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Assemblée nationale

COMPTE RENDU

ANALYTIQUE OFFICIEL

Session ordinaire de 1998-1999 - 74ème jour de séance, 190ème séance

2ème SÉANCE DU MERCREDI 17 MARS 1999

PRÉSIDENCE DE M. Laurent FABIUS

          SOMMAIRE :

QUESTIONS AU GOUVERNEMENT 1

    ÉTUDIANTS ÉTRANGERS 1

    RÉFORME DES LYCÉES 2

    PLANS D'ÉPARGNE RETRAITE 2

    BIBLIOTHÈQUE NATIONALE DE FRANCE 3

    APPLICATION DE LA LOI PLM À PARIS 3

    ACCORD SUR LA PAC 5

    LIBERTÉ RELIGIEUSE ET SECTES 5

    ARTISANAT 6

    ACCIDENTS DU TRAVAIL 6

    SRETÉ NUCLÉAIRE 7

    ALCATEL 8

    OCM VIN 8

CAISSES D'ÉPARGNE (suite) 9

PROPOSITIONS DE RÉSOLUTION :  RÉFORME DE LA POLITIQUE AGRICOLE COMMUNE FONDS STRUCTURELS NOUVELLES PERSPECTIVES FINANCIÈRES 15

La séance est ouverte à quinze heures.


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QUESTIONS AU GOUVERNEMENT

L'ordre du jour appelle les questions au Gouvernement.

ÉTUDIANTS ÉTRANGERS

M. Jean-Michel Ferrand - Monsieur le ministre de l'éducation nationale, vous avez une certaine propension à la provocation inutile.

Vous avez dit ici, à propos du concours d'entrée à l'Ecole normale supérieure, que si la connaissance du français était une condition d'entrée, nous n'aurions que des élèves roumains. Outre le fait que cela ne puisse être considéré comme une incitation pour les étudiants étrangers à apprendre notre langue, votre ton condescendant a choqué nombre d'entre nous, et notamment le vice-président du groupe d'amitié France-Roumanie que je suis (Applaudissements sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL).

Nous ne pouvons que nous louer que des Roumains francophones aient contribué à l'éclat de notre culture, comme Eugène Ionesco, membre de l'Académie française, Emile Cioran, un des plus grands philosophes de langue française du XXème siècle, Virgil Gheorghin, l'auteur de la 25ème heure, le poète Vasile Alecsandri, Parraït Istrati, la princesse Bibesco, amie de Proust, la comtesse de Noailles ou Hélène Vacaresco, qui a fondé le prix Fémina.

M. Didier Boulaud - Vous oubliez Elvire Popesco !

M. Jean-Michel Ferrand - Permettez-moi de considérer comme une chance que ces artistes aient choisi le français pour exprimer leur talent et de vous demander de préciser que, malgré son ton, votre propos était dénué de toute condescendance à l'égard des étudiants roumains, auxquels il serait malvenu de reprocher de mieux maîtriser le français que des étudiants d'autres origines. Votre volonté est-elle bien de promouvoir la francophonie dans le monde ? (Applaudissements sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL)

M. Claude Allègre, ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie - Je pense avoir été mal compris. Peut-être me suis-je mal exprimé ("Oui !" sur les bancs du groupe du RPR). Je n'ai rien contre les étudiants roumains, qui sont excellents, notamment ceux de l'Ecole normale supérieure. J'aurais pu parler d'étudiants québécois ou autres. Permettez-moi de poser la question de fond : ou bien nous voulons que les étudiants les plus brillants du monde entier aillent à Oxford, à Cambridge ou à Uppsala, ou bien nous voulons leur donner la possibilité de se former en France. Les étudiants francophones viennent naturellement en France, et continueront à y être encouragés. Un concours leur est destiné. Mais nous voulons qu'un autre concours s'adresse aux non-francophones, car notre pays a de quoi former les élites du monde et son influence en sera renforcée. Si vous n'êtes pas d'accord, il faut le dire (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe RCV).

RÉFORME DES LYCÉES

M. Robert Lamy - Monsieur le ministre de l'éducation nationale, vous nous avez dit à maintes reprises qu'avant de prendre une décision, vous meniez la concertation avec les syndicats d'enseignants, les élèves et parents d'élèves... Vous avez aussi multiplié les actions médiatiques : conventions, rapports, journées citoyennes... Vous nous présentez maintenant le "lycée pour le XXIème siècle", réforme en trompe l'oeil qui provoque toutefois de vives réactions. Croyez-vous que les chefs d'établissements et les enseignants qui s'occupent des élèves en difficulté vous ont attendu pour leur proposer des heures de soutien ? ("Oui !" sur plusieurs bancs du groupe RCV, du groupe socialiste et du groupe communiste) Non ! Ils attendent des moyens ! Pouvez-vous nous dire ce qui conduit à la situation actuelle de l'éducation nationale ? Pourquoi cela ne marche pas ? (Applaudissements sur les bancs du groupe du RPR)

M. Claude Allègre, ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie - On ne peut pas dire que l'éducation nationale ne marche pas. Notre système a accueilli un nombre croissant d'élèves pendant plusieurs années. Il a réussi ce pari du quantitatif mieux que n'importe quel autre en Europe. Notre réforme ne sera pas celle du statu quo, dont on a vu, encore récemment, les résultats. Nous voulons favoriser l'égalité des chances et la réussite de tous. Cela, c'est le pari de la qualité, qui ne peut être gagné sans recentrer l'enseignement sur les fondamentaux. Devant votre commission des affaires culturelles, où toutes les tendances étaient représentées, j'ai cru constater que la volonté du Gouvernement est partagée par la quasi-totalité de la représentation nationale, à laquelle je témoigne donc ma gratitude (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe socialiste).

PLANS D'ÉPARGNE RETRAITE

M. Yves Deniaud - Monsieur le ministre des finances, dans l'opération qui met aux prises trois grandes banques françaises, vous avez déclaré vouloir privilégier les intérêts français. Or, vous n'êtes pas maître d'une situation qui sera sans doute arbitrée par des capitaux étrangers. Il existe une loi Thomas dont vous ne voulez plus. Quand allez-vous alors mettre en oeuvre des plans sécurité-retraite qui assurent les intérêts des salariés tout en mobilisant des capitaux français et en les destinant aux entreprises françaises ?

M. Dominique Strauss-Kahn, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie - Je ne vois qu'un lien ténu entre le début et la fin de votre question. D'abord, oui, il faut mettre en oeuvre des instruments d'épargne adaptés à la retraite. Un tel instrument n'existe pas encore, ce qui conduit par exemple nombre de clients des Caisses d'épargne à se servir de cette épargne pour leur retraite, alors qu'on peut espérer un meilleur rendement pour une épargne à long terme. Un instrument solidaire et participatif doit donc être mis en place et devrait l'être assez rapidement. Quant à la bataille bancaire, les responsabilités du Gouvernement sont clairement définies par la loi en matière de réglementation bancaire. La solution qui sera trouvée devra respecter des objectifs industriels, sociaux et nationaux, étant entendu qu'il s'agit d'entreprises privées. Cette bataille donne encore plus de poids à la préoccupation de la majorité de voir se constituer un pôle public réunissant différents instruments d'intervention financière autour de la Caisse des dépôts, des Caisses d'épargne et de la CNP par exemple.

BIBLIOTHÈQUE NATIONALE DE FRANCE

M. Gilbert Gantier - Dès sa conception, j'avais dénoncé l'ineptie du projet pharaonique de la Très Grande Bibliothèque François Mitterrand. Mes craintes ont été dépassées ! La Bibliothèque de France, dont la construction a coûté plus de 8 milliards de francs, est un échec total malgré un budget de fonctionnement annuel d'1,3 milliard, soit dix fois plus que celui de la Bibliothèque nationale. Le rapport de M. Poirot, inspecteur général des bibliothèques, commandé par le ministère de la culture, vient d'être rendu public. Il est édifiant. Il confirme la mauvaise conception du bâtiment qui n'est pas adapté aux activités d'une bibliothèque. Il faut non seulement courir d'une tour à l'autre mais aussi attendre parfois 24 heures pour obtenir un livre. Il dénonce l'exiguïté des locaux, l'absence de vestiaire pour le personnel (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste), les courants d'air (Nouvelles exclamations sur les bancs du groupe socialiste), la mauvaise climatisation, les faux-plafonds qui tombent (Mêmes mouvements), les mauvaises conditions d'accueil des chercheurs et du public, j'en passe...

Il dénonce aussi le stockage défectueux des livres, les défaillances à répétition du système informatique.

Les locaux sont tellement peu adaptés à leur destination que la BNF en est aujourd'hui à envisager de louer de nouveaux locaux, voire de réoccuper les vieux bâtiments de la rue de Richelieu, tout cela aux frais des contribuables !

Devant cette situation catastrophique, le ministre de la culture a décidé, en toute hâte, de lancer un nouveau programme de travaux qui s'ajoute à ceux déjà réalisés à grand frais pour protéger les livres qui cuisaient dans les tours en verre et à ceux rendus nécessaires pour éviter que les usagers risquent de glisser sur le parvis (Exclamations et rires sur les bancs du groupe socialiste). Riez ! Cela n'a guère coûté que 8 milliards aux contribuables...

Compte tenu de l'ampleur de ces dysfonctionnements et de la dérive des coûts de la Bibliothèque François Mitterrand, le groupe Démocratie libérale a décidé de proposer la création d'une commission d'enquête.

M. Pierre Lellouche - Très bien !

M. Gilbert Gantier - Cependant, nous souhaitons, dès aujourd'hui, connaître le coût des travaux auxquels le Gouvernement entend procéder et dans combien de temps la Très Grande Bibliothèque sera réellement au service des Français (Applaudissements sur les bancs du groupe DL, du groupe du RPR et du groupe UDF).

M. le Président - La parole est à M. Emile Zuccarelli (Vives exclamations sur les bancs du groupe DL, du groupe du RPR et du groupe UDF).

Le Gouvernement choisit qui il entend pour répondre. La parole est au ministre de la fonction publique (Exclamations sur les bancs du groupe DL, du groupe du RPR et du groupe UDF ; applaudissements sur les bancs du groupe RCV, du groupe socialiste et du groupe communiste).

M. Emile Zuccarelli, ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de la décentralisation - Mme Trautmann, en déplacement hors de Paris, m'a prié de vous répondre. Mme Trautmann a demandé à M. Albert Poirot, inspecteur général des bibliothèques, un rapport, sur la base des propositions de plusieurs groupes de travail constitués à l'issue du conflit d'octobre et novembre dernier à la BNF, et ce rapport comporte normalement des critiques. La ministre a fait part à M. Jean-Pierre Angremy, président de la BNF, de ses attentes et de ses priorités.

Elle souhaite notamment que lui soit proposée une programmation de travaux sur le site François Mitterrand Tolbiac pour 1999-2000 en vue d'améliorer les conditions de travail, que soit mise en oeuvre une nouvelle dynamique de la politique du personnel, notamment en termes de formation et d'information interne ; que soient recherchés les moyens d'améliorer les conditions d'accueil du public et de la communication aux chercheurs des documents. Mme Trautmann souhaite également disposer, d'ici le début du mois de juin, des résultats de la réflexion menée par l'établissement, avec les services du ministère de la culture, sur les horaires d'ouverture au public (Applaudissements sur les bancs du groupe RCV, du groupe socialiste et du groupe communiste ; protestations et huées sur les bancs du groupe DL, du groupe du RPR et du groupe UDF).

APPLICATION DE LA LOI PLM À PARIS

M. Georges Sarre - A plusieurs reprises, Monsieur le ministre de l'intérieur, vous avez rappelé votre détermination à ce que les lois de la République soient appliquées sur l'ensemble du territoire, et je m'en félicite. Existe-t-il à ce principe une exception parisienne ? L'Hôtel de ville serait-il une zone de non-droit (Protestations sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL), un Etat dans l'Etat ?

Depuis 1983 en effet, la municipalité parisienne a fait le choix de n'appliquer que partiellement la loi du 31 décembre 1982, majorité concordante entre Hôtel de ville et mairies d'arrondissement obligeait...

M. Jean Tiberi - C'est faux ! Vous dites n'importe quoi !

M. Georges Sarre - Depuis 1995, la voix des arrondissements de gauche s'est fait entendre, notamment pour demander le transfert des équipements de quartier, conformément aux textes en vigueur.

M. Jean Tiberi - On vous l'a proposé, vous avez refusé !

M. Georges Sarre - Selon les termes de la loi, le Préfet de Paris a tranché et a pris des arrêtés, le 9 octobre 1998, pour transférer aux arrondissements la gestion de certains équipements, qui était restée centralisée. Or, à ce jour, la municipalité parisienne fait la sourde oreille (Protestations sur les bancs du groupe du RPR, du groupe DL et du groupe UDF ; bruit).

M. Jean Tiberi - Vous mentez !

M. Georges Sarre - Aussi, Monsieur le ministre, et parce qu'il est temps de mettre fin à cette anomalie qui permet à la plus importante commune de France de s'affranchir des lois en vigueur...

M. Jean Tiberi - N'importe quoi !

M. Georges Sarre - ...qu'entendez-vous faire ? Quelles instructions allez-vous donner au Préfet de Paris pour que le maire de la capitale soit conduit à appliquer la loi sans délai ? (Applaudissements sur les bancs du groupe RCV, du groupe socialiste et du groupe communiste)

M. Jean Tiberi - Mensonge !

M. Jean-Pierre Chevènement, ministre de l'intérieur - Comme vous venez de le rappeler, le désaccord existant depuis 1995 entre six arrondissements de Paris et la municipalité, relativement à la gestion d'un certain nombre d'équipements de proximité a été tranché, en application de l'article 2511-18 du code des collectivités territoriales, par arrêtés du préfet de Paris en date du 9 octobre 1998.

Ces arrêtés pris, comme la loi l'impose, après avis du président du tribunal administratif de Paris, confient aux conseils d'arrondissement la gestion des centres d'animation et des équipements sportifs de proximité et maintiennent dans le domaine de compétence de la mairie centrale les grands équipements situés à la périphérie et utilisés par les sportifs originaires de tout Paris.

M. Jean Tiberi - C'est ce que nous avions proposé.

M. Jean-Pierre Chevènement, ministre de l'intérieur - La Ville de Paris avait semblé, dans un premier temps, accepter cet arbitrage, mais elle a finalement annoncé en janvier vouloir former un recours contre les arrêtés...

M. Jean Tiberi - Oui !

M. Jean-Pierre Chevènement, ministre de l'intérieur - ...estimant que le transfert aux arrondissements de la gestion des centres d'animation, actuellement assurée par des associations, entraînerait des difficultés en matière de délégation de service public, les mairies d'arrondissement étant dépourvues d'une telle capacité.

Telle n'est pas l'analyse juridique des services de l'Etat. En tout état de cause, le recours de la Ville de Paris n'est pas suspensif.

Le représentant de l'Etat lui a donc rappelé qu'il lui appartenait, d'une part, d'appliquer les arrêtés par une délibération du Conseil de Paris afin de compléter l'inventaire des équipements dont les conseils d'arrondissement ont la charge, d'autre part, de prendre les mesures requises pour mettre à la disposition des conseils d'arrondissement concernés les moyens en personnel nécessaires à la gestion des équipements transférés.

De plus, le budget supplémentaire de la Ville de Paris devra prévoir l'abondement des "états spéciaux" dans lesquels, aux termes de l'article 2511-37 du code des collectivités territoriales, sont détaillées les dépenses et les recettes de fonctionnement de chaque conseil d'arrondissement.

Telles sont, Monsieur le Député, les mesures déjà prises par le représentant de l'Etat, qui est prêt à utiliser toutes les voies de droit, tant auprès de la juridiction administrative que de la chambre régionale des comptes, si elles s'avéraient insuffisantes.

M. Jean Tiberi - C'est indigne du Gouvernement !

M. Jean-Pierre Chevènement, ministre de l'intérieur - L'attitude actuelle de la Ville ne peut que relancer des débats qui paraissaient tranchés (Vives protestations sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL).

Je ne doute pas que la Ville de Paris sera soucieuse d'une bonne application de la loi et que le conseil de Paris pourra prochainement délibérer des mesures nécessaires à l'application des arrêtés en cause (Applaudissements sur les bancs du groupe RCV, du groupe socialiste et du groupe communiste ; nouvelles protestations sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL).

ACCORD SUR LA PAC

M. Daniel Boisserie - Vous avez refusé à juste titre, Monsieur le ministre de l'agriculture, de donner votre aval à l'accord sur la PAC que vous avez qualifié de "bilan d'étape souvent ambigu", soulignant que "les questions sans réponse sont renvoyées au sommet européen de Berlin".

Ce prétendu accord aboutit à un dépassement d'environ 6,5 milliards d'euros, en complète contradiction avec les intentions affichées par le ministre de l'agriculture allemand, quant à une réduction du budget agricole européen.

Ce texte souffre de graves lacunes. Il n'a pas retenu les propositions françaises quant à la dégressivité des aides directes et à leur plafonnement par exploitation. Vous avez manifesté le souci d'affecter au développement rural une partie des fonds économisés. Ce prétendu accord ne le permettrait pas.

Pensez-vous défendre à nouveau ces objectifs indispensables à la survie des exploitations en zones défavorisées ?

Les inquiétudes des éleveurs du bassin allaitant du Grand Massif central portent également sur la prime à la vache allaitante. L'Europe est censée financer la prime additionnelle nationale de 50 euros par vache allaitante en France. Ce financement sera-t-il assuré par le FEOGA ? Ne pourrait-on par ailleurs rééquilibrer les aides en direction des zones défavorisées par l'attribution de 30 euros de plus par vache allaitante au titre de l'enveloppe nationale ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste)

M. Jean Glavany, ministre de l'agriculture et de la pêche - Vous me donnez l'occasion de faire le point sur le texte arrêté jeudi matin à l'aube par la présidence allemande et auquel le Gouvernement français, par ma voix, n'a pas donné son accord, comme l'a déclaré mon homologue allemand lui-même lors d'une conférence de presse.

Ce texte comporte toutefois un certain nombre d'avancées par rapport au premier paquet qui avait été proposé : sur la viande bovine, avec une réduction des prix de 20 % seulement au lieu des 30 % proposés, sur la prime au maintien du troupeau allaitant ; tout cela rend le paquet viande bovine beaucoup plus acceptable, même si le prix d'intervention demeure nettement trop bas. Sur l'OCM du vin, nos revendications ont été également entendues, ainsi que sur le règlement horizontal.

