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Assemblée nationale

COMPTE RENDU

ANALYTIQUE OFFICIEL

Session ordinaire de 1998-1999 - 86ème jour de séance, 217ème séance

SÉANCE DU MARDI 13 AVRIL 1999

PRÉSIDENCE DE M. Laurent FABIUS

          SOMMAIRE :

QUESTIONS AU GOUVERNEMENT 1

    SITUATION AU KOSOVO 1

La séance est ouverte à quinze heures.


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QUESTIONS AU GOUVERNEMENT

L'ordre du jour appelle les questions au Gouvernement.

SITUATION AU KOSOVO

M. le Président - La Conférence des présidents a défini des modalités particulières pour cette séance entièrement consacrée au Kosovo. Il y aura un orateur par groupe, et M. le Premier ministre leur répondra ensuite.

M. François Léotard - La situation au Kosovo, qui est progressivement devenue une guerre, est aujourd'hui la première préoccupation de nos compatriotes. Il est donc nécessaire que la représentation nationale puisse exprimer le sentiment des Français pendant cette épreuve de vérité. Comme l'a dit hier le Président de la République, notre pays a réagi avec dignité, avec courage et avec générosité. L'UDF souhaite que la représentation nationale dans toute sa diversité partage ces qualités. Ce serait une erreur de mettre la démocratie entre parenthèses au moment où c'est elle qui est mise en cause.

L'Assemblée est donc réunie aujourd'hui pour exprimer la volonté de mettre un terme aux pratiques criminelles de la déportation, de la haine ethnique ou religieuse, de la violence sur une population civile dont le seul tort est d'habiter un territoire où on l'a déclarée indésirable.

A ceux qui s'interrogent sur la présence de la France dans ce conflit, je raconterai une histoire cruelle. En septembre 1933, un Juif de Haute Silésie porte plainte contre les viols, les massacres, les brutalités commises par les nazis à l'encontre des Israélites. Il est entendu, dans un silence gêné, par la SDN, et c'est le représentant de l'Allemagne Joseph Goebbels qui répond : "charbonnier est maître chez soi. Nous sommes un souverain. Nous faisons ce que nous voulons de nos socialistes, de nos pacifistes et de nos Juifs et nous n'avons à subir de contrôle ni de l'humanité ni de la SDN". Les dictatures traduiront aussitôt : "Je suis chez moi, ils sont à moi". L'Assemblée nationale doit refuser l'engrenage de la lâcheté, plus redoutable que celui de la guerre. Rappelons-nous Churchill : "Vous aviez le choix entre le déshonneur et la guerre, vous avez choisi le déshonneur et vous avez eu la guerre".

De quel droit M. Milosevic disposerait-il de martyriser une partie de son peuple ? Il appartient aux démocraties dont les dictateurs aiment à dire qu'elles sont lâches, de défendre les valeurs sur lesquelles elles se fondent.

Ce problème qui se pose à trois niveaux, français, européen et international, je l'aborderai en respectant trois principes qui s'imposent dans ces périodes difficiles : le respect de la responsabilité de l'exécutif, le souci de la cohésion nationale et le contrôle de l'action gouvernementale.

D'abord, la France : notre pensée la plus chaleureuse va vers nos soldats qui portent notre idéal. Le conflit n'a pas commencé en mars dernier, mais il y a huit ans, et nos soldats ont lourdement payé leur courage. Slovénie, Croatie, Bosnie, Sarajevo, Srebenica, autant de noms qui évoquent bombardements, exodes et massacres d'innocents. La France de Jean Moulin et de Charles de Gaulle, de Koufra et de "l'Affiche rouge", pourrait-elle accepter que cela continue ? En s'engageant sous l'autorité du Président de la République, elle a répondu à l'esprit même de son histoire. Monsieur le Premier ministre, pourriez-vous nous préciser quelle est la place de la France, l'autonomie de sa décision et la qualité de son information dans le dispositif allié ?

Ensuite, devra-t-il y avoir une suite, et laquelle, aux opérations aériennes ?

Les Français ont besoin de réponses qui traduisent notre loyauté envers l'Alliance et notre détermination de détruire le potentiel militaire de Milosevic.

Une fois les frappes stoppées, la pire hypothèse serait une défaite militaire de Milosevic en Serbie et sa victoire politique au Kosovo.

Au niveau européen, nous devons constater la carence politique et militaire de l'Union. Après la réunion de l'OTAN, hier, c'est Mme Albright qui est allée rencontrer son homologue russe. Devons-nous accepter que les Européens subissent les crises et que les Américains les résolvent ? Je ne mets pas en cause les efforts remarqués du ministre des affaires étrangères, mais je souhaite que le Gouvernement se fixe officiellement comme objectif la création de la communauté de défense que cette Assemblée avait, hélas, rejetée il y a 45 ans (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF, du groupe du RPR, du groupe DL et quelques bancs du groupe socialiste ; murmures sur les bancs du groupe communiste).

