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Assemblée nationale

COMPTE RENDU

ANALYTIQUE OFFICIEL

Session ordinaire de 1998-1999 - 101ème jour de séance, 259ème séance

2ème SÉANCE DU MARDI 1er JUIN 1999

PRÉSIDENCE DE M. Laurent FABIUS

          SOMMAIRE :

QUESTIONS AU GOUVERNEMENT 2

    LUTTE CONTRE LE CHÔMAGE 2

    KOSOVO 2

    ÉQUILIBRE DES COMPTES SOCIAUX 3

    FISCALITÉ 4

    DROITS DE L'OPPOSITION - DOUBLE IMPOSITION DES PROPRIÉTAIRES-BAILLEURS 5

    PRIME À L'AMÉNAGEMENT DU TERRITOIRE 6

    SÉCURITÉ SANITAIRE 6

    SITUATION DES MÉDECINS URGENTISTES 7

    POLITIQUE DE LA FRANCE DANS LA CARAÏBE 7

    SÉCURITÉ ALIMENTAIRE 8

    FRUITS ET LÉGUMES 9

    DÉVELOPPEMENT DE L'ÉCONOMIE TOURISTIQUE 9

ÉPARGNE ET SÉCURITÉ FINANCIÈRE (nouvelle lecture) 10

La séance est ouverte à quinze heures.


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SOUHAITS DE BIENVENUE À UNE CLASSE

M. le Président - Je vous demande de bien vouloir saluer la présence tout à fait exceptionnelle dans les tribunes des élèves d'une classe d'un lycée professionnel de Marseille, partis il y a un mois de leur ville pour venir, à pied, assister à notre séance (Mmes et MM. les députés ainsi que Mmes et MM. les ministres se lèvent et applaudissent).


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QUESTIONS AU GOUVERNEMENT

M. le Président - L'ordre du jour appelle les questions au Gouvernement.

LUTTE CONTRE LE CHÔMAGE

M. Jean-Paul Durieux - L'emploi est la priorité du Gouvernement, c'est aussi la préoccupation majeure de nos concitoyens. Nous avons donc appris avec satisfaction que 17 000 personnes au chômage avaient retrouvé une activité professionnelle au cours du seul mois d'avril, portant à 285 000 la diminution du nombre de demandeurs d'emploi depuis l'été 1997. Ce chiffre est à rapprocher des 400 000 demandeurs d'emploi supplémentaires enregistrés entre 1993 et 1997 (Protestations sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL).

Ces résultats, encourageants, restent à conforter et à amplifier. Madame la ministre de l'emploi et de la solidarité, quelle est votre analyse de la situation et quels moyens entendez-vous utiliser pour poursuivre dans cette voie ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe RCV)

Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité - Le Gouvernement a fait de l'emploi sa priorité (Ah ! sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL) et cela se voit dans les faits : 17 000 chômeurs de moins en avril, 55 000 de moins sur deux mois, 285 000 depuis 21 mois. Jamais notre pays n'a connu une diminution du chômage aussi forte et aussi durable.

Cette évolution tient bien sûr à une croissance forte mais celle-ci, vous le savez, ne se décrète pas. Si elle a bénéficié d'une conjoncture internationale satisfaisante, nous avons aussi relancé la consommation et ramené la confiance, ce qui a contribué à la soutenir. Et aujourd'hui, la France a l'un des taux de croissance les plus élevés parmi les pays industrialisés.

Depuis hier, j'entends dire que dans d'autres pays, le chômage reculerait plus vite. Or les chiffres de l'OCDE confirment que c'est la France qui fait le mieux en ce domaine, à l'exception de l'Espagne, où, il est vrai, le taux de chômage atteignait 21 %.

La croissance a permis de créer 620 000 emplois en 21 mois, record inégalé. Mais comme nous savions que cela ne suffirait pas, nous avons accompagné ce mouvement. On compte aujourd'hui 198 000 emplois-jeunes et la réduction du temps de travail a d'ores et déjà permis la création de 60 000 emplois, ce rythme s'accélérant, comme nous l'avions escompté.

Cela étant, trop de nos concitoyens demeurent au bord du chemin, notamment les chômeurs de longue durée. C'est pourquoi la loi contre les exclusions les fait bénéficier d'une priorité, leur permettant, en liaison avec l'ANPE, de prendre un nouveau départ. Et depuis trois mois, leur nombre a diminué de 60 000, ce qui est encourageant, même si ce n'est pas suffisant.

Par ailleurs, dans quelques jours au sommet de Cologne, le Premier ministre défendra, aux côtés du Président de la République, la prise en compte de l'emploi dans la politique économique de l'Europe, comme il l'avait fait au sommet de Luxembourg.

Ces résultats, les meilleurs que nous ayons jamais connus, nous encouragent à persévérer dans les voies tracées. Nous devrons notamment compléter les mesures déjà prises par une réduction des charges sociales pesant sur le travail. Ce gouvernement aura fait la preuve en deux ans que, lorsqu'on fait de l'emploi sa priorité, il est possible d'obtenir des résultats concrets (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe RCV et sur quelques bancs du groupe communiste).

KOSOVO

M. Gérard Fuchs - Ma question s'adresse au Premier ministre. La France a décidé le 24 mars dernier de s'associer à l'action de l'OTAN contre le régime de M. Milosevic. Cette décision était juste : nous ne pouvions laisser se poursuivre l'épuration ethnique au Kosovo, sans réagir. Cette décision était nécessaire : après le drame de la Bosnie, nous savons malheureusement que le président serbe ne recule que devant la force. Pour autant, notre objectif n'a jamais été de gagner une guerre, que nous n'avons d'ailleurs pas déclarée. Il est seulement de permettre le retour en sécurité des Kosovars dans leur pays.

Le gouvernement français n'a jamais cessé de rechercher une solution diplomatique, en réintroduisant les Nations unies et la Russie dans les négociations comme en faisant jouer à l'Union européenne le rôle le plus important possible pour faire contrepoids aux Etats-Unis.

Pour la première fois aujourd'hui, le régime serbe, ébranlé, paraît prêt à négocier, ayant accepté, verbalement du moins, les principes du plan de paix posés par le G8.

Après dix ans de guerre en ex-Yougoslavie, dix ans de massacres, de viols et de déplacements forcés de populations, personne ne saurait ici être naïf. Pour autant, Monsieur le Premier ministre, ne pensez-vous pas qu'un tournant a peut-être été pris dans le conflit du Kosovo ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe RCV)

M. Lionel Jospin, Premier ministre - Soixante-neuf jours après le début des frappes au Kosovo, Belgrade s'est dit "prêt à accepter les principes fixés par le G 8 et à donner son accord à l'adoption d'une résolution par le Conseil de sécurité". Nous ne devons pas ignorer ce geste attendu, exigé de la communauté internationale, qui ouvre des perspectives nouvelles et permettra peut-être même de trouver une issue.

Cette déclaration de Belgrade doit donc être considérée avec attention, sans naïveté non plus que sans excès de scepticisme. Sans naïveté car rien dans les actes de M. Milosevic, ni après ni avant les frappes, n'autorise à considérer sans réserve les dispositions qu'il affiche aujourd'hui. Sans excès de scepticisme car, étayée par des actes, cette position faciliterait le processus diplomatique auquel la communauté internationale, et en son sein particulièrement la France, travaille sans relâche. La présidence de l'Union européenne partage cette approche, comme en atteste le communiqué franco-allemand adopté à Toulouse par le Président de la République, le chancelier allemand et moi-même.

Le président finlandais examine aujourd'hui même à Bonn, avec M. Tchernomyrdine et l'émissaire américain, M. Talbott, puis dans un second temps avec le président de l'Union européenne, le chancelier Schröder, le crédit à apporter à cette déclaration et la manière d'y répondre. Après cette évaluation collective, à laquelle est associée également l'Alliance, et après le débat qui s'est tenu hier à Bruxelles au conseil affaires générales de l'Union, M. Ahtisaari doit se rendre mercredi à Belgrade, en compagnie de M. Tchernomyrdine pour vérifier si les déclarations yougoslaves s'accompagnent d'un changement d'attitude effectif.

Les autorités françaises sont favorables à la convocation d'une réunion du G8, incluant la Russie, afin de finaliser le projet de résolution qui permettrait de trouver un règlement politique à la crise.

Naturellement, jeudi et vendredi prochains, lors du conseil européen de Cologne, les chefs d'Etat et de Gouvernement débattront de la situation au Kosovo et apprécieront avec M. Ahtisaari les résultats de sa mission.

Enfin, le projet de pacte de stabilité pour l'Europe du Sud-Est, élaboré par les Quinze, s'efforce, au-delà de la résolution de la crise actuelle, d'améliorer le sort des populations des Balkans. La France y travaille activement.

De même notre pays continuera d'apporter son appui au tribunal pénal international. Celui-ci vient d'inculper M. Milosevic et quatre autres hauts responsables yougoslaves en activité pour crimes contre l'humanité et pour violation du droit de la guerre.

Cette décision d'une juridiction indépendante créée par les Nations unies marque une étape décisive : les assassins et les criminels de guerre ne pourront plus échapper à la loi internationale. Le gouvernement français s'est toujours prononcé pour le respect et le développement du droit international ; il n'a pas ménagé ses efforts pour que soit créée la Cour pénale internationale, qui a vu le jour à Rome en juillet 1998. Le Congrès débattra de la révision constitutionnelle que cette création impose le 28 juin prochain.

Sommes-nous à un tournant de ce conflit ? Il est prématuré de l'affirmer. Tout en maintenant notre pression militaire, nous continuerons nos efforts diplomatiques pour rétablir le droit là où il est bafoué et soulager les souffrances de ceux qui sont déportés, maltraités, privés de leur dignité. Le temps de la sécurité et de la paix reviendra pour eux au Kosovo (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe RCV).

ÉQUILIBRE DES COMPTES SOCIAUX

M. Alfred Recours - La commission des comptes de la Sécurité sociale s'est réunie hier. Après 232 milliards de déficit cumulé sur les années 1993-1996,...

Un député RPR - Et avant ?

M. Alfred Recours - ...après 55 milliards en 1996 et 35 en 1997, nous en sommes à 17 milliards annoncés pour 1998 et 5 milliards pour 1999 (Interruptions sur les bancs du groupe du RPR, du groupe DL et du groupe UDF). La décroissance est nette, mais un déficit subsiste. Nous devrons certes payer jusqu'en 2017 les déficits accumulés entre 1993 et 1997 (Protestations sur les mêmes bancs). Le déficit de la Sécurité sociale pose le problème de son avenir.

Comment se ventilent les 17 milliards et les 5 milliards annoncés pour 1998 et 1999 ? Et comment parviendrons-nous enfin au déficit zéro ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe RCV)

M. Bernard Kouchner, secrétaire d'Etat à la santé et à l'action sociale - Nous ne nous satisfaisons pas de ce déficit de 5,2 milliards, et nous aurions souhaité être à l'équilibre. Je vous remercie cependant d'avoir souligné que nous sommes sur une pente positive par rapport aux années précédentes (Exclamations sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL).

M. Jean Ueberschlag - Parlez-nous donc de la période 1988-93 !

M. le Secrétaire d'Etat - Je n'aurai pas la cruauté de rappeler les prévisions de certains qui sont ici (M. Alain Juppé brandit un journal). Vous aviez prévu 12 milliards de bénéfice pour l'assurance maladie en 1997 : ce furent 37 milliards de déficit, soit une erreur de 49 milliards... (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste ; exclamations sur les bancs du groupe du RPR et du groupe DL)

Sur l'avenir, j'évoquerai quelques directions de travail du Gouvernement. La première a consisté à substituer la CSG aux cotisations maladie. S'y ajoutent différentes mesures structurelles, qui vont se poursuivre. Certains postes sont en effet fidèles aux engagements, comme les hôpitaux. En revanche les cliniques privées ont dérapé de 4 % (Exclamations sur quelques bancs du groupe socialiste). Concernant les professions médicales, la dépense la plus préoccupante est celle des prescriptions, notamment médicamenteuses. Elles ont connu un dérapage de 8,1 %. Nous nous en préoccupons, en concertation avec les professions : nous avons signé, contre toute attente, avec les radiologues, les cardiologues, les pharmaciens (Exclamations sur les bancs du groupe du RPR et du groupe DL). Quant au médicament, il s'agit d'une démarche de plus grande ampleur encore : dans chaque classe nous allons lister les médicaments qui rendent un réel service médical, et pénaliser ceux dont ce n'est pas le cas. Parmi les innovations proposées, la plus importante est le générique et la substitution ; un plan est discuté avec les pharmaciens, et des propositions seront faites avant l'examen de la loi de financement. Voilà comment nous continuons à essayer de réduire le déficit (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe RCV).

