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Assemblée nationale

COMPTE RENDU

ANALYTIQUE OFFICIEL

Session ordinaire de 1998-1999 - 64ème jour de séance, 163ème séance

2ème SÉANCE DU MARDI 16 FÉVRIER 1999

PRÉSIDENCE DE M. Raymond FORNI

vice-président

          SOMMAIRE :

QUESTIONS AU GOUVERNEMENT 1

    ACCORD ENTRE AÉROSPATIALE ET MATRA 1

    TRIBUNAUX DE COMMERCE 2

    ENTREPRISES INNOVANTES 3

    NÉGOCIATIONS DE RAMBOUILLET 3

    NOMINATION DE FEMMES DANS LA HAUTE FONCTION PUBLIQUE 4

    INSÉCURITÉ 5

    IMMIGRATION CLANDESTINE 5

    CHARGES SUR LES SALAIRES 6

    DISPARITÉS ENTRE LE PUBLIC ET LE PRIVÉ 6

    FRAUDES ÉLECTORALES 7

    PROJETS DE LA SOCIÉTÉ AVENTIS 7

    PARTENARIAT ÉCONOMIQUE TRANSATLANTIQUE 8

    CONFÉRENCE D'INTERPOL À RANGOON 9

ÉGALITÉ FEMMES-HOMMES (deuxième lecture) 9

    ARTICLE UNIQUE 21

ÉLECTRICITÉ 26

La séance est ouverte à quinze heures.


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QUESTIONS AU GOUVERNEMENT

L'ordre du jour appelle les questions au Gouvernement.

ACCORD ENTRE AÉROSPATIALE ET MATRA

M. Françoise Imbert - L'accord industriel entre Aérospatiale et Matra répond à la nécessité de consolider les positions françaises dans le secteur de l'aéronautique civile et militaire. Ce regroupement constitue un préalable à la création d'une future société européenne capable de rivaliser, à terme, avec les grands ensembles américains. Aujourd'hui, Aérospatiale et Matra donnent naissance au deuxième ensemble européen, le cinquième à l'échelle mondiale, et regroupant les activités missiles, satellites, hélicoptères, avions civils et militaires.

En ouvrant le capital d'Aérospatiale, le Gouvernement contribue donc au renforcement d'une industrie européenne compétitive et performante sur le plan de la recherche et du développement. Pouvez-vous nous donner quelques précisions, Monsieur le ministre de l'économie, sur les modalités de la fusion et sur la future stratégie du groupe, en même temps que des assurances concernant les personnels ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste)

M. Dominique Strauss-Kahn, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie - En 1969, Sud Aviation et Deutsch Airbus ont créé le GIE Airbus, et en 1970 a été créée l'Aérospatiale par le regroupement de Nord Aviation, de Sud Aviation et du service d'études et de recherches balistiques. Depuis, l'histoire de l'aéronautique française est jalonnée de succès : en 1974, premier vol commercial d'Airbus assuré par Air France ; en 1979, lancement de la première fusée Ariane ; en 1985, premier missile stratégique balistique M4 ; en 1992, création avec Dasa d'une société d'hélicoptères.

Il fallait aller plus loin. Pour ce faire, les gouvernements britannique, allemand et français ont signé en 1997 une déclaration visant à avancer vers la création d'une société européenne. Pour cela, il fallait d'abord que la France regroupe ses forces, ce qu'elle a fait en 1998 en regroupant Dassault-Aviation et Aérospatiale, et ce qu'elle continue de faire en mettant la dernière main à la fusion entre Aérospatiale et Matra.

L'accord passé entre ces deux entreprises est patrimonialement équilibré puisqu'il conduit à ce que Matra détienne 33 % du nouvel ensemble -dont il a été préalablement retiré la participation d'Aérospatiale dans Thomson, ce qui constitue pour l'Etat une reprise d'un milliard et demi. Par ailleurs, Matra paiera une compensation d'environ 2 milliards de francs, 850 millions sous forme fixe, le reste dépendant de l'évolution des cours. Bien entendu, tout cela est soumis à l'approbation de la commission des participations et transferts qui, saisie par moi-même ce matin, donnera son avis dans les tout prochains jours.

Socialement, cet accord ne doit en aucune manière inquiéter les salariés car la complémentarité entre les deux entreprises exclut des conséquences négatives sur l'emploi.

Industriellement, c'est l'accord dont le pays avait besoin pour constituer, comme vous l'avez dit, le cinquième opérateur mondial et le deuxième opérateur européen dans le domaine de l'aéronautique et de l'espace. Rappelez-vous, il n'y a pas si longtemps, la France comptait six entreprises dans ce domaine : Thomson, Alcatel, Aérospatiale, Matra et les deux Dassault. Aujourd'hui, le regroupement annoncé parachève l'action conduite par le Gouvernement et nous met en position de mener avec nos partenaires -allemands et britanniques mais aussi italiens ou espagnols- les négociations en vue de créer en Europe un géant aéronautique de la taille de ses concurrents américains. Ce qui a été accompli là rend service à l'Europe en même temps qu'à l'industrie aéronautique nationale. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe RCV)

TRIBUNAUX DE COMMERCE

M. Jean Codognès - Les tribunaux de commerce fonctionnent en France selon un schéma datant de l'Ancien Régime mais prennent en charge le sort de milliers d'entreprises en difficulté -et par conséquent de milliers d'emplois.

En juillet 1998, une commission d'enquête de l'Assemblée nationale a rendu publiques certaines défaillances de ces juridictions. Peu après, ses conclusions ont été confirmées -et au-delà- par un rapport d'enquête mené conjointement par l'Inspection générale des finances et celle des services judiciaires. Il appartient maintenant au pouvoir législatif et réglementaire de proposer des transformations. Vous-même, Madame la garde des Sceaux, aviez annoncé en décembre dernier une réforme. Aujourd'hui, nous aimerions connaître la portée de celle-ci. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste)

Mme Elisabeth Guigou, garde des sceaux, ministre de la justice - A la suite des rapports que vous avez cités, le Gouvernement a décidé le 14 octobre 1998 d'une réforme d'ampleur concernant les tribunaux de commerce. Celle-ci comporte trois axes : d'abord la réforme des tribunaux proprement dits, avec une révision de la carte judiciaire et l'introduction de juges professionnels dans les formations de jugement ; ensuite, la réforme des professions auxiliaires -greffiers des tribunaux de commerce, administrateurs, mandataires, liquidateurs ; enfin, la réforme des lois de 1984 et 1985 sur le traitement des entreprises en difficulté.

S'agissant de la carte judiciaire, six cours d'appel -celles où il y a le plus de tribunaux de commerce et où ceux-ci paraissent les moins adaptés- ont fait l'objet d'un travail prioritaire de la part de la mission spécialement désignée à cette fin. J'espère donc pouvoir annoncer dans les prochaines semaines les modifications les concernant. Pour les autres cours d'appel, le travail sera terminé d'ici la fin de 1999. S'agissant de la mixité professionnelle, une commission coprésidée par un magistrat du Conseil d'Etat et un autre de la Cour des comptes a été mise en place par le Gouvernement. Chargée de définir les modalités de cette mixité, elle doit rendre un rapport fin mars, à la suite de quoi nous prendrons un certain nombre de décisions.

S'agissant des lois de 1984 et 1985, nous sommes en train d'élaborer un texte qui vise notamment à simplifier les procédures pour les plus petites entreprises.

Nous avons par ailleurs pris un décret qui accentue le contrôle sur les administrateurs et mandataires -qui, notamment, les oblige à déposer leurs fonds à la Caisse des dépôts. Un deuxième décret les concernant est en cours de finalisation. Et nous sommes en train d'élaborer un projet visant à ouvrir ces professions à la concurrence d'autres professionnels.

Comme vous le voyez, nous avons progressé depuis octobre. Le fait est que nous avons besoin d'une justice économique qui soit à la fois plus sereine et plus impartiale, étant entendu que beaucoup de juges de commerce font très bien leur métier mais aussi qu'il y a eu trop d'abus, en même temps que plus moderne et plus adaptée aux exigences de la compétitivité (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

ENTREPRISES INNOVANTES

M. Michel Destot - En mai dernier, lors des Assises de l'innovation, le Premier ministre a rappelé la nécessité de s'appuyer sur l'innovation, l'investissement et la création d'entreprises pour rendre durable le retour à la croissance. Dans les secteurs de pointe comme les biotechnologies ou le numérique, les entreprises issues de la valorisation de la recherche sont en moyenne trois fois à cinq fois plus créatrices d'emplois que les autres. Mais il ne se crée chaque année en France qu'une trentaine d'entreprises par essaimage de chercheurs. C'est dire que nous n'exploitons pas assez, du point de vue de la lutte contre le chômage, notre capital scientifique et technologique.

Certes la France dispose d'une recherche de grande qualité mais les études montrent que notre économie ne bénéficie pas suffisamment de ce potentiel. Voyez à ce sujet les rapports d'Henri Guillaume ou d'Edith Cresson. En consacrant 1,12 % du PIB au financement public de la recherche et du développement, notre pays se situe en tête du peloton. Pourtant, la part française de brevets à l'échelon européen a baissé de 17 %. Il est donc nécessaire d'assurer la diffusion des savoirs et des innovations en proposant un cadre juridique nouveau. Quelles dispositions le Gouvernement compte-t-il prendre en ce sens, de façon à donner vraiment à notre pays les moyens d'exploiter son incontestable potentiel scientifique et technologique ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste)

M. Claude Allègre, ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie - Le Gouvernement présentera dans deux jours au Sénat un projet de loi destiné à aider l'innovation et la création d'entreprises innovantes en favorisant l'essaimage des chercheurs et le resserrement des liens entre établissements publics et privés, sans pour autant confondre la recherche fondamentale et ses applications.

Le 1er mars sera lancé un concours de création d'entreprises innovantes (Exclamations sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL), sur une base régionale, après quoi chaque vainqueur recevra une certaine somme pour élaborer un projet final, qui sera soumis à un jury national présidé par Jean-Louis Beffa.

Le ministre de l'économie et de l'industrie et moi-même mettrons en place la semaine prochaine un fonds d'incubation et d'amorçage (Mêmes mouvements).

Jeudi prochain, dans votre ville de Grenoble ("Ah !" sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL), nous inaugurerons le premier réseau de recherche technologique associant le public et le privé dans le domaine de la nanotechnologie.

Vous le voyez, le programme du Gouvernement entre en application, et nous rattrapons ainsi notre retard dans la création d'entreprises innovantes (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

NÉGOCIATIONS DE RAMBOUILLET

M. Pierre Brana - Depuis le 6 février, la France copréside la conférence de Rambouillet sur le Kosovo.

Les représentants des parties opposées ont accepté de venir en France entamer des pourparlers, cédant aux recommandations pressantes de la communauté internationale, du groupe de contact et de la France. L'ambassadeur français, chef-adjoint de la mission de vérification au Kosovo a salué cette réunion comme un grand pas dans la bonne direction et une belle réussite de la diplomatie française.

Les socialistes partagent cette analyse ; mais rien n'est acquis. Il faut vite transformer l'essai. Les protagonistes ont accepté de venir chez nous mais les choses paraissent en être restées là.

A la veille de la conférence, le 5 février, vous avez indiqué votre détermination : "il faut aboutir !" Face aux résistances des uns et des autres, le groupe de contact doit tout faire pour forcer le chemin des compromis. Que pouvez-vous nous dire ? Aurez-vous de bonnes nouvelles à nous annoncer samedi prochain, terme de la négociation ?

M. Hubert Védrine, ministre des affaires étrangères - Je ne peux rien dire d'autre que la totale détermination et la parfaite unité des six pays membres du groupe de contact pour parvenir d'ici la fin de la semaine à un accord, ce qui suppose, de la part des deux parties, un vrai renoncement et un vrai courage politique. Les voilà placées devant un choix historique en ce qui concerne leurs positions dans l'Europe de demain, les formes de leur coexistence ou de leur affrontement.

Nous avons créé les conditions propres à formuler ce choix, mais le dernier mot leur appartient. Notre rôle est de maintenir et d'intensifier cette pression jusqu'à la dernière minute utile (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

NOMINATION DE FEMMES DANS LA HAUTE FONCTION PUBLIQUE

Mme Michèle Alliot-Marie - Monsieur le Premier ministre, votre projet relatif à la parité élective revient devant nous cet après-midi. Dans le même temps, un hebdomadaire montre que, depuis votre arrivée au Gouvernement, moins de 10 % de femmes figurent parmi les nominations de fonctionnaires en conseil des ministres (Interruptions sur les bancs du groupe socialiste). Le ministre de la fonction publique confirme ce chiffre.

Or, nous le savons tous et toutes, ce sont souvent ces postes qui détiennent une part essentielle du pouvoir de décision.

Pour éviter que les femmes se sentent flouées... (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste)

Plusieurs députés socialistes - Juppettes !

Mme Michèle Alliot-Marie - ...et pour démontrer votre absence d'arrière-pensées (Interruptions sur les bancs du groupe socialiste), vous engagez-vous solennellement ici à aller réellement vers la parité pour les nominations de hauts fonctionnaires, dans quels délais et comment ? En effet les nominations en conseil des ministres dépendent presque toutes de la seule volonté gouvernementale, et il n'est nul besoin d'études pour affirmer une volonté politique (Applaudissements sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL).

M. Lionel Jospin, Premier ministre - Nous attachons la plus grande importance à la question de la représentation croissante des femmes dans la vie publique et la haute administration puisque, sur ce point, notre pays est en retard par rapport à la plupart des grandes démocraties européennes.

Chacun, là où il se trouve, doit donc faire preuve de volontarisme, indépendamment des modifications à apporter à la Constitution ou à telle disposition législative. La formation politique à laquelle j'appartiens a témoigné de ce volontarisme en plusieurs occasions. Pour les dernières élections européennes, le parti socialiste, à la suite de Michel Rocard et sur sa proposition, a présenté une liste entièrement paritaire.

Un député RPR - Beau succès !

M. le Premier ministre - Les scores qui m'intéressent, aux européennes, ne sont plus ceux d'hier, ce sont ceux de demain ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste)

Aux dernières élections législatives, le parti socialiste, et je ne veux pas parler au nom d'autres formations politiques de la majorité qui ont accompli un effort analogue, a décidé de consacrer 30 % des circonscriptions à des candidates. Si les femmes sont relativement nombreuses dans cette assemblée, elles sont à gauche, et en particulier sur les bancs du groupe socialiste (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

Nous étant heurtés précédemment à l'obstacle constitutionnel, nous avons proposé une démarche de parité, faisant sa place à l'égalité des hommes et des femmes et le Président de la République a bien voulu accompagner cette démarche par une proposition commune.

Un député RPR - La question !

M. le Premier ministre - L'Assemblée l'a adoptée à l'unanimité. Le Sénat l'a repoussée, elle revient devant vous, et vous déciderez librement de confirmer cette démarche.

S'agissant des postes dans la haute administration... ("Ah !" sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL)... il faut regarder l'ensemble pour former un jugement, car si on ne balaye pas largement, on est menacé de strabisme !

Je considère que les nominations intervenues en conseil des ministres, en général sur la proposition du Gouvernement, même si, bien entendu, l'accord du Président de la République a été nécessaire... (Interruptions sur les bancs du groupe du RPR) Je ne le mets pas en cause dans cette affaire, dans la mesure où les propositions sont venues de nous, même s'il lui est arrivé d'en suggérer quelques-unes, ou plutôt quelques-uns ! (Exclamations sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL) Nous sommes largement en dessous de ce qui serait nécessaire.

Dans une récente discussion avec la ministre de l'emploi pour des postes de directeur dans les ARH, je lui faisais remarquer que ses propositions ne comportaient pas de candidatures féminines. Mme Aubry m'a répondu que, bien entendu, elle en avait cherché, mais que les femmes pressenties avaient renoncé en invoquant les contraintes matérielles et familiales, ou l'avis de leur conjoint (Exclamations sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL).