Sur le plan international, il y a quelques semaines, la France critiquait, à propos de l'Irak, le mépris dans lequel était tenu le Conseil de sécurité. Comment réintroduire le Conseil de sécurité dans la solution de cette crise ? Comment y associer la Russie ? Quel statut envisager pour le Kosovo ?

Nous proposons un mandat exercé par l'ONU avec l'appui d'une force internationale permettant le retour des réfugiés et la libre expression des Kosovars.

Dans cette hypothèse, le Conseil de sécurité est souverain. Il peut définir un statut adéquat à partir d'une résolution-cadre. La présence de l'ONU au Cambodge ou le volet civil des accords de Dayton s'approchent de cette solution et il serait à l'honneur de notre pays de la proposer au Conseil de sécurité.

L'UDF soutient l'action du Président de la République et du Gouvernement. Elle assumera cette responsabilité sans écouter ceux qui parlent de la paix en oubliant les fosses communes, ni ceux qui parlent de la guerre sans penser à ceux qui la font.

Notre président Philippe Douste-Blazy et Michel Voisin qui reviennent de Macédoine ont eu le sentiment d'assister au début et non à la fin d'un conflit.

Il nous revient d'exercer nos responsabilités sans démagogie ni forfanterie, dans le respect des valeurs humanistes et européennes.

Malgré le caractère nécessairement formel de ce débat, nous souhaitons que ce soient les yeux des enfants, les larmes des mères, la dignité des hommes qui nous accompagnent (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF, du groupe du RPR, du groupe DL et plusieurs bancs du groupe socialiste).

M. Georges Sarre - Je ne suis pas convaincu que la question du Kosovo ait toujours été traitée au mieux. Une des causes du drame a été l'acceptation en 1991 de l'éclatement de la Yougoslavie. Les rivalités entre Serbes, Croates, Slovènes, Bosniaques et Kosovars se sont transformées en conflits meurtriers.

Les Serbes étant répartis sur le territoire de quatre républiques yougoslaves, deux solutions se présentaient : redéfinir le contenu de la Yougoslavie en maintenant au moins une confédération, ou régler diplomatiquement la question des frontières entre Etats, ce qui n'a pas été fait. L'Union européenne a reconnu unilatéralement celles de la Croatie puis de la Bosnie. Cela, certes, n'excuse en rien les nationalistes serbes.

Je regrette que la représentation nationale n'ait pas été informée dans le détail du résultat des négociations de Rambouillet. Où en est-on resté exactement ? Pourrions-nous connaître, documents à l'appui, les initiatives prises par tel ou tel membre de l'Alliance atlantique ?

On peut également s'interroger sur l'adéquation de la fin et des moyens. Vingt jours après le début des frappes, l'incertitude demeure quant aux perspectives de résolution des conflits et le flot des réfugiés ne cesse de grossir avec son cortège de souffrances et de morts.

A-t-on pesé par ailleurs le risque de rejeter la Russie dans le nationalisme ?

Tournons-nous résolument vers l'avenir. Il faut parvenir à une solution politique négociée. Mais pour cela il importe de mesurer le poids des mots. Ceux qui assimilent hâtivement Milosevic à Hitler contribuent à banaliser le nazisme et la Shoah (Murmures sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL). Demandez leur avis aux rescapés des camps de la mort. Ceux qui exigent de la Serbie une capitulation sans conditions comme s'il s'agissait de l'Allemagne nazie, disqualifient toute solution politique. Gardons le sens des proportions ! On est en droit d'exiger des responsables politiques un minimum de culture historique et géographique.

Au Kosovo cohabitent des Albanais, certes très majoritaires, des Serbes, des Tziganes, des Macédoniens. Notre souci doit être de leur permettre de coexister pacifiquement au sein de la fédération yougoslave. Est-ce encore possible après les bombardements et les exactions, celles qui les ont précédés comme celles qui les ont suivis ? Toute guerre crée un processus incontrôlable. Mme Albright semble considérer que les accords de Rambouillet sont caducs. Est-ce aussi la position du Gouvernement français ? Monsieur le Premier ministre, il faut aller à l'ONU, seul cadre légal, seul cadre également où pourra intervenir la Russie afin de garantir l'indispensable accord politique. Quand la France demandera-t-elle une réunion du Conseil de sécurité ? Garantir une autonomie substantielle du Kosovo au sein de la République fédérale de Yougoslavie ne sera pas simple. La France doit donc conserver son entière liberté d'expression et d'initiative, sans se laisser ligoter aujourd'hui par l'Alliance atlantique, demain par le G8, au risque de se retrouver pieds et poings liés devant le Conseil de sécurité (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe RCV, sur plusieurs bancs du groupe communiste et sur quelques bancs du groupe socialiste).

M. Pierre Lellouche - Il est des dates dans l'histoire qui parfois se télescopent de façon ironique. Alors que les Balkans connaissent de nouveau la guerre, nous sommes à dix jours du cinquantième anniversaire de l'Alliance atlantique. Les Etats-Unis s'apprêtent toujours à célébrer en grande pompe à la fois cinquante années de paix et le succès de l'Alliance face à l'ex-URSS. Nous sommes à deux mois, jour pour jour, des élections européennes, à la fois d'une brûlante actualité, puisque ce qui se joue au Kosovo en ce moment est la raison d'être même de l'Union européenne, et totalement décalées, nos concitoyens notamment ayant très naturellement les yeux tournés vers le Kosovo.

