Accueil > Archives de la XIe législature > Les comptes rendus > Les comptes rendus analytiques (1998-1999)

Assemblée nationale

COMPTE RENDU

ANALYTIQUE OFFICIEL

Session ordinaire de 1998-1999 - 73ème jour de séance, 187ème séance

2ème SÉANCE DU MARDI 16 MARS 1999

PRÉSIDENCE DE M. Laurent FABIUS

          SOMMAIRE :

QUESTIONS AU GOUVERNEMENT 1

    RÉDUCTION DU TEMPS DE TRAVAIL 1

    COMMISSION EUROPÉENNE 2

    SECTEUR BANCAIRE 3

    KOSOVO 3

    INSTITUTIONS EUROPÉENNES 4

    AVENIR DES DOM 4

    INDUSTRIE TEXTILE 5

    RÉFORME DES INSTITUTIONS EUROPÉENNES 5

    PROPOSITIONS DE LA CNAM 6

    CRISE DE L'UNION EUROPÉENNE 7

    ÉDUCATION NATIONALE 7

    DÉMOCRATISATION DES INSTITUTIONS EUROPÉENNES 8

    RÉFORME DES LYCÉES 9

    ALLOCATIONS DU FONDS DE SOLIDARITÉ LOGEMENT À LA RÉUNION 10

RISQUES MINIERS 10

    ARTICLE PREMIER 21

    ART. 5 25

    ART. 6 26

    APRÈS L'ART. 6 27

    EXPLICATIONS DE VOTE 27



La séance est ouverte à quinze heures.


Top Of Page

QUESTIONS AU GOUVERNEMENT

L'ordre du jour appelle les questions au Gouvernement.

RÉDUCTION DU TEMPS DE TRAVAIL

M. Gaëtan Gorce - La loi relative aux 35 heures trouve son rythme. 2 500 accords ont été signés, 38 000 emplois ont été créés ou préservés, 800 000 salariés sont concernés. Un mouvement s'est donc engagé en faveur de l'emploi (Exclamations sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL). La négociation se développe dans les branches et même le MEDEF vient de reconnaître qu'une dynamique est à l'oeuvre. Mais cette évolution du MEDEF est surprenante, car elle s'accompagne de conclusions tendant au report de la deuxième loi, en dépit de la réalité du terrain telle que la décrivent de nombreux chefs d'entreprise et plus encore les partenaires sociaux.

Quel est votre sentiment à ce sujet ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste)

Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité - Le MEDEF s'est en effet exprimé sur la deuxième loi : ce qui est bien naturel. Il a fait part du vaste mouvement de négociation engagé grâce aux 35 heures. J'ai été un peu surprise qu'il paraisse passer sous silence les quelque 2 600 accords d'entreprise déjà signés, pour ne parler que des accords de branche.

En effet, pour préparer la seconde loi, il nous faut regarder de près, comme vous l'avez fait dans votre rapport, ce qu'apportent concrètement les accords d'entreprise.

Je me réjouis que le MEDEF souligne, 18 mois après, qu'il faut maintenir le pouvoir d'achat des salariés les moins rémunérés. Mais s'agissant de ses propositions, je vous confirme que le Gouvernement souhaite maintenir le cap et le calendrier. La seconde loi, dont le contenu sera connu avant l'été, s'appliquera donc au 1er janvier 2000 pour les entreprises de plus de 20 salariés, et au 1er janvier 2002 pour les autres.

La loi que nous préparons sera équilibrée, mais permettra de réduire effectivement la durée du travail, dans les 35 heures. Nous n'accepterons pas les faux-semblants. Nous ferons en sorte que les entreprises, les salariés et l'emploi soient également gagnants. Pour cela, il faut réduire réellement la durée du travail, sans prendre en compte, comme le souhaite le MEDEF, les jours fériés dans les 35 heures.

Nous suivrons donc une démarche pragmatique, comme vous l'avez fait dans votre rapport. Déjà, vous l'avez dit, 39 000 emplois ont été créés ou sauvegardés. Continuons dans cette voie, en recourant, comme le souhaite le MEDEF, à la négociation, mais en en tirant toutes les conséquences pour l'emploi (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe RCV).

COMMISSION EUROPÉENNE

M. Jean-Marc Ayrault - Monsieur le Premier ministre, un rapport d'enquête sur la gestion de la Commission européenne a mis en évidence un certain nombre d'irrégularités et de carences de fonctionnement (Exclamations sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL).

Ce rapport a entraîné la démission collective de la Commission. Peut-être cette démission, qui n'est pas un événement mineur, préfigure-t-elle des changements profonds dans le fonctionnement des institutions européennes.

Comment voyez-vous l'avenir dans ce domaine, à quelques jours du sommet de Berlin ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe RCV)

M. Lionel Jospin, Premier ministre - Tirant elle-même les conséquences du rapport du comité des experts indépendants, la Commission européenne a décidé hier soir de démissionner. Cette démission répond à la situation qui s'était créée.

Au-delà de la mise en cause individuelle de plusieurs commissaires, le rapport souligne la responsabilité collective de la Commission dans les erreurs de gestion et les irrégularités commises. Il souligne aussi le décalage croissant entre l'accroissement des missions confiées à la Commission et l'insuffisance des moyens de contrôle et de gestion.

Au moment où intervient cet acte grave, il est juste de rendre hommage au travail accompli par la Commission, notamment en ce qui concerne la mise en place de l'euro.

Il incombe maintenant aux Etats membres de tirer les conclusions de la décision prise hier. Cette réflexion sera engagée lors de la prochaine réunion du conseil européen à Berlin les 24 et 25 mars. C'est en tout cas le souhait du Président de la République et du Gouvernement, tel qu'il vient d'être exprimé dans un communiqué.

Pour le moment, et jusqu'à ce qu'il soit pourvu à son remplacement, la Commission démissionnaire continue, en application de l'article 159 du traité, à assumer ses fonctions. Espérons que cet événement n'aura pas de conséquences négatives sur la capacité de l'Union à mener les négociations en cours, en particulier sur Agenda 2000.

La démission de la Commission marque l'aboutissement d'une crise latente depuis plusieurs mois, et qui aurait très probablement conduit le Parlement à exercer son pouvoir de censure. Cette crise doit ouvrir la voie à plus de transparence et de démocratie dans le fonctionnement de l'Europe.

Votre assemblée a souligné, lors du vote de ratification du traité d'Amsterdam, la détermination de la France à voir réaliser des progrès substantiels dans la réforme des institutions européennes, pour les rendre plus efficaces et plus démocratiques. Cette exigence est plus que jamais d'actualité (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe RCV).

SECTEUR BANCAIRE

M. Dominique Baert - Le paysage bancaire est en pleine mutation. Les ambitions de la BNP font écho au regroupement de la Société générale et de Paribas. La cession du Crédit lyonnais se précise. Ce mouvement devrait avoir des effets sur la compétitivité des entreprises, mais crée aussi des incertitudes sur le nombre d'agences qui subsisteront et l'emploi des salariés du secteur.

Dans son volet sécurité financière, le projet que vous venez de nous soumettre améliore les garanties des déposants, surtout des plus modestes. Nous vous approuvons. Avec la réforme des caisses d'épargne dans ce même projet, vous renforcez le pôle bancaire mutualiste et coopératif et grâce aux amendements que vous avez acceptés, vous en réaffirmez les missions d'intérêt général. Nous y sommes attachés.

Quelles mutations espérez-vous pour notre secteur bancaire, afin qu'il puisse assurer le financement de notre économie et le développement de l'emploi, à commencer par celui des salariés de nos banques ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste)

M. Dominique Strauss-Kahn, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie - L'Etat et le Gouvernement entendent exercer l'ensemble de leurs responsabilités dans le secteur financier, actuellement très chahuté. Il s'agit de le mettre à la disposition de la croissance et de l'emploi, comme nous en avons convenu ici.

Le projet relatif aux caisses d'épargne doit leur permettre de trouver des partenaires par un statut coopératif et en même temps de redéfinir leurs missions d'intérêt général, avec la création d'un dividende social minimum.

Ainsi se construit le grand pôle public souhaité par la majorité, qui autour de la Caisse des dépôts et des caisses d'épargne comprendra le Crédit foncier, la CNP, la BDPME. Dans le même temps, l'opération relative au Crédit lyonnais a dû être lancée. Je regrette qu'il faille en venir à cette mise sur le marché. Mais les engagements pris par les précédents gouvernements nous y contraignaient. Il faut donc en passer par là, en préservant l'intérêt de l'entreprise et des salariés (Interruptions sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL). C'est pourquoi cette procédure sera lancée dans des conditions bien meilleures que cela n'aurait été le cas précédemment (Mêmes mouvements).

Troisième élément de votre question : la sécurité financière. A l'heure où les banques privées se déchirent sur le marché, il faut protéger les épargnants. C'est ce que fait la seconde partie du projet de loi dont vous êtes le rapporteur, et j'en prendrai un seul exemple : au cas où une institution financière aurait des réserves insuffisantes pour satisfaire à ses obligations de garantie, il sera possible de lui interdire de distribuer des dividendes. C'est un pas considérable, dans un monde qui se voudrait de plus en plus libéral, pour combattre cette évolution.

Création d'un pôle financier public, sauvetage du Crédit lyonnais... (Exclamations sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL) Vous n'étiez guère nombreux quand nous en avons débattu, et je comprends pourquoi, car la situation de cette banque s'est considérablement aggravée entre 1993 et 1997 ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, vives protestations sur les bancs du groupe RPR, du groupe UDF et du groupe DL) Et enfin, protection de l'argent des épargnants : telles sont les grandes lignes de l'action du Gouvernement dans le domaine financier, et que vous serez nombreux, je l'espère, à soutenir (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

KOSOVO

M. Didier Boulaud - La France a joué, avec la Grande-Bretagne, un rôle déterminant au sein du groupe de contact sur le Kosovo. La négociation vient de reprendre à Paris, et la délégation des Albanais du Kosovo a décidé de signer le projet d'accord élaboré à Rambouillet. Mais la position des Serbes est-elle susceptible d'évoluer ? Quelles sont les chances de trouver une solution à ce conflit meurtrier ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et sur plusieurs bancs du groupe communiste, du groupe RCV et du groupe UDF)

M. Hubert Védrine, ministre des affaires étrangères - Hier, à la reprise des négociations, alors que nous étions extrêmement pessimistes, nous avons reçu une lettre de la délégation des Albanais du Kosovo, faisant part de son accord avec le projet préparé par le groupe de contact. Nous avons pris soin de vérifier que cet accord engageait l'ensemble des forces représentées au sein de la délégation et portait bien sur l'ensemble des points du projet, y compris la renonciation au référendum et la démilitarisation.

Les responsables yougoslaves sont au pied du mur. Or non seulement ils n'ont pas accepté l'ensemble du volet politique, mais ils semblent être en train de revenir sur certaines de ses dispositions. Ils restent totalement opposés, en outre, à la garantie au sol, tant civile que militaire. Leur dernier mot n'est pas tout à fait dit, mais l'heure de vérité est proche. A eux de dire de quoi l'avenir sera fait. Quant à nous, nous sommes prêts et déterminés (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et sur quelques bancs du groupe RCV et du groupe UDF).

INSTITUTIONS EUROPÉENNES

M. Robert Pandraud - La nuit dernière, suite à la remise d'un rapport d'inspection qui n'était même pas contradictoire, la Commission européenne, a dû se résoudre à présenter sa démission collective. Paix à ses cendres ! (Mouvements divers) Si l'on excepte la mise en place de l'euro, due à l'action intelligente et persévérante du commissaire de Silguy, elle ne laissera pas un grand souvenir...

Ce fiasco historique nous interpelle, et risque, si nous n'y prenons pas garde, de déséquilibrer les institutions européennes. Or la crise couvait depuis plusieurs mois, et le silence du Gouvernement était assourdissant - sans même parler du Parlement européen, qui n'a pas eu le courage de voter la censure. Allons-nous enfin reprendre sérieusement, avec nos partenaires, les discussions en vue de l'indispensable réforme des institutions, grande absente du traité d'Amsterdam ?

De grands dossiers devront être réglés dans les semaines qui viennent : l'Agenda 2000, la réforme de la PAC, les négociations au sein de l'OMC, notamment sur la banane et sur les produits transgéniques. Une Commission ne gérant plus que les affaires courantes - dont la définition est incertaine au demeurant - sera-t-elle à même de défendre les intérêts de l'Europe ? Quand le Gouvernement organisera-t-il un grand débat avec la représentation nationale sur l'équilibre souhaitable des institutions ? Les parlements nationaux existent et ne veulent pas qu'on les oublie ! ("Très bien !" sur plusieurs bancs du groupe du RPR) Enfin, toute décision prise au nom de l'Europe ne risque-t-elle pas d'être fragilisée, voire attaquée devant la Cour de justice ? (Applaudissements sur les bancs du groupe du RPR et du groupe DL)

M. Pierre Moscovici, ministre délégué aux affaires européennes - Toute cette question, et notamment les faits dénoncés, a donné lieu à un débat au Parlement européen, qui n'a pas voté la censure, c'est vrai, mais a nommé, avec l'accord de la Commission elle-même, le collège d'experts indépendants dont les conclusions ont amené la Commission à démissionner collectivement, avec une dignité qui mérite, comme son action, le respect (Exclamations sur de nombreux bancs du groupe du RPR).

Face à cette situation inédite, l'Union européenne doit veiller à la continuité de son action et choisir la procédure à suivre, le traité étant muet sur ce point, pour le remplacement de la Commission démissionnaire. Deux hypothèses peuvent être envisagées : soit l'on nomme sans tarder une nouvelle Commission, dont le mandat expirera à la fin de l'année, soit l'on attend le lendemain des élections au Parlement européen pour la nommer en application du traité d'Amsterdam. Le Conseil européen des 24 et 25 mars se penchera sur cette question.

Quant au débat que vous appelez de vos voeux, il a eu lieu à propos de la ratification dudit traité, et vous y avez vous-même pris part. Il s'est traduit par le soutien du Parlement à la volonté du Gouvernement de parvenir à une réforme globale des institutions, et ce avant la fin de l'an 2000.

