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Assemblée nationale

COMPTE RENDU

ANALYTIQUE OFFICIEL

Session ordinaire de 1998-1999 - 100ème jour de séance, 255ème séance

1ère SÉANCE DU JEUDI 27 MAI 1999

PRÉSIDENCE DE Mme Nicole CATALA

vice-présidente

          SOMMAIRE :

DOUBLE IMPOSITION DES BAILLEURS 1

La séance est ouverte à neuf heures.


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DOUBLE IMPOSITION DES BAILLEURS

L'ordre du jour appelle la discussion de la proposition de loi de M. Jean-Pierre Delalande et plusieurs de ses collègues tendant à éviter la double imposition des bailleurs pour l'exercice 1999.

M. Jean-Pierre Delalande, rapporteur de la commission des finances - Si le groupe RPR a déposé cette proposition de loi, c'est d'abord pour réparer l'injustice faite par l'article 12 de la loi de finances rectificative pour 1998, aux bailleurs personnes physiques à l'occasion de la transformation du droit de bail.

Mais au-delà d'une question technique dans laquelle vous cherchez à embourber le débat pour l'esquiver, c'est votre conception même des relations entre l'Etat, l'administration et les citoyens qui est en cause.

Comment s'appelle une imposition payée deux fois sur la même assiette, si ce n'est une double imposition ? C'est du bon sens !

D'ailleurs, le fait que vous ayez prévu un dégrèvement même remboursé longtemps après, prouve bien qu'il y a paiement indu, donc double imposition quelque part car, enfin, l'Etat n'est pas philanthrope !

Autre preuve : il n'y a pas eu de tollé des personnes morales bailleurs, redevables de l'impôt sur les sociétés puisque vous leur accordez le dégrèvement de l'impôt payé la deuxième fois, dès la première année. A preuve encore, la tentative de neutraliser ce dispositif en cas de décès du bailleur personne physique, de reprise ou de vente du local, d'interruption du bail pour une durée d'au moins 9 mois non consécutifs. A preuve, enfin, l'absence de codification pour les redevables de l'impôt sur les sociétés et une codification permanente pour les redevables de l'impôt sur le revenu.

Certes, le redevable n'acquittera pas la même année, les anciens droits et les nouvelles "contributions représentatives de droit de bail", mais le dégrèvement compensatoire ne sera remboursé par l'Etat qu'en fin de bail, c'est-à-dire dans 3, 5, 10, 15, 20 ans, on ne sait, et en francs courants c'est-à-dire d'autant moins que le bail sera long !

Vous pouviez neutraliser cet effet pervers de multiples façons : au bout d'un an, de trois ans, en faisant payer 50 % de l'impôt à la mi 1999, en diminuant le nombre de mois d'assiette retenu comme base de la deuxième imposition. Mais vous avez choisi la pire des solutions pour le contribuable, le remboursement en fin de bail.

Ironie supplémentaire, vous pénalisez les bailleurs de longue durée dans le même temps où vous instituez une taxe sur les locaux vides. A quel saint se vouer ? Mon local est vide, je paie. Mon local est loué, je paie encore et toujours !

Si vous avez choisi la solution la plus coûteuse pour le contribuable, c'est que votre principal souci est de simplifier la paperasserie, mais au seul profit de l'administration. Elle aura, en effet, 5 millions de formulaires en moins à traiter et à archiver. L'Etat sera ainsi le principal bénéficiaire de la réforme, mais pas le payeur.

Ce mécanisme est d'autant plus injuste pour le redevable de l'impôt sur le revenu par rapport à l'assujetti à l'impôt sur les sociétés, que le bail dure longtemps ; il est injuste pour ceux d'entre eux qui n'auront pas loué durant neuf mois en 1998 et paieront pourtant l'impôt pour neuf mois.

Bien des arguments de mauvaise foi nous sont assenés. Nous ne contestons pas la décision du Conseil constitutionnel...

M. Christian Sautter, secrétaire d'Etat au budget - C'est heureux.

M. le Rapporteur - ...même s'il raisonne tantôt en fait, tantôt en principe selon les questions qu'il aborde. En tout état de cause, le dispositif choisi reste perfectible.

La solution que nous avons choisie consiste à retenir comme base de l'impôt payable en 1999 les trois derniers mois de l'année 1998 ; elle est la plus juste pour le contribuable. Certes, elle a un coût, ou plus exactement provoque un décalage de trésorerie de 7 milliards. Nous le couvrons par notre gage. Encore, celui-ci pouvait-il être étalé sur deux ans, sur la base de la décision du Conseil constitutionnel, soit d'abord 3 milliards pour les redevables de l'impôt sur les sociétés, puis 4 milliards pour les redevables de l'impôt sur le revenu.

Vous préférez faire payer la réforme de l'administration par le contribuable. Pour ce dernier, remplir trois feuillets, dont deux avec un carbone, c'est ennuyeux mais pas tragique, et cela vaut mieux que de n'être remboursé qu'en fin de bail, en monnaie dépréciée.

En réalité, ce qui est en jeu, c'est votre conception de votre administration et des relations entre l'Etat et les contribuables.

Je n'en veux pas au fonctionnaire que le Gouvernement a chargé de faire une réforme de simplification administrative la moins coûteuse possible pour l'Etat. Sa copie est plutôt astucieuse.

Mais le service public c'est d'abord le service du public ! Aussi fallait-il choisir la solution la meilleure pour le contribuable, d'abord, et ensuite seulement pour l'administration.