Milosevic est le dernier dictateur national communiste de la guerre froide, du moins en Europe de l'Ouest -je laisse de côté son collègue Loukachenko. Depuis 1988, guidé par sa paranoïa nationaliste, il entraîne son peuple dans une effroyable fuite en avant. Il aura engagé quatre guerres successives, en Slovénie, en Croatie, en Bosnie, au Kosovo aujourd'hui, qui auront causé la mort de 230 000 personnes et le déplacement de plus de quatre millions de réfugiés.

Ce qui se passe aujourd'hui dans les Balkans nous ramène, quatre-vingts ans en arrière, au démantèlement des empires austro-hongrois et ottoman. En effet, comme au Haut-Karabakh, comme en Palestine, comme au Kurdistan, des nations y luttent au sein de territoires qui ont été divisés par les traités de Versailles et de Sèvres.

Les enjeux sont donc extrêmement importants pour l'Union européenne : ou elle sortira renforcée de la guerre du Kosovo, dotée d'une colonne vertébrale politique et militaire, et surtout d'un projet pour construire l'Europe élargie de l'après-guerre froide, dans laquelle tous les peuples puissent vivre dans la paix et dans la prospérité, ou elle échouera dans cette entreprise.

Dernier enjeu : celui de nos valeurs. Certains estiment ici ou là qu'il ne convenait pas d'ajouter la guerre à la guerre ou bien encore que nous serions tous, collectivement, responsables du drame du Kosovo. Dois-je leur rappeler que le drame du peuple kosovar a commencé il y a dix ans et n'a fait que s'intensifier depuis un an ? Ce n'est pas l'OTAN qui est responsable du massacre de Racàk le 14 janvier dernier.

A tous ceux-là, le Président de la République a répondu hier avec lucidité et clarté. Et je suis fier aujourd'hui d'être gaulliste et d'être Français quand je vois la nation tout entière unie derrière le Président de la République et le Gouvernement (Protestations sur les bancs du groupe communiste).

Dans son intervention hier, le Président de la République a abordé les trois volets militaire, humanitaire et diplomatique. Monsieur le Premier ministre, pouvez-vous nous donner des indications sur l'efficacité des frappes aériennes, leur adéquation par rapport à leur objectif qui est de ramener Milosevic à la table des négociations, enfin sur leur durée éventuelle ?

Sur le plan humanitaire, comment la France entend-elle renforcer un rôle déjà exemplaire ? Comment pense-t-elle venir en aide aux populations kosovars, restées de l'autre côté de la frontière ?

Sur le plan diplomatique, la France s'emploie à réintroduire le Conseil de sécurité et la Russie dans le jeu. Pourriez-vous nous donner des précisions à ce sujet ? Quel statut envisagez-vous à terme pour le Kosovo ainsi que pour la force internationale de sécurisation qui devra assurer le retour des réfugiés dans leur pays ?

Enfin, si Milosevic ne plie pas, envisagez-vous une intervention terrestre ? De quelle nature serait-elle ? (Applaudissements sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL)

M. Jacques Brunhes - Les objectifs de la guerre étaient de faire revenir le dictateur Milosevic...

Un député RPR - Le Camarade...

M. Patrick Braouezec - Non !

M. Jacques Brunhes - ...à la table des négociations et de protéger les populations. Force est de constater, vingt jours après le début des bombardements, que cette stratégie est dans l'impasse. Les résultats obtenus sont même contraires à ceux escomptés. La répression, l'exode forcé, la déportation, certes commencés bien avant, ont été accentués. Milosevic a été conforté dans sa tyrannie. Les démocrates serbes ont été muselés, certains même assassinés. Les dégâts "collatéraux" c'est-à-dire les bavures sont de plus en plus graves.

Augmenter le nombre d'avions sur place ne peut qu'accroître ces effets pervers. Nous n'approuvons pas cette fuite en avant. Il faut au contraire enrayer la logique de guerre qui pourrait nous entraîner dans un engrenage fatal. L'urgence est d'empêcher l'épuration ethnique, les déportations de la population albanaise du Kosovo...

Plusieurs députés RPR, UDF et DL - Comment ?

M. Jacques Brunhes - Ces exactions sont une honte pour la conscience humaine. Nos concitoyens d'ailleurs ne s'y sont pas trompés qui ont fait preuve d'un extraordinaire élan de générosité dont nous pouvons être fiers et qu'il n'appartient à personne de récupérer (Murmures sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL).

Dans une situation aussi grave, il importe de prendre toutes les initiatives diplomatiques et militaires afin de mettre fin au conflit. Nous avons fait des propositions en ce sens dès le premier jour, sur la base de principes rappelés par Robert Hue lors du premier débat sur le sujet : cessation immédiate de la répression, de la purification ethnique et de toute forme d'exaction au Kosovo ; droit au retour des réfugiés et, pour l'assurer, création d'une force d'interposition européenne qui pourrait regrouper les 24 000 hommes prévus dans les accords de Rambouillet et inclure un contingent russe, l'ensemble étant placé sous la tutelle de l'ONU. Cela suppose d'arrêter les bombardements, de privilégier la voie diplomatique et de permettre demain la reprise des négociations et l'organisation, suggérée par M. Romano Prodi, d'une conférence européenne sur les Balkans, sous l'égide de l'OSCE.

