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Assemblée nationale

COMPTE RENDU

ANALYTIQUE OFFICIEL

Session ordinaire de 1998-1999 - 91ème jour de séance, 230ème séance

2ème SÉANCE DU MERCREDI 5 MAI 1999

PRÉSIDENCE DE M. Laurent FABIUS

          SOMMAIRE :

QUESTIONS AU GOUVERNEMENT 1

    SUITES DE L'INCENDIE CRIMINEL EN CORSE 1

    KOSOVO 2

    CORSE 3

    APPLICATION DES 35 HEURES À LA SNCF 4

    INCENDIE CRIMINEL EN CORSE 5

    HÔPITAL PRIVÉ 6

    BAISSE DU CHÔMAGE 7

    COUVERTURE MALADIE UNIVERSELLE 7

    KOSOVO 8

    FORÊT 8

AMÉNAGEMENT DU TERRITOIRE -nouvelle lecture- (suite) 8

    MOTION DE RENVOI EN COMMISSION 23

La séance est ouverte à quinze heures.


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SOUHAITS DE BIENVENUE À MME LA PRÉSIDENTE DE L'ASSEMBLÉE PARLEMENTAIRE DE L'OSCE

M. le Président - Je souhaite, en votre nom à tous, une chaleureuse bienvenue à Mme Helle Dega, présidente de l'Assemblée parlementaire de l'OSCE. (Mesdames et Messieurs les députés et les membres du Gouvernement se lèvent et applaudissent)


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QUESTIONS AU GOUVERNEMENT

L'ordre du jour appelle les questions au Gouvernement.

SUITES DE L'INCENDIE CRIMINEL EN CORSE

M. Jacques Desallangre - A la suite des graves événements survenus en Corse il y a quelques jours, la justice a diligenté une enquête, qui a été confiée à l'inspection technique de la Gendarmerie. Il est cependant de votre responsabilité, Monsieur le ministre de la défense, de tirer les conséquences de ces manquements. Quelles mesures le Gouvernement entend-il prendre pour réformer le fonctionnement de la gendarmerie nationale en Corse ? Plus généralement, comment comptez-vous organiser, à l'avenir, la gendarmerie, chargée conjointement avec la police, de missions de police judiciaire et de maintien de la sécurité de nos concitoyens, afin de garantir qu'elle remplira ces missions dans le strict respect de la loi ?

M. Alain Richard, ministre de la défense - L'implication de plusieurs gendarmes dans une très grave infraction constitue une très lourde gêne pour l'application de la loi. Cette conduite aberrante tranche avec les scrupules qui animent d'ordinaire la gendarmerie, en toutes circonstances. Au vu du rapport qui me sera transmis, à ma demande, par le général de gendarmerie qui dirige l'inspection technique de ce corps, les sanctions disciplinaires individuelles seront prises, dans le strict respect des procédures. Elles sont très sévères, comme l'exige le maintien de la confiance des citoyens envers ceux qui sont chargés d'assurer leur sécurité. Par ailleurs, le contrôle sur les missions opérationnelles de la gendarmerie, contrôle qui s'exerce a posteriori, sera amélioré.

J'insiste, d'autre part, sur la charge de travail intense qui est celle des forces de police et de gendarmerie en Corse, où des risques élevés persistent. Ainsi, on a comptabilisé 421 attentats ou tentatives d'attentats en 1995, 397 en 1996 et encore 301 en 1997. Telle est la situation qu'a trouvée notre Gouvernement lors de son installation (Protestations sur les bancs du groupe DL, du groupe du RPR et du groupe UDF). C'est dire qu'une très lourde charge de travail pèse sur ces hommes. C'est dire aussi que les mécanismes de contrôle des activités qu'ils exercent doivent être renforcés, c'est vrai, comme dans tous les cas où il y a surcharge, et des propositions en ce sens vous seront présentées.

Nous allons encore parachever le système d'affectation et de formation des personnels affectés aux missions les plus sensibles, et poursuivre, à cette fin, l'effort d'adaptation déjà engagé avec la création d'une direction des affaires juridiques au sein du ministère et l'installation du Conseil de prospective de la gendarmerie, auquel je demanderai de travailler avec indépendance.

Notre tâche, notre désir à tous est de continuer à renforcer l'Etat de droit. Les gendarmes auront toute leur place dans l'action à mener. Nous le devons à ces soldats de la loi, meurtris comme nous par les défaillances de quelques-uns des leurs (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe RCV).

KOSOVO

Mme Muguette Jacquaint - Depuis 42 jours, les frappes aériennes de l'OTAN se poursuivent en Serbie et au Kosovo. Cette initiative visait, nous avait-on dit, à mettre fin aux massacres et aux déportations dont le régime de M. Milosevic se rendait coupable, et à contraindre les Serbes à revenir à la table des négociations.

Comme chacun peut le constater, l'échec de cette stratégie est patent, le remède est pire que le mal et la communauté internationale est dans une impasse. Le parti communiste a, dès l'origine, condamné les bombardements et appelé à une solution politique. Plus que jamais, la solidarité s'impose avec les réfugiés dont le nombre ne cesse de croître, et les élus communistes participent activement à cet effort collectif.

Dans le même temps, rien ne doit être négligé qui permettrait d'obtenir, par la voie de la négociation, le retrait des forces serbes du Kosovo, l'arrêt des bombardements, l'installation d'une force d'interposition, de sécurité et de coopération sous l'égide de l'ONU et de l'OSCE et l'organisation d'une conférence internationale sur les Balkans. Des voix s'élèvent qui le demandent avec insistance, notamment en Allemagne et en Italie, et des événements nouveaux sont intervenus, dont il faut tenir compte : efforts tenaces de la diplomatie russe, libération des prisonniers américains -même si l'on ne peut se faire aucune illusion sur M. Milosevic-, interrogations de M. Clinton lui-même sur l'éventualité d'une pause dans les bombardements. Tout, donc, absolument tout doit être saisi et la France ne doit, en cette matière, prendre aucun retard. Il lui faut entreprendre une démarche nette en faveur des Kosovars et de tous les peuples de la région. Le Gouvernement entend-il, dans ces conditions nouvelles, et sans tarder, donner sa chance à la paix, et comment ?

M. Lionel Jospin, Premier ministre - Bien avant que ne commencent les frappes aériennes de l'OTAN, la diplomatie française a cherché, par la diplomatie, une voie de sortie de la crise. C'est ainsi qu'ont été engagées les négociations de Rambouillet, auxquelles étaient associés les pays membres du groupe de contact. C'est faute d'obtenir de M. Milosevic qu'il se range à une solution raisonnable que l'OTAN a dû se résoudre aux bombardements;

Je me suis, vous le savez, rendu en Albanie et Macédoine pour établir des contacts directs avec les réfugiés -ceux qui vivent sur place et ceux qui viendront chez nous-, pour rendre hommage au travail extraordinaire accompli par nos soldats sous l'autorité du colonel Gros et du général Valentin, pour saluer, aussi, les représentants des ONG. J'ai d'ailleurs transmis aux autorités albanaises et macédoniennes les préoccupations exprimées par leurs représentants soucieux de pouvoir travailler avec davantage d'efficacité encore.

J'ai, aussi, salué l'effort immense de ces deux pays qui accueillent fraternellement un flux immense de réfugiés en dépit de difficultés considérables.

Quant à savoir si l'Alliance pouvait avoir eu des responsabilités dans les déportations, j'ai demandé à mes hôtes, et particulièrement au président Glégorov, qui connaît M. Milosevic à titre personnel, leur sentiment. La réponse qu'ils m'ont faite est que jamais ils n'auraient imaginé que le président serbe organiserait ces déplacements massifs de population.

J'ai fait savoir aux autorités de Macédoine que la France allait créer un Fonds spécial destiné à contribuer à l'effort consenti par ce pays. A ce jour, 980 millions de francs ont déjà été octroyés, à titre exceptionnel, à l'Albanie et à la Macédoine.

Voir tous ces réfugiés, c'est comprendre qu'il fallait conduire M. Milosevic à négocier, et l'y conduire par les frappes aériennes, puisqu'aucune autre solution n'avait été trouvée. Cela ne signifie pas, vous avez raison, qu'il faille négliger la voie diplomatique. Le ministre des affaires étrangères pourrait vous indiquer, avec plus de précision que moi, que la diplomatie française est au coeur de toutes les négociations en cours. Je me félicite des efforts que déploie M. Tchernomyrdine, mais je ne pense pas que nous puissions faire preuve d'un optimisme excessif.

L'ordre des priorités, tel que vous l'avez cité, est aussi le mien : il faut obtenir d'abord le retrait des forces serbes du Kosovo et, ensuite, les frappes cesseront. Si M. Milosevic commençait à retirer ses troupes, s'il acceptait le retour des réfugiés, je pense que les frappes s'arrêteraient immédiatement. C'est le point de vue du Gouvernement, et je pense que c'est aussi celui du Président de la République, qui va se rendre à Moscou dans les prochains jours, et rencontrer le Président Eltsine. Je dois m'y rendre, aussi, tout comme le ministre des affaires étrangères. Nous participerons tous au dialogue politique qui doit permettre le retour à la paix, si M. Milosevic revient à la raison. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe RCV et quelques bancs du groupe communiste)

CORSE

M. Pierre Lequiller - Si j'ai bien entendu les explications du Gouvernement concernant la Corse, nous sommes passés en une semaine d'une simple affaire de l'Etat à une affaire de l'Etat... dont l'Etat ignore tout. Hier, Monsieur le Premier ministre, vous avez affirmé en effet que ni vous, ni vos ministres, ni vos collaborateurs n'étaient au courant de quoi que ce soit se rapportant à cette lamentable affaire. Vérité ou pas, cette situation traduit pour le moins une scandaleuse inorganisation, une incompétence de l'Etat. (Protestations sur les bancs du groupe socialiste) Car c'est vous, Monsieur le Premier ministre, qui avez décidé de faire du dossier Corse un dossier interministériel géré par Matignon ; c'est vous qui avez nommé le préfet Bonnet et lui avez donné carte blanche ; c'est vous enfin qui avez créé un corps d'élite d'exception au sein de la gendarmerie, le GPS. Dans ces conditions, il est difficile d'imaginer que votre cabinet ignorait tout. Mais l'enquête éclaircira ce point.

J'en viens à mes questions. Quels étaient les objectifs de l'acte insensé commis par le commando qui a détruit la paillote dans la nuit du 19 au 20 avril ? Demanderez-vous à votre majorité d'accepter la création de la commission d'enquête demandée par le groupe DL sur l'application de l'Etat de droit en Corse ? Et quels moyens mettrez-vous en oeuvre pour assurer à la représentation nationale une information pleine et entière sur cette affaire ? Enfin, doit-on penser, compte tenu du nombre de faits non élucidés, que d'autres opérations du même type ont été menées par le corps d'exception que vous avez mis en place ?

Que l'on ne nous réponde pas par des propos violents tels que ceux proférés hier par le Ministre de l'intérieur à l'encontre de M. Moyne-Bressand ! (Applaudissements sur les bancs du groupe DL) Ce que nous voulons, c'est la vérité. Il en va de l'image de l'Etat et de votre responsabilité politique. (Applaudissements sur les bancs du groupe DL, sur quelques bancs du groupe UDF et du groupe du RPR)

M. Jean-Pierre Chevènement, ministre de l'intérieur - Si j'ai repris hier M. Moyne-Bressand, c'est qu'il avait employé l'expression "repère de malfrats" à propos de la préfecture de Corse : en tant que tuteur du corps préfectoral, je ne puis que réagir fermement à de tels propos (Applaudissements sur les bancs du groupe RCV et du groupe socialiste). Sans parler d'autres expressions qui étaient pour le moins inappropriées.

Le Gouvernement n'a rien à cacher. Si des fautes apparaissent, elles seront sanctionnées. Mais nous devons tous observer une certaine prudence et nous exprimer avec circonspection. Je vous ai lu hier la lettre du préfet Bonnet (Exclamations sur les bancs du groupe DL, du groupe UDF et du groupe du RPR). Vous n'avez pas le droit de lui refuser de s'exprimer ! Le souci d'une justice équitable doit conduire à écouter les uns et les autres, le lieutenant-colonel Cavalier comme le préfet Bonnet.

Je voudrais tout d'abord rappeler le contexte. Le littoral fait l'objet en Corse de certaines appropriations privées -paillotes, cabanons, hangars (Exclamations sur les bancs du groupe DL, du groupe UDF et du groupe du RPR)- que l'on ne tolérerait pas à Carnac ou à Saint-Tropez ! Elles ont donné lieu à des décisions de justice, dont certaines vieilles de plus de dix ans, que le préfet Bonnet a essayé de faire exécuter, de même qu'il a essayé de ramener l'ordre dans plusieurs domaines. Il l'a fait soit par la voie amiable... (Exclamations sur les bancs du groupe DL, du groupe du RPR et du groupe UDF) Je tiens à votre disposition la liste des engagements qui avaient été pris, soit au moyen du génie civil ou militaire (Exclamations et rires sur les bancs du groupe DL, du groupe UDF et du groupe du RPR).

Le 9 avril, il devait être procédé à certaines destructions de paillotes mais l'Assemblée de Corse a voté à l'unanimité, moins quelques abstentions, une motion demandant qu'il y soit sursis. Je vois que M. Rossi opine du chef... Oui, l'Assemblée de Corse a demandé que des décisions de justice ne s'appliquent pas. Et M. Léotard a d'ailleurs demandé la même chose. Le préfet a accepté. Que s'est-il passé ensuite ? Deux interprétations sont possibles : un excès de zèle de la part des gendarmes (Applaudissements et huées sur les bancs du groupe DL, du groupe UDF et du groupe du RPR) ou un emportement... L'enquête permettra d'y voir plus clair (Exclamations sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL). Vous mettez, Messieurs, une passion malsaine dans l'exploitation de cet événement.

Après M. Alain Richard, qui vous a donné les statistiques concernant les attentats et homicides jusqu'en 1997 -et il s'agit bien là de votre bilan ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste)-, je vous rappelle qu'en 1998 les attentats par explosifs ont baissé de 69 %, les incendies volontaires de 39 %. Quant aux homicides et tentatives d'homicides, ils ont chuté de moitié en cinq ans. Et la plupart de leurs auteurs sont désormais identifiés. Cet effort ne doit pas se relâcher, quelle que soit l'exploitation que vous faites de cette affaire ! (Applaudissements sur les bancs du groupe RCV et du groupe socialiste ; protestations sur les bancs du groupe DL, du groupe UDF et du groupe du RPR)

Créer une commission d'enquête ? Cela relève de l'Assemblée nationale, pas du Gouvernement.