Nous devons donc exercer une poussée volontariste. Au cours du dernier séminaire gouvernemental j'ai demandé que nous commencions à nommer davantage de femmes dans les postes de chef de bureau, de sous-directeur ou de chef de service pour créer un vivier, et pouvoir progresser (Interruptions sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL). Si nous tirons le verrou constitutionnel, nous donnerons ensemble un signal qui s'imposera plus fortement aux décideurs politiques. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste)

Demain, Mme Colmou remettra à M. Zuccarelli un rapport (Exclamations sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL) sur la féminisation dans la fonction publique (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

INSÉCURITÉ

M. Jacques Godfrain - Vous avez confirmé ce que les Français ressentent très douloureusement. L'insécurité a augmenté de 2 % en France, et cela appelle des mesures de votre part. Vous avez promis 1 200 policiers supplémentaires dans l'année à venir -7 000 en trois ans. Mais où les prendrez-vous ? S'agira-t-il de ne pas remplacer des départs à la retraite dans certains départements ? De faire entrer des CRS dans les commissariats ? De dissoudre les BAC ? Entre l'effet d'annonce et la réalité du terrain, il y a un grand pas.

M. Jean-Pierre Chevènement, ministre de l'intérieur - S'il n'y a pas lieu de se réjouir de cette augmentation de 2 % en 1998, il n'y a pas lieu non plus de dramatiser : cette année est la troisième moins mauvaise depuis 1990, et certains vols qualifiés ont diminué -avec violence, à main armée, avec ruse. Ce qui est préoccupant, c'est l'augmentation continue -11 % cette année- de la délinquance des mineurs et de la violence urbaine. Certains redéploiements sont en effet prévus -mais les BAC ne sont pas menacées. L'important, c'est de développer une police de proximité : nous ne sommes plus menacés aujourd'hui par de grandes grèves insurrectionnelles et ce qu'il faut, c'est prévenir la violence urbaine. On peut d'ailleurs noter en janvier une baisse de 2 % de la délinquance : ce n'est certes pas très significatif, mais évitons la surenchère et la démagogie sur ces questions (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe RCV).

IMMIGRATION CLANDESTINE

M. Thierry Mariani - Vous parlez bien, Monsieur le Premier ministre, mais qu'est-ce que vous faites en matière de délinquance et d'immigration ? (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste) Les Français savent bien que, sur 140 000 dossiers de clandestins, vous en avez régularisé 80 000, ce qui en laisse 60 000, allez-vous les inviter à quitter le territoire ? Il semble que le retour de M. Chevènement n'ait rien changé, de ce point de vue. Alors, allez-vous enfin mettre vos actes en accord avec vos paroles, et faire respecter la loi de la République ?

M. Jean-Pierre Chevènement, ministre de l'intérieur - M. Mariani est un spécialiste des interventions sur l'immigration. Mais ce débat a heureusement changé de face. Le vrai problème, c'est l'accès à la citoyenneté des Français issus de l'immigration. Face à une question qui empoisonnait le débat politique en faisant le jeu de l'extrême-droite, le Gouvernement a manifesté une approche juste, équilibrée, humaine et ferme à la fois. Les personnes régularisées étaient soit des conjoints de Français ou d'étrangers en situation régulière, soit des parents d'enfants nés en France, soit des personnes donnant tous les signes d'une bonne intégration. Les personnes qui n'ont pas été régularisées s'exposent à être contrôlées sur la voie publique et reconduites à la frontière. Mais je rappelle tout de même qu'au temps où M. Pasqua et M. Debré étaient ministres, le nombre de reconduits n'a jamais dépassé 12 000 par an, alors qu'à l'époque le rapport Sauvaigo-Philibert évaluait à 800 000 le nombre de clandestins, que faisiez-vous à cette époque ?

Dans un pays qui reçoit chaque année 100 millions d'étrangers, les chiffres que vous indiquez ne sont qu'une marge statistique. Il y a une administration et une police des frontières qui font leur travail et démantèlent chaque semaine plusieurs filières d'immigration clandestine. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe RCV)

CHARGES SUR LES SALAIRES

M. Pierre Méhaignerie - Les chiffres de l'UNEDIC, comme les résultats comparés des politiques européennes, montrent l'efficacité des allègements de charges sociales. 45 millions avaient été consacrés par les gouvernements précédents à l'allégement des charges pesant sur les bas salaires, puis cette politique a été interrompue. La semaine dernière, Mme Aubry nous a dit à propos du textile qu'il fallait modifier les choses à cause des engagements communautaires. Mais une demi-vérité peut devenir un mensonge. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste) Pourquoi n'avoir pas ajouté que, suite aux négociations conduites par M. Barrot et M. Borotra, il vous était possible d'étendre la mesure à tous les salaires ouvriers manuels (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF, du groupe du RPR et du groupe DL). C'est ainsi qu'on a procédé, en Belgique, et cela à permis de faire passer les allègements de 50 à 75 milliards de francs belges.

Ne serait-il pas plus juste d'affecter à l'allègement des charges les milliards qui servent à augmenter les dépenses publiques et creusent ainsi chaque jour le fossé entre les salariés du privé et ceux du public ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF, du groupe DL et du groupe du RPR)

M. Claude Bartolone, ministre délégué à la ville - La semaine dernière, Mme Aubry a dit ce qu'il fallait dire (Exclamations sur les bancs du groupe du RPR). Elle a d'ailleurs pris l'engagement de publier l'ensemble des lettres de la Commission relatives au plan textile.

L'allégement des charges, qui ne serait pas d'accord ? Mais tout dépend de la manière d'y arriver. Le choix que vous aviez fait a conduit à augmenter le chômage. Nous avons décidé, quant à nous, de favoriser la création d'emplois pour préserver la protection sociale. Pour le reste, le Gouvernement fera des propositions, dans le cadre de la prochaine loi de sécurité sociale et dans celui de la deuxième loi sur la réduction du temps de travail, pour tenir compte de la situation des entreprises qui, ayant beaucoup de main d'oeuvre, participent plus que les autres au financement de la protection sociale (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe RCV).

DISPARITÉS ENTRE LE PUBLIC ET LE PRIVÉ

M. Maurice Leroy - Une fois de plus, le Gouvernement ne répond pas à nos questions. La demande était pourtant claire !

Tous les rapports montrent que l'inégalité s'accroît entre le secteur protégé et le secteur concurrentiel, qu'il s'agisse de la durée du travail, des salaires, des retraites. Il est plus que temps d'engager là-dessus un débat de fond, et d'envisager des réformes. Y êtes-vous prêt ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF, du groupe DL et du groupe du RPR)

M. Christian Pierret, secrétaire d'Etat à l'industrie - Vous faites sans doute allusion aux conquêtes récentes, qui en ont suivi bien d'autres, des travailleurs et de leurs organisations syndicales dans les entreprises publiques, notamment à EDF, où un accord a été signé sur l'aménagement -réduction du temps de travail ! (Exclamations sur les bancs du groupe UDF et du groupe du RPR) Nul ici ne saurait se plaindre que dans des entreprises de haute technologie, à rayonnement mondial, la réussite sociale accompagne la réussite économique. Nous souhaitons qu'il en soit de même dans les entreprises privées : lorsque de tels succès sont possibles, le gouvernement de la majorité plurielle s'en félicite (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, exclamations sur les bancs du groupe UDF et du groupe du RPR).

FRAUDES ÉLECTORALES

M. Roland Blum - Dans sa décision du 3 février 1999, le Conseil constitutionnel a annulé l'élection législative de la neuvième circonscription des Bouches-du-Rhône pour fraude électorale organisée. En effet, sur les bureaux de vote 10, 17 et 26 de la ville d'Aubagne, les représentants du candidat communiste se sont livrés, selon la haute juridiction, à une falsification des chiffres sur les procès-verbaux ; des électeurs inscrits qui n'avaient pas participé au scrutin ont eu la surprise de découvrir qu'ils avaient voté...

Plusieurs députés socialistes et communistes - Tiberi ! Dominati !

M. Roland Blum - Ces manoeuvres graves, dignes des pays totalitaires, portent atteinte au principe même de la démocratie. Elles posent un problème de droit, et surtout de morale. Guy Carcassonne, dont les qualités de juriste sont incontestables, a eu le mérite de le poser clairement. Les lois sur le financement des campagnes électorales sanctionnent tout manquement à leurs règles par l'inéligibilité, au moins temporaire, des candidats fautifs ; en revanche, les candidats ont tout à gagner et rien à perdre à des manipulations des opérations de vote puisqu'en cas d'annulation, ils conservent la possibilité de se représenter.

Envisagez-vous, Madame la Garde des Sceaux, de déposer un projet de loi visant à rendre inéligibles les candidats élus au bénéfice de la fraude électorale ?

Par ailleurs, une plainte pénale a été déposée pour fraude électorale et l'instruction est en cours ; cependant il est étonnant qu'à ce jour, alors que les preuves sont incontestables, le Parquet ne prenne pas les réquisitions supplétives pour faux en écritures publiques. Vous qui, au sein du Gouvernement, vous référez souvent à la morale, donnerez-vous au Parquet les instructions nécessaires pour que la saisine du juge soit étendue aux infractions caractérisées de faux en écritures publiques ? (Applaudissements sur les bancs du groupe DL)

Plusieurs députés socialistes et communistes - Tiberi !

Mme Elisabeth Guigou, garde des sceaux, ministre de la justice - Le 28 septembre dernier, M. Belviso a été proclamé élu avec vingt voix d'avance sur son adversaire. Le Conseil constitutionnel, saisi par ce dernier, a annulé cette élection le 3 février, jugeant qu'il n'était pas possible de déterminer exactement le nombre des suffrages qui devait être attribué à chacun des deux candidats.

Il n'était pas habilité à prononcer une inéligibilité puisque celle-ci ne peut résulter, en vertu des articles L.O. 128 et L.O. 136-1 du code électoral, que du non-respect par le candidat de ses obligations concernant le dépôt des comptes de campagne et le plafond de dépenses électorales. Le compte de campagne de M. Belviso avait été approuvé par la commission nationale.

Plusieurs députés DL - Ce n'est pas la question !

Mme la Garde des Sceaux - Une information judiciaire est ouverte depuis le 7 octobre 1998 pour fraude électorale, sur le fondement de l'article L. 92 du code électoral ; bien entendu, je ne me prononcerai pas sur une procédure judiciaire en cours : il vous a échappé que ce gouvernement avait décidé de ne plus donner d'instructions individuelles au Parquet ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe RCV)

M. Yves Nicolin - Vous protégez les fraudeurs !

PROJETS DE LA SOCIÉTÉ AVENTIS

M. Bernard Birsinger - La divulgation d'une note ultra-confidentielle vient de confirmer la stratégie de la nouvelle société Aventis, née du rapprochement entre Rhône-Poulenc et HMR. Ce texte prévoit la suppression de 10 000 emplois dans le monde, dont 3 000 en France ; les sites de Romainville et de Compiègne sont concernés.

C'est un fleuron de la recherche française qui est ainsi menacé de disparition : c'est par exemple à Romainville qu'a été mise au point la pilule abortive ; et on s'apprête à sacrifier des recherches sur des molécules permettant de guérir le cancer du sein.

Comment parler de coopération européenne dans ces conditions ? Tout cela se fait au nom de la rentabilité financière, qu'on veut faire passer de 13 à 20 %.

Monsieur le secrétaire d'Etat à l'industrie, en décembre, dans votre réponse à une question de mon ami André Gerin, vous aviez voulu vous montrer rassurant. Aujourd'hui, cet optimisme n'est plus de mise.

A propos de l'AMI, M. Jospin avait très justement expliqué, constatant "les mouvements hâtifs et parfois irraisonnés qui se sont emparés des marchés", qu'il ne fallait pas "laisser les intérêts privés mordre à l'excès sur la sphère de souveraineté des Etats". C'est particulièrement vrai en matière de santé publique : le médicament n'est pas une marchandise comme une autre.

Que compte faire le Gouvernement pour stopper ce mauvais coup contre l'emploi, la recherche et la santé en France et en Europe ? (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste)

M. Christian Pierret, secrétaire d'Etat à l'industrie - La fusion qui a été annoncée entre Höechst et Rhône-Poulenc, pour donner naissance à la société Aventis est destinée à constituer l'un des deux ou trois leaders mondiaux dans le domaine des sciences de la vie. Vous avez mille fois raison de dire que cela ne doit nuire ni à la recherche, ni à l'emploi. La décision n'est pas encore confirmée par les actionnaires des deux sociétés. Un document émanant d'un consultant de l'entreprise attribue au groupe Aventis l'intention de fermer ou de céder certains sites dans le monde, dont quelques-uns en France ; il laisse notamment entendre que, sur une période de dix ans, le site de Romainville pourrait être fermé. Je ne peux considérer ce document comme une annonce ; j'exprime donc très fermement l'attachement du Gouvernement aux sites français, qui doivent conserver toute leur place dans le nouvel ensemble. De tels groupes doivent exercer leurs responsabilités tant sociales qu'économiques ; c'est pourquoi M. Strauss-Kahn, Mme Aubry, M. Kouchner et moi-même suivons ce dossier de très près. Je vous propose, Monsieur le député, de participer avec Mme Neiertz, le maire de Romainville et le président du conseil général de Seine-Saint-Denis, dans la première quinzaine du mois de mars, à une réunion au cours de laquelle nous pourrions examiner la situation et organiser la concertation avec l'entreprise et les organisations syndicales.

PARTENARIAT ÉCONOMIQUE TRANSATLANTIQUE

M. Michel Suchod - La Commission européenne élabore actuellement un projet de décision du Conseil des ministres concernant le partenariat économique transatlantique entre l'Europe et les Etats-Unis. J'en ai reçu les 27 pages par Internet, et non comme membre de la délégation aux affaires européennes... Il a tout lieu de nous inquiéter, d'autant que la Commission propose un calendrier à marche forcée.

La Commission considère que les rapports entre l'Union européenne et les Etats-Unis sont actuellement entravés par trop d'obstacles. Elle veut, par des négociations multilatérales écartant les Etats, établir une nouvelle loi prééminente en matière commerciale. L'accord de partenariat devrait primer toute réglementation nationale et européenne.

En outre, ce texte propose ingénument de relancer l'AMI, alors que le Premier ministre l'avait solennellement repoussé ; et la Commission, pour une fois très pédagogue, nous appelle à un recentrage complet de nos relations économiques avec les Etats-Unis.

Vous comprendrez notre émoi, Monsieur le ministre de l'économie ; quelle est la position du Gouvernement ? (Applaudissements sur les bancs du groupe RCV)

M. Dominique Strauss-Kahn, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie - Au printemps dernier, le commissaire Brittan avait envisagé de mener une négociation, sous le nom de "nouveau marché transatlantique", que nous avions considérée comme inacceptable. Depuis, le débat a été relancé, plus modestement, sous le nom de "partenariat économique transatlantique". Les discussions qui ont lieu depuis décembre pour encadrer le mandat de la Commission ne sont pas achevées. L'important est que, je le constate, loin d'un partenariat amélioré, nous avons avec nos partenaires américains des causes nouvelles de contentieux : la viande, la banane... Ce n'est pas ainsi que nous concevons le partenariat. Qu'il faille améliorer les relations commerciales, chacun en est d'accord. Mais ce qui est hors de question pour le Gouvernement, c'est qu'un des partenaires, si puissant soit-il, soit juge et partie ; et que la libéralisation à tout crin, qu'il s'agisse des échanges avec le NTM ou de l'investissement avec l'AMI, soit la règle. Ce que nous voulons, c'est une ouverture des frontières respectueuse des salariés, des consommateurs, de l'environnement et de la souveraineté nationale. Je serai aux Etats-Unis dans deux jours, et là nous ferons valoir la position française sur le commerce international. En aucun cas les positions prises ici à l'occasion du débat sur l'AMI n'ont changé. Nous sommes pour une ouverture des frontières dans des conditions équilibrées et dans le respect des droits des salariés (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste et du groupe RCV).