Nous avons toujours été très attentifs aux ouvertures faites par la France dans le sens d'une issue politique. La réunion, hier, des ministres des affaires étrangères de l'OTAN témoigne que les esprits évoluent. Une nouvelle étape diplomatique est ouverte ; nombreux sont ceux qui insistent sur le rôle que doivent jouer l'Union européenne, la Russie, les Nations Unies, dont le secrétaire général, M. Kofi Annan, a pris des positions que nous avons votées avec intérêt.

Dans cet esprit, qui est le contraire de celui de Munich, des initiatives diplomatiques et politiques doivent être prises. Nous souhaitons que la France joue le rôle d'une force de proposition lors des prochaines réunions -le sommet anniversaire de l'OTAN devant être, selon nous, reporté ; pouvez-vous nous dire, Monsieur le Premier ministre, ce qu'elle envisage ?

M. Jean-Louis Debré - Le départ des ministres communistes !

M. Jacques Brunhes - Il faut, tout d'abord, exprimer notre solidarité avec les populations. Je regrette que l'Europe n'ait pas su, ou pas pu, prendre en charge elle-même l'action humanitaire, et qu'elle l'ait déléguée à l'Organisation atlantique, dont ce n'est pas la mission.

Il faut, ensuite, créer les conditions du retour des Kosovars dans leur pays. Une aide internationale considérable sera nécessaire, tant les destructions et les pillages sont importants.

Que compte faire la France ?

Hier, un commentateur résumait assez bien la situation en disant que les alliés sont plus que jamais unis mais sont indécis sur la sortie de crise. L'hégémonisme des Etats-Unis est stigmatisé par un nombre croissant d'observateurs. Je vous poserai donc une dernière question : les alliés parlent-ils d'une même voix ? (Exclamations sur les bancs du groupe du RPR)

M. Jean-Louis Debré - Et la majorité ?

M. Jacques Brunhes - La sortie de crise doit être rapide, afin d'éviter d'autres drames, sans partition ni dépeçage du Kosovo, dans l'esprit de Rambouillet. Comment la France compte-t-elle faire entendre et partager sa position ? (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste)

M. Jean-Marc Ayrault - Nos compatriotes, après quelques jours d'hésitation, ont vite reconnu la nécessité et compris les objectifs de l'opération de l'OTAN. La longue cohorte des hommes, des femmes et des enfants déportés par les autorités de leur propre pays a profondément choqué l'opinion internationale, qui a pris conscience de la nature réelle du régime de Milosevic et appris que l'épuration ethnique, les massacres, la terreur avaient commencé pendant les négociations de Rambouillet. Constatant l'impérieuse obligation de casser ce processus et donc l'appareil militaire de Belgrade, les Français approuvent très majoritairement la décision de la France et de ses partenaires. Ils comprennent que les mots, les pétitions de principe ne suffisent pas pour s'opposer à la force d'une dictature ; et ils tirent les leçons de l'histoire, qui a vu les démocraties céder au chantage, à la violence et à la peur. Après l'annonce par Belgrade d'un cessez-le-feu unilatéral, que chacun a bien interprétée comme une manoeuvre de désinformation, la France, suivie par ses alliés, a interrogé Milosevic sur le retrait des forces serbes du Kosovo, sur le retour des Kosovars chez eux et sur la garantie d'une autonomie substantielle du Kosovo. Ces questions ont été reprises par M. Kofi Annan, secrétaire général de l'ONU. Avez-vous, Monsieur le Premier ministre, des éléments de réponse ?

Parallèlement à l'action militaire, l'action diplomatique s'est intensifiée ; la France y a pris une part très active. Nous saluons votre souci de parvenir avec l'aide indispensable de la Russie, à une solution politique durable. Est-il envisagé de demander au Conseil de sécurité d'adopter une résolution ? Comment, concrètement, envisage-t-on d'assurer l'autonomie du Kosovo, ce qui suppose la présence d'une force militaire internationale ?

Les Français ont fait preuve dans ce conflit d'une générosité exemplaire. L'aide humanitaire s'organise peu à peu. Vous avez, à juste titre, dès le début, privilégié le maintien des réfugiés à proximité de leur propre pays. Mais plusieurs questions concrètes se posent : comment s'organise l'accueil ? Quel est le rôle du HCR ? Quel est celui de l'Union européenne ? Comment assure-t-on la sécurité des personnes ?

Comme vous l'avez dit, Monsieur le Premier ministre, la France est et sera généreuse pour accueillir les familles qui le désireront. Quel message pouvez-vous adresser à tous les Français qui veulent agir concrètement ? Et quelle aide durable la France et l'Union européenne entendent-elles apporter aux pays d'accueil ?