Soyez rassuré, enfin, quant à la continuité de l'action de l'Union européenne : les institutions fonctionnent, le Parlement européen est là et doit se saisir, dès la semaine prochaine, de l'Agenda 2000, pour lequel il aura à coeur, je n'en doute pas, de trouver une solution (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

AVENIR DES DOM

M. Pierre Petit - Après la remise en cause de la défiscalisation dans son principe actif et la parution d'un rapport discréditant le fonctionnement social des DOM, et à l'heure où la banane est menacée sur le marché européen, les DOM s'enfoncent dans le doute, et les investisseurs risquent de ne plus s'y intéresser. En attendant la nouvelle loi d'orientation, quel message adresserez-vous aux populations pour leur redonner espoir et confiance ? (Applaudissements sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL, et sur quelques bancs du groupe RCV)

M. Jean-Pierre Chevènement, ministre de l'intérieur - Vous exprimez une légitime inquiétude face aux mesures que les Etats-unis ont décidé d'appliquer unilatéralement, en imposant dès le 3 mars, c'est-à-dire sans attendre le jugement de l'OMC qui doit intervenir le 12 avril, des cautions, correspondant aux droits de douane qu'ils veulent imposer, sur certains produits importés de l'Union européenne.

La France et la Commission européenne ont pris une position très claire, avec le soutien de plusieurs de nos partenaires, parmi lesquels l'Espagne, le Portugal, l'Allemagne et le Royaume-Uni, dont le Premier ministre s'est rendu en Ecosse pour soutenir les industriels du cachemire (Exclamations sur les bancs du groupe du RPR).

S'agissant de la loi de défiscalisation, elle est prorogée jusqu'en 2002, et les retouches que nous lui avons apportées visent simplement à l'orienter davantage vers la création d'emplois et à mettre fin à certains abus constatés dans le passé. Si cette politique devait être modifiée, ce serait à coût budgétaire constant, dans un souci d'efficacité et en concertation avec les parlementaires et les élus des DOM (Applaudissements sur les bancs du groupe RCV et du groupe socialiste).

INDUSTRIE TEXTILE

M. Henry Chabert - Ma question s'adresse au secrétaire d'Etat à l'industrie. Alors que la consommation de produits textiles est à peu près stable, la production française connaît une baisse catastrophique, de l'ordre de 40 % au cours des derniers mois. Contrairement à ce qu'affirme le Gouvernement, sa politique est largement responsable de cette situation (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste) : les 35 heures et l'arrêt du plan d'aide, que n'est venu compenser aucune mesure de substitution, ont provoqué une hausse des coûts salariaux et une vague de délocalisations. De nombreux produits commercialisés par de grandes chaînes de distribution proviennent de pays qui ne respectent pas les règles de la concurrence.

Quelles initiatives réellement nouvelles le Gouvernement entend-il prendre, à l'échelon national comme à l'échelon européen, pour éviter que ne s'effondre tout ce pan de notre économie et pour préserver plus de 200 000 emplois ? (Applaudissements sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL)

Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité - M. Pierret aurait en effet pu vous répondre tout aussi bien que moi car nous suivons ensemble ce dossier, que nous connaissons par ailleurs bien pour être tous deux élus de départements où ce secteur tient encore, fort heureusement, une place importante.

Le textile et l'habillement connaissent en effet une situation difficile, après l'annulation par Bruxelles du plan que vous aviez adopté en toute illégalité (Interruptions sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL). La réduction du temps de travail à 35 heures a permis à près d'une centaine d'entreprises, non seulement de ne pas supprimer d'emplois, mais même, dans certains cas, d'en créer (Exclamations sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL). En effet, elles ont pu par ce biais bénéficier de réductions de charges sociales, au titre d'industries de main-d'oeuvre. Je viens en outre de signer avec l'ensemble de la profession un accord en vue de développer la formation, ce qui permettra d'améliorer l'organisation du travail et la qualification du personnel, et donc de se maintenir sur un marché où l'exigence de qualité et de "réactivité" se fait de plus en plus forte. Enfin, nous négocions avec Bruxelles la sortie du plan Borotra, ce qui n'est à l'évidence pas chose facile ; nous prendrons à cet égard des mesures générales, dans le cadre de la réforme des charges sociales que nous mènerons en même temps que nous élaborerons la deuxième loi sur la réduction du temps de travail.

Les industries du textile et de l'habillement sont conscientes des efforts faits par le Gouvernement, y compris pour éviter les délocalisations et pour améliorer les rapports avec la grande distribution. Mais ces efforts seront poursuivis dans le respect de nos engagements communautaires ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste)

RÉFORME DES INSTITUTIONS EUROPÉENNES

M. Yves Bur - La démission de la Commission européenne apparaît comme une victoire du Parlement européen, mais aussi comme une victoire du politique sur l'administration. En outre, cette crise peut être une chance : elle fournit l'occasion de réaliser enfin la réforme des institutions indispensables au progrès de l'Union.

Cette réforme, l'UDF l'appelle de ses voeux : encore récemment nous avons fait des propositions concrètes pour rendre ces institutions plus transparentes, plus démocratiques, plus efficaces, moins coûteuses, et surtout, moins administrées. Mettons donc à profit l'événement pour répondre à l'attente des citoyens : que compte faire le Gouvernement pour construire cette Europe plus politique ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF)

M. Pierre Moscovici, ministre délégué chargé des affaires européennes - Vous avez raison, il faut faire de cette crise le moyen de relancer l'Europe politique. Telle est d'ailleurs la position constante de la France et de son gouvernement depuis la signature du traité d'Amsterdam. Celui-ci, pour utile qu'il soit par ailleurs, souffre en effet d'une lacune importante : il ne dit rien de la réforme des institutions. Aussi la France a-t-elle signé avec l'Italie et la Belgique une déclaration pour exiger que celle-ci soit réalisée préalablement à l'élargissement. Cette demande, que l'Assemblée a faite sienne, suppose que la présidence allemande propose, pour le sommet de Cologne, en juin, une méthode et un calendrier. Le tout devrait pouvoir être conçu sous la présidence française, en 2000. Il s'agirait de se doter d'une Commission plus resserrée, plus forte, plus collégiale, mieux hiérarchisée et plus responsable ; d'étendre le vote à la majorité qualifiée et de revoir la pondération des voix au Conseil.

Tel est le sens dans lequel la France entend agir, pour une Europe politique, mais également sociale ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe RCV)

PROPOSITIONS DE LA CNAM

M. Jean-Luc Préel - Madame la ministre de l'emploi et de la solidarité, c'est en vain que, la semaine dernière, mon collègue Landrain vous a demandé si vous accepteriez les 62 milliards d'économies suggérés par le directeur de la CNAM, M. Johanet, que vous avez vous-même nommé il y a peu, d'ailleurs. Je vous repose donc la question !

Aux termes de la réforme de 1995, le Parlement vote l'objectif de dépenses d'assurance maladie proposé par la Gouvernement, mais l'application de la décision repose sur les contrats passés entre l'Etat et la caisse nationale ainsi qu'entre celle-ci et les professionnels de santé. Si nous voulons sauver notre protection sociale, chaque acteur doit se montrer responsable, et il en va notamment ainsi du conseil d'administration de la CNAM. Allez-vous laisser M. Johanet appliquer ce qu'il propose ? Sinon, que ferez-vous à la place ? Nous attendons votre réponse avec intérêt... (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF)

Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité - Tout comme vous, je me réjouis que les partenaires sociaux gestionnaires de la CNAM se préoccupent d'assurer l'avenir de notre système de soins, et je suis ravie que le président de la CNAM ait élaboré cet avant-projet de plan stratégique, d'autant que ces propositions visent à améliorer la qualité des soins et à adapter ceux-ci aux besoins des assurés.

Le texte donnera bien entendu lieu à des concertations et je souhaite que la CNAM avance vite sur deux points : l'aide pérenne à l'informatisation et la préretraite des médecins.

S'agissant de la médecine de ville, les propositions de la caisse sont conformes à ce que j'avais moi-même souhaité en juillet, puis en février : elles visent à négocier avec les spécialités dans lesquelles il y a eu dérapage des réductions de tarifs ou des remboursements à la Sécurité sociale. A cet égard, je me félicite qu'après une période un peu difficile, nous soyons arrivés avec les radiologues à un accord qui, non seulement traite le problème financier, mais autorise une prévention accrue. Nous allons suivre la même voie avec les cardiologues et avec les ophtalmologues et l'avant-projet de la CNAM ne peut que nous y aider.

La caisse s'est en outre prononcée, comme moi-même le 12 février, pour des incitations positives plutôt que pour des sanctions : les médecins devraient être encouragés à adopter certaines pratiques, en effet, et j'espère que nous progresserons en ce sens dans les discussions avec les syndicats de médecins.

S'agissant de l'hôpital, je tiens à souligner que, lui, respecte le budget qui lui est donné. Sa part des dépenses de santé est tombée de 50 à 39 % en moins de dix ans, soit 30 milliards de dépenses évitées ! Evitons donc de montrer du doigt ce secteur, qui sait se reconvertir pour progresser ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe RCV) Cette année, 330 services sont en cours de fermeture mais notre hôpital continue d'être l'un des meilleurs du monde tout en se mettant au service des exclus (Exclamations sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL). Je ne crois donc pas pertinent de comparer poste à poste ses dépenses avec celles des cliniques, qui n'ont pas les mêmes responsabilités en matière de recherche ou de plateaux techniques et professionnels. J'attends par conséquent de la CNAM qu'elle aille, sur ce point aussi, plus loin dans ses propositions.

En ce qui concerne le médicament, les objectifs sont les mêmes : rechercher l'efficacité des soins avant tout. Nous avons examiné chaque classe de médicament pour fixer les taux de remboursement et les prix en fonction de l'effet médical et nous nous engagerons dès cette année dans cette politique contractuelle, qui a déjà rapporté 1,7 milliard d'économies en 1998. Cette méthode me paraît de loin préférable à des déremboursements.

Je souhaite donc que la CNAM continue sur le chemin dans lequel elle s'est engagée. Pour nous, nous continuerons à travailler avec elle car, comme elle, nous voulons pérenniser la Sécurité sociale et offrir à tous des soins de qualité. Nous espérons que la caisse saura remobiliser son réseau, dans l'intérêt de tous ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe RCV)

CRISE DE L'UNION EUROPÉENNE

M. Jean-Claude Lenoir - A un moment où l'Europe doit prendre des décisions essentielles pour l'avenir, cependant que la présidence allemande donne des signes de faiblesse, survient une crise sans précédent pour l'Union européenne. A ce propos, je ne puis partager l'appréciation lénifiante portée par le Gouvernement (Applaudissements sur les bancs du groupe DL, du groupe du RPR et du groupe UDF) : cette crise porte atteinte au crédit de l'Union et ternit l'image de la France, un de nos anciens Premiers ministres pouvant être mis en cause.

Cependant, je relève deux éléments positifs. En premier lieu, à l'approche du renouvellement du Parlement européen, une opinion publique européenne commence à s'affirmer et elle semble bien incliner vers la rigueur. Second point positif : le Parlement européen aura joué, au moins provisoirement, un rôle déterminant dans l'évolution de cette crise.

Toutefois, alors que ces affaires empoisonnent depuis des mois le climat européen, qu'ont dit et qu'ont fait les gouvernements des quinze pays de l'Union ? Qu'ont dit et qu'ont fait les ministres qui siègent au conseil européen, organe politique suprême de l'Union ? Monsieur le Premier ministre, vous qui avez manifesté il y a un instant une étonnante distance, et une compréhensible prudence, à l'égard de celle auprès de qui vous avez été ministre il y a quelques années, je souhaite que vous nous disiez quelles initiatives vous allez prendre, au prochain conseil européen, pour une profonde réforme des institutions, susceptible de lever l'ambiguïté qui est au coeur de leur architecture générale, de recentrer la Commission sur son rôle et de reprendre en main une administration livrée à elle-même.

Enfin, question subsidiaire : des poursuites pénales sont-elles envisagées dans les affaires en question ? Envisagez-vous, comme les traités vous y autorisent, de saisir, avec le Conseil européen, la Cour de justice européenne des agissements de commissaires qui, lorsqu'ils ont pris leurs fonctions, ont fait le serment de respecter les devoirs qui s'imposent à eux, notamment sur le plan de l'honnêteté ? (Applaudissements sur les bancs du groupe DL et sur quelques bancs du groupe du RPR et du groupe UDF)

M. Pierre Moscovici, ministre délégué chargé des affaires européennes - Le processus devait suivre son rythme et l'on ne pouvait trancher la question sur la base de simples allégations. Il fallait que le Parlement européen délibère, qu'un groupe d'experts indépendants soit saisi et qu'enfin la Commission tire les leçons de la situation, ce qui fut fait. Je crois donc qu'aucune insinuation n'est utile. Le rapport fait d'ailleurs état de deux points, qu'il faut rappeler : le comité n'a pas rencontré de cas où un commissaire serait directement et personnellement impliqué dans des activités frauduleuses. Et il n'a pas eu la preuve qu'un commissaire se soit enrichi financièrement du fait de fraudes, d'irrégularités ou de mauvaise gestion. Il faut le souligner, car c'est une responsabilité collective, qui s'est traduite par une démission collective. Le conseil européen aura à se saisir, dans la sérénité, de la situation ainsi créée ; il saura trouver des réponses appropriées, à partir d'une crise qui manifeste l'impérieuse nécessité de réformer les institutions européennes (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

ÉDUCATION NATIONALE

M. Félix Leyzour - La journée d'hier a été marquée par une forte mobilisation des personnels enseignants, qui ont cessé le travail et manifesté dans de nombreuses villes. Cette mobilisation, qui aura des prolongements, traduisait leur inquiétude, leur déception, leur mécontentement, leur volonté d'obtenir des moyens supplémentaires pour l'école et le désir de voir leurs propositions prises en compte dans les réformes nécessaires. En phase avec les parents et les élus locaux, ils veulent qu'on réponde aux besoins en matière de recrutement, pour faire face au plus vite aux congés maladie dans le primaire et assurer la rentrée dans des conditions améliorées.

L'actualité concerne également les collèges, soumis à la récupération des heures d'enseignement et la réforme des lycées. En vous interrogeant sur ces importantes questions, Monsieur le ministre, les députés communistes se placent du point de vue de ceux qui veulent que le Gouvernement, pour faire réussir la gauche, prenne toute la mesure de ce qui se passe dans et autour de l'école. Qu'il sache écouter et discuter avec tous ses partenaires dans leur diversité et leur représentativité.