CONFÉRENCE D'INTERPOL À RANGOON

Mme Marie-Hélène Aubert - Ceux, dont nous sommes, qui soutiennent en Birmanie le combat de Mme Aung San Suu Kyi ont été stupéfaits d'apprendre qu'une conférence internationale sur l'héroïne était organisée par Interpol à Rangoon. Il apparaît pourtant de plus en plus clairement que la junte de Rangoon est une narco-dictature, que 60 % de l'héroïne mondiale provient de ce pays et que le blanchiment de l'argent sale est une de ses premières activités. Par ailleurs, le régime birman est régulièrement condamné pour ses graves violations des droits de l'homme, et boycotté pour cette raison par la plupart des hauts responsables occidentaux. Pourquoi n'en irait-il pas de même des fonctionnaires de police et d'Interpol ? La tenue de cette conférence ne revient-elle pas à "blanchir" une dictature qui enferme le pays dans la misère ? Déjà, sous la pression des ONG et de l'opinion, le Danemark, la Norvège, les Pays-Bas, plus récemment les Etats-Unis ont renoncé à s'y rendre. Le Parlement belge a voté le 8 février une résolution très ferme à ce sujet. A ce jour la France est restée muette. Est-elle plus indulgente, ou hésitante, ou peut-être soucieuse des investissements des entreprises françaises dans ce pays ? Je souhaite donc savoir quelle est la position française sur cette conférence, et si, au cas où elle serait maintenue, notre pays entend y envoyer une délégation (Applaudissements sur les bancs du groupe RCV, du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe UDF).

M. Hubert Védrine, ministre des affaires étrangères - Il s'agit d'une décision prise par Interpol en tant qu'organisation, et à laquelle la France n'a pas participé. Cette organisation se réunit souvent dans les zones particulièrement concernées par ces questions. Compte tenu du contexte politique propre à ce pays, nous avons décidé, avec le ministre de l'intérieur, qu'il n'y aurait pas de délégation française à cette conférence (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste, du groupe RCV et plusieurs bancs du groupe UDF). Il va sans dire qu'Interpol est une organisation plus nécessaire que jamais, et que nous continuerons à y travailler activement (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et plusieurs bancs du groupe UDF).

M. le Président - Nous en avons terminé avec les questions au Gouvernement.

La séance, suspendue à 16 heures 5, est reprise à 16 heures 20.


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ÉGALITÉ FEMMES-HOMMES (deuxième lecture)

L'ordre du jour appelle la discussion, en deuxième lecture, du projet de loi constitutionnelle relatif à l'égalité entre les femmes et les hommes.

Mme Elisabeth Guigou, garde des sceaux, ministre de la justice - La rédaction du projet adoptée par le Sénat le 26 janvier diffère profondément du texte que tous les groupes de l'Assemblée avaient adopté à l'unanimité. Le Sénat a opéré deux modifications fondamentales. D'une part, il a préféré inscrire la règle de l'égal accès à l'article 4 de la Constitution et non à l'article 3 ; d'autre part il s'en est remis à la sagesse des partis et n'a pas voulu qu'on agisse par la loi pour assurer cette égalité...

Le Sénat avance trois arguments pour justifier ses choix.

D'abord, placée à l'article 3 la modification proposée introduirait nécessairement la possibilité de quotas lors des élections. Le Sénat défend une conception classique de la souveraineté utilisée deux fois par le Conseil constitutionnel pour censurer des dispositions législatives favorisant l'égal accès des femmes et des hommes aux mandats et fonctions électives. Selon le Sénat cette mesure briserait l'unité du corps électoral et le principe même du mandat représentatif qui fait de chaque élu un représentant de l'ensemble de la nation ; elle ferait des femmes une catégorie du peuple qui s'approprierait une partie de l'exercice de la souveraineté nationale, ce que défend l'article 3 de la Constitution.

En deuxième lieu, le Sénat estime que les partis politiques étant les principaux responsables de la situation choquante faite aux femmes dans la vie publique, il importe qu'ils remédient eux-mêmes à cette situation.

Il s'en remet ainsi à leur bonne volonté même s'il admet que les règles relatives à leur financement pourraient contribuer à la mise en oeuvre du principe énoncé. Par conséquent, il a inscrit la nouvelle règle à l'article 4 de la Constitution et non à l'article 3.

Enfin, le Président de sa commission des lois l'a bien dit, la Haute Assemblée craint que la rédaction proposée par l'Assemblée nationale ne conduise à la généralisation du scrutin proportionnel.

Ses raisons sont respectables et débattre de ses arguments ne doit pas conduire à un débat sur le Sénat lui-même, sujet sans lien avec ce projet.

Mme Christine Boutin - Très bien !

Mme la Garde des Sceaux - En ce qui concerne les partis, il est paradoxal de constater leur responsabilité et de s'en remettre à leur seule bonne volonté pour remédier aux inégalités. Aujourd'hui, en l'absence de législation positive, les femmes sont représentées de façon marginale dans toutes les assemblées politiques.

Il est fondamental à mes yeux que le constituant habilite explicitement le législateur à intervenir pour remédier à une situation choquante.

Enfin la rédaction proposée par le Sénat est restrictive car les partis n'ont pas l'exclusivité de la présentation des candidats aux élections.

Enfin, je répète ce que j'avais affirmé avec netteté le 15 décembre dernier.

Pour les élections au scrutin uninominal, le Gouvernement ne conçoit en aucune façon cette révision constitutionnelle comme un moyen ou comme un prétexte à une modification des modes de scrutin et tout particulièrement du mode de scrutin législatif. Le Premier ministre l'a exprimé avec netteté, "le Gouvernement à cet égard n'a pas de projet". Nous ne prendrons pas prétexte de la parité pour étendre le scrutin proportionnel, même s'il est vrai que celui-ci favorise la parité.

En revanche pour les scrutins uninominaux, le législateur pourra inciter à la parité en modulant le financement public des partis prévu par les lois du 11 mars 1988 et du 15 janvier 1990. On pourrait imaginer de pénaliser ceux qui ne tendraient pas à la parité, cette pénalisation étant proportionnée pour ne pas "méconnaître l'exigence du pluralisme des courants d'idées et d'opinions qui constitue le fondement de la démocratie".

Je voudrais revenir maintenant sur le premier argument utilisé par les sénateurs, celui de l'universalisme, parce qu'il soulève des questions fondées sur une argumentation classique depuis la Révolution française et qui est aujourd'hui encore celle d'hommes et de femmes de toutes opinions politiques.

J'ai répété plusieurs fois qu'il n'existe dans la matière que nous discutons qu'un seul principe : l'égalité. C'est même la raison pour laquelle la révision constitutionnelle à laquelle le Gouvernement vous invite ne comporte pas le mot de parité. Celle-ci est en effet seulement un moyen pour parvenir, dans les faits et pas seulement abstraitement, à l'égalité entre hommes et femmes déjà inscrite dans la Constitution.

Depuis longtemps et dans presque toutes les jurisprudences constitutionnelles du monde, le principe d'égalité est compris comme le fait que les personnes placées dans les mêmes situations doivent être traitées de la même façon au regard des objectifs poursuivis par les lois. Cela m'amène à affirmer avec la plus grande solennité que les femmes et les hommes doivent être placés dans la même situation pour l'exercice des mandats et fonctions politiques ("Très bien !" sur les bancs du groupe socialiste). Ce qui veut dire dans mon esprit une chose simple : aucun destin biologique, psychique ou économique ne définit la figure que revêtent les femmes au sein de la société. Ni le pouvoir d'enfanter, ni le fait d'avoir, éventuellement, une force physique inférieure à celle des hommes ne sauraient par exemple justifier que l'on écarte les femmes de quelque fonction que ce soit (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe RCV et du groupe communiste).

En disant cela, je m'inscris dans la droite ligne de la défense de l'égalité politique entre les hommes et les femmes. La reconnaissance des différences biologiques entre hommes et femmes a trop longtemps servi à fonder l'exclusion des femmes de toute une série de fonctions économiques, sociales, professionnelles et bien entendu politiques.

Or la nature n'a jamais rien fondé en droit. Dans la philosophie progressiste que nous avons héritée des Lumières, il n'y a pas de continuité entre la nature et la société. Les hommes et les femmes construisent un monde qui est le leur. C'est leur monde parce qu'ils l'ont voulu et non subi au nom de je ne sais quelle tradition. Il n'y a pas de société humaine s'il n'y a pas d'acte de volonté qui, si nécessaire, est la négation même de l'état naturel. Le monde des femmes et des hommes est celui du contrat volontaire. Et si les conservateurs ne cessent d'invoquer la nature, c'est seulement pour mieux laisser les choses en l'état.

Non les femmes ne sont pas faites par nature pour rester à la maison et élever les enfants ! Non, elles ne sont pas faites par nature pour être des objets de séduction et se taire ! Non, il n'est pas inscrit dans les gènes que les femmes ne sont pas faites pour la politique ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe RCV et du groupe communiste) Et qu'on ne vienne pas me dire que je défends je ne sais quelle position "racialiste", "différentialiste" ou "communautariste". Je pense au contraire qu'il existe une humanité universelle parce que, comme l'a affirmé Montaigne, "chaque être humain porte la forme entière de l'humaine condition". Attenter à la dignité de l'être humain, c'est certainement faire du tort à l'autre, mais c'est aussi se faire du tort à soi-même. C'est pour cela que l'esclavage est un crime contre l'humanité (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe communiste). C'est pour cela que j'appelle de mes voeux une justice internationale qui fasse respecter partout la dignité de l'être humain.

C'est pour cela enfin que la République proscrit absolument toutes les discriminations entre les êtres humains.

Mais je n'appelle pas discriminations des mesures positives prises par la loi pour mettre les femmes à égalité de situation avec les hommes dans les candidatures aux mandats et fonctions politiques. Reste pourtant la question suivante : dire des hommes et des femmes qu'ils sont égaux, est-ce dire qu'il n 'y a plus aucune différence entre eux ? A l'évidence, non. Pourquoi l'égalité devrait-elle s'accompagner de la négation de la différence ? Sommes-nous si incapables de penser à la fois l'égalité et la différence ? Sommes-nous si peu démocrates que nous soyons aveugles au pluralisme ? Sommes-nous si égalitaristes que nous soyons incapables de voir qu'il existe une différence entre la situation faite aux femmes et celle faite aux hommes dans la vie politique ? On ne saurait s'abstraire des réalités sociales et politiques. Or, le principe d'égalité est quotidiennement bafoué : les femmes sont plus victimes du chômage que les hommes, elles occupent plus d'emplois précaires que les hommes et dans le secteur privé, leur salaire moyen est inférieur à celui des hommes de 25 %. Et en politique, les femmes n'accèdent pas normalement aux mandats et fonctions politiques.

Avant la révolution de 1789, les différences que l'on croyait voir entre les être humains conduisaient systématiquement à ce qu'ils soient traités de manière inégalitaire. Les privilèges conférés aux uns permettaient d'asseoir la domination sur les autres. Le monde social était fait de différences prétendument "naturelles" qui fondent "les différences sociales". La différence impliquait l'inégalité.

La Révolution a voulu abolir cela en affirmant tous les êtres humains égaux en droit. Les révolutionnaires pensaient par conséquent qu'ils devaient être traités de la même façon par la loi. L'identité signifiait l'égalité. L'idéal assimilationniste prenait le pas sur l'idéal différentialiste.

Mais aujourd'hui n'est-il pas temps de se demander si la reconnaissance d'une différence n'est pas nécessaire à l'accomplissement effectif de l'égalité ? Pour ma part, je crois que l'égalité pleine et entière entre les femmes et les hommes implique que l'on se dote de l'instrument de la parité, lequel permettra soit des mesures contraignantes soit des mesures incitatives.

Je ne crois pas qu'il soit si difficile de comprendre que la loi puisse prendre en compte une différence injustifiée dans le but de la faire disparaître. En cela, la parité n'est qu'un instrument au service de l'égalité. Les préjugés à l'encontre des femmes sont parfois si profondément ancrés qu'il n'y a pas d'autre possibilité que le recours à la loi et à l'action pour rompre avec le passé (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe RCV).

Dire de l'humanité qu'elle comprend deux sexes, c'est seulement dire que du point de vue de la vie publique aucune différence ne saurait être invoquée pour en exclure les femmes.

La parité n'a qu'un objectif : prendre en compte la différence de fait pour faire disparaître les inégalités. Une telle démarche n'est aucunement différentialiste. Elle le serait si elle prétendait institutionnaliser la différence. Or c'est exactement le contraire puisque promouvoir la parité ne consiste pas à institutionnaliser un avantage au profit des femmes mais à redresser des erreurs du passé. Démarche parfaitement compatible avec l'idéal égalitariste, condition même de son accomplissement !

Dans l'arrêt Califano contre Webster, la Cour suprême américaine a décidé en 1977 que n'était pas contraire à la Constitution un régime de calcul de prestations vieillesse permettant aux femmes d'exclure les années où elles avaient été moins bien payées du calcul de leur salaire moyen au cours de leur vie professionnelle. La Cour a en effet considéré que, compte tenu du nombre d'années pendant lesquelles les conditions d'emploi ont été discriminatoires et leurs revenus inférieurs à ceux des hommes, les femmes auraient été injustement privées du bénéfice de prestations vieillesse comparable à celui des hommes tout en ayant travaillé aussi dur et aussi longtemps.

Cette décision illustre le rôle que je voudrais voir jouer à la parité en politique : redresser une différence pour parvenir à plus d'égalité. Seules des mesures volontaires de cette nature peuvent ouvrir aux femmes des perspectives dont elles étaient jusqu'alors injustement privées.

La Cour d'arbitrage du Royaume de Belgique ne raisonne pas autrement lorsque, dans un arrêt de 1994, elle dit pouvoir accepter les mesures positives en faveur des femmes lorsqu'elles sont appliquées dans les cas où une inégalité manifeste est constatée, lorsque la disparition de cette inégalité est désignée par le législateur comme un objectif à promouvoir et que les mesures sont de nature temporaire. L'égal accès des femmes et des hommes aux mandats et fonctions s'inscrit parfaitement dans cette logique correctrice qui n'a qu'un seul but : promouvoir l'égalité.

Les femmes ne sont ni une race, ni une classe, ni une communauté, ni une catégorie. Hommes et femmes forment dans toute société humaine les deux parts que l'on voudrait retrouver dans l'expression de la démocratie (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe RCV). Le raisonnement traditionnel qui traite de la situation des groupes au regard du principe d'égalité n'a pas de sens si on entend l'appliquer à la moitié de l'humanité.

Bien entendu, sur cette question de fond, je suis bien obligée de constater que le Sénat est en désaccord avec votre assemblée et avec le raisonnement que j'ai soutenu. C'est pourquoi je partage la volonté de votre commission de rétablir le texte voté en première lecture par l'Assemblée nationale (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe RCV et du groupe communiste).

Mme Catherine Tasca, présidente et rapporteur de la commission des lois - Le texte qui nous revient du Sénat n'a plus grand chose à voir avec le projet initial. C'est une déception, car ce projet, présenté par le Gouvernement, approuvé par le Président de la République, voté par l'Assemblée est une réforme souhaitée par la majorité de nos concitoyens.

Comme le Gouvernement, notre assemblée avait choisi, le 15 décembre 1998, de faire porter la révision sur l'article 3 de la Constitution, relatif à la souveraineté et au suffrage. Le Sénat a préféré amender l'article 4 qui concerne les partis politiques.

C'est la portée même de la réforme que met ainsi en cause la seconde chambre, même si tout le monde s'accorde sur la nécessité de faire évoluer la situation.

Le projet tend à lever l'obstacle de la jurisprudence constitutionnelle de 1982, renouvelée au début de cette année, et fondée précisément sur l'article 3 de la Constitution, afin de permettre au législateur d'imposer le principe, pour les scrutins de listes, d'une parité des candidatures et de moduler le financement public des partis en fonction de la place qu'ils feront aux femmes.

Ce projet a également une portée symbolique : donner une lecture plus complète de la notion de souveraineté qui tienne compte de la présence des femmes et de leur égalité avec les hommes.