Une union européenne plus forte sur les plans politique, diplomatique et militaire apparaît aujourd'hui plus indispensable que jamais. Quelles initiatives peut-on envisager à moyen terme pour créer les conditions d'une paix durable dans les Balkans ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, sur plusieurs bancs du groupe RCV et sur quelques bancs du groupe UDF)

M. Jean-François Mattei - Aucun mot n'est assez fort pour exprimer l'horreur de cette guerre qui, même conduite avec les techniques les plus sophistiquées, entraîne la souffrance et le deuil, au terme d'un siècle qui aurait dû guérir l'homme de sa barbarie. C'est dans des moments pareils que nous réalisons la richesse de vivre dans un pays démocratique. S'il nous arrive de nous opposer, nous savons que nous partageons la liberté et la responsabilité, pour lesquelles, parce qu'elles fondent la dignité de la personne humaine, nous devons mener le combat, là-bas, au Kosovo.

Au nom du groupe Démocratie libérale, Monsieur le Premier ministre, je vous poserai trois questions.

Sur le plan humanitaire, on ne peut rester insensible et inactif devant une situation gravissime. Demain, une épidémie peut décimer tout un camp. Il faut aider les pays riverains, notamment l'Albanie, non seulement à accueillir les réfugiés, à distribuer de l'eau potable, à prendre des mesures sanitaires, mais aussi à maintenir l'activité économique indispensable.

Mais c'est au Kosovo même que la famine sévit le plus. Qu'en est-il de la création d'un couloir humanitaire vers le Kosovo ?

Sur le plan militaire, je voudrais saluer nos soldats, qui font notre admiration et que nous devons soutenir, dans la plus totale cohérence. Celle-ci existe entre le Président de la République et la majorité de votre Gouvernement ; les quelques voix contraires font mal : vous ne devez pas les accepter (Applaudissements sur les bancs du groupe DL, sur de nombreux bancs du groupe UDF et du groupe du RPR), d'autant que les frappes aériennes n'ont pas encore donné tous les résultats escomptés. La logique de l'action est d'augmenter la pression militaire ; sans préjuger des négociations qui pourraient s'engager, et sans doute même pour les hâter, n'est-il pas temps de dire que nous sommes prêts, si la situation l'exige, à entreprendre une intervention terrestre ?

Au plan politique, enfin, ce conflit nous a renvoyés à la réalité européenne, à la nécessité d'un espace démocratique européen.

Nous avons laissé passer l'occasion, en 1989, après la chute du mur de Berlin, de tendre la main à l'Europe de l'Est.

Quelles initiatives l'Union européenne va-t-elle prendre pour élaborer, avec la Russie, un véritable plan de sécurité en vue de garantir la paix en Europe et d'affirmer qu'aucun dictateur ne sera toléré sur ce continent ?

Oui, nous sommes aux côtés du Président de la République et aux vôtres, Monsieur le Premier ministre, pour que cette guerre prépare la paix (Applaudissements sur les bancs du groupe DL, du groupe UDF et du groupe du RPR).

M. Lionel Jospin, Premier ministre - Dès le début, le conflit du Kosovo a revêtu une triple dimension militaire, humanitaire et diplomatique, comme l'ont souligné MM. Jean-Marc Ayrault et Pierre Lellouche.

La détermination des alliés à conduire l'action militaire reste entière, car il y va de son succès. Les impératifs humanitaires subsistent, car les réfugiés sont toujours aussi nombreux dans les pays et les provinces limitrophes du Kosovo et que se pose, avec toujours plus d'acuité, la question des personnes déplacées au Kosovo même. Pour autant, aujourd'hui, je voudrais me situer, d'abord, comme l'a fait le Président de la République hier soir, sur le plan de la diplomatie.

Alors que nous allons entrer dans la quatrième semaine de frappes, il semble en effet que le contexte dans lequel se déroule ce conflit commence à bouger. Nous devons y être d'autant plus attentifs que notre objectif a toujours été de trouver une issue diplomatique et politique à cette crise.

Vous vous souvenez qu'il y a huit jours, M. Milosevic avait annoncé son intention de respecter une trêve unilatérale au Kosovo. Il n'en a rien fait. Toutefois, c'était peut-être là le signe d'un certain essoufflement de l'effort de guerre serbe ou, ce qui revient au même, la marque d'une efficacité croissante des frappes de l'OTAN. Nous avons voulu y voir une nouvelle encourageante.

Les plus hautes autorités des pays de l'Alliance ont réagi à cette annonce de manière unanime, en estimant qu'il s'agissait d'une décision indispensable mais insuffisante. Et, à notre initiative, elles ont posé cinq questions au président yougoslave. Etes-vous disposé à un arrêt effectif et vérifiable des offensives et de la répression serbes contre les populations civiles au Kosovo ? Etes-vous prêt à retirer les troupes militaires, paramilitaires et policières de la province ? Acceptez-vous de mettre en oeuvre le droit au retour des réfugiés ? Etes-vous prêt à contribuer à la mise en place d'un cadre politique fondé sur les accords de Rambouillet ? Acceptez-vous le déploiement d'une force de sécurité internationale chargée de vérifier la mise en oeuvre de ces accords et de garantir la sécurité des populations ?