Nous contestons en revanche la réforme laitière qui, bien que retardée dans son application à notre demande, reste en l'état inutile et coûteuse, ainsi que la réforme des céréales, avec la baisse excessive des prix de 20 %.

Au total ce paquet, malgré quelques avancées, pèche encore par ses insuffisances.

La spécificité des oléo-protéagineux n'est pas prise en compte, alors qu'il s'agit de cultures propres. Ce paquet est coûteux, puisqu'il dépasse de 6,9 milliards le niveau de maîtrise de la dépense exigée par les chefs d'Etat et de gouvernement à Petersberg. Enfin cette PAC proposée par la présidence allemande est insuffisamment réorientée vers le développement rural, alors que l'opinion européenne attendait un signe dans ce sens.

Voilà pourquoi je me suis opposé jusqu'à la fin à ce texte, dont j'espère qu'à Berlin le Président de la République et le Premier ministre réussiront à le faire progresser. Ce paquet agricole, pour le moment, n'est pas un accord, et ne pourra le devenir que dans le cadre d'un accord global (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

LIBERTÉ RELIGIEUSE ET SECTES

Mme Martine David - Le 22 mars se tiendra à Vienne une session de l'OSCE consacrée à la liberté religieuse. Autant ce thème mérite attention en raison de son étroite relation avec les principes des droits de l'homme, autant la composition de certaines délégations est très inquiétante : on y trouve des scientologues, des témoins de Jéhovah et des membres de la Légion du Christ.

Quelles sont les modalités de préparation d'une telle session ? Qui en a la responsabilité directe ? Comment la France, qui se donne les moyens de lutter chez elle contre ces mouvements dangereux, entend-elle étendre son action au niveau international pour combattre ces sectes multinationales ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste)

M. Hubert Védrine, ministre des affaires étrangères - La délégation française sera composée de fonctionnaires du Quai d'Orsay, et de représentants de la mission interministérielle contre les sectes. La France est très vigilante sur le risque de voir reconnaître à des sectes le statut d'ONG à la faveur de telle ou telle rencontre, et a fortiori un statut d'église. Nous avons exprimé à plusieurs reprises cette préoccupation à nos partenaires, et en particulier à ceux d'entre eux qui seraient tentés par une telle reconnaissance au nom d'une interprétation extensive et à nos yeux confuse de la liberté religieuse.

Notre délégation à Vienne recevra pour instruction de prévenir de telles dérives, et elle appellera au renforcement de la lutte contre les sectes, sans aucune ambiguïté (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe communiste).

ARTISANAT

M. Michel Vergnier - Hier, dans une conférence de presse, Madame la secrétaire d'Etat aux petites et moyennes entreprises, vous avez donné le départ d'une vaste campagne de valorisation de l'artisanat qui représente la première entreprise de France. Dans mon département, ce secteur a créé plus de 800 emplois durant les quatre dernières années. Outre son importance économique, l'artisanat joue un rôle social irremplaçable en véhiculant des valeurs de qualité et de savoir-faire, en contribuant à renforcer le lien social et à préserver une forte identité des territoires.

Pour souligner la place tenue par les artisans, le Gouvernement a créé en novembre 1997 le Fonds national de promotion et de communication pour l'artisanat. La campagne qui commence est une première en France. Elle s'inscrit dans une action d'ensemble du Gouvernement en faveur de l'artisanat. Le programme "Initiatives pour l'entreprise artisanale" que vous avez présenté en décembre dernier, est un exemple de cette politique innovante.

Comment le Gouvernement compte-t-il la développer ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste)

Mme Marylise Lebranchu, secrétaire d'Etat aux petites et moyennes entreprises, au commerce et à l'artisanat - Le Fonds national de promotion est alimenté par une cotisation prélevée sur les artisans eux-mêmes, qui disposent de ce fait d'une large liberté d'action pour organiser cette campagne. J'espère que vous en apprécierez les spots à la télévision.

Cet effort de promotion est particulièrement opportun au moment où la relance par la consommation conduit les artisans de France à affronter un problème de croissance, ce qui est bien, mais aussi de pénurie de main-d'oeuvre. Sur ce dernier point, le Gouvernement a décidé d'une aide spécifique, via l'UPA, à la mise en place des 35 heures, ce qui a permis en particulier de créer des groupements d'employeurs dans cinq régions françaises, et de relier tous les CFA à Internet avant juillet 1999.

Le Centre français du commerce extérieur possède désormais un bureau spécifique pour les artisans. Avec l'aide de Mme Aubry, nous avons relancé le CIFA, qui permet à l'artisan sur le départ d'avoir à son côté le futur repreneur afin de le former. Nous avons également permis aux entreprises artisanales de posséder, comme les grandes entreprises, un fonds de garantie pour se développer dans de bonnes conditions.

L'artisanat français a ainsi décidé de passer d'une image de beau savoir-faire un peu teinté d'archaïsme à une image de très beau savoir-faire avec une forte touche de modernité.

Les artisans veulent augmenter leur part dans le commerce extérieur français, actuellement de 10 %. Déjà ils réalisent 865 milliards de chiffre d'affaires, ils représentent 830 000 entreprises comptant 1 500 000 salariés, ils forment un quart du PIB réalisé par les PME. Tout cela, les Français l'ignorent trop souvent (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

ACCIDENTS DU TRAVAIL

Mme Monique Collange - Les statistiques de la CNAM font apparaître une recrudescence des accidents du travail, dont le nombre est passé de 658 000 en 1996 à 672 000 en 1997. Cette inquiétante évolution se poursuit en 1998. Le travail précaire a fortement augmenté, or les travailleurs assujettis à ce régime sont exposés deux fois plus que les autres.

Les pouvoirs publics doivent donc redoubler de vigilance. Nous ne pouvons pas accepter que la reprise de la croissance s'accompagne de façon mécanique par un plus grand nombre de victimes d'accidents du travail. Il n'y a pas de fatalité.

Que compte faire le Gouvernement ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste)

Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité - Moi aussi, je suis inquiète. En 1997, les accidents du travail ont provoqué 50 morts de plus qu'en 1996. La priorité du ministère de l'emploi est de faire en sorte que l'on travaille en toute sécurité dans les entreprises. Nous ne ménageons pas nos efforts dans ce sens.

La France possède une réglementation très avancée dans ce domaine, et tire l'Europe derrière elle. Mais nous devons contrôler de mieux en mieux les conditions de travail réelles dans l'entreprise. J'ai récemment envoyé une circulaire dans ce sens aux inspecteurs du travail.

Nous porterons une attention particulière aux machines dangereuses et aux agents cancérigènes et aussi au désamiantage, à la radioprotection dans les installations nucléaires, surtout après l'irradiation qui s'est produite au Tricastin, et au travail du bois.

Enfin, il faut reconnaître le rôle majeur joué sur le terrain par les inspecteurs et contrôleurs du travail : sur 1 300 chantiers de désamiantage contrôlés, 105 ont dû être arrêtés, et 7 000 salariés ont ainsi été extraits d'une situation dangereuse. Nous avons créé 35 postes d'inspecteurs et 300 postes de contrôleurs, et cet effort se poursuivra, afin que le travail ne tue ni ne brise plus les hommes (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

SRETÉ NUCLÉAIRE

M. Emile Blessig - En 1986, l'accident nucléaire de Tchernobyl a révélé l'ampleur des problèmes de sûreté nucléaire posés par les réacteurs de conception soviétique. Selon une enquête réalisée dans le cadre d'Agenda 2000, 8 des 28 réacteurs en activité en Europe centrale et orientale, dont 4 en Bulgarie, 2 en Slovaquie et 2 en Lituanie, devraient être fermés sans délai, mais compte tenu de la situation économique de ces pays, seule la mobilisation de l'aide internationale permettra de porter le niveau de sûreté à celui que connaissent les pays occidentaux.

La Commission a pris en charge la coordination de cette aide, mais malgré un effort financier considérable, plus du tiers des 5,2 milliards de francs inscrits depuis 1990 n'ont pas été consommés, ainsi que l'établit un récent rapport de la Cour des comptes européenne, qui fustige le manque de transparence, de cohérence et de réalisme de l'action entreprise. Plutôt que d'alarmer nos concitoyens avec le prétendu danger des centrales françaises, n'est-il pas temps de s'attaquer au risque majeur qui menace à quelques centaines de kilomètres seulement ? Qu'entend faire le Gouvernement, dans le cadre de l'Union européenne, pour promouvoir une politique ambitieuse de sûreté nucléaire à l'Est ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF, du groupe RPR et du groupe DL)

M. Christian Pierret, secrétaire d'Etat à l'industrie - Le rapport de la Cour des comptes européenne, qui relève en effet quelques dysfonctionnements tels que l'absence de personnel spécialement affecté à cette tâche, l'insuffisant appel à la concurrence et la tendance à privilégier les entreprises occidentales par rapport aux entreprises locales, a donné lieu à des réponses précises de la part de la Commission, dont aucun membre n'a d'ailleurs vu sa responsabilité personnelle mise en cause à ce sujet (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe du RPR).

Deux principes guident notre action : la sûreté doit prévaloir sur toute autre considération ; la sûreté est une prérogative des Etats, la Commission n'étant compétente qu'en matière de radio-protection.

C'est ainsi que nous participons à un important programme de sûreté des installations militaires, qui a produit des premiers résultats dès 1993. Un fonds de la BERD (Interruptions sur les bancs du groupe du RPR) a permis d'associer quinze pays à cette action. Enfin, il s'est créé le mois dernier une association des autorités de sûreté nucléaire européennes, ce qui permet d'envisager la coopération sous les meilleurs auspices (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste).

M. Robert Pandraud - Nous sommes sauvés !

ALCATEL

M. Patrick Malavieille - Le groupe Alcatel vient d'annoncer ses résultats pour 1998 : le bénéfice net fait plus que tripler, pour atteindre 15,3 milliards de francs, et le résultat opérationnel progresse de plus de 10 %. Pourtant, son PDG prévoit de supprimer, en deux ans, 12 000 emplois, soit le dixième des effectifs, afin de "dégager rapidement" un profit supplémentaire de deux milliards de francs et séduire encore plus les actionnaires. Dès l'annonce des résultats, la valeur de l'action Alcatel a d'ailleurs augmenté de plus de 5 %, et le prochain conseil d'administration doit décider de distribuer des dividendes en hausse de 14 % !

Cette logique est inacceptable et même désastreuse, tant d'un point de vue économique que social. Depuis 1995, ce sont quelque 30 000 emplois qui ont été supprimés, et les salariés licenciés peinent à retrouver un emploi, je le constate en particulier dans le Gard. Hier, on a annoncé la fermeture de l'usine de Nanterre, et celle de Reims est également menacée. Les bénéfices doivent servir à l'emploi, non à la spéculation, et l'Etat, principal client d'Alcatel, peut et doit agir pour stopper cette logique suicidaire qui sape, semaine après semaine, les efforts du Gouvernement en faveur de l'emploi et le moral des Français (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste et sur de nombreux bancs du groupe socialiste et du groupe RCV).

M. Christian Pierret, secrétaire d'Etat à l'industrie - Votre préoccupation est juste, et il doit en être tenu compte. L'industrie de la communication connaît, du fait d'une évolution technologique fulgurante et d'une concurrence qui s'intensifie chaque jour, un mouvement général de restructuration et de concentration qui n'épargne aucun pays et aucune entreprise. Le groupe Alcatel vient d'annoncer un bénéfice net de 15 milliards et, ce qui est plus significatif, un résultat opérationnel de 6,6 milliards, dont l'essentiel devra être dirigé vers l'investissement, la recherche et le développement.

Sur les 12 000 suppressions d'emplois que vous évoquez, 5 000 s'inscrivent dans des plans sociaux déjà engagés, et les autres ne devraient guère concerner, du moins l'espéré-je, notre pays. Le site de Nanterre, en particulier, n'est pas menacé. Nous déploierons tous nos efforts de persuasion, en liaison avec les élus concernés, pour que le groupe mette la croissance, l'emploi, l'investissement, la recherche et le développement au coeur de sa politique (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

OCM VIN

M. Gérard Saumade - Après-demain, et pour la première fois, toutes les organisations viticoles manifesteront ensemble à Montpellier, afin d'interpeller le Gouvernement sur la réforme de l'OCM vin et sur la proposition de la Commission européenne d'autoriser la vinification de raisins et de moûts en provenance de pays tiers. Une telle mesure irait en effet à l'encontre de toute la politique de reconnaissance des terroirs et de promotion des vins de qualité, et de la véritable révolution accomplie par les vignerons du midi, naguère voués aux excédents chroniques, mais désormais exportateurs dynamiques de crus appréciés. La France saura-t-elle faire preuve de fermeté au conseil européen de Berlin et rejeter cette proposition inacceptable ? (Applaudissements sur les bancs du groupe RCV, du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe UDF)

M. Jean Glavany, ministre de l'agriculture et de la pêche - Des progrès notables ont été faits, notamment grâce à la position prise par l'Assemblée et par le rapport rédigé par M. Barrau au nom de sa délégation ("Ah !" sur les bancs du groupe RPR, du groupe UDF et du groupe DL), sur le volet viticole du "paquet" agricole, et je souhaite donc que nous n'y touchions plus trop. Les outils actuels de régulation du marché sont préservés, la vinification des moûts provenant de pays tiers restera interdite (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe RCV) et l'extension possible du vignoble français est portée à 13 565 hectares sur trois campagnes, au lieu des 2 984 hectares -sur deux campagnes- obtenus lors de la précédente négociation.

Compte tenu d'une réserve communautaire de 17 000 hectares, la France est donc assurée d'obtenir au moins 2 % de droits nouveaux de plantation, ce qui était l'objectif qu'elle s'était fixé.

Un régime souple de reconversion sera mis en place, permettant de primer 14 000 hectares dans la limite de 35 000 F par hectare, au lieu de 90 000 hectares dans la limite de 30 000 F, comme le dispose le régime en vigueur.

D'autre part, l'Union a accordé une reconnaissance juridique à l'organisation interprofessionnelle de la filière viti-vinicole. Enfin, l'OCM sera financée pour 1,3 milliard d'euros, au lieu des 800 millions que proposait la Commission.

Il me semble que ces progrès valent qu'on ne revienne pas sur la question lors du sommet des chefs d'Etat et de Gouvernement ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste)

M. le Président - Nous en avons terminé avec les questions au Gouvernement.


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CAISSES D'ÉPARGNE (suite)

L'ordre du jour appelle les explications de vote et le vote sur le projet de loi relatif à l'épargne et à la sécurité financière.

M. Dominique Strauss-Kahn, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie - Depuis vingt-et-un mois, le Gouvernement s'efforce de mettre le secteur financier au service de l'emploi et de la croissance, en faisant porter son action sur deux points principaux. En premier lieu, il s'est attaché à consolider ce secteur, définissant pour cela une stratégie claire, différenciée et dépourvue de tout despotisme, conservant les entreprises dans le secteur public lorsque c'était possible -ainsi en est-il allé pour la Caisse nationale de prévoyance-, les mettant sur le marché lorsque nos engagements internationaux nous y obligeaient -c'est le cas du CIC. Nous avons réglé la majorité des questions qui étaient pendantes à notre arrivée -les rares exceptions étant celles que constituent le Crédit lyonnais et le Crédit foncier, mais, dans ce dernier cas, j'ai bon espoir de parvenir rapidement à une solution dans le cadre du pôle public que nous souhaitons créer.

Notre deuxième souci a été de protéger les épargnants : d'où la réforme des taux réglementés, le réaménagement des PAP à annuités progressives, la reconnaissance d'un droit au compte ou les nouvelles modalités de la lutte contre le surendettement.

Le présent projet participe, comme son titre l'indique, de deux préoccupations à la fois. La réforme des caisses d'épargne vise à donner à celles-ci les moyens de leur développement, en les dotant d'un statut qui autorise les coopérations, soit avec le secteur mutualiste français, soit avec les caisses d'épargne allemandes ou espagnoles. Mais la réforme tend aussi à conforter les caisses dans leur vocation de soutien de l'économie sociale, au service de l'intérêt général. L'article premier, considérablement amélioré par l'Assemblée, définit d'abord cette mission, ce qui n'avait pas été fait depuis plus de deux cents ans que les caisses existent.

La seconde partie de la loi a pour objet de protéger les épargnants, grâce à un ensemble de mesures techniques qui permettent par exemple un remboursement sans formalités, au moins dans la limite de 400 000 F.

Les échos qui me sont revenus tendent à prouver que notre débat a été de grande qualité et je remercie donc tous ceux qui y ont contribué, en particulier les deux rapporteurs. Pour sa part, le Gouvernement a accepté de nombreux amendements des trois groupes de la majorité et plusieurs de l'opposition. Il n'est donc pas étonnant que le texte initial ait été amélioré. Outre que nous avons, comme je l'ai dit, défini et élargi les missions d'intérêt général des caisses, nous avons donné corps à la notion de "dividende social" en disposant qu'une part minimale des résultats devrait y être affectée. Le fonctionnement du réseau a été démocratisé. A l'initiative du groupe communiste, nous avons créé un fonds de garantie des cautions obligatoires, prémunissant les épargnants contre la défaillance des constructeurs de maisons individuelles. Je pourrais poursuivre longtemps l'énumération de ces amendements, étant entendu que d'autres questions restent ouvertes, telle celle du prix auquel les déposants pourront acheter des parts de coopérateur et qui devrait être fixé de sorte à n'en écarter aucun.

Au total, ce projet devrait faciliter la constitution du pôle public que la majorité appelle de ses voeux et qui devrait aussi englober la Caisse des dépôts, bien sûr, la Caisse nationale de prévoyance, la BDPME, mais aussi demain, probablement, le Crédit foncier. Nous aurions ainsi un ensemble d'instruments à la disposition des entreprises et des particuliers, qui ferait de la banque autrement.

Vous remerciant à nouveau, je m'apprête à écouter avec le plus grand intérêt vos explications de vote (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

M. Douyère, rapporteur de la commission des finances pour la réforme des caisses d'épargne - En raison de leur importance financière et sociale, les caisses d'épargne méritaient de faire l'objet d'une large concertation et d'un débat parlementaire nourri. A cet égard, la présente réforme aura été exemplaire. Elle a été préparée de longue main et j'ai moi-même élaboré un rapport au Premier ministre et au ministre de l'économie dans lequel je recensais les statuts possibles. Celui qui a été choisi ici, le statut coopératif, apparaît le mieux adapté à la culture des caisses d'épargne et à leur double nature : sociale et bancaire.