S'agissant des autres faits non élucidés, il serait trop facile de reprendre les arguments des nationalistes qui, dans un tract, revendiquent dix attentats et accusent l'Etat d'en avoir commis quatre ! (Applaudissements sur les bancs du groupe RCV et du groupe socialiste)

APPLICATION DES 35 HEURES À LA SNCF

M. Pierre Méhaignerie - Ma question ne s'adresse pas au Premier ministre, bien que la réponse du ministre de la défense sur le dossier corse nous ait laissés perplexes, mais à Mme la ministre de l'emploi, car des centaines de milliers de Français souffrent une nouvelle fois de la détérioration de la qualité du service public. Les grèves à répétition conduisent à une incompréhension des Français... (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste)

M. le Président - Une règle dans cette Assemblée veut que l'on écoute celui qui parle. M. Méhaignerie a la parole, je prie les autres de faire silence (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF).

M. Pierre Méhaignerie - ...à une exaspération croissante des usagers, une dégradation de l'image de la France à l'étranger et à un élargissement de la fracture sociale entre ceux qui peuvent faire céder l'Etat et les millions de salariés qui ne le peuvent pas (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF et du groupe du RPR).

D'où mes questions. L'application des 35 heures à la SNCF représente-t-elle vraiment, comme l'a dit son président, un coût supplémentaire de 1,5 milliard ? Est-elle, comme le disent certaines organisations syndicales, source de régression sociale dans la fonction publique ? Pour éviter une augmentation des dépenses publiques et une insatisfaction des personnels de la fonction publique, ne faut-il pas remettre en question l'application des 35 heures dans la fonction publique ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF, du groupe DL et du groupe du RPR)

Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité - Vous posez une bonne question ("Ah !" sur les bancs du groupe UDF et du groupe du RPR), celle de l'application des 35 heures dans notre pays. Et j'ai le plaisir de vous répondre que nous avons déjà dépassé le million de salariés travaillant sous le régime des 35 heures (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe RCV) et crée ou préservé ainsi plus de 50 000 emplois. Nous pourrons d'ailleurs en discuter lors du bilan de la loi que nous ferons en commun (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

Que la mise en place des 35 heures soit facile, personne ne le prétend. Mais personne n'a trouvé non plus la façon miracle de régler le problème du chômage. Pour ma part, je me réjouis que depuis près de deux ans, le chômage se soit réduit de 260 000, ce qui est sans précédent depuis trente ans. Je crois pouvoir dire que les 35 heures y sont pour quelque chose, de même que la relance du pouvoir d'achat, de la consommation et de la croissance, de même que les emplois-jeunes et l'aide à l'innovation technologique ("La question !" sur les bancs du groupe UDF, du groupe du RPR et du groupe DL).

J'en arrive à la SNCF. Il serait malvenu de penser qu'une partie du pays pourrait rester à l'écart du mouvement des 35 heures, d'abord parce qu'il correspond à une aspiration des Français, ensuite parce que l'emploi est notre priorité numéro un, enfin parce que, dans les entreprises, les négociations sur ce sujet permettant un vrai dialogue social.

Les discussions dans les grandes entreprises publiques ne sont jamais faciles -vous êtes bien placés, Messieurs, pour le savoir. Il peut en résulter des troubles que je regrette tout comme vous, Monsieur Méhaignerie, car ils perturbent la vie d'un grand nombre de Français.

Les négociations en cours ont donné lieu à des centaines d'heures de travail. Les principales organisations syndicales admettent que les propositions qui leur sont faites méritent d'être prises en considération, même si elles doivent être précisées et amendées.

Comme l'a indiqué le ministre des transports, ces négociations vont se poursuivre. Dans les heures qui viennent, nous allons trouver des solutions pour rendre la SNCF plus productive... (Interruptions sur les bancs du groupe UDF, du groupe du RPR et du groupe DL) ...pour améliorer le service rendu aux usagers aussi bien que les conditions de travail et, surtout, pour préserver l'emploi, car telle est la priorité du Gouvernement (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe RCV).

INCENDIE CRIMINEL EN CORSE

M. Dominique Perben - Monsieur le Premier ministre, la vraie question qui se pose aujourd'hui à propos de la Corse -indépendamment de l'enquête judiciaire- est celle de l'autorité de l'Etat, c'est-à-dire du fonctionnement de l'Etat et de son image. Ce qui s'est produit en Corse est évidemment le résultat d'un processus de dérapage progressif dans le fonctionnement de la préfecture et les relations entre les forces de l'ordre.

Un tel événement n'arrive pas par hasard, surtout quand les auteurs présumés des actes criminels en cause appartiennent à un corps militaire discipliné, exigeant et digne d'éloges : la gendarmerie (Applaudissements sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL).

Pour qu'un tel acte soit commis, il faut que le contexte favorise l'action en marge de la loi et la transgression de celle-ci. C'est bien cela qui vous concerne directement, en tant que responsable de l'administration.

La création du GPS a joué un rôle déterminant dans ce processus. Vous l'avez reconnu vous-même, après huit jours d'hésitation, en décidant de le dissoudre. Vous devez dire à la représentation nationale pourquoi il a été créé, quelles étaient ses missions et pourquoi vous n'avez pas agi avant l'affaire de la paillote. Vous ne pouviez pas ignorer, en effet, les relations difficiles qui existaient entre la police et la gendarmerie, ni les circonstances troublantes de certaines arrestations, dont la presse s'était fait l'écho. Des questions vous ont d'ailleurs été posées ici-même il y a quelques mois.

Au moins trois de vos ministres ne pouvaient qu'avoir été alertés : le ministre de la justice, car le Parquet ne pouvait pas ignorer la situation ; le ministre de l'intérieur, responsable de la force publique ; et le ministre de la défense, de qui dépend la gendarmerie.

Plusieurs députés socialistes - Et le chef des armées ? (Exclamations sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL)

M. Dominique Perben - Vous ne pouvez pas dire que vous ne saviez pas. Ou alors, ce serait encore plus grave (Applaudissements sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL).

M. Alain Richard, ministre de la défense - Vous savez que vos questions portent sur des faits qui font l'objet d'une enquête judiciaire (Interruptions sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL). Restez maîtres de vous ! Dès qu'on parle de la justice, vous voilà tout excités ! Voyez-vous un hélicoptère dans cet hémicycle ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste ; interruptions sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL)

Puis-je répondre devant quelque chose qui ressemble à un Parlement ? (Huées et claquements de pupitres sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL)

La gendarmerie nationale, en charge de l'enquête, est au service de la justice. Minute après minute, elle lui fournit toutes les données dont elle a besoin.

Le GPS avait d'abord des missions d'intervention, les interpellations et les arrestations en Corse se déroulant souvent dans des conditions dangereuses. Ces missions seront reprises par les formations de gendarmerie.

Le GPS exerçait aussi une mission de protection, hélas indispensable pour garantir la sécurité des autorités, et une mission de surveillance liées aux nombreuses enquêtes judiciaires en cours, qui auront des résultats, comme vous allez le voir bientôt.

Plusieurs députés RPR - On l'a vu !

M. Alain Richard, ministre de la défense - L'activité du GPS a été contrôlée de manière régulière par la direction de la gendarmerie nationale et les investigations montreront sa vigilance.

L'Etat de droit a subi des atteintes du fait de manquements individuels qui seront réprimés conformément à la loi.

L'opposition fait son travail comme elle croit devoir le faire. La controverse fait partie de la vie politique. Mais que notre compétence et notre diligence soient discutées par ceux qui ont suivi fougueusement -avec les résultats qu'on connaît- MM. Jean-Louis Debré et Charles Millon, c'est là une épreuve qui n'est pas surmontable ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste)

HÔPITAL PRIVÉ

M. Bernard Accoyer - Il serait surprenant qu'on veuille empêcher l'opposition de jouer son rôle : contrôler l'action du Gouvernement (Applaudissements sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL). Il y a deux jours, le ministre de l'intérieur a déclaré sur RTL n'avoir eu connaissance que récemment de la création du GPS, alors que le 12 août, en visite à Arcachon, il s'était félicité publiquement de cette initiative. Comprenez que nous nous interrogions (Mêmes mouvements).

Madame le ministre de l'emploi et de la solidarité, l'hospitalisation privée, depuis 1991, est en pleine restructuration. Elle a amélioré la qualité des soins tout en contrôlant les dépenses de santé. Pour la première fois, elle a dépassé en 1998 son objectif de dépenses. Des négociations s'étaient engagées entre le Gouvernement et les représentants de l'hôpital privé, mais vous les avez brusquement rompues et, contre l'avis de la CNAM, avez réduit les tarifs de 2 %.

Cette décision menace 30 à 50 % de ce secteur, compte tenu de la hausse des charges liée à l'amélioration de la sécurité sanitaire et au passage aux 35 heures.

L'hospitalisation privée, ce sont 130 000 emplois, 40 000 professionnels de santé, 63 % des interventions et 50 % des accouchements.

Quelles mesures comptez-vous prendre pour lever la menace qui pèse sur ces établissements, leurs salariés et le libre choix des patients ? (Applaudissements sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL)

Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité - Nous devons tenir le même discours à l'ensemble des professionnels de santé : aux médecins, à qui nous avons demandé de favoriser l'égalité d'accès aux soins, à l'hôpital public et à l'hôpital privé.

La semaine dernière, nous avons signé un accord avec les pharmaciens...

Un député RPR - Baratin !

Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité - Ce n'est pas du baratin, mais une réalité. Nous faisons un travail qui n'a pas été fait auparavant. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe RCV)

Nous allons signer des accords avec les radiologues et les cardiologues, et la CNAM, avec les infirmiers libéraux. Dans la concertation, nous allons rechercher les meilleures solutions pour l'usager tout en garantissant la pérennité de la Sécurité sociale.

On ne peut tenir un double langage. Les cliniques n'ont pas respecté l'objectif sur lequel elles s'étaient engagées. Nous le regrettons, mais nous ne pouvons pas l'accepter. Le Gouvernement saura prendre les mesures nécessaires pour ramener la Sécurité sociale à l'équilibre. Le déficit, je le rappelle, est déjà passé de 55 milliards en 1996 à 15 milliards en 1998.

Je connais le travail accompli par les cliniques privées. Un grand nombre d'entre elles travaillent d'ailleurs en réseau avec l'hôpital public. Mais nous ne pouvons accepter de favoriser des acteurs qui, contrairement aux hôpitaux publics, peuvent choisir de se spécialiser dans les pathologies les plus rentables et sélectionner leurs clients, au lieu de remplir toutes les missions de santé publique. (Interruptions sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL)

Evitons de tenir deux discours, un pour ses amis et un pour la santé publique. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe RCV)

BAISSE DU CHÔMAGE

M. Jérôme Cahuzac - Madame la ministre de la solidarité et de l'emploi, le nombre des chômeurs aurait diminué de 1,3 % en mars : au cours de ce seul mois, près de 40 000 de nos concitoyens auraient donc trouvé ou retrouvé un emploi. Nous confirmez-vous ces chiffres ? Pouvez-vous nous indiquer les raisons de ce résultat sans précédent depuis de nombreuses années ?

Par ailleurs, les statistiques montrent que le travail par intérim se développe. Que comptez-vous faire pour que la lutte en faveur de l'emploi soit aussi un combat contre la précarité ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe RCV)

Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité - En effet, le nombre des chômeurs a reculé de 38 000 en mars et de 260 000 au cours des 21 derniers mois, ce qui est sans précédent, même s'il reste beaucoup à faire. Ce résultat s'explique par la politique économique du Gouvernement qui, en redonnant confiance aux Français, maintient la consommation et la croissance à un niveau élevé. Je suis heureuse qu'en mars, les offres d'emploi aient à nouveau augmenté sensiblement.

Ensuite, il y a une politique sociale qui porte ses fruits : le chômage des jeunes a baissé -et les emplois-jeunes n'y sont pas étrangers ; le nombre des chômeurs de longue durée a baissé de 60 000 depuis le vote de la loi sur l'exclusion. Il reste un problème préoccupant, le travail précaire : j'espère que, comme l'an dernier, on verra les emplois d'intérim se transformer, pour la plupart, en CDI. Le Gouvernement n'accepta pas que, dans la conjoncture actuelle, certaines branches continuent d'embaucher sur des contrats précaires : j'ai proposé une négociation, et si rien ne devait en sortir d'ici l'été, des mesures seraient prises à l'automne pour taxer ceux qui précarisent l'emploi et coûtent très cher à la collectivité. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe RCV et du groupe communiste)

COUVERTURE MALADIE UNIVERSELLE

M. Marcel Rogemont - Le président d'ATD-Quart monde a déclaré il y a peu que la CMU était une avancée historique, attendue depuis un demi-siècle -la Constitution de 1946 avait en effet annoncé que la nation garantit à tous la protection de la santé. Il y a quelques heures, cette loi très importante a été votée en première lecture. Dans le droit fil de la lutte contre l'exclusion, la CMU offre un vrai droit à la santé à tous, donnant ainsi tout son sens à la "fraternité" de notre devise républicaine. Pourriez-vous rappeler à la représentation nationale quels sont les enjeux de cette loi et les moyens que vous consacrerez à son application ?

Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité - La CMU est en effet une avancée majeure, qui complète la loi sur l'exclusion : elle permettra à 150 000 personnes n'ayant pas de carte de Sécurité sociale d'en obtenir une rapidement -je pense notamment à des jeunes en rupture de famille. Elle permettra d'autre part à 6 millions de personnes d'être soignées gratuitement sans avance de frais dès le 1er janvier 2000. Il ne s'agit pas de fonder un système à l'américaine : tous auront accès aux mêmes médecins, aux mêmes hôpitaux, aux mêmes services de santé.

Préparé par le remarquable travail de M. Boulard, le débat à l'Assemblée a permis d'améliorer le projet. Je regrette cependant que, sur un texte aussi fondamental, l'opposition n'ait réussi à se mettre d'accord que sur un refus systématique n'excluant pas les contradictions entre adversaires et partisans de la privatisation, entre ceux qui dénoncent l'assistance et ceux qui veulent relever le seuil, entre ceux qui critiquent l'étatisation et ceux qui approuvent la remontée du département à l'Etat ! Une fois de plus, j'ai bien du mal à comprendre quel est votre programme (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe RCV).