Faut-il encore vous convaincre que le problème est réel ? Outre que M. Pierre Hellier élabore une nouvelle proposition de loi, que trois questions d'actualité ont porté sur ce sujet, vous avez reçu, Monsieur le ministre, 156 questions écrites -aucune, à ce jour, n'a reçu de réponse- dont deux du groupe communiste, huit du groupe RCV et quarante-quatre du groupe socialiste émanant entre autres de MM. Hollande, Forni, Lang et de membres éminents de la commission des finances. Tous se tromperaient-ils jusque dans vos rangs ? Auriez-vous raison seul contre tous ? Qui plus est, de l'aveu même du rapporteur général, la réforme n'a été à aucun moment négociée avec les professionnels.

Mais il y a pire : votre choix révèle l'état de sujétion, j'allais dire de mépris, dans lequel vous tenez les bailleurs redevables de l'impôt sur le revenu. Vous espérez qu'ils ne verront pas immédiatement la perte qu'ils subiront s'ils n'ont pas eu neuf mois de location en 1998, pour lesquels ils paieront la taxe sans avoir perçu de loyers, et si le bail est de longue durée, de sorte qu'ils seront remboursés beaucoup moins que ce qu'ils auront payé quelques années plus tôt : c'est les tenir pour incapables de comprendre la subtilité de votre raisonnement. En outre, le mécontentement et la frustration des bailleurs-personnes physiques seront d'autant plus durables que le bail s'éteindra tard et, avec lui, le sentiment d'être floué par l'Etat. Déjà nos concitoyens doutent de la capacité de leurs gouvernants à maîtriser les évolutions ; votre décision leur suggère qu'il leur faut au surplus se méfier en permanence des subtiles décisions de l'Etat sous peine d'être floués. Est-ce vraiment la meilleure façon de restaurer la confiance de nos concitoyens envers l'Etat ?

Ce débat pourrait se résumer à la manière du théâtre classique, à une scène comme celle-ci. Le Gouvernement dit au bailleur : "Vous ne m'avez rien demandé mais je veux votre bien". A part : "A vrai dire, c'est beaucoup plus le mien que le vôtre"... Au bailleur à nouveau : "Et le bien que je vous fais, vous allez le payer". A part : "Ainsi, je gagne sur toute la ligne, j'ai moins de paperasserie et c'est le contribuable qui paie". Reconnaissez que c'est intenable.

Je suis sûr, Monsieur le ministre, que vous saurez vous ranger au bon sens et dépasser l'amour-propre gouvernemental pour atteindre l'intérêt général. Le seul fait que ce soit l'opposition qui soulève le problème ne suffit pas pour en rejeter l'examen. Ce n'est pas aux bailleurs de payer vos réformes, vos astuces et vos erreurs de jugement. En permettant qu'on discute de notre proposition, vous vous honorez à reconnaître votre erreur et à réparer cette injustice. Plus largement, vous contribueriez, un peu, à restaurer la crédibilité de l'Etat. C'est pourquoi, bien qu'à la demande du rapporteur général, la majorité socialiste de la commission ait préconisé, en application de l'article 94 du Règlement le non-examen des articles de notre proposition, je vous incite, Monsieur le ministre, à en autoriser le débat et à lever le gage correspondant. Ainsi, vous montrerez au pays qu'il n'est pas interdit au Gouvernement -comme le suggérait Monsieur Edouard Balladur la semaine dernière-, ni à la représentation nationale, de s'élever, de temps à autre, au-dessus de certains intérêts, fussent-ils de nature politique (Applaudissements sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL).

M. Jean-Claude Guibal - Toute mesure destinée à simplifier les formalités administratives est bonne. Voilà une opinion qui, au moins dans les discours, fit l'unanimité dans toutes nos familles politiques. L'Etat lui-même, qui cherche à améliorer les services rendus aux administrés, essaie de l'appliquer et y parvient parfois. Tel n'est pas, hélas, le cas de la réforme du droit de bail. Vous êtes parvenu, Monsieur le ministre, à transformer un objectif louable de simplification en une injustice flagrante, consistant à surimposer certains contribuables. Votre intention, je le répète, était la bonne, puisqu'il s'agissait de simplifier les obligations déclaratives des bailleurs et de supprimer plus de cinq millions de déclarations. Tout le monde y a gagné, les contribuables mais aussi les services fiscaux, comme chaque fois que sont supprimées des formalités inutiles. Nul ici ne conteste le bien-fondé de cette réforme, dont les rapporteurs généraux de l'Assemblée et du Sénat avaient rappelé la nécessité. Le calendrier de l'ancienne déclaration de droit de bail, ses bases d'imposition, ses modalités étaient complexes et parfois incohérentes. Une simplification et une clarification s'imposaient. Vous les avez réalisées et chacun s'en réjouit.

Mais en toute chose, il y a l'art et la manière : les bonnes intentions ne suffisent pas : il faut aussi se préoccuper du modus operandi et s'assurer qu'il ne recèle pas d'effet pervers.

En l'occurrence, l'article 12 de la loi de finances rectificative pour 1998 a remplacé le droit de bail et sa taxe additionnelle par deux contributions représentatives, recouvrées selon les modalités de l'impôt sur le revenu ou de l'impôt sur les sociétés, de même assiette et de même taux que les taxes supprimées. Seule la date d'imputation a changé. Tout cela serait parfait si vous n'aviez omis de prendre en compte les conséquences de la transition de l'ancien au nouveau système. Dans votre dispositif, en effet, les loyers du 1er janvier au 30 septembre 1998 servent d'assiette à la fois à l'ancien droit de bail et à sa taxe additionnelle, ainsi qu'aux nouvelles contributions représentatives. Les bailleurs qui ont acquitté en novembre dernier le montant de leur droit de bail et de sa taxe additionnelle pour les neuf premiers mois de 1998 verront donc leurs contributions représentatives pour l'exercice 1999 calculées sur la base de leurs revenus locatifs de la totalité de l'année 1998, y compris les neuf premiers mois de celle-ci. Un tel dispositif ne peut s'analyser que comme une double imposition.