Cette réforme est également exemplaire parce que l'initiative parlementaire a été respectée. Une grande majorité des amendements de la commission a été acceptée, ce qui a contribué à la fois à enrichir et à simplifier le texte du Gouvernement.

A l'enrichir : nous avons introduit à l'article premier, définissant les missions d'intérêt général incombant au réseau, des références au développement économique local et régional, à la lutte contre l'exclusion, à la protection de l'environnement et au développement durable du territoire. Nous avons garanti qu'au moins un tiers des sommes disponibles après mise en réserve serait affecté à des projets d'intérêt général, en précisant que ceux-ci ne seraient pas circonscrits au ressort territorial de chaque caisse.

A des structures régionales d'épargne porteuses des parts sociales, l'Assemblée a préféré des structures locales, en vertu des valeurs de démocratie et de proximité qui doivent gouverner toute société coopérative. A dissocier expression du sociétariat et détention de parts sociales, on risquait de priver les caisses d'épargne de leur âme.

A cet égard, l'amendement du groupe communiste tendant à confier aux groupements locaux la définition des orientations de la caisse régionale a été particulièrement utile.

Nous avons fait de la Fédération nationale un véritable parlement des caisses, chargé de définir, en concertation avec la caisse nationale, les orientations stratégiques du réseau.

Enfin, nous avons accru la participation des collectivités au capital des groupements locaux.

Enrichi, le texte a été également simplifié. Les conditions de création des groupements locaux ont été assouplies, le nombre minimal de sociétaires ayant été abaissé.

Les conditions de rémunération des parts sociales dans les différents GLE affiliés à une même caisse régionale ont, par ailleurs, été égalisées.

La limitation à 17 du nombre des membres des conseils d'orientation et de surveillance des caisses régionales et à deux de celui des délégués de chaque caisse à la Fédération sont d'autres simplifications.

Par ailleurs, l'équilibre défini par le projet du Gouvernement pour la négociation des accords collectifs permettra, tout en préservant l'identité du réseau et sans remettre en cause des accords en vigueur, d'éviter les blocages du dialogue social trop souvent constatés.

Nos débats ont enfin permis de préciser certains aspects plus techniques. Ainsi, bien que le placement de parts sociales de sociétés coopératives ne soit pas assimilé à un appel public à l'épargne, l'Assemblée a souhaité garantir l'information du public.

Elle a par ailleurs, Monsieur le ministre, pris bonne note des assurances que vous lui avez données sur la neutralité de la réforme en matière de fiscalité et de charges sociales, notamment pour ce qui concerne la caisse générale de retraite du personnel.

Je me félicite du climat serein et constructif qui a présidé à l'examen attentif de plus de 150 amendements, au cours d'un débat qui a permis à chacun de s'exprimer. Le talent et la courtoisie du ministre y sont pour beaucoup, je tiens à l'en remercier.

Au terme de cette première lecture, la réforme réaffirme la force du lien particulier qui unit les caisses d'épargne à la nation. Elle réaffirme aussi leur spécificité d'établissement de crédit à but non lucratif au service de l'intérêt général et elle leur permet d'être une banque différente : un réseau généraliste de proximité, au service d'une clientèle familiale et populaire, et qui utilise les dépôts qu'elle reçoit au profit de l'économie régionale (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe RCV).

M. Dominique Baert, rapporteur de la commission des finances  pour la sécurité financière - Nous voilà au terme d'un débat dont je tiens à souligner et la qualité et l'esprit de tolérance.

Chaque groupe politique a pu défendre ses convictions et nous sommes parvenus, dans la plupart des cas, à nous accorder sur l'essentiel : la sécurité financière.

Afin de renforcer la compétitivité de la place bancaire française en la rendant plus attrayante, nous avons stimulé le marché des obligations foncières et mis en place des fonds de garantie. De plus, pour que cette sécurité de place fonctionne vraiment, elle doit être solidaire. Ces options sont, sur tous les bancs, largement admises.

Notre commission et l'Assemblée, ont de surcroît accepté d'accentuer le contrôle sur l'activité des compagnies d'assurance et de réassurance et d'exiger des banques et des entreprises d'investissement qu'elles renforcent leurs procédures de contrôle de gestion. Voilà qui devrait, sauf malversations toujours envisageables, protéger nos épargnants.

Par ailleurs, nous avons noté avec satisfaction le renforcement des pouvoirs de la commission bancaire et de la commission de contrôle des assurances, ainsi que l'institution du collège des autorités de contrôle, ce qui améliorera l'échange d'informations et donnera une vision plus exhaustive de l'activité des grands groupes internationaux.

La solidarité se renforce donc avec l'achèvement tant attendu du mécanisme de garantie des déposants, par l'institution d'un fonds de garantie unique pour tous les établissements bancaires, quel que soit leur statut juridique. Le projet innove aussi en créant un fonds de garantie pour l'assurance des personnes et en instituant un mécanisme de garantie des investisseurs.

A ce sujet, le débat est cristallisé sur deux points : l'institution d'un droit d'alerte des autorités de contrôle par les dirigeants de ces fonds de garantie, et les modalités de calcul des cotisations individuelles de leurs adhérents. Sur ces deux points, nous sommes parvenus à des rapprochements significatifs. D'une part, les présidents des directoires des deux fonds de garantie pourront être entendus par les autorités de contrôle lorsqu'ils en feront la demande, sans que pour autant la responsabilité du contrôle ne soit diluée. D'autre part, les cotisations devront refléter les risques objectifs que les établissements concernés feront courir aux fonds de garantie. Enfin, en adoptant plusieurs amendements, dont certains émanaient des groupes de l'opposition, la commission des finances a souhaité obtenir des précisions sur quelques questions de nature fiscale et nous serons, Monsieur le ministre, particulièrement attentifs aux réponses que vous y apporterez au cours de la navette.

Afin de constituer en France un marché des obligations foncières comparable à celui des Pfandbriefe en Allemagne et de développer celui des créances hypothécaires, le projet procède à une ambitieuse réforme des sociétés de crédit foncier. Plusieurs suggestions émanant de tous les bancs ont été retenues, qu'il s'agisse de renforcer la sécurité des porteurs d'obligations foncières, de préciser l'objet de ces sociétés, de garantir le professionnalisme de leurs équipes de gestion ou encore de les autoriser à racheter les obligations émises par les autres sociétés de crédit foncier.

Chacun aura noté l'unanimité qui a régné lorsqu'il s'est agi de venir en aide aux victimes des faillites des sociétés de caution. En créant un nouveau mécanisme, notre Assemblée a comblé un vide juridique, et apporté ainsi une solution à des situations dramatiques, ce qui l'honore. Le même consensus a prévalu à propos de la renégociation des prêts immobiliers. Ce relatif consensus s'est étendu à la suppression de l'article 37 du projet. Comment aurait-il pu en être autrement ? Notre Assemblée est attachée à l'économie sociale, y compris dans le système bancaire. Votre esprit d'ouverture, mérite là encore d'être souligné, Monsieur le ministre.

En conclusion, j'appelle à un vote, sinon unanime, au moins très large de l'Assemblée. Franchement : qui, parmi nous, ne peut être favorable au développement des mesures de prévention dans nos établissements financiers ? Qui, parmi nous, désapprouve la création de fonds de garantie capables de protéger déposants et assurés, notamment les plus modestes ?

Qui, parmi nous, s'oppose au renforcement des pouvoirs de sanction de la commission bancaire ou de la commission de contrôle des assurances ?

Qui, enfin, parmi nous, pourrait imaginer priver la place de Paris d'une chance de se doter d'un marché hypothécaire moderne, tout en offrant au Crédit foncier et à ses salariés des perspectives plus favorables ?

Voilà pourquoi je forme le voeu qu'en exprimant votre vote, vous exprimerez avant toute autre considération, votre volonté de voir notre pays disposer d'une législation moderne garantissant la protection des épargnants et la compétitivité de notre secteur financier et donc de préparer l'avenir de notre système financier et de ses salariés (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe RCV).

M. Michel Suchod - Mon groupe votera le projet de loi relatif à l'épargne et à la sécurité financière. Cette décision n'a pas été prise sans une réflexion approfondie, ni sans avoir mûrement pesé les arguments avancés, notamment par le personnel des caisses d'épargne. La sévérité de certaines des appréciations portées sur le projet peut s'expliquer par des précautions légitimes, à quelques mois de l'ouverture des négociations sur la caisse de retraite de ces personnels. Quoi qu'il en soit, le succès de la réforme dépendra de l'implication des agents et de la motivation de l'encadrement.

Je félicite M. Douyère, dont le projet prépare l'avenir en posant clairement les missions d'intérêt général du réseau, en refusant de banaliser le livret A, en instituant un statut coopératif que justifie un large sociétariat et qui donnera aux caisses l'assise qui, en ce moment, leur fait défaut. La transformation du réseau en groupe est nécessaire, la dyarchie actuelle n'ayant pas toujours, loin de là, donné satisfaction. A ce nouveau groupe, souhaitons donc "bon vent" !

Son partenariat avec la Caisse des dépôts est une nécessité absolue : la Caisse représente le meilleur de la tradition publique française et sa signature est unanimement respectée dans le monde. Cette association est un gage de succès, pour un groupe qui aura bien des atouts à faire valoir.

Nous approuvons par ailleurs le renforcement de la sécurité financière prévu par le texte, et qui concerne tant les salariés que les clients épargnants. Il est singulier de constater la rapidité avec laquelle l'Assemblée a traité ses 58 derniers articles du texte, après s'être arrêtée si longuement sur les 20 premiers...

Qui pouvait, il est vrai, refuser de renforcer la sécurité financière née de l'instabilité internationale ou de la mauvaise gestion ? Qui refusera à ceux qui placent leur argent la garantie qu'ils ne le perdront pas -sauf, naturellement, s'ils ont eux-mêmes donné l'ordre de placements risqués ?

Pour toutes ces raisons, et dans le cadre de la modernisation du secteur bancaire et financier à laquelle l'Assemblée est associée, le groupe RCV votera le texte (Applaudissements sur les bancs du groupe RCV et du groupe socialiste).

M. Marc Laffineur - Je tiens, au nom du groupe Démocratie libérale, à dire mes regrets. Notre sentiment prédominant est en effet celui d'une formidable occasion manquée, autant pour le volet de la réforme de la Caisse d'épargne, que pour celui de la garantie financière. La partie relative aux caisses d'épargne manque d'ambition, alors même que l'actualité illustre de façon éclatante le processus de profonde recomposition du paysage bancaire. Il aurait fallu donner aux caisses d'épargne davantage de moyens pour qu'elles puissent y participer avec plus d'atouts. La privatisation du Crédit lyonnais et son probable rapprochement avec le Crédit agricole, l'offre publique d'échange lancée par la BNP sur la Société générale et Paribas démontrent la nécessité qu'il y a désormais pour les banques de s'efforcer d'atteindre une taille critique suffisante. L'avènement de l'euro ne fera que renforcer la concurrence.

Dans ce contexte, cette réforme aurait pu être une chance réelle pour l'entreprise, mais le Gouvernement a préféré une attitude plus frileuse, moins volontaire. Le groupe Démocratie libérale ne saurait donc se satisfaire de ce texte.

Quant à la sécurité financière, dont la réforme est nécessaire, votre projet manque là aussi d'ambition.

L'instauration d'un fonds de garantie unique permettra de lutter plus efficacement contre les faillites d'établissements bancaires en ayant recours à la solidarité des établissements entre eux. Ainsi nous devrions exorciser le spectre d'un nouveau Crédit lyonnais.

Mais les lacunes, les carences et les non-dits de ce texte en font là aussi, une formidable occasion gâchée. Il n'est porteur d'aucune solution structurelle. Il aurait fallu assainir la situation des établissements financiers en supprimant les charges fiscales anormales qui les handicapent face à la concurrence, en particulier la taxe sur les salaires, impôt de 10 % assis sur les salaires, et la contribution sur les institutions financières, qui représente 1 % des frais de fonctionnement.

Dans ces conditions, le groupe Démocratie libérale ne peut que voter contre votre projet, convaincu que le Gouvernement a gâché une opportunité de renforcer le pôle financier de notre pays... (Applaudissements sur les bancs du groupe DL, du groupe du RPR et du groupe UDF)

M. Jean-Pierre Balligand - Nous avons eu sur ce texte un bon débat. Beaucoup de nos collègues vont prendre aujourd'hui des positions différentes de la teneur des discussions, pendant lesquelles nous avons beaucoup avancé et pendant lesquelles M. le ministre a fait preuve d'ouverture.

La réforme des caisses d'épargne est, pour le parti socialiste, fondamentale. Garder leur statut sui generis présentait un véritable danger quand au dynamisme du groupe. Le texte prévoit d'une part la fédération, une sorte de parlement des présidents de caisses régionales, et d'autre part un véritable exécutif central avec un pouvoir d'audit des caisses régionales et de nomination de leurs dirigeants.

J'exprimerai en quatre points la position du parti socialiste.

D'abord, la réforme est basée sur un statut coopératif. C'est donc tout sauf une privatisation. La transformation des caisses d'épargne en banques coopératives leur donne un statut juridique compatible avec la prise en charge de missions d'intérêt général, lesquelles ont été étendues à la prise en compte de l'exclusion bancaire et financière, à l'environnement et à l'aménagement du territoire. Les moyens ne sont pas oubliés : le dividende social ne pourra pas être inférieur au tiers des sommes disponibles après mises en réserve.

Ensuite, le statut coopératif est compatible avec la doctrine européenne relative aux missions d'intérêt général dans le secteur bancaire. Il permettra demain aux services bancaires d'intérêt collectif de trouver un relais juridique homogène sur l'ensemble de la zone euro, pour appuyer le financement de la croissance, la lutte contre les exclusions bancaires et le financement de l'innovation et du capital risque de proximité. En plaçant les caisses d'épargne au coeur du mouvement coopératif européen, nous assurons leur stabilité juridique.

Troisièmement, les caisses d'épargne coopératives, avec pour actionnaire de référence la Caisse des dépôts et consignations, auront toute leur place dans un pôle financier mixte. Cependant, la pire des solutions aurait été de s'orienter vers le modèle de la banque des pauvres, la banque du capital-risque PME, la banque solidaire pour tout le monde. Il n'y aurait rien de moins efficace que d'enfermer le secteur financier public dans des missions que les autres refusent d'assumer. Alors que nous créons un fonds de garantie en vue de mutualiser les erreurs, ce projet permet d'engager des mutualisations du développement économique, de l'innovation et de la lutte contre l'exclusion. Soumis aux mêmes règles, plus aucun établissement bancaire français ne peut désormais se dérober à ses responsabilités vis-à-vis des exclus ou des très petites entreprises. Le pôle financier mixte doit donc être un catalyseur pour des partenariats avec les grands acteurs du secteur privé et coopératif, soucieux d'une conception maîtrisée et déconcentrée de leur action. Pour ma part, je regrette la vision balkanisée consistant à laisser aux uns les objectifs de rentabilité et aux autres la prise en charge de tous les maux de la société. Les autorités américaines nous ont montré le chemin en obligeant les banques commerciales privées à réinvestir les quartiers pauvres.

N'oublions pas enfin que ce texte est aussi le moyen de renforcer la robustesse et la solidarité de la place financière de Paris. Il est temps qu'un fonds de garantie, dont il faut souhaiter qu'il soit le moins souvent possible sollicité, soit créé, pour créer des obligations réciproques entre les acteurs bancaires coopératifs et privés. Le fait de cotiser conduit à un minimum d'autodiscipline que nous n'avions pas par le passé.

Le groupe socialiste votera donc ce texte, en espérant qu'il sera une avancée importante vers la constitution d'un pôle autour de la Caisse des dépôts (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

M. Yves Deniaud - M. Christian Cabal s'associe à mes propos. Sur les Caisses d'épargne, les réflexions du précédent gouvernement s'orientaient déjà vers le statut coopératif. Ce n'est donc pas le principe qui nous heurte, mais sa mise en oeuvre. D'abord, cette réforme aurait pu coïncider avec celle de la Caisse des dépôts. Ensuite, il aurait été hautement préférable que les sociétaires le soient des caisses d'épargne et non de groupements locaux, coquilles vides sans existence réelle.

Sur la sécurité financière, la priorité aurait dû être de ne négliger aucune garantie pour l'avenir des caisses d'épargne, d'autant qu'elles sont l'institution financière la plus populaire. Tel n'est pas le cas. Les caisses détiennent des fonds propres importants : 65 milliards. Mais leur rentabilité n'est que de 3 %, alors qu'une autre institution annonçait récemment 42 %.

Les caisses devront donc faire un effort considérable, et cela coûtera beaucoup d'argent. La caisse de retraite du personnel coûtera entre 15 et 40 milliards. La défunte Commission de Bruxelles avait attaqué le livret bleu. La prochaine s'en prendra sans doute au livret A.

Les caisses d'épargne devront contracter des alliances. Une croissance externe sera sans doute indispensable.

Tout cela coûtera beaucoup d'argent. Par conséquent, l'Etat n'aurait pas dû fixer un montant de capital social à placer aussi élevé, pour en récupérer entièrement le montant au profit d'un fonds de réserve des retraites par répartition. 18,8 milliards pour cet usage, c'est d'ailleurs dérisoire face aux 600 milliards annuels qui seront nécessaires à partir de 2015. Mais 18,8 milliards à placer en quatre ans, c'est trop parce que les autres réseaux ont mis 20 à 25 ans pour un même résultat, et parce que leur rémunération plombera une rentabilité déjà trop faible. Il eut fallu laisser six ans pour placer ces parts mais aussi régler tous les autres problèmes : restructuration, caisses de retraite, croissance externe... On aurait ensuite décidé, au vu de la situation, d'une contribution à verser à l'Etat. A quoi sert en effet de décider d'une somme de 18,8 milliards si on doit en verser beaucoup plus dans quelques années pour renflouer le réseau ? Nous ne pouvons donc pas accepter ce texte. Nous n'avons pas les mêmes réticences sur la seconde partie, qui puise ses sources dans le travail de la précédente législature, et notamment celui de Philippe Auberger.

La création du fonds de garantie, l'accroissement des pouvoirs de la commission bancaire vont dans le bon sens. Mais seule l'indépendance de cette dernière donnerait une réelle garantie. L'exemple du Crédit lyonnais montre que les mécanismes les plus élaborés ne fonctionnent pas tant que des liens hiérarchiques, politiques ou des solidarités de corps perdurent.

Les deux parties du texte étant cependant liées, le RPR votera contre ce projet (Applaudissements sur les bancs du groupe du RPR et du groupe DL).