Ces questions ont largement inspiré les conditions que le secrétaire général de l'ONU, M. Kofi Annan, vendredi dernier, a estimé de nature à faire cesser les frappes, dans une déclaration à laquelle nous avons immédiatement apporté notre entier soutien. Le retour au premier plan des Nations Unies, que j'avais appelé de mes voeux devant vous il y a huit jours, et auquel travaille le ministre des affaires étrangères, M. Hubert Védrine, est une évolution positive.

L'organisation des Nations Unies, et en particulier le Conseil de sécurité, doivent jouer tout leur rôle dans la définition d'un règlement politique au Kosovo et dans sa mise en oeuvre. L'Union européenne, quant à elle, devra prendre toutes ses responsabilités.

Je le redis à MM. François Léotard et Georges Sarre, c'est bien à l'ONU qu'il revient de définir le cadre général d'un règlement politique de la crise.

M. Robert Pandraud - Très bien !

M. le Premier ministre - C'est pourquoi je me réjouis de la présence de M. Kofi Annan demain soir à Bruxelles, à la réunion des chefs d'Etat et de gouvernement des pays de l'Union européenne, à laquelle nous participerons, le Président de la République et moi-même.

Les frappes auxquelles nous avons dû nous résoudre sont, dans notre esprit, un moyen de parvenir à notre objectif : un Kosovo en paix, dont tous les habitants puissent vivre en sécurité, un Kosovo pluraliste et démocratique.

M. Robert Pandraud - Avec l'UCK ?

M. le Premier ministre - Cet objectif est un impératif démocratique, une exigence primordiale dans l'Europe de la fin du XXème siècle. Il participe du refus de la barbarie et des violations massives des droits de l'homme ; il contribue à l'affirmation des valeurs fondatrices de l'Europe ; il est au coeur de l'ambition européenne qui anime nos gouvernements.

Je voudrais préciser un point particulier : celui du sort qui devrait être réservé à M. Milosevic. Je comprends que beaucoup posent cette question. Je ne suis pas sûr qu'il soit pertinent de lui apporter dès maintenant une réponse. Gardons-nous de la confusion et des fausses bonnes solutions : le but n'est pas, en soi, de faire tomber un homme, mais de contraindre un régime à respecter les droits les plus élémentaires de la personne humaine, de trouver une solution politique digne de ce nom au problème du Kosovo. M. Milosevic devra rendre compte de ses agissements devant son peuple, devant l'histoire et peut-être devant les juridictions internationales. Ce qui compte aujourd'hui, c'est d'aboutir à une solution politique.

Parce que les frappes sont un moyen et non une fin, leur poursuite jusqu'à ce que soient atteints les buts qui leur sont assignés n'exclut pas une réflexion sur l'avenir du Kosovo, et, plus largement, des Balkans.

La crise du Kosovo est une des manifestations, la dernière en date et, espérons-le, la dernière tout court, d'une crise qui affecte depuis bientôt dix ans la région balkanique. Les autorités françaises sont conscientes de cette dimension régionale du problème et souhaitent, au-delà de l'action militaire actuelle, y apporter des réponses.

C'est dans cette perspective que nous saluons les initiatives, qui vont en ce sens, qu'il s'agisse de la proposition faite par la présidence allemande de l'Union européenne d'un pacte de stabilité pour l'Europe du Sud-Est, qui sera discutée demain à Bruxelles, ou de l'idée d'une conférence balkanique émise par le président désigné de la Commission européenne, M. Romano Prodi, qui est ce soir à Paris et à qui j'entends bien apporter mon soutien (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe RCV et quelques bancs du groupe communiste). Je sais que cette dernière proposition a rencontré un écho favorable dans votre Assemblée, comme M. Jacques Brunhes vient de le rappeler (Murmures sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL). La France contribuera à ces réflexions et, dès que les conditions en seront réunies, à leur mise en oeuvre.

Parce qu'il est évident que la crise du Kosovo met en jeu la stabilité du continent européen et que sa résolution conditionne la paix en Europe, il nous paraît fondamental que le partenaire majeur qu'est la Russie soit pleinement associé à la recherche d'une solution politique. La Russie, en tant que membre permanent du Conseil de sécurité et membre du Groupe de contact, a travaillé très étroitement avec nous à la réflexion politique et aux tentatives diplomatiques de résolution de la crise durant les seize derniers mois.

Bien que la Russie n'ait pas partagé le choix des pays de l'Alliance atlantique en faveur d'une action militaire, elle doit être partie prenante de la recherche d'une solution. La reprise d'un dialogue formel de la France et des autres partenaires occidentaux du Groupe de contact avec ce pays sur la situation au Kosovo est une évolution très positive. J'espère que cette évolution portera ses fruits. La diplomatie française fait tous ses efforts dans ce sens.

Pour autant, aussi longtemps qu'une solution politique est refusée par M. Milosevic, nos moyens militaires participent aux frappes, tout en concourant à la stabilité régionale comme à l'accueil et à la sécurité des réfugiés.