Le Sénat a rejeté cette démarche. En laissant aux partis politiques le soin d'organiser l'égalité réelle, il permet, de fait, le maintien du statu quo, car les partis ont eu des décennies pour changer les choses.

La position du Sénat a suscité un vif débat dans les milieux politiques, médiatiques, intellectuels. Assurément, la question mérite un débat de fond, dont je ne souhaite pas qu'il conduise à une dramatisation inutile.

Je crois néanmoins qu'il faut répondre précisément aux objections.

En premier lieu, cette révision constitutionnelle marquerait l'échec de la République universelle. Cette démarche ouvrirait la boîte de Pandore de tous les communautarismes. Je n'en crois rien. La position du Sénat renvoie à une conception idéaliste de la République, mais nous ne pouvons pas ignorer que l'universalisme républicain a longtemps été "hémiplégique", décliné uniquement au masculin. Il est temps de lui donner réalité et équité. Introduire la parité n'est pas ouvrir la voie au communautarisme, car les femmes ne sont pas une communauté. Comme l'a rappelé fort justement Mme Elisabeth Guigou, "le sexe est un état de la personne ; il ne saurait se réduire à une catégorie, car il transcende tous les groupes". C'est une évidence, mais qui paraît difficile à faire entendre. Quant à la discrimination positive que certains craignent, n'est-elle pas, du moins pour un temps, la seule riposte possible, puisque le monde politique a constamment privilégié les candidatures masculines, comme elles le sont aussi dans les promotions aux responsabilités professionnelles, y compris dans la fonction publique ?

Loin de mettre à bas la République et son universalisme, il nous appartient aujourd'hui de proposer une conception plus juste de la souveraineté nationale. Cela n'a rien à voir avec la constitution de deux collèges électoraux. Les femmes n'entendent nullement s'attribuer l'exercice de la souveraineté nationale comme une section du peuple. D'ailleurs, qui oserait dire que les hommes élus ne représentent que les hommes ? Il faut enfin admettre que des femmes représentent hommes et femmes.

M. Germain Gengenwin - Qu'est-ce que cela veut dire ?

Mme la Présidente de la commission - On prétend également que cette réforme remettrait en cause le libre choix de l'électeur, et donc la démocratie. En quoi ? La liberté de l'électeur est déjà limitée par les candidatures présentées, faute de pouvoir recourir au panachage.

Plus grave, on suggère que les partis politiques, contraints par la loi, ne seraient pas en mesure de trouver suffisamment de femmes compétentes. C'est un argument qui rappelle trop ceux employés il y a soixante-dix ans pour mettre en doute la capacité des femmes à voter. Or, ceux qui tiennent ces propos prétendent aussi qu'instaurer la parité dans les listes serait humiliant pour les femmes !

Mme Christine Boutin - Absolument !

Mme la Présidente de la commission - Comment peut-on s'en tenir à une vision si naïve ou si élitiste où seule la compétence serait en cause ? Peut-on franchement croire que les mérites des femmes sont fidèlement reflétés par les pauvres statistiques de leur maigre participation aux postes de responsabilité ? C'est ce point de vue qui est méprisant, et c'est l'exclusion des femmes qui est humiliante pour elles !

Quand cet argument de l'humiliation est utilisé par les plus titrées des femmes, dont je ne doute pas qu'elles soient sincèrement attachées au principe d'égalité, on se demande si elles ne se satisfont pas d'une situation de rareté dont elles sont les brillantes exceptions (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe communiste). Que devient concrètement le principe d'égalité ? Nous renvoyer aux compétences ou à l'évolution naturelle des moeurs, c'est tout simplement renoncer sine die à l'égalité.

L'objectif est clair : permettre au législateur de prendre toutes les mesures pour assurer l'égalité réelle des femmes et des hommes en politique, par la parité dans les scrutins de liste et les incitations financières à l'égard des partis. Mais il faut songer aussi, pour les femmes et pour les hommes, à mieux concilier vie publique et vie privée. Il faudra en ce domaine faire oeuvre de pragmatisme et d'imagination. Il faudra par ailleurs que notre politique économique et sociale améliore les conditions concrètes de cette égalité.

Il n'est nullement question de prendre prétexte de ce projet pour modifier les modes de scrutin. Il s'agit de deux débats totalement distincts.

A l'origine, on a reproché à cette réforme son caractère purement symbolique ; aujourd'hui, certains y voient le tombeau de la République. En fait, cette réforme n'est ni anodine ni dangereuse. Elle est nécessaire et Lionel Jospin a eu raison d'en faire un des axes de la modernisation de la vie politique. Lorsque, grâce à la parité, nombre de femmes seront entrées en politique, la République en sera fortifiée. Seule l'inscription à l'article 3 peut donner tout son poids à cette réforme essentielle. Vous en étiez convenus en première lecture. La commission des lois a donc rétabli le texte adopté le 15 décembre dernier. Je vous demande de le voter en deuxième lecture (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe RCV).

M. Michel Crépeau - Tenu d'aller vite, j'irai à l'essentiel.

Ce projet fait couler beaucoup d'encre. Or il est utile, si nous voulons éviter la sanction du Conseil constitutionnel chaque fois que nous tentons de faire un pas en avant vers l'égalité entre hommes et femmes. Mieux vaut parler d'égalité, qui est une notion juridique, que de parité, qui est une notion journalistique.

Je m'étonne que d'éminents juristes puissent nous expliquer que cette réforme doive figurer à l'article 4, et non pas à l'article 3. La Constitution est simple : l'article 1er dispose que la France est une République ; l'article 2 dit que l'on parle français et que l'hymne national est la Marseillaise ; l'article 3 définit la souveraineté, et il y a là une disposition qui semble avoir échappé à tout le monde. "Fermez vos coeurs, ouvrez vos cotes", contrairement à ce que disait Berryer. L'article 3 précise en effet que "les Français des deux sexes" ont le droit de voter, on s'arrête là. Il aurait fallu ajouter : "et sont éligibles". Cette omission inexplicable doit être aujourd'hui réparée. C'est simple comme bonjour !

En fait, beaucoup des constituants de 1958 ont regardé 2 000 ans derrière eux. La République est née sur l'agora et sur le forum, dans ce monde antique qui tenait pour incapables les femmes mariées, les enfants et les fous (Sourires). Deuxième tradition française, la tradition catholique : les femmes ne peuvent pas donner l'absolution, elles ne peuvent pas dire la messe, "omnipotentas a Deo per populum" ! Le bon Dieu, croyait-on, ne voulait pas des femmes ! Le monde a changé et le bon Dieu, je l'espère, a changé d'avis (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe communiste). Pas le pape en tout cas !

Troisièmement, qui a cassé le vase de Soissons ? Imaginez Clovis, ce jeune guerrier franc, à genoux devant le vieil évêque Remi, qui lui dit : "Courbe-toi, fier Sicambre !", Clovis lui répondant : "Cambre-toi, vieux si courbe !" (Sourires). Hélas, Clovis était un Franc salien, qui nous a imposé la loi salique. Et puis, le siècle des Lumières n'a pas été plus brillant sur ce sujet. Les hommes étaient les héritiers de la tradition gréco-latine. Il n'y a pas de grandes femmes de la Révolution ! La seule dont on connaisse le nom est Charlotte Corday, parce qu'elle a assassiné d'un coup de couteau dans une baignoire un type qui ne se lavait jamais ! (Rires)

Enfin, jamais une loi électorale n'a été, en France, de nature constitutionnelle -ni même organique. Ne mélangeons pas les choses ! A l'aube du 3ème millénaire, sachons organiser sur terre le bonheur en n'oubliant pas la moitié du ciel (Applaudissements sur les bancs du groupe RCV, du groupe socialiste et du groupe communiste).

Mme Nicole Ameline - L'histoire se répèterait-elle ? Les femmes pourraient-elles manquer ce nouveau rendez-vous avec l'histoire et avec notre démocratie ?

On pourrait le penser, en raison du poids du modèle culturel dominant qui réserve la sphère privée domestique aux femmes et la sphère publique aux hommes. On pourrait le penser, à la lecture des analyses philosophiques, des commentaires politiques ou des arguments juridiques qui ont jalonné ce débat.

Toute opinion est respectable, mais il me paraît nécessaire de réaffirmer aujourd'hui la position que nous avons adoptée en première lecture -et qui s'inscrit dans une longe démarche, puisqu'il y a 20 ans, Monique Pelletier ouvrait ce débat au cours du septennat de Valéry Giscard d'Estaing.

Le principe d'une révision constitutionnelle est donc aujourd'hui acté, il faut s'en réjouir. Mais la proposition du Sénat, visant à rattacher le texte à l'article 4 de notre Constitution, ne peut être qu'un premier pas : si les partis politiques, expression de la démocratie, ont un rôle à jouer, il n'est pas suffisant, l'expérience l'a montré. C'est donc bien de l'exercice de la souveraineté qu'il s'agit.

Le principal argument qu'on oppose à cette réforme, c'est le principe d'universalité : l'intérêt général s'opposerait au catégoriel, et toute discrimination positive menacerait notre ordre républicain. Mais c'est la réalité actuelle qui est discriminante : à 90 %, la classe politique est composée d'hommes. Et déterminer par la loi les conditions de l'égal accès des hommes et des femmes aux fonctions électives ne peut être assimilable au communautarisme ni à l'affirmative action américaine. Les femmes ne constituent ni une catégorie, ni une minorité. Elles représentent une majorité, certes silencieuse...

M. Robert Pandraud - Pas toujours !

Mme Nicole Ameline - ...mais surtout la moitié du genre humain.

Et cependant, c'est sur cette conception républicaine de la citoyenneté, qui connaît que des individus sans distinction de sexe, de race ou de religion, que le Conseil constitutionnel a fondé sa jurisprudence, condamnant ainsi toute évolution réelle vers l'égalité.

En vérité, toute notre histoire est fondée sur la dualité des sexes, et sur un ordre social qui a toujours contenu les femmes dans un rôle bien limité. Combattre les préjugés inégalitaires, c'est tenir compte de cette dualité fondamentale déjà inscrite dans notre Constitution, qui est le principe constitutif de l'humanité, et auquel il faut donner aujourd'hui une réalité concrète.

Le groupe démocratie libérale est favorable au principe de parité et nous voterons ce projet de révision constitutionnelle comme nous l'avons fait en première lecture, sur la base d'un texte amélioré par notre collègue rapporteur Claude Goasguen. Il faut en effet éviter ce travers français, qui consiste à se fixer de buts ambitieux sans jamais se donner les moyens de les atteindre.

Néanmoins, nous avons des doutes sur votre intention de faire aboutir cette révision (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste). Ce qui est en cause, en effet, c'est votre volonté d'utiliser cette réforme pour engager la révision des scrutins électoraux afin d'y introduire la proportionnelle.

Cette démarche vient donner un éclairage politicien à ce texte et accroître le sentiment que cette loi peut servir des fins partisanes. Comment comptez-vous créer un climat apaisé apte à conduire à une décision consensuelle et à permettre à la Haute Assemblée d'évoluer ? Ou bien, le Gouvernement ne serait-il pas en train de se satisfaire d'un blocage institutionnel ?

Mme Martine David - Procès d'intention !

Mme Nicole Ameline - Nous souhaitons que vous précisiez vos intentions et celles du Gouvernement sur la réforme des scrutins électoraux (Protestations sur les bancs du groupe socialiste).

M. le Président - Un peu de calme, je vous prie.

Mme Nicole Ameline - Quant à moi, on ne saurait mettre en doute une volonté d'aboutir.

Mme Martine David - pourquoi doutez-vous de celle de la ministre ?

Mme Nicole Ameline - C'est à une réflexion plus vaste sur l'organisation de notre société que nous conduit cette réforme. Il s'agit d'un levier politique, destiné à ouvrir de nouveaux espaces de liberté. Les femmes votent, sont éligibles, mais leur influence dans la sphère politique reste bien limitée.

La loi devra assurer une réelle transition historique. Mais, quant aux moyens, pouvez-vous préciser vos intentions. Y aura-t-il des quotas ?

A ce sujet, certains arguments peuvent surprendre : ce que l'on accepterait par le biais d'une incitation financière devient insupportable si la même règle est établie par la loi !

Les femmes n'ont à craindre aucune dévalorisation d'un accès élargi par la loi aux responsabilités politiques. Quelle étrange idée de vouloir nier sa différence et de réclamer un droit à l'indifférence, pour accéder à un milieu politique où l'image et la réalité masculines sont omniprésentes. Le combat des femmes doit aujourd'hui se porter sur les moyens les plus efficaces pour y remédier. Or, je n'ai trouvé chez les détracteurs de ce projet aucune proposition concrète. Attendre l'évolution des moeurs reviendrait à pérenniser l'idée qu'entrer en politique, c'est se mettre en situation d'exception. Ce ne sont pas quelques "success stories" qui doivent occulter la réalité.

N'oublions pas les leçons de l'histoire. Entre le premier débat sur le vote des femmes en 1919, et son instauration en 1946, deux générations se sont écoulées. En 1999, plus de 50 ans après le droit de vote des femmes, voyez où on en est. Le pays politique est décalé par rapport au pays réel, et seule la volonté politique exprimée par la loi peut accélérer l'histoire.

Si les femmes ne sont plus les héroïnes ridicules des comédies d'Aristophane, de Molière ou de Shakespeare, elles ont encore un long chemin à parcourir pour que le droit entre dans la pratique. C'est dire combien nous avons raison de voter cette révision constitutionnelle. (Applaudissements sur les bancs du groupe DL, du groupe du RPR et du groupe UDF)

Mme Nicole Feidt - Madame Tasca vous a dit l'effet qu'a produit le rejet, par la droite du Sénat, du texte que nous avions adopté en première lecture.

C'est vrai, ce fut de la colère et de l'indignation.

Dans le projet initial, en accord avec le Président de la République, le Gouvernement avait inscrit l'objectif de la parité à l'article 3 de la Constitution. Le Sénat l'a renvoyé à l'article 4, s'en remettant aux partis. Cette modification prive le texte de toute signification philosophique et pratique, comme Mme la Garde des Sceaux l'a rappelé aux sénateurs. En outre, le texte du Sénat ne supprime pas le risque que nous soyons, à tout moment, désavoués dans nos projets par le Conseil constitutionnel.

Le Conseil constitutionnel doit aujourd'hui s'étonner de voir l'une des deux chambres se juger immature pour juger elle-même de la nécessité d'assurer un plus grand équilibre entre les hommes et les femmes dans les assemblées élues ; mais prenons garde : si nous laissons à d'autres sages le soin de décider, nous abandonnons notre pouvoir de législateur.

Je vous invite à reprendre le texte que nous avons adopté en première lecture. Il est neutre, laissant supposer une parité entre les candidats, et non entre les élus. Il s'agit simplement d'intégrer les femmes dans le système politique, étant entendu que, pour les misogynes, des lors qu'il y a une femme dans une assemblée, celle-ci est réputée ne plus être fermée aux femmes... C'est bien le message qu'une majorité de sénateurs a essayé de faire passer.

La France est-elle singulière, ou son milieu politique singulièrement sclérosé ? Je ne le pense pas. Mme Bachelot manquerait-elle de clairvoyance ?

En tout cas, nous sommes en présence d'un blocage. Certes, des intellectuelles ont pris position contre la parité, mais les thèses qu'elles défendent ne sont pas perçues dans les couches populaires. Le mouvement vers la parité doit se faire au bénéfice de toutes les femmes.

Si nous voulons éviter de nous ridiculiser, nous devons montrer la voie de la raison au Sénat. L'adoption du texte que nous avons voté en première lecture ouvrira la porte à d'autres initiatives ; la loi électorale devra en effet être modifiée si l'on ne veut pas que la loi constitutionnelle demeure inopérante.

M. Jean-Louis Debré - Ah...

Mme Nicole Feidt - La parité, plus qu'une affaire de philosophie est une affaire de droits pour celles qui sont exclues de la vie de la cité. C'est pourquoi le groupe socialiste confirmera le vote de la commission (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe RCV).