KOSOVO

M. Jean Launay - La guerre du Kosovo et les conditions de notre engagement dans l'OTAN préoccupent nos concitoyens, tandis que les conséquences de l'épuration ethnique, l'afflux de réfugiés dans les camps suscitent un grand élan de solidarité. Etant donné le nombre toujours plus grand de réfugiés, et l'effort imposé aux pays limitrophes, quelles dispositions le Gouvernement compte-t-il prendre pour accroître la capacité d'accueil des réfugiés en France ? Quelles initiatives peut-on attendre à l'échelle européenne pour marquer la solidarité avec les victimes ? (Quelques applaudissements sur les bancs du groupe socialiste)

M. Pierre Moscovici, ministre délégué chargé des affaires européennes - Nos concitoyens ont été en effet touchés par les images de ces colonnes de réfugiés venus en Albanie, en Macédoine, au Monténégro. L'urgence était d'abord de protéger les réfugiés au plus près de leur région d'origine, afin de préparer leur retour. La France a apporté une contribution importante à cet effort, et la visite récente du Premier ministre a permis d'annoncer des mesures nouvelles. Dans le cadre du Fonds d'aide à la reconstruction, 335 millions sont débloqués, 172 pour l'Albanie et 163 pour la Macédoine. D'autre part, les camps étant désormais proches de la saturation, il faut accroître la capacité d'accueil des réfugiés : 2 400 ont déjà été reçus en France, qui est ainsi le troisième pays d'accueil après l'Allemagne et la Turquie. Nous cherchons à identifier de nouveaux sites, avec les associations comme avec l'administration -la Défense a identifié trois mille places.

L'Union européenne doit apporter une réponse coordonnée à cette crise, vous avez raison. La concertation entre les 15 est permanente, sur place comme à Bruxelles. Le 27 mai s'ouvrira, sous l'égide de la présidence allemande, la première conférence sur la reconstruction. Il est de la responsabilité de l'Union européenne d'assumer sa part, majeure, dans l'urgence comme dans l'avenir.

FORÊT

M. François Brottes - Suite au rapport Bianco, le groupe d'études que je préside a vérifié l'impérieuse nécessité que les pouvoirs publics s'impliquent davantage dans la filière bois. La forêt s'accroît, il faut l'exploiter plus et mieux : ce devra être une activité économique majeure au siècle prochain. Quels sont les axes de l'action du Gouvernement ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste)

M. Jean Glavany, ministre de l'agriculture et de la pêche - Le travail entrepris tient pour beaucoup au rapport Bianco, exemple des services que le Parlement peut rendre au Gouvernement -et votre groupe d'études continue dans cette voie. Suite à la communication que j'ai faite le 25 novembre au Conseil des ministres, le Gouvernement a décidé un plan d'action. Le premier étage de la fusée, ce sera la définition, d'ici juin, d'une stratégie forestière pour les 15 ou 20 ans à venir. Le deuxième étage sera l'élaboration d'une loi de modernisation forestière, travail interministériel associant l'Agriculture, l'Environnement, l'Industrie, les Finances, l'Emploi. Le troisième étage, ce sera la mise en oeuvre, par l'Office des forêts et ses nouveaux dirigeants, de ce nouveau contrat (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe RCV).

La séance, suspendue à 16 heures, est reprise à 16 heures 20 sous la présidence de Mme Catala.

PRÉSIDENCE DE Mme Nicole CATALA

vice-présidente


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AMÉNAGEMENT DU TERRITOIRE -nouvelle lecture- (suite)

L'ordre du jour appelle la suite de la discussion, en nouvelle lecture, du projet de loi d'orientation pour l'aménagement et le développement durable du territoire.

M. Gilbert Gantier - Rappel au Règlement, article 58 !

La nuit dernière, en plein Paris, à l'occasion du match de football entre le PSG et l'OM, des supporters de l'OM se sont livrés à d'innombrables actes de vandalisme. Il s'agit d'événements d'autant plus graves que les forces de l'ordre, présentes sur les lieux, n'ont pas empêché ces dégradations.

On savait que c'était une rencontre à hauts risques et la police aurait dû intervenir. Or elle s'est quasiment bornée à escorter les casseurs.

D'après les renseignements obtenus, sept autobus de la RATP ont été entièrement détruits, ce qui représente un préjudice de 5 millions. Par la suite, les casseurs ont poursuivi leurs déprédations dans le TGV qui les ramenait à Marseille.

Trois questions se posent après ces événements. Pourquoi la police n'est-elle pas intervenue ?

D'après un journal du matin, 25 personnes ont été interpellées et 13 placées en garde à vue. Quelles suites le Gouvernement compte-t-il donner à ces interpellations ?

Enfin, qui va payer la facture de ces déprédations ? Je demande à la présidence de l'Assemblée s'il ne serait pas possible d'interroger le ministre de l'intérieur pour avoir des réponses précises.

Mme la Présidente - L'article 58 de notre Règlement n'autorise pas à procéder à un rappel à ce Règlement pour des faits sans rapport avec la séance.

Compte tenu de la gravité des événements évoqués, je vous ai laissé vous exprimer, mais votre intervention n'avait guère sa place dans ce débat. Vous pourrez interroger le ministre de l'intérieur lors de la prochaine séance de questions au Gouvernement.

M. Gilbert Gantier - La semaine prochaine, c'est trop loin !

Mme la Présidente - Nous revenons à la discussion générale.

M. Patrick Rimbert - Déjà remanié par notre Assemblée, ce projet de loi nous est revenu du Sénat dans une version plus conforme aux souhaits de l'opposition, mais la majorité ne s'y retrouve plus...

Il y a bien deux conceptions, deux logiques, et c'est tout naturellement que notre rapporteur nous propose de revenir au texte que nous avions voté, enrichi par certains apports du Sénat et notre propre réflexion.

La conception défensive consiste à se concentrer sur les territoires qui se vident de leur population et à prévoir le même niveau d'équipements partout. C'est la logique de l'offre, elle a son sens.

L'autre conception considère que chaque territoire a ses forces et ses faiblesses et que c'est à partir de ses besoins spécifiques qu'il faut construire un projet, puis passer un contrat entre l'Etat et les collectivités locales. Ici il n'est pas proposé d'équipement standard, même si les équipements peuvent faire partie du projet.

Derrière certaines modifications apportées par le Sénat, nous ressentons la peur de voir les départements court-circuités par les pays et les agglomérations.

Votre démarche, Madame la ministre, est de solliciter les forces vives des territoires pour qu'ensemble elles définissent leur destin.

Je suis étonné que le Sénat ait supprimé les conseils de développement du pays, la distinction entre périmètre d'étude et périmètre définitif et la possibilité de constituer un GIP. Il a fait de même pour les agglomérations, qui constituent pourtant un cadre pertinent pour des projets concernant les transports, l'habitat etc. Voilà longtemps que les communes mettent en commun leurs compétences dans ces domaines : il faut en prendre acte.

Ne construisons pas nos lois sur des peurs. La légitimité des territoires réside dans leur capacité à répondre aux attentes de leurs habitants.

Loin de rejeter les départements, nous avons reconnu leur participation aux projets dans le cadre de leur compétences : aide sociale, prévention, contrats locaux de sécurité etc. Ils ont donc l'occasion de renforcer leur légitimité.

Je ne reprendrai pas le débat sur le rôle du Parlement. Nous avons donné à l'Assemblée nationale la possibilité de suivre et orienter en permanence la politique d'aménagement du territoire grâce aux délégations parlementaires.

Je salue la proposition du Sénat de prévoir un schéma de services pour le sport et je partage son souci de mieux préciser le rôle des collectivités territoriales en matière économique. Si en principe l'intervention économique est du ressort de la région, dans les faits toutes les collectivités interviennent, sur des bases juridiques fragiles. En 1995-1996, sur un total de 14 milliards d'aides, les communes en ont accordé 5,7 milliards, les régions 4,7 milliards et les départements 3,3 milliards. Il est donc urgent de légiférer sur ce sujet. Mais je ne pense pas qu'on puisse le faire par voie d'amendements à ce texte, la matière est trop complexe. J'émets donc le voeu que le projet de loi de M. Zuccarelli et Mme Lebranchu soit examiné le plus rapidement possible par notre assemblée.

Vous avez, Madame la ministre, fort bien résumé l'esprit de cette loi : "Un projet, un territoire, un contrat". Je rappellerai que le Président de la République a dit : "Il n'y a pas de territoire sans avenir, il n'y a que des territoires sans projet".

La CMP a conclu à l'incompatibilité entre le texte que nous avions voté et celui du Sénat. MM. Sauvadet et Ollier nous en ont convaincus (Sourires).

C'est pourquoi je vous invite à revenir au texte de première lecture en reprenant les apports positifs du Sénat et ceux que nous pourrions voter en seconde lecture.

M. Jean Proriol - Vous avez déclaré l'urgence de ce texte car il vous tient à coeur et vous avez des délais à respecter. Or les députés de votre majorité en adoptant une position rigide ont fait échouer la CMP et refusé la main-tendue de l'opposition. Refus stratégique, voire un peu dogmatique : il s'agit de revenir au texte voté par l'Assemblée. Pourtant le texte du Sénat est bon. En CMP le rapporteur a reconnu qu'il avait enrichi le projet.

Dans la Tribune du 31 mars le même évoque la "vraie recomposition du territoire" que favorise cette loi. Bref la gauche plurielle prétend détenir le monopole de la vérité. C'est peut-être ce qui explique son faible sens de la négociation en CMP.

On aurait pourtant pu trouver un compromis sur certaines propositions du Sénat, qui sont de bon sens. Je pense d'abord au volet économique en faveur des PME introduit par M. Raffarin. Il s'agissait de créer des fonds communs de placements de proximité pour drainer l'épargne locale vers les entreprises installées dans les zones sensibles ; de soutenir la mise en réseau des entreprises sur un territoire, sur le modèle des grappes d'entreprises et de districts industriels italiens ; d'alléger les droits sur les transmissions anticipées d'entreprises en milieu sensible ; de proroger jusqu'en 2006 les exonérations fiscales liées à la création d'entreprises dans les zones prioritaires d'aménagement du territoire. De telles mesures en faveur des PME et de l'emploi ne sont-elles pas le principal gage du développement durable ?

Je pense ensuite aux transports. Comment une ministre issue du mouvement écologique peut-elle approuver la dissociation entre aménagement du territoire et équipements ? Faute d'équipements, les zones rurales dépériront sans profit pour la nation qui a besoin d'être entretenue ni pour les villes déjà surpeuplées.

Ne craignez-vous pas de parvenir au résultat inverse de celui que vous recherchez ? Le 29 avril dernier se réunissait à Saint-Flour, TERRA -territoires ruraux en réseau et en action- après la réunion des cinq comités économiques et sociaux du Massif central. J'y ai entendu affirmer que le désenclavement doit rester une priorité. Les liaisons transversales par fer et par route restent déficitaires, et le tronçonnage en programmes régionaux n'y est pas pour rien. Lors des conférences régionales d'aménagement du territoire ces dernières semaines, des élus de tous bords ont répété qu'il faut poursuivre la réalisation des schémas routiers et autoroutiers.

M. François Sauvadet - Oui.

M. Jean Proriol - Certes il faut faire une plus grande place aux transports ferroviaires. Mais le train ne passe pas partout et M. Gayssot continue à fermer des lignes -je l'ai constaté dans le schéma de services collectifs des transports pour l'Auvergne !

Autre sujet, les pays : constatés ou reconnus, échelon administratif à terme, boîtes à idées ou boîtes à outils ? Il faudrait le savoir pour dessiner une carte selon une vision d'ensemble.

Dites-nous si vous voulez poursuivre la décentralisation, empiéter sur les départements, passer à moins de 22 régions -et dans ce cas à combien-, revoir les compétences des collectivités locales ? Après être passés de la commune à la communauté de communes, on va passer du canton au pays et à l'agglomération, mais avec des inégalités de traitement que nous critiquons et des conflits de compétence.

Quant aux dispositions transposant la directive sur les services postaux, elles ne satisfont personne. Il s'agit d'un simple amendement introduit à la dernière minute dans un texte avec lequel il n'a aucun rapport, qui ne respecte ni les justifications économiques exigées, ni l'obligation de création d'une autorité réglementaire indépendante, ni les règles élémentaires de transparence comptable. Par conséquent, la France ne peut prétendre avoir respecté le délai de transposition qui est par ailleurs largement expiré depuis le 10 février 1999. (Applaudissements sur les bancs du groupe DL, du groupe du RPR et du groupe UDF) Mieux vaudrait organiser un débat et proposer une loi d'organisation de service postal comme l'a préconisé le Sénat.

Enfin, bizarrement, on n'évoque jamais la péréquation financière. Il est vrai que la politique du Gouvernement repose souvent sur des affirmations de principe, sans financement. Assez de formules vides. Le développement durable, pourquoi pas ? Mais il lui faut un financement durable. Aménager le territoire, c'est faire oeuvre concrète. Simplifier, rationaliser, harmoniser, c'est ce qui doit guider nos travaux. (Applaudissements sur les bancs du groupe DL, du groupe du RPR et du groupe UDF)

M. Félix Leyzour - De 1995 à 1997 la loi d'aménagement du territoire n'a guère été appliquée. C'est que le libéralisme à tout crin choisi après la présidentielle s'accommodait sans doute mal d'un aménagement équilibré du territoire.

Il fallait donc réviser cette loi pour marquer les orientations nouvelles du Gouvernement.

C'est le sens de ce projet, qui vise à mobiliser les territoires et réduire les inégalités, à favoriser un développement durable et consolider la décentralisation. Si sur de nombreux points il répond à nos préoccupations, le groupe communiste avait aussi souligné en première lecture certaines insuffisances, certains inconvénients. Nous avions déposé des amendements et au terme d'un débat très ouvert, adopté le projet amendé.

Le groupe communiste veut un aménagement équilibré qui prenne appui sur la diversité des territoires, qui en valorise les atouts et réponde aux besoins sociaux. L'action contre les inégalités territoriales doit se conjuguer avec la lutte contre les inégalités sociales. Cette politique entre nécessairement en contradiction avec le libéralisme à tout crin.

La région doit être considérée comme le pivot de l'aménagement du territoire, en liaison avec la politique nationale et les politiques européennes. Mais il est important que le département ne soit pas tenu à l'écart. Sa place a été confirmée. Echelon administratif, il est aussi dirigé par une assemblée élue et joue un rôle important pour la solidarité sociale et diverses politiques d'aménagement.

Le pays tient aussi une place importante. Sa définition autour d'un projet, un territoire, un contrat, répond à l'idée que nous en avons, et qui privilégie la souplesse et le pragmatisme.

En seconde lecture nous souhaitons parvenir à un texte progressiste qui permette d'avancer vers plus de démocratie, de justice et d'égalité. Je me réjouis que la commission ait rétabli les dispositions concernant la création des fonds régionaux destinés à favoriser le développement local.

M. Proriol vient d'indiquer qu'il serait favorable à la création de fonds provenant de l'épargne locale ; c'est un des aspects des fonds régionaux, mais ce n'est pas le seul. Quoi qu'il en soit, le débat est possible.