Certes, le Conseil constitutionnel a estimé que l'article 12 n'instituait pas une double imposition, mais au seul motif que les bailleurs n'acquittent l'impôt sur le droit de bail qu'une seule fois par année civile. Cette analyse juridique, quel que soit son bien-fondé, ne peut occulter le fait que, dans la réalité comptable, les assujettis paieront cette année sur neuf mois de plus qu'ils ne devraient. Le Conseil n'a d'ailleurs à aucun moment écarté la possibilité pour le Parlement de modifier l'article 12 incriminé. Les Sages ont simplement considéré que votre dispositif n'était pas anticonstitutionnel. Cela ne vous autorise pas pour autant à léser les bailleurs. Cela ne vous ôte pas la faculté ni le devoir de défaire ce qui a été mal fait.

Qu'importe l'erreur, si l'on sait la reconnaître et la corriger ? Il suffit pour cela d'un peu d'honnêteté, de courage et d'humilité, toutes vertus dont on vous sait capable. Alors, pourquoi ce refus obstiné d'admettre ce qui n'est qu'un "raté" ? Pourquoi dire que le débat est clos quand il peut se poursuivre, alors que la justice fiscale et la confiance en l'Etat sont en jeu ? Pourquoi vous retrancher derrière une décision du Conseil constitutionnel pour refuser de faire droit au bon sens et à l'équité ? Comment pouvez-vous faire fi de l'émotion suscitée jusqu'au sein de votre majorité par cette disposition inique ? Jean-Pierre Delalande l'a rappelé, cent-cinquante-six questions écrites vous ont été posées à ce sujet, dont cinquante-trois par des députés de la majorité. Il ne s'agit pas là d'une querelle partisane, mais du souci largement partagé de corriger une erreur "technique", que nous voulons croire involontaire.

Convenez toutefois qu'il nous faut quelque bonne volonté pour la considérer comme telle. Le texte même de l'article 12 montre en effet que ses rédacteurs étaient conscients de cette double imposition. Ne dispose-t-il pas qu'en cas de cessation de location d'au moins neuf mois de l'immeuble taxé, le Trésor remboursera sa contribution au propriétaire ? Ne permet-il pas aux personnes morales bailleurs de réduire spontanément leur contribution lorsque leurs recettes prévisibles de location pour l'année d'imposition risquent d'être inférieures à l'évaluation du Trésor ? Ces correctifs sont l'aveu du "vice de fabrication" qui entache votre texte. Pour autant, ils ne le suppriment pas, se contentant d'en neutraliser les effets dans certaines conditions très particulières.

Pour nous, cet article 12 est très probablement le fruit d'une de ces erreurs "techniques" comme il peut s'en produire quand il est laissé libre cours à la seule inspiration technocratique. C'est le mal de l'Etat d'aujourd'hui que de se laisser déborder par une administration qu'il ne contrôle pas assez. C'est la faiblesse du politique d'aujourd'hui que de craindre, quand il gouverne, de se mettre ses services "à dos". Et c'est la dérive naturelle des bureaux que de perdre le contact avec la réalité vécue par l'administré, pour s'enfermer dans une sphère qui tend à devenir autonome. C'est ainsi que la démocratie s'étiole et que le citoyen perd confiance en l'Etat et plus généralement en la politique.

Dans le cas présent, Monsieur le ministre, nous préférons croire au caractère involontaire de cette double imposition. Nous ne vous imputons donc pas une faute mais seulement une erreur. La reconnaître honorerait le Gouvernement, rétablirait la confiance des Français dans leur Etat et les réconcilierait avec la politique.

Pourtant, jusqu'à présent, vous avez obstinément refusé de reconnaître votre erreur et d'en corriger les effets. Force nous est donc de nous interroger sur ce qui motive une telle obstination. Même s'il ne s'agissait à l'origine que d'une erreur, le refus de la reconnaître constituerait, lui, une faute.

Le Gouvernement se tient-il pour infaillible ? Considère-t-il que ses décisions sont sacrées, donc indiscutables ? Si tel était le cas, il ne ferait que creuser le fossé qui le sépare des citoyens. Il n'est pas bon pour la démocratie que l'Etat invoque la transparence mais ne la pratique pas, prône le dialogue mais se contente d'un simulacre. En cette matière comme en d'autres, les effets d'annonce ont, à terme, des conséquences calamiteuses.

Se pourrait-il aussi que ce Gouvernement, ayant choisi le rôle de donneur de leçons, considère n'avoir à en recevoir de personne, et surtout pas de l'opposition, au motif qu'elle est minoritaire ? Serait-il imaginable qu'il ait conservé d'anciens réflexes idéologiques, qui le rendraient, pour le moins, indifférent au sort des propriétaires ?

Il existe une autre explication, qui n'est pas exclusive des précédentes : voilà une erreur qui procurera une recette fiscale de quelque 7 milliards... Mais si vous considérez que l'Etat ne peut pas se priver d'une telle somme, comment ne pas vous émouvoir de l'injustice dont sont victimes les bailleurs ?