M. Jean Vila - Le vote solennel sur ce projet de loi intervient alors que les restructurations de notre secteur bancaire et financier entrent dans une nouvelle phase, avec le regroupement de la BNP, de la Société générale et de Paribas et la privatisation du Crédit lyonnais.

Cette course à la rentabilité, lourde de menace pour l'emploi, confirme malheureusement nos craintes sur les conséquences de la crise financière mondiale et la mise en place de l'euro.

Les marchés financiers, plus que jamais, prétendent dicter au Gouvernement et aux peuples leur credo monétaire et budgétaire ; la crise que vient de connaître le gouvernement allemand est particulièrement significative.

Ce qui est en jeu, c'est la réorientation de la construction européenne, à laquelle s'opposent des forces économiques et politiques considérables.

Mais ces forces peuvent être mises en échec, en particulier par un gouvernement qui, comme en France, s'inscrit dans une perspective de changement.

Refuser la société de marché, défendre et renouveler le modèle social européen implique d'inventer des modes nouveaux de financement de l'économie favorisant la création d'emplois et faisant reculer du même pas la domination des marchés financiers sur les banques et le crédit.

Il faut infléchir la politique monétaire européenne, baisser les taux d'intérêt de façon sélective afin de favoriser l'investissement favorable à l'emploi, construire en France et en Europe un nouveau crédit à long terme à taux plus bas, voire négatifs, grâce à des engagements précis des entreprises en termes de création d'emplois et de dépenses pour la formation.

La banque européenne d'investissement mériterait d'être mobilisée dans cette perspective, de même que la BCE et que le réseau des banques centrales, au travers d'un refinancement des banques et des institutions financières qui s'engageraient dans cette démarche.

Dans un tel contexte, la réforme des caisses d'épargne a un enjeu considérable.

Notre groupe est préoccupé par l'abandon du but non lucratif des caisses d'épargne. Leur transformation en société anonyme coopérative risque d'ouvrir leur gestion à la rentabilité financière avec, à la clef, le risque de fermetures de caisses, de suppressions d'emplois et de remise en cause des missions d'intérêt général.

Nous nous interrogeons aussi sur le contenu et les modalités du partenariat avec la Caisse des dépôts et consignation, que préfigurent la filialisation des activités concurrentielles de la CDC et la création d'une banque d'investissement.

Nous avons insisté sur notre souhait de voir engagée, à l'occasion de la réforme des caisses d'épargne, la constitution d'un pôle public et social d'impulsion des coopérations bancaires pour développer une nouvelle mission d'intérêt public du crédit, financer l'emploi-formation et soutenir des coopérations en France et en Europe afin de réduire le rôle des marchés financiers.

Si nous apprécions, Monsieur le ministre, les précisions que vous venez d'apporter sur le pôle financier public, l'ambition qui lui sera donnée et son mode d'intervention afin que le secteur bancaire et financier soit mieux orienté vers le financement de l'emploi, demeurent largement à préciser.

Vous avez confirmé votre attachement à ce que les propositions émanant des composantes de la majorité puissent être prises en compte, nous nous en réjouissons. Il est essentiel que ces éléments soient inscrits dans le projet, pour que notre groupe puisse soutenir un texte qu'il a déjà contribué à améliorer.

Il est donc impératif que la deuxième lecture permette des avancées significatives, y compris pour la sécurité financière.

Il y va du développement effectif des missions d'intérêt général. Le partenariat entre les caisses d'épargne et la CDC doit être construit pour servir l'intérêt général et l'emploi, et non la logique financière. Dans le même esprit, il faut réaffirmer la spécificité du livret A et garantir, par le maintien du taux, la rémunération de l'épargne populaire. Il convient encore, pour un vrai fonctionnement coopératif, de favoriser l'élargissement du sociétorat, de limiter les possibilités de cession des parts, d'élargir la démocratie dans le réseau, de mieux garantir l'emploi et les droits des salariés.

Si la discussion était arrivée aujourd'hui à son terme notre groupe aurait été amené à voter contre le projet ("Ah !" sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL). Mais (Rires sur divers bancs) nous apprécions, Monsieur le ministre, votre ouverture sur des points importants et votre engagement dans votre lettre de réponse à Robert Hue, à ce que la deuxième lecture puisse concrétiser de vraies avancées. Dans le cas contraire, nous voterions contre le texte définitif.

Nous émettons donc aujourd'hui un vote d'abstention constructif (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste ; rires sur divers bancs).

M. Pierre Méhaignerie - Il y a dans ce projet des éléments qui auraient pu conduire une majorité de notre groupe à ne pas voter contre. Mais il y aura un débat après ce vote. Il a d'ailleurs déjà commencé.

Jean-Jacques Jégou s'est beaucoup investi dans cette discussion, il a beaucoup fait pour que le texte soit amélioré. Mais, une nouvelle fois -cela devient une habitude pour ce Gouvernement- une lettre a été transmise à un groupe de la majorité, dont les autres groupes ignorent le contenu.

Dans ces conditions, nous attendrons le vote final pour prendre position en fonction de ce que le Gouvernement fera vraiment, non de ce qu'il écrit à tel ou tel groupe de la majorité (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF).

Il y a dans cette assemblée des hommes et des femmes qui sont prêts à ne pas voter systématiquement blanc ou noir en fonction du parti qui propose le texte, mais l'attitude du Gouvernement, dont les questions d'actualité offrent une caricature, empêche vraiment tout dialogue ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF)

A la majorité de 254 voix contre 234 sur 532 votants et 488 suffrages exprimés, l'ensemble du projet est adopté.

La séance, suspendue à 16 heures 55, est reprise à 17 heures 10 sous la présidence de M. d'Aubert.

PRÉSIDENCE DE M. François d'AUBERT

vice-président


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  PROPOSITIONS DE RÉSOLUTION : 
RÉFORME DE LA POLITIQUE AGRICOLE COMMUNE
FONDS STRUCTURELS
NOUVELLES PERSPECTIVES FINANCIÈRES

L'ordre du jour appelle la suite de la discussion de la proposition de résolution de Mme Béatrice Marre sur le projet de réforme de la politique agricole commune, de la proposition de résolution de M. Alain Barrau sur la réforme des fonds structurels, et de la proposition de résolution de M. Gérard Fuchs sur l'établissement de nouvelles perspectives financières pour la période 2000-2006 et sur le projet d'accord interinstitutionnel sur la discipline budgétaire et l'amélioration de la procédure budgétaire.

Discussion générale commune (suite)

M. Philippe Duron - L'Union européenne, ses actions et décisions, ont des répercussions grandissantes sur notre vie quotidienne et sur nos territoires. Avec la monnaie unique, les fonds structurels européens sont devenus l'expression de la solidarité entre les pays de l'Union. Représentant actuellement le deuxième poste de dépense de l'Union, ils apportent un appui financier majeur à notre politique d'aménagement du territoire. Le projet de loi d'orientation pour l'aménagement et le développement durable du territoire, adopté en première lecture le 9 février, intègre cette évolution, en affirmant dès l'article premier que l'Etat doit favoriser la prise en compte dans la politique européenne des choix stratégiques d'aménagement du territoire. La Commission européenne a présenté en juillet 1997 dans le cadre d'Agenda 2000 des propositions de réforme des fonds structurels qui sont conformes à l'esprit de la LOADDT. En effet, elles tendent à opérer une concentration thématique des objectifs, qui les ferait passer de 7 à 3.

Ainsi le nouvel objectif 2, qui regroupe les objectifs 2 et 5b actuels, et donc les problèmes de développement urbain et de développement rural, trouve un écho dans le projet de loi d'orientation, qui tend lui aussi à surmonter le clivage traditionnel entre le rural et l'urbain, notamment par le rôle qu'il confère aux pays.

D'autre part, les réflexions sur les problèmes urbains se traduisaient jusqu'à présent essentiellement dans les programmes d'initiative communautaire, par exemple Urban. La prise en compte de la dimension urbaine dans les fonds structurels est donc bienvenue.

La LOADDT, elle aussi, tend à adapter l'aménagement du territoire aux réalités quotidiennes de nos concitoyens, qui sont des réalités urbaines pour 80 % d'entre eux.

Toutefois l'intégration de la dimension urbaine dans l'objectif 2 n'a pas semblé suffisante à la commission de la production, qui a souhaité la création d'une 4ème initiative consacrée à la politique de la ville.

La deuxième convergence importante entre les propositions de la Commission européenne et la LOADDT porte sur l'amélioration du fonctionnement des fonds qui, on le sait, sont sous-consommés, particulièrement en France.

Pour y remédier, la Commission a proposé de renforcer les mécanismes de contrôle et d'évaluation, d'améliorer et de simplifier les procédure, enfin de mieux définir les responsabilités dans le cadre d'un partenariat élargi. En effet, elle souhaite une participation effective aussi large que possible, à tous les stades de la programmation, des autorités régionales ou locales, et des partenaires économiques et sociaux.

En ouvrant plus largement les instances consultatives et d'élaboration des politiques d'aménagement du territoire, en définissant, sur le territoire régional, un maillage de territoires pertinents, c'est-à-dire les pays et les agglomérations, et en mobilisant l'ensemble des acteurs locaux, la LOADDT répond tout à fait à cette approche. La notion de territoire de projet est capitale, puisqu'il s'agit, au niveau national comme à celui des fonds structurels, de sortir d'une logique de guichet encore trop répandue.

Puisque l'on s'achemine vers une restriction de la population éligible aux fonds structurels dans un contexte d'élargissement de l'Union et de stabilisation budgétaire, il est essentiel d'améliorer le fonctionnement de ces fonds. La LOADDT peut y contribuer grandement.

Parce que la politique des fonds structurels conforte celle de l'aménagement du territoire, les députés socialistes apporteront leur soutien au projet de résolution proposé par la délégation. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste)

M. Henry Chabert - Il est paradoxal d'examiner les perspectives financières pour les sept années à venir, alors que la Commission est en pleine crise et que le Parlement européen élu en juin prochain ne pourra y imprimer sa marque. Le lancement de l'euro, l'élargissement, la révolution technologique et la gangrène du chômage nous imposent d'être à la fois ambitieux et rigoureux. Or, les perspectives proposées ne méritent aucun de ces deux qualificatifs.

La rigueur budgétaire n'est qu'un trompe-l'oeil. Contrairement aux voeux de la France, de certains de ses partenaires et du Parlement européen, les dépenses ne sont pas stabilisées, mais progressent, et ce sans même répondre aux besoins de l'élargissement, dont on peut pourtant espérer le meilleur effet de retour sur investissement. La progression des dépenses n'est pas non plus mise à profit pour ouvrir des chantiers d'envergure dans les domaines de pointe que sont l'espace, les télécommunications, la recherche, la santé. Enfin, l'Europe néglige son devoir de solidarité vis-à-vis des pays d'Afrique, des Caraïbes et du Pacifique, alors qu'il suffirait de 25 millions d'euros pour doter de l'eau courante plus de 400 000 habitants de la capitale éthiopienne, et de quelques autres millions pour augmenter de moitié la surface des terres irriguées de ce même pays.

S'agissant des ressources, la règle retenue a le mérite de tenir compte de la richesse propre de chaque pays, mais son application suppose que deux conditions soient remplies : que le PNB affiché soit sincère, fiable, et donc calculé sur la base 1995 plutôt que 1979 ; qu'une juste contribution de chaque pays, et notamment de la Grande-Bretagne et de l'Italie, soit progressivement rétablie.

Les perspectives tracées par la Commission ne répondent pas aux exigences de notre temps. Pour que tel soit le cas, il faudrait une réforme institutionnelle, que la crise actuelle peut laisser espérer (Applaudissements sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL).

M. Yves Bur - Ce débat s'inscrit dans un contexte de crise, lié à la démission collective de la Commission et aux incertitudes de la politique allemande. Il précède de quelques jours le sommet de Berlin, dont on peut douter qu'il parvienne à un accord. Nous avons donc l'occasion de dire notre inquiétude devant les risques de blocage, voire de régression de la dynamique européenne, mais aussi de réaffirmer les principes sur lesquels sont fondés ses succès.

S'agissant des nouvelles perspectives financières, les difficultés s'accumulent : défaut de maîtrise des dépenses, déséquilibre des contributions des Etats, sous-consommation des crédits. Nous n'avons pas le sentiment que les propositions de la Commission soient de nature à les surmonter.

L'UDF est attachée à la maîtrise des dépenses communautaires. Comme l'a souligné le rapporteur, l'Union européenne ne saurait s'exempter de l'effort que consentent les Etats membres. En outre, une telle rigueur est nécessaire pour assurer la stabilité de l'euro, que la crise actuelle a affaibli. Or, la rigueur affichée par la Commission n'est qu'apparente : si ses propositions sont retenues, notre pays devra payer, en sept ans, 150 milliards de francs de plus.

En second lieu, le principe de solidarité doit être maintenu. Le remettre en cause pour le remplacer par l'exigence égoïste du "juste retour" mettrait à mal les politiques communes, la PAC en particulier, dont aucun Etat ne peut nier les bénéfices qu'il en a retirés, et conduirait à refuser l'élargissement, qui exigera des Quinze un effort, mais leur offrira aussi les avantages économiques d'un marché plus étendu. L'élargissement est une obligation morale et historique envers ces peuples qui ont si longtemps rêvé de liberté et de progrès. Prendre la responsabilité de briser ce rêve serait lourd de conséquences pour la stabilité du continent et pour la paix. Or, les dotations que la Commission propose de consacrer au processus d'élargissement sont loin de correspondre à l'ampleur des besoins.

L'Agenda 2000 ne comporte aucune proposition de modification de la structure du financement de l'Union. Singulière prudence, étant donné l'importance prise par la question des contributions nationales ! Prendre pour référence le PNB de chaque Etat paraît la voie la plus consensuelle, ainsi que la mieux à même de régler le problème des soldes excessifs, même s'il n'est pas sans risque de lier l'évolution d'un budget de l'Union à celle de la croissance économique. Faut-il envisager de nouvelles ressources propres ? Si tel devait être le cas, il importerait d'affirmer d'emblée que les prélèvements subis par nos concitoyens ne s'en trouveraient pas accrus. Nous regrettons vivement que la Commission n'ait pas anticipé ce débat ni proposé de piste pour la période à venir.

L'Europe est en proie au doute. Nos concitoyens restent attachés à la construction européenne, mais ils attendent un sursaut. La crise actuelle et les élections de juin doivent être mises à profit pour lancer une nouvelle dynamique qui tienne compte de cet état d'esprit. Seule une réforme approfondie du fonctionnement institutionnel redonnera du sens à l'idée européenne (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF).

M. Jean-Michel Marchand - Les 24 et 25 mars, à Berlin, les chefs d'Etat et de gouvernement de l'Union devront parvenir à un accord définitif sur l'Agenda 2000 mais la négociation s'annonce bien délicate, en raison de l'importance des enjeux et de la crise qui s'est nouée avec la démission de la Commission.

De ces enjeux, le plus important est sans conteste la politique agricole commune, dans la mesure où y sont consacrés plus de 42 % des recettes affectées. Première puissance agricole d'Europe, la France en est la première bénéficiaire. Nous comprenons les principes sur lesquels se fonde la position du Gouvernement : effort de rigueur budgétaire, préservation des politiques communes et équité entre les Etats membres. Le prétendu accord des 10 et 11 mars ne s'inscrit pas dans une telle perspective : il amorce une dérive budgétaire inquiétante, avec un dépassement de plus de 6 milliards d'euros !

Dans sa loi d'orientation agricole, la France a mis en avant la multifonctionnalité d'une agriculture qui produit certes, mais qui doit aussi être au service du développement durable, de l'emploi, de l'environnement, des éco-systèmes et de la qualité des eaux et des sols. Nous avons d'autre part constamment affirmé notre refus du co-financement et de la renationalisation de la PAC. Dès lors, nous ne saurions accepter un "accord" qui entre dans la logique de l'agriculture industrielle et fait peser une menace sur les quotas laitiers. La négociation en cours doit être pour nous l'occasion de défendre la multifonctionnalité et une politique favorable aux cultures extensives, à la limitation des intrants, au troupeau allaitant et à l'agriculture biologique. Nous devons aussi exiger qu'on repense la politique des aides afin de répartir celles-ci de façon plus juste : cela passe par leur plafonnement, par leur dégressivité, par un rééquilibrage entre producteurs et entre régions et par la prise en compte de spécificités telles que celles de la montagne.

Quant aux fonds structurels, ce sont 220 milliards d'euros au service du développement économique et social, pour la réduction des inégalités entre régions et entre groupes sociaux. Ils constituent la première source de financement européen pour les collectivités locales et sont, en volume, le deuxième budget de l'Union. Il faut soutenir la volonté d'y consacrer chaque année 0,46 % du PNB de l'Union mais sera-ce suffisant pour une politique ambitieuse ? Réduire la population couverte par ces programmes d'aide entraînerait des souffrances pour beaucoup...

Que l'objectif 2 prenne en compte la dimension urbaine est une bonne chose quand 80 % de nos concitoyens vivent en ville et que l'urbanisation entraîne des difficultés aiguës. Mais pourra-t-on réellement contribuer à la revitalisation de ces zones ? D'autre part, proclamer qu'on préservera la part qui convient pour le développement des zones rurales dans le cadre de l'objectif 5b ne s'apparente-t-il pas à un voeu pieux lorsque le budget reste constant ? Et quels seront les destinataires de ces 14 milliards d'euros : l'ensemble des acteurs socio-économiques oeuvrant en milieu rural, ou seulement les agriculteurs ?

Enfin, il est clair que l'utilisation efficace des crédits disponibles suppose une simplification des circuits nationaux d'accès à ces aides.

Ces défis, nous devrons les relever de front : notre volonté légitime d'aboutir sur la question agricole ne doit pas nous conduire à perdre sur les fonds structurels ou à considérer ceux-ci comme une variable d'ajustement du budget communautaire.

D'autre part, la réforme de ces fonds doit s'accompagner d'un renforcement du partenariat entre tous les niveaux de décision, pour l'élaboration et le suivi des dossiers : il y va de la démocratie participative !

M. Marc Laffineur - Cette proposition de résolution arrive à un moment crucial pour l'Europe. La démission collective de la Commission a en effet fait entrer l'Union dans une période de crise en mettant en lumière de graves dysfonctionnements.