Deux questions sont posées. Tout d'abord, quels moyens budgétaires supplémentaires dégager pour faire face aux besoins qui s'expriment ? Si en effet le budget de 1999 est en hausse par rapport à celui de 1998, on ne saurait soutenir que l'investissement éducatif aurait atteint une sorte de plafond : sa part dans le PIB retrouve le niveau de 1982 alors que les besoins se sont accrus. On est donc loin d'en avoir fini avec les efforts nécessaires. En second lieu, avez-vous l'intention, Monsieur le ministre, de tenir votre engagement de juin 1998 de soumettre vos propositions de réforme et les moyens de leur mise en oeuvre, à la discussion de l'Assemblée nationale ? (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste)

M. Claude Allègre, ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie - L'éducation nationale est une priorité du Gouvernement. Elle se traduit par le budget, et par l'engagement de ce gouvernement dans les domaines où il était nécessaire, par exemple, le rééquilibrage géographique. J'en veux pour preuve que la répartition des postes en Seine-Saint-Denis a été votée à l'unanimité par les syndicats la semaine dernière (Applaudissements sur quelques bancs du groupe socialiste). Ainsi les engagements du Gouvernement sont tenus.

Permettez-moi de vous rappeler quelques faits et chiffres. Il y a 250 000 élèves de moins qu'il y a six ans, et malgré cela le Gouvernement a maintenu tous les postes. Quant aux remplacements, savez-vous que 8 % des moyens du primaire y sont consacrés ? Ainsi le Gouvernement, en maintenant les moyens, a créé cette année plus de 1 500 postes effectifs dans le primaire, alors que l'effectif diminuait de 35 000. Cela traduit un effort considérable.

Le Gouvernement a décidé qu'il ferait une politique éducative dynamique. Mais cela n'implique pas seulement un aspect quantitatif : il y a un problème de projet, et de mobilisation sur ce projet. Le projet du Gouvernement, c'est de réaliser l'égalité des chances, et d'aider les enseignants et les élèves, pour que tous aient accès à la culture et au savoir. Derrière ce projet, le Gouvernement donnera les moyens nécessaires, en tenant compte des équilibres qu'il entend garantir au budget de l'Etat, aux impôts et à la politique économique du pays (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

DÉMOCRATISATION DES INSTITUTIONS EUROPÉENNES

M. Daniel Feurtet - Je veux faire part du sentiment des députés communistes devant la démission collective de l'exécutif européen. Cette crise sans précédent dans l'histoire de la construction européenne confirme le déficit démocratique que nous avons si souvent dénoncé. Il faut sans attendre en tirer les leçons, en faisant en sorte que l'expression du suffrage universel soit renforcée par un contrôle accru des parlements nationaux et européen sur les décisions de l'exécutif européen, et en faisant participer plus largement à la construction de l'Europe tous les acteurs politiques, sociaux, associatifs et syndicaux. Il est urgent également de redéfinir les pouvoirs de l'exécutif européen, et notamment ses prérogatives en matière de politique de la concurrence et de politique commerciale. Pour une large participation au scrutin du 13 juin, la question de la démocratisation des institutions européennes doit prendre toute sa place dans le débat national. Nous souhaitons savoir ce qu'en pense M. le ministre des affaires étrangères (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste).

M. Hubert Védrine, ministre des affaires étrangères - On ne peut dire que les événements récents ont manifesté un déficit démocratique ; c'est peut-être même le contraire. On a assisté en effet à des interrogations sur le fonctionnement de la Commission, à une enquête publique très transparente, à un rapport élaboré par des sages ; on a vu le Parlement européen jouer son rôle, et la Commission en tirer les conséquences au vu de tous. On ne saurait pousser plus loin la transparence.

Est-ce à dire que tout est bien ? Non. Il faut prendre appui sur cet événement, regrettable, mais sans doute inévitable, pour avancer dans le sens de l'indispensable réforme des institutions. Il faut une Commission rénovée, recentrée sur sa tâche, dans l'esprit de la subsidiarité, et capable de continuer à donner l'impulsion qui reste nécessaire : car de ces événements il ne faut pas tirer prétexte pour atténuer notre politique européenne. Nous devons, à partir de là, bâtir la Commission que nous voulons, dans le cadre de la réforme des institutions. La tâche commence maintenant (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

RÉFORME DES LYCÉES

M. Michel Crépeau - Ma question est importante et nous concerne tous : il s'agit de la réforme des lycées. Cette réforme est bien nécessaire ! On en parle beaucoup, on mène grand tapage dans les gazettes et dans la rue. Le seul lieu où l'on en parle beaucoup trop peu, c'est l'Assemblée nationale... Ma question s'adresse donc à la fois au ministre de l'Education nationale et au ministre chargé des relations avec le Parlement : n'est-il pas possible que ce grand sujet, qui concerne toutes les familles françaises, qui met en jeu l'avenir de la démocratie et ce que sera la France au XXIème siècle, fasse l'objet d'un débat à l'Assemblée ? (Applaudissements sur quelques bancs du groupe RCV et du groupe communiste)

Les radicaux, qui ont une tradition de politique de l'école, de Jules Ferry à Edgar Faure en passant par Jean Zay, estiment que M. le ministre a fait des propositions frappées au coin du bon sens (Applaudissements sur quelques bancs du groupe RCV et du groupe socialiste). Est-il scandaleux de dire que les lycées sont faits pour les lycéens ? Est-il scandaleux de dire qu'à la veille du troisième millénaire il faut adapter les enseignements à des réalités nouvelles ? Est-il scandaleux de dire que, l'afflux des connaissances nouvelles étant ce qu'il est, mieux vaut préférer, comme le souhaitait Montaigne, les têtes bien faites aux têtes bien pleines ?

Est-il scandaleux, au moment où les citoyens semblent ne parler que de leurs droits et plus de leurs devoirs, de vouloir rétablir l'éducation civique ? (Applaudissements sur tous les bancs)

Je sais, Monsieur le ministre, que vous aimez la lecture de Platon et que, comme lui, vous pensez que chacun a droit à sa part de beauté. C'est peu dire que ces réformes valent que l'on en débatte, et je sais que remuer l'Education nationale constitue le dernier des travaux d'Hercule. Pourquoi la représentation nationale, élue pour examiner les questions les plus importantes de la vie de la nation et qui, trop souvent, se limite à débattre du sexe des anges, ne débattrait-elle pas de la réforme des lycées ? (Applaudissements sur tous les bancs)

M. Claude Allègre, ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie - Je vous sais gré, Monsieur le député, d'avoir exprimé le soutien de votre groupe à la réforme des lycées et je vous remercie des applaudissements que vous avez suscités sur tous les bancs. Le sujet intéresse toute la représentation nationale : quoi de plus normal, puisque le lycée est un élément essentiel de notre système éducatif.

Replacer les choses dans une perspective historique permet de constater que les gouvernements successifs (Approbation sur de nombreux bancs du groupe UDF, du groupe du RPR et du groupe DL) et le corps enseignant ont su répondre au défi démographique. Je rappellerai pour mémoire que lorsque ma génération était sur les bancs de l'école, le nombre des lycéens était le même que celui des professeurs d'aujourd'hui. Aucun autre système, privé ou public, n'aurait pu mener à bien une opération de pareille ampleur, et c'est tout à l'honneur du service public républicain d'y être parvenu (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste et du groupe RCV).

Mais la stabilisation démographique ne doit pas nous faire renoncer à l'effort qui doit à présent garantir la qualité pour tous, dans la reconnaissance de la diversité des talents. La difficulté d'enseigner est plus grande aujourd'hui qu'elle ne l'était dans le passé, pour des raisons que nous connaissons tous. Il nous faut donc aider simultanément les élèves et les enseignants et, pour cela, privilégier l'approfondissement des connaissances plutôt que le saupoudrage et donc en revenir aux connaissances fondamentales, celles qui permettent, aussi, de maîtriser les outils de la vie actuelle.

Telle est l'idée qui sous-tend la réforme, qui se mettra en place grâce à l'esprit d'initiative et à l'imagination des enseignants. Le Gouvernement a toujours été partisan du débat, et la discussion qui a eu lieu au sein de la commission des affaires culturelles a déjà été très bénéfique, puisqu'elle a permis au Gouvernement d'intégrer dans son projet plusieurs propositions faites par les parlementaires. Le débat pourra reprendre dès que le Parlement l'estimera nécessaire. Pour sa part, le Gouvernement est favorable à une participation massive à ce qu'il tient pour une réforme essentielle pour l'avenir du pays (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe RCV).

ALLOCATIONS DU FONDS DE SOLIDARITÉ LOGEMENT À LA RÉUNION

M. Claude Hoarau - Dans le cadre de la loi sur la lutte contre l'exclusion, l'Etat a augmenté de 45 % le budget du fonds de solidarité-logement. La répartition des dotations ainsi accrues doit se faire, conformément à la loi, en tendant compte de trois critères : le poids démographique de la région considérée, le nombre de logements locatifs sociaux et celui des RMistes. Or, à la Réunion, l'augmentation de la dotation n'est pas ce qu'elle devrait être, ce qui est d'autant plus regrettable que les sommes versées par l'Etat déterminent les subventions de la collectivité territoriale.

Nous souhaitons que la dotation soit strictement répartie en fonction des critères déterminés, afin que l'augmentation prévue par la loi ne se limite pas à 20 % à la Réunion.

M. Louis Besson, secrétaire d'Etat au logement - Il me semble plus agréable de rencontrer quelques difficultés dans la répartition des crédits en augmentation que de devoir gérer la pénurie ! Les problèmes que vous avez évoqués tiennent pour partie à la lourdeur des procédures et de grands progrès ont déjà été accomplis à la Réunion en la matière, puisque la durée nécessaire à l'examen des dossiers a été réduite de moitié. Quant à l'enveloppe elle-même, elle a très fortement augmenté depuis 1997. Mais il se trouve que les notifications de besoins faites aux préfets varient de + 5 % à + 100 %. Ils ont donc été invités à confronter les dossiers qui leur sont transmis à la réalité sur place et, pour cela, à écouter les diverses personnes intéressées. La question est d'autant plus épineuse que certains conseils généraux ont déjà fait savoir qu'ils ne seraient pas en meure de s'aligner sur une dotation doublée par rapport au dernier exercice.

Le ministre de l'équipement, des transports et du logement, qui va se rendre très prochainement à la Réunion, et moi-même, serons particulièrement attentifs à cette question et nous aurons à coeur de trouver la réponse la mieux ajustée aux possibilités de tous.

M. le Président - Nous avons terminé les questions au Gouvernement.

La séance, suspendue à 16 heures 10, est reprise à 16 heures 20, sous la présidence de M. Paecht.

PRÉSIDENCE DE M. Arthur PAECHT

vice-président


Top Of Page

RISQUES MINIERS

L'ordre du jour appelle la discussion de la proposition de loi, adoptée par le Sénat, relative à la responsabilité en matière de dommages consécutifs à l'exploitation minière et à la prévention des risques miniers après la fin de l'exploitation.

M. Christian Pierret, secrétaire d'Etat à l'industrie - La fermeture des grands bassins miniers pose des problèmes humains, techniques et juridiques qui appellent des mesures législatives urgentes. En effet notre code minier avait été essentiellement rédigé pour accompagner le développement de l'exploitation des mines, qui était à l'époque l'un des principaux piliers de notre développement industriel et économique. Aujourd'hui, nous devons définir le cadre technique, juridique et administratif dans lequel seront exercées toutes les responsabilités qui devront perdurer après la fin de l'exploitation, pendant des périodes qui peuvent être très longues : la surveillance et la prévention des risques d'affaissements miniers en particulier ; la gestion des eaux après la fin de l'exploitation ; le dédommagement des dégâts causés par les séquelles minières.

L'ancien code minier supposait l'absence de séquelles après les travaux de fermeture ; il faut donc, en premier lieu, reconnaître leur existence. Il faut ensuite renforcer la responsabilité de l'ancien exploitant, en clarifiant le champ de sa responsabilité civile, dans le prolongement de la jurisprudence actuelle. Enfin, il faut garantir l'indemnisation des victimes : la détresse des sinistrés a renforcé ma conviction qu'il y avait là une obligation de solidarité nationale, dont le principe doit être inscrit dans la loi.

Les groupes parlementaires, tant du Sénat que de l'Assemblée nationale, conscients de la nécessité de réformer le code minier, ont tous déposé des propositions de loi. Il est, en effet, urgent d'agir : c'est aujourd'hui, au moment de la fermeture des mines, que doit être organisé l' "après-mine" ; et les accidents qui se sont produits à Auboué, à Moutiers, plus récemment encore à Moyeuvre, ont révélé de manière dramatique les insuffisances actuelles.

Au-delà des problèmes techniques qui relèvent de la législation minière, le Gouvernement est conscient des difficultés économiques et sociales dont souffrent les bassins concernés ; c'est la raison pour laquelle j'ai travaillé à une réorganisation du fonds d'industrialisation du bassin minier, pour qu'il soit mieux adapté aux besoins.

Dès ma prise de fonctions, j'ai demandé à mon administration un travail en profondeur et j'ai confié à un ingénieur général des mines, M. Dominique Petit, le soin de faire une analyse détaillée de la situation. A partir de son constat et ses propositions, j'ai fait une première communication en conseil des ministres dès janvier 1998. Les directions de mon ministère ont rédigé un projet de loi qui a ensuite été examiné par le Conseil général des mines, avant de faire l'objet de discussions interministérielles. Après examen en Conseil d'Etat au début de 1999, le Conseil des ministres a finalement adopté le projet de loi modifiant le code minier le 20 janvier dernier. Je sais que les délais ont paru longs sur le terrain, mais je puis vous assurer qu'ils ont été mis à profit ; il n'était pas possible de brûler les étapes.

La proposition de loi qui vous est soumise est le fruit d'un travail collectif entrepris dans un esprit constructif, pour traiter dans la dignité, l'équité et avec efficacité les difficiles problèmes posés par l'après-mine. La volonté d'agir l'a emporté sur les divergences traditionnelles lors de l'examen en première lecture au Sénat le 28 janvier dernier. Ce texte, qui constitue la synthèse consensuelle des propositions des groupes parlementaires et du projet gouvernemental, pose des principes essentiels et met en place un dispositif qui répond aux préoccupations soulevées sur tous les bancs de cette Assemblée. Immédiatement opérationnel, il sera, si vous l'adoptez, appliqué sans délai.

Il garantit l'indemnisation des victimes touchées par un affaissement minier, y compris celles qui sont liées par une clause minière d'exonération de responsabilité de l'exploitant ; il définit une nouvelle procédure de fermeture des mines qui renforce les contraintes de l'exploitant et qui, pour la première fois, reconnaît et traite le problème de séquelles minières ; il instaure un dispositif de surveillance des risques résiduels de l'activité minière par l'Etat, avec l'appui d'une agence spécialisée.