FISCALITÉ

M. Philippe Briand - Je conseille à M. Kouchner l'exercice de la médecine plutôt que celui de la comptabilité publique. Le déficit, qui était de 40 milliards en 1995, était passé à 14 milliards en 1997 : le chiffre est le même aujourd'hui. Le résultat obtenu en deux ans n'est donc pas fabuleux ! (Applaudissements sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL)

Pendant deux ans, Monsieur le Premier ministre, les Français ont goûté chaque jour aux délices de votre politique fiscale. Personne n'a été oublié : les ménages, avec deux hausses de la CSG, les familles avec enfants, avec la baisse du plafond du quotient familial, les entreprises, avec une surtaxe de 20 milliards d'impôt sur les sociétés, alors que nos voisins européens réduisent cet impôt... Les Français n'oublient pas non plus la hausse de la redevance TV et des prélèvements sur l'essence et sur le tabac. Et vous allez jusqu'à taxer deux fois le même revenu, dans le cas des propriétaires bailleurs ! (Applaudissements sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL) Votre imagination fiscale est sans limites. Ainsi, vous annoncez la création d'une écotaxe, et une nouvelle contribution sur les bénéfices des sociétés -censée financer des baisses de charges, mais nul n'est dupe : il s'agit bien d'un nouvel impôt, alors que les 35 heures ne devaient rien coûter. Pour être juste, je rappellerai quand même que vous avez réduit de dix francs par mois la TVA sur les abonnements EDF-GDF...

Quand mettrez-vous fin à cet excès fiscal ? Il est caractéristique de votre Gouvernement, et vous distingue de vos amis européens, avec qui vous battez les estrades, mais n'avez pas le même langage... (Applaudissements sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL)

M. Dominique Strauss-Kahn, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie - Je vous remercie de votre première remarque, qui était exacte : fin 1997, le déficit de la Sécurité sociale était bien de 14 milliards. Mais ce qu'a dit M. Kouchner était exact aussi : les prévisions du gouvernement que vous souteniez étaient un déficit de 4,7 milliards ! Simplement un événement s'est produit depuis, le changement de gouvernement en juin 1997 (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe RCV), dont les résultats ont donné raison aux Français.

Quant à votre question, je laisse de côté son caractère malicieux, quand vous oubliez par exemple que l'augmentation de la CSG était la compensation d'une suppression de cotisations. Vous oubliez aussi, quand aujourd'hui le Gouvernement propose un financement spécifique sur les bénéfices des entreprises, qu'il s'agit de financer une baisse du coût du travail pour les salariés les moins qualifiés. Le point essentiel que vous négligez, c'est que le taux des prélèvements obligatoires n'a pas augmenté (Exclamations sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL). Je sais que cela vous surprend, tant vous êtes habitués à penser qu'un gouvernement ne peut faire autrement que d'accroître les prélèvements (Mêmes mouvements). C'est ce que vous avez fait vous-même : les années 1995-1997 ont connu la plus forte hausse des prélèvements obligatoires de ces vingt dernières années (Mêmes mouvements).

Il y a une preuve à ce que je dis. Vous soutenez que trop d'impôts n'est pas bon pour le pays. Le Gouvernement en est d'accord (Interruptions sur les bancs du groupe du RPR, du groupe DL et du groupe UDF). En juin 1997, le premier ministre a annoncé qu'il commencerait par stabiliser les prélèvements, pour ensuite les réduire. La stabilisation est faite. Car si les impôts avaient augmenté comme vous le prétendez, selon votre logique même, nous n'aurions pas les bons résultats économiques que nous avons et dont vous n'avez pas été capables (Mêmes mouvements). Ce qui les a permis, c'est la stabilité des prélèvements. Les Français le savent qui, jour après jour, voient notre croissance supérieure à celle de nos voisins et notre chômage en recul. Laissez-nous continuer dans cette voie : stabilisation, puis réduction des prélèvements ! Je comprends que ce sujet vous gêne : vous avez été les plus grands taxeurs des années 90 ! Nous corrigeons vos bêtises, au rythme où le permet l'économie : mieux vaut les corriger que d'être ceux qui les ont faites ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe RCV ; exclamations sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL)

DROITS DE L'OPPOSITION - DOUBLE IMPOSITION DES PROPRIÉTAIRES-BAILLEURS

M. Georges Tron - MM. Kouchner et Strauss-Kahn ont négligé de rappeler qu'en 1995 deux ans de déficit de la Sécurité sociale n'étaient pas financés... (Applaudissements sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL) Ma question s'adresse à M. le Premier ministre et reste dans le domaine fiscal, pour évoquer à la fois la méthode et le fond. La méthode, d'abord. Dans votre déclaration de politique générale, vous disiez vouloir que le Parlement joue pleinement son rôle et que l'opposition exerce pleinement ses droits. Or je constate que dix propositions de loi de l'opposition étant venues en discussion depuis le début de la législature, à dix reprises nous n'avons pas eu la possibilité de passer à l'examen des articles. Est-ce votre conception du dialogue ?

Le fond, ensuite. Une de ces propositions, déposée la semaine dernière, concernait l'imposition des propriétaires-bailleurs. Le Gouvernement a trouvé le moyen d'imposer deux fois les mêmes contribuables, sur la même assiette et sur la même période ! Cinquante députés de la majorité ont interrogé le Gouvernement à ce sujet : ils n'ont pas obtenu de réponse.

Monsieur le Premier ministre, cette façon de traiter l'opposition et ses propositions correspond-elle à votre vision des droits de l'opposition ? Et la double imposition correspond-elle à votre vision de la justice fiscale ? (Applaudissements sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL)

M. Dominique Strauss-Kahn, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie - Pour ce qui est des propositions de loi de l'opposition, il m'est arrivé de participer à la discussion de l'une d'elles, due à M. Douste-Blazy, et qui vous a occupés assez longtemps. Mais je note que, s'agissant des grands projets de la législature, vous avez usé d'un subterfuge afin que le PACS ne puisse être discuté... (Exclamations sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL) Donc, si quelqu'un empêche la discussion, ce n'est pas la majorité (Vives exclamations sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL). Et quand on discute avec vous, vous ne savez que crier ! (Même mouvement)

Ensuite, le droit de bail. Vous savez parfaitement que ce que vous dites est faux : il n'y a pas double imposition sur une même assiette. La meilleure preuve, c'est que vous en avez appelé au Conseil constitutionnel, et qu'il vous a donné tort. Alors, si vous continuez tout de même à poser encore et toujours la même question, je ne peux que répéter la même réponse : non, il n'y aura pas de double imposition. Et si vous souhaitez discuter sur tout autre sujet qui n'ait pas encore été tranché par l'instance suprême, le Gouvernement est à votre disposition (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe RCV).

PRIME À L'AMÉNAGEMENT DU TERRITOIRE

M. René Couanau - Beaucoup d'élus ont été choqués de la manière arbitraire, centralisée, discrétionnaire dont la ministre de l'environnement a redécoupé le territoire national pour l'affiliation de la PAT. Aux questions, courriers, demandes de rendez-vous, argumentaires, elle n'a opposé qu'un silence discourtois pour les milliers d'élus qui s'inquiètent des conséquences qu'aura pour leur bassin d'emploi l'exclusion de la PAT.

Vos services, harcelés, ont fini par assurer que des critères objectifs avaient été définis -par qui, et comment ?-, et que les ordinateurs faisaient le reste (Exclamations sur les bancs du groupe du RPR). Mais cette logique absurde et aveugle n'a pas été respectée, puisque l'application des critères n'a pas été la même partout.

Au moment où les pays s'organisent vous venez avec des oukases couper leur élan, saper leur confiance dans l'Etat, dans un domaine où le partenariat devrait s'imposer. Quelle est votre politique d'aménagement du territoire ? Quels sont ses outils, en dehors de la PAT ? Quelle compensation envisagez-vous pour les bassins d'emploi qui subiront l'effet de vos décisions ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF, du groupe du RPR et du groupe DL)

Mme Dominique Voynet, ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement - Laissez-moi vous le dire très directement, vous n'êtes pas sérieux ! (Vives protestations sur les bancs du groupe du RPR, du groupe DL et du groupe UDF)

Depuis des mois, j'ai animé une concertation sur les critères, j'ai reçu, avec les membres de mon cabinet, des centaines de délégations d'élus -en particulier de votre région, vous le savez très bien.

A la différence de ce qui arrivait dans le passé, la nouvelle carte a été élaborée sur la base de critères objectifs, afin d'éviter tout risque de clientélisme. A l'opacité et au clientélisme du passé, nous avons substitué des critères vérifiables par tous : revenu moyen inférieur à la moyenne nationale ; taux de chômage supérieur à la moyenne ; taux de dépopulation. A ces trois critères, nous avons ajouté trois considérations subsidiaires : volonté d'anticiper sur des suppressions massives d'emplois ; volonté de répondre aux inquiétudes des zones sortant de l'objectif 1 ; souci de prendre en compte la situation particulière de certaines périphéries de grandes villes où le taux de chômage est très élevé.

De tout cela il est résulté une carte qui a été transmise à Bruxelles. La Commission s'est étonnée de ce dernier point, qui aboutit à isoler des zones inférieures aux bassins d'emploi -mais nous considérons que c'est justifié et allons l'expliquer à la Commission.

Cette carte n'est pas une carte politique, elle fait ressortir les régions les plus en difficulté. Ce qui m'étonne, c'est votre étonnement quand nous procédons à une répartition équitable (Applaudissements sur les bancs du groupe RCV, du groupe socialiste et du groupe communiste).

SÉCURITÉ SANITAIRE

M. Jean-François Mattei - Ma question pourrait s'adresser au ministre de l'agriculture, à celui du commerce extérieur ou à celui des affaires étrangères. Mais je la poserai à M. le secrétaire d'Etat à la santé. Il s'agit de la sécurité sanitaire de notre alimentation.

Nous avons été un certain nombre à nous élever il y a quelques mois contre la décision de lever l'embargo sur la viande bovine britannique. Mais Bruxelles a estimé qu'il n'y avait pas de raison scientifique de prolonger l'embargo. Quel est votre point de vue là-dessus ?

Nous avons été aussi un certain nombre à nous émouvoir du conflit entre les Etats-Unis et l'Europe à propos de la viande aux hormones. Nos consommateurs ne veulent pas de cette viande. Quel est votre point de vue là-dessus ?

Ces jours-ci vient d'éclater l'affaire des poulets, qui touche au premier chef nos voisins belges, mais nous intéresse aussi. Il y a eu là, semble-t-il, un dysfonctionnement du contrôle sanitaire. Quel est votre point de vue à ce sujet ?

Enfin, la semaine dernière, notre collègue Cochet a posé une question sur les OGM, que j'aurais pu à peu près reprendre à mon compte. Nous avons entendu la réponse du ministre de l'agriculture, mais j'aimerais connaître aussi la vôtre : ce problème de sécurité alimentaire devient une question de société qui relève de l'interministériel, et mériterait enfin un débat d'ensemble. Pensez-vous que l'agence de sécurité alimentaire vous donne réellement les moyens d'assumer vos responsabilités ? (Applaudissements sur les bancs du groupe DL, du groupe du RPR et du groupe UDF)

M. Bernard Kouchner, secrétaire d'Etat à la santé et à l'action sociale - Nous essaierons d'assumer au mieux nos responsabilités, avec votre concours. En ce qui concerne la viande anglaise, nous nous sommes abstenus à Bruxelles (Vives exclamations sur les bancs du groupe du RPR). Nous n'accepterons de viande anglaise sur notre territoire que si elle ne met en rien en danger la santé de notre population -et pour l'instant, nous ne l'avons pas acceptée.