Le rapport des experts indépendants, accablant pour l'actuelle Commission dans son entier, est également très sévère pour certains commissaires pris individuellement. De plus, il relève aussi des erreurs qui remontent au magistère du précédent président ! C'est en effet sous le mandat du prédécesseur de Jacques Santer que la Commission s'est auto-investie de missions nouvelles, pour lesquelles elle n'avait ni compétence, ni moyens. Or n'est-ce pas à partir des années 1990 que se sont multipliées les directives, que s'est affirmée une certaine arrogance en même temps que s'amplifiait un sentiment d'éloignement dans les citoyens ? Le vote des Danois en 1992 et le résultat du référendum français auraient déjà dû faire réagir !

On ne répondra pas à cette crise en embauchant davantage de fonctionnaires : la solution consiste à se concentrer sur ses missions premières, et à se rapprocher des citoyens.

Que ne nous a-t-on pas promis de l'avènement d'une Europe rose, d'une Europe socialiste ! Mais celle-ci est loin d'avoir eu les vertus annoncées, comme le montrent encore la démission récente d'un poids lourd du gouvernement allemand et les dissensions, au sein de ce dernier, entre écologistes et sociaux-démocrates.

Si la Commission se trouve collectivement discréditée, elle est aussi gravement mise en cause du fait des agissements du commissaire socialiste espagnol et, surtout, des négligences coupables d'un ancien Premier ministre socialiste de la France, manifestement impliquée dans un cas de favoritisme et apparemment plus soucieuse de sa mairie que du bon usage des deniers communautaires. L'image de notre pays s'en trouve passablement ternie (Protestations sur les bancs du groupe socialiste).

M. François Patriat - Minable !

M. Marc Laffineur - Sa défense illustre aussi la dérive des moeurs politiques, puisque hier ce commissaire affirmait que jamais la Commission n'aurait dû faire appel à des sages extérieurs pour la contrôler et qu'aujourd'hui, elle dit que le rapport a été trafiqué. Sans doute est-ce là la nostalgie des septennats précédents... (Mêmes mouvements)

Tout cela prouve bien le décalage existant entre vos discours et la réalité, et souligne combien notre Gouvernement est "déphasé" par rapport aux autres pays membres.

Le parallèle avec la proposition de résolution qui nous occupe est évident. Là aussi, il y a double langage et absence de cohérence entre les discours et les faits tels qu'ils résultent des documents officiels.

Les événements de ces derniers jours ne peuvent que nous inciter à profiter de ce débat pour ramener l'Union à ses missions essentielles : la politique agricole commune et l'utilisation des fonds structurels.

M. Alain Barrau - On en vient enfin au fond !

M. Marc Laffineur - Ce recentrage doit s'accompagner de davantage de transparence. Or, malgré toutes les déclarations en ce sens, nous n'en prenons pas le chemin, puisqu'il est question dans de nombreux paragraphes des résolutions de développer de multiples compétences tout en dépensant moins. Où est la cohérence ?

La réforme des fonds structurels vise d'abord à ramener le nombre des objectifs de sept à trois, et à renationaliser la gestion des aides. Ces deux points méritent des correctifs. La fusion des objectifs 5b dans l'actuel objectif 2 présente un risque pour les espaces ruraux, qui se sentent un peu oubliés dans cette nouvelle organisation. Il faut y être d'autant plus attentif que l'Union européenne doit se faire avec les peuples.

Pour ce qui est de la décentralisation de la gestion des aides, il s'agit surtout et avant tout d'une renationalisation. Ainsi, ce que nous avons combattu pour la réforme de la politique agricole commune deviendrait bon quand il s'agit des fonds structurels !

Il est inimaginable que l'Europe se disperse dans de nouveaux projets quand, dans le même temps, elle se dégage des fonds structurels. Ce serait déshabiller Pierre pour habiller Paul, et ce au mépris des traités.

C'est la complexité des attributions et la complexité des dossiers à monter qui posent problème. Il faut donc assouplir les règles et décentraliser davantage, de façon notamment à pouvoir ajuster les crédits aux besoins. Vous répondez par de nouvelles règles, par de nouvelles formalités qui vont contribuer à éloigner encore davantage les citoyens de l'Union. Nous ne pouvons pas souscrire à cette vision de l'Europe et nous voterons donc contre cette proposition de résolution.

Nous voulons l'Europe, nous avons besoin de l'Europe, mais nous ne voulons pas d'une Europe bureaucratique, technocratique, nous voulons une Europe ambitieuse et démocratique, au service des peuples. Les jeunes Européens nous jugeront à notre capacité d'inventer l'Europe de demain, une Europe du plein emploi, une Europe de paix et de liberté dans laquelle ils pourront s'épanouir : en un mot, une Europe dont ils seront fiers... (Applaudissements sur les bancs du groupe DL et du groupe du RPR)

M. François Patriat - Je souhaite évoquer la cohérence entre la réforme de la PAC et la volonté qu'a manifestée le Parlement, en votant la LOA, de défendre l'ensemble des territoires et, donc, de financer le développement du monde rural.

La LOA, dont j'étais le rapporteur, obéit à des impératifs économiques mais aussi à des critères d'équité et de légitimité. Elle vise à réorienter l'agriculture française pour tenir compte de la diversité de notre territoire. Cette agriculture doit être capable de produire des biens, alimentaires ou non, de qualité, assurant le maintien d'un maximum d'agriculteurs, créant des emplois et de tourner le dos au schéma productiviste générateur d'excédents.

Enrayer la course à l'agrandissement des exploitations, valoriser les produits, déplacer le curseur de la distribution vers la production, telles sont les voies qui devraient permettre de redonner le pouvoir économique aux producteurs.

Pour cela, il faut instaurer un vrai contrôle des structures d'aide, pour permettre le développement des exploitations qui en ont besoin, réduire la fracture que connaît la profession et répondre aux attentes des citoyens et des consommateurs.

Pour maintenir des pays -et surtout des jeunes paysans- dans nos régions les moins productives, il faut négocier avec chacun d'eux de nouvelles relations et leur permettre de percevoir la juste rétribution du travail accompli.

Notre volonté en France, est donc de tempérer le productivisme sans pour autant refuser ni le progrès technique, ni la sauvegarde de l'environnement.

La priorité ne doit plus être donnée au développement de la production, mais à celui d'un territoire et d'une société qui doivent impérieusement vivre autant que produire.

La LOA repose donc sur une logique économique mais aussi sociale, fondatrice d'un nouveau projet.

M. Christian Jacob - Quel rapport avec le texte en discussion ?

M. François Patriat - J'y viens.

Le contexte actuel est celui d'une réforme de la PAC influencée par les règlements de l'OMC et de celui de la mise en cause de la légitimité des soutiens publics actuels aux agriculteurs.

La baisse massive des prix et le démantèlement des outils communs de marché ne peuvent recueillir notre approbation.

L'argument de la compétitivité ne tient pas car, au-delà du seul marché solvable qu'est l'Europe, les marchés mondiaux sont des marchés d'écoulement de surplus, toujours perturbés, et nous savons que les baisses de prix ne sont jamais réellement répercutées à la consommation. Nous pourrions d'ailleurs débattre longuement de la capacité exportatrice réelle de la France.

Une politique de soutien des prix assortie d'une bonne gestion des marchés serait moins coûteuse que le projet actuel de la réforme de la PAC.

Je ne conteste pas le découplage qui vise à donner plus d'aides directes aux familles qu'aux produits, mais manquent cruellement la maîtrise de la production et le volet "plafonnement et modulation".

Il y a même une part de cynisme dans le langage des commissaires, qui visent à la maîtrise de la production par le découragement que suscitera la baisse des prix. De plus, la baisse des prix généralisée et brutale incite à des gains de productivité et donc à l'agrandissement des structures, contrairement à ce que nous recherchons.

Monsieur le ministre, vous avez obtenu de réels succès, fruit de votre détermination, en refusant le cofinancement, en modifiant notablement le volet "élevage allaitant" et l'extensification dans le domaine viticole.

Ces acquis ne sont pas négligeables, mais la négociation ne peut en rester là car les atouts de l'agriculture européenne sur les marchés mondiaux sont les biens alimentaires transformés à forte valeur ajoutée.

M. Christian Jacob - Mais le ministre n'a formulé aucune réserve !

M. François Patriat - Permettez-moi, Monsieur le ministre, de citer quelques points inquiétants et, en premier lieu, la suppression du prix de référence pour les oléagineux. Le démantèlement de l'aide spécifique entraînera la disparition de ce secteur déficitaire et l'accroissement des importations. Il vous faut obtenir pour le colza ce que vous avez obtenu pour le maïs !

De plus, si le niveau du prix de l'intervention ne déclenche plus l'achat public, le risque de crise est réel. L'effondrement du cours du porc a montré l'inefficacité du stockage privé.

Quant à la filière ovine, elle a été oubliée, et la baisse du prix des céréales est trop brutale et insuffisamment compensée.

Peut-on, pour autant, s'opposer, par démagogie, aux intérêts à long terme de notre pays et nier la réalité, qui est qu'une majorité d'Etat membres se prononcent pour la baisse des prix ?

Mais le niveau de cette baisse doit tenir compte à la fois de la concurrence et de la situation des producteurs.

C'est dire la nécessité de dégager des crédits pour le développement rural, d'assurer le CTE et de faire en sorte que toute baisse des prix institutionnelle soit justement compensée afin de maintenir le revenu des agriculteurs.

Votre opposition systématique, Messieurs, relève du slogan bien davantage que de la réflexion, (Protestations sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL), mais elle vous procure un confort intellectuel certain.

M. le Président - Veuillez conclure.

M. François Patriat - Dois-je vous rappeler les propos de M. Méhaignerie, alors ministre de l'agriculture, expliquant qu'il préférait être le ministre des excédents plutôt que celui de la pénurie ? Ce choix du laxisme n'est pas le nôtre (Protestations sur les mêmes bancs) et nous souhaitons aboutir à un bon accord (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe RCV et du groupe communiste).

M. Thierry Lazaro - Le projet a de quoi laisser perplexe. Comment admettre que nous acceptions la révision à la baisse du système des aides et des compensations alors même que des régions comme le Nord-Pas-de-Calais n'ont pas encore rattrapé leur retard ?

Seul l'outre-mer entrera dans le cadre de l'objectif 1. Je m'en félicite, mais cela ne suffit pas. Comment croire que l'objectif 2 compensera l'objectif 1, alors que l'on en fait une sorte de fourre-tout incohérent, alors, aussi, que bien des lacunes n'ont pas encore été comblées ? Qui peut prétendre savoir comment se déroulera une phase de transition dont on parle beaucoup, tout en ignorant en quoi elle consistera exactement ?

Pour la seule région Nord-Pas-de-Calais, ce sont près de 300 milliards de francs qui n'ont pas été consommés, par la faute d'une bureaucratie tatillonne sinon idiote. Et que dire de ces multiples petites communes dont les projets de développement ont été refusés en dépit de leur intérêt ? C'est d'autant plus difficile à admettre que la gabegie est bien rare dans les bourgs et villages mais que la démocratie de proximité y est, elle, bien vivante. Faut-il vraiment, pour voir aboutir un projet, avoir recours à un influent cabinet de lobbying bruxellois plutôt qu'à un élu local ? Quelle est la légitimité d'une telle procédure ? On ne peut que redouter un dispositif qui risque de compliquer encore les conditions d'affectation des fonds et qui, surtout, risque de tenir compte de la sous-consommation des crédits déjà alloués. Aucun secteur ne doit être lésé !

On voit, aussi, et le ministre des finances commence à le reconnaître, que les prévisions de croissance sur lesquelles est fondé l'Agenda 2000 sont bien trop optimistes. Pourtant, le moindre écart sera d'autant plus préjudiciable que l'Europe est en voie d'élargissement. Ne pas le dire c'est, une fois de plus, mentir aux citoyens, pour lesquels le réveil sera douloureux. Tout cela, parce que l'Europe rose, rouge, verte n'a pas tenu compte des réalités internationales ! (Applaudissements sur les bancs du groupe du RPR)

M. Elie Hoarau - Comme tous les agriculteurs de l'Union européenne, ceux des départements d'outre-mer -et de la Réunion en particulier- suivent avec attention et crainte les négociations en vue de la réforme de la politique agricole commune.

Le principe qui prévaut, admis par tous, est celui d'une baisse des prix et du système de compensation de manière à faire face aux risques d'accumulation des stocks d'une part et, d'autre part, à se conformer aux accords de Marrakech de 1994 avant la reprise prochaine des négociations commerciales de l'OMC.

Le risque prévisible de l'application de ce principe est la baisse du revenu des producteurs, à tel point que le souhait de la délégation pour l'Union européenne est que cette baisse soit "modérée". Plusieurs recommandations visant à sauvegarder au mieux les intérêts des agriculteurs français sont ensuite formulées.

Le cadre général étant celui-là, je ferai plusieurs remarques. La première sera de déplorer, comme le fait le rapporteur de la délégation pour l'Union européenne, le manque d'ambition de la réforme de la PAC pour les cultures des régions ultra-périphériques de l'outre-mer français : la banane pour les Antilles et le sucre, surtout pour la Réunion.

S'agissant des Antilles, la défense de l'OCM banane, devant les menaces inadmissibles des grosses sociétés américaines qui exploitent les peuples d'Amérique centrale, doit être exprimée avec force par l'Union européenne. Il y va de sa crédibilité politique.

La seconde remarque concerne le sucre de la Réunion. Les principes qui sous-tendent la réforme de la PAC sont en contradiction absolue avec le règlement sucrier européen qui arrive à échéance en 2001. Même si le sucre est considéré comme une production industrielle, quel sera alors l'avenir de la filière canne-sucre à la Réunion dans le cadre de la réforme ?

Une baisse des prix et des subventions aurait des effets dévastateurs sur l'économie sucrière et donc sur toute l'agriculture réunionnaise. Car à la Réunion, la canne constitue plus que jamais le socle d'une diversification des cultures encore fragile et inachevée. Fragile parce qu'elle est menacée par la concurrence des pays ACP voisins. Inachevée puisque la canne représente encore presque la moitié de la valeur agricole finale de la Réunion.

Les filières issues de la diversification, qui s'appuient sur les revenus tirés de la canne -assurés par les quotas et le prix garanti- risquent d'être plongées dans une crise sans précédent.

Enfin, le recul de la canne à sucre aggravera encore l'érosion à la Réunion et réduira ainsi l'espace agricole cultivable. Une grande majorité des planteurs et éleveurs de la Réunion sont maintenus en état de survie grâce au soutien public. Une diminution, fût-elle modérée, des aides communautaires et nationales, compromettrait les chances de développement agricole de la Réunion et la sauvegarde de son environnement (Applaudissements sur les bancs du groupe RCV et du groupe socialiste).

M. Alain Cacheux - Ce matin, Mme Perol-Dumont a souligné que si la politique structurelle de la Communauté a permis à certains pays de l'Union de rattraper leur retard de développement, elle avait largement échoué à réduire les disparités régionales, portant ainsi atteinte à l'objectif de cohésion économique et sociale de la Communauté.

C'est particulièrement vrai dans ma région, le Nord Pas-de-Calais, région de tradition industrielle qui poursuit sa reconversion économique depuis 35 ans.

Rappeler les piliers sur lesquels était bâtie sa puissance industrielle donne la mesure de l'effort qu'il a fallu accomplir : le charbon et l'industrie minière, la sidérurgie, et toutes les industries qui lui étaient liées, le textile, et la construction navale par exemple.

Nous sommes devenus des professionnels de la reconversion. Mais celle-ci exige beaucoup de temps. Elle demande des efforts de redéploiement économique, de formation, de reconquête des sites et paysages. Il y a des friches industrielles à résorber, des pollutions à réduire, des mentalités à faire évoluer.

Malgré de nombreuses réussites comme le tunnel sous la Manche ou le TGV Nord, malgré la création de 300 000 emplois tertiaires qui ont compensé les 300 000 emplois industriels perdus en 30 ans, la réalité demeure très difficile : un taux de chômage supérieur de 4 points et un revenu moyen inférieur de 15 % à la moyenne nationale, un nombre de RMistes très élevé.

Bref, le soutien des fonds structurels et l'appui des pouvoirs publics nationaux sont indispensables.

Au moment où la réforme des fonds structurels européens parvient à son terme, je me permets quelques souhaits essentiels.

Les crédits consacrés aux fonds structurels doivent d'abord respecter les montant que nous avons évoqués : 200 milliards d'euros, et 0,48 % du PNB. Ils ne doivent pas être la variable d'ajustement des négociations globales de l'Agenda 2000.

Ensuite, puisqu'il est désormais acquis que le Hainaut, et la Corse ne pourront plus prétendre à l'objectif 1, il faut que les dispositifs transitoires de sortie s'appliquent pendant six ans.

S'il est d'ores et déjà acquis que les territoire relevant de l'objectif 1 seront automatiquement versés dans les zones concernées par l'objectif 2, ce qui est très positif, vous avez raison, Monsieur le ministre, de préciser que la concentration géographique des aides doit s'apprécier globalement, objectifs 1 et 2 confondus.

Enfin, les critères d'éligibilité à l'objectif 2, outre les taux de chômage devraient inclure le déclin de l'emploi industriel sur une longue période, comme le souhaite d'ailleurs la Commission européenne.

Trois remarques pour conclure.

D'abord, il est indispensable que le programme d'intérêt communautaire URBAN soit rétabli dans l'objectif 2, de la même façon que le dispositif de revitalisation du monde rural y est intégré par la reprise de l'objectif 5b dans l'objectif 2.

Il convient, en effet, d'abonder les crédits de la politique de la ville.

Ensuite, il faut permettre aux régions éligibles à l'objectif 2 de présenter des dossiers dans le cadre de l'objectif 3 non zoné, afin de mieux équilibrer les crédits européens.

Il faut enfin simplifier la gestion de ces crédits européens pour faciliter leur consommation.

Il est désolant de constater qu'au moment où certaines régions connaissent tant de difficultés en matière d'emploi, les crédits qui pourraient les aider à les surmonter ne sont pas utilisés (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe RCV).

Mme Nicole Catala - Je voudrais souligner l'importance de l'objectif de stabilisation des dépenses communautaires, condition nécessaire au maintien du plafond des ressources propres de l'Union à 1,27 % du PIB.

C'est aussi le moyen d'obliger les autorités communautaires à un encadrement rigoureux de la dépense publique qu'elles ne cessent de conseiller aux Etats membres sans se l'imposer à elle-même, comme la preuve en a malheureusement été récemment faite.

Mais cette stabilisation sera-t-elle suffisante pour calmer les protestations des Etats qui s'estiment trop sollicités et pour éviter la détérioration du budget de l'Union dans les années à venir ? D'abord, elle n'empêchera pas l'aggravation des soldes déficitaires nets des Etats les plus forts contributeurs.