Puisque le Gouvernement a affirmé sa volonté de simplifier les formalités administratives imposées à ceux-ci, nous voulons croire qu'il soutiendra la proposition de loi du groupe RPR. Il s'agit d'éviter une double imposition en calculant à titre transitoire, pour l'année 1999, les deux nouvelles contributions sur la base des revenus locatifs perçus pour les mois d'octobre, novembre et décembre 1998.

Monsieur le ministre, il n'y a aucune honte à commettre une erreur technique, mais il serait regrettable qu'à force d'entêtement, elle se transforme en erreur politique (Applaudissements sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL).

Mme Jacqueline Fraysse - La réforme adoptée dans la loi de finances rectificative pour 1998, approuvée dans son principe sur tous les bancs, avait pour objectif de supprimer, dès 1999, les obligations déclaratives particulières dont devaient s'acquitter chaque année les bailleurs. Son application a permis de supprimer plus de cinq millions de déclarations et d'alléger d'autant le travail des services fiscaux.

Elle a, en outre, défini une base d'imposition plus claire et plus juste dans la mesure où ne sont désormais pris en considération que les loyers effectivement perçus.

Elle est globalement neutre d'un point de vue financier : le rendement de la taxe sera identique en 1998 et en 1999. La polémique lancée par les députés de l'opposition porte uniquement sur la transition entre les deux systèmes.

Bien que très attachés au principe de libre détermination par les groupes des textes qu'ils souhaitent voir examiner dans la niche parlementaire, nous nous interrogeons sur la réalité du litige fondant cette proposition de loi. Le problème qui nous est soumis a été soulevé depuis plusieurs mois déjà ; semaine après semaine, à l'occasion des séances de question, nos collègues de droite ont martelé l'idée que le nouveau dispositif introduirait une double imposition. Considéraient-ils comme nul et non avenu l'avis donné par le Conseil constitutionnel, qui, selon nous a tranché la question ?

M. le Rapporteur - Quelle mauvaise foi !

Mme Jacqueline Fraysse - Il n'en reste pas moins légitime de vérifier que l'application du nouveau dispositif n'a pas causé de préjudice aux bailleurs. Des assurances ont déjà été données par le Gouvernement, s'agissant en particulier du remboursement auquel peuvent prétendre des bailleurs ayant cessé de louer durant les neuf mois de chevauchement entre les deux années de référence.

Comme l'a indiqué la commission des finances, si des dispositions complémentaires sont nécessaires, elles devront être définies à partir d'un bilan de la réforme ; il n'est pas souhaitable d'anticiper sur la loi de finances pour l'an 2000.

En outre, les dispositions proposées ont déjà été examinées sous forme d'amendements que la majorité de cette assemblée a rejetés. Nous proposer de priver le budget de la nation de quelque sept milliards de francs a quelque chose de provocateur (Interruptions sur les bancs du groupe du RPR et du groupe UDF). Libre au rapporteur de considérer que la fiscalité sur l'immobilier est excessive mais c'est un autre débat.

Bien que nous ne souhaitions pas un recours systématique à l'article 94 du Règlement, qui reviendrait à vider de sa substance la capacité d'initiative des groupes -de même que nous contestons le recours trop fréquent à l'article 40-, la nature polémique de cette proposition de loi et les engagements pris pour remédier à d'éventuelles injustices, nous conduisent à suivre l'avis de la commission. L'intérêt bien compris des bailleurs privés comme de la collectivité est d'éviter la précipitation. Il convient d'attendre l'examen de la loi de finances pour l'an 2000 -ce qui revient d'ailleurs à repousser le débat de quelques semaines seulement.

M. le Rapporteur - Vous reconnaissez donc qu'il y a un problème...

M. Germain Gengenwin - Je ne peux pas penser un instant que des services aussi performants que ceux de Bercy aient pu commettre une erreur de ce type...

Le droit de bail était normalement calculé sur le prix du loyer couru augmenté des charges imposées au locataire sur la période du 1er octobre au 30 septembre. Il s'élevait à 2,5 % de ces loyers et incombait au locataire. La taxe additionnelle au droit de bail était due sur les locaux achevés depuis plus de 15 ans ; son taux était de 2,5 % et elle était normalement à la charge du propriétaire.

En 1998, les propriétaires ont donc déclaré les loyers courus depuis le 1er octobre 1997 pour payer immédiatement le droit de bail afférent. Or, dès février 1999, ils ont reçu un formulaire de déclaration des revenus fonciers de 1998, incluant la nouvelle contribution payable en septembre en même temps que l'impôt sur les revenus. Les neuf premiers mois de l'année se retrouvent donc déclarés deux fois. Tout changement de calendrier implique, certes, une période transitoire, mais pourquoi taxer deux fois les loyers du 1er octobre 1997 au 30 septembre 1998 ?

Les réponses du Gouvernement aux nombreuses questions posées par les députés de tous les groupes -M. Delalande en a dénombré 156 !- sont déroutantes. Ainsi votre réponse, Monsieur le ministre à M. Le Nay : "Les intéressés qui auront payé en septembre dernier deux fois 2,5 % du montant des loyers perçus du 1er octobre 1997 au 30 septembre 1998, paieront la même chose au titre des douze mois suivants, en septembre 1999. Il va de soi qu'ils ne paieront qu'une seule fois pour une même année. Dans l'hypothèse où une location s'interromprait plus de neuf mois, l'Etat rembourserait évidemment le trop payé. Le Conseil Constitutionnel a d'ailleurs estimé que l'article 12 de la loi de finances rectificative pour 1998 ne créait nullement une double imposition, ni ne conduisait les redevables à acquitter l'ancienne imposition et la nouvelle au cours de la même année. Voilà qui clôt le débat".