Des amendements, je le sais, tendent à améliorer encore les garanties offertes aux victimes. Ce n'est qu'en cas de nécessité absolue que le Gouvernement leur opposerait l'article 40.

Les adjectifs "soudain" et "substantiel" ont suscité une inquiétude que je tiens à dissiper. "Soudain" ne doit pas être sur-interprété. Les affaissements qui se sont produits à Auboué, à Moutiers, à Moyeuvre, comme ceux qui pourraient se produire dans des conditions comparables sont des affaissements soudains au sens du texte de loi.

M. Marc Dolez - Très bien !

M. le Secrétaire d'Etat - Le décret d'application, je m'y engage, sera parfaitement clair sur ce point.

De même pour "substantiel". Les dommages sont bien substantiels, quand les victimes n'ont plus de toit ou doivent être évacuées et que, sans l'intervention de l'Etat au titre de la solidarité, elles n'auraient plus de quoi se loger. Partout, comme à Moutiers, Auboué ou Moyeuvre Grande, l'Etat joue et jouera son rôle de garant.

Ces deux adjectifs, soyez-en sûrs, ne cachent aucune intention, aucune interprétation contraires, aucune amodiation de l'engagement moral pris par l'Etat. Je l'ai écrit au rapporteur, au président de la commission, aux députés aussi qui s'inquiétaient.

La proposition aboutira à faire progresser considérablement notre droit minier. Elle est attendue, vous le savez mieux que moi, dans le Nord-Pas-de-Calais, l'Alsace et la Lorraine, ailleurs encore. Ne nous privons pas de la possibilité de disposer dès les prochains jours d'un dispositif juridique complet et novateur. C'est dans cette perspective que le Gouvernement a accepté de réserver une fenêtre dans l'ordre du jour prioritaire, afin d'aboutir dès ce soir.

Cette proposition consensuelle témoigne de la capacité du Parlement et du Gouvernement de se réunir pour résoudre de graves problèmes humains. Ni l'un ni l'autre ne cherche aucun avantage politique, puisque le texte définitif formera la synthèse des propositions et du projet. Les personnes concernées par les séquelles de l'activité minière, presque toujours d'origine modeste, ne comprendraient pas que nous ne parvenions pas à les faire bénéficier tout de suite de toutes les garanties figurant dans le texte. Un vote conforme est seul en mesure d'apporter une réponse immédiate à la détresse des populations. A défaut, nous risquerions de provoquer un allongement indéterminé des délais, pouvant s'étendre sur plusieurs années. Chacun reconnaît l'urgence à légiférer. Sachons y répondre comme le Sénat l'a fait : l'unanimité. Je compte sur l'Assemblée. Les populations attendent (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe RCV).

M. Jean-Yves Le Déaut, rapporteur de la commission de la production - Les élus des bassins miniers du Nord-Pas-de-Calais, de Lorraine et aussi de Bourgogne ont réfléchi depuis longtemps aux modifications législatives à apporter au code minier, la loi du 15 juillet 1994 ayant représenté une première avancée. En 1996 et 1997, à Auboué, Moutiers, et aussi Sanvignes en Bourgogne, des centaines de maisons se sont effondrées en quelques minutes, leurs habitants devant être évacués précipitamment. Les conséquences de ces catastrophes ont été douloureuses, provoquant de véritables traumatismes.

Certes, la loi de 1994, qui frappe de nullité d'ordre public les clauses exonérant l'exploitant de sa responsabilité lorsqu'elles sont incluses dans des contrats de mutation de son patrimoine immobilier, représente un réel progrès. Mais des difficultés subsistent, comme l'ont montré les événements d'Auboué et de Moutiers. Dans un premier temps, en effet, ni l'Etat ni l'exploitant n'ont voulu indemniser les propriétaires qui avaient signé une clause d'exonération. Un an après les effondrements, rien n'était résolu. Deux semaines après votre nomination, Monsieur le ministre, vous êtes venu sur place constater les dégâts, et 190 millions ont été versés à ces deux communes. Soyez-en remercié. Ces difficultés ont suscité nombre de propositions de loi et de travaux, en particulier de la part de l'association des communes minières, présidée par M. Kucheida, et des associations de défense.

Le présent texte tend d'abord à clarifier la responsabilité de l'exploitant minier et à affirmer le principe de la solidarité nationale. Il institue un droit à l'indemnisation des propriétaires ayant souscrit une clause d'exonération de responsabilité de l'exploitant en cas d'affaissement minier. Cette indemnisation sera assurée par l'Etat, que les contrats de vente comportent ou non une telle clause. Elle devra être rapide. Le sera-t-elle aussi en cas de litige entre l'exploitant et l'Etat sur la responsabilité de l'affaissement ?

L'indemnisation doit en tout cas permettre au propriétaire de recouvrer dans les meilleurs délais la possession d'un immeuble de qualité équivalente.

En deuxième lieu, le texte reconnaît les séquelles de l'exploitation minière, et propose des méthodes de gestion de l'après-mine. Il rend plus sévères les conditions d'arrêt des exploitations. Ces dispositions nouvelles s'appliquent-elles aux procédures d'arrêt et de renonciation en cours ?

Le texte impose également à l'exploitant l'étude de mesures de surveillance et de prévention après les travaux de fermeture. Il organise le transfert à l'Etat, dans des conditions précises, de la surveillance et de la gestion des risques résiduels à l'expiration du titre minier.

S'agissant de la gestion des eaux, l'exploitant devra transférer aux collectivités locales qui le demandent les installations de pompage encore utiles après la fin de l'exploitation.

Pourront être mis en oeuvre des plans de prévention des risques miniers, analogues aux plans de prévention des risques naturels. Comme M. Kucheida et moi l'avions demandé, un établissement public chargé de l'après-mine sera créé. Pouvez-vous nous préciser son mode de fonctionnement ?

Enfin, le texte simplifie les procédures d'application de la police des mines, en ouvrant une procédure d'arrêt partiel des travaux.

Cependant des problèmes demeurent, que j'ai constatés lors d'auditions ou en me rendant à Montois-la-Montagne ou à Moyeuvre-Grande.

Le texte adopté par le Sénat donne du sinistre minier une définition restrictive, qui pourrait exclure du champ de l'indemnisation de nombreuses populations dont l'habitat se détériore du fait d'affaissements progressifs. Le Gouvernement a indiqué que les sinistres se produisant en quelques mois et provoquant l'évacuation des habitations sont à considérer comme soudains, mais le juge sera-t-il tenu par cette interprétation ? Et ne risque-t-il pas de considérer le délabrement des galeries, du fait de l'ennoyage par exemple, comme une cause naturelle ?

La notion de dommage substantiel, innovation juridique, fait également problème. Des précisions s'imposent donc afin d'éviter tout contentieux et tout retard d'indemnisation.

La nouvelle rédaction de l'article 75-1, qui étend la responsabilité de l'exploitant minier au-delà de l'expiration de son titre, comporte un risque financier important, et nous craignons que les exploitants concernés se retournent contre l'Etat en invoquant le non-respect de la police des mines dans les années antérieures. Que fera le Gouvernement si les compagnies d'assurances refusent, à l'avenir, de garantir ce risque ?

La définition du périmètre d'affaissement est elle-même source de contentieux. Il est souhaitable que tous les habitants d'un quartier dévasté soient indemnisés, que leur logement ait été touché directement ou non. Le Gouvernement doit également s'engager à soutenir les collectivités locales handicapées par le retrait des investisseurs à la suite de catastrophes minières : les communes d'Auboué et de Moutiers, par exemple, sont financièrement exsangues. A Homécourt, la simple vente d'un terrain a donné lieu à des controverses juridiques entre les deux parties. Quelles dispositions seront prises, s'agissant de la DGE ou de la DGF, en faveur des communes auxquelles l'autorité publique impose des contraintes et des servitudes nouvelles ?

Enfin, l'indemnisation des artisans, commerçants et professions libérales qui connaîtraient une baisse de leur chiffre d'affaires est à envisager, par exemple grâce à un élargissement des missions du FISAC ou à une baisse, compensée, de la taxe professionnelle et de la taxe d'habitation.

Ce projet doit être adopté sans tarder afin de répondre à la détresse de centaines de personnes, qui attendent une indemnisation rapide. Il est indispensable, en outre, que le Gouvernement précise sa position sur chacun des points que je viens d'évoquer et s'engage à communiquer au Parlement les décrets d'application avant leur publication. Les combats menés à Moutiers et à Auboué ont permis l'élaboration d'un texte satisfaisant, qui marque une avancée très importante, et je salue la détermination des associations et des élus des communes sinistrées, mais nul ne comprendrait, si par malheur un effondrement de grande ampleur survenait en Lorraine ou ailleurs, que les dommages ne soient pas entièrement pris en charge. Les sinistrés d'aujourd'hui sont les descendants des mineurs qui ont contribué à l'essor industriel de la France, et dont certains ont laissé leur vie au fond des mines. Ils ne font que demander la juste reconnaissance de leurs droits et l'expression de la solidarité nationale (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe RCV).

MM. Léonce Deprez et Denis Jacquat - Très bien !

M. Jean-Pierre Kucheida - En 1810, la représentation nationale adoptait le premier code minier, exorbitant du droit commun tant l'enjeu était vital pour le développement économique et social de la France. La richesse de son sous-sol et le labeur de plusieurs générations ont ainsi permis à notre pays de se hisser au quatrième rang des grandes puissances industrielles, même si, depuis, les évolutions intervenues dans le domaine énergétique et l'épuisement des gisements ont entraîné le déclin irréversible de l'exploitation minière. Dans certaines régions, les incidences de la mono-activité extractive ont marqué durablement l'économie, les hommes et les territoires, et son arrêt a ouvert un nouveau grand chantier : celui de l'environnement et du cadre de vie.

Lorsque j'ai créé en 1990, avec quelques amis, l'association des communes minières de France, celle-ci s'est immédiatement préoccupée du traitement des désordres miniers, de la réparation des dommages et de la reconquête des territoires dégradés. Il est tout aussi impensable de laisser les eaux envahir ceux-ci que d'accepter les conclusions du rapport Lacaze, qui préconisait en 1987 de détruire 40 000 logements miniers.

Les assises de Montceau-les-Mines ont mis en évidence, en 1991, l'ampleur des conséquences géologiques et hydrauliques de l'exploitation du sous-sol, et le colloque européen organisé à Nancy l'année suivante a démontré la nécessité de nouvelles dispositions législatives. En 1994, le Parlement a adopté à l'unanimité une première réforme du code minier, qui a notamment posé le principe de la présomption de responsabilité de l'exploitant pour les dommages causés par son activité.

Il convient cependant d'aller plus loin, car les exploitants miniers, malgré l'évolution de la loi et de la société, se sont enfermés dans une logique proche de celle qui prévalait au siècle dernier : absence de concertation, attitude proche du mépris envers les élus locaux et les populations. Ce comportement a été sanctionné, du reste par les tribunaux à partir de 1996 : à Lille, à Strasbourg, à Dijon. L'intervention de l'Etat est indispensable pour apporter satisfaction aux victimes d'affaissements, que ceux-ci soient soudains ou progressifs. Le texte adopté par le Sénat en première lecture comporte des avancées évidentes, mais nous attendons du Gouvernement quelques précisions.

Il est bon que la loi institue une garantie d'indemnisation des affaissements, soit par la mise en jeu de la responsabilité civile de l'exploitant, soit, si celui-ci est défaillant, par le transfert de sa responsabilité à l'Etat. La clause d'exonération de responsabilité introduite avant la loi de 1994, cependant, était fréquemment invoquée par les exploitants pour opposer une fin de non-recevoir. Même si le Gouvernement n'a pas retenu la solution qui consisterait à rendre la loi de 1994 rétroactive, l'article premier permet de lever cet obstacle. Pour autant, il importera de dissiper toute ambiguïté sur son interprétation, pour ne pas réduire la portée de ce texte.

Nous nous réjouissons aussi que la proposition confirme la présomption de responsabilité de l'exploitant en précisant que cette responsabilité ne se limite pas au périmètre de la concession et qu'elle n'a pas de limite dans le temps. Avec l'article 2 qui définit les modalités de calcul de l'indemnisation, cette disposition évitera bien des interprétations préjudiciables aux victimes.

S'agissant du deuxième volet, c'est-à-dire de la prévention des risques après l'arrêt de l'exploitation, il serait souhaitable que l'agence de prévention et de surveillance soit créée sous la forme d'un établissement public : la transparence y gagnerait. En outre, cette agence devrait avoir des antennes dans chaque grand bassin et les conseils généraux et régionaux devraient être, le cas échéant, associés à sa gestion. Enfin, il serait bon que les associations de communes minières puissent être représentées dans les conseils d'administration.

S'agissant de la procédure d'arrêt de travaux, nous vous remercions d'avoir accepté d'intervenir par partie, comme nous le demandions. Pendant cinq ans, nous n'avons pu aménager des sites pourtant conformes ni y créer des emplois ! Il n'en sera plus de même désormais mais peut-être faudrait-il préciser que cela doit se faire en liaison avec les collectivités concernées.

Pour ce qui est du transfert de la propriété des installations hydrauliques, il conviendrait de prévoir expressément qu'il ne se fera que si les collectivités le souhaitent.

En ce qui concerne la surveillance des risques miniers, il doit être clair que l'ensemble des risques doit être pris en compte car ils peuvent varier selon le bassin et la nature géologique des sols.

A l'article 6, nous souhaitons que l'indemnisation soit identique pour les habitants du périmètre de concession et pour les victimes de désordres plus étendus. En outre, en cas d'expropriation, l'indemnisation devrait être calculée selon la méthode déjà utilisée à Auboué et à Moutiers.

Pour les travaux ou concessions en cours, se pose un problème : que faire par exemple quand, comme à Moyeuvre-Grande, l'abandon a été signé le 17 décembre dernier, ce qui impliquerait de renoncer à toute surveillance ?

A l'article 91, je souhaite que vous reveniez sur la notion d'affaissement "soudain".

Cette proposition marque un progrès incontestable et plus vite nous l'approuverons, mieux cela vaudra pour les populations, sous réserve que soient apportées les précisions que je viens d'énumérer.

Toutefois, l'efficacité de la loi dépendra de ses textes d'application. Je vous demande donc d'associer les élus et les associations représentatives des communes minières à la rédaction de ces décrets, comme cela avait été fait en 1994. En outre, ces textes devraient être publiés dans un délai de six mois.