S'agissant du conflit avec les Etats-Unis, nous nous battons contre la décision de l'OMC. Nous n'accepterons cette viande américaine soumise aux hormones que si des experts nous garantissent qu'elle est sans danger pour la population.

En ce qui concerne les poulets à la dioxine, nous avons été prévenus le 28 mai, et dès le 29, mes services faisaient retirer de la vente en supermarché tout ce qui pouvait être reconnu comme d'origine belge.

Enfin, je suis partisan d'une agence sécurité et environnement, il faut la faire. Il est vrai cependant que nous manquons souvent d'expertise en Europe : c'est tout l'objectif de l'agence de sécurité alimentaire, dont le conseil sera installé dans quelques jours, que de renforcer notre capacité d'expertise (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

SITUATION DES MÉDECINS URGENTISTES

M. Patrick Leroy - Le mouvement de grève des médecins urgentistes est favorablement accueilli dans la population. Ils dénoncent l'insuffisance des moyens, qui rend difficile l'exercice de leur fonction à la fois médicale et sociale, et la précarité de leur statut alors qu'ils exercent de lourdes responsabilités et travaillent parfois 250 heures par mois, ce qui ne peut être sans conséquence sur la qualité des soins. Nous soutenons leur action. Ils demandent la reconnaissance de leur profession, la création de postes statutaires à plein temps et des moyens supplémentaires. Leurs représentants syndicaux auraient été reçus hier soir au ministère. Quelles mesures sont prévues pour répondre à leurs attentes ? (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste)

M. Bernard Kouchner, secrétaire d'Etat à la santé et à l'action sociale - Les urgentistes ont effectivement été reçus hier soir. Je partage tout à fait votre diagnostic sur le manque d'effectifs des urgences, qui sont souvent la porte d'entrée à l'hôpital, et la précarité du statut des médecins qui y travaillent et sont souvent des généralistes. Neuf millions de personnes fréquentent les urgences chaque année. Mais je vous rappelle ce que Mme Aubry et moi-même avons déjà fait. Nous avons créé une centaine de postes dans les agences régionales de l'hospitalisation ainsi que 170 postes de praticien hospitalier aux urgences et 122 postes d'assistants aux urgences dès cette année. Nous avons réduit à trois ans d'exercice la condition nécessaire pour que les généralistes se présentent au concours, devant un jury d'urgentistes.

Hier, nous avons discuté de plusieurs pistes de travail, comme le gain d'un échelon de salaire pour les titulaires de diplôme d'urgentiste, la prise en charge de leur formation par les hôpitaux, la refonte de la grille globale des assistants et un recrutement important en 2000.

Mais c'est un véritable corps de praticiens hospitaliers urgentistes qu'il faut créer. Nous y travaillons avec ceux que nous avons reçus hier (Applaudissements sur quelques bancs du groupe socialiste).

POLITIQUE DE LA FRANCE DANS LA CARAÏBE

M. Alfred Marie-Jeanne - Ma question s'adresse à M. Hubert Védrine.

Comme l'écrivait Frantz Fanon : "quittons cette Europe qui n'en finit pas de parler de l'homme, tout en le massacrant partout où elle le rencontre, à tous les coins de ses propres rues, à tous les coins du monde".

Quittons donc la Corse et le Kosovo.

Pour Santo-Domingo et Paramaribo.

En République Dominicaine, s'est tenu, les 16 et 17 avril 1999, le deuxième sommet des chefs d'Etat et de gouvernement de l'association des Etats de la Caraïbe. Le président de la région Guyane a effectué une visite au Surinam du 26 au 29 avril.

A ces deux occasions, ont éclaté au grand jour des contradictions d'un autre âge.

Les Etats de l'A-E-C refusaient que la mer des Caraïbes soit utilisée pour le transport des déchets nucléaires et toxiques.

Mais la France, pays associé, a estimé qu'il n'y avait point de danger et a refusé d'approuver la déclaration de politique générale, ainsi que celles portant sur les risques naturels majeurs et le tourisme durable qui pourtant ne faisaient pas problème. A la dernière minute, on ôta le droit de signer au président de la région Guyane, pourtant chef de délégation.

D'autre part, l'ambassadeur de France au Surinam a tout fait pour contrecarrer et minimiser la représentation guyanaise pourtant invitée officiellement par le gouvernement d'un pays limitrophe.

Ces incidents sont pour le moins regrettables.

Le temps n'est-il pas venu de redistribuer les rôles en ce qui concerne les relations extérieures régionales et de permettre à la Guadeloupe, à la Guyane et à la Martinique de participer et d'intervenir de plein droit ? (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe RCV)

M. Pierre Lellouche - C'est scandaleux !

M. Charles Josselin, ministre délégué à la coopération et à la francophonie - La France a toujours rappelé que le transport de déchets dans la mer des Caraïbes se fait dans le respect du droit international et ne présente pas de danger. Elle avait demandé une réserve au paragraphe concernant cette question dans la déclaration politique du sommet A-C-E. Devant le refus du président du sommet, notre représentant, le président de la région Guyane n'a pas signé ce document. En revanche, contrairement à ce que vous dites, il a signé le protocole d'accord concernant le tourisme durable. Quant au protocole sur les risques naturels majeurs, les ministères compétents n'avaient pas terminé son examen. Mais il sera signé très rapidement.

Le président de la région Guyane s'est effectivement rendu à une invitation officielle au Surinam. Conformément à l'usage, c'est l'ambassadeur qui a préparé ce voyage et introduit le président auprès des autorités du pays. Le Gouvernement n'avait aucune intention de contrarier ce voyage.

Nous voulons encourager la coopération internationale et souhaitons que les collectivités locales, notamment les DOM-TOM, s'y impliquent. Après le Premier ministre, M. Queyranne et moi-même l'avons réaffirmé.

Le Premier ministre a désigné M. Lise, sénateur de la Martinique, et M. Tamaya, député de la Réunion, pour préparer un rapport sur ces questions. Nous en tirerons rapidement les conclusions et vous serez informés des décisions que nous serons conduits à prendre (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

SÉCURITÉ ALIMENTAIRE

M. André Aschieri - M. Kouchner a apporté des éléments de réponse, mais j'aimerais entendre le ministre de l'agriculture sur la question des poulets contaminés. On a une nouvelle fois la preuve qu'un certain type de production agricole et industrielle fait peser de graves risques sur la santé publique. Manifestement certains producteurs ont oublié que leur première fonction est de fournir une nourriture saine et de qualité. L'intérêt général est bradé au profit de quelques intérêts particuliers. Depuis longtemps les Verts, les associations de consommateurs et certains syndicats agricoles condamnent l'élevage et l'agriculture intensifs. La tolérance envers les rejets polluants met en danger la population.

Il est donc très urgent de rendre opérationnelle l'agence de sécurité sanitaire des aliments et de créer l'agence de santé-environnement pour fournir des informations plus indépendantes.

Pouvez-vous garantir que la contamination actuelle ne touche pas la production française ? Quelles mesures comptez-vous prendre en France et défendre en Europe pour qu'une politique de transparence, de prévention et fondée sur le principe de précaution permette d'éviter de nouvelles crises ? (Applaudissements sur les bancs du groupe RCV)

M. Jean Glavany, ministre de l'agriculture et de la pêche - Avec cette affaire, l'Europe de l'agriculture et de l'agroalimentaire traverse une nouvelle crise grave.

Le Gouvernement met en oeuvre le principe de précaution. Les autorités belges nous ont alertés le 28 mai. En trois jours nos services ont repéré la trentaine d'élevages français qui s'étaient fournis auprès de l'entreprise belge incriminée et quelques dizaines d'autres élevages qui s'étaient fournis auprès d'une entreprise française cliente de cette entreprise belge. Tous se sont vus notifier l'interdiction de commercialiser leurs produits. Nous pratiquons aussi la coopération internationale en échangeant des informations avec les Belges, qui jouent le jeu de la transparence avec rigueur, ainsi qu'avec d'autres pays menacés comme les Pays-Bas ou l'Allemagne. Actuellement le comité vétérinaire permanent se réunit à ce sujet.

En même temps, ne provoquons pas une psychose en montrant du doigt les producteurs de poulets ou d'oeufs qui sont déjà fragiles. Il faut prendre des mesures proportionnées à la menace afin de ne pas aggraver la crise.

Enfin, l'agence de sécurité sanitaire sera mise en place en juin et pourra évaluer les risques. Le conseil supérieur de l'hygiène publique qui travaille sur la dioxine depuis 1988 poursuivra ses travaux dans ce cadre (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

FRUITS ET LÉGUMES

M. Léon Vachet - Le secteur des fruits et légumes semble être le parent pauvre de la réforme de la PAC.

L'organisation commune des marchés a bien permis la transformation des groupements de producteurs en organisation de producteurs et présente certains avantages, mais son fonctionnement est trop bureaucratique. Peu de producteurs peuvent y adhérer -10 % seulement dans les Bouches-du-Rhône- et les autres sont privés des aides communautaires et autres.

Les fédérations nationales de producteurs de fruits et légumes souhaitent donc un assouplissement des règles d'adhésion et proposent la création d'associations de producteurs, aux règles moins rigides.

Cet assouplissement semble nécessaire car le secteur connaît depuis plusieurs années une grave crise qui a engendré la disparition de nombreuses exploitations -40 % dans les Bouches-du-Rhône- et a donc besoin d'urgence de différentes formes d'aide.

Quelles mesures entendez-vous prendre pour répondre aux préoccupations de la profession ? (Applaudissements sur les bancs du groupe du RPR)

M. Jean Glavany, ministre de l'agriculture et de la pêche - Effectivement l'OCM n'était pas à l'ordre du jour des réunions sur l'Agenda 2000. Néanmoins, elle a besoin d'être réformée et simplifiée. C'est dans ce but que le gouvernement français, en collaboration avec les organisations professionnelles, a rédigé un mémorandum qui a été déposé la semaine dernière auprès de la Commission de Bruxelles. Il est d'ores et déjà contresigné par les gouvernements italien et espagnol et les Grecs et les Portugais s'apprêtent à faire de même. Ce sujet sera à l'ordre du jour du conseil des ministres de l'agriculture du 14 juin (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

DÉVELOPPEMENT DE L'ÉCONOMIE TOURISTIQUE

M. Léonce Deprez - Les 71 milliards d'excédents de la balance des paiements démontrent que ce secteur est une source d'activités et d'emplois à exploiter. La politique d'économie touristique doit s'intégrer dans une politique d'aménagement du territoire et nécessite la solidarité européenne et nationale.

Le Gouvernement est-il prêt à associer le Parlement à un grand débat national pour doter l'économie touristique d'une législation nouvelle et cohérente et la faire bénéficier des fonds structurels européens ? Il y a là une chance à saisir pour rééquilibrer la vie économique et sociale sur le territoire. Pouvons-nous compter sur l'action du Gouvernement, soutenu par le Parlement, pour que les fonds structurels européens contribuent à ce développement ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF)

Mme Michelle Demessine, secrétaire d'Etat au tourisme - Le tourisme est effectivement un secteur économique prometteur. D'après l'organisation mondiale du tourisme, les flux touristiques devraient doubler d'ici 2020. En France ce secteur continue à créer de l'emploi depuis plusieurs années.

Le Gouvernement a démontré l'importance qu'il y attache en créant un département ministériel spécialisé et en augmentant un budget qui avait perdu un cinquième de ses moyens dans les dernières années. Il a aussi lancé une nouvelle politique du tourisme en France pour développer son potentiel économique certes, mais aussi pour favoriser l'accès de tous aux vacances.

Vous avez évoqué la solidarité européenne. Un important travail interministériel est réalisé actuellement et j'ai discuté avec Dominique Voynet d'une intervention des fonds structurels européens. Je puis vous assurer que les aides nationales prendront en compte le développement de l'économie touristique (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste et du groupe socialiste).

M. le Président - Nous avons terminé les questions au Gouvernement.

La séance, suspendue à 16 heures 5, est reprise à 16 heures 20, sous la présidence de M. d'Aubert.

PRÉSIDENCE DE M. François d'AUBERT

vice-président


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ÉPARGNE ET SÉCURITÉ FINANCIÈRE (nouvelle lecture)

M. le Président - J'ai reçu une lettre de M. le Premier ministre m'informant que la commission mixte paritaire n'ayant pu parvenir à l'adoption d'un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi relatif à l'épargne et à la sécurité financière, le Gouvernement demande à l'Assemblée nationale de procéder, en application de l'article 45, alinéa 4, de la Constitution, à une nouvelle lecture de ce texte.