A ces fins, le dispositif militaire français, que le ministre de la défense Alain Richard est chargé de mettre en oeuvre, comporte actuellement deux volets distincts : les missions aériennes, la présence en Albanie et en Macédoine.

Les missions aériennes en République fédérale de Yougoslavie, qui ont débuté le 24 mars dernier, sont assurées aujourd'hui du côté français par 58 avions appartenant à l'armée de l'air et à la marine, qui opèrent à partir de l'Italie, du porte-avions Foch et du territoire national. Les missions quotidiennement assurées par nos avions sont de quatre types : le bombardement des sites stratégiques effectué à présent de jour et de nuit ; l'attaque au sol, exécutée lors de missions spécifiques sur des forces de répression serbes déployées au Kosovo ; la reconnaissance aérienne et la recherche électronique, destinées à recueillir des données sur les forces serbes ; les missions de soutien, comprenant la détection aéroportée, le ravitaillement en vol et le sauvetage de combat, effectuées au profit de l'ensemble des appareils alliés.

Le dispositif aérien et les missions qui lui sont imparties sont constamment adaptés à l'évolution de la situation sur le terrain. La France attache une priorité politique à porter des coups aux forces militaires et paramilitaires de répression déployées au Kosovo ; par ailleurs, nous veillons à réduire autant que possible les risques de victimes civiles. A cet égard, nous déplorons la mort de dix voyageurs, tués dans un train au cours de l'attaque d'un pont. Ce manquement tragique -mais isolé- illustre le risque inhérent à tout conflit. En outre, le contraste est grand avec la violence systématique du régime yougoslave, dont les victimes ne pourront être dénombrées qu'à la fin du conflit.

Les résultats obtenus après trois semaines de frappes sont maintenant significatifs. La défense antiaérienne yougoslave est incapable de mener une action coordonnée. L'armée de l'air serbe ne peut plus agir que de façon très ponctuelle et brève. Les forces terrestres et la police sont maintenant atteintes directement. Des blindés et des colonnes de véhicules ont été neutralisés. Plus de la moitié des stocks de carburant ont été détruits et la mobilité des forces serbes est d'ores et déjà sérieusement limitée. Enfin, l'effort des frappes aériennes est actuellement porté sur toutes les infrastructures de liaison -routes, chemins de fer, ponts- qui permettent de relier le Kosovo à la Serbie centrale. Cette tactique d'isolement permet de concrétiser notre volonté d'étouffer les forces serbes au Kosovo, qui tuent, terrorisent et déportent.

Le second volet de notre engagement militaire concerne notre présence en Albanie et en Macédoine. Totalement consacrée au soutien des actions humanitaires, elle s'est traduite par la mise en place d'un pont aérien à partir de la base d'Istres et par la mobilisation du transport de chalands de débarquement "Orage". La France a aussi été la première à établir un pont aérien entre Tirana et Kukës.

En Macédoine, la brigade française, forte de 2 700 hommes, participe au soutien des réfugiés et maintient aussi un dispositif de protection lui permettant de contrer une éventuelle action hostile dans le nord. Les éléments de cette brigade, qui seraient alors renforcés, seront disponibles à tout moment pour oeuvrer au sein d'une force internationale de sécurité, qui verra le jour si les efforts diplomatiques en cours aboutissent. Sa mission serait en particulier de protéger le retour des réfugiés.

Instruits par l'expérience, nous veillerons à ce que cette force ait des missions définies avec précision et qu'elle dispose des règles d'engagement et des moyens de protection adaptés à la gravité de la situation. Par ailleurs, nous pensons nécessaire que le déploiement de cette force relève d'une résolution du Conseil de sécurité prise au titre du chapitre VII de la charte des Nations Unies.

Pour assurer l'ensemble de nos missions, nous avons déployé 58 avions de tous types, 7 bâtiments de la Marine dont le porte-avions Foch, et bientôt presque 7 000 hommes. Je rends hommage et j'exprime mon soutien aux personnels de nos armées et en particulier à nos pilotes (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL et sur quelques bancs du groupe communiste et du groupe RCV).

Le drame humain qui marque cette crise constitue pour nous une préoccupation essentielle.

Dès le début du conflit, les Français ont fait preuve d'un élan de solidarité impressionnant à l'égard des populations civiles du Kosovo, chassées par une politique inique et barbare.

Retrouvant l'indignation qu'ils avaient ressentie lors des guerres dramatiques livrées par la Serbie à la Croatie puis à la Bosnie, et mus par la même détermination à tendre la main à ceux qui souffrent, nos compatriotes se sont mobilisés à une échelle sans précédent.

Il m'est impossible de rendre compte de toutes les initiatives prises par des particuliers ou des collectivités locales, par de petites associations ou des organisations non gouvernementales nationales : qu'il me soit simplement permis de leur rendre hommage.

A ce jour, plusieurs milliers de tonnes de biens de première nécessité ont été collectés : ceux qui ne sont pas transportés directement par les associations le sont par les soins de l'Etat. Des coordonnateurs humanitaires ont été désignés à Tirana et Skopje, afin de vérifier la bonne distribution de cette aide.