Au bénéfice de ces précisions et de ces engagements, le groupe socialiste votera cette proposition car il n'entend pas lâcher la proie pour l'ombre ! Ce texte permettra aux habitants de faire valoir leurs droits et nous remercions le Gouvernement de l'hommage ainsi rendu aux régions minières qui, ayant fait la France d'aujourd'hui, feront encore la France de demain (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe RCV).

M. Léonce Deprez - Il est bon que, sur tous les bancs de cette Assemblée, on exprime la même volonté de défendre les régions minières : j'ai en effet le sentiment que la France n'a pas suffisamment conscience de ce qu'elle leur doit. On devrait mieux l'expliquer à tous les jeunes de notre pays. Cette contribution à notre alimentation en énergie et à notre industrialisation a pourtant laissé des traces : sur la santé des hommes et sur les paysages.

Nous n'avons pas fini de rembourser la dette due à ces compatriotes, mais nous n'avons pas fini non plus de payer la note des risques et des dégâts consécutifs à l'abandon des mines. Il faut donc féliciter le Sénat d'avoir pris l'initiative d'exprimer la solidarité de la nation à l'égard de ces régions. Quant à moi, élu de la région Nord-Pas-de-Calais et natif du bassin de Béthune, je ne pouvais me dérober à ce débat.

Vous aviez promis cette réforme du code minier le 28 janvier 1998, Monsieur le secrétaire d'Etat, et je sais bien que vous ne l'aviez pas oubliée. Mais l'initiative du Sénat nous permettra de ne pas attendre davantage. Nos communes enregistrent chaque mois de nouveaux dégâts, comme l'ont rappelé le sénateur Rausch et, ici même, notre collègue Kucheida.

Un siècle d'exploitation des mines, puis leur abandon, ont provoqué des dégâts énormes à l'environnement et ces séquelles posent des problèmes juridiques complexes, à tel point que je me suis souvent demandé pourquoi, à une époque où l'on se préoccupe tant d'écologie, on ne commençait pas le travail par là. Les nuisances affectent des quartiers entiers, obligent à des efforts considérables de réaménagement et de rénovation, pour ne pas parler du problème de la gestion des eaux. Or on prend trop souvent le sujet par le petit bout de la lorgnette...

Il faut aussi rappeler que, s'ils sont progressifs et homogènes pendant la première année qui suit l'arrêt de l'exploitation, les affaissements de terrains se poursuivent par la suite, compromettant la solidité des immeubles dans des rues entières. Les adjectifs "soudain" qualifiant ces affaissements, et "substantiel" qualifiant les dégâts, auront besoin d'être précisés dans les décrets d'application, si l'on veut rester fidèles à la volonté exprimée massivement par la commission.

En vertu de l'article 75-1 du code minier, le code des assurances ne s'applique pas aux affaissements miniers. Certes, la jurisprudence fait obligation à l'exploitant de réparer les dommages, en se fondant sur la responsabilité générale du fait des choses inanimées posée par l'article 1 384 du code civil, mais les compagnies minières ont inséré dans les actes de vente une clause dite minière, les exonérant des conséquences de leur exploitation. Le prix de vente des biens en était réduit, mais il est tout de même heureux que l'article 17 de la loi du 17 juillet 1994 ait frappé cette clause de nullité d'ordre public lorsqu'elle figurait dans un contrat de mutation immobilière conclu avec une collectivité locale ou une personne physique non professionnelle. Mais, la loi ne disposant que pour l'avenir, cette disposition ne vaut que pour les actes de vente postérieurs au 15 juillet 1994. Aujourd'hui, la gravité des dommages causés entre 1996 et 1998 par les affaissements des mines de fer, mais aussi ceux qui ont affecté le bassin minier du Nord-Pas-de-Calais, justifie un vote consensuel de l'Assemblée après celui du Sénat. Il s'agit de combler, sans plus perdre de temps, les vides juridiques du code minier quant à la responsabilité à long terme de chacun des partenaires : Charbonnages de France dans le Nord-Pas-de-Calais, propriétaires fonciers, communes, Etat.

La proposition de loi institue la garantie par l'Etat de l'indemnisation dans les meilleurs délais ; d'autre part, lorsque les clauses d'exonération ont été valablement insérées, l'Etat indemnisera les dommages directs et substantiels qui n'auraient pas été couverts par une autre contribution. La proposition crée en outre une agence de prévention et de surveillance des risques miniers, chargée de recueillir les données techniques et d'établir les plans de protection.

Toutefois, comme je l'ai indiqué en commission, et comme l'a dit M. Kucheida, il faut aller plus loin, et adopter des mesures de grande ampleur pour réparer les dégâts qu'a subis le territoire des communes minières, mais aussi les conséquences qui en résultent pour leur vie économique. A l'instar de la DSU et de la DSR, ne faut-il pas envisager une "DSCM", une dotation de solidarité pour les communes minières ? Elle permettrait à l'Etat d'assurer pendant dix ans au moins la réparation des dégâts résultant de l'arrêt des exploitations minières. Je suis effaré de voir à quel point on est peu conscient des efforts gigantesques qu'exigera pendant encore dix, vingt, trente ans peut-être le réaménagement du territoire de ces communes. C'est la DRIRE qui a vocation, nous a-t-on répondu en commission, à assurer la mémoire des dégâts. Quelle responsabilité !

Il est donc nécessaire, après le vote de cette loi auquel s'associera le groupe UDF, de créer un groupe d'études chargé de proposer au Gouvernement une politique nationale exprimant la solidarité des Français envers ces communes, qui ont assuré la vitalité de l'industrie française avant et après les deux guerres. Il s'agit non seulement de réparer les dégâts causés par un siècle d'exploitation minière, mais de permettre la reconquête de ces territoires pour qu'ils s'ouvrent à une vie nouvelle. Voilà dans quel esprit nous voterons ce texte.

M. Roger Meï - De nombreuses régions, qui se relèvent avec peine de l'arrêt des activités minières et sidérurgiques, sont à nouveau durement frappées, en raison cette fois des affaissements de terrains liés à l'exploitation du sous-sol. Si ce phénomène n'est pas nouveau, il a pris une ampleur sans précédent depuis la fermeture des puits, particulièrement dans le bassin lorrain. Sans aucune mesure préventive, les exploitants ont cessé l'entretien des galeries et le pompage des eaux de ruissellement. Dès lors le bassin ferrifère lorrain a vu se multiplier les affaissements. En dépit des alertes et des mises en garde, les gouvernements successifs ont ignoré le problème, laissant de nombreux habitants dans l'incertitude et la détresse.

En novembre 1996 et en mai 1997, des effondrements d'une gravité sans précédent ont frappé les villes d'Auboué et de Moutiers, obligeant plusieurs dizaines d'habitants à évacuer d'urgence leurs maisons. Devant ce drame, différents groupes du Sénat ont déposé des propositions afin de permettre l'indemnisation des victimes, la première d'entre elles à l'initiative du groupe communiste. Je salue le rôle de l'association des communes minières dans l'élaboration de ces propositions. Le Gouvernement, qui travaillait de son côté à une réforme du code minier, s'est joint à l'initiative parlementaire par une série d'amendements. C'est donc un texte différent de celui du Sénat qui nous est soumis. Il comporte deux volets, l'un sur l'indemnisation des victimes, l'autre sur la gestion des risques subsistant après l'arrêt des exploitations.

Nous regrettons d'ailleurs qu'on n'ait pas abordé le problème presque identique de l'exploitation des carrières souterraines, qui a elle aussi fragilisé les sous-sols, entraînant des dommages pour las bâtiments. Là aussi des règles d'urbanisme contraignantes sont imposées aux communes et aux particuliers. Nous avons donc proposé d'inscrire dans cette loi une disposition qui en étendait les effets aux carrières souterraines, mais notre proposition a été déclarée irrecevable.

Pour revenir aux exploitations minières, les affaissements d'Auboué et de Moutiers ont mis en lumière l'insuffisance du droit des victimes à l'indemnisation. Les habitants n'ont pu en effet se retourner contre les sociétés minières pour obtenir réparation du dommage subi, car ces dernières avaient inclus dans la plupart des contrats de vente une clause les exonérant de toute responsabilité en cas de désordres futurs. Malgré le caractère abusif et scandaleux de telles clauses, la cour de cassation les a jugées valables, privant les victimes de tout recours en responsabilité. A l'initiative du groupe communiste, le 15 juillet 1994, une loi frappant ces clauses de nullité d'ordre public a été votée. Mais la plupart des contrats de vente ont été conclus avant la date de son entrée en vigueur, et nombre de clauses demeurent valables. La présente proposition prévoit donc que, dans ce cas, l'Etat se substituera à l'exploitant minier pour indemniser les victimes. Même si nous aurions préféré ne pas exonérer les exploitants miniers de leur responsabilité, nous nous félicitons de l'adoption par le Sénat d'une telle disposition, propre à apaiser l'inquiétude de centaines de foyers, et de l'accord du Gouvernement.

Cependant, sur certains points, l'ambition du texte n'est pas à la hauteur des besoins. Ce sentiment est largement partagé par les collectifs de défense, qui regroupent 129 communes concernées par les affaissements miniers, et dont je salue l'action, notamment auprès des victimes. Je vous remettrai d'ailleurs, Monsieur le secrétaire d'Etat, des pétitions transmises par le collectif de défense, dans lesquelles les populations concernées expriment leur inquiétude.

En premier lieu, les conditions d'indemnisation des victimes sont insatisfaisantes. En effet, un amendement du Gouvernement limite cette indemnisation aux seuls dommages "substantiels". Ce terme peut, au gré des interprétations, recouvrir des réalités très diverses. Or les victimes, déjà durement touchées par les sinistres, ne doivent pas subir en outre les aléas inhérents à toute interprétation, d'autant que la limitation de l'indemnisation aux seuls dommages substantiels apparaît totalement injustifiée. En effet, les dégâts ne résultent pas d'une catastrophe naturelle imprévisible, mais d'une activité industrielle bien déterminée : l'exploitation minière, source de prospérité pour l'économie de notre pays et de richesse pour certains particuliers durant des décennies.

Non moins inadmissible est la volonté du Gouvernement de restreindre l'indemnisation aux dommages causés par des affaissements qualifiés de "soudains", alors que les affaissements sont généralement lents et progressifs. Dès lors qu'ils ont pour origine un effondrement de terrain consécutif à l'exploitation minière, les victimes doivent bénéficier du droit à réparation prévu par la loi, même si l'affaissement s'étale dans le temps. Votre interprétation du terme "soudain", Monsieur le ministre, va à l'encontre des dictionnaires : à vous entendre, il désigne quelque chose qui se fait doucement...

De même, il serait juste que la loi tienne compte des préjudices indirects subis par les commerçants, artisans et autres professionnels, qui risquent d'aggraver la situation économique déjà difficile du bassin minier. Ne nous voilons pas la face : au-delà du problème de l'indemnisation au cas par cas des victimes, se profile déjà celui des conséquences à long terme des affaissements miniers, pour les collectivités locales et l'ensemble de la population. Or le texte élude la question du devenir des territoires concernés. Certes des mesures préventives sont envisagées pour garantir la sécurité. Mais elles consistent en servitudes d'urbanisme, qui vont pénaliser le développement et l'aménagement des communes. Ainsi, dans une commune comme Joeuf, qui a 8 000 habitants et dont le territoire est classé en zone à risque, leur mise en oeuvre rendra impossible le renouvellement du tissu urbain. Et l'on pourrait multiplier les exemples. Or la loi n'ouvre aucune perspective d'indemnisation des effets de telles servitudes d'urbanisme. Des communes risquent ainsi de voir des parties entières de leur territoire devenir inutilisable, sans aucune compensation. Nous refusons qu'elles se retrouvent ainsi exsangues et abandonnées. Mais notre amendement sur ce point n'a pas été jugé recevable.

Par ailleurs, si nous approuvons la création d'une agence chargée du suivi et de la prévention des risques miniers, sa composition ne garantit pas une totale transparence. A nos yeux, l'association de tous les acteurs locaux est indispensable pour garantir une gestion efficace des conséquences de l'arrêt de l'exploitation minière. On accroîtrait également la transparence en confiant la surveillance au niveau local à des établissements publics départementaux ou interdépartementaux émanant de l'Agence nationale, plutôt qu'à l'autorité administrative.

Enfin, le texte est muet sur l'avenir économique et social des communes minières du bassin sidérurgique et ferrifère lorrain. A ces communes qui subissent encore les séquelles de la liquidation des mines et de la sidérurgie, les risques miniers portent à présent un nouveau et rude coup. Le préjudice subi est immense, et l'on peut craindre que les quelques sinistres constatés ne soient que les prémices d'une catastrophe de plus grande ampleur. Comment ces dizaines de communes, handicapées par des servitudes d'urbanisme, retrouveraient-elles un second souffle ? Comment éviter qu'une région entière pâtisse de l'image négative que lui donnent les affaissements miniers ? On ne saurait accepter que la Lorraine, non plus que les autres bassins concernés, se débattent seuls face aux conséquences d'une exploitation qui, durant près d'un siècle, aura largement profité à quelques grands groupes privés, et contribué à la prospérité de l'Etat français.

La création d'une dotation particulière en faveur des communes minières représenterait donc plus qu'un geste de solidarité nationale : elle permettrait à toute une population de bâtir un pont entre un passé prospère et un avenir incertain.

Mais si nous sommes parfaitement conscients de la nécessité d'indemniser rapidement les victimes, les nombreuses insuffisances du texte rendent indispensables certaines modifications. En toute hypothèse, l'indemnisation des victimes ne pourra intervenir avant quelques mois, et l'urgence ne saurait imposer un vote conforme si le texte doit être amélioré.

Par ailleurs, un grand nombre de nos amendements ont été déclarés irrecevables, par suite d'une interprétation extrêmement large de l'article 40 de la Constitution que nous avons toujours jugé inacceptable car il transforme le Parlement en une simple chambre d'enregistrement. Une telle décision ne saurait servir à éluder les véritables questions posées par l'arrêt de l'exploitation minière notamment celles de l'indemnisation des victimes et de l'avenir des régions touchées.

La présente proposition constitue un progrès, mais nous aurions aimé qu'elle fasse le tour de la question. Sans faire d'envolées lyriques, je me limiterai à souhaiter que la loi reconnaisse les droits des mineurs et de leurs descendants (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste).