En conséquence, l'ordre du jour appelle la discussion, en nouvelle lecture du projet de loi relatif à l'épargne et à la sécurité financière.

M. Dominique Strauss-Kahn, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie - Le Sénat a apporté des améliorations techniques à ce projet, qu'il s'agisse de la transposition d'une récente directive du Crédit foncier ou du fonctionnement des fonds de garantie.

Ce sont des divergences politiques sur la réforme des caisses d'épargne qui expliquent l'échec de la CMP. Ainsi, le Sénat a supprimé le dispositif du dividende social et le transfert de 18,8 milliards au Fonds de garantie pour les retraites. Par ailleurs, le Sénat souhaite indexer le taux du livret A sur l'inflation, ce qui serait banaliser ce produit financier. La ligne du Gouvernement, au contraire, est de préserver sa spécificité. Le Gouvernement a refusé d'ajuster ce taux vers le bas, jugeant nécessaire d'attendre la stabilisation des évolutions économiques et tout particulièrement de l'inflation.

Plus récemment, le Gouvernement a affirmé à plusieurs reprises la nécessité de mettre en place un véritable pôle financier public réunissant la Caisse des dépôts, la Caisse nationale de prévoyance -qui ne sera pas privatisée- le CEPME, La Poste et jusqu'au Crédit foncier. Il faut coordonner l'action de ces établissements pour les mettre au service de la croissance et de l'emploi.

Pour donner une certaine solennité à cet engagement, j'ai demandé au Président de l'Assemblée nationale l'insertion, dans l'exposé des motifs, d'une déclaration en ce sens.

Grande avancée sémantique : les groupements locaux d'épargne, dont l'acronyme GLE n'était pas très heureux, vont devenir des sociétés locales d'épargne -SOLE- grâce à un effort de créativité que je salue (Sourires).

On note aussi des avancées politiques. Si la commission a souvent souhaité rétablir le texte de l'Assemblée, des compromis ont pu être trouvés sur certains points. Ainsi, à l'article 6, relatif au dividende social, l'Assemblée avait fixé un plancher de 33 %. La commission des finances a aussi prévu un plafond, de façon que la part du dividende social soit bien encadrée.

A l'initiative du groupe communiste, des amendements ont été adoptés sur la spécificité du livret A ou la création d'une première part à tarif préférentiel, ce qui aidera les clients les moins fortunés des caisses d'épargne à devenir coopérateurs.

La commission des finances a aussi adopté des amendements déposés par des députés de différents groupes, dont un est cosigné par M. Douyère, votre rapporteur, et M. Jegou.

Ce projet nous revient enrichi. Il doit être voté définitivement avant la fin de la session, dans l'intérêt des caisses d'épargne et du Crédit foncier.

Le Gouvernement est ouvert à la discussion. Sur la collecte des sommes entrant dans le capital social, M. Douyère a imaginé une solution que nous sommes disposés à examiner.

Je suis de plus en plus convaincu que ce texte peut vous rassembler largement, compte tenu des amendements déjà adoptés et de ceux que le Gouvernement va accepter.

J'espère que nous aurons un débat dépassionné, rapide mais approfondi, à l'issue duquel nous donnerons aux caisses d'épargne le statut dont elles ont besoin (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe RCV).

M. Raymond Douyère, rapporteur de la commission des finances pour la réforme des caisses d'épargne - Il paraît d'autant plus important de mener à bien la réforme des caisses d'épargne que le secteur bancaire connaît des mutations considérables. Il faut donner au réseau des caisses d'épargne les moyens de s'adapter aux nouvelles conditions de la concurrence, de faire valoir ses spécificités et de tirer le meilleur parti de sa culture.

Je m'étais déjà réjoui, en première lecture, du caractère exemplaire du débat, au cours duquel les suggestions du Parlement avaient été écoutées.

Aujourd'hui encore, la discussion sur la réforme des caisses d'épargne fera la part belle à l'initiative parlementaire. La commission des finances, en effet, a adopté, comme en première lecture, de nombreux amendements, issus de tous les groupes politiques.

Par ailleurs, elle a approuvé des modifications apportées par le Sénat, d'ordre principalement technique, il est vrai.

Cette belle harmonie ne doit cependant pas faire oublier l'échec de la CMP. Plusieurs dispositions ne pouvaient faire l'objet d'un accord entre notre assemblée et le Sénat.

Le principal point d'achoppement a été l'organisation même du réseau. En effet, le Sénat avait choisi de substituer aux groupements locaux d'épargne des sections locales d'épargne qui auraient eu pour seul objet d'animer le sociétariat. Or l'une des ambitions du projet est d'ancrer les caisses d'épargne dans un sociétariat large, vivant et souple. A dissocier expression du sociétariat et détention de parts sociales, comme le proposait le Sénat, on risquerait de priver les caisses d'épargne de leur âme. Le sociétariat aurait été réduit à une masse informe dominée par quelques personnes morales, voire par la direction de la caisse régionale. C'est pourquoi la commission a souhaité maintenir les groupements locaux prévus par le texte initial. Elle a cependant accepté de les rebaptiser "sociétés locales d'épargne" (SOLE).

La commission a également rétabli l'agrément du président du directoire de la Caisse nationale, que le Sénat avait supprimé.

Des discussions importantes ont également eu lieu sur la composition du capital social et sur les bases de son évaluation. Le Sénat avait en effet supprimé le filet de sécurité des 25 % de certificats coopératifs d'investissements. Il avait en outre porté à 8 ans la période de mutualisation et prévu que le capital initial serait déterminé par référence à la moyenne des autres établissements de crédit mutualistes ou coopératifs, soit entre 13 et 15 milliards de francs. Sur ces points, la commission a souhaité parvenir à un accord. Elle a donc adopté, sur ma proposition, divers amendements tendant, tout en maintenant l'objectif de 18,9 milliards de francs de placements en parts sociales, à instituer un filet de sécurité, de façon notamment à pouvoir déterminer, au bout de quelques années, le montant minimal en deçà duquel les caisses d'épargne devront de toute façon faire appel à leurs fonds propres pour abonder le fonds de mutualisation. Si l'Assemblée adopte les amendements que j'ai proposés, le capital social ne devrait pas descendre en dessous de 15,9 milliards de francs.

Enfin, le Sénat a supprimé l'article 17 qui prévoyait des modalités spécifiques d'exercice du droit de dénonciation des accords collectifs par les syndicats. La commission propose de rétablir le texte adopté en première lecture avec un amendement du groupe communiste tendant à préciser l'article 29.

De nombreuses dispositions ont toutefois recueilli un accord des deux assemblées, qui laisse espérer un vote unanime du projet ici comme au Sénat.

Tout d'abord, le Sénat a conservé de nombreuses modifications apportées par l'Assemblée en première lecture, relatives notamment à l'objet social des caisses d'épargne, à la composition des conseils d'orientation et de surveillance, aux missions de la caisse nationale et de la fédération nationale, ou encore à l'amélioration de l'information des sociétaires. Il a de même conservé certaines simplifications apportées par l'Assemblée, comme la réduction à deux membres de la délégation de chaque caisse à la fédération.

Ensuite, la commission a adopté certaines des propositions du Sénat, telles que la neutralisation de l'effet fiscal de la réforme en matière de TVA ou encore la rationalisation de la désignation du président de la fédération, qui devra être choisi parmi les présidents de COS. Elle a également adopté une disposition qui, tout en garantissant aux caisses d'épargne la détention d'au moins 51 % du capital de la caisse nationale, ce qu'avaient souhaité les groupes de l'opposition mais aussi les acteurs concernés, permettront de développer plus aisément des partenariats, notamment avec les caisses d'épargne européennes. La commission a adopté, sur ma proposition, un amendement tendant à leur garantir au moins 60 % des parts durant la période transitoire.

L'enrichissement du texte intervenu en première lecture s'est poursuivi en nouvelle lecture devant la commission. Ainsi a-t-elle adopté, à l'initiative de MM. Cuvilliez, Feurtet, Vila et Brard, deux amendements visant, d'une part, à réaffirmer le maintien de la spécificité du Livret A, instrument de financement du logement social et de protection de l'épargne populaire, d'autre part, à indiquer que la contribution du réseau des caisses d'épargne pouvait s'exercer dans le domaine de l'emploi et de la formation.

Elle a également adopté un amendement tendant à permettre aux sociétés locales d'épargne de proposer aux sociétaires une première part sociale à un prix préférentiel, ce qui constitue une excellente initiative. Elle vous propose par ailleurs de permettre expressément aux sociétés locales de bénéficier du régime mère-fille, afin d'éviter une double imposition, conformément au souhait exprimé par M. Jegou en première lecture.

La commission a également souhaité spécifier que les parts sociales des SOLE ne peuvent être revendues qu'à leur valeur nominale, afin d'éviter toute spéculation.

Elle a adopté un amendement demandant à la fédération nationale d'organiser des séances régulières d'information à l'intention des sociétaires.

Le Sénat a supprimé le plancher, égal au tiers des sommes disponibles après mise en réserve, introduit par l'Assemblée pour l'affectation à des projets d'économie locale et sociale du "dividende social", instrument privilégié pour permettre aux caisses de s'ancrer dans l'économie de proximité.

Sans supprimer le plafond de distribution de ce dividende, réintroduit par le Sénat, la commission propose de rétablir le plancher voté en première lecture.

Le choix du statut coopératif proposé dans le projet répond parfaitement à la culture particulièrement riche des caisses d'épargne et à leur double nature, sociale et bancaire. C'est pourquoi la commission vous demande de bien vouloir adopter ce texte, compte tenu des précisions que je viens d'exposer (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

M. Dominique Baert, rapporteur de la commission des finances pour le renforcement de la sécurité financière - A l'issue de son examen par l'Assemblée, la seconde partie du projet comportait 57 articles. 56 sont aujourd'hui en discussion en nouvelle lecture mais le Sénat en a adopté 27 sans modification et a inséré 26 articles additionnels. La commission vous propose d'en adopter 34 conformes, si bien que n'en restent en fait que 22 en discussion. Nous souhaitons tous que les dispositions du texte relatives à la sécurité financière, décisives entre autres pour le renom de la place financière de Paris, entrent en vigueur rapidement.

Je me félicite donc que le Sénat ait conservé l'économie générale du texte. Cette approche d'une "maison commune" pour les fonds de garantie, qui était la vôtre, Monsieur le ministre, sera bien celle du dispositif final.

Le Sénat a retenu le texte de l'Assemblée pour la limitation de l'agrément à certaines activités, le renforcement des organes centraux des banques mutualistes, le système de contrôle interne et les relations de la commission bancaire avec les autorités de contrôle des Etats étrangers.

Il a approuvé l'architecture globale des trois mécanismes de garantie, qu'il s'agisse de leur statut juridique, de leurs modalités d'intervention ou de leur mode de financement.

Enfin, il a entériné les grandes lignes de la réforme des sociétés de crédit foncier.

Il a introduit de nouvelles dispositions qui constituent des avancées positives.

Il a transposé en droit français la directive du 19 juin 1995, dite "post-BCCI". Le retard pris par notre pays dans cette transposition était d'autant plus incompréhensible que la directive renforce les contrôles prudentiels. Le nouveau dispositif, applicable à l'ensemble du secteur financier, impose de nouvelles conditions d'agrément, aménage les règles du secret professionnel, renforce le rôle des commissaires aux comptes et vise à combattre des pratiques de dumping fiscal. La place financière de Paris y gagnera.

Le Sénat a également précisé que l'intervention, en cas de sinistre, du fonds de garantie des dépôts entraîne automatiquement la radiation et la liquidation de l'entreprise concernée.

Enfin, en modifiant le régime de l'indemnité pour remboursement anticipé, le Sénat a opportunément souhaité améliorer la situation de ceux de nos concitoyens victimes de ce que l'on appelle les "accidents de la vie".

En dépit de ces points d'accord, quelques divergences importantes subsistent.

Je proposerai à l'article 35 de revenir au texte initial, c'est-à-dire de nommer systématiquement un commissaire du Gouvernement auprès des organes centraux dotés de prérogatives de puissance publique.

