amendement 9 tombe.

M. Lionnel Luca - Mes amendements 2 et 3 visent à exclure explicitement les quotas et les formes de discrimination positive. Je souhaiterais surtout entendre la commission et le Gouvernement à ce propos.

Mme la Rapporteur - Avis défavorable. Cette révision vise précisément à permettre au législateur de trouver au cas par cas les voies et moyens pour organiser l'égalité d'accès. On ne peut donc lui interdire a priori de recourir à tel ou tel procédé. A lui de prendre ses responsabilités.

Mme la Garde des Sceaux - Je l'ai dit, je ne suis pas favorable aux quotas. Le vrai combat, c'est celui de la parité. Pour autant, il ne faut pas priver a priori le législateur de la possibilité d'user d'une méthode pour atteindre l'objectif de la parité.

L'amendement 2, mis aux voix, n'est pas adopté, non plus que l'amendement 3.

M. Jean-Pierre Brard - La place des femmes dans notre vie politique porte la marque d'un archaïsme patent.

L'affirmation du principe d'égalité n'est pas suffisante et si l'instauration de quotas serait un terrible constat d'échec, il nous appartient de mettre nos actes en accord avec nos paroles et d'aller vraiment vers la parité alors que les femmes ne sont que 7 % des maires et 8 % des conseillers généraux.

C'est pourquoi nous proposons par l'amendement 19 un mécanisme de parité parfaite pour les scrutins de liste. Cet amendement n'introduit pas la proportionnelle généralisée que craint tant M. Lellouche, mais il ne faut pas se cacher derrière son petit doigt pour refuser des avancées qui sont à notre portée...

Mme la Rapporteur - Avis défavorable. Il s'agit ici de réviser la Constitution non d'apporter des réponses concrètes.

Mme la Garde des Sceaux - Défavorable. Cette révision ne concerne pas les modes de scrutin. Elle ne peut être le prétexte à en consacrer un dans la Constitution, d'autant qu'ils relèvent de la loi.

En outre, cet amendement limiterait les pouvoirs du Parlement alors que la rédaction proposée lui permet de les exercer pleinement.

Mme Roselyne Bachelot-Narquin - J'ajoute aux arguments de Mme la ministre que cet amendement présente le grave inconvénient de ne pas préciser que candidates et candidats devront être en position alternée. On risquerait donc que toutes les femmes soient placées en fin de liste.

M. Jean-Pierre Brard - N'ayant pas l'esprit malicieux (Sourires) je n'imaginais pas de telles turpitudes... Mais cette objection n'est pas dénuée de pertinence.

Si en outre Mme la ministre confirme que ce qui ne peut se trouver dans cette révision constitutionnelle relèvera ensuite de la loi, je suis prêt à retirer l'amendement.

Mme la Garde des Sceaux - Naturellement, il appartiendra à la loi de prévoir les dispositions d'application, y compris celles relatives aux modes de scrutin. Je confirme toutefois après le Premier ministre que la parité ne saurait être pour nous le prétexte à une extension du scrutin proportionnel.

L'amendement 19 est retiré.

L'article unique, modifié, mis aux voix, est adopté.

APRÈS L'ARTICLE UNIQUE

Mme Nicole Catala - Le Gouvernement a affirmé à plusieurs reprises que ce texte ne serait pas le prétexte à un changement du mode de scrutin pour les législatives.

Pour consacrer solennellement cet engagement, il serait judicieux d'inscrire dans l'article 24 de la Constitution le principe du scrutin uninominal pour ces élections. Nous sommes plusieurs dizaines de députés de mon groupe à avoir signé une proposition de loi en ce sens : en effet l'importance du mode de scrutin pour la stabilité et le bon fonctionnement des institutions justifie qu'il trouve place dans le texte constitutionnel. C'est l'objet de mon amendement 8.

Mme la Rapporteur - La commission a repoussé l'amendement. Ce n'est pas un hasard si le constituant de 1958 n'a pas inscrit le mode de scrutin dans la Constitution (Interruptions sur les bancs du groupe du RPR).

Votre amendement est un cavalier puisque l'objet de cette révision constitutionnelle n'est pas de traiter des modes de scrutin.

Mme la Garde des Sceaux - Même avis.

L'amendement 8, mis aux voix, n'est pas adopté.