S'il n'y a pas de double imposition, pourquoi proposer un système de remboursement lorsque le logement est vacant au moins neuf mois consécutifs ? Et pourquoi instaurer un système particulier pour les propriétaires personnes morales et les offices HLM ? En effet, ceux-ci seront en droit de déduire des loyers soumis à la contribution payable en 1999 le montant des loyers soumis au droit de bail en 1998.

Au nom de quel droit l'Etat demande-t-il à deux millions de contribuables de lui faire des avances de trésorerie ?

De plus, le dispositif de remboursement est très insuffisant et restrictif. Il pénalise les bailleurs gardant les mêmes locataires.

Ainsi, le débat n'est pas clos. C'est pourquoi le groupe UDF soutient la proposition tendant à reconnaître aux particuliers le même droit à la déduction qu'aux sociétés. Cela dit, le dispositif n'est pas adapté aux ménages modestes : ceux-ci devraient pouvoir demander le remboursement immédiat du trop-versé.

Il ne faut pas attendre la loi de finances pour résoudre ce problème qui suscite l'incompréhension des contribuables (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF, du groupe du RPR et du groupe DL).

M. Jérôme Cahuzac - La réforme opérée par l'article 12 de la loi de finances rectificative présente de nombreux avantages, mais elle a aussi un défaut.

Le premier avantage est la simplification administrative : cinq millions de formulaires en moins, les bailleurs y trouvent autant leur compte que l'administration.

Le nouveau système est également plus juste puisqu'il calcule l'imposition sur les loyers perçus et non sur les loyers prévus.

Enfin cette réforme est neutre pour le budget de l'Etat et donc aussi pour les bailleurs. Ce n'est pas la période des neufs premiers mois de 1998 qui pose problème : une telle période de transition est inéluctable dès lors qu'il y a changement de l'assiette de référence. C'est le dispositif de sortie qui est défectueux : la condition de neuf mois de vacance mise au remboursement est trop contraignante et inéquitable.

Faut-il pour autant adopter la proposition Delalande ? Je ne le crois pas.

Le gage qu'il propose pour compenser le manque de recettes pour l'Etat, soit une augmentation de 7 milliards des droits sur le tabac, aurait pour effet de déclencher une guerre des prix, à la baisse, entre les fabricants de cigarettes et finalement ni l'Etat ni la santé publique n'y trouveraient leur compte.

Compenser le manque de recettes par une régulation budgétaire ne serait pas non plus une bonne solution : nous estimons que les crédits votés par l'Assemblée ne doivent pas être supprimés sans que celle-ci soit consultée.

Certains d'entre nous pourraient s'estimer capable de réaliser ces économies. Mais l'exercice en grandeur réelle a déjà eu lieu il y a quelques années : 450 députés de la majorité d'alors ont mis plusieurs semaines pour aboutir à 3-4 milliards d'économies ! On voit mal comment ce groupe, aujourd'hui minoritaire, pourrait dégager les 7 milliards nécessaires.

Donc le dispositif proposé n'est satisfaisant ni si le gage est levé ni s'il est accepté. Je propose donc de ne pas le discuter.

Mais nous ne pouvons en rester là. Ce débat a le mérite de souligner la contradiction classique entre la morale de conviction, qui prédomine quand on est dans l'opposition, et la morale de responsabilité, qui a davantage de défenseurs quand on appartient à la majorité.

Monsieur le ministre, au nom du groupe socialiste, dont des membres célèbres vous ont déjà alerté, je vous demande de revoir, dans la prochaine loi de finances, le dispositif de sortie du système, qui n'est pas satisfaisant. La solution proposée devra être à la fois responsable, c'est-à-dire neutre pour le budget de l'Etat, et équitable pour les bailleurs (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

M. le Rapporteur - Très bonne conclusion !

M. Gilbert Gantier - Une réforme fiscale est toujours un exercice difficile et nous avons une nouvelle preuve.

A l'occasion du collectif budgétaire d'automne, le Gouvernement a entrepris la réforme du droit de bail.

Chevauchement sur deux années civiles, déclaration séparée, taxation calculée sur les loyers prévus et non pas perçus, tout cela rendait cet impôt complexe et pas très juste. Une modernisation était donc souhaitable, d'autant que la perception de l'impôt est plus coûteuse en France que chez nos voisins : deux fois plus qu'en Espagne, trois fois plus qu'en Suède et aux Etats-Unis ! Un rapport édifiant de l'Inspection des finances, que Bercy garde précieusement sous le coude, démontre le coût de perception invraisemblable de nos impôts. Nous ne pouvons donc que souscrire à une simplification.

Réformer le droit de bail est une intention louable, mais la réalisation n'a pas été à la mesure des ambitions. L'objet de cette proposition est donc de remédier aux erreurs commises.

Jusqu'à présent, le droit de bail et la taxe additionnelle portaient sur les loyers courus du 1er octobre au 30 septembre. Le droit de bail était perçu en même temps que les loyers : l'imposition n'était donc pas rétroactive. Le Gouvernement a décidé de caler le droit de bail sur l'année civile, et d'intégrer l'obligation déclarative du droit de bail à la déclaration d'impôt sur le revenu, afin de réunir deux déclarations en une.

Mais passer d'un système à l'autre pose de nombreuses difficultés, notamment pour la période de référence retenue pour le calcul de l'impôt, lors de la première année. En effet, soit l'assiette s'évanouit, soit le contribuable paie deux fois. Le Gouvernement a choisi la deuxième voie, ce qui n'a rien d'étonnant quand on connaît "son imagination fiscaligène". Il a su aussi bien sauvegarder les intérêts financiers de l'Etat qu'éviter les foudres du Conseil constitutionnel, mais neuf mois de loyers perçus serviront deux fois au paiement de l'impôt.