Par ailleurs, l'Assemblée avait supprimé l'article 37 relatif à la mise en réserve des résultats des banques mutualistes et coopératives. Le Sénat propose une rédaction qu'il présente comme un compromis. Mais sa proposition est fortement réprouvée par le secteur mutualiste et coopératif lui-même, signe que la concertation n'est pas allée à son terme. A défaut de solution équilibrée et concertée, il paraît plus sage de maintenir la suppression de l'article 37, dans la mesure où, plutôt que le profit, la coopération privilégie l'économie sociale.

S'agissant des modalités d'intervention du fonds de garantie des assurés prévu à l'article 49, le Sénat a fait preuve d'une trop grande prudence. La commission, partageant sur ce point mon analyse, a considéré que la procédure d'appel mise en place par le Sénat et la fixation de limites globales à l'intervention du fonds contrevenaient à la logique même qui a présidé à l'institution d'un mécanisme de garantie. L'égalité de traitement entre assurés pourrait être rompu, ce qui n'est pas acceptable.

L'Assemblée avait voté en première lecture un mécanisme de garantie des cautions afin de résoudre un problème social urgent, reconnu sur tous les bancs. Le Sénat en a atténué la portée, en supprimant notamment sa rétroactivité, ce qui laisse entier le problème des victimes de la faillite de Mutua-Equipement. Le dispositif proposé est cohérent, même s'il est encore perfectible. Je reconnais sa lourdeur technique. Je sais aussi qu'il fait porter le poids de l'indemnisation sur les seules banques. Mais nous cherchons avant tout à résoudre un drame social et un déni de droit.

Le Sénat a rejeté la possibilité que l'Assemblée avait reconnue aux sociétés de crédit foncier de conserver des prêts aux établissements publics. Nous vous proposons de rétablir le texte initial.

On le voit, la navette a permis de parvenir à un consensus sur la majeure partie du texte. Des différences subsistent toutefois, et elles ne sont pas neutres en termes de conception de la société. Il appartiendra à l'Assemblée de trancher. Au moins le Parlement aura-t-il montré son attachement au renforcement de notre système financier. C'est pourquoi la commission des finances vous demande d'adopter la deuxième partie de ce projet, modifiée par les amendements qu'elle a votés (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

M. Yves Cochet - Pour notre part, nous avions déjà été satisfaits par le débat de première lecture et par ses résultats. Il avait apporté plusieurs améliorations, et notamment élargi et précisé les missions des caisses d'épargne, à l'article premier. Mais ces missions ne sont toujours pas suffisamment garanties. Ainsi, j'étais favorable à la théorie dite des trois tiers : un pour la réserve, un pour les dividendes des sociétaires, un, enfin, pour les missions d'intérêt général locales. De celles-ci, on a beaucoup parlé ; on les a fortement affichées à l'article premier : il leur fallait une garantie, un plancher. On avait donc décidé que leur financement ne pouvait pas tomber en dessous des dividendes. Le Sénat a transformé ce plancher en plafond. Il semble aujourd'hui que la théorie des trois tiers n'a plus cours ; le compromis que vous jugez acceptable, c'est au moins un tiers pour les missions d'intérêt général, mais pas plus que la moitié du reste. A mes yeux cela dévalorise ou disqualifie un peu l'affichage politique de l'article premier, pourtant renforcé par le travail de la commission, et notamment les amendements de M. Cuvilliez, que je soutiens, et qui précisent ces missions en matière d'emploi et de formation professionnelle. On leur fait un peu la part chiche, ou la part maudite... Mais, enfin, il y a quelque chose plutôt que rien, comme disent parfois les philosophes.

Nous avions, d'autre part, écarté, à l'article 5, l'intégration dans le conseil d'orientation et de surveillance des associations relevant de l'économie locale et sociale, de la protection de l'environnement et du développement durable. Je reste convaincu que ces associations, qui connaissent bien le terrain, faciliteraient le travail du conseil, en veillant à ce que les missions d'intérêt général soient remplies selon les besoins locaux.

Malgré ces réserves, nous soutiendrons ce projet, à condition que soient adoptés les amendements de la commission, et notamment ceux de nos amis communistes. Je tiens à préciser que je n'ai guère eu le temps de participer aux travaux de la commission, étant rapporteur pour avis sur le projet de Mme Trautmann.

M. Dominique Baert, rapporteur - Votre absence a été regrettée.

M. Yves Cochet - Je vous remercie -comme je vous remercie pour votre rapport, d'autant plus remarquable que la deuxième partie du projet a été moins valorisée que la première. Si les amendements sont adoptés, comme j'ai cru comprendre que l'acceptait M. le ministre, les députés Verts voteront ce projet (Applaudissements sur quelques bancs du groupe socialiste).

M. Jean-Jacques Jegou - Durant les trois mois écoulés depuis la première lecture, certaines choses ont évolué, mais l'architecture du projet a été peu modifiée. Le bouillonnement d'une partie de la majorité a continué, et les relations entre elle et le Gouvernement n'ont pas été un long fleuve tranquille, puisqu'il a fallu en arriver à l'article 88 en commission des finances. J'en veux pour preuve la façon assez cocasse dont s'est déroulée la CMP mercredi dernier. Nos collègues du Sénat et nous-mêmes, ainsi que le ministre et les rapporteurs, étions décidés à faire preuve de bonne volonté. Pourtant, au dernier moment, certains membres de la majorité ont fini par trouver un motif pour faire capoter cette CMP. Et pour quelle raison ? Parce que les négociations avec le Gouvernement n'étaient pas finies. Ces négociations devaient avoir au moins deux objets : faire plaisir aux communistes -dont je remarque aujourd'hui la présence en nombre, y compris le président Bocquet -venu sans doute vérifier que les amendements seront adoptés-, et calmer les ardeurs du rapporteur Douyère, enhardi, puisqu'il pousse aujourd'hui le Gouvernement à une réduction du capital des caisses d'épargne.

Deux remarques à ce sujet, Monsieur le ministre. D'abord, ces négociations ont été longues, mais visiblement bien menées, puisque vous avez réussi à placer les enchères assez bas vis-à-vis du groupe communiste. Je reconnais bien là votre art de la négociation, où vous êtes passé maître depuis longtemps. La deuxième remarque ne vous concerne pas directement : je suis de ceux qui pensent que la Vème République avait déjà quelque peu émasculé le Parlement. Mais aujourd'hui elle met en danger notre démocratie parlementaire. Nous avions de temps en temps une petite CMP, où le Parlement avait un pouvoir de proposition. Aujourd'hui, le Gouvernement, même absent, réussi à devenir indispensable dans cette procédure. J'ai envie de dire : "laissez-nous vivre !". Je souhaite d'ailleurs que votre aptitude à la négociation ne s'applique pas aux seuls membres de votre majorité. Elle pourrait s'étendre à tous les parlementaires qui ressentent pour les caisses d'épargne le même intérêt que la majorité.

Mais venons-en au texte. Tel qu'il revient du Sénat, je pourrais le signer immédiatement, à une ou deux exceptions près, notamment dans la deuxième partie. Le Sénat a vu, comme moi, l'inutilité, l'opacité et la complexité des groupements locaux d'épargne, et produit sans difficulté un texte cohérent et beaucoup plus digeste. Le capital social est lui aussi revenu à un niveau raisonnable, qui correspond mieux à la réalité du capital des caisses d'épargne et n'appauvrit pas les fonds propres.

De même, sur la deuxième partie, nos collègues ont fait dans l'ensemble un excellent travail à l'exception d'une erreur manifeste d'appréciation sur laquelle je reviendrai, et qu'on peut expliquer par la précipitation : malgré sa sagesse légendaire, le Sénat peut avoir ici ou là des moments d'égarement.

Quelques remarques cependant sur les caisses d'épargne. La commission des finances a de nouveau transformé l'article premier en faisant plaisir à toutes les composantes de la majorité, faisant de cet article un chapelet de bonnes intentions. Ainsi elle affirme que le livret A devait servir au logement social, ou encore elle réécrit l'article 18 de la loi de 1947. Quelle avancée ! Mais tant que personne n'en attend de miracle, ce n'est pas pour nous un casus belli.

La commission s'est également empressée de rétablir les GLE. Nous avions tous souligné en première lecture le côté indigeste de cette dénomination. Victoire ! Notre rapporteur a eu l'heureuse inspiration de les rebaptiser SOLE. Nous connaissions la délicieuse sole meunière : nous aurons désormais la "SOLE Douyère" (Rires sur divers bancs). Mais je doute de son excellence, car rien n'est changé au fond. Le dispositif reste inutile et complexe, voire désastreux pour la vente et la gestion des parts caisses d'épargne. Et, même si le problème de l'information des futurs sociétaires est partiellement réglé, les SOLE sont toujours contraires au droit coopératif puisqu'ils possèdent la totalité, au lieu de 49 %, des parts caisses d'épargne, sans être clients de ces caisses. Ils rendront difficile, voire impossible, une distribution équitable des dividendes, mais cela ne semble pas entrer dans les préoccupations de votre majorité. De même, les participations croisées restent impossibles. Le groupe UDF continuera donc à se battre contre la mise en place des SOLE.

J'insisterai sur un point : la participation possible des caisses d'épargne européennes au capital de l'écureuil. Si cette nouvelle lecture n'apporte pas un accord sur ce point, cette réforme sera vraiment incomplète, à l'heure où l'Europe se construit. Mon amendement à ce sujet, rejeté un peu vite par la commission, n'est pas plus toxique que l'affaire du livret A. Monsieur le ministre, je souhaite avoir une assurance officielle de ce côté-là, et je pense que mon amendement pourrait être adopté.

Un autre problème persiste, celui du financement des projets d'économie locale et sociale. Si nous pouvons accepter qu'ils puissent être financés par les caisses d'épargne -quoique...-, en revanche, nous refusons de les financer en vidant les coffres des caisses. Or tel que l'article a été rédigé en commission des finances, nous en courons le risque. J'ai proposé en CMP et en commission un amendement qui me paraît être un bon compromis, avec un plancher correspondant au tiers des intérêts servis aux coopérateurs et un plafond du montant des intérêts : il préserve les intérêts des projets et des caisses, tout en gardant les parts attractives pour les futurs coopérateurs.

Toujours dans l'intérêt de ces derniers, et pour autant que le système SOLE restera, il faudrait veiller à ne pas diminuer les dividendes des sociétaires -en fait, éviter une double imposition des résultats. Les SOLE, tels qu'ils sont aujourd'hui, ne le permettent pas. La mise en place d'un système "mère-filles" me semble une bonne solution. La commission m'a suivi sur ce point, et j'espère qu'il en sera de même aujourd'hui.

Enfin, pour la détermination du capital initial des caisses d'épargne, le texte du Sénat me semblait équilibré, même si le délai de huit ans pour la vente des parts était un combat perdu d'avance. Si l'article premier ne représentait pas un casus belli, l'article 21 pourrait en être un. Au passage, je tiens à souligner le sens du détail de notre ministre de l'économie et des finances et de notre rapporteur, qui observent que "la mutualisation des caisses d'épargne ne peut s'apparenter à une privatisation, puisque le produit n'ira pas dans le budget de l'Etat". Quelle ironie ! C'est sans doute dans le même esprit, Monsieur le ministre, que vous avez négocié avec l'aile gauche de votre majorité. Mais ne fermez pas les yeux, Messieurs les communistes, nous assistons bien à une privatisation ! Cela dit, nous aurions pu faire quelque chose de plus adapté à la concurrence qui existe aujourd'hui dans le monde bancaire.

La seconde partie sur la sécurité financière, n'est pas moins importante que la réforme des caisses d'épargne. Elle prépare de façon satisfaisante l'avenir de notre système bancaire et financier.

Néanmoins, plusieurs articles importants doivent encore être débattus. Et d'abord l'article 37, que la commission des finances a de nouveau supprimé. La question est simple : voulons-nous permettre au mouvement coopératif d'évoluer ou non ? A l'heure où le Crédit agricole se propose d'acquérir 10 % du Crédit lyonnais, les mutualistes ne peuvent avoir le beurre et l'argent du beurre. Le texte du Sénat, qui proposait une faculté de déplafonnement, était une première ouverture intéressante, à laquelle je souhaite que nous réfléchissions.