M. le Président - La présidence ne saurait laisser une question sans réponse. Mme Bachelot manque-t-elle de clairvoyance ? Evidemment non ! (Sourires)

Mme Marie-Jo Zimmermann -  A l'unanimité des présents, l'Assemblée nationale disait "oui" à une meilleur meilleure représentation des femmes dans notre vie politique. Tous les intervenants, dont ceux du RPR étaient d'accord pour dire qu'il était temps d'agir, la France, pays des droits de l'homme, n'ayant pas fait assez de place aux femmes dans la vie politique.

Force était de constater qu'une impulsion du législateur était indispensable.

Le Sénat n'a pas rejeté le principe de la révision constitutionnelle ; il n'a pas adopté de question préalable. Les sénateurs ont constaté comme nous, que les femmes sont sous-représentées dans la vie politique et qu'il faut y remédier.

Mme Janine Jambu - Cela ne suffit pas !

Mme Marie-Jo Zimmermann - Mais au nom du principe constitutionnel de l'universalité, du concept de citoyen et de la non différenciation des sexes, ils ont décidé de ne pas modifier l'article 3 de la Constitution, qui reconnaît l'égalité des droits civiques à tous les nationaux français majeurs des deux sexes. Ils ont considéré qu'il revenait aux partis politiques de remplir leur rôle et ont donc déplacé à l'article 4 ce que l'Assemblée avait inséré à l'article 3.

Il ne faut pas faire un procès d'intention aux sénateurs parce qu'ils demandent aux partis politiques de remplir le rôle que leur a confié la Constitution.

M. Bernard Roman - Ce n'est pas un procès d'intention, c'est un procès tout court !

Mme Maire-Jo Zimmermann - Chacune des deux assemblées a le droit d'exprimer sa sensibilité propre.

M. Bernard Roman - Demandez au peuple ce qu'il en pense !

Mme Marie Jo Zimmermann - Pour notre part, nous avons déjà exprimé certaines interrogations en première lecture. Attaché au scrutin uninominal qui garantit l'étroitesse du lien entre les électeurs et l'élu, le RPR n'acceptera pas que certains s'appuient sur cette révision constitutionnelle pour modifier le mode de scrutin.

Mme Nicole Bricq - Ça, c'est un procès d'intention !

Mme Marie-Jo Zimmermann - Rien ne serait plus condamnable que de cacher des tricheries politiciennes derrière la grande cause des femmes (Applaudissements sur les bancs du groupe du RPR).

La voie des quotas ou celle du financement modulé selon un coefficient de parité, c'est-à-dire selon le nombre de femmes élues, suscitent bien des questions qu'il faudrait examiner avec le plus grand soin. Rien ne serait pire pour les femmes, rien ne serait plus dangereux pour notre communauté nationale que d'assurer une fausse promotion des femmes en bafouant nos principes républicains.

Nous soutiendrons donc le principe d'une révision constitutionnelle mais nous serons particulièrement vigilants pour éviter tout dérapage politicien.

Ce qui rapproche les deux assemblées est plus important que ce qui les différencie. Nous sommes tous d'accord pour réviser notre Constitution ; le fond doit donc l'emporter sur la forme.

Mme Nicole Bricq - Eh oui !

Mme Marie-Jo Zimmermann - C'est pourquoi, avec mon collègue Baguet, dans un souci de conciliation, nous avons déposé un sous-amendement qui revient au texte initial du projet de loi et selon lequel "la loi favorise l'égal accès des hommes et des femmes aux mandats et fonctions".

Le texte adopté en Conseil des ministres ne peut que recevoir votre assentiment, Madame le Garde des Sceaux ; j'ose penser que votre majorité plurielle le soutiendra.

Mme Nicole Bricq - A quoi sert le débat parlementaire ?

Mme Marie-Jo Zimmermann - Notre détermination reste intacte ; notre ambition est d'arriver à un accord entre l'Assemblée nationale et le Sénat.

Renforcer la place des femmes dans la vie politique est une exigence sur laquelle le RPR, qui a toujours oeuvré pour la cause des femmes, ne transigera pas. Stendhal disait que "l'admission des femmes à la vie politique serait la marque la plus sûre de la civilisation" : ne manquons pas ce rendez-vous avec l'Histoire (Applaudissements sur les bancs du groupe du RPR).

Mme Muguette Jacquaint - Nous aurions pu penser qu'après son adoption à l'unanimité à l'Assemblée nationale, ce projet de révision constitutionnelle aurait été adopté sans réserve par le Sénat. Or il n'en a rien été : après de longues discussions camouflées sous un certain juridisme, la droite sénatoriale a remis en cause le sens de la réforme.

La limitation de la réforme aux seuls partis politiques, en niant la compétence du législateur, si ce n'est par l'intermédiaire du financement public des partis, est révélatrice de la conception qu'ont les forces conservatrices de la place des femmes dans notre société. Suivre la majorité du Sénat, c'est maintenir la jurisprudence du Conseil constitutionnel de 1982, confirmée en 1999, qui écarte, sous couvert d'universalisme, toute possibilité pour le législateur de promouvoir la parité entre les femmes et les hommes.

L'argument du communautarisme n'est pas plus admissible. Les femmes ne sont pas des éléments d'une communauté : elles sont citoyennes à part entière. Décidément les préjugés, les discriminations et les complexes ont la peau dure. Mais la réalité est probante. Aujourd'hui le Sénat et l'Assemblée comptent 82 femmes sur 883 élus, soit 9,18 %. Au plan municipal, 21 % des conseillers sont des femmes, mais seulement 7 % des maires. Sur 104 conseils généraux, un seulement a une femme pour président. Ces chiffres démontrent la nécessité de faire autrement, de dépasser les consensus de principe et les déclarations d'intention. Quand bien même, sur le plan juridique, les femmes ont en principe les mêmes droits que les hommes, il y a lieu de s'interroger, comme le faisait fort justement Mme la Garde des Sceaux devant le Sénat : "ignorer la différence entre les sexes, est-ce la meilleure stratégie pour réaliser l'égalité entre les sexes au regard des mandats et fonctions électifs ?" A l'évidence la réponse est non. Faut-il pour ce faire remettre en cause les principes de 1789 sur lesquels est fondé notre système politique, et modifier fondamentalement la Constitution ? Ce n'est pas à cela que tend ce projet. Il s'agit de donner aux principes constitutionnels un contenu concret dans le domaine particulier de l'exercice des responsabilités politiques par les femmes et les hommes.

Nos concitoyens ne s'y trompent pas, eux qui pensent à 80 % que la parité est nécessaire. Cet avis a été relayé par les associations féministes, par les personnalités qui luttent depuis des années pour la parité, et par de nombreux élus. Nous avons immédiatement, par des débats et des rassemblements devant le Sénat, manifesté notre exigence de voir inscrit dans la Constitution, et à l'article 3, l'égal accès des femmes et des hommes aux mandats électoraux et fonctions électives.

Je me félicite donc que la commission des lois ait par un amendement, rétabli le texte adopté en première lecture. L'article 3 commence ainsi : "La souveraineté nationale appartient au peuple qui l'exerce par ses représentants et par la voie du référendum. Aucune section du peuple, ni aucun individu ne peut s'en attribuer l'exercice". Intégrer ici l'alinéa suivant : "La loi détermine les conditions dans lesquelles est organisé l'égal accès aux mandats électoraux et fonctions électives" peut être l'une des premières pierres dans la construction de l'égalité.

Mais, sans une réforme profonde des institutions, elle perdrait beaucoup de sa force de progrès. J'ai bien entendu Madame la Garde des Sceaux, que les réformes institutionnelles ne sont pas dans ce texte ; mais le groupe communiste souhaite qu'elles voient le jour. Il faut donner la primauté à l'assemblée élue au suffrage universel direct, et, face à l'exécutif comme à l'Union européenne, accroître les pouvoirs d'initiative, de décision et de contrôle de l'Assemblée nationale, dont les membres, hommes et femmes, doivent être vraiment représentatifs de notre pays dans ses diverses catégories socio-professionnelles. Sur le plan électif, la parité appelle d'autres dispositions. Les chiffres que j'ai rappelés montrent les efforts nécessaires. La démocratie ne peut atteindre sa plénitude du fait de ce grave déficit. Tendre à l'égalité, établir l'égalité sont des véritables enjeux de société. Comment une société peut-elle fonctionner au maximum de ses capacités quand, sur le plan politique et électif, près de la moitié de ses membres sont, de fait, quasiment exclus ? Comment la société peut-elle se reconnaître totalement dans ses élus lorsque plus de la moitié du corps électoral est très peu représentée ? L'abstention croissante des citoyens ne résulte-t-elle pas aussi de la dichotomie entre l'image de la représentation élective telle qu'elle est et celle que souhaitent les citoyens ?

Dans ce cadre socio-politique, la parité femme-homme est un objectif à atteindre. Cette révision constitutionnelle peut en être un instrument sur le plan électif. Mais elle peut être aussi une sorte de signal pour tendre vers l'égalité dans d'autres domaines.

Le groupe communiste est très attaché à la réforme du mode de scrutin. Le système proportionnel est le plus efficace, et le seul qui permette réellement de tendre à la parité. L'élaboration des listes européennes de juin 1999 en est la preuve. Les dirigeants nationaux des différents partis, notamment de gauche -dont le parti communiste français-, s'engagent vers la constitution de listes respectant la parité. Les résultats des élections régionales de l'année passée l'ont également démontré, même si c'est encore insuffisant.

D'autre part, le projet de loi sur le non cumul des mandats permettrait, lui aussi, de favoriser l'objectif de parité, de même que l'adoption d'un véritable statut de l'élu pour les hommes et pour les femmes, ces dernières devant souvent concilier vie professionnelle et vie familiale et représentant 90 % des chefs de famille monoparentale.

Et cette parité sur le plan politique peut avoir un effet accélérateur pour établir l'égalité dans de nombreux domaines. Sur le plan professionnel, ne faut-il pas légiférer pour lutter contre les discriminations ? Ces discriminations salariales et le blocage de l'évolution des carrières sont manifestes.

Mme Yvette Roudy - Tout à fait !

Mme Muguette Jacquaint - Leur présence, de plus en plus forte sur le marché de l'emploi n'empêche pas la persistance des ségrégations, leur confinement dans des emplois précaires ou des activités à domicile, ni le fait qu'elles sont plus exposées au chômage que leurs collègues masculins.

Dans le domaine du déroulement des carrières professionnelles, les femmes rencontrent de nombreux obstacles. Le secteur privé est fortement touché, mais le public n'est pas épargné. Ainsi, 57 % des fonctionnaires sont des femmes, mais elles ne représentent que 13 % de la haute fonction publique. Quand 83 % des actifs à temps partiel subi sont des femmes, ne peut-on dire quelles sont les principales victimes de la précarité ?

Concernant les salaires, malgré la législation communautaire et nationale, la différence de rémunération entre les femmes et les hommes persiste à accuser un écart de 25 % en moyenne.

Les femmes ont un rôle croissant dans la société française. Aujourd'hui, près de 79 % d'entre elles travaillent. Dans tous les domaines scientifiques, culturels, sociaux et économiques, leur place est devenue indéniable. C'est un élément fort de la démocratie.

Le parcours parlementaire de ce projet met en lumière les obstacles qui peuvent se dresser et les mentalités à changer. Mais il a aussi fait émerger la force de celles et de ceux qui veulent le changement. La modification constitutionnelle voulue par les femmes et par l'ensemble des citoyens, sera un des éléments pour atteindre l'égalité entre les sexes.

Le groupe communiste a tenu toute sa place dans ce mouvement. Une société où les femmes et les hommes seront libres et égaux, trouvera là un nouvel élan pour progresser vers plus de démocratie. C'est pourquoi le groupe communiste votera l'amendement rétablissant la notion de parité à l'article 3 de la Constitution.

Tous les regards aujourd'hui sont tournés vers nous. Nous sommes devant une responsabilité que l'on peut qualifier d'historique. Nous ne pouvons décevoir des millions de citoyens, ni décevoir la société tout entière. C'est la société de l'an 2000 que nous préparons : les femmes y sont déjà prêtes (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste, du groupe socialiste et du groupe RCV).

M. Pierre-Christophe Baguet - Quand le 15 décembre notre assemblée unanime a voté ce projet, nous n'imaginions pas la tournure que prendrait ce débat. J'imagine la déception des femmes de ce pays, qui une fois de plus ne nous comprennent pas. Qui peut être contre l'égale représentation des femmes et des hommes en politique ? Personne !

Plusieurs députés socialistes et communistes - Le Sénat !

M. Pierre-Christophe Baguet - Mais il reste à définir les moyens de mettre en oeuvre ce principe. A cet égard il faut rendre hommage à la qualité et au sérieux du travail des sénateurs. (Exclamations sur les bancs du groupe communiste, du groupe socialiste et du groupe RCV) Comme nous, ils se sont légitimement interrogés. Faisons donc avancer l'échange, au lieu de faire des procès d'intention.

Les inquiétudes du Sénat étaient d'ailleurs justifiées, si l'on se réfère aux interventions de M. Queyranne les 9 et 16 décembre lors du débat sur la réforme du mode de scrutin régional. Les attaques contre le Sénat sont donc largement injustifiées. La commission des lois du Sénat aurait-elle eu tort de trop consulter ? Ceci n'est pas un débat droite-gauche, ni Assemblée-Sénat. Il nous concerne tous. Dès lors, pourquoi cette politisation excessive ? Quel jeu machiavélique jouent certains responsables de la majorité ? N'y a-t-il pas une volonté d'organiser la marginalisation de la deuxième chambre ? (Exclamations sur les bancs du groupe communiste, du groupe socialiste et du groupe RCV) Ou une volonté cachée d'interdire au Président de la République de moderniser la vie politique de ce pays ? Le débat a été vif. Nous allions rompre avec l'universalisme, sombrer dans le communautarisme -ce que nous ne souhaitons pas.

Il appartient donc au Gouvernement d'apporter à ce débat les apaisements nécessaires. Dans ce but, il faut nous éclairer davantage sur les objectifs et les moyens. Sur les objectifs : souhaitez-vous tendre vers une égalité absolue et illimitée dans le temps, ou simplement vers une égalité d'accès aux fonctions électives ? Sur les moyens : quel sera le contenu des futures lois d'application, organiques ou ordinaires ? Instituerez-vous clairement une obligation de parité, ou des quotas chiffrés ? De quel ordre ? Modifierez-vous les modes de scrutin à cette occasion ? Allez-vous associer les partis ou les contraindre ? Modifier le financement public ?

Je tiens à rappeler solennellement les demandes du groupe UDF-Alliance : ne plus pénaliser les familles et aider les femmes à mieux concilier vie familiale et vie professionnelle. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe communiste)

Mme Marie-Jo Zimmermann - Très bien !

M. Pierre-Christophe Baguet - Nous souhaitons favoriser leur liberté de choix et d'action.

Ne serait-il pas opportun aussi de renforcer la parité dans les couples en revalorisant le mariage au lieu de le déstabiliser ? (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe communiste)

Nous voulons que le Gouvernement s'engage clairement à ne pas utiliser le prétexte de la parité pour transformer le mode de scrutin. Les propos de M. Queyranne au Sénat et ceux du Premier ministre tout à l'heure ne nous rassurent pas.

Nous voudrions aussi que les lois prises dans ce cadre soient limitées dans le temps et que le Gouvernement s'engage à faire le point dans dix ans (Exclamations et rires sur les bancs du groupe socialiste et du groupe communiste). Pourquoi ne pas consulter alors le peuple par référendum ?

Nous jugeons aussi nécessaire de donner un bonus financier aux partis qui s'engageront dans la voie de la parité. Leurs responsables sont soumis à de fortes pressions. Il ne serait pas raisonnable d'agir contre eux. Nous vous demandons de soutenir la proposition de loi de M. Albertini en ce sens.

L'UDF a toujours souhaité l'ouverture de la vie politique aux femmes. Une proposition de loi de Nicole Ameline et Gilles de Robien avait été soutenue par 104 députés. Aujourd'hui l'attente est immense, surtout chez les jeunes, comme ceux qui siégeaient au Parlement des enfants, où l'élément féminin était très représenté.