Enfin, nos compatriotes se sont massivement portés candidats à l'accueil en France de familles de réfugiés.

Je l'ai dit, l'urgence est d'organiser et de protéger les réfugiés du Kosovo au plus près de leur région d'origine pour préparer leur retour. C'est ce qu'ils souhaitent.

Je me réjouis que cette position, qui correspond à celle du Haut commissariat aux réfugiés, ait été rejointe par nos partenaires. Mais, comme le Gouvernement s'y était engagé, nous avons aussi défini une procédure permettant d'accueillir provisoirement des réfugiés, une fois que nous serions assurés du caractère volontaire des départs et du respect des cellules familiales. Dans tous les cas, les familles françaises qui se sont manifestées seront contactées par les services des DDASS. Soyons clairs, non seulement ces réfugiés, candidats à venir chez nous, ne sont pas dissuadés par des formalités administratives, mais ils bénéficient d'une procédure accélérée, les dispensant de visas.

Face à l'afflux des réfugiés dont le HCR dénombrait hier plus de 500 000, et aux conditions dramatiques de leur exil forcé, le Gouvernement a mobilisé des moyens exceptionnels pour accompagner et amplifier l'effort national.

En plus de l'aide de l'Union européenne, dont notre pays assure une part essentielle et qui approche dorénavant les 200 millions d'euros pour la seule aide d'urgence, plus de 225 millions de francs ont été débloqués sur le budget de l'Etat. Ces crédits nationaux ont permis d'acheminer environ 700 tonnes de fret. De nouvelles rotations aériennes et maritimes sont en cours.

La moitié de cette aide a été mise en place en Macédoine, où plusieurs camps de réfugiés ont été administrés jusqu'aujourd'hui par des Français, notamment celui de Stenkovac où plus de 11 000 personnes ont été hébergées et soignées. Le HCR vient d'en confier la gestion à une ONG internationale : j'ai trouvé particulièrement émouvants les témoignages des réfugiés exprimant leur gratitude à l'égard de nos soldats et nos volontaires.

L'autre moitié de notre effort bilatéral a porté sur l'Albanie. Nos forces armées ont acheminé 50 tonnes de produits de première urgence à Kukës. Elles prennent progressivement en charge l'administration de trois camps, dont un au nord, près de la frontière. De plus, une action médicale d'urgence est menée en Albanie, qui devrait conduire à une coopération de long terme entre les ministères de la santé. Ainsi l'aide d'urgence peut déboucher sur la reconstruction et le développement.

Tout cela a été possible grâce au savoir-faire et au courage des représentants des ONG, et aussi à ceux de nos forces armées et des agents de l'action humanitaire française.

Devant l'ampleur de l'aide à apporter aux réfugiés en Albanie, l'OTAN met en place près de 9 000 hommes et des moyens de transport, destinés à soutenir l'action humanitaire. Ce concours était nécessaire, face à la complexité et à la fragilité de la situation en Albanie. Il se traduira non seulement dans le domaine du transport et de la distribution de l'aide, mais également par la protection des camps et de leur accès. La France participera à cette opération en déployant 700 hommes.

Nous éprouvons aujourd'hui de très vives inquiétudes pour les populations kosovars qui ont quitté villes et villages et n'ont pas pu franchir les frontières. A cet égard, le pouvoir serbe doit être solennellement mis en garde contre les conséquences de son attitude et le comportement de ceux qui, au Kosovo, exécutent sa politique (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe du RPR, du groupe UDF, du groupe DL, du groupe RCV et sur quelques bancs du groupe communiste).

Notre premier souci est de recueillir des informations précises sur ces populations. Le travail de renseignement est en effet nécessaire à toute action de secours, et nous y travaillons, Monsieur Mattei.

Le Gouvernement, comme je m'y étais engagé, se mobilise avec ses partenaires de l'Union européenne et du G8, en faveur d'une aide économique aux Etats voisins de la Yougoslavie qui supportent le poids des réfugiés ou dont l'économie a été gravement atteinte par le conflit.

L'Union européenne vient de débloquer 100 millions d'euros pour une première aide économique, et Dominique Strauss-Kahn a saisi le directeur général du FMI et le président de la Banque mondiale afin qu'ils débloquent au plus vite des crédits en faveur de la reconstruction et de l'allégement de la dette de ces pays.

Demain, au Conseil européen, avec le Président de la République, nous confirmerons la détermination de la France à poursuivre son action militaire, son intention d'amplifier l'aide humanitaire, sa volonté de concourir à la recherche d'une solution politique et diplomatique au Kosovo. A terme, les Balkans doivent devenir, eux aussi dans l'Europe, un espace de paix, de développement et de démocratie (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, sur de nombreux bancs du groupe du RPR, du groupe UDF, du groupe DL et sur quelques bancs du groupe RCV).

La séance est levée à 16 heures 15.

          Le Directeur du service
          des comptes rendus analytiques,

          Jacques BOUFFIER


© Assemblée nationale


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