M. Thierry Lazaro - La mine a fortement marqué certaines de nos régions, et la fermeture définitive de grands bassins miniers a provoqué de grands bouleversements sociaux, humains et économiques. S'ajoutent à cela les dommages consécutifs aux effondrements miniers, événements qui ont hélas ponctué la vie des régions minières. Le problème est, aujourd'hui, que l'exploitant n'exerce plus son activité et n'entretient plus l'outil de production.

Bien que la loi du 15 juillet 1994 ait permis de grandes avancées, l'arrêt de l'exploitation pose encore des problèmes juridiques, techniques et financiers. Cela se traduit, on le sait, par de véritables drames humains.

La présente proposition de loi était donc nécessaire et attendue, et je ne la pense pas de nature à raviver les clivages politiques. Ce texte précise la responsabilité de l'ancien exploitant minier et affirme le principe, au titre de la solidarité nationale, de l'indemnisation des victimes. Il rend plus contraignantes les conditions d'arrêt d'exploitation en exigeant la réalisation de travaux pour faire cesser ou prévenir les désordres prévisibles.

D'autres mesures, comme le transfert à l'Etat de la surveillance et de la gestion des risques résiduels, l'élaboration de plans de prévention des risques miniers ou la création d'un établissement public chargé de "l'après-mine", devraient contribuer à améliorer nettement la situation.

Je pense cependant important de revenir sur les réserves exprimées par les dirigeants de la société Usinor. On sait, en effet, que la nouvelle rédaction de l'article 75-1 du code minier étend la responsabilité de l'exploitant au-delà de la date d'expiration du titre minier. Dans ces conditions, le risque minier ne risque-t-il pas de devenir inassurable ? Dans ce cas, des provisions très importantes devront être prévues par toutes les entreprises concernées. Que se passera-t-il si les exploitants refusent d'assumer cette responsabilité en invoquant le non-respect de la police des mines pour les années antérieures, et se retournent contre l'Etat ? N'est-ce pas risquer la multiplication des contentieux et la lenteur des indemnisations ?

De plus, dans le cas spécifique d'Usinor, le bruit court que les sommes provisionnées lors de la privatisation sont de quatre à huit fois inférieures à ce qu'elles devraient être.

D'autre part, cette disposition ne risque-t-elle pas de pousser à des transferts d'activité sous des cieux moins regardants au détriment de l'emploi ?

Nous aimerions par ailleurs connaître votre sentiment sur la notion de périmètre.

Je partage, enfin, l'opinion de mes collègues sur l'indemnisation des artisans et commerçants : l'élargissement du champ d'intervention du FISAC pourrait effectivement être une réponse appropriée, mais une solution devra être trouvée, aussi, pour les professions libérales. Sur un tout autre plan, il paraît étrange d'accepter la notion de "soudaineté", qui figure à l'article premier, alors même que des effondrements ont ponctué la vie des régions minières, effondrements qui sont, de toute évidence, la conséquence d'une exploitation longue, modifiant de manière importante le sous-sol. Quant à la notion de dommages "substantiels", elle a un caractère manifestement restrictif. A n'en pas douter, ces données subjectives feront le bonheur des juristes aux dépens, je le crains, des victimes.

Avant de conclure, je voudrais évoquer le problème du transfert des installations hydrauliques aux collectivités locales ou aux établissements publics de coopération intercommunale compétents. On le sait, les houillères ont dû construire des stations de relevage des eaux, sans lesquelles des quartiers entiers disparaîtraient sous l'eau. Ainsi, le Douaisis a connu des inondations importantes liées à des problèmes de pompages. Mais ces machines ne sont plus de la première jeunesse et de nombreux élus locaux s'inquiètent de ce transfert, dans lequel ils voient une régression par rapport à la loi de juillet 1994, qui établissait que l'Etat assurerait définitivement toutes les séquelles de l'exploitation minière.

Attentif aux réponses qui seront apportées à ces questions, le groupe RPR votera le texte.

M. Jean Rigal - Le code minier n'a jamais tenu compte des désordres que pouvaient provoquer les exploitations minières, si bien que les conséquences des dommages ont été largement négligées, en dépit des avancées incontestables de la loi de juillet 1994. Les textes en vigueur ne permettent pas de régler les sinistres que l'on connaît et ils ignorent les problèmes liés à l'abandon des exploitations, à l'arrêt de l'exhaure et aux feux souterrains, à l'origine de nuisances importantes.

La proposition de loi adoptée par le Sénat va donc incontestablement dans le sens d'une meilleure prise en considération des risques liés à l'activité minière, en reconnaissant les séquelles de l'exploitation, en précisant la responsabilité de l'ancien exploitant et l'indemnisation des victimes, en simplifiant les procédures d'application de la police des mines.

Ce texte vise donc à une efficacité souhaitée par tous et en particulier par ces populations qui ont fait la politique énergétique de la France, bien souvent au péril de leur vie. C'est la solidarité de la nation qui s'exprime de la sorte.

Mais plusieurs problèmes importants subsistent. Tout d'abord, l'article premier définit de manière trop stricte le sinistre minier et l'indemnisation des dommages. En effet, le critère de soudaineté et la notion de dommage substantiel risquent de restreindre fortement le champ d'indemnisation des sinistres par l'Etat, donc de léser les victimes. De plus, leur caractère éminemment subjectif n'est pas satisfaisant.

Le second problème a trait à l'indemnisation du préjudice indirect subi par les commerçants, artisans et professions libérales victimes de pertes d'exploitation liées au sinistre. A ce sujet, j'approuve les propositions faites par le rapporteur d'élargir le champ d'intervention du FISAC et de rechercher un dispositif adapté pour les membres des professions libérales.

Je souhaite, enfin, aborder les obligations de l'exploitant en matière de réhabilitation et mise en sécurité des sites miniers. Actuellement, seules les communes sont consultées. La création d'une agence de prévention et de surveillance des risques miniers est positive, mais la composition de son conseil d'administration ne prévoit pas expressément la représentation des organisations syndicales et des associations de défense de l'environnement, qui s'en étonnent et s'en émeuvent. Quelles sont les intentions du Gouvernement en la matière ?

L'application de la future loi est subordonnée à la publication de plusieurs décrets, il y a urgence. Il conviendra de veiller à ce que la volonté du législateur soit pleinement respectée.

L'élu de bassin minier que je suis votera cette proposition de loi, en formant le voeu que notre discussion permette d'améliorer le texte adopté par le Sénat.

M. Franck Dhersin - Le 15 octobre 1996, à Auboué, les murs de plusieurs maisons se sont lézardés, des chaussées se sont déformées, des canalisations d'eau et de gaz se sont rompues. Le 18 novembre, des dégâts similaires se sont produits. Six mois plus tard, ce fut le tour de Moutiers : au total, quelque 190 logements ont été touchés. Ces dramatiques événements ont mis en lumière la nécessité de combler certaines lacunes.

Cette proposition de loi permettra de faciliter les indemnisations ainsi que la prévention et la surveillance des risques miniers. La législation avait été adaptée dès 1994 par Gérard Longuet, mais les dispositions proposées vont plus loin. Il semble qu'aussi bien à l'Assemblée qu'au Sénat un certain consensus se dégage ; je voudrais cependant souligner quelques faiblesses de ce texte.

La première tient à l'utilisation d'adjectifs peu précis. S'agissant des affaissements et accidents miniers, vous avez, Monsieur le ministre, levé d'une certaine manière l'ambiguïté sur l'adjectif "soudains" dans la lettre que vous avez adressée au rapporteur le 26 février dernier, et à nouveau il y a quelques instants. En ce qui concerne l'indemnisation des dommages, vous venez de préciser votre interprétation du mot "substantiels" ; j'espère qu'elle sera bien au bénéfice des victimes.

Autre problème : ce texte ne tient pas compte des problèmes spécifiques auxquels sont confrontés les commerçants, artisans et membres des professions libérales qui exercent leur activité à proximité de quartiers frappés par des effondrements miniers. Certes, ils ne subissent pas de préjudice immobilier direct, mais ils sont victimes de pertes d'exploitation, les communes touchées pouvant subir une forte réduction de la population. Leur indemnisation a été souhaitée par nos collègues sénateurs, mais le Gouvernement a invoqué l'article 40 de la Constitution. Vous pourriez peut-être faire un effort...

Troisième point : mon collègue Pierre Cardo a appelé mon attention sur les affaissements de carrières souterraines, dont les conséquences pour les personnes sont pratiquement identiques à celles des affaissements de mines. L'Etat ne semble pas avoir les moyens d'appliquer la loi vis-à-vis des particuliers. Quand le comblement d'une carrière est plus onéreux qu'une mesure d'expropriation, on exproprie ; quand il coûte moins cher, on ne fait rien, alors qu'il peut y avoir des risques. Le fonds créé pour compenser les expropriations pourrait plus utilement servir à la prévention.

Quelques mots, enfin, sur l'annulation rétroactive des clauses de contrats de mutation immobilière exonérant l'exploitant de la responsabilité des dommages liés à son activité minière. Cette disposition a été incluse dans le texte parce que celle adoptée à l'article 17 de la loi du 15 juillet 1994 ne vaut que pour les actes de vente postérieurs à cette date ; en rendant l'exploitant indéfiniment responsable, ne va-t-on pas décourager l'investissement en France ?

Il ne reste plus qu'un exploitant privé, USINOR. La rétroactivité implique que sa filiale Lormines supporte toute la responsabilité de l'exploitation minière depuis un siècle. Mais Lormines a été la propriété de l'Etat après la vague de nationalisations de 1982, avant d'être privatisée en juillet 1995 ; par cette mesure de rétroactivité, l'Etat s'exonère de la responsabilité des dommages.

Pourquoi le Gouvernement n'a-t-il pas présenté de projet de loi réformant le code minier, comme vous l'aviez annoncé, Monsieur le ministre, le 28 janvier 1998 ? Sans doute est-ce parce que le Conseil d'Etat aurait fait valoir que la rétroactivité est anticonstitutionnelle. Sont anticonstitutionnels l'alinéa 2 de l'article 75-1 du code minier, l'alinéa 3 de l'article 93 du même code et l'article 96 en tant qu'il s'y rapporte ; serait contraire à la Constitution l'introduction dans l'article 75-II d'une disposition frappant d'une nullité d'ordre public les clauses d'exonération de responsabilité stipulées dans les contrats de mutation immobilière conclus avant l'entrée en vigueur de la loi du 15 juillet 1994. Je tiens à votre disposition les conclusions de deux juristes de grande notoriété sur ce sujet.

Je conclus. Le problème humain lié aux dommages miniers a été résolu ; c'était bien la priorité. En ce qui concerne la sécurité juridique, mon constat est moins optimiste. USINOR représente quelque 12 000 emplois en Lorraine ; si elle est la "vache à lait" de l'indemnisation, il y a fort à parier qu'elle investira désormais hors du territoire national. La solidarité avec les victimes, oui ; mais nous devrions peut-être envisager d'autres sources de financement que les seules entreprises privées. Néanmoins, le groupe Démocratie Libérale votera bien sûr en faveur de ce texte.

M. Jean-Michel Marchand - Cette proposition de loi constitue une réelle avancée juridique, attendue tant par les populations victimes d'affaissements miniers que par les élus des communes sinistrées. Bien que nous ne souhaitions pas en retarder l'adoption, elle nous a paru laisser une trop grande place à l'interprétation et risquer d'entraîner des contentieux ; c'est pourquoi nous avons déposé des amendements.

Il n'est pas possible d'accepter le critère de soudaineté qui exclut de l'indemnisation tous ceux qui sont touchés par des affaissements progressifs. J'ai entendu votre engagement à ce sujet, Monsieur le secrétaire d'Etat ; nous attendons que les décrets lèvent toute ambiguïté. De même, il convient d'indemniser tous les dommages, et non pas seulement ceux qui sont "substantiels".

Enfin, il faut donner une définition plus réaliste des périmètres d'affaissement et prendre en compte tous les immeubles pour l'indemnisation des dommages matériels et des préjudices directs ou indirects.

La création d'une agence de prévention et de surveillance des risques traduit un souci de transparence, d'autant plus affirmé que son conseil d'administration s'ouvrira aux représentants des associations.

Ce texte trouverait toute sa pertinence si ses dispositions étaient applicables à l'ensemble des désordres ayant pour cause une exploitation du sous-sol, autrement dit s'il s'appliquait également aux carrières souterraines (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste, du groupe RCV et du groupe socialiste).

La discussion générale est close.

M. le Secrétaire d'Etat - Je remercie tous les groupes de l'Assemblée pour leur attitude constructive.

Monsieur le rapporteur, l'indemnisation sera rapide quelle que soit l'attitude de l'ancien exploitant et de son assureur. Le cas échéant, l'Etat se retournera contre l'ancien exploitant. Par ailleurs, le nouveau dispositif s'appliquera bien à la procédure d'arrêt des exploitations en cours à la date de promulgation de la loi. Si donc le texte est adopté dès ce soir, la loi sera promulguée dans les quinze jours.

S'agissant de la substantialité et surtout de la soudaineté, je souhaite que la concertation se poursuive avec tous les parlementaires intéressés et avec l'Association des communes minières afin que le décret prenne en compte votre volonté et celle du Gouvernement d'étendre l'indemnisation à tous les dommages survenus après l'arrêt de l'exploitation. Le caractère de soudaineté est attaché à un événement inopiné, comme l'indique le rapport Petit, ou à un événement répétitif. Si le déclenchement est soudain, le processus qui l'inclut peut être long, comme c'est le cas à Montois ou à Moyeuvre-Grande. Dans toutes ces circonstances, l'indemnisation joue. Aucun texte réglementaire sur ce point ne sera publié sans avoir fait l'objet d'une élaboration commune. Je salue à nouveau le travail accompli par les parlementaires intéressés, ainsi que par l'ACOM et son président M. Kucheida, qui nous ont beaucoup aidés.

Le périmètre d'affaissement sera fixé cas par cas par les préfets, sur la base d'une expertise technique. Le texte dispose que ce périmètre n'est pas limité au périmètre du titre minier.

Comptez sur le Gouvernement pour porter une attention particulière aux difficultés économiques et sociales rencontrées par les communes minières concernées. Je me rapprocherai de mes collègues à ce sujet. On a évoqué le cas particulier des commerçants et artisans. Le FISAC n'est pas destiné à compenser les dégâts provoqués par les affaissements miniers. Mais j'examinerai avec Mme Lebranchu comment mobiliser des moyens prioritaires en faveur des communes ayant subi des dégâts importants frappant particulièrement les commerçants et artisans. Nous verrons si des ORAC peuvent être lancées dans ces communes.