C'est regrettable, parce qu'il s'agit d'une donnée politique importante. Mais fallait-il pour autant accepter que cette question des soldes nets soit placée au coeur des négociations en cours alors que la ristourne britannique n'a pas été remise en cause et qu'on n'a pas obtenu la référence au seul PNB comme critère des contributions nationales.

J'en viens à l'évaluation par la défunte Commission du coût de l'élargissement. Si elle a été validée par le Commissariat au plan, le rapport Fuchs est inquiétant. En effet, si l'on considère les transferts financiers publics nets allemands, on constate qu'ils sont passés, du fait de l'unification, de 6 milliards de Deutsche Mark en 1991 à 133 milliards en 1997, soit 3,6 % du PIB allemand. Je ne pense pas que les 15 Etats membres envisagent de consacrer de telles sommes à l'élargissement ! Selon le rapport Fuchs, c'est le secteur privé qui assurera le rattrapage nécessaire des nouveaux adhérents. J'admire, venant d'un parlementaire socialiste, un tel hommage rendu au secteur privé, mais quelque soit son dynamisme, il risque de ne pas y parvenir !

M. Nallet avait, dès 1997, exprimé des craintes sur ce point, regrettant que la Commission n'ait pas proposé une conception d'ensemble de l'élargissement et de ses conséquences macro-économique, se limitant à une optique financière. La Commission risque d'avoir sous-évalué, disait-il, l'aide nécessaire aux nouveaux membres, ce qui pourrait provoquer l'implosion des politiques communes. C'est ce que nous redoutons aujourd'hui.

Sur un autre plan, je souscris à la suggestion contenue dans la proposition de résolution de constituer des réserves permettant aux Etats de faire face à des difficultés graves et imprévues. Auditionnés par notre délégation, le président et le rapporteur de la commission du budget du Parlement européen regrettaient que des crédits non utilisés n'aient pas été mis en réserve à cette fin. Il faut obtenir que cela puisse être fait, soit pour procéder à une régulation conjoncturelle, soit surtout pour soutenir temporairement un ou des Etats confrontés à ce qu'on appelle maintenant un "choc asymétrique". Or, je crois que la mise en oeuvre de la monnaie unique ne s'effectuera pas sans secousses. Il est donc temps de s'engager sur cette voie (Applaudissements sur les bancs du groupe du RPR).

Mme Monique Denise - La réforme de la politique agricole commune est un enjeu important pour la France, premier pays agricole d'Europe. La négociation a commencé à Bruxelles dans un contexte extrêmement difficile pour notre pays, confronté aux propositions draconiennes de la Commission européenne.

Pour accroître la compétitivité des produits européens sur les marchés mondiaux, de très fortes baisses étaient envisagées : 20 % sur les céréales, 30 % sur la viande bovine, 15 % sur le lait -ainsi que l'abandon des quotas laitiers, qui ont pourtant fait la preuve de leur efficacité. Si l'on y ajoute le cofinancement, c'est la fin de la PAC, c'est la renationalisation de l'Europe ! C'est inacceptable ! Ni le Gouvernement français, ni les agriculteurs qui verraient baisser très sensiblement leurs revenus, ne peuvent s'y résoudre.

La baisse des prix garantis provoque un tollé dans le milieu agricole. Cela dit, on peut comprendre les manifestations mais non les dégradations. La mise à sac d'un bureau ministériel par une poignée de casseurs est inexcusable. La grande majorité des agriculteurs l'a d'ailleurs désapprouvée.

Le compromis sur la réforme de la PAC qui a été négocié dans la nuit du 10 au 11 mars, est actuellement considéré comme une étape par le Gouvernement comme par l'Elysée. Pour l'élevage, la réforme laitière est reportée, le dossier de la vache allaitante, nourrie à l'herbe, a progressé, la prime passant de 145 à 160 euros par tête, la baisse du prix de la viande est ramenée de 30 à 20 %, les Allemands ont cédé sur le cofinancement.

Notre ministre de l'agriculture s'est battu pour arracher à ses collègues un compromis équilibré et acceptable dans la perspective des négociations commerciales au sein de l'OMC en l'an 2000, et il continue à se battre, on peut lui faire confiance !

Quels sont les objectifs ? Préserver à la fois la compétitivité de notre agriculture et les intérêts de nos agriculteurs, rapprocher les cours européens des cours mondiaux pour rendre le blé, la viande, le colza ou le beurre plus compétitifs. Il restera ensuite à maîtriser les productions pour éviter les crises graves, comme celle du porc actuellement, qui reviennent tous les trois ans.

Il y avait en Europe 125 millions de porcs en 1998. La France représente 12,7 % de ce total. Nos producteurs fournissent 98 % de notre consommation nationale, contre 500 % au Danemark... Il est donc urgent d'organiser le marché à l'intérieur de l'Europe.

A l'extérieur, les Etats-Unis ont produit en 1997, 100 millions de tonnes de porc et ils ont pour objectif 130 millions de tonnes pour les prochaines années, à un prix de revient de 1 F par kilo, alors que l'on a vu, chez nous, les dégâts qu'a entraînés la baisse du prix à 5 F.

Quant au prix d'un kilo de viande bovine, il est de 17 F en Europe contre 7 F en Argentine : quel décalage !

Chacun en convient, la réforme de la PAC ne doit pas se résumer à une simple adaptation aux marchés mondiaux. Pour le monde rural, c'est une question de survie. Certes, il doit s'adapter, mais pas à n'importe quel prix.

Les agriculteurs font de gros efforts pour améliorer la qualité de leurs produits et pour en augmenter la valeur ajoutée. La PAC doit les y encourager.

Souhaitons que le sommet de Berlin des 24 et 25 mars modifie encore, dans le bon sens, la PAC du XXIème siècle ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe communiste)

M. Patrick Ollier - N'est-il pas trop tard pour parler aujourd'hui des fonds structurels ? Peut-on encore espérer les faire évoluer ?

Pour les zones les plus défavorisées, la réduction des territoires zonés, la diminution de l'enveloppe auront des effets désastreux.

Je ne comprends pas comment le Gouvernement et le Conseil européen peuvent accepter de regrouper au sein de l'objectif 2, véritable fourre-tout, la ville et les zones rurales, qui se trouveront du coup en compétition pour l'obtention des crédits.

M. Alain Barrau, au nom de la délégation pour l'Union européenne - Il faut faire grossir l'objectif 2.

M. Patrick Ollier - En réduisant les crédits ? Curieuse arithmétique... Je suis un militant de l'élargissement de l'Europe, aussi je n'accepte pas que l'on interrompe l'action d'aménagement du territoire en faveur des zones rurales défavorisées. La montagne ne peut se passer de ces crédits ! La totalité de mon département est aujourd'hui classée en 5b, demain une grande partie ne serait plus classée en 2.

Le principe de subsidiarité permet pourtant à l'Etat, par la politique d'aménagement du territoire, d'affecter comme il l'entend les moyens nécessaires au soutien de l'activité et au développement des zones en retard. Tel était le sens de la création des zones de revitalisation rurale.

Je m'étonne par ailleurs que le mot montagne ne figure pas une seule fois dans le texte.

Mme Marie-Françoise Perol-Dumont, rapporteur de la commission de la production - Nous avons accepté un amendement en ce sens.

M. Patrick Ollier - Celui de M. Dumoulin qui permet de prendre en compte la spécificité de la montagne. J'en suis heureux mais j'aurais préféré que vous n'ayez pas eu à le faire (Rires sur les bancs du groupe socialiste) et que le mot montagne figure dans la première rédaction car l'oubli de cette spécificité est inadmissible.

Le mémorandum déposé par les élus de la montagne n'a reçu aucune réponse de la Commission, malgré sa promesse que la montagne ne serait pas oubliée dans les programmes d'intérêt complémentaire en faveur des zones défavorisées. Peut-être le courrier s'est-il perdu, ce qui ne serait guère surprenant avec ce que l'on apprend du fonctionnement de la Commission...

Vous êtes attaché comme nous à la montagne, Monsieur le ministre de l'agriculture, vous devez vous en faire le défenseur et obtenir qu'elle trouve sa place dans le texte définitif. Ainsi seulement conservera-t-elle l'espoir que des crédits européens lui permettront encore de mener à bien des projets de développement et de maintenir la vie (Applaudissements sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL).

M. Patrick Rimbert - L'Acte unique a intégré au Traité de Rome l'objectif de cohésion économique et sociale pour promouvoir un développement harmonieux de la Communauté et réduire les écarts entre les régions.

Certes, les inégalités entre les pays ont été réduites, mais les écarts entre les régions sont restés les mêmes, voire se sont creusés. L'arrivée de l'euro, la concentration des entreprises vont renforcer les pôles les mieux armés pour la croissance et l'on peut craindre davantage une aggravation des inégalités qu'une évasion de la production vers les pays à main-d'oeuvre moins chère et moins qualifiée.

Les risques sociaux sont réels, notamment dans les territoires urbains et les inégalités infraterritoriales sont autant de mines à retardement pour la cohésion sociale. Les risques économiques existent également, quand les villes mettent en oeuvre des programmes sociaux au détriment de leurs investissements économiques. La solidarité nationale qui s'exprime en France par la politique de la ville doit être confortée par la solidarité communautaire.

Clarifier, simplifier, mieux évaluer, mieux hiérarchiser, nous ne pouvons que partager ces objectifs de la réforme des fonds structurels, mais il convient aussi de surmonter certaines difficultés.

Parmi les critères d'éligibilité à l'objectif 2, le taux de chômage est certes un indicateur fort pour repérer les territoires en crise, mais il n'est pas suffisant. En effet, certains territoires qui ont subi la crise industrielle ont un taux de chômage égal ou même inférieur à la moyenne nationale ou européenne, mais parce que la majorité de la population active a quitté la région ! Quel peut être le projet de développement de ces régions ? Dans d'autres, le taux de chômage moyen reflète de fortes inégalités internes, on le voit en Ile-de-France et dans les grandes agglomérations françaises.

Enfin, la volonté de regrouper les zonages nationaux et européens comporte certains risques. Les zonages d'aménagement du territoire français reposent sur la volonté que chaque partie du territoire soit capable de construire un projet pour son avenir, tel est le sens de la loi d'orientation et d'aménagement durable du territoire comme de la loi d'orientation agricole.

Si les fonds structurels ont souvent un effet de levier positif, notre politique nationale d'aménagement et de développement doit pouvoir se construire sur ses propres critères.

Le nouvel objectif 2 mélange des domaines très différents et risque d'accentuer inutilement le clivage entre les projets urbains et les projets ruraux. C'est d'autant plus vrai que la réduction des initiatives communautaires de 13 à 3 exclut le programme URBAN, qui avait fait ses preuves. 80 % de nos concitoyens résident en milieu urbain. Les quartiers les plus en difficulté regroupent plus de 6 millions de personnes, qui sont souvent très éloignées de l'Europe. Cette situation se retrouve chez nombre de nos partenaires.

Ainsi la réforme des fonds structurels doit prendre en compte le défi majeur de la cohésion nationale et européenne, celui des villes.

Le programme URBAN doit être conservé, et la dimension urbaine clairement identifiée au sein de l'objectif 2. Le mieux serait en fait d'ériger la ville en objectif propre.

Dans un contexte financier trop figé, le risque est grand de mettre en concurrence la PAC avec les fonds structurels, la production agricole avec les CTE, l'objectif 1 avec les objectifs 2 et 3. L'Europe a-t-elle bien pris conscience de ses capacités d'action ? La contrainte extérieure n'existe pratiquement plus, l'inflation est durablement vaincue, les profits des entreprises n'ont jamais été aussi élevés, la balance commerciale de l'Europe est positive, bref l'Europe, aujourd'hui, est souveraine, sans bien s'en apercevoir. Elle doit utiliser cette force pour lutter contre le chômage et les inégalités régionales, et investir dans les domaines d'avenir.

Nous vous faisons confiance pour trouver un bon compromis. Dites à vos collègues de ne pas s'enfermer dans de fausses contraintes. Le pire serait que l'Europe ait un déficit d'avenir (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

M. Jean Codognès - Le texte relatif à la réforme de la PAC issu de la présidence allemande suscite certaines réserves. Certes, grâce au Gouvernement, nous espérons échapper au cofinancement, qui compromettrait l'avenir de notre agriculture. Regrettons aussi que les aides ne soient pas nettement réorientées vers le développement rural. La PAC en deviendrait plus compréhensible pour l'opinion publique, et serait mieux en phase avec la loi d'orientation agricole.

Elu méridional, j'aurais souhaité que la spécificité de l'agriculture méditerranéenne soit mieux reconnue. Avec mes collègues Sicre, Bascou et Barrau, je m'inquiète du sort des vins doux naturels d'appellation d'origine contrôlée. La définition juridique et fiscale de ces vins se justifie pleinement par des faibles rendements et des conditions de travail très difficiles. Il ne s'agit nullement de privilèges, bien au contraire. Supprimer la particularité qu'ils représentent reviendrait à rayer d'un trait de plume toute une région du sud de la France, dont on sait combien l'économie est fragile.

Nous vous prions de préserver cette définition, et de défendre ainsi les caractères particuliers de l'agriculture méditerranéenne française.

Pour le reste, nous adhérons au projet de résolution, qui montrera que la représentation nationale se tient unie derrière le Gouvernement pour réformer intelligemment la PAC. La détermination dont vous faites preuve a le soutien des citoyens de nos départements (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

M. René Mangin -  Le recentrage des aides structurelles sur les régions les plus défavorisées est indispensable.

La Lorraine, comme le Nord-Pas-de-Calais, est concernée au premier chef par la détermination des zones éligibles. Elle bénéficie en effet, au titre des objectifs 2 et 5 b, d'une aide importante pour soutenir la reconversion industrielle et pour dynamiser ses zones rurales. Aussi certaines rumeurs jettent-elles le trouble chez nous. L'économie lorraine commence à peine à sortir la tête hors de l'eau. Un ralentissement de l'aide dont elle bénéficie reviendrait à dresser une haie infranchissable propre à interrompre sa course.

La population concernée en Europe par l'aide à la reconversion industrielle passe en réalité de 25 % à 10 %. En effet, en plus du volet industriel, l'objectif 2 va désormais intégrer l'ancien objectif 5. Comment ne pas être anxieux ?

Si l'on ajoute à cela la suppression des fonds spécifiques, dont la Lorraine bénéficiait directement, on mesure le risque encouru.

Il ne faut pas se laisser enfermer dans une vision purement comptable des critères d'éligibilité.

En effet une partie de nos économies repose sur la coopération transfrontalière, qui fait baisser les chiffres du chômage, 60 000 travailleurs lorrains faisant l'aller et retour avec les pays voisins. Nous bénéficions ainsi à nous seuls du quart de l'aide fournie au titre du Programme d'initiative communautaire pour la coopération transfrontalière. Pour autant, l'économie lorraine doit pouvoir réussir un développement endogène.

Le traitement social du chômage ne doit pas faire illusion. Les préretraites ne constituent qu'un palliatif, et la perfusion sociale ne remplacera jamais l'aide structurelle. Aussi la baisse du chômage ne peut-elle justifier une réduction de l'aide.

Beaucoup d'entreprises qui s'étaient récemment implantées sont reparties, comme JVC ou Panasonic. Il est impératif de laisser aux entreprises le temps de prouver le caractère durable de leur implantation.

Le chômage a baissé du fait du départ de nombreux jeunes, provoquant le vieillissement prématuré de zones pourtant potentiellement très dynamiques. Comment la perte des forces vives de la Lorraine pourrait-elle passer pour du développement économique dans les critères d'éligibilité ?

Que des critères plus réalistes, plus justes, doivent être établis, personne ne le conteste. L'objectif 2 a été retenu pour prendre en compte toute la reconversion économique et sociale des zones en difficulté structurelle. La Lorraine a déjà intégré cette mutation en faisant le pari non seulement de la réindustrialisation mais surtout de la diversification économique.

Cette donnée sera importante dans l'établissement des zones. Le Gouvernement souhaite mettre l'accent sur les bassins d'emploi plutôt que sur les départements. Or de nombreux bassins d'emploi sont en difficulté sans être pour autant des bassins industriels. Aussi la proposition de la DATAR d'établir des zones de compensation des pertes de fonds européens doit-elle être sérieusement explorée.

Lors du CIADT du 15 décembre 1998, le Gouvernement avait promis que les zones de la Lorraine et du Pas-de-Calais resteraient éligibles aux fonds structurels.

Après tout ce qu'a enduré la Lorraine, laissons-lui une chance de franchir l'an 2000 comme une étape décisive dans la construction d'un meilleur avenir (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

La discussion générale est close.

M. Jean Glavany, ministre de l'agriculture et de la pêche - Je félicite l'ensemble des rapporteurs, et plus particulièrement Mme Marre et M. Parrenin. Ce débat vient à point pour éclairer les négociations en cours. M. Barnier, président de la délégation pour l'Union européenne du Sénat, a utilisé l'heureuse expression d'"esquisse de compromis", ce qui n'est pas un accord. Au reste, les chefs d'Etat et de gouvernement en décembre dernier à Vienne, nous avaient donné mandat d'avancer, mais non pas de conclure. Comme l'accord ne peut être que global, il n'y a pas d'accord agricole.

Sur le plan juridique, il n'est pas possible au Conseil des ministres de l'Union de prendre une décision sans avoir recueilli l'avis du Parlement européen. Sur le plan pratique, tout simplement, il n'y a pas eu de vote. Lorsque mon homologue allemand, M. Funcke, a suspendu les travaux en annonçant qu'il considérait avoir abouti à quelque chose qui pouvait être transmis au Conseil européen, j'ai émis toutes les réserves possibles, conformément au mandat que j'avais reçu, et M. Funcke a d'ailleurs reconnu que deux pays, la France et le Portugal, n'avaient pas donné leur accord -mais si vous ne croyez pas M. Funcke, croyez au moins le Président de la République, qui a dit la même chose !

Pour en venir au contenu de l'esquisse de compromis, il faut néanmoins reconnaître qu'il comporte des avancées par rapport au premier projet élaboré par la présidence allemande. Ainsi, nous avons réussi à faire passer par la fenêtre un texte clairement destiné à isoler la France, et qu'il aurait été très difficile d'écarter à Berlin s'il avait recueilli une large majorité ; c'est un premier succès. Nous avons également obtenu, grâce à un dialogue intense avec notre partenaire allemand, l'abandon de toute idée de cofinancement, c'est-à-dire de renationalisation de la PAC ; c'était pour nous tous un préalable absolu, et c'est un deuxième succès, même s'il reste à le confirmer à Berlin, car l'idée reste présente chez certains de nos partenaires. Troisième succès, dont j'ai parlé en répondant tout à l'heure à la question de M. Saumade : le règlement viti-vinicole, sur lequel nous avons obtenu tout ce que nous souhaitions. Quatrième succès : le dispositif sur la viande bovine, même si le prix d'intervention, j'en conviens, reste trop bas.