Notre volonté de renforcer la démocratie, la justice et l'égalité a été mise en cause par le Sénat. Si certaines modifications apportées par la Haute assemblée complètent et précisent les dispositions du projet, d'autres ont pour effet d'en revenir à l'esprit de la loi du 4 février 1995. Il est donc peu surprenant que la CMP ait échoué.

Le Sénat a souligné l'importance du Parlement et a réservé une meilleure place au département, ce dont le groupe communiste ne peut que se réjouir. Mais la démarche d'ensemble n'en est pas moins négative. Ainsi, les représentants des activités économiques et sociales et des associations sont, de fait, exclus des CRADT et le conseil de développement a été supprimé pour les pays. De surcroît, le Sénat assujettit les politiques publiques nationales d'aménagement du territoire aux choix faits par Bruxelles, abandon de compétences qui ne nous est pas demandé à ce jour : il n'existe pas de schéma d'aménagement du territoire de l'Europe ! Il nous faut, bien sûr, tenir compte de l'Europe, mais oeuvrer en faveur d'un développement favorable à l'emploi et articulant progrès économique et progrès social.

La Haute assemblée crée par ailleurs une sorte de hiérarchisation des compétences en reconnaissant à la région un rôle de chef de file de la politique d'aménagement du territoire, ce qui n'a pas lieu d'être : la région, pivot, n'a pas vocation à exercer une tutelle sur les autres collectivités !

Il convient en outre de préciser le concept de région "ultra-périphérique", comme le demandent M. Moutoussamy et plusieurs autres élus des départements d'outre-mer.

Le Sénat souhaite accélérer et élargir la transposition en droit interne de la directive postale. Nous avons déjà fait part de nos plus expresses réserves sur ce qui a été fait à cet égard : nous devons nous garder des dérives libérales que la droite cherche à introduire dans tous les textes qui nous sont soumis (M. Sauvadet proteste). Il ne nous paraît pas sain de vouloir, au travers d'un amendement présenté de manière subreptice, légiférer sur un sujet aussi vaste que celui des télécommunications. La question devra être abordée dans son ensemble, dans le cadre de la révision de la directive sur les télécommunications.

Le groupe communiste sera d'une vigilance particulière lors de cette deuxième lecture. Approuvant le retour aux dispositions essentielles votées en première lecture, il défendra des amendements qui, s'ils sont adoptés, permettront que le projet de loi, amélioré, favorise un aménagement équilibré du territoire, répondant aux besoins sociaux (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste, du groupe socialiste et du groupe RCV).

M. Yves Coussain - Nous allons débattre d'un texte profondément revu par le Sénat, qui a souhaité donner du corps et de l'ambition à votre projet, le dotant, en particulier, d'un volet "développement économique" et définissant des objectifs chiffrés et datés en matière d'équipements.

Notre commission, avec constance, est revenue avec des formes différentes au projet adopté par notre Assemblée le 9 février. Avec la même constance, je vous rappellerai ce que nous attendons d'une loi d'orientation pour l'aménagement et le développement durable du territoire.

Nous voulons d'abord que les compétences entre les différentes collectivités territoriales, nationales et européennes soient clairement réparties.

Nous voulons aussi que les procédures soient simplifiées, que nos compatriotes ne croulent pas sous le poids des papiers et des contrôles, qu'on s'attache plus à la qualité d'un projet qu'à sa bonne présentation ou au respect des formes et hiérarchies. Or, votre projet contient le germe de nouvelles complications, de nouveaux niveaux de compétence. Le pays, en particulier, doit être un espace de projet d'animation, non un nouvel échelon administratif.

Nous avons encore la faiblesse de penser que l'aménagement du territoire demande des moyens et qu'il est indispensable de corriger les écarts de ressources entre les collectivités. La péréquation financière est donc un préalable à l'aménagement du territoire et à la décentralisation.

Enfin, il est vrai que les besoins sont grands dans les villes et leurs périphéries, où il faut panser les blessures de la concentration urbaine. Mais il est dangereux d'opposer villes et campagnes et de priver celles-ci des moyens d'accueillir des familles au moment même où, selon un sondage publié par Le Monde, 48 % des Français disent penser que la vie moderne sera, dans les prochaines années, à la campagne et où 44 % d'entre eux disent qu'ils préféreraient vivre dans de petites communes rurales.

Je voudrais aussi vous répéter ma conviction, qui est largement partagée : un territoire ne peut se développer que s'il dispose d'un réseau de communications. Cela ne signifie pas qu'il faudrait des autoroutes ou des TGV partout. Le développement ne passe pas par des équipements standard, mais par des équipements adaptés aux différents sites. C'est pourquoi nous vous proposerons encore de fixer des objectifs précis et contraignants pour l'équipement routier. Le nouveau concept d'autoroutes "évolutives" est très intéressant pour des régions rurales enclavées. Je pense bien sûr à mon département, le Cantal, mais d'autres sont concernés. Nous savons bien que la route classique, à deux fois deux voies, exige un investissement trop lourd, et qu'elle aurait des effets ravageurs sur l'environnement. Mais nous voulons des voies de communications modernes et sûres, telles que ces autoroutes simplifiées, et je vous invite donc, Madame la ministre, à les inscrire dans les prochains contrats de plan. Il doit en aller de même pour les réseaux de télécommunication interactifs à haut débit, dont la généralisation est urgente.

Les enjeux de l'aménagement et du développement durable du territoire sont très importants pour les territoires comme celui que je représente. Telle qu'elle s'annonce, la réforme des fonds structurels européens va y être durement ressentie, car la France a accepté que son territoire métropolitain soit totalement exclu de l'objectif I alors que certaines zones présentaient les critères d'éligibilité requis. Nous serons très attentifs à ce que ces zones en difficulté, mais au potentiel d'avenir fort, ne soient pas pénalisées par votre projet (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF, du groupe du RPR et du groupe DL).

M. François Huwart - Lors de la première lecture, une large concertation s'était engagée et vous aviez fait preuve, Madame la ministre, de votre volonté de dialogue en acceptant un nombre d'amendements important.

Pour les radicaux de gauche, la discussion parlementaire avait largement éclairé un projet dont nous ressentions tous la nécessité, à la fois pour tirer les conséquences de l'inapplicabilité de nombreuses dispositions de la loi Pasqua et pour affirmer un changement d'esprit nécessaire en matière d'aménagement du territoire.

Ce changement d'état d'esprit se traduit par la prise en compte de la dimension européenne de l'aménagement du territoire ; par la substitution au schéma national d'aménagement du territoire de schémas de services collectifs ; par l'affirmation du rôle des pays et des agglomérations ; par la contractualisation, qui devient le moyen privilégié de la mise en oeuvre de l'aménagement du territoire ; par l'affirmation de la notion d'aménagement durable du territoire.

Dans un premier temps, les députés radicaux de gauche avaient exprimé leurs préoccupations quant à l'affirmation du rôle de l'Etat, régulateur du développement et garant des solidarités sur le territoire national. Ils avaient d'autre part souhaité que le projet n'apparaisse pas comme l'occasion d'opposer ville et campagne et qu'après une loi de 1995 jugée trop "ruraliste", la vôtre ne soit perçue comme trop urbaine.

Nous avons, progressivement, été convaincus que l'équilibre entre ville et campagne serait trouvé, notamment par l'affirmation du rôle des "pays", qui doivent devenir de vrais espaces de projet collectif et non pas, seulement, apparaître comme des aubaines, des machines à collecter des subventions, nationales ou européennes.

Quant au reproche assez paradoxal qui vous a été fait d'une recentralisation rampante, il nous est apparu largement injustifié d'autant que vous aviez de surcroît accepté la création d'une délégation parlementaire et le principe d'une loi d'évaluation avant la fin des contrats-plans.

Au total, telle qu'amendée par l'Assemblée, votre projet nous est apparu innovant et suffisamment équilibré pour que nous le votions.

S'il a, sur certains points, apporté des modifications utiles, le Sénat a profondément bouleversé l'architecture du texte, en particulier, mais qui s'en étonnerait, dans ses dispositions les plus novatrices. C'est en particulier le cas des articles décisifs concernant les pays et les agglomérations.

Bien entendu, nous refusons pour l'essentiel le texte issu du débat au Sénat, qui modifie l'esprit de votre projet et dont l'objectif est manifestement de nous ramener aux dispositions de la loi de 1995 que nous avions souhaité changer alors même que vous aviez, avec réalisme, maintenu une partie de ce texte.

L'expérience a montré que le vote d'une loi d'aménagement du territoire n'est pas chose simple, mais surtout que son application est encore plus difficile, du fait des pesanteurs, des habitudes, mais aussi de la propension des collectivités territoriales à s'arc-bouter sur leurs compétences, leur champ fût-il inadapté.

Si nous avions souhaité que les départements soient consultés, nous n'avions pas envisagé que le Sénat puisse contester le rôle des régions comme il l'a fait. Les modifications qu'il a introduites remettent en cause, ou à tout le moins, affadissent l'esprit de cette loi mais surtout sapent sa cohérence, et donc son efficacité.

Nous souhaitons donc le rétablissement du texte initial à quelques modifications près (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe communiste).

M. Serge Poignant - Bien que le Gouvernement ait déclaré l'urgence pour ce projet de loi en juillet 1998, il ne l'a inscrit que six mois plus tard à l'ordre du jour du Parlement.

Cette nouvelle lecture aurait pu être évitée si la CMP avait accepté le texte proposé par le Sénat, qui n'a pas cherché à revenir à la loi de 1995. Ce texte constituait un bon compromis, auquel nous nous rallions aujourd'hui dans un esprit constructif. Le groupe RPR a d'ailleurs déposé peu d'amendements relatifs au fond. La commission a malheureusement rétabli le texte voté en première lecture par l'Assemblée, ce que nous ne pouvons accepter.

Nous avons déploré en première lecture la suppression du schéma national d'aménagement du territoire prévu par la loi de 1995, que le rapporteur du Conseil économique et social avait qualifié ici même d'instrument de cohérence indispensable. Dans un esprit de conciliation, le Sénat n'a pas proposé de le rétablir mais a souhaité un document de synthèse, qui permettrait notamment d'apprécier les effets cumulatifs des différents schémas de services. La commission a rejeté cette idée ; je vous propose au contraire de la retenir. Recensons ensemble les outils existants et débattons de la France à l'horizon 2020. Elaborons une véritable stratégie française au sein de l'Europe. La France doit veiller à la cohérence entre l'aménagement de son territoire et celui de l'espace européen.

Le Sénat a souhaité compléter la notion de schéma de services par celle d'équipement. Développement durable et infrastructures d'équipement ne peuvent en effet être opposés. Celles-ci sont par nature durables et concourent au développement. Cela étant, je conviens qu'elles doivent être acceptables pour la population.

Le rapporteur a reproché au Sénat une vision "équipementière", en particulier pour les équipements routiers. Que vous l'admettiez ou non, Madame la ministre, la demande de transport croît de façon inéluctable, la construction de l'espace européen et la mondialisation accentuant d'ailleurs le phénomène. S'il convient de mieux utiliser les infrastructures existantes et de développer l'intermodalité, des équipements nouveaux n'en sont pas moins nécessaires. La proposition du Sénat d'introduire un schéma relatif au sport est une excellente initiative. Les équipements sportifs valorisent un territoire et le rendent plus attrayant, ce qui bénéficie à l'ensemble de sa population. Je me réjouis que tous, ici et au Sénat, ayons soutenu cette proposition. Le sport n'est-il pas un vecteur de cohésion sociale ?

Le Parlement ne saurait être exclu des débats ni des décisions concernant les schémas. Il serait impensable que ceux-ci soient acceptés et modifiés par décret, alors que le Parlement a acquis de voter les lois de financement de la Sécurité sociale et d'être consulté pour avis sur les actes communautaires !

L'administration ne doit pas se substituer au pouvoir politique. Le Sénat a proposé que tous les schémas soient votés par le Parlement au travers d'un rapport annexé à la loi, préalablement à la publication du décret. Il conviendrait de retenir cette proposition tout à fait mesurée. Pourquoi priver la représentation nationale d'un débat sur les orientations à l'horizon 2020 ? Comment seront sinon intégrés à l'échelon national les résultats de la concertation menée dans chaque région ? Qui en fera la synthèse ?

Les décrets créant les schémas de services devraient être promulgués avant le 31 décembre prochain. Si les préfets ont déjà organisé la concertation pour certains d'entre eux, il est matériellement impossible que la concertation ait lieu de façon sérieuse, notamment sur le schéma des équipements sportifs d'ici à la fin de l'année, d'autant que si vous refusez notre proposition de consultation du Parlement -je ne me fais pas d'illusion-, c'est la délégation parlementaire qui devra être consultée. Nous serons très vigilants sur ce point.

J'en viens aux pays et aux agglomérations. Votre objectif, Madame le ministre, devrait être d'éviter toute opposition entre ces structures. Présidant aux destinées d'un pays constitué depuis vingt ans, je suis d'accord avec vous quand vous dites qu'un pays est un territoire de projets. Mais le pays doit être une structure souple, de même que les communautés d'agglomération. Les communes péri-urbaines forment un lien naturel entre le pays et l'agglomération. Laissons aux acteurs locaux la liberté d'initiative : le pays trouvera son plein essor en restant ce qu'il doit être : un espace de projets. Vous en êtes consciente, Madame la ministre, je le sais, mais je crains que ce ne soit pas toujours le cas de l'administration.

Le Sénat a rétabli un juste équilibre entre territoires ruraux et urbains, ne souhaitant pas opposer ville et campagne. (Applaudissements sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL) Leur développement doit être complémentaire. Michel Bouvard traitera de l'attente insatisfaite des gens de montagne sur ce point.

La nouvelle rédaction de l'article 18 proposée par le Sénat permettrait de valoriser le potentiel des territoires ruraux et de mieux coordonner les politiques de développement économique. Il s'agit de mieux distinguer les territoires ruraux, qui sont des lieux de vie, de production et de développement, et les espaces naturels, et de s'assurer de la complémentarité entre développement économique, agricole, touristique et protection de l'environnement. Ce schéma devrait par ailleurs être soumis à la concertation régionale comme les autres. J'ai déposé un amendement sur ce point.

M. Philippe Duron, rapporteur de la commission de la production - La commission l'a accepté.

M. Serge Poignant - Sur tous ces points, je regrette que la commission soit revenue au texte initial.

J'en viens au volet économique. Comment parler de développement du territoire sans créer les conditions de création des entreprises et donc des emplois ?