De même, je reviendrai sur le débat concernant la contribution des institutions financières. A l'heure de l'Europe, celle-ci représente une véritable distorsion de concurrence, à laquelle nous serons obligés de mettre fin d'ici 2002. Pourquoi ne pas commencer tout de suite à la réaménager ? Je regrette que mon amendement, pourtant modéré, n'ait pas été retenu par la commission.

Enfin, le Sénat a ajouté un élément très discutable, l'indemnité de remboursement anticipée. Si le texte qui nous est soumis est adopté en l'état, nous n'aurons fait que la moitié du chemin, et cela sans aucune concertation. Ne faisons pas de la politique à court terme et rétablissons l'équilibre entre consommateurs et institutionnels.

En dehors de ces quelques points, la seconde partie du projet nous satisfait.

Ce texte est très attendu, par les caisses d'épargne comme par la place bancaire et financière française. Nous ne pouvons donc pas nous permettre d'erreur en la matière et j'ai exprimé les différentes réserves du groupe UDF sur les deux sujets. Vous devez prendre la partie de l'opposition que je représente, Monsieur le ministre, pour ce qu'elle doit être, critique sans doute mais aussi force de proposition. Nos propositions, c'est la sauvegarde minimum des caisses d'épargne, des coopérateurs, des consommateurs et des institutions financières, mais également le passage vers la concurrence du XXIème siècle de notre système bancaire et financier (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF).

M. Christian Cuvilliez - Nous voici à un moment de vérité. Jamais ce projet de loi ne serait venu en deuxième lecture sous cette forme si le groupe communiste n'avait exprimé son opposition la plus totale à ce qu'il fût, sous prétexte de moderniser les caisses d'épargne, le point de départ de leur démantèlement.

Cette exception culturelle bancaire allait-elle, comme le souhaitaient les hérauts de l'AFB, comme le réclamaient les acharnés du CAC 4O, se fondre dans le magma des restructurations gigantesques ? Ou serait-elle préservée des spirales de la spéculation pour demeurer le refuge antirisque de l'épargne populaire ? Allait-elle abandonner ou affirmer ses missions d'utilité publique ?

Alors que des tempêtes se sont déchaînées en Asie et en Amérique latine à partir de bulles financières, au moment où se déclenchent des opérations de captation "inamicales" entre la BNP-Parisbas et la Générale, et que le Lyonnais va être mis à l'encan sur ordre de Bruxelles, tandis que la Banque centrale européenne exerce un pouvoir souverain sur la monnaie unique, il était nécessaire que la gauche plurielle marque dans ce domaine financier sa relation avec le corps social.

Au-delà du statut des établissements et du fonctionnement démocratique des instances de gestion, dont traite le projet sur les caisses d'épargne, c'est la question d'un pôle bancaire et financier maintenu dans le secteur public, chargé de missions spécifiques d'intérêt général, que le groupe communiste a voulu poser. Nous vous remercions, Monsieur le ministre, de l'avoir compris et d'avoir accepté de reconsidérer l'architecture du projet. L'enjeu, vous l'avez mesuré dans votre lettre du 17 mars à Robert Hue, est politique autant qu'économique et financier.

Les représentants de l'opposition -qui sont aussi ceux des milieux d'affaires et des "barons" de la finance- ont daubé sur ces considérations "subalternes". Mais ils sont ulcérés, car cela porte atteinte aux intérêts qu'ils défendent. Et comme pour les emplois-jeunes, les 35 heures, ou la proposition de loi de lutte contre les licenciements, cela met en évidence le peu de cas qu'ils font des salariés et des épargnants modestes.

Sur quels points voulions-nous obtenir des assurances ? D'abord, nous souhaitions voir confirmer la spécificité des caisses d'épargne, exprimée jusqu'à présent dans la notion d'établissement sans but lucratif. Ensuite maintenir la spécificité du livret A comme instrument essentiel du financement du logement social et de la protection de l'épargne populaire. Puis garantir les droits sociaux et syndicaux acquis par les personnels. Enfin, diffuser largement les parts sociales mises en vente en faveur des épargnants modestes, et les associer effectivement à la gestion des SOLE.

Dès la première lecture, un nombre significatif des amendements de notre groupe ont été retenus. Les missions d'intérêt général des caisses ont été précisées et étendues. Sans doute pour la première fois dans l'histoire bancaire, les missions d'intérêt général ont été consacrées par la loi, notamment pour ce qui concerne la protection de l'épargne populaire et le financement du logement social. Elles ont même été étendues à "l'amélioration du développement économique local et régional et à la lutte contre l'exclusion bancaire et financière de tous les acteurs de la vie économique, sociale et environnementale". En outre, le texte prévoit l'affectation obligatoire du tiers des résultats des caisses à ces missions d'intérêt général.

Mais, comme le rappelait Jean Vila, le 3 mars dernier, chacun comprend que le "but non lucratif", la spécificité du livret A et le statut des personnels forment le "volet défensif" de notre demande, tandis que la constitution en grandeur réelle d'un pôle bancaire assigné à des missions de service public constitue son "volet offensif". Il fallait que la loi comportât explicitement ces clauses.

Ce sera, je l'espère, chose en partie faite quand l'Assemblée aura adopté nos derniers amendements, y compris celui portant création d'un haut conseil du secteur public bancaire par adjonction aux lois de nationalisations de février 1982, qui postule l'existence d'un groupe associant la Caisse des dépôts, les caisses d'épargne, la CNP, La Poste, BDPME -et pourquoi pas demain le Crédit foncier ?

Nous sommes décidés à ne plus nous opposer à ce projet de loi et à témoigner la confiance que nous gardons dans une dimension résolument sociale de la politique du Gouvernement en matière d'économie et de finances. Mais nous déplorons que cette politique soit corsetée par les directives qui résultent des traités de l'Union européenne.

Nous craignons même que ceux-ci ne servent de paravent à des politiques nationales tendant à banaliser le dispositif bancaire et financier. Nous resterons donc vigilants et prêts à la résistance s'il le faut. Si par exemple on fermait des succursales des caisses d'épargne, dans telle ou telle région, en Rhône-Alpes notamment en zone urbaine sensible ou en zone rurale- si des investisseurs institutionnels prenaient le contrôle du réseau et étaient enclins à pervertir l'esprit de la loi ; si au nom de la concurrence, les caisses d'épargne entraient dans la spirale infernale des suppressions d'emploi ; si des ordonnances brouillaient l'esprit de la loi -je pense au statut de l'IEDOM.

Oui, nous apprécions autrement qu'en première lecture ce texte remanié. Naturellement nous serons attentifs à ce que l'Etat n'opère aucun prélèvement massif au nom d'une dette mythique lors de la constitution du capital social. Il serait utile de nous rassurer dès maintenant sur ce point.

Ce texte peut donc prouver qu'il existe une autre solution que le monothéisme libéral à la mode dans le conformisme des cercles d'experts et des clubs de nantis, afin d'ouvrir des voies nouvelles pour une Europe nouvelle (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste et sur certains bancs du groupe socialiste).

M. Marc Laffineur - Cette réforme va bouleverser le fonctionnement de l'Ecureuil bien sûr, mais aussi les habitudes de 26 millions de titulaires d'un livret A. Les caisses d'épargne la réclament aux pouvoirs publics depuis près de deux ans. Chacun s'accorde pour reconnaître que leur statut entravait leur développement.

La réalisation de l'Union économique et monétaire, la concurrence effrénée entre établissements de crédit constituent désormais un environnement qui rend vain toute discussion sur l'opportunité de cette réforme.

Mais nous ne nous sommes pas mis d'accord sur ses modalités. Il fallait l'entreprendre avec discernement. La volonté de l'Assemblée et du Sénat de parvenir à un compromis était manifeste et l'on aurait pu croire un temps à la réussite de la CMP. Malheureusement elle a échoué sur la réforme des caisses. En 1983, celles-ci sont devenues des établissements de crédit à caractère général. La loi du 10 juillet 1991 a fait émerger un groupe de 31 caisses d'épargne métropolitaines. Ces réformes avaient réussi grâce à un relatif consensus. Cette fois le pragmatisme laisse place au dogmatisme idéologique.

Initialement le Gouvernement voulait transformer le réseau des caisses d'épargne en réseau du même type que celui du Crédit agricole, avec alignement du statut sur celui des banques coopératives et extension de son activité d'établissement de crédit. Mais le texte souffrait d'un vice de fabrication congénital.

A force de compromis dans la gauche plurielle, le projet a cristallisé ses contradictions. Les communistes rêvent d'un grand service public de la banque, et le texte transforme les caisses en établissements à but lucratif. On ne peut pas en faire un second Crédit agricole, rémunérer les sociétaires, généraliser les activités bancaires classiques, et leur demander en même temps d'être la banque de l'économie sociale. Pour remédier à une contradiction plus qu'apparente, l'Assemblée a, par amendements, redéfini les missions des caisses, orienté arbitrairement la répartition des bénéfices. Le résultat, c'est qu'on ne sait plus trop où la réforme est censée mener les caisses d'épargne.

Assurant à l'origine des missions d'intérêt social, les caisses d'épargne sont de plus en plus tournées vers les métiers bancaires. Dès lors, quelle est leur véritable vocation ?

Si elles assurent une stricte mission d'intérêt social, la banalisation du statut n'est pas vraiment nécessaire. Si elles ont vocation à faire concurrence aux banques, ne leur imposez pas un mode arbitraire de répartition des résultats. En rajoutant au financement du logement social et à la protection de l'épargne populaire des missions telles que le financement des projets à caractère environnemental et la lutte contre les exclusions, la majorité a rendu très peu lisible le futur destin des caisses d'épargne. Si leur unique vocation était de financer l'économie locale et sociale, comment attirer des souscripteurs ?

Les caisses d'épargne ont certes une tradition sociale et populaire. Mais c'est sans contrainte qu'elles consacrent 10 % de leurs actions au sport, à la culture et à la lutte contre l'exclusion. Les obliger par la loi à consacrer un tiers des bénéfices au financement de l'économie sociale, c'est leur imposer une contrainte sans équivalent dans le monde bancaire.

Par ailleurs, le délai de souscription de parts sociales est trop court. Trouver des souscripteurs dans les quatre ans relève d'un exercice périlleux d'autant que l'Etat ne prend aucun risque. Quoiqu'il arrive, dans quatre ans, l'Etat récupérera 18,8 milliards. Si toutes les parts sociales ne sont pas souscrites, les caisses d'épargne payeront de leur poche la différence !

Ce chiffre de 18,8 milliards a été fixé par référence aux dotations statutaires constituées par les caisses d'épargne. Mais celles-ci sont le fruit d'arbitrages locaux et ne sont pas comparables au capital social des entreprises. Les sénateurs ont trouvé un dispositif astucieux : le capital initial des caisses d'épargne ne pourra dépasser un certain plafond, évalué par la moyenne des ratios capital social/fonds propres des autres réseaux bancaires coopératifs.

Surtout, la tutelle de l'Etat n'a pas disparu. Le texte y faisant très peu allusion, le ministre a tenu un discours différent à chacun de ses interlocuteurs.

Il peut dire aux communistes qu'on constitue le grand pôle financier public qui leur est cher puisque la Caisse des dépôts et consignations conservera sa place dans le futur réseau.

Il peut affirmer aussi qu'on adapte les caisses à l'environnement bancaire sur le modèle du Crédit agricole.

Il peut tout aussi bien affirmer qu'on fait des caisses le pilier du financement d'une économie sociale étatisée, agrémentée de projets environnementaux.

Finalement ce texte creux et mal ficelé ne mécontente personne, mais ne répond pas au véritable objet de la réforme.

Peut-on vraiment préparer les caisses d'épargne à la concurrence en revenant à l'ère des nationalisations ou de l'économie administrée ? Nous nous sommes opposés à ces dispositions en première lecture, nous nous y opposerons encore.

Les caisses d'épargne sont aujourd'hui en pleine expansion. Le réseau a pris une participation au capital de trois filiales étrangères et acquis 6 % du capital de la Caisse d'épargne de Gênes. Il s'est diversifié et est aujourd'hui le deuxième établissement financier français pour les dépôts et placements gérés. Mais s'il constitue le douzième réseau en Europe, il n'arrive qu'au 78ème rang pour la rentabilité des fonds propres. La réforme avait pour but d'améliorer cette rentabilité médiocre. Alourdir les missions des caisses, répartir arbitrairement les résultats n'est pas le meilleur moyen d'y arriver.