Certains crient à la remise en cause des fondements de la République. Je les rassure. Les femmes ne sont pas une catégorie ; elles sont une partie de l'humanité ; elles ne sont ni un groupe social ni une minorité. Elles sont ce qu'elles sont, comme les hommes sont ce qu'ils sont, sans compétition mal placée, sans grands discours et peut-être enfin en toute solidarité et en connivence.

Le groupe UDF votera le texte comme en première lecture, mais attend les actions concrètes du Gouvernement pour faire avancer cette réforme. Avec Anne-Marie Idrac, je dis : osons la parité (Rires sur les bancs du groupe socialiste), ensemble dans la loyauté. La semaine dernière, nous avons créé des délégations parlementaires aux droits des femmes. La volonté du Gouvernement de les faire vivre sera le signe tangible de sa détermination dans ce domaine (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF, du groupe DL et du groupe du RPR).

Mme Yvette Roudy - Dans le débat fracassant sur la parité, je crains que les derniers développements apportent surtout de la confusion.

Les misogynes de tout temps ont fondé leur pouvoir sur l'infériorité "naturelle" des femmes proclamée par eux à partir d'un rapport de force physique. Cette superbe invention commence à se fissurer avec l'accès des femmes à la culture et à la connaissance, avec leurs luttes, et le soutien de quelques hommes éclairés et le développement de la démocratie. Les discriminations qui handicapent les femmes s'effritent ainsi lentement grâce à la loi faite pour remédier aux inégalités, aider les plus faibles et élaborer des discriminations positives lorsque c'est nécessaire.

Mme Jeanine Jambu - Absolument.

Mme Yvette Roudy - Aujourd'hui on veut, par la loi, favoriser l'accès des femmes aux mandats. Notre vieux Sénat, fidèle à sa misogynie, bloque le projet et trouve un appui surprenant auprès d'un petit groupe de théoriciennes néo-féministes (Sourires) qui n'ont rien à proposer pour mettre fin à une situation honteuse mais se sentent humiliées par ces discriminations positives.

Mme Christine Boutin - Elles ont raison.

Mme Yvette Roudy - C'est tout ignorer de la vie des femmes au quotidien, de leur vie dans les partis et de la désignation des candidats. Humiliation ? L'existence même du ministère que je dirigeais de 1981 à 1986 était considérée comme humiliante par certaines de celles qu'on entend aujourd'hui. Mais qu'est-ce qui est le plus humiliant ? Avoir à prendre ces mesures contre les inégalités ou occuper le dernier rang en Europe pour la représentation des femmes ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe communiste) Les représentants du "pays des droits de l'homme" ne sont-ils pas gênés lorsqu'ils doivent répondre à des questions de l'ONU ou de l'Union européenne ?

Ce projet rencontre l'accord du Président de la République, du Premier ministre, de l'ensemble de l'Assemblée et de 80 % de la population. Il transgresserait le principe d'universalisme de la représentation, ouvrant la porte aux revendications de toutes les catégories ! Ainsi les femmes seraient une catégorie, tout comme les Juifs, les homosexuels, les Noirs, les Bretons, les Berbères, les Basques peut-être... Là est l'erreur fondamentale de nos opposants. Le Conseil constitutionnel fait une étrange lecture de la Constitution. Les femmes ne sont pas une catégorie, elles représentent la moitié de l'humanité et c'est parce qu'elles participent de l'universel qu'il faut réparer cette erreur qu'est leur absence de la représentation.

J'entends la leçon de Robert Badinter qui nous explique qu'un élu doit son élection à ses électeurs. Ce détail ne nous avait pas échappé ! (Rires sur les bancs du groupe socialiste) M. Badinter oublie l'étape de la désignation à la candidature. Il est vrai qu'il sait de quoi il parle, lui qui a réussi à obtenir son siège de sénateur en provoquant l'effacement d'une femme remarquable, Françoise Seligran, Résistante à laquelle je voulais rendre hommage (Applaudissements sur certains bancs du groupe socialiste et du groupe communiste ; rires sur les bancs du groupe UDF).

Face à l'obstination d'un dernier carré de sénateurs figés dans leur misogynie d'une autre époque et soutenus par une petite caste de privilégiées, que devient l'exigence de 80 % de la population ? Au-delà de la parité, les Françaises veulent des gestes concrets pour l'égalité professionnelle, pour le démarrage de la prochaine campagne sur la contraception. Elles vont bientôt voter ; efforçons-nous de ne pas les décevoir (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe RCV).

Mme Marie-Hélène Aubert - En décembre dernier, lors de la grande marche des parlementaires vers la parité, c'était l'unanimité, l'enthousiasme. On nous avait expliqué qu'il ne fallait pas trop en faire pour ne pas effaroucher le Président de la République (Protestations sur les bancs du groupe du RPR) ni le Sénat censé approuver la formule minimaliste qui nous avait été proposée. Hélas, patatras ! Le Sénat n'a même pas voulu faire ce petit pas. La seule chose qui ne l'offusque pas, c'est de conditionner le financement des partis à la présence de candidates. Pour le coup, nous sommes nombreuses à regretter de ne pas avoir été plus audacieuses en première lecture !

Non content de revenir à une formulation initiale un peu paternaliste -cette "faveur" que l'on fait aux femmes- le Sénat ajoute un alinéa scandaleux qui, hélas, a pu séduire : laisser aux partis le soin d'assurer la parité.

Or jusqu'ici les partis -je suis fière d'appartenir aux Verts qui font exception- n'ont guère fait progresser les choses. Il y a 10 % de femmes à l'Assemblée, il y en avait encore 6 % début 1997 comme en 1945. Echanger des candidates contre un financement peut paraître efficace. Mais les femmes ne se monnayent pas, ne se monnayent plus ! (Applaudissements sur les bancs du groupe RCV, du groupe socialiste et du groupe communiste)

Nous nous devons de sauver la parité, première étape de la modernisation de la vie politique. Il y va de notre crédibilité.

La société bouge. Ses représentants peuvent-ils être à la traîne ? La parité est un objectif emblématique, parmi toutes les batailles que les femmes ont encore à gagner : égalité de salaire, facilité de garde d'enfants, gestion du foyer, lutte contre la violence, droit à disposer de son corps.

Malgré toutes les difficultés, nous sommes nombreuses à penser que cela vaut le coup d'investir l'Assemblée nationale. Alors que la société avance, le repli du monde politique ne pourrait qu'encourager la non-participation et l'abstention des jeunes.

Refuser la présence des femmes, c'est refuser aussi que la politique puisse être autre ; c'est aimer siéger jour et nuit pour d'interminables motions de procédure qui nous ridiculisent, supporter les changements permanents d'ordre du jour, jouer un rôle prédéfini, laisser croire qu'on peut être en séance et sur le terrain ; c'est considérer que la politique est une carrière comme une autre, dans laquelle on gravit des échelons, on confond les casquettes, on multiplie les mandats.

Présents au Parlement et au gouvernement, les Verts n'entendent pas pour autant renoncer à leur désir de faire de la politique autrement. Et ils se demandent aujourd'hui si la belle unanimité sur la sympathique idée de parité ne cache pas en fait une partie de billards à trois bandes entre le Président, le Premier ministre et le Sénat, partie qui renverrait aux calendes grecques la nécessaire modernisation de la vie politique et les réformes qu'elle implique - non-cumul des mandats, statut de l'élu, mode de scrutin.

Madame la ministre, nous comptons sur votre détermination pour que ce débat ne soit pas finalement un mauvais coup porté à la cause des femmes. La nôtre est totale. Mais à terme, seul un référendum permettra de progresser réellement, qu'il s'agisse de la question des femmes ou de la modernisation de nos institutions. Alors, à quand la VIème République ? (Applaudissements sur les bancs du groupe RCV et quelques bancs du groupe socialiste)

Mme Nicole Péry, secrétaire d'Etat aux droits des femmes et à la formation professionnelle - Le débat que nous avons ici a provoqué, et ce n'est pas là l'un de ses moindres intérêts, un débat tout aussi vif parmi les philosophes, les intellectuels, les juristes, et, au-delà, dans toute l'opinion publique. Nos concitoyens souhaitent, je le crois, une présence beaucoup plus massive des femmes dans la vie publique et dans tous les lieux de décision. Je pense notamment à la haute fonction publique, où les femmes se heurtent à une sorte de "plafond de verre" qui fait qu'elles ne représentent guère que 10 à 13 % des effectifs du Conseil d'Etat, de l'Inspection générale des finances, du Conseil constitutionnel et de la Cour des comptes. Nous connaissons les raisons de cette situation et il nous appartient d'agir, au-delà de la parité dans la vie politique, pour que les femmes soient demain beaucoup plus nombreuses à occuper des postes à responsabilités.

Nombre d'entre vous ont relevé les inégalités subies quotidiennement par les femmes, qu'il s'agisse des salaires, de la formation ou de l'orientation. J'attends maintenant de votre assemblée qu'elle réaffirme la position qu'elle avait adoptée en première lecture. Le temps est en effet venu de promouvoir un égal accès des femmes et des hommes aux mandats et fonctions politiques afin que, demain, nous ayons une égale parité réelle dans tous les lieux de décision. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe RCV et du groupe communiste)

ARTICLE UNIQUE

M. le Président - En application de l'article 91 alinéa 9 du Règlement, j'appelle maintenant, dans le texte du Sénat, l'article unique du projet de loi constitutionnelle.

Mme Dominique Gillot - Le 15 décembre dernier, la volonté du Premier ministre et celle du Président de la République, qui avaient l'un et l'autre pris des engagements face à une opinion publique très favorable à la juste reconnaissance de la place des femmes, étaient réunies dans un texte commun aux termes soigneusement pesés, dont un travail méticuleux de la commission des lois avait précisé la portée juridique et symbolique. Le débat en séance avait d'ailleurs bien montré la volonté générale de lever le verrou constitutionnel.

Hélas, le 26 janvier, le Sénat vidait la réforme de sa substance. Depuis, le débat a pris, dans les médias et devant l'opinion publique, une rare intensité.

Rappelons l'enjeu : l'objet de la réforme est de dépasser la jurisprudence du Conseil constitutionnel qui, en 1982 et 1989, a interdit au législateur d'introduire dans notre droit l'idée de parité ou de représentation minimale. C'est pour cela que le choix a été fait de réviser l'article 3 de la Constitution de façon à y inscrire une nouvelle lecture de la notion de souveraineté en faisant apparaître la mixité irréductible de l'humanité.

Permettre au législateur de déterminer les conditions de l'égalité d'accès aux mandats et aux fonctions c'est aussi lui permettre, par exemple, de prendre des mesures incitatives ou coercitives à l'égard des partis politiques, car qui peut le plus peut le moins.

Je comprends donc mal que les sénateurs se défaussent sur les seuls partis politiques -qui plus est, par des mesures financières !- de la responsabilité de faire évoluer une situation qui, de l'avis général, est insatisfaisante. La mesure qu'ils proposent ne saurait suffire à mettre fin au monopole dont bénéficient actuellement les hommes dans la vie politique.

En 1997, le parti socialiste a décidé de réserver 30 % des circonscriptions à des candidatures féminines. Cette démarche volontaire a certes permis que le nombre de femmes dans cette assemblée progresse. Mais ce type de mesure ne suffit pas car quelles garanties offre-t-elle dans le temps ? Sommes-nous assurées que cette volonté politique perdurera ? Mon expérience de militante me permet malheureusement de savoir que non !

Depuis des décennies, la République idéale, rationnelle et vertueuse a exclu les femmes. Ceux qui se réfèrent à cette république figée par un universalisme décliné au masculin craignent que demain les candidates et les élues soient forcément médiocres et ne représentent que leurs semblables. Rassurons-les, elles représenteront, elles représentent déjà les hommes et les femmes ayant contribué à leur élection au même titre qu'elles ont été si longtemps représentées par les hommes à l'élection desquels elles avaient contribué !

Les femmes n'entendent pas s'attribuer l'exercice de la souveraineté nationale comme une section du peuple, elles aspirent seulement à représenter l'humanité à égalité avec les hommes.

Et si le constituant est obligé d'intervenir, c'est bien parce que les partis politiques n'ont pas su décider d'ouvrir leurs listes et leurs instances aux femmes. Inscrire dans notre Constitution le principe de mixité n'a rien de fragilisant ni de discréditant. En revanche, la volonté du Sénat de s'en tenir à des compensations financières aux partis présentant des femmes nous rappelle que dans certaines mentalités, les femmes restent encore trop souvent associées à l'argent et aux gains qu'on peut en tirer, il y a des termes pour qualifier cette exploitation ! Et je m'étonne que les beaux esprits qui ont volé au secours de nos sénateurs pour leur offrir fort à propos une caution philosophique et intellectuelle n'en soient pas horrifiés.

J'en appelle donc au rétablissement du texte que nous avons adopté à l'article 3. Nous rappellerons ainsi clairement que l'humanité est mixte. Que la souveraineté nationale appartient au peuple et que celui-ci est constitué d'hommes et de femmes.

Mme Christine Boutin - Si l'on souhaite aujourd'hui modifier la Constitution, c'est à cause du petit nombre d'élues, faiblesse numérique que je regrette moi aussi. Mais celle-ci tient-elle à des défaillances de notre Constitution ou de nos lois ? Je ne le crois pas.

N'est-ce pas plutôt parce que la vie politique est peu adaptée aux femmes ? Quand suivrons-nous l'exemple de la Suède où le Parlement s'arrête à 16 heures 30 pour que les femmes aillent chercher leurs enfants à l'école ?

Plusieurs députés socialistes - Pourquoi pas les hommes ?

Mme Christine Boutin - Nous savons tous ici que l'exercice d'un mandat ou d'une fonction politique requiert des sacrifices importants, notamment en ce qui concerne la vie de famille. Voilà sans doute un obstacle majeur à l'accès des femmes à la vie politique.

Tant qu'on ne reconnaîtra pas la véritable spécificité des femmes, leur vision propre de la politique, à la fois concrète, humaine et créative (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste), les femmes fuiront la politique. Et tous les quotas du monde n'y changeront rien.

Pourtant, nos institutions ont besoin des femmes. Comment donc les attirer et leur donner envie d'être élues ?

On nous propose de revenir au texte adopté en première lecture. Et vous nous dites, Madame la Garde des Sceaux, qu'il consacrerait l'égalité entre hommes et femmes. Mais l'article 1er de la Constitution dispose déjà que la France assure l'égalité devant la loi de tous les citoyens, sans parler des articles 1 et 6 de la Déclaration des droits de l'homme. De plus, selon l'alinéa 3 du Préambule de la Constitution, la loi garantit à la femme, dans tous les domaines, des droits égaux à ceux de l'homme.

La révision constitutionnelle est donc surtout faite pour préparer la voie à des quotas de femmes dans des élections se déroulant forcément -quoi que vous en disiez- à la proportionnelle. D'ailleurs, Mme Tasca vise clairement cette forme d'élections dans son rapport.

Si ce projet de révision est adopté, il y aura une contradiction interne dans notre loi fondamentale puisque tout en déclarant la République une et indivisible, elle instaurerait des catégories d'éligibles.

En voulant instaurer une discrimination positive prétendument en faveur des femmes, nous mettons le doigt dans un engrenage dangereux. La philosophie qui sous-tend le principe de parité, n'en déplaise à Mme la présidente de la commission, suppose que les femmes soient représentées par des femmes. Notre Constitution affirme pourtant que n'importe quel homme ou n'importe quelle femme peut représenter n'importe quel citoyen. Si l'on applique la parité aux femmes, n'importe quelle catégorie sera fondée à exiger d'être représentée dignement (Interruptions sur les bancs du groupe socialiste et du groupe communiste).

Votre principe d'égalité intègre dans la loi fondamentale la dimension biologique des sexes, touchant aussi au caractère universel et indivisible de la République. Sous prétexte de vouloir aider les femmes, nous sommes en train de vivre, à leur propos, une vraie journée des dupes (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe communiste). La parité contrainte ne révèle-t-elle pas un mépris extraordinaire pour les compétences et les capacités des femmes ? Serons-nous tenus à une obligation de résultat, ou uniquement à une obligation de moyens ?