En effet, le droit de bail acquitté au titre de 1999 portera sur tous les loyers perçus au cours de 1998. Mais les neuf premiers mois ont déjà été taxés au titre de l'imposition 1998. Pour économiser le coût de la réforme, qui se monte à 7 milliards, le Gouvernement met ainsi à contribution les propriétaires bailleurs, qui ont donc avancé plus de 7 milliards au Trésor. Les locataires, qui sont les véritables contribuables de cet impôt, ne sont pas concernés par cette double imposition.

Au total, une assiette sert deux fois au calcul de l'impôt et les propriétaires bailleurs sont les dindons de la farce. Une défiance naturelle se crée alors entre l'Etat et les contribuables, et c'est cela le plus condamnable. Que signifie dans ces conditions le consentement à l'impôt, source de toute démocratie ?

Le premier tort du Gouvernement est de refuser de s'expliquer. Les occasions n'ont pourtant pas manqué : plus de 150 questions écrites, de nombreuses questions orales, trois questions au Gouvernement. Comme les parlementaires, le syndicat national unifié des impôt a dénoncé la double imposition des bailleurs dans le palmarès des "anomalies fiscales" du Gouvernement. Le rapport du SNUI parle même "d'artifice".

Vivement interpellé, vous vous êtes retranché derrière un discours de simplification qui ne correspond pas à la réalité. Traitant avec la même condescendance parlementaires et contribuables, le Gouvernement s'est enferré dans un discours qui ne convainc plus personne. La proposition de loi tend donc à y remédier.

M. le Rapporteur - C'est bien vrai !

M. Gilbert Gantier - Placer les intérêts financiers de l'Etat sur le même plan que ceux des contribuables, tel est également son objectif. Nous ne menons donc pas un combat politicien, mais une action de réconciliation de l'Etat avec le contribuable. Non, l'Etat ne peut pas faire n'importe quoi avec l'impôt !

Le Gouvernement a ensuite essayé de brouiller les pistes. M. Strauss-Kahn nous explique que le changement de la date d'imputation n'aura pas de conséquence sur le bailleur : l'Etat ne percevra pas davantage en 1999 que les 10 milliards habituels. La double imposition des loyers serait un pur effet d'optique.

Le Gouvernement s'est même retranché derrière le Conseil constitutionnel, qui n'a pas censuré les dispositions relatives au droit de bail dans le collectif. En effet, la double imposition des neuf premiers mois de 1998 n'est pas immédiate ni uniforme. Elle est reportée d'année en année. Cette virtuosité de jongleur est possible tant que le bail est maintenu. C'est pourquoi le Conseil constitutionnel n'a pas censuré l'article. Cependant, ce n'est pas parce que la double imposition est indolore qu'elle n'existe pas. Lorsque la location cessera, elle apparaîtra au grand jour.

M. le Rapporteur - Excellente analyse !

M. Gilbert Gantier - Par exemple, si un propriétaire revend le 30 juin 1999, il aura perçu 18 mois de loyers, mais ses contributions correspondront à 27 mois de loyers.

Le Gouvernement a reconnu implicitement cette double imposition puisqu'il a créé un mécanisme de dégrèvement, d'ailleurs très restrictif, puisqu'il est à l'initiative du bailleur, et que l'interruption de la location doit porter sur neuf mois consécutifs. En fait le bailleur qui cessera de louer en 2010 aura oublié la double imposition décalée 1998-1999, et ne réclamera pas le trop perçu au Trésor.

La double imposition apparaît aussi avec la distinction établie entre les bailleurs selon qu'ils sont redevables de l'impôt sur le revenu ou de l'impôt sur les sociétés. Seuls ces derniers bénéficieront d'une neutralisation de la superposition d'assiette.

Un tel mécanisme n'est pas acceptable, et vous avez vous-même reconnu sa faillite.

Un système destiné à faciliter la vie du public, mais que seuls les concepteurs sont à même de comprendre ne constitue en rien une vraie simplification. Pour avoir un bon rendement, un impôt doit être lisible et bien accepté. Le Gouvernement s'est borné à encourager les services fiscaux à la modération et à une certaine bienveillance.

Il faut aller plus loin. Comme l'a dit le rapporteur en commission, errare humanum est, perseverare diabolicum. Nous proposons donc de faire porter l'assiette du droit de bail pour 1999 sur les loyers perçus les trois derniers mois de 1998, et qui n'ont pas été taxés. Voilà qui est plus lisible et plus équitable pour le contribuable, qui n'a pas l'impression de payer deux fois.

Notre système fiscal est complexe. Mais sa simplification ne doit pas aboutir à un marché de dupes pour le contribuable.

Le président de la commission des finances, très réservé sur le sujet, a suggéré de reporter ce débat au vote de la prochaine loi de finances, ce qui traduit un certain malaise de nombreux parlementaires socialistes. Mais à ce moment les bailleurs auront acquitté le droit de bail en totalité. Que nous proposera alors le Gouvernement ? De faire un rapport sur l'application du mécanisme de dégrèvement avant de réfléchir à un meilleur système. Pendant ce temps, les bailleurs auront avancé l'argent, et le Gouvernement s'en sera sorti par de beaux discours.

Notre proposition a le mérite de remédier immédiatement à la double imposition. C'est pourquoi le groupe DL demande à l'Assemblée de l'adopter (Applaudissements sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL).

La discussion générale est close.

M. Christian Sautter, secrétaire d'Etat au budget - Nous venons de nouer un dialogue courtois et républicain sur la réforme du droit de bail inscrite dans la loi de finances rectificative pour 1998.