M. Patrick Ollier - C'est essentiel.

M. Serge Poignant - Le vide économique de votre projet initial a obligé le Sénat à rééquilibrer votre texte. Nous soutenons ses propositions relatives par exemple au fonds commun de placement ou aux réseaux d'entreprises. Le rapporteur et la commission n'ont pas souhaité les retenir, je le déplore. Le projet de loi relatif aux interventions économiques des collectivités territoriales aurait alors dû être examiné en même temps que celui-ci car il est urgent de doter les collectivités locales d'outils économiques. Le Gouvernement doit inscrire ce projet de loi en priorité à l'ordre du jour du Parlement. Je m'interroge toutefois. Pourquoi avoir refusé d'inscrire dans cette loi par voie d'amendements proposés par le Sénat un volet économique au prétexte qu'il fallait une autre loi ? D'autant que, paradoxalement, vous y avez introduit de façon hâtive un volet sur la directive postale alors qu'une loi d'orientation postale serait plus judicieuse.

Nous sommes favorables à l'inscription dans ce texte des agences de développement et des comités d'expansion, car tous deux concourent au développement économique et social des territoires.

Nous soutenons enfin la proposition du Sénat de créer un chef de file entre les départements et les régions. Ils devront s'engager à travailler ensemble au développement de leur territoire dans l'intérêt de tous. Je regrette que le rapporteur qui a reconnu l'intérêt de cette notion n'ait jugé bon de la reprendre.

Ce débat doit être l'occasion de donner une vraie chance à la France. Vous avez profondément transformé la loi de 1995. Le Sénat a rééquilibré votre projet qui résultait d'un important travail et d'une très large concertation et le groupe RPR soutiendra largement ses propositions.

Mme Marie-Françoise Perol-Dumont - A l'occasion de l'examen de ce texte, nous aurons pu mesurer combien nos travaux sont convenus. En effet, j'ai eu le sentiment constant, en première lecture ici, au Sénat, en CMP puis à nouveau en commission avant cette nouvelle lecture, que nos collègues se livraient à une opposition systématique. Ils ont dit leur intention d'approuver les modifications apportées par le Sénat, et donc fait à nouveau le choix de l'affrontement systématique, le Sénat ayant dénaturé le texte que nous avions voté en supprimant les schémas sectoriels et en renonçant à la démocratie participative.

Grâce à l'ouverture d'esprit du rapporteur et de vous-même, Madame la ministre, le projet initial a pu être enrichi, au point que certains l'ont jugé alourdi. Cette critique me semble injustifiée, car il était important que le Gouvernement, sur un tel projet, tienne compte de l'avis et de l'expérience des élus locaux.

C'est d'ailleurs dans le même souci d'ouverture que je tiens à souligner, en tant qu'élue départementale chargée du sport, l'intérêt du neuvième schéma de service collectif, relatif au sport, qu'ont imaginé nos collègues sénateurs. Il s'agit d'une initiative bienvenue, même si le dispositif du Sénat est quelque peu restrictif, puisqu'il ne vise pas à démocratiser certaines pratiques sportives et ne fait pas du sport un outil de la cohésion sociale.

Nos travaux auront permis de lever des inquiétudes, d'ailleurs légitimes, sur le rôle des différents échelons territoriaux. A cet égard, je me félicite que le Sénat ait repris à son compte certains acquis de notre première lecture, comme la coopération entre les différentes collectivités territoriales, la complémentarité des politiques publiques menées par celles-ci, le développement harmonieux des territoires urbains, péri-urbains et ruraux dans le cadre du schéma régional d'aménagement et de développement durable du territoire, ou l'association des collectivités cofinançant les contrats de plan dans la négociation, la programmation et le suivi de ceux-ci.

Vous avez déclaré en première lecture, Madame la ministre, que votre texte "visait à redonner du contenu et de la matière au cadre traditionnel de notre démocratie que sont, par exemple, les communes et les départements".

Complété par ceux de vos collègues Chevènement, Zuccarelli et Lebranchu, votre projet va conditionner l'évolution de nos territoires, tout comme le cadre défini à l'issue des négociations de l'Agenda 2000.

Si l'attente est grande, l'inquiétude persiste, et je serais sans doute l'interprète de nombreux collègues en vous indiquant que l'annonce de nouveau zonages pour la prime d'aménagement du territoire est perçue comme une menace dans les zones les plus fragiles.

M. Patrick Ollier - Nous l'avons dit en commission.

Mme Marie-Françoise Perol-Dumont - Je le dis aussi, car je ne pratique pas la langue de bois. Aménager le territoire, c'est s'opposer, de façon volontariste, aux courants de concentration dominants. C'est lutter contre les déséquilibres naturels au moyen de mécanismes de discrimination positive -seule forme de discrimination acceptable par des démocrates. Nous voterons ce texte (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe RCV).

M. François Sauvadet - Ce n'est pas mal.

M. Paul Patriarche - On reproche souvent aux lois relatives à l'aménagement du territoire leur manque de lisibilité. Les Français se désintéressent d'ailleurs de ces textes obscurs, qui se sont traduits par un empilement de structures administratives et par la création de fonds mal dotés, ce qui n'a pas été de nature à empêcher la désertification du monde rural et une urbanisation mal maîtrisée, à l'origine de problèmes sociaux de plus en plus graves. Vous faites vous-même le constat de cet échec en rappelant que 80 % de la population vit sur 20 % du territoire.

Aménager le territoire, c'est tenter d'inverser la tendance et d'améliorer la répartition de la population, ce qui nécessite une action volontariste de l'Etat. Rééquilibrer le territoire, cela demande du temps, beaucoup plus de temps que n'en dispose aucun gouvernement. Cela demande aussi des moyens, que les gouvernements préfèrent consacrer à des actions plus rentables, politiquement parlant. Très regardant pour toute opération de longue haleine, l'Etat s'en remet souvent aux collectivités locales pour financer les politiques qu'il a définies. C'est bien ce que vous voulez faire avec les maisons de service public. On ne pouvait certes pas prolonger indéfiniment le moratoire, mais la majorité n'était pas tenue de supprimer la compensation financière de l'Etat instituée par le Sénat.

Vous allez demander aux collectivités locales, c'est-à-dire à leurs contribuables, de financer un accès aux services publics qui est gratuit dans les villes.

M. Patrick Ollier - Très bien !

M. Paul Patriarche - Habiter à la campagne va devenir un luxe. Les zones rurales vont devenir des espaces naturels habités par des agriculteurs subventionnés pour entretenir les paysages et des personnes âgées qu'on viendra voir comme des vestiges d'une époque révolue...

Mme Marie-Françoise Perol-Dumont - C'est un peu caricatural !

M. Paul Patriarche - Pas du tout. Je suis maire d'une commune de 62 habitants qui en comptait 400 en 1960. Chacun sait que la fermeture de l'école et de la poste, c'est la mort d'un village. A ce propos, nous venons d'apprendre que la Poste allait créer 400 bureaux supplémentaires en ville. Permettez-moi de douter qu'elle n'ait pas les moyens de maintenir ceux qui restent dans le monde rural. Il faut donc maintenir le dispositif du Sénat tendant à garantir que toute suppression ou réorganisation d'un service public fasse l'objet d'une véritable concertation.

Les petites communes des zones en voie de désertification n'ont pas les moyens d'augmenter leurs dépenses. Elles ne pourront pas participer au financement des services publics nécessaires à leur survie.

Rééquilibrer le territoire, c'est aussi favoriser le développement économique. Je déplore donc la volonté manifestée par la majorité de la commission de supprimer les dispositions introduites par le Sénat en ce sens.

Il faut encourager la création et l'implantation d'entreprises. La principale faiblesse de nos PME étant leur absence de fonds propres, la création de fonds communs de placement de proximité était une bonne idée. Nous devons aussi faciliter les transmissions d'entreprises. De nombreux fonds de commerce, de nombreuses entreprises artisanales ferment leurs portes faute d'un repreneur. Il est devenu plus aisé en France de créer une nouvelle entreprise que de reprendre une structure existante. Il en résulte un gâchis économique préjudiciable à l'aménagement du territoire. Le Sénat a mis en évidence les lacunes de ce projet qui, tout comme le projet de loi d'orientation agricole, manque d'un volet économique et de moyens.

Vous affirmez ne pas vouloir opposer les habitants des villes à ceux des campagnes. En vérité, vous ne faites que figer la situation, en prenant acte de l'accroissement inexorable des zones urbaines, qui ne rend pourtant pas nos concitoyens plus heureux. Au contraire, pour des raisons politiques, vous laissez dépérir la France rurale, dont il faudrait pourtant préserver l'apport de convivialité (Applaudissements sur les bancs du groupe DL, du groupe du RPR et du groupe UDF).

M. Jean-Michel Marchand - L'échec de la CMP était inévitable tant les textes des deux assemblées étaient différents. C'est celui de l'Assemblée nationale que nous devons retenir.

Il est urgent de légiférer, car l'Etat et les régions signeront de nouveaux contrats de plan avant la fin de l'année. Chacun a conscience de leur importance, comme de l'enjeu que représente le zonage de la PAT et des fonds structurels européens.

Votre projet s'inscrit dans une politique d'ensemble visant à préserver l'emploi et à renforcer la cohésion sociale. Il sera complété par les lois sur l'intercommunalité, sur les interventions économiques des collectivités locales et sur les PME.

Les services publics jouent un rôle considérable dans l'aménagement du territoire et les députés Verts sont attachés à des services publics modernes, équitablement répartis, accessibles à tous et faisant appel aux nouvelles technologies.

Vous avez dit, Madame la ministre, que votre texte reposait sur un triptyque, un projet, un territoire, un contrat, et vous préconisez le pragmatisme, en réaffirmant le principe de précaution, avec la volonté du dialogue et de la participation citoyenne, en donnant aux acteurs de terrain, socio-économiques, associatifs, élus, les moyens d'élaborer leur projet au service du développement local. Nous nous en félicitons.

Les perspectives sont tracées par les schémas de services collectifs, ce qui garantit le caractère opérationnel de la loi, avec le souci de renforcer la décentralisation, tout en conservant à l'Etat son rôle de cadrage et de régulation. Je voudrais citer notamment les schémas multimodaux des transports marchandises et voyageurs, le schéma sur l'énergie, celui sur les espaces naturels et ruraux. Ils seront régulièrement actualisés à la lumière des résultats constatés et les parlementaires tiendront là toute leur place, au sein des délégations parlementaires comme lors du débat qui aura lieu deux ans avant la fin des contrats de plan.

Le projet restructure aussi notre territoire, avec les pays, les communautés d'agglomérations et les communautés urbaines. L'articulation que nous avons su trouver en première lecture entre pays et agglomérations permettra que s'expriment la complémentarité et la solidarité entre l'urbain et le rural. Nous souhaitons cependant une reconnaissance plus importante des parcs naturels régionaux, dans l'article 2 de la loi.

La réflexion sur l'aménagement et le développement du territoire, ce sera le rôle des conseils de développement, et je note avec satisfaction l'amendement de la commission complétant celui du Sénat, qui donne toute leur place aux comités de bassin d'emploi.

Les députés Verts préconisent un modèle de croissance qui économise les ressources naturelles, privilégie les stratégies de long terme, veille à l'équité sociale et à la solidarité, se mette au service du développement local et de l'emploi, en prenant en compte les qualités de l'environnement : c'est le développement durable que la France s'est engagée à promouvoir après les sommets de Rio, New-York et Kyoto, en référence aux recommandations inscrites dans les agendas locaux du programme "Actions 21". Le traité d'Amsterdam, certes imparfait par ailleurs, place le développement durable parmi les objectifs fondamentaux de l'Union européenne : il s'agit de minimiser les coûts collectifs, repenser les systèmes de transports, intégrer les enjeux de la biodiversité et des espaces naturels, préserver les ressources, économiser l'énergie et promouvoir les énergies renouvelables.

Nous examinons une loi d'orientation, et l'important, ce sont les directions que vous tracez, les moyens que vous donnez pour sa mise en oeuvre. Celle-ci se fait sur 20 ans, avec des possibilités d'évaluation et de réorientation.

Ce texte est ambitieux et novateur, il assure la cohérence entre les actions nationales et, nous l'espérons, les politiques communautaires. Il affirme la solidarité nationale à l'égard des catégories de population ou des parties du territoire en situation défavorisée. Il veut donner à tous les moyens de participer à la croissance économique, au développement social et culturel. Il permet une intégration à une Europe en construction, une Europe des citoyens, sociale et solidaire, une Europe politique. Nous l'avons voté en première lecture et nous le voterons à nouveau. (Applaudissements sur les bancs du groupe RCV, du groupe socialiste et du groupe communiste)

M. Yves Cochet - Très bien !

M. Dominique Caillaud - Mobiliser les territoires, réduire entre eux les inégalités, consolider la décentralisation, tels étaient les principes définis par le CIADT et que votre texte de loi devait concrétiser pour vingt ans. Lors du débat en première lecture, le groupe UDF avait mis en évidence ses principales faiblesses : absence de cohérence nationale pour les schémas de services, mise à l'écart de notre assemblée pour l'élaboration de leur contenu, disparités trop durables entre les territoires urbains et ruraux, complexité excessive de la gestion locale, avec la création du pays et de l'agglomération.

Le Sénat a apporté des précisions essentielles. D'abord, un certain retour à la notion de zonage et d'objectifs pour les infrastructures routières notamment. Ensuite, le respect des solidarités avec les territoires ruraux et l'égal accès des citoyens aux services publics. Votre texte ne va-t-il pas créer une France à deux vitesses pour l'accès aux services publics ? Aujourd'hui, dans les villes, l'ensemble des services publics investit facilement, sans aucune aide de la commune. Or, vous nous proposez des maisons de service public où la collectivité devra fournir locaux et personnel en contrepartie de conventions. Il y a là une inégalité profonde.

En troisième lieu, si la possibilité donnée au pays de contracter séparément avec des structures intercommunales à fiscalité propre, est une avancée par rapport au texte initial imposant le syndicat mixte, un mandat ne suffira pas aux maires pour engager et exploiter tout le dispositif proposé.

On verra se créer un labyrinthe administratif et financier, qui impose de fait la primauté de la ville-centre et recentralise sur l'Etat la capacité de faire. Là où l'intercommunalité est bien ancrée, la mise en oeuvre de ce texte sera longue et difficile, et là où elle est encore fragile, elle risque fort de ne jamais se concrétiser.

Certes, il existe des incitations financières fortes. Mais l'examen des conditions de mise en oeuvre de la TPU, et la proximité des changements des équipes municipales amènent à penser que fort peu de crédits seront rapidement dépensés en dehors des grandes agglomérations. Pour toutes ces raisons, le groupe UDF regrette que la commission n'ait pas davantage suivi le Sénat.

Enfin, que vivons-nous dans nos régions, depuis deux mois ? Sans aucun doute, une mobilisation des élus pour définir les priorités, les hiérarchiser. Rarement on se sera autant réuni pour évoquer des projets. Mais chacun mesure bien, au vu des chiffres annoncés, que la montagne de concertation risque d'accoucher d'une souris financière.