Si les électeurs ne veulent pas de telle ou telle femme, seront-ils eux aussi contraints de respecter des règles de parité dans leurs votes ? La parité ne donnera aux femmes qu'une illusion d'égalité, et jouera contre leur liberté.

Réviser la Constitution fragilisera substantiellement nos institutions. Ce sont les partis politiques qui doivent accepter d'investir les femmes et de leur donner de vraies responsabilités (Interruptions sur les bancs du groupe socialiste et du groupe communiste).

M. Jospin n'a pas eu besoin de réforme constitutionnelle pour faire entrer des femmes à l'Assemblée. Renonçons à cette parité forcée, dénoncée par les personnalités de droite comme de gauche, qui entraînerait une véritable régression républicaine et sociale.

Reste une seule question : votre gouvernement souhaite-t-il vraiment davantage de femmes dans notre vie politique, puisque de toutes façons une révision constitutionnelle implique de s'entendre avec le Sénat ? (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe communiste)

M. Didier Julia - Tout le monde est d'accord pour tendre vers une parité dans les mandats et les fonctions.

Tout à l'heure, M. Jospin, reconnaissant qu'il ne proposait pas plus de 10 % de femmes aux postes de la haute fonction publique, déclarait que, dans la haute fonction publique hospitalière, les femmes se récusaient parce que la politique familiale ne leur donnait pas les moyens de s'occuper des enfants (Interruptions sur les bancs du groupe socialiste et du groupe communiste). C'est bien ce qu'il a dit ! Une politique qui faciliterait les aides et les gardes d'enfants à domicile, et favoriserait le temps partiel, est le contraire de celle appliquée par Mme Aubry. Vous employez tous les moyens pour couler une politique familiale qui donnerait plus de temps aux femmes pour exercer des fonctions et des mandats.

S'agissant des mandats, nous sommes tous d'accord pour la parité des candidatures, mais l'idée d'une parité de résultat est absurde et insultante pour les femmes. Introduire une représentation paritaire des sexes dans la Constitution est une régression sociale. Elaborer un statut juridique particulier en fonction des conditions biologiques s'inscrit dans une perspective qui évoque les lois de Nuremberg beaucoup plus que l'idéal démocratique (vives interruptions sur les bancs du groupe socialiste et du groupe communiste).

Après la logorrhée d'insultes déversée contre les sénateurs, je peux bien m'exprimer ! Les Français sont attachés aux valeurs républicaines. Votre pseudo-modernisation est archaïque, comme le prouve l'échec total des discriminations positives aux Etats-Unis. Nous disons oui à l'égalité des chances, à l'action concrète des partis politiques pour promouvoir la parité, mais non à votre loi politicarde qui rabaisse les femmes au niveau des quotas laitiers... (vives protestations sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe RCV)

M. le Président - La parole ici est totalement libre. Il existe des niveaux au-dessous desquels il convient de ne pas descendre (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe RCV). Je vous appelle à tenir, Monsieur Julia, des propos acceptables. Ceux que vous venez de tenir ne le sont pas (Mêmes mouvements).

M. Didier Julia - Vous n'avez pas à juger du fond de mes propos.

Tout à l'heure, le vote aura lieu à main levée. Je vous prie, Monsieur le Président, de bien noter que si l'amendement est accepté, je voterai contre ce projet de pseudo-parité totalement archaïque (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe RCV).

M. le Président - Je ferai voter l'Assemblée dans les conditions fixées par le Règlement.

M. Pierre Albertini - La position adoptée par le Sénat place le projet dans une situation délicate. L'accord entre les deux assemblées étant nécessaire pour réviser la Constitution, mieux vaut approfondir les points de convergence plutôt que les sujets de discorde.

Sur le principe d'une meilleure représentation politique des femmes, le consensus existe. Ce sont les moyens qui divergent, ce qui, sur un sujet de cette importance, n'est pas surprenant.

Ce qui complique le débat, ce sont surtout les incertitudes qui entourent les lois ultérieures. La notion d'égal accès autorise des interprétations très différentes. La plasticité de la Constitution n'est pas un défaut, mais elle ne doit pas aller jusqu'à une proposition indécidable. La participation beaucoup plus nombreuse des femmes aux responsabilités politiques est souhaitable, mais elle ne doit pas, à mon sens, prendre la forme d'une parité imposée par le législateur. Aucun pays n'a consacré une obligation juridique de cette nature, ce qui n'a pas empêché d'obtenir de bons résultats. La parité repose sur une confusion entre différences des sexes et représentation politique. L'objectif est d'assurer la plus grande diversité possible, sans imposer des quotas. La souveraineté électorale implique le libre choix de chaque citoyen. Que l'élu soit homme ou femme ne me paraît pas une vraie question. Le sexe ne détermine pas une attitude politique différente. Chaque homme, chaque femme est un être unique. Les 80 milliards d'individus qui ont peuplé notre planète sont à la fois tous différents et tous parents. Ils composent l'humanité. Et c'est la citoyenneté, non le sexe, qui fonde la société politique.

Le texte adopté par l'Assemblée me parait meilleur que celui du Sénat car modifier l'article 3 permettra ultérieurement au législateur de jouer sur une palette de moyens plus étendue dont le plus puissant est la modulation du financement public des partis politiques. Nous avons déposé le 12 février une proposition dans ce sens.

M. le Président - Veuillez conclure !

M. Pierre Albertini - La limitation plus sévère du cumul des mandats devrait également profiter aux femmes et aux jeunes.

La meilleure manière d'élargir et de renforcer le socle de la démocratie n'est-elle pas de lutter contre les préjugés qui nous guettent ?

M. Robert Pandraud - Pour finir, Madame la Garde des Sceaux, c'est sur vous que tout repose. Il faudra bien que vous trouviez un consensus entre l'Assemblée et le Sénat, afin d'aboutir au but que nous visons tous.

Je pensais que vous alliez nous faire une proposition. Quelle contradiction voyez-vous entre ce que nous avons voté, c'est-à-dire la modification de l'article 3, et la position du Sénat, qui a modifié l'article 4 ? (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe communiste) Je vous suggère, moi, de modifier l'un et l'autre. Cette proposition, Madame la présidente Tasca ne me démentira pas, a obtenu 50 % des voix en commission, et je n'ai été battu que par la voix prépondérante de la présidente. Il est vrai que nous n'étions que deux en séance (Sourires).

M. le Président - Vous étiez donc à parité ! Je suis saisi d'un amendement 1 et d'un sous-amendement 3. Le vote sur cet amendement aura valeur de vote sur l'ensemble.

Mme la Présidente de la commission - Au point où nous en sommes, des acquis essentiels sont obtenus. Nous les devons à des années de travail de responsables politiques, mais aussi d'associations. Et aujourd'hui, tout le monde convient que la situation n'est plus acceptable et qu'il faut la changer. Le début de cet après-midi a montré qu'une grande majorité de l'Assemblée est convaincue de la nécessité de la réforme et de la justesse de la voie choisie -même s'il reste quelques voix discordantes qui auraient mieux fait d'exprimer des arguments moins injurieux.

Il y a donc ici une volonté forte d'aboutir, et il serait injuste, Madame Zimmermann, de mettre en doute la volonté du Gouvernement et de la commission d'aller au bout de cette démarche. Si nous ne pouvons être d'accord avec le Sénat, c'est parce que sa rédaction ne touche pas au coeur de la réforme, elle ne fait que traiter les choses à la marge, sans répondre au problème juridique posé par la jurisprudence du Conseil constitutionnel.

L'amendement 1 rétablit le texte voté par l'Assemblée le 15 décembre. Je rappelle que la commission des lois avait modifié le projet initial du Gouvernement pour deux raisons. Nous avons d'abord voulu "fortifier" le texte en remplaçant "favorise" par "détermine" et "organisé", parce que nous voulons que la réforme aboutisse. Ensuite, parce que le Conseil constitutionnel a dit et répété qu'il fallait établir clairement le rôle du constituant et du législateur. Avec cette rédaction, si le constituant lui définit l'objectif, le législateur pourra ensuite inventer des dispositions concrètes pour l'atteindre (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe communiste).

Mme Marie-José Zimmermann - Le RPR votera cette réforme, mais je propose par le sous-amendement 3 de rétablir le texte initial du Gouvernement, en écrivant "favorisé", de manière à frayer la voie à un accord avec le Sénat (Applaudissements sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL).

Mme la Garde des Sceaux - J'ai longuement expliqué tout à l'heure pourquoi il fallait rétablir le projet dans le texte voté, à l'unanimité, en première lecture. C'est bien l'article 3 qu'il faut modifier, puisque c'est de cet article que le Conseil constitutionnel a dégagé à deux reprises l'impossibilité de fixer un maximum à la part des candidats d'un même sexe sur une liste. Si l'on veut promouvoir l'égalité réelle, il faut donc que le législateur prenne ses responsabilités -car enfin, n'est-ce pas l'inaction des partis politiques qui nous a menés à la situation actuelle ? En outre, les partis politiques n'ont pas, je le rappelle, le monopole des candidatures.

Le sous-amendement 3 me surprend un peu, même si je suis sensible à l'hommage ainsi rendu à la rédaction du Gouvernement. Les arguments de votre commission m'avaient paru pertinents et je m'y étais ralliée lors de la première lecture. Sa rédaction est conforme aux objectifs du Gouvernement, elle précise mieux le rôle du législateur, et à ce stade je ne vois pas de raison décisive pour modifier ce texte.

Pour la suite, le Gouvernement souhaite évidemment que cette réforme aboutisse, car elle est bonne pour la démocratie, et souhaitée ardemment par une majorité massive de nos concitoyens. Il faudra que les deux assemblées se mettent d'accord, et le Gouvernement reste ouvert à des solutions qui permettraient cet accord, à condition qu'elles permettent effectivement de favoriser (Exclamations sur les bancs du groupe du RPR) l'égal accès des hommes et des femmes aux mandats et aux fonctions (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe RCV et du groupe communiste).

M. Claude Goasguen -  Bien sûr, le groupe DL votera l'amendement de la commission. Mais nous voterons aussi le sous-amendement. Si Mme la Garde des Sceaux ne voit pas de raison de l'accepter, moi je ne vois pas de raison de ne pas le voter. Il faudrait sortir de la casuistique. Un ancien président du Conseil Constitutionnel, M. Badinter, nous a expliqué pendant des années que l'article 3 empêchait de progresser vers l'égalité -et la semaine dernière, dans Le Monde, il découvre soudain que c'est l'article 4 qu'il faut réformer !

Permettez-moi de sourire. Je n'arrive d'ailleurs pas très bien à comprendre quelle différence essentielle il y aurait entre la réforme de l'article 3 et celle de l'article 4, ni quelle différence fondamentale vous faites entre "déterminer" et "favoriser" -sauf à en disserter pendant des heures chez les jésuites.

En réalité, la signification du sous-amendement est politique : il s'agit de rendre service au Gouvernement (Rires sur les bancs du groupe socialiste) qui n'a pas eu de succès devant l'autre assemblée, et de faciliter l'aboutissement de son projet -auquel la démocratie moderne a tout à gagner (Applaudissements sur les bancs du groupe DL, du groupe du RPR et du groupe UDF).

Mme la Présidente de la commission - Il ne s'agit pas de "rendre service au Gouvernement". Nous avons l'habitude de chercher un accord avec le Sénat, chaque fois que cela paraît souhaitable et possible -nous y sommes par exemple parvenus au sein de la CMP sur la Nouvelle-Calédonie. Mais dans le cas présent, un amendement du rapporteur Cabanel, au Sénat, proposait justement le retour au texte initial que vous demandez par ce sous-amendement : il a été clairement repoussé. Il n'appartient pas à l'Assemblée de faire à sa place la démarche du Sénat : s'il avait adopté votre rédaction, les choses seraient différentes, mais à chacun d'assumer ses responsabilités.

La volonté d'aboutir est très claire dans notre assemblée comme de la part du Gouvernement. Rien n'est perdu mais la parité mérite un effort de chacun. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe RCV et du groupe communiste)

Le sous-amendement 3, mis aux voix, n'est pas adopté.

L'amendement 1, mis aux voix, est adopté, et le projet de loi constitutionnelle est ainsi rédigé.


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ÉLECTRICITÉ

L'ordre du jour appelle la discussion, après déclaration d'urgence, du projet de loi relatif à la modernisation et au développement du service public de l'électricité.

M. le Président - Je lèverai la séance après l'intervention de M. le Secrétaire d'Etat à l'industrie.

M. Christian Pierret, secrétaire d'Etat à l'industrie - Le 21 janvier dernier, j'ai rappelé au nom du Gouvernement, devant l'Assemblée nationale, les grandes orientations de la politique énergétique de la France. Le débat a montré qu'un consensus était possible, tant sur l'équilibre de celle-ci, qui passe par la maîtrise de la consommation, la diversification autour de l'axe central du nucléaire et le développement des énergies nouvelles renouvelables, que sur les grands sujets évoqués, au premier rang desquels le Gouvernement place le service public.

Le projet de loi constitue un pilier fondamental de cette politique, puisqu'il s'agit de la défense et de la croissance du service public de l'électricité.

"Les services publics relèvent d'une conception fondamentale de la société à laquelle nous tenons par dessus tout ; ils sont au coeur du lien social ; ils garantissent à tous une égalité de traitement" avait déclaré le Premier ministre dans sa déclaration de politique générale. Il avait indiqué en même temps que certaines adaptations étaient nécessaires. Nous devons, en effet, accroître la participation de nos grands services publics à la réalisation des objectifs prioritaires que sont la croissance et l'emploi. Tel est bien l'objet de ce projet.

Première remarque introductive : le secteur électrique français se trouve aujourd'hui à un moment charnière de son histoire ; il est crucial pour son avenir que la réforme dont vous êtes saisis soit réalisée dans de bonnes conditions.

L'ambition du Gouvernement est de doter le pays d'une loi de modernisation et de développement du service public de l'électricité qui complète le dispositif législatif existant, dont la loi de 1946 constitue le socle ; nous nous inscrivons fidèlement dans le sillage de cette loi d'une grande portée historique, facteur de progrès social, de réussite technologique et de croissance économique. Le 27 mars 1946, à la tribune de l'Assemblée nationale constituante, le ministre de la production industrielle, Marcel Paul, évoquait l'oeuvre du Conseil national de la Résistance, regroupant tous les grands partis, tous les mouvements de résistance et les grandes centrales ouvrières.

Ce projet contribue à rendre le système électrique plus compétitif, par l'introduction maîtrisée de certains éléments concurrentiels. Il est le moyen de transposer en droit français la directive européenne sur le "marché intérieur de l'électricité", adoptée en 1996, un exercice qui s'imposait sans attendre : en l'absence de transposition, en effet, des contentieux ne manqueraient pas de conduire à des décisions juridictionnelles qui imposeraient, dès 1999, une application directe de la directive. Refuser ce projet, ce ne serait donc pas défendre une conception plus exigeante du service public de l'électricité mais obérer son développement. Ne nous trompons pas d'enjeu !

Il est vrai que cette directive a fait l'objet de nombreuses critiques, fondées pour certaines. Ceux qui ont engagé ces difficiles négociations ont cherché à garantir les intérêts français du mieux qu'ils pouvaient. Mais elle n'est pas négociable ; nous sommes l'un des tout derniers Etats membres à la transposer. D'ailleurs, en application du "principe de subsidiarité", elle nous laisse des marges de manoeuvre, non négligeables. C'est l'enjeu de ce débat : sur la base du texte gouvernemental, le travail du Parlement peut faire en sorte qu'une transposition nécessaire devienne l'occasion de vrais progrès. Ayons ensemble une lecture politique, progressiste, de ce texte.

Deuxième remarque préliminaire : pour élaborer ce projet, le Gouvernement a adopté une démarche très ouverte.