EXPLICATIONS DE VOTE

Mme Marie-Jo Zimmermann - Le groupe RPR votera ce projet de révision constitutionnelle. Il restera très vigilant pour la suite du débat.

M. Pierre-Christophe Baguet - Le groupe UDF votera également avec enthousiasme ce texte important. Nous ne sommes qu'au début du chemin et serons attentifs à la suite. MM. Lellouche et Goasguen ont fait des observations qu'il conviendra de prendre en compte.

Mme Marie-Françoise Clergeau - Voilà longtemps que l'on débat de la parité. Il existe réellement un dysfonctionnement démocratique que nous voulons faire disparaître : alors que les femmes représentent plus de 51 % de la population, elles sont peu représentées dans les instances législatives et exécutives. Alors qu'elles s'investissent dans la vie de notre pays, notamment dans les associations, la France est la lanterne rouge de l'Europe en matière de représentation parlementaire féminine.

Lors des dernières élections législatives, le parti socialiste a franchi une première étape en présentant 30 % de femmes et les résultats sont probants. Dans sa déclaration de politique générale, Lionel Jospin a proposé une révision de la Constitution pour y inscrire l'objectif de la parité et nous concrétisons aujourd'hui cet engagement.

Les sondages montrent que les Français y sont en majorité favorables et souhaitent une représentation nationale plus conforme à la réalité du pays. Ils voient dans la parité la condition d'une meilleure prise en compte des problèmes du pays. "Ce qui constitue la vraie démocratie, disait Gambetta, ce n'est pas de reconnaître des égaux, mais d'en faire".

Ce projet de loi constitutionnelle est une première étape. Il devra être suivi d'autres lois portant notamment sur le non-cumul des mandats, le statut de l'élu et le mode de financement des partis.

Pour que l'égalité entre hommes et femmes soit réelle, le groupe socialiste votera ce projet. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste)

Mme Nicole Ameline - Ce dossier était particulièrement important et urgent, il a été traité dans un climat consensuel et je me félicite de la volonté unanime de progresser vers la parité.

Les améliorations apportées au texte, notamment par l'amendement de Claude Goasguen, nous satisfont et le groupe Démocratie libérale le votera. Outre son impact symbolique, il devrait ouvrir un vaste chantier de modernisation de la vie politique. Nous avons pris acte de vos engagements, Madame la ministre, et suivrons attentivement cette réforme, qui mettra fin à une "exception française" que nous avons tous dénoncée. (Applaudissements sur les bancs du groupe DL, du groupe UDF et du groupe socialiste)

M. le Président - Sur l'ensemble du projet de loi, je suis saisi par le groupe DL d'une demande de scrutin public. Le scrutin est annoncé dans le Palais.

Mme Muguette Jacquaint - Au cours de cette discussion, toutes les formations politiques ont reconnu le retard de la France en matière de parité. Un sondage récent montre que 90 % des Français sont en faveur de dispositions législatives efficaces pour réaliser cet objectif dans la vie politique. Mme de Panafieu l'a souligné, une révision constitutionnelle n'est pas un acte banal : c'est un acte fort qui en appellera d'autres. Le groupe communiste et apparentés votera ce texte.

Mme Marie-Hélène Aubert - Le groupe RCV votera ce projet. Nous nous battons depuis des années pour la parité et nous regrettons seulement que le texte n'aille pas plus loin. Pour notre part, nous souhaitons qu'il y ait autant d'élus femmes que d'hommes et nous aurions préféré que cet objectif soit inscrit dans l'article proposé.

Néanmoins nous nous félicitons de cette première étape et espérons passer très rapidement à la suivante.

A la majorité de 82 voix contre 0 sur 83 votants et 82 suffrages exprimés, l'ensemble du projet de loi constitutionnelle est adopté.


Top Of Page

RÉUNION D'UNE COMMISSION MIXTE PARITAIRE

M. le Président - J'ai reçu du Premier ministre une lettre m'annonçait sa décision de provoquer la réunion d'une CMP sur les dispositions restant en discussion du projet de loi de finances rectificative pour 1998.

Prochaine séance ce mercredi 16 décembre, à 15 heures.

La séance est levée à 2 heures 15.

          Le Directeur du service
          des comptes rendus analytiques,

          Jacques BOUFFIER


© Assemblée nationale


© Assemblée nationale