L'agence que va créer la loi comptera au moins un délégué dans chacun des grands bassins miniers.

L'arrêt par partie constitue une innovation importante, car elle permettra aux collectivités locales de recouvrer la maîtrise des installations de surface.

Le dispositif relatif aux eaux n'entrera en application que si les collectivités locales le souhaitent et dans ce cas seulement. Elles n'auront à supporter aucune charge nouvelle.

Comme à Auboué et à Moutiers, l'indemnisation sera calculée de façon à recouvrer dans les meilleurs délais la propriété d'un immeuble de confort et de consistance équivalents. Ainsi il n'y aura ni appauvrissement ni enrichissement des propriétaires.

Quant aux carrières dont ont parlé MM. Cardo, Dhersin et Marchand, le caractère d'exploitation minière est reconnu en fonction des substances minérales ou fossiles renfermées dans le sein de la terre ou se trouvant en surface. Les carrières de pierre n'entrent pas dans cette catégorie. Elles relèvent du reste de la compétence de ma collègue de l'Environnement.

Toutes ces explications sont de nature, je l'espère à apaiser les craintes. Je suis heureux de constater que tous les groupes sont décidés à aboutir rapidement, dans la clarté et l'universalité. Je les en remercie (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

M. le Président - J'appelle, dans les conditions prévues par l'article 91, alinéa 9, du Règlement, les articles de la proposition de loi dans le texte du Sénat.

L'article premier A, mis aux voix, est adopté.

ARTICLE PREMIER

M. Michel Liebgott - Nous avons entendu les précisions données par le Gouvernement, mais nous serons vigilants sur le contenu des décrets. Si nous légiférons sur ce sujet, c'est parce que nous avons tous pris conscience de l"urgence qu'il y a à régler un problème qui ne l'a pas été du tout jusqu'à présent.

Un vaste chantier s'ouvre devant nous, car il faudra aller au-delà de ce qui nous est proposé aujourd'hui : en renforçant la surveillance des dégâts d'exploitation, en imposant des mesures de précaution, en assurant -par exemple dans le cadre des contrats de plan- l'avenir des communes concernées.

N'oublions pas, cela dit, que de nombreux problèmes sont derrière nous : les séquelles de l'activité minière sont désormais reconnues, la responsabilité de l'exploitant également, et certains comportements provocants, voire scandaleux, ont été rendus impossibles. Même à l'époque où les sociétés étaient nationalisées, nous n'arrivions pas à les contraindre à respecter la règle de droit comme la loi le permet aujourd'hui pour des sociétés privées.

Enfin, n'oublions pas non plus que derrière les chiffres il y a des drames humains, n'oublions pas ces populations qui comptent jusqu'à 80 % de personnes issues de l'immigration, et qui ont été un creuset pour notre République et un exemple pour notre société. Beaucoup sont aujourd'hui des personnes âgées, silicosées pour certaines, veuves pour d'autres, ou éloignées de leurs enfants partis chercher du travail ailleurs. Nous leur devons réparation et, si possible, réparation immédiate (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

M. Roland Metzinger - Ce texte constitue une incontestable avancée juridique, mais si le secrétaire d'Etat a donné quelques éclaircissements sur la portée de l'adjectif "soudain", notre préoccupation demeure en partie. Dans le bassin lorrain, les évolutions sont souvent lentes : à Rosbruck, le sol s'est affaissé de plus de 12 mètres en dix ans, et devrait s'affaisser de 5 ou 6 mètres encore d'ici la fin de l'exploitation. Le résultat est identique, et tout aussi prévisible, mais la notion de soudaineté ne s'appliquerait pas : une interprétation trop restrictive serait source d'iniquité. Il faut évaluer les conséquences, qu'elles soient à court ou à moyen terme, à l'aune des mêmes critères, afin que chaque sinistré soit traité à l'identique ("Très bien !" sur plusieurs bancs du groupe socialiste).

M. Didier Mathus - On parle peu des mines de Bourgogne, mais cette région compte également des communes rendues exsangues par l'arrêt de l'exploitation -car la redevance minière, contrairement à la taxe professionnelle, n'est pas compensée. La petite commune de Sanvignes-les-Mines, par exemple, est saignée à blanc : elle a perdu plus du tiers de sa population en vingt ans, 91 % de son territoire a été déclaré inconstructible et un quartier de 300 logements a été entièrement détruit. A ces pertes matérielles s'ajoute la souffrance morale des habitants, délogés d'autorité avec bien peu d'égards, et à qui leur bien est généralement racheté, à supposer que ce soit encore possible, à un prix dérisoire. Les relations entre propriétaires et exploitants ne sont guère différentes de ce qu'elles étaient au siècle dernier.

Il est indispensable que le Gouvernement s'engage à réparer intégralement le préjudice subi, tant par les propriétaires que par les ayants droit et par les communes. Comme Jean-Pierre Kucheida, nous attendons de lui des précisions, afin d'éviter toute interprétation contraire à l'esprit du texte et d'en finir avec la propension des exploitants à fuir leurs responsabilités ("Très bien !" sur les bancs du groupe socialiste).

M. René Mangin - Il ne faudrait pas que la représentation nationale néglige un problème qui risque d'être bien plus dramatique et coûteux en vies humaines demain que celui des mines de fer : je veux parler de celui des mines de sel dont M. Guillaume et moi-même représentons la région. Il ne s'agit pas là d'affaissements, mais de véritables gouffres de 30 mètres de profondeur et de 12 à 13 mètres de large, comme creusés par des météorites ! On frémit à l'idée des désastres possibles. Je me réjouis donc que cette proposition de loi traite la question "en amont" aussi. Ayant tenu avant-hier une réunion sur place avec un sénateur pour assurer la population de la solidarité nationale, je ne puis que remercier le Gouvernement d'avoir accordé une priorité à la discussion de ce texte.

Il est bien de prendre en compte le passé mais il nous faut aussi réfléchir à ce que sera "l'après-mines". Cela pourrait se faire en rapport avec les contrats de plan ou en liaison avec les communes, mais l'important serait de préparer concrètement la reconversion des régions concernées. Ne nous contentons pas de réparer les dégâts !

M. Jean-Pierre Baeumler - Dans le prolongement de la réforme de 1994, cette proposition répond parfaitement, je crois, aux attente des parlementaires des bassins concernés, ainsi qu'à celles des communes regroupées dans l'association ACOM-France sous la direction d'un président dynamique ! Le progrès sera réel pour nos concitoyens victimes d'affaissements ou de désordres miniers, qui pourront désormais être convenablement indemnisés. Et c'est d'abord à ces hommes et à ces femmes, qui ont écrit une si belle page de notre aventure industrielle, que nous devons accorder toute notre attention et notre solidarité.

Mais cette réforme devrait aussi nous permettre de remédier aux difficultés de l'"après-mines". La procédure d'arrêt définitif des travaux, la surveillance des risques et les plans de prévention sont autant de garanties précieuses, auxquelles j'ajouterai la création d'une agence de prévention et de surveillance qui permettra à toutes les personnes intéressées d'avoir communication des informations relatives à l'exploitation minières et à ses conséquences sur l'environnement. Les associations de sinistrés ne pourront que se réjouir de cette dernière mesure -et elles s'en réjouiraient d'autant plus qu'elles seraient représentées dans cette structure !

Député du bassin potassique, je me félicite de ces dispositions. Vous savez que l'exploitation de cette ressource doit cesser en 2004 : les fonds structurels et la PAT ont permis d'atteindre des résultats concrets dans la reconversion du bassin, mais il importerait que ces moyens soient maintenus après 2000.

En raison des charges qui seront imposées aux collectivités alors même que leurs recettes fiscales se réduiront, cette réforme a l'avantage de poser pour principe la responsabilité de l'exploitant ou, à défaut, de l'Etat -c'est ce qu'apporte l'article 1A. Quant à l'article premier, il organise la solidarité nationale en faveur des sinistrés en écartant définitivement la clause d'exonération de responsabilité traditionnellement incluse dans les contrats signés avant 1994. Toutefois, une interprétation trop restrictive de la notion de "soudaineté" risque de ne pas être adaptée à la situation dans le bassin potassique, où les affaissements sont lents et il conviendrait donc d'apporter les précisions nécessaires dans les décrets d'application, conformément aux assurances que vous nous avez déjà données, Monsieur le secrétaire d'Etat.

D'autre part, s'agissant toujours du bassin potassique, il conviendrait de donner toute l'importance qu'il mérite au risque hydraulique et de prendre en considération la charge supplémentaire qui résulterait pour les collectivités du transfert des installations hydrauliques, par ailleurs indispensables pour éviter une remontée de la nappe phréatique. Vous nous avez rassurés sur ce point aussi, mais il serait peut-être utile de savoir qui prendra ces équipements en charge au bout de dix ans : l'agence de bassin, par exemple, ne pourrait-elle le faire ?

M. Marc Dolez - Ce texte très attendu est un texte d'équité et de solidarité, traitant les conséquences des affaissements miniers avec une ampleur jusqu'ici inconnue. L'article premier, qui nous occupe ici, garantit l'indemnisation de l'ensemble des victimes, y compris celles qui se trouvent liées par la clause d'exonération de responsabilité, dite clause minière. Auparavant, l'article additionnel a clarifié utilement la loi en vigueur en précisant que la responsabilité de l'exploitant ne se limite pas à la durée de validité du titre minier, et que l'Etat est garant de la réparation des dommages.

L'article premier permettra donc de régler les nombreux cas où l'exploitant s'est exonéré de sa responsabilité civile : il confirme la nullité des clauses minières contenues dans les contrats conclus après 1994 mais, en outre, il supprime les effets de celles qui avaient été introduites dans les contrats antérieurs, non qu'il les annule rétroactivement -il ne le pouvait-, mais parce qu'il prévoit l'indemnisation par l'Etat des dommages couverts par ces clauses. Cette disposition sera très favorable aux victimes, à condition qu'on lève toute ambiguïté sur la définition à donner au qualificatif "soudain". J'ai pris acte de vos explications à ce sujet, Monsieur le secrétaire d'Etat, ainsi que de votre souhait d'une large concertation pour l'élaboration des décrets d'application. Cependant, comme M. Kucheida, je ne serai pleinement rassuré que si vous acceptez de considérer que le texte contient une faute d'orthographe et que cet adjectif, ne concernant que l'accident minier, doit être écrit au singulier !

Enfin, je regrette que ni la nullité de la clause d'exonération ni l'indemnisation prévue pour les contrats conclus avant 1994 ne concernent les commerçants, les artisans et les membres des professions libérales, toutes professions qui, assez peu représentées dans les communes minières, devraient, elles aussi, bénéficier de la solidarité de l'Etat. Votre proposition de vous rapprocher de votre collègue du commerce et de l'artisanat dans le cadre du FISAC témoigne d'une bonne intention mais dont l'effet me laisse encore quelque peu sceptique...

M. Serge Janquin - Il est clair que cette proposition ne vise ni la gestion ou la réhabilitation des logements miniers, ni la garantie des ayants droit, tous points qui devront faire l'objet d'autres dispositions. Elle ne concerne que les sinistres d'origine minière mais, sur le sujet, elle fait avancer notablement le droit, à telle enseigne qu'on pourrait aller jusqu'à parler de ressourcement. Le texte nous permettra de gérer les difficultés nées de la fermeture des mines. Jusqu'à présent, par l'effet d'un rapport économique de domination de l'exploitant sur la société civile, le code minier considérait que les risques cessaient après l'issue constatée de l'exploitation, ce qui n'est pas en réalité le cas. On en connaît les séquelles ; je n'y reviens pas. S'agissant des effets des contrats de mutation immobilière, l'article premier de la proposition réaffirme le principe de présomption de responsabilité à l'encontre de l'exploitant, et son extension au-delà de la durée de validité du titre minier, nonobstant les clauses de nullité. L'Etat est subrogé dans les droits des victimes. Voilà qui mettra fin aux "galères" judiciaires que vivaient ces dernières.

L'article premier a, d'autre part, le mérite de définir le sinistre minier. S'il retient l'idée d'accident minier soudain, il est clair, Monsieur le ministre, qu'il n'est pas dans l'intention du législateur, sur quelque banc que ce soit, d'écarter les conséquences des affaissements progressifs ; mais vous venez de nous rassurer sur les intentions interprétatives du Gouvernement.

Il faut par ailleurs préciser le concept juridique nouveau de "dommage substantiel", sur lequel je suis un peu réservé, afin qu'il ne soit pas source de contentieux. Il faut en outre définir le périmètre du risque d'affaissement minier. Mais tout cela devrait se régler assez aisément par référence à l'esprit de l'article 1382 du code civil : "Tout fait quelconque de l'homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer". Cette référence explicite simplement la volonté du législateur. Un fait, un dommage, une présomption de faute : cela suffit à définir une obligation de réparation, et l'on ne voit pas pourquoi ce qui est opposable à des particuliers ne le serait pas aux exploitants.

Reste à prendre en compte les conséquences de ces phénomènes pour les artisans et les commerçants. Le Gouvernement nous a fait part de ses intentions ; mais, comme M. Dolez, je demande à être convaincu. Restent, enfin, deux questions. Les paysages, tout d'abord, ont souvent été endommagés. Il ne s'agit pas de les restituer tels qu'avant l'exploitation, mais de rendre aux habitants un cadre environnemental correct. Pouvez-vous confirmer que ces sinistres au paysage entrent dans le champ d'application de la loi ? Enfin, dans les travaux préparatoires, on a soulevé la question suivante : le transfert d'obligation de l'exploitant à l'Etat implique-t-il en même temps le transfert à la puissance publique des archives de l'exploitant ? Celles-ci sont nécessaires pour une bonne connaissance et une bonne gestion du risque. Elles ne peuvent rester propriété de l'exploitant, sauf à lui laisser, contre l'intérêt public, une capacité d'expertise exorbitante. Un décret en Conseil d'Etat devrait pouvoir assurer leur dévolution à l'Agence créée par cette loi, d'autant qu'elles sont également nécessaires à l'élaboration des plans de prévention.

Sur la base du travail du Sénat, le Gouvernement a rendu une bonne copie. J'ai ajouté des annotations en marge, dans un but d'interprétation de la volonté du Gouvernement. Sous réserve de ces précisions, Monsieur le ministre, vous nous aurez rendu une excellente copie (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

M. Roger Meï - Je viens d'apprendre qu'un affaissement soudain peut être précédé d'une longue préparation ; et puis, un jour, on constate qu'il se passe quelque chose. Vous m'avez donc donné satisfaction, Monsieur le ministre, sur un point que j'avais du mal à admettre : le mot "soudain" n'a pas exactement le sens que je lui donnais. Je vous remercie.