Notre rapporteur indiquait dans la discussion générale que le Sénat avait une approche défensive de l'aménagement du territoire. Mais sans les aménagements du texte que nous proposons, les plus faibles vont manquer cruellement de munitions ! Les moyens seront l'enjeu décisif. (Quelques applaudissements sur les bancs du groupe UDF, du groupe DL et du groupe du RPR)

M. Paecht remplace Mme Catala au fauteuil présidentiel

PRÉSIDENCE DE M. Arthur PAECHT

vice-président

M. Jean-Claude Daniel - La LOADT, telle que nous l'avions adoptée en première lecture, a été profondément modifiée au Sénat. Parmi les modifications auxquelles je ne saurais souscrire, il y a notamment le constat du pays non par la CRADT, mais par la CDCI -c'est-à-dire le passage de l'échelon régional à l'échelon départemental. Il y a aussi la suppression de la distinction entre périmètre d'étude et périmètre d'adhésion, qui fait perdre un élément de souplesse, ainsi que la suppression de la référence aux agendas 21 locaux du programme adopté à Rio, et celle du conseil de développement aux articles 19 et 20. La faculté du GIP pour les pays est également supprimée. Pour les agglomérations, la référence aux communautés d'agglomération de la loi Chevènement est supprimée, ainsi que la disposition relative à la complémentarité entre le contrat d'agglomération et le contrat de pays.

Le Sénat s'est donc cantonné dans une attitude de méfiance par rapport à notre texte et en a dénaturé l'esprit.

Il est vrai que la complexité de l'organisation des territoires est grande et que les inégalités entre les régions n'ont guère été corrigées. Je suis l'élu d'une zone considérée comme semi-aride économiquement et qui subit les effets de la crise sidérurgique, je sais de quoi je parle.

Les zonages nationaux et européens ont aussi provoqué des injustices entre territoires limitrophes. Les fonds structurels ont également des effets pervers. Les élus des zones rurales ont d'ailleurs mobilisé les crédits européens pour des études plus que pour la réalisation de projets.

Depuis ce matin, plusieurs collègues ont demandé pourquoi la loi d'orientation ne faisait pas référence aux zonages. Tout simplement parce que cette loi doit précéder les zonages, qui devront être réétudiés en conséquence.

Le Sénat, à l'initiative de M. Raffarin, a introduit des amendements concernant les interventions économiques. Nous n'avons pas voulu les maintenir dans ce texte car ces dispositions seront reprises, pour la plupart, dans le texte préparé par M. Zuccarelli et dans diverses mesures proposées par le secrétariat d'Etat aux PME-PMI.

Ce texte arrive à son heure. Il y a urgence à légiférer et à appliquer cette logique de projets et de développement, en évitant deux pièges bien connus : l'infléchissement de l'aménagement par le poids supposé d'élus politiques locaux et le cercle vicieux qui fait que la richesse appelle la richesse et la pauvreté appelle la pauvreté.

Ce texte, fortement amendé, nous permettra d'y parvenir (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe communiste).

M. Michel Bouvard - Alors que débute l'examen en deuxième lecture de ce texte, je m'étonne d'avoir été déjà invité par le préfet de région Rhône-Alpes à des réunions pour l'élaboration des schémas de services. On applique un texte avant même qu'il ne soit voté par le Parlement ! Sommes-nous donc considérés comme une simple chambre d'enregistrement ?

M. Patrick Ollier - Même pas !

M. Michel Bouvard - Je salue les améliorations apportées par le Sénat, qui répondent aux préoccupations des élus de la montagne. Ainsi le Sénat fait figurer parmi les objectifs de la politique d'aménagement du territoire "la correction des effets des disparités spatiales" et la compensation des handicaps naturels des territoires de montagne.

Les sénateurs ont également précisé que les contrats de plan devaient prendre en compte ces inégalités et que l'établissement de conventions interrégionales n'était pas subordonné à l'effectivité du schéma -vous avez, Madame la ministre, accepté cette dernière disposition.

De même la rédaction du Sénat traduit un souci d'équilibre entre protection et développement en ce qui concerne le schéma des espaces naturels et ruraux. Il a également amélioré les articles concernant les pays en supprimant l'avis conforme de la CRADT et certaines orientations trop axées sur l'environnement.

La prise en compte dans le calcul de la DSR de l'engagement des collectivités en faveur des maisons de services publics va également dans le bon sens, tout comme le fonds de gestion des territoires ruraux. Toutes ces améliorations correspondent aux désirs des élus de la montagne et nous souhaitons qu'elles ne soient pas balayées.

Mais depuis la discussion en première lecture est intervenu un événement important pour nos régions de montagne, l'accord de Berlin sur la réforme des fonds structurels européens. Je ne vous cache pas, Madame la ministre, notre déception devant l'absence de prise en compte des demandes des régions de montagne. Le constat est simple : la montagne française sort affaiblie de la réforme.

La Corse est exclue de l'objectif 1 et pour l'objectif 2, les critères d'éligibilité n'ont pas pris en compte la notion d'handicap géographique. La question ne semble même pas avoir été abordée à la table des négociations.

Seules ont été retenues les notions de zone périphérique ou insulaire, alors que le Parlement européen, le Comité économique et social et le Comité des régions avaient souhaité y associer la notion de zone de montagne. Dans ces conditions, nous souhaitons que le Gouvernement utilise pleinement la marge de manoeuvre laissée aux Etats pour mieux prendre en compte la montagne dans la mise en oeuvre des orientations.

Cela peut se faire au travers du classement, des DOCUP pluri-régionaux et des initiatives communautaires.

Le Premier ministre s'est engagé devant le Conseil national de la montagne à défendre la mise en oeuvre de DOCUP au niveau de chacun des massifs éligibles à l'objectif, nous serons attentifs à ce qu'il l'obtienne.

La montagne devrait être considérée comme un territoire privilégié pour l'application des deux nouvelles initiatives communautaires.

Pour INTERREG, cela ne devrait faire aucune difficulté puisque les trois volets de cette initiative sont la coopération transfrontalière, la coopération interrégionale et la coopération transnationale. Par ailleurs, il conviendrait d'envisager un programme national "leader montagne".

Enfin, Madame la ministre, depuis notre première lecture, un autre événement est survenu, dramatique celui-là, puisqu'il a endeuillé plusieurs dizaines de familles : la tragédie du tunnel du Mont Blanc.

Le 3 février, alors que j'évoquais ici même le manque d'infrastructures de transport dans les Alpes, et le besoin d'un tunnel nouveau intégrant le concept d'autoroute ferroviaire, vous me répondiez que ces projets étaient trop coûteux.

La démonstration est malheureusement faite, avec l'accident du Mont-Blanc, de la fragilité des axes de communication dans les Alpes : le supplément de trafic supporté par les autres traversées alpines n'est pas supportable, il nuit à l'environnement et est dangereux pour la sécurité des habitants. Les mesures de régulation posent autant de problèmes qu'elles en règlent. Or, ce trafic, c'est celui que nous connaîtrons dans dix ans si aucune nouvelle infrastructure n'est créée dans le massif alpin. Le 21 avril à Turin, les départements français frontaliers, les provinces et la région autonome italiennes se sont réunis pour adopter une résolution commune sur "la grave question des transports dans les Alpes". Cette demande doit être entendue du Gouvernement et faire l'objet de décisions concrètes.

Ce n'est pas une tare de vouloir inclure dans ce texte des perspectives de nouveaux équipements, cela répond à des impératifs de développement économique, de sécurité et de protection de l'environnement.

Nous ne pouvons pas ne pas tenir compte des attentes des populations des Alpes et des Pyrénées, où le trafic double tous les dix ans sans que les infrastructures correspondantes soient programmées par les gouvernements qui se succèdent (Applaudissements sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL).

M. Léonce Deprez - Le débat a permis d'évoquer tout ce qui mérite réflexion, Madame la ministre et Monsieur le rapporteur. Pour ma part, je tiens à souligner que nous avons bien une ambition commune. Aménager leur territoire, n'est-ce pas sur cet espoir qu'il faudrait mobiliser les Français à la veille du siècle nouveau ? Cette volonté commune d'une reconquête du territoire était déjà celle de la loi Pasqua, dont le rapporteur a souligné le grand mérite. Le Gouvernement actuel aura un mérite aussi grand s'il prolonge l'impact de la loi Pasqua.

Nous serons heureux de tout faire pour qu'en seconde lecture les volontés se rejoignent et les chemins convergent. Peut-être pour cela faudrait-il que vous fassiez un effort, Monsieur le rapporteur, comme ce fut le cas lors des premières séances en commission, et même si les sénateurs ne vous ont pas convaincu.

Notre ambition commune est donc de revaloriser tout le territoire, d'aider en priorité les régions appauvries, d'assurer un équilibre dans les régions en expansion, de mieux répartir les ressources nationales, de faire converger les moyens de l'Etat, de l'Europe, des régions et des collectivités locales autour de ces objectifs.

La première exigence d'une politique d'aménagement du territoire est la cohérence. M. Balligand a eu l'honnêteté de dire que nous aurions aimer voter une grande loi Voynet-Chevènement-Zuccarelli, en prolongeant la loi Pasqua.

Si cette synthèse avait été réalisée, sans doute serions-nous plus unis aujourd'hui.

Cette cohérence doit aussi être assurée au niveau de l'Etat. L'aménagement du territoire est une politique interministérielle. Nous avions demandé que les schémas de services collectifs s'intègrent dans un schéma national. Il aurait fallu retenir au moins le schéma de synthèse voulu par le Sénat. Car cette cohérence entre un schéma national, les schémas de services et les schémas régionaux, il faudra bien l'établir, de même qu'il faudra mettre une cohérence schémas régionaux et contrats de plan Etat-région, lesquels ne se conçoivent que dans une perspective européenne. Dans le Nord-Pas-de-Calais par exemple, le soutien de l'Europe aux investissements du contrat de plan est supérieur à celui de l'Etat !

Par ailleurs, il faudrait mettre fin à l'hostilité qui oppose quelquefois défenseur du développement et défenseur de l'environnement. Aujourd'hui, il n'y a plus de développement sans environnement, ni d'environnement sans développement ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF, du groupe DL et du groupe du RPR) Ce sont là deux impératifs notamment dans les zones de montagne, les zones littorales et les espaces verts. S'il permet de les concilier, notre débat aura été utile.

Avec la loi Pasqua, un essai a été marqué. Les lois Voynet, Zuccarelli et Chevènement doivent permettre de le transformer. Dans les contrats de plan Etat-région, vous annoncez des contrats de pays à côté de ceux d'agglomération. Pour revaloriser vraiment les territoires, il faut y consacrer au moins 20 % des crédits d'Etat.

Nous plaçons beaucoup d'espoir dans une politique ambitieuse d'aménagement du territoire. Ne nous décevez pas. Assurez le lien entre les moyens de l'Etat, de l'Europe, des régions et des collectivités locales, et réalisez cette forte synthèse qui peut nous mobiliser tous. (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF, du groupe DL et du groupe du RPR et quelques bancs du groupe socialiste)

La discussion générale est close.

Mme Dominique Voynet, ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement - Nous serons d'accord au moins sur ce constat : le libre jeu du marché ne permet pas de réduire les inégalités entre régions, et plus souvent qu'on ne le dit, il les aggrave. Il minore souvent l'impact des décisions d'implantation sur l'emploi, la justice sociale, l'environnement, la santé, la dynamique des territoires. Jean-Claude Daniel l'a abondamment montré.

Dans ces conditions, peut-on tout demander à la politique d'aménagement du territoire ? Ne faudrait-il pas exiger que toutes les politiques publiques se consacrent à cet objectif qui nous est commun, de restaurer la solidarité sociale et territoriale ?

En annonçant dès le 19 juin 1997 son intention de réviser la loi Pasqua, le Premier ministre marquait la volonté politique du Gouvernement de ne pas accepter le laisser faire.

Ce projet a donc pour objectifs essentiels d'identifier les enjeux stratégiques d'aménagement du territoire, de créer un cadre permettant à chacun, à son niveau de responsabilités de prendre sa part du fardeau, et de rompre peut-être avec une tradition d'aménagement qui n'a pas permis, depuis 30 ans, d'inverser les tendances de fond dont nous constatons les effets néfastes.

Mais qu'on ne demande à cette loi que ce qu'elle peut apporter, et non de se substituer aux autres acteurs. Quant au budget de l'aménagement du territoire, il est très modeste par rapport à celui des ministères des transports ou de l'agriculture, ou encore de ces grandes entreprises qui sont loin de compter autant qu'on l'imagine parfois sur la prime d'aménagement pour prendre leurs décisions d'implantation. Mais ce budget peut jouer un rôle de levier et assurer une cohérence entre les budgets d'autres acteurs publics ou privés.

Ce qui m'a manqué le plus depuis deux ans, ce n'est ni la volonté politique, Monsieur Ollier -je l'ai- ni les moyens financiers, même s'ils sont modestes. C'est plutôt les moyens de suivi et d'évaluation qualitative des politiques menées. Au cours de mes déplacements, de mes contacts locaux, j'ai constaté qu'il était impossible de vérifier si les réalisations correspondaient bien aux objectifs poursuivis et si les moyens importants qui sont mobilisés permettaient de créer des emplois, d'améliorer la cohésion sociale et territoriale de manière compatible avec le développement durable.

J'aimerais que l'élaboration des prochains contrats de plan entre l'Etat et les régions nous donne l'occasion de rompre avec une longue tradition de bavardage, que nous remontions nos manches et que nous sachions, ensemble, définir et mener à bien les projets les plus créateurs d'emplois et les mieux à même de restaurer les solidarités.

Des questions, légitimes, ont été posées, qui résument nos propres interrogations. A Mme Perol-Dumont, je dirai que le travail mené depuis deux ans a été d'évaluation et qu'avant d'y avoir procédé je n'ai pas souhaité remettre en cause les dispositifs en vigueur, fussent-ils médiocres ou même contestables. Ainsi, est-il avéré que l'allégement des charges sociales dans certaines zones en difficulté aurait permis de créer ne serait-ce qu'un emploi ? Dans ce domaine, on a des intuitions, mais aucune certitude.

M. Patrick Ollier - Mais si !

Mme la Ministre - Vous me semblez recourir à la politique du doigt mouillé : j'ai l'impression, donc j'affirme ! Or, rien ne permet d'affirmer l'efficacité de cette mesure. Je ne m'attarderai pas plus que nécessaire sur les faux procès que l'on a voulu ouvrir. Ainsi du rôle du Parlement, puisque j'ai reconnu moi-même que les dispositions initiales du projet étaient insuffisantes, et je me suis félicitée que le débat ait permis de les renforcer. J'ai, aussi, manifesté clairement ma volonté de venir travailler avec vos commissions -et un premier rendez-vous a déjà été pris- à la révision des zonages.