La discussion a bien commencé, puisque tous les orateurs ont indiqué que la simplification était un objectif louable, en particulier MM. Delalande et Guibal. Le rapporteur a reconnu que la réforme était neutre pour les locataires, et Mme Fraysse a souligné que son principe était approuvé sur tous les bancs.

Le Gouvernement voulait en effet simplifier un impôt complexe, et croit y être parvenu. Les bailleurs apprécieront les effets de la simplification dès l'automne, quand ils paieront en même temps que l'impôt sur le revenu une somme identique à celle qu'ils auraient payée un peu plus tard, contrairement à ce qu'a dit M. Gengenwin, et surtout ils n'auront plus à remplir ces cinq millions de formulaires sur lesquels beaucoup peinent, car tous n'ont pas pour ce faire le talent de M. Delalande ! Vous le voyez donc, Monsieur le rapporteur, le Gouvernement entend bien améliorer le service rendu au public : en l'espèce, je ne vois pas les motivations technocratiques sur lesquelles vous vous êtes étendu avec plus de complaisance que de rigueur.

Cette réforme de la fiscalité dans le sens de la simplification va d'ailleurs être poursuivie dès 2001, les contribuables à l'impôt sur le revenu recevront des formulaires de déclaration préimprimés c'est-à-dire mentionnant tous les revenus déclarés par des tiers. En outre, dès 2003, particuliers comme entreprises auront en face d'eux un interlocuteur unique, en possession de l'ensemble de leur dossier fiscal. Cet effort indéniable en faveur des redevables permettra à l'administration de gagner en efficacité : simplifier la vie des contribuables honnêtes offre en effet la possibilité de compliquer celle des fraudeurs.

La simplification qui nous occupe impliquait, nous ne l'avons jamais dissimulé, une modification de la méthode de calcul du droit de bail et de la contribution additionnelle ; au lieu de courir du 1er octobre de l'année précédente au 30 septembre de l'année en cours, la période de référence coïncidera avec l'année civile, ce qui est, avouez-le, moins baroque ! Nous n'avons pas caché non plus que cette modification entraînerait une superposition des bases, entre la nouvelle contribution votée par l'Assemblée en décembre dernier et l'ancienne, ce pour la période courant du 1er janvier au 30 septembre 1998.

M. le Rapporteur - Nous sommes d'accord sur ce point !

M. le Secrétaire d'Etat - Vous avez aussi accusé le Gouvernement de n'avoir pas consulté les professionnels, Monsieur le rapporteur. L'affirmation est erronée : j'ai personnellement reçu, à l'automne dernier, le président de l'Union nationale des propriétaires immobiliers et, si les autres organisations de bailleurs ne se sont guère manifestées, j'ai aussi eu des contacts avec les professionnels.

Non, Monsieur Guibal, le Gouvernement n'est pas hostile aux propriétaires : nous avons demandé au Parlement de voter un allégement des frais de notaire pour les accédants, nous avons réduit la TVA sur les terrains à bâtir et nous avons institué un régime "micro-foncier" pour les 300 000 bailleurs qui perçoivent moins de 30 000 F de revenus fonciers par an !

On a abondamment cité, parfois avec quelques réserves, la décision du Conseil constitutionnel. Sur ce point, l'opposition se montre mauvaise perdante. Si le Conseil lui avait donné raison, sans doute aurait-elle pris moins de distance envers cet arrêt, et adopté une attitude plus conforme à l'article 62 de la Constitution, qui dispose que ces décisions s'imposent à tous !

En l'occurrence, le Conseil a considéré que, dès lors que les propriétaires bailleurs n'étaient soumis qu'à un paiement par an, il n'y avait pas double imposition...

M. Jean-Luc Warsmann - La disposition peut être constitutionnelle et inéquitable !

M. le Secrétaire d'Etat - Venons-en à la difficulté sur laquelle vous avez insisté : les cas où il y a interruption de la location et pour lesquels nous avons justement prévu le remboursement par l'Etat du trop-perçu. Votre proposition reviendrait à ne faire payer, en 1999, que le droit de bail correspondant au dernier trimestre de 1998. Du point de vue technique, j'observe que cela reviendrait à exiger des bailleurs une nouvelle déclaration de leurs revenus, après celle qu'ils ont dû déposer avant le 15 mars : cela ne va guère dans le sens de la simplification. Cependant, mon objection principale est autre : contrairement à ce qu'a soutenu le rapporteur, le politique doit l'emporter sur le technique ! Or ce à quoi aboutit M. Delalande, c'est à n'exiger de ces bailleurs que le quart de ce qu'ils devraient payer. Pour qui est épris de justice, voilà qui devrait choquer ! (Exclamations sur les bancs du groupe du RPR) Je ne vois aucune raison de consentir un tel effort fiscal -vous avez parlé de 7 milliards- au profit d'une catégorie de contribuables, si estimable soit-elle !

M. Jean-Luc Warsmann - Parce que ces sept milliards, ils les auront avancés !

M. le Secrétaire d'Etat - En 1999, les propriétaires bailleurs paieront la même somme qu'en 1998. Si vous ne les faites payer que sur un trimestre, vous divisez leur contribution par quatre : le calcul me semble d'une simplicité évangélique !

Il reste un défaut qu'ont souligné Mme Fraysse et M. Cahuzac : le remboursement est soumis à une condition de vacance de neuf mois. Il est exact que de nombreux parlementaires -139 députés et 44 sénateurs- m'ont interpellé sur ce point, mais je leur ai répondu à tous. Ces réponses ne sont pas encore parues au Journal officiel mais, lorsque ce sera fait, je pense qu'elles seront de nature à vous rassurer. Cela dit, comment remédier au défaut ?