Il subsiste évidemment des zones d'ombre : l'abandon, même progressif, du régime spécifique aux oléo-protéagineux, ainsi que la réforme laitière, que la France juge inutile et coûteuse, et qui remet en cause le système des quotas auquel tout le monde ici semble s'être rallié après l'avoir si vivement critiqué (Interruptions sur les bancs du groupe du RPR) -il en va de même, d'ailleurs, de la PAC de 1992...

M. René André - Nous l'avons quand même bien améliorée !

M. le Ministre de l'agriculture - Je n'ai pu obtenir, pour l'instant, que le report de la réforme laitière à 2003 (Interruptions sur les bancs du groupe du RPR), mais cela n'est pas suffisant, car elle reste, à mes yeux, dangereuse.

M. Patrick Ollier - Nous sommes d'accord !

M. le Ministre de l'agriculture - Sur les céréales, je considère que la baisse des prix est excessive, et sa compensation insuffisante, mais j'ai pu obtenir quelques avancées. Pour la suite, mes espoirs se fondent sur le fait que le compromis proposé est coûteux : 6,9 milliards d'euros supplémentaires, selon les évaluations de la Commission. On ne peut pas demander aux Etats de continuer à résorber leurs propres déficits et laisser perpétuellement filer les dépenses communautaires. L'objectif de maîtrise des dépenses s'impose à nous et finira, j'en suis persuadé, par revenir sur la table, si bien que même les pays favorables au projet de compromis lui trouveront des défauts, à commencer par celui de délivrer un message politique contraire à ce qu'attend l'opinion.

Le développement rural fait partie du "paquet" de la Commission, et c'est une première qu'il faut saluer, même s'il reste à le réorienter et à le doter davantage, notamment pour financer les contrats territoriaux d'exploitation.

Ce qui est présenté comme un accord n'en est donc pas un, et j'ai bon espoir, le Président de la République suivant l'affaire de très près, que les chefs d'Etat et de gouvernement aboutiront à un accord acceptable, dans le cadre d'une négociation qui reste très ouverte (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

M. Patrick Ollier - Heureusement qu'il y a un Président de la République !

M. Pierre Moscovici, ministre délégué chargé des affaires européennes - Oui, comme l'a dit M. Glavany, ce débat sera utile... si j'excepte certaines fantaisies passablement déplacées et attristantes à propos de la Commission (Exclamations sur les bancs du groupe DL, du groupe UDF et du groupe du RPR). Pour tout le reste, il aura été mené sérieusement, y compris sur des questions qui, pour être moins sous les feux de l'actualité que d'autres, importent pour la conclusion de la négociation sur l'Agenda 2000.

Je souscris pleinement au tableau des contraintes qui s'imposent à nous, tel que l'a brossé M. Hollande, et je crois comme lui que nous devons adopter une approche à la fois simple et rigoureuse pour parvenir au compromis indispensable dans des conditions satisfaisantes pour la France. A cet égard, la première règle doit être pour nous celle d'une stabilisation des dépenses, sous toutes les rubriques. Certes, le plafond des 1,27 % du PNB n'est qu'une contrainte "intérimaire", et nous ne pouvons préjuger de ce qu'il en sera après l'élargissement, mais elle s'imposera à nous jusqu'en 2006.

Monsieur Cacheux, nous nous battrons bien pour les 0,46 %, s'agissant des fonds structurels. Mais sur ce point aussi, il faut être rigoureux. Nous devons travailler sur la base d'une enveloppe de 200 milliards d'euros et c'est dans ce cadre qu'il faudra faire droit aux revendications légitimes de plusieurs de nos partenaires en difficulté. Les 0,46 % sont donc un plafond de dépenses, et non un objectif en soi.

Quant à la transition de six ans de l'objectif 1, soyons réalistes : nous disposerons en fait de quatre ans, comme pour l'objectif 2, mais il y aura un reversement automatique sur ce dernier si les critères sont satisfaits : ce qui sera le cas du Hainaut.

Monsieur Leyzour, vous vous êtes préoccupé de la sous-consommation des fonds structurels : la réforme contribuera à une simplification administrative. La désignation d'un fonds par programme et la règle nouvelle de dégagement des crédits au bout de deux ans devraient encore améliorer la situation, les gestionnaires étant incités à ordonner les dépenses plus rapidement.

S'agissant de l'objectif 2, la Commission propose de ramener la couverture géographique de l'objectif 2 de 25 à 18 %. Nous nous battons pour qu'on s'arrête à 20 %, ce qui limiterait la baisse pour la France. Nous ne passerions que de 41 à 37 %. Mais il faut être conscient que l'entreprise n'est pas aisée, car nous avons des priorités parfois contradictoires à défendre. La stabilisation, avantageuse pour nous s'agissant de la PAC, peut l'être moins s'agissant des fonds structurels.

Pour le développement rural, ce sont 14 milliards qui seront imputés sur la ligne agricole, mais qui viendront en complément de l'enveloppe de 200 milliards d'euros que nous demandons pour les fonds structurels.

Monsieur Marleix, nous sommes proches d'un accord en ce qui concerne les programmes d'initiative communautaire. Il y a encore débat sur le point de savoir si nous devons réintégrer certaines initiatives communautaires qui ont prouvé leur intérêt, tels que les programmes RESTRUCT et URBAN. Il semble encore trop tôt pour trancher.

Monsieur Coussain, il est exact que la Commission inclinerait plutôt à limiter les zonages nationaux. Pour nous, nous considérons que la politique nationale d'aménagement du territoire doit rester autonome, comme il est suggéré dans le rapport Auroux. Quant à l'éligibilité, elle devrait être définie au niveau des départements dans des conditions relativement souples.

Monsieur Hoarau, le Gouvernement, mais fort heureusement la Commission aussi, sont préoccupés par l'attitude agressive des Américains sur le front de la banane. Ce parti-pris unilatéral laisse augurer des difficultés au moment des négociations sur l'OMC. Mais c'est une raison de plus de chercher à conclure dans de bonnes conditions celles de l'Agenda 2000 sur le volet agricole. Croyez bien que nous continuerons de nous mobiliser sur le dossier que vous défendez !

Monsieur Ollier, le champ du nouvel objectif 2 pourra intégrer les zones de montagne qui répondront aux conditions d'éligibilité, lesquelles sont fondées sur des critères socio-économiques. Il ne nous a pas paru opportun de modifier ces critères pour y ajouter la spécificité géographique, car ce serait ouvrir la voie à des demandes reconventionnelles de la part d'autres Etats membres. L'efficacité commande de rester dans l'épure définie par la Commission, sachant que deux PIC sont par ailleurs susceptibles de bénéficier aux zones de montagne, dont INTERREG.

J'approuve le propos de M. Lefort lorsqu'il estime que le basculement progressif de la ressource TVA vers la ressource PNB va dans le sens de plus de justice. Et je ne suis pas aussi pessimiste que Mme Catala : j'ai le sentiment que les choses bougent et que l'Italie, par exemple, a pris conscience qu'on ne pouvait continuer d'entretenir une économie souterraine grâce à un système archaïque de ressources propres.

Un accord à Berlin est nécessaire et, pour le rendre possible, nous devons continuer à marteler que la stabilisation de la dépense est la seule solution possible, qu'il s'agisse de la réforme de la PAC ou de servir l'euro.

Nous ne considérons pas les fonds structurels comme une variable d'ajustement pour la France, Monsieur Marchand : ce ne sera le cas ni pour les DOM ni pour l'objectif 2. Je pense qu'en fait, notre situation sera seulement stabilisée mais c'est le prix à payer pour que cette difficile négociation de l'Agenda 2000 se conclue la semaine prochaine et que l'Europe puisse redémarrer. La crise de la Commission peut être l'occasion d'aborder des questions plus exaltantes : le pacte pour l'emploi, la défense européenne, la réforme des institutions, l'élargissement.

Je souhaite donc, vous l'avez compris, la réussite du conseil européen de Berlin ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste)


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POLITIQUE AGRICOLE COMMUNE

M. le Président - J'appelle dans les conditions prévues à l'article 91, alinéa 9, du Règlement, l'article unique de la proposition de résolution dans le texte de la commission.

M. Christian Jacob - Bravo pour le numéro d'équilibriste, Monsieur Glavany ! Vous savez vous rattraper aux branches en plein vol !

Vous n'avez accepté aucun accord, dites-vous, et vous démontez point par point le compromis, expliquant qu'il est mauvais pour le lait, insuffisant pour la viande bovine, dramatique pour les céréales et les oléagineux. Or, lorsqu'on se reporte à votre déclaration, on n'y trouve aucune réserve sur aucun de ces points !

Vous étiez donc bien dans la logique d'un accord, comme d'ailleurs M. Strauss-Kahn qui voyait là des motifs d'espérer un succès à Berlin.

Contrairement à ce que vous dites aussi, le ministre allemand n'a pas fait état de votre opposition, mais seulement de réserves...

M. le Ministre de l'agriculture - Et qu'a dit le Président de la République ?

M. Christian Jacob - Vous n'êtes pas habilité à parler en son nom !

Vous auriez fait échouer l'accord, à vous entendre : non, vous vous êtes laissé isoler dans la négociation ! Quitte à caricaturer (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste), je dirai qu'au fond de vous-même, vous reconnaissez cet échec, mais que vous en minimisez la portée, persuadé que vous êtes que le Conseil européen va rattraper les choses !

Le problème, c'est que, faute d'émettre des réserves, vous avez en fait savonné la planche aux chefs d'Etat et de gouvernement (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste). Vous portez là une lourde responsabilité et il vous faut l'assumer ! (Mêmes mouvements)

M. René André - Je suis surpris par le soudain attachement dont on témoigne ici à l'égard du Président de la République (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste). Je ne sais si vous êtes l'équilibriste que décrivait M. Jacob, Monsieur le ministre de l'agriculture, mais vous avez certainement été très habile. Vous ne m'avez pas pour autant convaincu car on ne peut à la fois revendiquer quatre succès et refuser d'assumer ses échecs, en se contentant de parler de zones d'ombre !

Certes, me direz-vous, ce n'est pas encore un compromis, mais l'ébauche de l'esquisse d'un compromis... Cependant ! Vous comprendrez qu'en tant que représentant de l'un des premiers départements laitiers, j'insiste tout particulièrement sur la production laitière. Or, vous avez admis, finalement, que la politique des quotas est remise en cause ! A vous dire vrai, je cherche en vain de quelle manière vous avez tenu compte des propositions de résolution de la délégation de l'Union européenne -c'est à croire que vous n'en avez pas eu connaissance ! (Protestations sur les bancs du groupe socialiste) Comment ignorer, pourtant, que l'Irlande pourra augmenter sa production laitière dès l'an 2000, la Grèce, l'Italie et l'Espagne en 2001, et tous les autres, en 2003 ? C'est bien, ainsi, la disparition des quotas qui est programmée. Et si l'on ajoute à cela des prix en baisse de 15 %, force est de constater que l'on est très loin de la compensation... Vous savez aussi bien que moi, Monsieur le ministre, qu'une augmentation de 1 % de la production laitière a pour conséquence mécanique une baisse de 8 % des prix. C'est cet impact sur toutes les régions laitières françaises qu'il faut mesurer !

Vous avez, d'autre part, ironisé sur le soudain attachement de la représentation nationale aux quotas. Mais pouvez-vous, de bonne foi, nier que M. Chirac et M. Guillaume ont notablement amélioré le fonctionnement du dispositif négocié par M. Rocard ? Pouvez-vous nier qu'après que M. Mermaz a mal négocié les accords de Blair House (Protestations sur les bancs du groupe socialiste), la France n'a pu que se féliciter de l'action menée par M. Balladur et M. Juppé pour redresser la situation ? (Protestations sur les mêmes bancs) Vous ne vous étonnerez pas, Monsieur le ministre, de m'entendre vous dire que nous aurions aimé que vous défendiez mieux la production laitière française (Applaudissements sur les bancs du groupe du RPR, du groupe DL et du groupe UDF).

M. François Guillaume - Pour ce qui est du paquet prix, le commissaire sortant a eu le mérite de trouver un compromis indépendamment du problème posé par le montant de la contribution allemande, mais il a fait, de la sorte, un pari hasardeux, celui de rapprocher les prix européens des prix mondiaux. Pourra-t-on relever les aides aux revenus de manière suffisante pour assurer la compensation ? Quant au niveau du prix mondial, on sait combien il est tributaire de la parité du dollar, sur laquelle les Américains ne se privent pas de jouer.

Pour le lait, je vous surprendrai, Monsieur le ministre : je suis favorable à la suppression des quotas, par l'ouverture de quotas aux entreprises qui exportent sans restitution et par l'institution d'une discipline librement consentie par l'organisation interprofessionnelle, à partir de contrats-type mentionnant un prix minimum.

M. Michel Vergnier - On sait ce que cela signifie ! Merci pour les petits !

M. François Guillaume - Je suis, de ce fait, hostile à la baisse des prix, qui n'entraînera aucune exportation supplémentaire, puisque nos exportations se font en fromages. Et je ne suis pas favorable, non plus, à un système de prime pour le lait.

Pour la viande bovine, vous vous contentez de peu, Monsieur le ministre : limitée à 20 %, la baisse ne fera pas que le prix plancher soit équivalent au prix mondial, beaucoup plus faible. Et pour ce qui est du troupeau allaitant, les aides sont encore insuffisantes. J'ajoute qu'il faut en finir avec le scandaleux programme Hérode, qui fait éliminer dès leur naissance des centaines de milliers de veaux.

M. Michel Vergnier - Vous en parlerez aux agriculteurs !

M. François Guillaume - Pour le vin, vous pensez aussi être parvenu à un bon compromis, alors même que vous avez toléré que nous n'ayons pas un contingent supplémentaire de droits de plantation. Pourtant, l'Espagne n'a pas réduit son potentiel viticole autant qu'elle l'aurait dû en adhérant à l'Union ! Et pourquoi essayer de maintenir la distillation obligatoire, qui n'a d'avantages que pour les Italiens et les Espagnols ? En revanche, aucune modification -et c'est dommage- pour ce qui touche à l'enrichissement en alcool, alors que les Allemands peuvent se permettre d'augmenter de 4 degrés la valeur en alcool "sucre" de leur vin ! Et ce, alors qu'ils produisent 200 hectolitres à l'hectare cependant que l'Alsace n'a eu d'autorisation que pour 120 hectolitres (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe RCV).

J'en terminerai avec les céréales, pour vous rappeler que c'et vous qui, en 1992, avez inventé le système des primes, qui n'est satisfaisant ni pour l'agriculteur, ni pour le consommateur, ni pour le contribuable, et qui suppose une administration pléthorique. Alors, creusons ce débat ! C'est un abus que de dire que 80 % des primes sont perçues par 20 % des agriculteurs ! (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste)

Monsieur le ministre, parlons clairement : un industriel qui engage des capitaux assez importants et qui emploie du personnel peut-il, oui ou non, gagner davantage qu'un artisan ? Un professeur, davantage qu'un instituteur ? Un ministre, que son concierge ? Or les primes ne couvrent pas seulement le revenu, mais aussi une partie des coûts de production, si bien qu'elles ne peuvent être que proportionnelles (Exclamations sur les mêmes bancs). Taisez-vous, vous ne connaissez pas le sujet ! (Nouvelles exclamations et protestations)

Si vous estimez, Monsieur le ministre, qu'il y a effectivement surcompensation, vous avez les moyens de le démontrer, et nous nous inclinerons devant les chiffres. Mais démontrez-le !

Et, s'il en est ainsi, diminuez les primes. Mais si tel n'est pas le cas, maintenez-les à leur niveau actuel ! Plutôt que de choisir la démagogie (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste), mieux vaudrait baser la prime sur la moyenne nationale.

Mme Béatrice Marre, au nom de la délégation pour l'Union européenne - Vous savez bien que cela ne suffirait pas !

M. François Guillaume - Vous pouvez aussi, pour éviter l'agrandissement anormal des exploitations et favoriser l'installation des jeunes, plafonner les aides par exploitation. Mais cela, vous ne le proposez pas !

Mme Béatrice Marre, au nom de la délégation pour l'Union européenne - Mais si !

M. François Guillaume - Vous êtes, dans ce débat, totalement isolés. Votre seule chance tient à la démission du commissaire. Mais, tel le boxeur sauvé par le KO de la Commission, il vous reste à nous dire comment vous allez reprendre le combat (Applaudissements sur les bancs du groupe du RPR).

M. le Ministre de l'agriculture - Je ne reviendrai pas sur les propos inutilement polémiques de M. Jacob, dont je comprends la déconvenue : c'est un fait, l'exécutif français est soudé sur cette question ! Quant à "savonner la planche", puisque c'est ce qui a été dit... est-ce de cela qu'il s'agit lorsque l'on refuse une réduction de 30 % pour la viande bovine et la réforme des quotas en 2000 ? Lorsque l'on obtient le renoncement au cofinancement et la moindre réduction des primes ?

Cela aurait-il véritablement facilité la tâche du chef de l'Etat que d'accepter les propositions initiales de la présidence allemande ? J'ai le sentiment d'avoir, oui, remporté certains succès, mais je sais que les résultats obtenus sont encore insuffisants. La réalité, c'est que la discussion était viciée à la base, le premier projet de compromis étant extraordinairement et délibérément défavorable à la France.

Le compromis reste marqué par ce défaut originel. Des progrès ont été faits, mais insuffisants, et j'espère que les ministres de l'agriculture reverront leur copie au sommet des chefs d'Etat et de gouvernement.

Monsieur André, la réalité est là : les ministres engagés dans des discussions européennes savent que c'est le Président de la République qui les paraphe. On travaille donc de concert, afin que la France parle d'une seule voix. Cela nous évite en outre de nous plonger dans des débats inutiles que vous lancez pour exister... (Protestations sur les bancs du groupe du RPR)

Monsieur Guillaume, le paquet prix a en effet été établi indépendamment du problème de la contribution allemande, et c'est un paradoxe : les Allemands souhaitent que les négociations de l'Agenda 2000 leur permettent de rééquilibrer leur solde budgétaire net, mais la présidence allemande a laissé dériver la dépense de près de 7 milliards d'euros, ce qui aggravera leur solde d'environ un milliard d'euros. J'ai demandé au ministre allemand de nous aider à l'aider !