L'Etat reste trop présent, le dogmatisme de la majorité interdit toute vraie réforme : les caisses d'épargne manqueront tous les rendez-vous du XXIème siècle. Par ailleurs, aucun dispositif ne prévoit d'alliances ou de partenariats.

Nos collègues sénateurs ont effectué un travail louable de clarification tout en respectant l'identité des caisses d'épargne. Mais la majorité s'est opposée au dialogue républicain. C'est pourquoi le groupe Démocratie libérale votera contre ce projet (Applaudissements sur les bancs du groupe DL et du groupe du RPR).

M. Jean-Pierre Balligand - Voilà certes un exposé des plus typiques du libéralisme débridé. Dommage que M. Laffineur n'ait pas assisté à la journée organisée par le président de la commission des finances sur les vertus de la régulation bancaire mondiale. Il y aurait entendu des banquiers libéraux plus prudents que lui. Le Gouvernement et la majorité ont choisi de transformer le réseau de l'Ecureuil en banque coopérative plutôt que de s'engager dans les voies hasardeuses de la banalisation.

Le texte voté par l'Assemblée en première lecture constituait un choix équilibré et même visionnaire au regard des bouleversements intervenus depuis dans le paysage bancaire français. Si nous avions opté pour la banalisation, quel aurait été l'accueil réservé par les marchés financiers aux caisses d'épargne compte tenu de l'instabilité des valeurs bancaires ?

A l'inverse des comportements souvent irrationnels des marchés, l'Assemblée a choisi la consolidation maîtrisée et graduelle des caisses d'épargne et du marché des obligations foncières et la supervision des banques et des assurances.

De ce point de vue, il n'est pas choquant d'assurer aux réseaux caisses d'épargne toutes les garanties de réussite pour leur développement futur, ni de leur accorder des moyens similaires à ceux du secteur mutualiste.

L'ambition de ce projet est de prouver que l'efficacité financière est à la portée des caisses d'épargne -il suffit de se référer aux résultats très prometteurs de 1998- et est compatible avec les missions d'intérêt général confiées au réseau.

Nous avons ainsi posé les jalons pour de futures lois-cadres du secteur bancaire, dans le contexte très particulier de la globalisation financière. Cette méthode, pour être efficace, doit à la fois modifier les structures de la concurrence, donner aux épargnants plus de protection en cas de liquidation, revoir le statut des intermédiaires financiers, pour organiser la concurrence, une à deux fois par décennie -c'est ce qui nous est proposé pour les caisses d'épargne et les sociétés de crédit foncier- enfin, donner aux régulateurs de banques et d'assurances toute la latitude pour effectuer leur mission. Le Sénat a d'ailleurs contribué, par les articles 41 bis et 41 terdecies, à accélérer la transposition, en France, de la directive communautaire de juin 1995.

J'insiste sur la nécessité de légiférer le plus sereinement possible : étant donné que l'arrière-plan de la réforme ne cesse de se transformer, il n'est pas inutile que nous ayons pris le soin de prolonger nos discussions par cette nouvelle étape à l'Assemblée, ne serait-ce que parce que les comportements des différents acteurs du monde bancaire ont profondément changé en quelques semaines.

Aussi, le choix de la mutualisation pour les caisses d'épargne est perçu globalement comme réaliste et sécurisant.

En se transformant en banque coopérative, les caisses d'épargne vont rejoindre le secteur mutualiste européen, très puissant en Europe continentale, puisqu'il y représente de 50 à 60 % du marché bancaire. En France, le secteur mutualiste totalise désormais près de la moitié des dépôts : le Crédit agricole distribue plus de 18 % des crédits et récolte près de 22 % des dépôts, et les caisses d'épargne parviennent à récolter, comme le Crédit mutuel, près de 12 % des dépôts. Le choix du Crédit agricole pour faire partie des actionnaires stables du Crédit lyonnais conforte notre idée que le secteur mutualiste et coopérateur constitue un noyau stable du secteur bancaire français.

Si tout le monde, Sénat compris, a finalement reconnu l'actualité du statut mutualiste, en particulier en raison des protections qu'il donne face aux OPA, la démarche de l'Assemblée a, dès l'origine, consisté à inscrire dans la durée la réussite de la mutualisation des caisses d'épargne.

Cette deuxième lecture s'avère également nécessaire étant donné la mutation extrêmement rapidement du secteur bancaire européen. Il faut être conscient que le secteur mutualiste européen sera amené en Allemagne, avec les Landesbanken, ou en Angleterre avec les building societies, à se repositionner et à chercher de nouvelles alliances en Europe. Mais en attendant, le secteur mutualiste a besoin de stabilité pour le moyen terme, face à l'accélération des fusions et acquisitions dans le secteur concurrentiel.

Le texte de l'Assemblée est parvenu à assurer un équilibre entre ses missions d'intérêt général et sa mutualisation progressive : il n'aurait pas été cohérent de préciser les missions d'intérêt général dans l'article premier si un effort n'avait été demandé en retour pour le capital social des caisses d'épargne : l'amendement à l'article 24, qui fait passer le plancher de 18,9 milliards à 15,9 milliards nous donne satisfaction.

Au total, j'ai le sentiment que cet équilibre du texte est un gage précieux pour le devenir du groupe des caisses d'épargne. N'oublions pas que nous ne faisons qu'entrer dans une phase de profonde recomposition du secteur bancaire français, dont nous ne maîtrisons guère le rythme.

Pour conclure, je tiens à réaffirmer, au nom du groupe socialiste, que le rattachement des caisses d'épargne au secteur mutualiste européen est un atout incontestable pour le groupe Ecureuil : la seule banque non publique ayant reçu le très rare triple A des agences de notation internationale est une banque coopérative néerlandaise, la Rabobank. Les caisses d'épargne trouveront à moyen terme des opportunités pour mettre en oeuvre des coopérations au niveau européen.

Ce texte est manifestement un projet ambitieux pour la stabilité du secteur bancaire français et pour le réseau des caisses d'épargne en particulier. De sa réussite dépendra l'amélioration des conditions de financement du développement durable en France, qu'avec vous, Monsieur le ministre, nous nous efforçons de faciliter depuis maintenant deux ans.

Je souhaite qu'il rencontre un consensus fort (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe communiste).

M. Christian Cabal - Cette deuxième lecture ne sera pas pour nous l'occasion de répéter l'argumentation que nous avions développée en première lecture.

A ce stade, il est urgent d'aboutir.

Aboutir à quoi ? A définir ce nouveau statut des caisses d'épargne sur lequel nous travaillons depuis des années et qui devrait leur assurer une position stable dans le paysage bancaire français et européen.

On aurait pu imaginer de les intégrer dans le réseau coopératif et mutualiste. Tel n'est pas tout à fait le cas et sans doute à juste titre. Cela dit, ce particularisme des caisses d'épargne a fait moins l'objet de discussions techniques que de débats internes à la majorité plurielle. Je regrette que la procédure législative ne se soit pas conclue par un large consensus en CMP. Ce statut des caisses d'épargne, qui ne devait pas faire l'objet de guerres de religion, a, pour des raisons probablement électorales, surtout donné lieu, dans des conditions assez surprenantes, à des discussions internes, puis a un modus vivendi au sein de la majorité. Monsieur Cuvilliez, je me demande encore ce qui peut justifier qu'entre la première et la deuxième lecture, vous avez pu passer d'une opposition assez ferme à un vote positif. Je rends hommage à l'efficacité du ministre qui a su aboutir à un accord sans changer profondément l'économie du texte.

Sur le fond, qu'en dire ? Eh bien le docteur Cabal dira que le docteur Douyère, appelé au chevet des caisses d'épargne, a rédigé une ordonnance qui prend en compte les maux dont elles souffraient.

Le professeur Strauss-Kahn a ajouté une pincée de son remède, mais cette opération ne s'est pas déroulée dans les meilleures conditions de transparence. La solution proposée ne réunit pas le consensus au sein du réseau et nous ne pouvons l'approuver.

Je rends hommage à votre habileté, Monsieur le ministre, même si elle est tactique.

Au moment où se tient le Salon de l'espace au Bourget, je dirai que notre objectif est de mettre les caisses d'épargne sur orbite.

La loi de 1983 fut le premier étage de la fusée, grâce auquel on a pu décoller. La loi de 1990, ce fut le deuxième étage : on s'est affranchi de l'attraction terrestre et le réseau des caisses d'épargne est devenu une grande banque. Quant au troisième étage, c'est-à-dire à ce projet, j'ai quelques doutes sur son pilotage et la mise sur orbite du réseau... Les paramètres semblent mal définis. En effet, le statut choisi reste bâtard.

La concurrence "satellitaire" est féroce... Tous les réseaux ne pourront pas survivre. C'est pour nous une impérieuse nécessité de préserver les caisses d'épargne.

Tout le monde considérait le niveau des dotations statutaires trop élevé. Puis nous a été présenté un amendement curieux, du type : "On va voir". Les caisses d'épargne ont besoin de connaître le niveau des dotations statutaires, et non de simples marges de fluctuation.

Les délais, eux aussi, restent flous, dans la même logique. Si les physiciens modernes aiment les logiques floues, ce n'est pas le cas des banquiers ni des parlementaires.

Quant aux modalités de fixation du dividende social, je trouve sibylline la discussion sur le plancher et le plafond... Laissons vivre les caisses d'épargne qui, de manière autonome, doivent pouvoir prendre ce type de décision en fonction de leur revenu net bancaire.

Leur donner un cadre trop rigide serait dangereux à moyen terme.

De même, sur le plafonnement des parts non apportées par les caisses, pourquoi attendre des mois avant de fixer des ratios ? Est-ce pour éviter de choquer la Caisse des dépôts ?

Les exigences de la clientèle et du personnel sont complémentaires. Les critères fixés, analogues aux ratios de solvabilité et de résultats des réseaux privés, nous inquiètent. En effet, comme l'a dit M. Cuvilliez, il n'est question que de fermetures d'agences et de rétrécissement du réseau.

Pourtant, les caisses d'épargne ont une vocation sociale. Elles doivent répondre aux attentes d'une clientèle particulière, qui comprend beaucoup de personnes âgées : pour celles-ci, les explications à donner sont plus longues que pour les tycoons modernes. Une exploitation excessive des critères de résultats aurait pour conséquence d'ôter sa vocation sociale au réseau en menaçant la carrière des agents trop serviables.

Les dispositions qui nous sont proposées selon la procédure de l'article 88 ne sont pas suffisantes pour que le groupe RPR puisse voter ce texte.

M. Aloyse Warhouver - Les dirigeants des caisses d'épargne et les épargnants attendent cette réforme avec sérénité. Dans un environnement européen en pleine mutation, il faut donner les moyens d'affronter la concurrence à un réseau qui, en 180 ans d'existence, n'a jamais trahi la confiance populaire -contrairement à d'autres.

Ce projet va permettre aux caisses d'épargne d'effectuer des opérations bancaires usuelles à côté de leur travail d'intérêt général, tout en renforçant leur mission d'acteur social. A cet égard, l'affectation d'une partie des dividendes à des actions d'insertion ou de défense de l'environnement constitue une innovation qui doit être saluée.

Votre projet ne soulève plus d'oppositions fortes. Cependant, les responsables socio-économiques d'Alsace et de Moselle regrettent la disparition du régime de libre emploi d'une partie de la collecte du livret A. En première lecture, vous nous avez répondu qu'on ne pouvait créer une distorsion de concurrence qui, un jour, finirait par nous être opposée. Nous comprenons bien que notre régime local devra souffrir à chaque fois que nous légiférons. Mais vous qui connaissez l'attachement des Alsaciens et des Mosellans à leur particularisme, Monsieur le ministre, faites donc en sorte que le régime local soit généralisé quand il est avantageux.

Par ailleurs, la qualité de parlementaire sera-t-elle compatible avec la fonction de membre élu du comité d'orientation et de surveillance ? Et les membres du COS pourront-ils siéger dans d'autres conseils de surveillance bancaire ?