M. Jean-Luc Warsmann - Quel aveu !

M. le Secrétaire d'Etat - Je vous écoute, ce me semble. Cela peut vous surprendre : entre 1993 et 1997, on avait la nuque trop raide pour faire de même (Exclamations sur les bancs du groupe du RPR), mais nous avons, nous, le sens du dialogue, même s'il s'agit de répondre à l'opposition !

Pour remédier au défaut que j'évoquais, on ne peut improviser, ni s'en remettre à la mesure injuste qui consisterait à exonérer les propriétaires bailleurs de 7 milliards -et je ne parle pas des gages qui seraient alors nécessaires, comme l'a souligné M. Cahuzac, pour compenser cette diminution de recettes...

M. le Rapporteur - Mais il n'y a pas perte de recettes !

M. le Secrétaire d'Etat - Si, dès lors que les bailleurs paieraient en 1999 quatre fois moins qu'en 1998 !

Je retiendrai donc l'idée avancée par Mme Fraysse et M. Cahuzac : c'est dans le prochain projet de loi de finances que nous devrons définir des modalités plus adaptées aux différents cas d'interruption de la location. Nous allons par conséquent y réfléchir ensemble, Gouvernement, parlementaires et professionnels. Je crois que cette proposition satisfait à la fois à votre exigence de simplification et d'équité, et qu'elle témoigne de la volonté de dialogue du Gouvernement. J'appelle donc l'Assemblée à suivre le sage avis de la commission des finances, qui n'a pas rendu de conclusions sur cette proposition et a décidé de ne pas passer à la discussion des articles.

M. Georges Tron - C'est la troisième fois qu'on nous fait le coup ! Si c'est cela, le dialogue...

M. le Secrétaire d'Etat - Je crois au contraire manifester une attitude ouverte et responsable ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste)

M. le Rapporteur - J'ai l'impression d'assister à un véritable dialogue de sourds et je le regrette. L'opposition ne conteste pas la simplification administrative, mais ses modalités. Ce n'est pas au contribuable à payer la réforme de l'administration. Vous reconnaissez qu'il y a superposition d'assiette et l'étalement du dégrèvement prouve qu'il y a double imposition. Selon vous, en appliquant notre proposition, en 1999 le contribuable ne paierait qu'un trimestre. Mais l'Etat ne perdra rien puisqu'en 2000 le contribuable paiera pour toute l'année 1999 ! Le vrai problème, c'est donc d'assurer la trésorerie ("Très bien !" sur les bancs du groupe du RPR). Il serait normal que l'Etat qui décide la réforme et en bénéficie en supporte la charge.

La difficulté n'est nullement politique, mais technique. Elle est aisée à surmonter et j'ai proposé plusieurs pistes. Vous les repoussez...

Le Conseil constitutionnel a tranché, dites-vous encore, et nous serions mauvais perdants. Non, vous êtes plutôt de mauvaise foi. Reconnaître qu'une décision n'est pas inconstitutionnelle ne clôt pas le débat : elle n'est pas pour autant la meilleure, et, en l'occurrence, elle est inéquitable;

Tous les groupes ont reconnu le problème. Vous avez reçu des questions écrites. M. Cahuzac a demandé qu'on corrige le dispositif. Vous-même vous interrogez sur la période de vacance de neuf mois et vous allez travailler de nouveau la question avec les professionnels et les parlementaires. Puisque le problème existe, que nous avons tous des éléments, pourquoi attendre ? Rassurons dès maintenant les bailleurs concernés. Je vous appelle à la sagesse (Applaudissements sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL).

Mme la Présidente - La commission n'ayant pas présenté de conclusions, l'Assemblée, conformément à l'article 4, alinéa 3, du Règlement, est appelée à statuer sur le passage à la discussion des articles du texte initial de la proposition de loi.

Conformément aux dispositions du même article du Règlement, si l'Assemblée vote contre le passage à la discussion des articles, la proposition de loi ne sera pas adoptée.

Je suis saisie par le groupe RPR d'une demande d'explication de vote.

M. Georges Tron - Comment pouvez-vous faire sans cesse appel au dialogue et refuser même la discussion des articles ?

C'est la deuxième fois en deux semaines qu'on nous fait le coup ! Si toute proposition déposée par l'opposition est, par nature, mauvaise, dites-le nous. Celle que défendait M. Balladur était également de nature technique. On pouvait ne pas être d'accord, trouver nos arguments mauvais. Mais apparemment vous avez raison sur tout, nous avons tort sur tout. Cessez donc de parler de ce dialogue que fonde la méthode Jospin tout en refusant de discuter ! (Applaudissements sur les bancs du groupe du RPR, du groupe DL et du groupe UDF)

M. le Secrétaire d'Etat - Nous venons d'avoir pendant une heure et demie un débat de fond qui a amené le Gouvernement à évoluer. Je trouve donc vos propos un peu vifs en ce qui concerne le débat d'aujourd'hui.

Plusieurs députés RPR - Alors poursuivons-le !

L'assemblée, consultée, décide de ne pas passer à la discussion des articles.

Mme la Présidente - L'Assemblée ayant décidé de ne pas passer à la discussion des articles, la proposition de loi n'est pas adoptée.

Prochaine séance, cet après-midi à 15 heures.

La séance est levée à 10 heures 40.

          Le Directeur du service
          des comptes rendus analytiques,

          Jacques BOUFFIER


© Assemblée nationale


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