Le problème est réel, mais nous amènera peut-être à des économies telles que le report ou le rejet de la réforme du lait ou une moindre baisse de prix sur les céréales.

Sur les baisses de prix, ne faisons pas de religion ! Je ne sais pas ce que c'est qu'un prix mondial, surtout quand 80 à 90 % des échanges sont intracommunautaires. Mais ne centrons pas le débat sur l'existence ou non des baisses de prix !

Lorsque la Commission propose une baisse de 30 % sur la viande, la fédération bovine propose 15 %. Pour les céréales, les professionnels proposent 10 % au lieu de 20 %. Mais ils ne s'opposent pas à la logique même de la baisse des prix, que justifient les excédents actuels.

A propos des quotas, j'aurais préféré que les discussions européennes abordent les vrais problèmes plutôt que de se cantonner dans des raisonnements à court terme.

Monsieur Guillaume, vous restez cohérent avec les positions que vous défendiez lorsque président de la FNSEA, vous aviez accueilli à Versailles un ministre socialiste avec des bidons vides pour marquer votre désaccord avec la réforme des quotas. Mais, tôt ou tard, les quotas disparaîtront. La seule question importante, c'est d'y réfléchir dans la perspective de l'élargissement, et il n'est pas trop tard pour le faire.

Quand la Pologne adhérera à l'Europe, il ne sera pas possible de lui inventer un quota ! En revanche, un système de maîtrise de la production sera indispensable. Voilà ce qu'il aurait été intelligent de faire, plutôt qu'une réforme inutile et coûteuse. Je l'ai proposé ! Mais il arrive qu'on soit minoritaire, dans une démocratie, vous le savez bien. Dans ce cas, on essaie de limiter les dégâts. J'ai bataillé pour que la réforme du lait se fasse le plus tard possible, 2003 au lieu de 2000, mais je continue à penser que c'est une bêtise. J'ai obtenu la suppression du plafond des 120 000 kilos pour les vaches allaitantes, de la réforme de la gestion des quotas au niveau départemental. Ce n'est pas savonner la planche. On arrive à un compromis qui comporte des avancées mais aussi des dangers qu'il faudra essayer d'écarter au sommet de Berlin (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe RCV).

M. Ollier remplace M. d'Aubert au fauteuil présidentiel.

PRÉSIDENCE DE M. Patrick OLLIER

vice-président

M. Alain Fabre-Pujol - Je voudrais aborder ce texte sous un angle territorial.

La loi d'orientation agricole a fait naître de grands espoirs dans le monde agricole français. Ses objectifs sont, grâce aux CTE, de promouvoir une agriculture tournée vers l'emploi, l'environnement et l'aménagement du territoire. Une telle agriculture est depuis longtemps au centre des préoccupations des agriculteurs méditerranéens.

La réforme de la politique agricole commune comporte des avancées significatives même si le noeud du problème n'est pas encore tranché.

Ces avancées concernent essentiellement l'OCM vin : extension des vignobles avec des droits à plantation supplémentaires, permettant de favoriser l'installation de jeunes viticulteurs, interdiction de vinification des moûts de raisin, soutien sur fonds communautaires à la restructuration du vignoble... Ces efforts permettront les re-encépagements nécessaires pour faire progresser la qualité de nos productions. Lors des ultimes négociations, le ministre de l'agriculture ne devra rien lâcher de ces avancées et proposer notamment des solutions sur les non-vins.

Au-delà de cette négociation, nous resterons très vigilants sur la régionalisation des droits de plantation afin de protéger nos viticulteurs du sud.

Cependant l'essentiel pour l'avenir de l'agriculture méditerranéenne est la réorientation des aides pour soutenir l'emploi, l'environnement et l'aménagement du territoire. La France est prête à défendre le modèle agricole européen lors des futures négociations de l'OMC, notamment vis-à-vis des Etats-Unis et des pays de l'hémisphère sud. Les agriculteurs méditerranéens sont prêts à s'investir dans cette agriculture moderne, éloignée de l'agriculture extensive d'autres régions. Je voudrais ici dire quelques mots du rôle joué par les agriculteurs méditerranéens au-delà de leur fonction productive.

Les riziculteurs installés en Camargue, outre qu'ils produisent du riz, entretiennent des zones humides qui sans eux seraient irrémédiablement condamnées. Une réorientation des aides doit pouvoir soutenir cette fonction.

Les éleveurs ovins sont le type même des agriculteurs multi-fonctionnels tout en produisant une viande de très grande qualité, ils entretiennent les garrigues, premier rempart contre le feu destructeur. Or l'absence de prime monde rural, le non-versement d'aides complémentaires telles que l'aide à la transhumance, la faiblesse de la prime compensatrice ovine détériorent le revenu des éleveurs et favorisent les faillites. La châtaigneraie, l'oliveraie comme l'apiculture auraient permis les mêmes développements.

En marge de la négociation sur la PAC, la France doit être vigilante sur toute une série d'accords bilatéraux que l'Europe s'apprête à conclure avec des pays tiers. Je me félicite que le Gouvernement ait retiré du futur accord avec l'Afrique du Sud les pommes et les poires. Les producteurs peu insérés dans une organisation économique commune de marché, qui ne peuvent faire face à des pays pratiquant le dumping social et environnemental, doivent aussi être défendus.

Un mot enfin sur la réforme des fonds structurels.

Certaines cartes font disparaître une partie importante de la région Languedoc Roussillon, et une partie de PACA des zones éligibles aux nouveaux fonds structurels. Notre région est déjà particulièrement touchée, avec 16,5 % de demandeurs d'emplois, et nécessite un traitement particulier. Tous les élus sont mobilisés pour que l'ensemble de notre territoire soit éligible aux fonds objectifs 2.

C'est toute la région Méditerranée qui attend que sa spécificité soit reconnue, spécificité qui devra être bien défendue lorsque viendront d'autres échéances comme la réforme de la politique commune de pêche.

C'est pour cela que les élus du sud qui veulent défendre l'agriculture méditerranéenne voteront avec moi et le groupe socialiste l'article unique qui nous est proposé. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste)

M. Daniel Boisserie - Je voudrais, Monsieur le ministre, saluer la fermeté dont vous avez fait preuve pendant ces négociations qui ont abouti à un compromis qui, comme vous l'avez souligné, ne mérite pas le nom d'"accord". La France n'est d'ailleurs pas la seule à le contester.

Les Pays-Bas, le Portugal et la Suède ont fait part de leur mécontentement. Nous avons de bonnes raisons de ne pas être satisfaits. Il y a tout d'abord la question budgétaire. Le ministre allemand de l'agriculture avait notamment réclamé une diminution drastique du financement européen de la politique agricole. Le résultat est loin d'être à la hauteur puisqu'une hausse de 6,9 milliards d'euros est envisagée.

Autres points négatifs : l'absence de dégressivité des aides agricoles et leur déplafonnement par exploitation. La France tenait particulièrement à ces dispositions afin d'affecter les sommes ainsi économisées au développement rural, dans la droite ligne du texte adopté à l'Assemblée nationale, sur le contrat territorial d'exploitation. Il ne faut pas que ce CTE, très bien accueilli par les organisations agricoles, soit remis en cause. Je ne doute pas que le Gouvernement défendra avec détermination la réorientation des aides européennes à l'agriculture vers le développement rural. Le monde rural compte sur votre action ferme en direction, notamment, de votre collègue allemand afin qu'il mette un terme à son opposition systématique à ces mesures indispensables au maintien d'une présence forte d'agriculteurs dans nos campagnes.

Elu de la Haute-Vienne, je suis conduit à vous faire part des inquiétudes des éleveurs du bassin allaitant. Certes, des avancées significatives ont été constatées, notamment la baisse limitée des prix. En revanche, rien n'est prévu quant à la maîtrise de la production bovine. Par ailleurs, le système d'intervention est maintenu à un niveau particulièrement bas : il faudra attendre une baisse de 50 % du prix du kilo de viande avant que le système ne se déclenche ! Un déclenchement de l'intervention à un niveau plus élevé doit être sérieusement envisagé.

En ce qui concerne la prime à la vache allaitante, le soutien aux éleveurs des zones défavorisées semble insuffisant. Un complément de 30 euros par vache allaitante serait souhaitable. Il faudrait aussi favoriser l'attribution des crédits de l'enveloppe bovine aux zones défavorisées.

A l'instar des éleveurs de bovins à viande, les producteurs de lait des zones défavorisées ne font l'objet d'aucune mesure particulière. Une nouvelle fois, il semble que les encouragements aillent à la production intensive de certaines zones et à une nourriture à base principalement de céréales. Les quotas laitiers supplémentaires constituent également un risque non négligeable de baisse du prix du lait, aux dépens des producteurs qui, comme en Limousin, nourrissent leur bétail avec de l'herbe.

Ce paquet agricole est donc porteur de menaces considérables pour les agriculteurs de ma région qui, dans leur grande majorité, vivent de l'élevage de bovins à viande. Je suis donc inquiet quant au maintien de bon nombre d'exploitations dans cette zone rurale.

Mais ce qui me rassure, c'est que nous pouvons compter sur vous, Monsieur le ministre, pour défendre cette agriculture menacée. Vous ne défendez pas seulement les céréaliers. Vous avez gagné la confiance des éleveurs comme de toutes les organisations agricoles (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe communiste).

M. Claude Hoarau - Je parlerai par anticipation des fonds structurels car vous aborderez ce soir ce débat au moment où mon avion décollera pour la Réunion.

La forte présence sur les bancs de cette majorité plurielle des élus de la Réunion est venue d'un grand espoir dans la population réunionnaise. Celle-ci a mesuré combien les forces de progrès en métropole avaient été attentives aux revendications d'égalité et de dignité qui ont été au coeur des luttes dans ce département. Elle nous a donné massivement sa confiance pour atteindre deux objectifs : parachever l'égalité sociale, engager la Réunion sur la voie du développement, car les Réunionnais ne peuvent se satisfaire d'une société où on répond au coup par coup, par des petits contrats de six mois, à l'impatience des hommes et des femmes qui veulent travailler.

Cette année, pour 86 000 emplois relevant du régime des ASSEDIC, on comptera 41 000 contrats CES, CIA, CAE, et emplois-jeunes, qui relèvent du traitement social du chômage. Pourtant, il y aura encore plus de 110 000 chômeurs.

On mesure les limites de cette politique. L'heure est venue, plus que de parler du développement, de le faire.

Engager la Réunion sur la voie du développement impose que les crédits d'investissements, de formation, d'aide aux entreprises, soient non seulement maintenus mais augmentés.

Or notre assemblée, sur proposition de la commission des finances, qui jurait ses grands dieux qu'il ne s'agissait que d'une modification mineure, et malgré nos mises en garde, a réformé dans la loi de finances pour 1998 le dispositif de défiscalisation. Cette "tunnelisation" a entraîné une réduction de plus de 500 millions des sommes investies à la Réunion par les entreprises et les particuliers. Or on ne développe pas une région en réduisant les crédits d'investissements.

Attention : il ne faudrait pas que dans les départements d'outre-mer, l'espoir fasse place à la déception et à la désespérance.

La négociation relative à la réforme des fonds structurels est source d'une grande inquiétude, car à la Réunion, les crédits européens -2,5 milliards de 1989 à 1993, 4,35 milliards de 1994 à 1999- ont été à la base des grandes réalisations d'infrastructures et d'un grand effort de formation. Ils sont donc essentiels au rattrapage du retard d'équipement et de développement, et toute amputation aurait de graves conséquences.

La non-éligibilité des régions de l'objectif 1 au Fonds social européen, serait un coup porté au dispositif de formation qui est essentiel dans la lutte contre les retards de développement. Elle serait en outre en totale contradiction avec la reconnaissance du caractère prioritaire des régions ultrapériphériques, par l'article 299-2 du Traité d'Amsterdam, qui fait que dorénavant, les DOM devront être éligibles aux crédits de l'objectif 1.

Que le projet de résolution ne fasse pas mention de la nécessité de maintenir ces crédits au moins à leur niveau de 1999, ne peut donc nous satisfaire.

Sans une modification dans ce sens du projet, les élus des DOM seront nombreux à le désapprouver (Applaudissements sur les bancs du groupe RCV, du groupe socialiste et du groupe communiste).

M. François Sauvadet - Je veux, Monsieur le ministre, saluer votre habileté mais aussi relever votre duplicité (Protestations sur les bancs du groupe socialiste). Vous l'avez dit, les négociations sont difficiles, d'abord politiquement pour nous, ensuite parce que nous sommes face à de grands enjeux comme l'élargissement et les futures négociations de l'OMC.

Ce débat doit permettre d'éviter les malentendus, de clarifier les positions de chacun, de lever des ambiguïtés.

Vous avez évoqué une mauvaise conception du paquet, mais dois-je vous rappeler qu'au moment de l'examen de la loi d'orientation agricole, nous nous sommes efforcés de préciser les choses quant au CTE. Or c'est bien le mode de financement des CTE qui a ouvert la perspective d'une renationalisation.

Vous avez beaucoup évoqué le Président de la République. Je ne suis pas son porte-parole (Sourires), mais j'ai relu le discours qu'il a prononcé à Aurillac, avant même l'examen de la loi d'orientation et la négociation actuelle. Or j'ai relevé de grandes divergences entre lui et vous sur l'avenir même de notre agriculture.

Après avoir dit qu'il n'y avait pas d'accord, vous avez parlé d'une esquisse de compromis. Mais, selon le Petit Larousse, un compromis c'est un accommodement. Comment au sortir d'une négociation internationale l'Allemagne peut-elle parler d'un pré-accord alors que la plus grande puissance agricole l'aurait dénoncé ?

Il ne faut pas aborder des négociations en se considérant en mauvaise posture. La France, grande puissance agricole, a un message singulier à délivrer en Europe. Nous ne partageons pas votre vision de notre agriculture, de sa place en Europe, de la place de l'agriculture européenne dans le monde.

Il faut le rappeler pour que l'on ne sorte pas de ce débat avec le sentiment fallacieux que notre conception de l'agriculture est la même. Même si nous saluons les avancées, car nous sommes des élus responsables, nous avons des divergences de fond.

Je compte, pour avancer encore, sur l'engagement de chacun car, au-delà des considérations partisanes, ce qui compte, c'est l'Europe que nous bâtirons demain. Le Gouvernement y a une responsabilité active, car c'est lui qui gouverne même si le Président de la République préside aux destinées de ce pays.

M. le Président - Nous en venons aux explications de vote sur l'article unique.

M. Michel Vergnier - Ce sont deux agricultures différentes que défendent ici les uns et les autres,...

M. Léonce Deprez - Non, non, non !

M. Michel Vergnier - ...ainsi que deux types d'agriculteurs. Il y a d'un côté, bien qu'ils s'en cachent, les défenseurs d'une agriculture intensive et libérale, de l'autre ceux qui ont envie que nos efforts portent sur les agriculteurs qui souffrent davantage, sur les plus petits exploitants.

Les agriculteurs de la Creuse ont tout à craindre d'une mise en oeuvre des propositions de M. Guillaume qui entraînerait la disparition de toutes leurs exploitations.

En commission, déjà, nous n'étions pas d'accord sur cette proposition de résolution. Pourtant la droite en tire argument dans ce débat.

Le groupe socialiste votera ce texte car il y voit, Monsieur le ministre, un outil destiné à vous aider dans la poursuite de la négociation car si l'essai a été marqué, il faut aujourd'hui le transformer.

Nul parmi nous ne se targue du soutien du Président de la République, mais il est essentiel aujourd'hui que la France parle d'une seule voix. Nous devons être unis, il en va de l'intérêt de notre agriculture. Sans états d'âme, nous voterons cette proposition de résolution (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

M. Christian Jacob - Personne n'a vocation à s'exprimer au nom du Président de la République mais il ne vous a pas attendu pour manifester son intérêt pour notre agriculture.

L'intérêt de cette résolution est de vous fournir un guide d'orientation. Or tout a été fait pour que nous l'examinions après le conseil des ministres. Elle perd ainsi beaucoup de sa signification.

M. Michel Vergnier - Vous avez voté contre en commission !

M. Christian Jacob - J'ai pris des exemples concrets, celui d'une exploitation moyenne en Lauragais, celui d'un troupeau allaitant d'une quarantaine de têtes, et j'ai montré quelles seraient dans leur cas les conséquences dramatiques du résultat du 11 mars.

Nous voterons donc contre la proposition de résolution.

Mme Nicole Ameline - Le groupe DL réaffirme son opposition à ce vrai-faux accord. Vous-même, Monsieur le ministre, et beaucoup de députés socialistes avez exprimé une inquiétude et une déception comparables aux nôtres. Mais toute négociation comporte une obligation au moins partielle de résultat. Ici, il s'en faut beaucoup, tant l'essentiel n'a pas été atteint, qu'il s'agisse de la viande bovine ou de la production laitière. C'est pourquoi nous sommes très réservés pour l'avenir. Le décalage actuel entre les intentions et la réalité est grand. Nous souhaitons tous que la voix de la France soit entendue au prochain sommet. Mais nous regrettons que l'image qui a été donnée de l'Europe soit plus celle des marchands et des boutiquiers que celle du développement économique...

M. Michel Vergnier - ...Libéral !

Mme Nicole Ameline - Oui, au sens propre du terme. Bref, cette résolution n'est pas bien partie.

M. Félix Leyzour - La résolution n'a pas de caractère contraignant. Nous la concevons comme une invitation à défendre les intérêts de nos agriculteurs et de notre agriculture. C'est pourquoi nous la voterons, après avoir contribué à l'améliorer.

L'objectif de l'opposition, M. André l'a implicitement confirmé, a paru consister moins à fixer un cap à la délégation française qu'à dégager par avance le Président de la République de la négociation. Voilà une démarche un peu trop politicienne !

M. Christian Jacob - Pas ça, et pas vous !

M. Félix Leyzour - Les institutions sont ce qu'elles sont, et la France sera donc représentée à la fois par le Président de la République et par le Premier ministre.

Aujourd'hui nous indiquons une direction. Nous verrons quel sera le résultat (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste et du groupe socialiste).

L'article unique de la proposition de résolution, mis aux voix, est adopté.

La suite du débat est renvoyée à la prochaine séance, qui aura lieu ce soir à 21 heures 30.

La séance est levée à 20 heures 5.

          Le Directeur du service
          des comptes rendus analytiques,

          Jacques BOUFFIER


© Assemblée nationale


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