Je passerai tout aussi vite sur le rôle des départements : je constate que la croisade a tourné court, le débat organisé à Deauville n'ayant montré qu'un ballet bien réglé entre MM. Delevoye, Raffarin et Delpuech.

Je vous dirai ensuite que j'ai trouvé quelque peu surréalistes les préoccupations exprimées par certains élus de l'opposition au sujet des "pays". N'est-ce pas la loi de 1995 qui les a créés ? Et n'est-ce pas le gouvernement Juppé qui a décidé de procéder à des expérimentations -dont il est regrettable que les conclusions n'aient pas été publiées alors qu'elles étaient disponibles lors du CIAT d'Auch ?

La séquence décrite par M. Rimbert -"un territoire, un projet, un contrat"- est intéressante car elle illustre la continuité et la cohérence de l'action publique.

Je me refuse, enfin, à dévider la liste des faux-procès que M. Proriol a souhaité intenter au projet, ou à ses auteurs. Je serai plus diserte, en revanche, pour répondre à M. Caillaud, qui a affirmé que le texte risquait de pénaliser les communes qui n'avaient pas choisi l'intercommunalité et, donc, d'avantager les villes. Sa perception de la situation n'est pas exacte : l'intercommunalité n'a pas eu beaucoup de succès dans les villes. L'agglomération vise, précisément, à mettre à leur disposition un outil nouveau. Mais, je le répète, la boîte à outils ainsi complétée ne sera pas d'utilisation obligatoire. Je suis convaincue que ces instruments nouveaux sont d'une grande utilité, mais personne ne sera contraint de s'en servir !

Un mot sur les schémas de services collectifs, pour rassurer M. Bouvard. Personne n'a imaginé les rédiger avant que la loi ne soit votée, mais nous avons souhaité que la durée de la concertation ne soit pas comptée. C'est pourquoi, après un long travail interministériel, nous avons décidé d'une première phase de concertation animée par les préfets. Je sais la lourdeur de la tâche qui reste à accomplir ; je sais aussi qu'elle doit être menée à son terme dans les délais définis. Je mesure la difficulté, et la modestie des moyens de l'Etat et des régions pour y faire face. Mais je souhaitais que cette concertation ait lieu et je veillerai à ce que les conclusions définies soient prises en considération.

Pour ce qui est du zonage, je me dois de souligner que j'ai éprouvé de grandes difficultés à susciter, sur ce sujet, l'intérêt des 500 000 élus locaux, pourtant concernés au premier chef par la réforme. Vous savez que nous devons mettre la dernière main à la nouvelle carte des aides à finalité régionale et que le nouveau dispositif communautaire est beaucoup plus rigoureux que ne l'était le précédent, ce qui ne facilite pas notre tâche.

M. François Sauvadet - Il a été négocié à Berlin !

Mme la Ministre - Dans un souci de transparence, j'ai souhaité que le CNADT en soit saisi. Après s'être réuni à quatre reprises, il insiste, dans l'avis qu'il a rendu, sur la nécessité d'une vision d'ensemble, fondée sur des critères d'attribution clairs. Il approuve, d'autre part, la démarche de la DATAR, qui a retenu le principe de la "discrimination positive".

Contrairement aux bruits qui courent, aucun projet de carte n'est arrêté à ce jour. J'ai, quant à moi, été sollicitée soudain par un grand nombre d'élus inquiets de l'évolution des fonds structurels et que j'aurais aimé voir se mobiliser davantage avant le sommet de Berlin.

M. François Sauvadet - Mais un débat sur ce point s'est déroulé ici-même !

Mme la Ministre - Je suis, en tout cas, heureuse de constater que les députés de l'opposition prenaient subitement conscience de l'importance des enjeux car j'ai eu de sérieuses difficultés à en persuader au moins l'une des deux têtes de l'exécutif (Protestations sur quelques bancs du groupe du RPR et du groupe UDF). Quoi qu'il en soit, je ne ferai pas l'impasse sur la concertation, à laquelle seront associées l'Association des régions de France et celle des départements de France.

Pour la montagne, aucun des dispositifs prévus dans la loi de 1995 n'est remis en cause et les mécanismes qui arrivent à leur terme s'achèveront dans des conditions confortables, puisque les aides continueront d'être versées à hauteur de 85 à 87 % pendant une longue période. Les prochains contrats de plan comprendront, partout où cela est nécessaire, un volet "montagne", et je serais très favorable, dans ce domaine, à l'interrégionalité. Je regrette qu'un schéma "montagne" n'ait pas été élaboré.

Je donnerai, bien entendu, la priorité au franchissement ferroviaire des Alpes et vous voudrez bien convenir qu'il s'agit, pour moi, d'un combat ancien. Si j'ai souligné l'extravagance du coût de certains des projets qui dorment dans les tiroirs, je ne m'en suis pas moins engagée, avec le ministre des transports, à ce que ce dossier avance. Le sujet a été l'un des thèmes essentiels des deux derniers sommets franco-italiens.

M. Michel Bouvard - Vous condamnez le rapport Brossier ?

Mme la Ministre - Pas du tout : il traite de façon tout à fait équilibrée des modes de transport à travers les Alpes. Les positions ont beaucoup évolué, et je me réjouis que l'on parle aujourd'hui davantage du tunnel ferroviaire sous le Montgenèvre que du tunnel routier sous le Mercantour.

M. Patrick Ollier - Vous allez nous aider alors ?

Mme la Ministre - Monsieur Ollier, je me garde de tout effet d'annonce. Lorsque des projets coûtent des milliards, il est normal de réfléchir, de consulter, de dialoguer. Il serait inconséquent de faire des promesses inconsistantes (Applaudissements sur les bancs du groupe RCV, du groupe socialiste et du groupe communiste). Voilà sans doute une méthode à laquelle vous n'êtes pas habitués !

J'invite MM. Bouvard et Ollier à prolonger leur réflexion sur la traversée des massifs montagneux. Dans les Pyrénées aussi, il existe des projets pharaoniques impossibles à financer. Vient aussi d'y être mis en service un tunnel routier du même type que celui du Mont-Blanc.

Des outils adaptés au développement économique des territoires sont nécessaires, j'en suis d'accord. C'est l'objet du projet de loi relatif aux interventions économiques des collectivités que présentera M. Zuccarelli. La réforme de la taxe professionnelle et le travail accompli par Mme Lebranchu pour simplifier les formalités administratives des petites et moyennes entreprises ou réformer la transmission des entreprises y concourent également. Je n'avais pas, comme ces super-ministres qui s'arrogent le droit d'empiéter sur le champ de compétences de leurs collègues, à m'emparer de ces questions. Ce gouvernement a choisi une autre méthode, celle d'un travail d'équipe où chacun prend sa part de responsabilité et oeuvre dans l'intérêt commun. C'est la cohérence de l'action qui importe et nous y veillerons (Applaudissements sur les bancs du groupe RCV, du groupe socialiste et du groupe communiste).

Ces sujets, trop longtemps abandonnés aux seuls experts, mobilisent aujourd'hui le Gouvernement tout entier. Il n'y a pas d'un côté un excellent ministre des transports qui aimerait les infrastructures routières et de l'autre côté une épouvantable ministre verte qui s'en défierait. Il y a simplement un Gouvernement soucieux de rééquilibrer les choix d'investissement de façon qu'ils servent le développement durable du territoire (Applaudissements sur les bancs du groupe RCV, du groupe socialiste et du groupe communiste). Il n'y a pas d'un côté un ministre de l'agriculture qui s'occuperait des campagnes et de l'autre un ministre de la ville qui s'occuperait des quartiers en difficulté. Il y a un projet collectif du Gouvernement visant à restaurer les solidarités dans les territoires, volet complémentaire indispensable de sa politique de lutte contre le chômage, la pauvreté, l'injustice et la marginalisation (Mêmes mouvements).

Un mot sur la clarification des compétences. Les lois de décentralisation ne sont pas si mauvaises et si chaque collectivité se gardait des financements croisés, la situation serait plus simple. L'important est que ces lois puissent être appliquées. Quand le Sénat a proposé d'identifier un chef de file pour chaque compétence, j'ai jugé l'idée excellente. Malheureusement, elle masquait seulement une volonté de démantèlement des compétences des régions en matière d'aménagement du territoire et de développement économique, ce qui n'était pas acceptable.

En conclusion, je reprendrai les propos de M. Deprez : il s'agit bien, pour une fois, de concilier développement économique, justice sociale et gestion responsable des milieux et des ressources. L'opposition caricature les ambitions du Gouvernement. Non, vous n'avez pas devant vous une ministre isolée, soucieuse seulement d'une vie plus proche de la nature, mais un Gouvernement et une majorité désireux de gagner la bataille de l'emploi et des territoires. Cette loi, comme les contrats de plan, nous offrent une occasion historique de concilier économie, écologie et justice sociale. Saisissons-la (Applaudissements sur les bancs du groupe RCV, du groupe socialiste et du groupe communiste).

MOTION DE RENVOI EN COMMISSION

M. le Président - J'ai reçu de M. José Rossi et des membres du groupe Démocratie libérale une motion de renvoi en commission déposée en application de l'article 91 alinéa 6 du Règlement.

M. Ollier remplace M. Paecht au fauteuil présidentiel.

PRÉSIDENCE DE M. Patrick OLLIER

vice-président

M. Jean-Claude Lenoir - Présentant cette motion de renvoi en commission, je me référerai également à l'article 91 alinéa 7 du Règlement.

Pourquoi ai-je choisi de défendre cette motion de procédure-là ? C'est que j'estime nécessaire de remettre le travail sur le métier. Ma situation n'est pas du tout d'enterrer le texte... encore que ce matin cela eût pu être le cas ! Mon intention n'est pas non plus de désavouer le travail du rapporteur qui ne doit pas se méprendre sur ma démarche. J'ai d'ailleurs apprécié son esprit d'ouverture et son souci de répondre aux questions de tous au cours des travaux préalables. J'ai un moment songé à renoncer à défendre cette motion...

Plusieurs députés socialistes - Bonne idée !

M. Jean-Claude Lenoir - ...tant les arguments défendus ce matin par MM. Sauvadet et Ollier m'avaient paru pertinents, au point d'ailleurs que j'ai imaginé un instant qu'ils emporteraient l'adhésion de l'Assemblée. Mais comme celle-ci, après un moment d'hésitation, a souhaité poursuivre le débat, me voilà à défendre la motion de renvoi en commission. Combien de temps cela me prendra-t-il ? Je n'en sais rien. Je m'efforcerai d'être le plus bref possible.

Nous sommes partis de la loi Pasqua de 1995, que vous avez dit vouloir modifier radicalement... alors même que vous n'avez touché qu'à vingt articles sur soixante. Quoi qu'il en soit, vous vous êtes acharnée à remettre en question ses options essentielles.

Quels devraient être les objectifs d'une politique d'aménagement du territoire ? Ce n'est pas là mon avis personnel mais celui de l'ensemble des groupes de l'opposition. Tout d'abord, rassembler le plus largement possible. Il ne s'agit pas de faire de la politique politicienne sur le plan local mais bien d'oeuvrer ensemble dans l'intérêt de tous. Toutes les conditions pour ce faire avaient été réunies préalablement au vote de la loi Pasqua, où tous les élus, de droite comme de gauche, avaient été associés à la concertation. C'est d'ailleurs dans cet esprit que nous continuerons de travailler sur le plan local.

Deuxième objectif : replacer l'homme au coeur des politiques d'aménagement du territoire. La population attend des retombées concrètes de ces politiques, notamment sur la qualité de la vie.

N'oublions pas que, pour les populations concernées, nos décisions doivent avoir des effets durables. Le début du prochain siècle portera l'empreinte de la loi que nous allons voter.

Une politique d'aménagement du territoire doit rechercher les grands équilibres. Je suis frappé des inégalités qui existent entre nos régions, nos départements, nos circonscriptions, qui ne bénéficient pas des mêmes chances. Lequel d'entre nous n'a-t-il pas un jour envié un de ses collègues ? Lequel n'a-t-il pas eu le sentiment de représenter une région qui avait besoin de retenir toute l'attention des pouvoirs publics ?

Une politique d'aménagement du territoire doit encore promouvoir le développement économique. Notre priorité ne doit-elle pas être de créer des conditions favorables à l'apparition et au développement d'entreprises capables de recruter et d'apporter une formation à leurs salariés ? Or votre texte n'aborde pas cette question majeure. Nous devons nous prononcer sur une loi amputée.

Les territoires n'ont d'avenir que s'ils servent de support à des projets. Mais il n'est pas toujours facile de faire émerger des projets. Un projet, ce n'est pas qu'une idée ou une déclaration d'intention : c'est le résultat d'une concertation, d'un travail, c'est l'esquisse d'une réalisation, qui a déjà fait l'objet de documents et pour laquelle il est possible de trouver un maître d'ouvrage.

Enfin, une politique d'aménagement du territoire doit avoir une dimension européenne. Or cette exigence ne figurait pas dans le projet initial. Je crois bien avoir défendu, à ce propos, un amendement qui a été adopté à l'unanimité.

Quelles erreurs avez-vous commises ? Je ne veux, en les relevant, crucifier personne, mais inviter la majorité à se reprendre pendant qu'il est encore temps.

Nous aurions pu faire une grande loi, ensemble. (Rires sur quelques bancs du groupe socialiste) Mais vous en avez laissé passer l'occasion. Nous étions désireux de travailler avec vous de manière constructive et vous auriez pu, sur l'aménagement du territoire, faire l'unanimité. Cela vous aurait d'ailleurs facilité la tâche, ensuite.

Ce matin, la question préalable a failli être adoptée. Il ne s'en est fallu que de quelques voix. Pensez-vous qu'une loi soit bonne quand elle n'est adoptée qu'à quelques voix de majorité ?

Plusieurs députés socialistes - La République !

M. Jean-Claude Lenoir - Je sais que la République n'a eu qu'une voix de majorité en 1875. Mais n'aurait-elle pas consolidé ses bases si elle en avait rallié davantage ?

Vos erreurs sont d'abord de forme. Vous avez choisi de saucissonner ce texte, de manière que chaque ministre ait sa loi. Après l'examen de ce projet qui portera votre nom, Madame le ministre, nous reviendrons sur le projet relatif à l'intercommunalité, et dans quelques semaines, ou dans quelques mois, nous sera soumis le texte sur les interventions économiques des collectivités locales. Pourquoi n'avoir pas réuni ces différents dispositifs au sein d'une grande loi ? On nous dit qu'un tel texte aurait été si lourd que son application en aurait été paralysée. Pensons toutefois au choix fait par Gaston Defferre en matière de décentralisation, même si des projets complétant son dispositif ont été soumis au Parlement.