M. François Guillaume - Cette proposition introduit un dispositif nouveau dans des conditions d'urgence et de précipitation inhabituelles. Plus grave, aucun des industriels concernés n'a été auditionné par la commission : ce n'est pas un gage de sérieux dans le travail législatif. Nous ne pouvons certes qu'être unanimes pour considérer les difficultés que rencontrent les populations des régions minières et rechercher un dispositif qui assure la sécurité des personnes et des biens et l'indemnisation des victimes de sinistres miniers. Je le dis avec d'autant plus de conviction qu'un cas semblable s'est produit dans ma circonscription, lié sans doute à l'exploitation du sel. Encore faut-il que les mesures proposées soient réalistes et opérationnelles, et aussi qu'elles respectent les principes fondamentaux des lois de la République. Si ce n'est pas le cas, le dispositif rencontrera de graves difficultés d'application, que ce soit au niveau de la rédaction des décrets ou parce qu'il donnera naissance à un lourd contentieux. C'est dans cette optique que j'examinerai certaines dispositions de cette proposition.

Le texte porte à la charge de l'exploitant une responsabilité présumée et perpétuelle dont il ne peut s'exonérer qu'en apportant la preuve d'une cause étrangère. Il y a là une source de contentieux. Notre droit reconnaît deux fondements à la responsabilité : la responsabilité pour faute, d'une part, et, de l'autre, la responsabilité présumée fondée sur la garde. C'est à ce second titre que jusqu'à présent les tribunaux ont retenu la responsabilité des exploitants. Mais ce texte étend cette présomption à une durée illimitée, alors que la garde a cessé. Il introduit donc cette innovation majeure : une responsabilité sans fondement...

Nous devons, d'autre part, nous interroger sur l'image que donne notre état de droit, quand il modifie brutalement et sans concertation (Protestations sur les bancs du groupe socialiste) les obligations de cocontractants. N'oublions pas en outre que l'Etat a fixé les conditions de l'exploitation minière, qu'il a délivré des permis de construire sur ces zones et y a même construit des ouvrages publics. Il a en outre été souvent l'actionnaire unique, direct ou indirect, des sociétés minières. Est-il légitime de faire peser sur ces sociétés, maintenant privatisées, un risque que l'Etat a si longtemps négligé de gérer ? Plutôt que de chercher des boucs émissaires, ne faut-il pas reconnaître que ce risque doit être géré en faisant appel à la solidarité nationale ? Il serait plus efficace -c'est une proposition- d'instituer un fonds d'indemnisation, comme pour les catastrophes naturelles, auquel bien sûr les entreprises participeraient par une cotisation additionnelle. Ce serait la solution la plus juste, car c'est l'ensemble de la collectivité nationale qui a profité pendant des décennies de l'exploitation minière.

Un député socialiste - Et les patrons ?

M. François Guillaume - Un tel fonds permettrait une indemnisation immédiate des victimes, à qui je crains que votre texte, certes bien intentionné, n'apporte plus d'illusions que de satisfactions.

M. Gérard Terrier - Je souhaite interpeller M. le ministre sur le mot "soudain". Bien sûr, même si j'ai déposé un amendement, tombé sous le couperet de l'article 40, je sais qu'il y a urgence à voter ce texte. Les discours qu'on vient d'entendre nous donnent froid, et il est clair que s'il y a une autre lecture le lobby des patrons pèsera sur ce texte...

M. François Guillaume - Non, le lobby du droit !

M. Gérard Terrier - Vous avez précisé, Monsieur le ministre, la signification du mot "soudain", mais vous conviendrez qu'elle est surprenante, puisque soudain ne signifie plus soudain... Toutefois on trouve en annexe au rapport de M. Le Déaut un courrier que vous lui avez adressé, et sur lequel je souhaite des précisions, car il peut prêter à interprétation. Vous y écrivez que les affaissements qui se produisent en quelques mois et qui entraînent l'évacuation des habitations sont à l'évidence des affaissements soudains. Dois-je en conclure qu'ils ne sont pas soudains s'ils ne provoquent pas d'évacuation ? Dans un tel cas -qui s'est produit dans ma circonscription- les juges pourraient retenir une interprétation écartant les personnes concernées de toute indemnisation.

D'autre part, nous espérons que la loi pourra être promulguée dans quinze jours. Mais pouvez-vous prendre, ou reprendre, l'engagement que tous les sinistres en cours à ce jour, et pour lesquels aucune indemnisation n'est prévue, entrent dans le champ de cette loi ? Etes-vous sûr que la rétroactivité s'appliquera ?

M. le Secrétaire d'Etat - Je veux me référer à ce courrier adressé à M. Le Déaut pour éclairer le choix du mot "soudain". Cette rédaction a été conçue en référence à la notion d'urgence. C'est tout naturellement que sous la plume du Gouvernement, comme du législateur au Sénat, croyant bien faire, s'est établi un parallélisme entre l'urgence des solutions et la soudaineté des désordres. Je l'ai dit, c'est le déclenchement des affaissements qui est imprévisible et soudain. Après quoi, l'évolution peut être très variable : arrêt du phénomène pendant plusieurs mois ou plusieurs années, stabilisation, aggravation... On comprendra qu'il a été très difficile de ramasser en un seul terme, dans un texte bref et général, des modalités très diverses aussi bien par leurs circonstances que par leurs effets.

Je vous propose donc que nous rédigions ensemble le texte réglementaire qui fera suite à ce texte législatif et le précisera. Si je suis en complet désaccord avec l'argumentation juridique de M. Guillaume, j'ai, en revanche, pris note des attentes qui se sont exprimées sur tous les bancs et je suis certain que les textes réglementaires nous permettront d'aboutir comme nous le souhaitons tous.

Je pense que, dans ces conditions, l'Assemblée sera en mesure de voter le texte en l'état.

M. le Rapporteur - Je tiens à rappeler à M. Guillaume que j'ai reçu les dirigeants d'Usinor-Sacilor au nom de la commission et que j'ai pris soin, dans mon exposé introductif, de faire connaître à l'Assemblée les interrogations qu'ils avaient exprimées. Je lui rappelle aussi que la commission s'est déclarée unanimement favorable à l'adoption de ce texte. Je souligne, une fois encore, que l'indemnisation aura lieu au plus vite, même s'il y a litige et que, aussitôt la loi votée, elle sera appliquée même s'il n'y a pas eu abandon d'exploitation. Ensuite seulement, on recherchera selon quelles modalités appliquer la police des mines.

Nul ne peut prétendre, par ailleurs, qu'il s'agirait d'un texte écrit à la va-vite. Pour ce qui nous concerne, mon collègue Kucheida et moi-même, nous nous battons depuis 1993 pour qu'un tel texte soit discuté ! C'est notre devoir de parlementaires de trouver une solution rapide. L'adoption de ce texte permettra une indemnisation dans tous les cas, à Montois-la-Montagne comme ailleurs. Pour que les centaines de familles concernées voient leur situation améliorée dans les délais les plus brefs, je souhaite un vote conforme sur un texte qui représente un progrès considérable.

M. Roger Meï - La réponse du ministre me satisfaisant, je retire l'amendement 20.

L'article premier, mis aux voix, est adopté.

L'article 2 est adopté.

M. le Président - L'article 3 a été déclaré irrecevable devant le Sénat, qui a supprimé l'article 4.

ART. 5

M. Roland Metzinger - Elus locaux et population attendent de l'information qu'elle soit transparente. La création de l'agence de prévention et de surveillance des risques miniers répondra à cette attente dès lors que son conseil d'administration sera élargi, par exemple aux délégués des conseils généraux et régionaux qui le souhaiteraient.

Mais je souhaite quelques précisions sur les missions de l'agence. Car outre son rôle de "centre de ressources", elle doit également participer à la préparation des mesures de prévention.

C'est sur les modalités pratiques de cette mission-là que je m'interroge, car elle induit une implication active et suppose que l'agence dispose d'informations provenant d'un service technique compétent lui permettant par exemple de décider de mesures à mettre en oeuvre en cas de péril imminent, et d'agir.

Par quelles structures l'agence sera-t-elle relayée sur le terrain ? Pouvez-vous, Monsieur le ministre, nous donner des précisions sur les modalités de son fonctionnement ?

M. Pierre Cardo - Je traiterai en même temps des articles 5 et 6 pour souligner que le rédacteur de ce texte a été d'une grande prudence en disant que l'agence "participe" à la préparation des mesures de prévention. Cela signifie nettement qu'elle n'est en aucun cas habilitée à les mettre en oeuvre. Mais alors, qui le fera ?

A cet égard, on peut d'ores et déjà prévoir que l'article 6 du texte sera à l'origine de difficultés comparables à celles qu'a suscitées la loi sur la prévention des risques naturels, qui n'a pas apporté de réponse aux trois quarts des populations concernées. Dans ma circonscription, 150 familles sont dites habiter en zone rouge-zone de carrière. Seules 45 seront indemnisées. Pourquoi une telle inégalité de traitement ? Le projet de loi n'oblige pas à l'expropriation, il la rend possible. Dans le même temps, il oblige les maires à prouver, en faisant réaliser des sondages, qu'ils ont eu raison de procéder à des expropriations que l'on sait inéluctables puisqu'il s'agit de zones rouges ! Ce nouveau texte ne résoudra pas davantage de type de problèmes que ne l'a fait la loi Barnier.

J'approuve la modification du code minier, mais je vous mets en garde contre la perpétuation d'une lacune juridique lourde de conséquence, qui aura pour effet de plonger les élus dans des situations inextricables.

M. le Secrétaire d'Etat - Il s'agit d'un problème réel mais qui, objectivement, concerne un autre domaine que les mines auxquelles le texte se réfère. Le projet prévoit un plan de prévention des risques miniers qui vise précisément à privilégier la prévention plutôt que de laisser des désordres s'installer.

Je reconnais que nous devrons être vigilants dans les textes d'application, pour éviter les risques de contentieux.

La création de l'agence, établissement public, résulte de la volonté du Sénat ; j'avais pour ma part proposé un système plus souple, très décentralisé, la mise en place de missions régionales d'observation. L'agence a trois fonctions : information, concertation, dialogue technique. Des amendements ont été déposés pour préciser que le conseil d'administration comprendra des représentants des organisations syndicales représentatives, des associations agréées en matière d'environnement, de consommation, ainsi que des associations assurant la défense des personnes ou des communes sinistrées. Cela correspond tout à fait à ce que le Gouvernement envisage, mais il s'agit de dispositions d'ordre réglementaire. Je suggère donc aux auteurs de ces amendements de les retirer.

M. Jean-Michel Marchand - J'avais déposé mon amendement 17 pour vous amener à préciser vos intentions ; je le retire.

M. Roger Meï - Puisque nous aurons satisfaction sur le fond, je retire aussi notre amendement 4.

L'article 5, mis aux voix, est adopté.

ART. 6

M. Marc Dolez - Cet article prévoit la possibilité d'un transfert des installations hydrauliques aux collectivités locales ou aux établissements de coopération intercommunale. Vous avez rappelé, Monsieur le ministre, que ce transfert ne s'effectuera qu'à la demande expresse des collectivités locales ; cette précision apportée par le Sénat est d'autant plus importante qu'aucune compensation financière n'est prévue au-delà des dix premières années de fonctionnement. Quelles sont les garanties offertes aux collectivités locales qui ne souhaitent pas ce transfert ?

M. Roland Metzinger - S'agissant de la surveillance et de la prévention des risques miniers, la volonté de transparence est clairement affirmée. Cependant on ne donne aux comités départementaux ou interdépartementaux qu'une fonction informative ; envisage-t-on de leur confier dans les décrets d'application un rôle décisionnel ? Et comment s'articulent-ils avec l'agence de prévention ?

M. le Secrétaire d'Etat - J'ai déjà répondu.

M. Roger Meï - Je retire l'amendement 21, le ministre nous ayant donné en grande partie satisfaction.

L'article 6, mis aux voix, est adopté.

APRÈS L'ART. 6

M. Roger Meï - Au vu des engagements pris par le ministre, je retire les amendements 7 et 18.

M. Jean-Michel Marchand - Je retire l'amendement 15.

M. le Président - Les articles 7, 8 et 9 ont été supprimés par le Sénat.

L'article 9 bis, mis aux voix, est adopté, de même que les articles 9 ter, 9 quater et 9 quinquies.

M. le Président - Le Sénat a supprimé l'article 10.

EXPLICATIONS DE VOTE

M. Thierry Lazaro - Je fais un peu grise mine, Monsieur le ministre, car certaines de nos questions sont restés sans réponse, notamment au sujet du caractère inassurable du risque minier et de la constitutionnalité de certaines dispositions. Sur un sujet qui devrait être consensuel, on aurait pu espérer un peu plus d'écoute. Néanmoins nous voterons cette proposition de loi.

M. Roger Meï - Cette discussion aura été fructueuse : elle nous a permis d'obtenir du Gouvernement des explications et des précisions sur les dispositions réglementaires envisagées. Nous voterons donc ce texte.

M. Jean-Pierre Kucheida - Cette proposition de loi constitue une avancée considérable pour nos régions minières et vous avez, Monsieur le ministre, remarquablement éclairé les points qui méritaient d'être précisés. Nous pouvons nous dire satisfait à 99,9 %... Nous allons pouvoir travailler avec les associations concernées sur les décrets, ce qui est très appréciable. Nous voterons donc ce texte avec grand plaisir.

M. Jean-Michel Marchand - Mon degré de satisfaction n'est pas aussi élevé que celui de M. Kucheida... Cependant, nous apprécions les déclarations et engagements du ministre et bien entendu, nous voterons ce texte.

L'ensemble de la proposition, mise aux voix, est adopté à l'unanimité.

M. le Secrétaire d'Etat - Comme je l'ai fait il y a quelques semaines au Sénat, je remercie l'Assemblée et chacun de ses groupes. Il est exceptionnel qu'un texte de loi soit adopté à l'unanimité du Sénat et à l'unanimité de l'Assemblée. Il est vrai que celui-ci concerne 40 départements et des personnes parmi les plus modestes (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

Prochaine séance ce soir, à 21 heures.

La séance est levée à 19 heures 30.

          Le Directeur du service
          des comptes rendus analytiques,

          Jacques BOUFFIER


© Assemblée nationale


© Assemblée nationale