La concertation a été menée dès le début de l'année 1998 sur la base d'un "Livre blanc" intitulé "Vers la future organisation électrique française", qui a été diffusé à plus de 20 000 exemplaires et présentait des orientations encore très générales... Le Gouvernement a sollicité l'avis au Conseil économique et social, du Conseil supérieur de l'électricité et du gaz, présidé avec compétence par Jean-Pierre Kucheida, du Conseil de la concurrence et des Conseils économiques et sociaux régionaux. Votre collègue, M. Jean-Louis Dumont, député de la Meuse, a été chargé par le Premier ministre, sur ma proposition, d'une très utile mission de réflexion et de médiation.

Le débat national qui a suivi a concouru à la prise de conscience de la nécessaire évolution du système électrique français. Les nombreuses contributions qui ont été reçues ont enrichi la réflexion des pouvoirs publics. Depuis, le travail que vous avez effectué en commission a permis d'améliorer le texte gouvernemental.

La concertation a mis en lumière quelques attentes essentielles : assurer la cohésion sociale et la solidarité entre les territoires ; démocratiser le secteur de l'électricité grâce à une plus grande implication des usagers ; enfin dynamiser le secteur de l'électricité tout en veillant à la compétitivité d'EDF.

Par ce projet, le Gouvernement a souhaité prendre en compte les aspirations de notre pays en matière de cohésion sociale, de développement industriel, de préparation du long terme et d'équilibre du territoire. Le texte dessine un service public de l'électricité conforté, qui allie dynamisme, équité et solidarité. Pour la première fois, il définit le contenu du service public de l'électricité : il en précise les missions, les catégories de clients auxquelles elles s'adressent et les opérateurs qui en ont la charge.

Sa première mission concerne le développement équilibré des capacités de production d'électricité, c'est-à-dire la mise en oeuvre d'une politique énergétique publique dans le choix des différentes sources d'énergie. Les obligations imposées aux opérateurs doivent permettre d'atteindre les objectifs de la politique énergétique nationale, que traduira la programmation pluriannuelle des investissements de production.

Sa deuxième mission concerne le développement des réseaux, qui doivent être au service de tous les utilisateurs. Ces réseaux ont les caractéristiques de monopoles naturels. La bonne gestion économique du secteur, la protection de l'environnement et du cadre de vie, s'opposent à leur duplication excessive.

La troisième mission concerne la fourniture d'électricité. Pour les clients "non éligibles", au sens du texte européen, elle vise la fourniture d'électricité sur l'ensemble du territoire. Ce projet donne ainsi, pour la première fois, une valeur législative au principe de péréquation nationale des tarifs. Pour les clients "éligibles" et les producteurs raccordés aux réseaux, la responsabilité de la puissance publique est d'éviter toute discontinuité dans la fourniture d'électricité. L'obligation de pouvoir assurer une fourniture de secours ou de recours est, au premier chef, une mission de service public. Nous en reparlerons à propos de la durée des contrats.

Il ne suffit pas de dire ce qu'est le service public, il faut préciser qui en a la charge. Il faut encore prévoir son financement, lorsque celui-ci n'est pas assuré de façon naturelle et équitable par les recettes courantes. Le projet met en place des mécanismes de financement permettant de répartir équitablement la charge des missions de service public entre les opérateurs du secteur. Dans le domaine de la production, ouvert à la concurrence, ces charges seront réparties au moyen d'un "fonds des charges d'intérêt général de l'électricité". Dans le domaine de la distribution, qui reste sous monopole -subsidiarité oblige- ces charges feront l'objet d'une mutualisation entre les distributeurs, par le biais du fonds de péréquation de l'électricité institué par la loi de 1946. Le service public doit particulièrement concourir à la cohésion sociale : le projet renforce clairement cet objectif en créant un mécanisme de soutien pour la fourniture d'électricité aux plus démunis, qui constitue un pas politiquement décisif vers plus de justice sociale et l'instauration d'un droit à l'électricité pour tous. Et je sais que sur ces bancs, à gauche plus particulièrement, plusieurs groupes sont sensibles à cette avancée de la démocratie vers de nouveaux droits.

Les missions de service public doivent aussi s'exercer en tenant compte de l'ensemble des politiques nationales, et en liaison avec les collectivités concédantes du service public de la distribution d'énergie électrique. Afin d'assurer ces missions au plus près des besoins des citoyens, et de donner un nouvel essor à une "démocratie de proximité" dans le secteur de l'électricité, le projet prévoit que le Gouvernement s'appuie également sur les instances compétentes au niveau local pour les questions de service. C'est une nouvelle étape dans la décentralisation que de faire ainsi confiance aux collectivités locales.

Le projet organise par ailleurs une ouverture maîtrisée du marché de l'électricité à la concurrence, afin de participer au combat pour l'emploi. Les règles françaises conduiront à l'éligibilité des grands consommateurs finals d'électricité, notamment les principaux établissements industriels. Lorsqu'une entreprise est gros consommateur final, en effet, le prix de l'électricité peut constituer un élément notable de sa compétitivité, par conséquent de ses investissements et de ses créations d'emplois. Confrontée à la concurrence, il est naturel qu'elle puisse en bénéficier en matière de fourniture d'électricité, et se fournir sur l'ensemble de ses sites européens. De plus, avec la mise en place de la "zone euro", les grands clients pourront aisément comparer les prix. Dès aujourd'hui les consommateurs finals éligibles représentent 26 % de la consommation nationale. A partir de février 2000, ils en représenteront 30 % environ, en février 2003, près de 33 %. Les consommateurs finals éligibles français devraient être 400 cette année, 800 en février 2000 et 3000 en février 2003, sur plusieurs millions d'entreprises.

L'introduction d'éléments de concurrence dans notre secteur électrique ne s'accompagne d'aucun recul du service public, dès lors qu'elle remplit des obligations de service public claires et appliquées par tous et partout. Elle permet au contraire de progresser vers une meilleure satisfaction des consommateurs, en stimulant les opérateurs par une concurrence, qu'EDF -consciente de ses succès- ne peut craindre. Il n'y aura pas de service public à deux vitesses, et le Gouvernement en prend le ferme engagement : ce sont tous les consommateurs, ménages et entreprises, qui doivent bénéficier de la baisse des tarifs et des progrès technologiques.

Des outils sont prévus pour mettre en oeuvre une politique nationale de l'énergie, en donnant tout son rôle au Parlement. L'énergie n'est pas un bien de consommation comme les autres. Elle fait l'objet, compte tenu de ses enjeux, d'indépendance nationale, d'une politique publique forte, la politique énergétique de la nation. La programmation pluriannuelle des investissements traduira cette politique. Elle garantira la sécurité d'approvisionnement, la protection de l'environnement et la compétitivité de la fourniture, grâce à un développement équilibré des capacités de production. La programmation pluriannuelle sera élaborée et révisée périodiquement sous l'autorité du ministre chargé de l'énergie. Il s'appuiera notamment sur les bilans prévisionnels établis par le gestionnaire du réseau de transport, et sur le schéma de service collectif de l'énergie prévu par la loi d'aménagement du territoire. Elle fera l'objet d'un rapport au Parlement tous les cinq ans -le premier étant présenté dans l'année suivant la promulgation de la loi.

Afin d'assurer la cohérence de la politique énergétique, la délivrance des autorisations devra être compatible avec la programmation pluriannuelle des investissements de production. Si les capacités de production installées s'écartent des objectifs de cette programmation, les pouvoirs publics pourront cesser temporairement d'accorder des autorisations pour certains types d'installation. Une telle décision devra bien sûr être transparente et loyale et faire l'objet d'une annonce publique. Corrélativement les pouvoirs publics pourront recourir à la procédure d'appels d'offres si les investissements spontanés ne suffisent pas pour atteindre les objectifs de la programmation pluriannuelle.

Le projet vise enfin à développer le rôle des collectivités locales, pour concilier autonomie locale et principe d'égalité, et pour accroître la production décentralisée. Il réaffirme le rôle des collectivités locales comme autorité concédante de la distribution, ainsi que leur vocation à contrôler les missions de service public concédées. Les règles techniques et environnementales, ainsi que les conditions financières en matière de redevance et de pénalités, seront harmonisées sur tout le territoire national, afin d'assurer le respect de l'égalité, notamment de permettre la péréquation nationale des tarifs, principe des principes, s'il en est, du service public français.

Le projet développe la possibilité, pour les collectivités locales, d'intervenir en matière de maîtrise de la demande d'électricité et de production locale décentralisée. En particulier, leur intervention est étendue à la production d'électricité à partir d'énergies renouvelables. La possibilité très innovante d'intervenir sur la demande d'électricité, notamment chez les particuliers, reçoit pour la première fois un fondement législatif clair. Les collectivités locales, mais aussi les distributeurs non nationalisés reconnus par la loi de 1946, sont des acteurs majeurs de la politique de l'électricité. Ce projet ne doit laisser planer aucun doute : les initiatives locales doivent être libérées, dès lors qu'elles coïncident avec la politique nationale de l'énergie décidée par le Gouvernement et placée, par ce projet sous le contrôle du Parlement. ("Très bien !" sur plusieurs bancs du groupe socialiste)

Dans le cadre ainsi tracé, le Gouvernement a entendu jouer pleinement le jeu d'une concurrence équitable et maîtrisée. Il est essentiel tout d'abord, que les utilisateurs des réseaux publics de transport et de distribution de l'électricité puissent avoir accès au réseau dans des conditions transparentes, en payant une juste rémunération.

Le projet met en place les garanties nécessaires à l'indépendance du gestionnaire du réseau de transport sans remettre en cause l'intégrité d'EDF. EDF reste et a vocation à rester à 100 % publique. ("Très bien !" sur les bancs du groupe socialiste)

L'un des facteurs de réussite d'EDF est d'être une entreprise électrique intégrée de production, de transport et de distribution. Ce facteur de réussite ne doit pas être remis en cause alors que la directive n'oblige en aucun cas à séparer juridiquement le gestionnaire du réseau de transport. Ce point est décisif, Monsieur Borotra l'a compris certainement.

Le Gouvernement a donc décidé de désigner EDF comme gestionnaire unique du réseau de transport.

Le gestionnaire du réseau de transport faisant partie de l'entreprise publique, de fortes garanties assurent son indépendance par rapport aux différents acteurs : la séparation comptable de la fonction transport, la séparation de gestion et les moyens mis à la disposition du gestionnaire, le mode de nomination de son directeur et l'obligation de garantir la confidentialité des informations commercialement sensibles en constituent les principaux facteurs. Je sais que vous aurez à coeur de les compléter par nos amendements. Vous pouvez compter sur l'ouverture d'esprit du Gouvernement.

M. Franck Borotra - Ce n'était pas visible en commission !

M. le Secrétaire d'Etat - Une régulation transparente et efficace assurera la coexistence harmonieuse du service public et de la concurrence, au bénéfice de tous les consommateurs.

Il reviendra au Gouvernement, sous le contrôle accru du Parlement, de définir et d'appliquer les choix de politique énergétique, notamment la programmation pluriannuelle des investissements, l'autorisation d'installations de production et le lancement d'appels d'offres. De même, il devra définir les missions de service public, réglementer les tarifs, constater le montant des charges d'intérêt général et établir la réglementation générale de l'électricité.

Une commission de régulation de l'électricité indépendante, aura la responsabilité du contrôle de l'accès des utilisateurs aux réseaux, à côté du Conseil de la concurrence dont les pouvoirs sont garantis.

Cette CRE est formée d'un collège de six membres et dispose de pouvoirs propres. Elle sera chargée de préciser les règles définies par le Ministre de l'énergie concernant les conditions d'accès aux réseaux et leur utilisation, de régler les litiges entre les gestionnaires et les utilisateurs de réseaux publics, et de punir les manquements au moyen de sanctions pécuniaires ou d'interdictions temporaires d'accès au réseau.

Elle aura aussi la charge d'établir les tarifs d'utilisation des réseaux publics de transport et de distribution, le montant des charges d'intérêt général liées à la production, le montant des "coûts échoués" et les mesures conservatoires en cas d'atteinte grave et immédiate à la sécurité et à la qualité de fonctionnement des réseaux publics.

Ce projet vise enfin à conforter les formidables acquis d'un demi-siècle d'histoire industrielle dans le secteur électrique, en permettant à EDF de demeurer le premier électricien européen, présent dans le monde entier.

EDF demeurera une entreprise publique intégrée de production, de transport, de distribution et de fourniture d'électricité. Elle sera en particulier le gestionnaire désigné du réseau de transport français. Son domaine autorisé d'intervention en tant qu'établissement public, est notablement accru vis-à-vis des clients éligibles, pour lui permettre de résister à la concurrence à armes égales, et même d'en triompher.

Les concurrents d'EDF peuvent offrir des prestations complémentaires aux clients éligibles alors qu'EDF, en vertu de son objet légal, ne le peut pas aujourd'hui. Le projet propose donc d'élargir le principe de spécialité donc les marges de manoeuvre d'EDF vis-à-vis des clients éligibles, dans le respect du principe d'égalité dans la concurrence. Permettre à EDF de saisir les opportunités d'un marché européen en véritable mutation : voilà notre ambition pour la grande entreprise publique !

Pour les clients non éligibles sur le territoire national, EDF conservera un monopole de fourniture et l'interdiction que lui fait la loi de 1946 d'intervenir à l'aval du compteur sera maintenue : pas de concurrence malsaine avec les petites entreprises, les artisans et les petits commerçants. Toutefois, EDF pourra promouvoir l'utilisation rationnelle de l'énergie.

Faisons de l'Europe le marché domestique d'EDF. La réussite et le développement de l'entreprise publique bénéficieront au pays.

Enfin, la réforme conforte le statut du personnel, pour garantir les acquis sociaux de 1995, et crée les conditions de son extension.

Il faut le rappeler car bien des erreurs ont été faites : la loi de 1946 prévoit que le statut du personnel s'applique à l'ensemble du personnel des industries électriques et gazières, sous réserve de diverses exceptions. Ce principe sera maintenu : ni le personnel, ni bien sûr les clients, n'ont à redouter ce projet. L'ouverture à la concurrence ne doit pas entraîner une diminution des garanties pour le personnel.

Le projet introduit des mécanismes de négociation collective de branche, laquelle doit déboucher sur une dynamique européenne au profit des salariés du secteur en Europe. Il n'est pas interdit d'espérer -les syndicats en ont la volonté- une convention européenne de branche. Demain, pourquoi ne pas imaginer à EDF un comité de groupe européen ?

La transposition de la directive présentait bien des dangers puisque pouvait être menacée le notion même de service public. Tel n'est pas le cas : le service public de l'électricité demeure ; il a vocation à se développer ; ce projet lui donne les moyens de se moderniser. Je suis convaincu, qu'ensemble nous pouvons en souligner la nature équilibrée. Nous pouvons aussi nous féliciter du caractère très mesuré et progressif des évolutions proposées ; c'est une évolution sans révolution.

Il faut à présent imprimer une nouvelle dynamique au secteur électrique et assurer en particulier à l'établissement public EDF une place prépondérante au sein du marché intérieur européen de l'électricité.

A la tribune de l'Assemblée nationale constituante, le mercredi 27 mars 1946, M. Marcel Paul, concluait la présentation de sa loi par ces mots : "il nous faut (...) penser à ceux qui consomment les kilowatts-heure d'électricité (...)". Oui, d'abord penser aux consommateurs, aux grands consommateurs, mais aussi aux ménages, notamment aux plus modestes d'entre eux. Enfin, préserver les intérêts d'EDF et traiter, comme il le mérite, un personnel qui a fait du service public de l'électricité l'un des services publics auxquels les Français sont les plus attachés.

Ce texte est certes technique mais donne clairement un élan politique : poursuivre la modernisation du pays, soutenir la croissance économique, assurer la cohésion sociale, développer le service public, grâce aux réussites de nos entreprises au premier rang desquelles notre grande entreprise publique dont nous sommes fiers (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe RCV).

La suite du débat est renvoyée à la prochaine séance qui aura lieu ce soir à 21 heures.

La séance est levée à 19 heures 30.

          Le Directeur du service
          des comptes rendus analytiques,

          Jacques BOUFFIER


© Assemblée nationale


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