On a aussi prétendu qu'il fallait voter sans tarder une loi sur l'aménagement du territoire pour respecter nos engagements européens. Cela n'est guère convaincant. Vous avez choisi la précipitation, alors même que ce projet a été présenté en conseil des ministres en juillet 1998. Et c'est après avoir attendu pendant des mois que vous avez déclaré l'urgence, ce qui fut votre deuxième erreur. On en devine la raison : éviter de passer une nouvelle fois devant l'Assemblée nationale et le Sénat. En première lecture, Madame le ministre, vous avez plusieurs fois suggéré que certains points délicats pourraient être revus en deuxième lecture. C'était montrer que vous méconnaissiez les conséquences de votre choix. La procédure d'urgence nous prive en effet d'une vraie deuxième lecture. Il est trop facile de prétendre que le Sénat a dénaturé votre projet, puisque nous n'examinerons, en nouvelle lecture, non son texte, mais celui de la commission ! (Applaudissements sur les bancs du groupe DL, du groupe du RPR et du groupe UDF) Il suffit que les députés de l'opposition reprennent une disposition adoptée par le Sénat pour que vous les en fustigiez. Or, le Sénat participe à l'élaboration de la loi. Et si nous avons pris du retard dans l'examen de ce projet, ce n'est pas du fait de l'opposition à l'Assemblée nationale, ni de la majorité sénatoriale.

La troisième erreur, c'est de ne pas avoir suivi l'exemple de ce qui s'était fait pour l'examen de la loi Pasqua, en ne constituant pas de commission spéciale, vous privant ainsi d'avis divers. Le Sénat a fait un autre choix et il a sûrement travaillé dans de meilleures conditions que nous. C'est une raison de plus de souhaiter le retour en commission.

Une autre erreur, c'est d'avoir suscité un climat d'instabilité dans notre paysage politique et administratif -qui remonte d'ailleurs plus loin que votre arrivée au pouvoir. En 1995, on avait plaidé pour une nouvelle organisation plus efficace, tout en précisant bien que le pays n'était pas une structure, mais une "notion", un territoire "pertinent". Et puis est arrivé un autre message, et les maires ne s'y retrouvent plus. L'intercommunalité à peine digérée, ils auraient sans doute voulu une pause. Ce n'est pas que l'on ne puisse être d'accord, sur certains points, avec les formules que vous proposez -il m'arrive, là-dessus, de ne pas suivre mes amis, beaucoup dépend des expériences de chacun, de la géographie. Mais l'instabilité est fâcheuse, et elle sera aggravée par le fait que cette loi n'est pas la dernière, puisqu'il y aura encore les lois Chevènement et Zuccarelli.

Une autre erreur, c'est la façon dont vous avez abordé la CMP -et là, Monsieur le rapporteur, je ne vous ai pas reconnu ! La CMP s'est réunie à 21 heures, au Sénat, les membres de l'opposition avaient dîné, mais pas ceux de la majorité, convaincus que ce serait bref ! Ils étaient venus pour faire échouer la CMP et ont déclaré qu'un accord était impossible, puisque tout nous séparait. Nous avons essayé d'argumenter, demandé un effort, mais rien n'y a fait.

Il y a eu d'autres erreurs encore : tout le débat autour des équipements publics, de l'offre et de la demande. Selon le rapporteur, nous serions passéistes parce que nous insistons sur l'offre. Mais le rapporteur du CES, M. Bury considère que votre texte "privilégie l'existant au détriment d'une réflexion renouvelée en fonction de l'évolution des besoins". Tel est bien notre avis : la réflexion ne doit pas être figée. Et en pratique, que signifiera votre logique de la demande ? M. Bury a regretté le "manque de souffle" de ce texte.

Enfin, vous avez introduit dans celui-ci une sorte de cavalier, parce que la Directive européenne sur les postes doit être adoptée dans certain délai. A l'époque, nous vous avons expliqué que le raisonnement pouvait s'appliquer à d'autre domaines, notamment l'électricité. Je rappelle que la loi transposant la directive européenne sur l'électricité aurait dû être votée avant le 19 février. Or le Gouvernement nous a présenté le texte peu avant et le Sénat ne l'examinera qu'après l'été... Alors pourquoi dénaturer ce projet en lui accolant des appendices ?

J'en arrive à nos propositions. Nous étions très attachés à l'élaboration d'un schéma national d'aménagement du territoire et je le dis en tant que libéral. On m'a en effet objecté que les libéraux s'obstinaient à défendre des procédures faisant intervenir l'Etat. Mais pour asseoir une politique libérale, il faut que l'Etat fixe les règles. Le schéma national a ce rôle régulateur en garantissant les grands équilibres nationaux et l'accès de tous aux mêmes services.

Le Sénat, conscient de votre obstination sur ce point, a introduit une solution de compromis, le schéma de synthèse voté par le Parlement. Nous avons d'ailleurs failli faire la même proposition en première lecture. Le Sénat rend cette solution possible, pourquoi y renoncer ?

Une autre de nos propositions concerne le devenir du monde rural. Que n'avons-nous entendu, dans ce débat, sur la ruralité ! J'appartiens à un territoire très rural et je ressens le besoin que toutes les chances soient données à ses habitants pour affronter les défis économiques, sociaux et culturels. Lorsque j'étais jeune, je me sentais humilié parce que dans ma ville, il fallait parfois attendre deux ou trois ans pour voir les films dont nos camarades nous parlaient. Certes aujourd'hui les nouvelles technologies et les initiatives prises par de nombreux élus ont permis de corriger cette coupure entre les grandes villes et la province, mais combien d'autres domaines mériteraient notre attention ! Les propos de certains donnent l'impression qu'il s'agit de faire preuve de charité à l'égard d'un monde qui se dépeuple et qui tournerait le dos à la modernité. Pourtant le Monde d'aujourd'hui cite les résultats d'un sondage effectué à la demande du Sénat : il en ressort que 44 % des Français aimeraient vivre dans une petite commune rurale et 26 % dans une ville moyenne. Mais les personnes interrogées ajoutent que pour vivre dans le monde rural, il faut des services collectifs : école, centre hospitalier, gendarmerie, gare, poste, musée, cinéma etc. Pour 48 % des sondés, le lieu de vie le plus moderne dans les dix ans à venir sera la campagne. Voilà qui corrige l'impression erronée que peuvent laisser certains propos. J'ajoute que grâce à la mobilisation des acteurs et élus locaux on assiste aujourd'hui à une vraie renaissance rurale, souvent très dynamique. Oui, le monde rural est une idée moderne !

Nous regrettons donc que votre texte ne prévoie plus, comme le faisait l'article 61 de la loi Pasqua, une loi spécifique pour le monde rural. Elle devait contenir des dispositions relatives au développement économique -à ce sujet, je réagis vivement aux propos tendant à faire du monde rural une zone de loisirs pour les citadins, alors que l'activité économique se concentrerait sur les villes, ce n'est pas exact. Cette loi porterait également sur le logement social et là je dois appeler votre attention sur les difficultés que vont rencontrer les petites communes dans les prochaines années pour accueillir des logements sociaux : alors qu'il y a peu de temps leur contribution s'élevait à environ 50 000 F, aujourd'hui il leur en coûte de 80 000 à 120 000 F par logement ! Il faudrait traiter cette question importante, sinon le dépeuplement va s'accélérer. Enfin la loi spécifique au monde rural devait traiter également des services publics et de la revitalisation des petites villes.

Autre avancée que nous revendiquons et que nous ne trouvons pas dans votre texte : la péréquation des ressources. Vous nous renvoyez aux textes de M. Chevènement et de M. Zuccarelli, mais au vu de ces projets, les moyens varieront beaucoup selon les régions et la péréquation entre elles sera insuffisante. La question de la fiscalité locale est également renvoyée au texte de M. Chevènement -pourquoi n'avons-nous pu discuter simultanément de tous ces dispositifs ?

On a parlé de simplification, mais l'un des défauts majeurs de ce texte est sa grande confusion : on mesure mal les difficultés que nous allons avoir, nous élus, pour bâtir ces pays et agglomérations. On prétend simplifier, mais on ne fait qu'ajouter des procédures qui vont encore compliquer la situation !

Enfin, la logique du projet a ses limites dans les moyens. A quoi bon envisager des projets ambitieux si on ne peut les réaliser ? Aux inégalités de traitement qui existent, s'ajoutent des incertitudes sur certaines procédures. Le Gouvernement a annoncé un certain montant pour les prochains contrats de plan 2000-2006. Cela ne suffira probablement pas pour poursuivre -sur sept ans- l'effort engagé. Nous nous intéressons évidemment à la PAT pour définir nos stratégies. La concertation est engagée et je remercie vos collaborateurs ainsi que ceux du Premier ministre de nous avoir reçus, Mme Bassot et moi-même. Mais nous restons préoccupés. Enfin, ne dites pas que les députés se soucient trop peu des fonds structurels européens. Nous avons longuement discuté, puis voté à l'unanimité trois propositions de résolution pour soutenir le Gouvernement avant le sommet de Berlin.

Pour conclure, je veux vous dire mon amour pour un territoire, le pays où je suis né, où je travaille, que je défends. Pour l'anthologie rassemblée par le président Fabius, j'ai choisi un poème de René Char que voici :

"Dans mon pays, les tendres preuves du printemps et les oiseaux mal habillés sont préférés aux buts lointains.

"La vérité attend l'aurore à côté d'une bougie. Le verre de fenêtre est négligé. Qu'importe à l'attentif.

"Dans mon pays, on ne questionne pas un homme ému.

"Il n'y a pas d'ombre maligne sur la barque chavirée.

"Bonjour à peine, est inconnu dans mon pays.

"On n'emprunte que ce qui peut se rendre augmenté.

"Il y a des feuilles, beaucoup de feuilles sur les arbres de mon pays. Les branches sont libres de n'avoir pas de fruits.

"On ne croit pas à la bonne foi du vainqueur."

"Et le dernier ver, Madame la ministre, c'est à vous que je le dédie :

"Dans mon pays, on remercie." (Applaudissements sur les bancs du groupe DL, du groupe UDF, du groupe du RPR et sur de nombreux bancs du groupe socialiste)

M. le Président - Je suis saisi de demandes d'explication de vote.

M. François Sauvadet - A mon tour je ne peux pas vous laisser dire, Madame la ministre, que nous ne nous serions pas mobilisés à propos des fonds structurels européens. Ce sont 16 milliards par an qu'ils apportent aux territoires fragiles. Nous vous avons donc interrogée sur la façon dont seront mis en place les trois objectifs retenus. Le 17 mars nous avons eu un débat -tardif il est vrai- sur trois propositions de résolutions relatives à la PAC, aux fonds structurels et aux perspectives financières de l'Union européenne, avant le sommet de Berlin.

Les élus locaux partagent nos préoccupations. Ils veulent savoir comment leurs projets seront accompagnés.

Bien entendu, comme l'a dit M. Lenoir, nous estimons que le Parlement n'est pas suffisamment associé à la définition d'une politique d'aménagement du territoire. Le texte morcelé introduira plus de complexités, plus de contraintes.

Le groupe UDF votera la motion de renvoi. (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF, du groupe DL et du groupe du RPR)

M. Patrick Rimbert - M. Lenoir a pris dix minutes pour nous expliquer que son intervention comporterait trois parties. La première définissait son objectif : rassembler le plus grand nombre, placer l'homme au coeur de la politique, reconnaître les différences ... En deuxième partie il comptait dénoncer les erreurs dans la forme -rien de nouveau- puis dans le fond. Mais il est passé directement à la troisième partie consacrée à ses propositions. Qu'ai-je entendu ? La nécessité d'un schéma de synthèse, la vie de M. Lenoir quand il était jeune, le résultat d'un sondage sur le monde rural... Cette intervention nous a convaincus que le renvoi en commission ne servirait à rien. Le groupe socialiste votera contre la motion. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe RCV)

M. Jean Proriol - Le groupe DL avait mandaté le meilleur des siens (Rires et exclamations sur les bancs du groupe socialiste) pour défendre cette motion. Il la votera. M. Lenoir a su exposer -un peu rapidement- ce que doit être une politique d'aménagement concrète. (Applaudissements sur les bancs du groupe DL)

M. Félix Leyzour - Qu'arriverait-il si nous votions cette motion ? Le débat serait suspendu jusqu'à un nouveau rapport de la commission. Nous en avons déjà deux. M. Lenoir, malgré son talent rhétorique, son amour de la poésie, son esprit de synthèse, n'a pas montré -en moins de deux heures cette fois il est vrai- qu'un troisième rapport permettait de traiter le sujet différemment. Nous perdrions du temps, alors qu'il regrette déjà le temps perdu, malgré l'urgence.

Nous avons largement discuté en commission et en séance publique, le Sénat a apporté sa contribution. Le moment est venu d'entrer dans le vif du sujet. Le groupe communiste votera contre la motion. Ne perdons pas plus de temps (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste, du groupe socialiste et du groupe RCV).

M. Jean-Michel Marchand - Comme nul ne l'ignore, deux discussions ont déjà eu lieu en commission, et le groupe RCV considère naturellement qu'il n'est pas besoin d'y poursuivre le débat. J'ai toutefois apprécié que vous ayez pris la parole, Monsieur Lenoir, même si ce fut un peu long. Le poème que vous nous avez lu m'a plu, mais cela ne suffira pas, je le regrette, à ce que nous votions le renvoi en commission (Applaudissements sur les bancs du groupe RCV, du groupe socialiste et du groupe communiste).

M. Serge Poignant - Notre collègue Lenoir a excellemment rappelé ce dont Monsieur Balligand avait dû convenir : il n'est pas bon qu'il y ait une loi Voynet et une loi Chevènement et une loi Zuccarelli quand il aurait fallu un seul grand texte. Le groupe RPR retient que vous y avez été obligée par l'imminence de l'élaboration des contrats de plan. Il manquera donc à votre texte une ambition, celle qu'avait la loi de 1995. Vous auriez pu progresser, et inclure dans ce projet un volet économique, et la péréquation. Vous en avez décidé autrement, et nous estimons donc que le renvoi en commission est nécessaire. Il permettra la rédaction de la grande loi d'aménagement du territoire pour les vingt ans à venir que nous attendons tous (Applaudissements sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL).

La motion de renvoi en commission, mise aux voix, n'est pas adoptée.

La suite du débat est renvoyée à la prochaine séance qui aura lieu ce soir, à 21 heures 15.

La séance est levée à 19 heures 50.

          Le Directeur du service
          des comptes rendus analytiques,

          Jacques BOUFFIER


© Assemblée nationale


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