Même s'ils ont changé de nom, les groupements locaux d'épargne sont indispensables. Le statut coopératif impose en effet un minimum de démocratie ainsi qu'une véritable gestion de proximité.

Je voterai ce projet, avec l'espoir que les caisses d'épargne s'investissent davantage dans la vie locale. L'épargne doit profiter aux régions où elle est collectée.

M. le Ministre - Je salue la proposition faite par M. Douyère de remplacer les GLE par des SOLE, ce qui a réjoui M. Jegou. J'imagine donc qu'il votera l'amendement de la commission. Le débat a montré l'utilité de cette structure, qu'aucun amendement ne vise plus à supprimer, contrairement à ce qui s'est produit en première lecture. Même si cette structure n'a pas que des avantages -je pense à sa lourdeur-, elle est nécessaire et chacun s'est rallié à ce constat. Le président du CENCEP lui-même est favorable à cette structure.

Monsieur Douyère, vous avez évoqué également le ratio capital social/fonds propres, indicateur qui n'est pas nécessairement pertinent. Ce ratio est en effet aujourd'hui de 22 % pour le Crédit agricole et de 41 % pour le Crédit mutuel. La diversité des situations rend difficile la fixation d'une norme. L'important est de garantir la solvabilité du système et le ratio de solvabilité proposé, supérieur à 11 %, sera de moitié plus élevé que le ratio moyen observé dans l'ensemble des établissements financiers aujourd'hui. Le Gouvernement reste toutefois ouvert à la discussion sur le montant du capital social.

Monsieur Baert, je ne reviens pas sur le fait que l'article 37 avait été à la fois mal rédigé et mal expliqué. Je partage votre souhait de donner à la coopération les moyens de se développer, conformément aux principes mêmes de ce secteur rappelés lors du colloque de Manchester en 1995. Le Gouvernement proposera un amendement sur ce point qui devrait donner satisfaction à tous puisqu'il permettra à la fois d'éviter les difficultés dans le réseau et de garantir une rémunération compatible avec l'esprit coopératif.

S'agissant de l'arbitrage en matière d'assurance, soyez rassuré : les fonds de garantie ne disposeront d'aucun droit de veto. C'est bien la commission de contrôle des assurances, et donc le ministre, qui auront le dernier mot, dans l'intérêt même des assurés.

Enfin, le Gouvernement est d'accord avec votre proposition de nommer un commissaire du Gouvernement dans les établissements ayant des missions d'intérêt général.

Je remercie M. Cochet de la position d'ensemble qu'il a prise sur ce texte. Les missions d'intérêt général ont été largement étendues à l'initiative de son groupe en première lecture et le rétablissement d'un seuil minimal pour le dividende social devrait lui donner satisfaction.

Monsieur Jegou, selon moi, la CMP n'a pas échoué pour des questions de détail. Quand la majorité de l'Assemblée, contre celle du Sénat, refuse la banalisation du livret A ou rétablit un plancher pour le dividende social, il ne s'agit pas de points mineurs. De même quand le Sénat refuse l'abondement du fonds de réserve des retraites prévu par le texte. Cela étant, il est heureux que le Sénat ait renoncé en CMP à supprimer les GLE dont au fond chacun admet l'utilité.

Vous avez suggéré que les caisses d'épargne européennes puissent conclure des accords avec les caisses régionales. J'y vois un inconvénient : un investisseur institutionnel pourrait alors peser autant à lui seul au niveau régional qu'un GLE représentant des dizaines de milliers d'épargnants, ce qui serait choquant. C'est donc plutôt au niveau de la caisse nationale des caisses d'épargne que ces accords devraient être conclus.

Vous avez proposé un amendement sur le statut mère-fille, tendant à éviter une double imposition. J'y suis favorable.

Vous avez aussi parlé de privatisation, terme qui a fait florès chez les orateurs de l'opposition qui vous ont succédé. Comment parler de privatisation ? D'abord, les caisses d'épargne n'appartiennent pas à l'Etat. Ensuite, le produit de leur cession n'ira pas au budget de l'Etat. Enfin, le statut coopératif choisi est clairement distinct du statut privé.

S'agissant des indemnités de remboursement anticipé, je ne vous suivrai pas. Le Sénat, qui n'est pas d'ordinaire l'assemblée la plus progressiste, a estimé qu'il fallait favoriser la mobilité. Vous qui dénoncez d'ordinaire à l'envi les rigidités du marché du travail, allez-vous le regretter ? Le Sénat propose qu'un emprunteur puisse rembourser par anticipation son prêt immobilier sans pénalités, notamment s'il doit déménager pour raisons professionnelles. Restent à voir les modalités de cette disposition. Mais elle constitue un progrès incontestable et vous devriez vous rallier à vos collègues sénateurs.

Monsieur Cuvilliez a donné un signe fort de l'unité de la majorité, et je l'en remercie. Contrairement à ce qu'a prétendu M. Cabal, le dialogue au sein de la majorité est tout à fait normal. Il est même de bonne méthode de chercher à faire ensemble progresser les textes, au vu et au su de tous plutôt que dans le secret. Et si le texte a évolué entre les deux lectures, je m'en félicite. A quoi d'ailleurs servirait, sinon, le travail parlementaire, aussi bien avec la majorité qu'avec l'opposition ?

S'agissant des restructurations, la précédente équipe du CENCEP avait en effet lancé une étude sur le maillage du réseau qui concluait à la nécessité de certaines fermetures. La nouvelle équipe et le Gouvernement ont une tout autre approche : il n'est pas question de réduire les implantations dans les zones sensibles, comme la région Rhône-Alpes, où la mission d'intérêt général des caisses d'épargne est tout particulièrement utile.

La spécificité des caisses d'épargne, déjà renforcée en première lecture, le sera encore en nouvelle lecture. Non-banalisation du livret A, interdiction de la spéculation sur les parts sociales, respect des droits sociaux acquis, maintien des missions d'intérêt général, autant d'objectifs que nous partageons. Un accord devrait donc pouvoir être trouvé sur les amendements. Il ne s'agit pas d'améliorer le résultat des caisses d'épargne pour qu'elles rémunèrent plus avantageusement les capitaux investis. Il s'agit de faire en sorte qu'elles exercent la solidarité la plus large possible.

Le pôle financier public, dont j'ai parlé en introduction, sera parfaitement concrétisé par l'adoption de l'amendement de M. Cuvilliez relatif au Haut conseil du secteur public des établissements financiers. Ce pôle associera les caisses d'épargne, La Poste, des établissements spécialisés comme la Caisse des dépôts et consignations, la CNP, la BD-PME.

Monsieur Laffineur, cette réforme n'est pas attendue depuis deux ans, mais au moins depuis cinq ans. La précédente majorité avait d'ailleurs préparé une première mouture dont nous avons d'ailleurs repris des éléments. Elle a simplement été repoussée parce qu'elle était difficile à mettre en oeuvre. Nous sommes au point de la mener à bien. Ce sera à l'honneur de cette législature.

Vous souhaiteriez que l'on banalise le livret A et l'ensemble du réseau. C'est une divergence de fond. Nous pensons au contraire que ce réseau résistera mieux à la globalisation financière s'il est doté d'un statut spécifique qui lui confère des avantages, d'ailleurs en contrepartie d'obligations.

Je remercie M. Balligand d'avoir rappelé les évolutions du secteur financier depuis deux ans dans notre pays et les réformes structurelles engagées. Il a aussi souligné notre souci de réorienter l'épargne vers les secteurs innovants et le risque plutôt que vers la rente.

Tout cela constitue en effet une stratégie d'ensemble que le Gouvernement n'a pas annoncée à son de trompe en 1997, mais qu'il a mise en oeuvre. Ainsi voit-on se dessiner un paysage financier restructuré, je remercie M. Balligand de l'avoir retracé. Ce qui se passe aujourd'hui dans le secteur bancaire privé montre que cette remise en ordre n'était pas inutile, et c'est le sens que nous donnons à ce pôle public.

Je ne vois rien que de normal, Monsieur Cabal, à ce qu'un gouvernement discute avec sa majorité. Lors de la première lecture, j'ai répondu par écrit au président du groupe communiste. Cette lettre n'a rien de secret et je ne comprends pas ceux qui en ont pris prétexte pour revenir sur leur accord. Le premier objectif d'un gouvernement n'est pas de se concilier l'opposition ! S'il peut obtenir son adhésion sur certains points, tant mieux. Mais son objectif est d'abord de s'entendre avec la majorité -sans que ce soit nécessairement contradictoire avec ce que souhaite une partie de l'opposition.

Vous considérez le texte comme imparfait. Il l'est sans doute de votre point de vue. Du mien, il est meilleur qu'il ne l'était quand il est arrivé devant l'Assemblée. Je perçois d'ailleurs chez vous une contradiction. D'un côté, vous argumentez pour une plus grande modernisation des caisses d'épargne, qui en ferait des banques comme les autres. De l'autre, vous soutenez qu'on ne doit pas leur demander trop de rentabilité, sans quoi elles ne pourront plus remplir leurs missions. C'est contradictoire, car la banalisation du réseau conduirait à une rentabilité semblable à celle qu'on demande aujourd'hui aux banques privées et qui est de l'ordre de 15 %.

M. Warhouver a évoqué les caisses d'épargne d'Alsace-Moselle. L'article qui les concerne a été voté conforme par l'Assemblée et le Sénat : c'est la garantie qu'aux yeux des parlementaires le Gouvernement a correctement compensé la normalisation du statut de ces caisses. Il la compense par une hausse de la commission versée et par une ligne de crédits ouverte. Si l'on y ajoute l'autre ligne, qui permet de maintenir à hauteur le flux des dépôts nouveaux, nous avons presque surcompensé l'intégration dans le statut commun. Les élus et les professionnels d'Alsace-Moselle le reconnaissent d'ailleurs.

Quant aux conseillers régionaux, Monsieur Warhouver, la version antérieure du texte ne leur permettait pas de siéger au COS. Cette limitation n'a plus de raison d'être et n'est pas retenue dans le texte qui vous est soumis.

J'espère que chacun trouvera réponse à ses aspirations dans les efforts que fait le Gouvernement pour en tenir compte (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

M. le Président - En application de l'article 91, alinéa 9, du Règlement, j'appelle maintenant dans le texte du Sénat les articles du projet de loi pour lesquels les deux assemblées n'ont pu parvenir à un texte identique.

ARTICLE PREMIER

M. Raymond Douyère, rapporteur - L'amendement 2 de la commission précise les termes "développement économique local et régional" en ajoutant "particulièrement dans le domaine de l'emploi et de la formation".

M. Christian Cuvilliez - Notre amendement 73 est identique.

Les amendements 2 et 73, acceptés par le Gouvernement, mis aux voix, sont adoptés.

M. Raymond Douyère, rapporteur - L'amendement 1 de la commission précise que les missions des caisses d'épargne sont remplies "grâce en particulier aux fonds collectés sur le livret A dont la spécificité est maintenue".

M. Christian Cuvilliez - Notre amendement 72 est identique. Ce point très important n'avait pas été retenu en première lecture ; il marque un progrès sensible dans la lecture que nous pouvons faire de ce texte. En effet, les missions d'intérêt général -emploi, formation, logement social- passent par cette spécificité du livret A.

Les amendements 1 et 72, acceptés par le Gouvernement, mis aux voix, sont adoptés.

M. Christian Cuvilliez - Notre amendement 91 tend à garantir la spécificité des établissements de caisse d'épargne, qui doivent rester à l'écart du système bancaire banalisé.

M. Raymond Douyère, rapporteur - La commission estime qu'en effet les caisses d'épargne ont une utilité économique et sociale spécifique.

L'amendement 91, accepté par le Gouvernement, mis aux voix, est adopté.

L'article premier, modifié, mis aux voix, est adopté.

ART. 2

M. Raymond Douyère, rapporteur - L'amendement 3 rétablit le texte de l'Assemblée, en remplaçant la dénomination "groupements locaux d'épargne" par "sociétés locales d'épargne".

L'amendement 3, accepté par le Gouvernement, mis aux voix, est adopté.

L'article 2 ainsi modifié, mis aux voix, est adopté.

ART. 4

M. Raymond Douyère, rapporteur - L'amendement 4 rétablit le texte de l'Assemblée, en substituant de même les SOLE aux GLE.

M. le Ministre - Favorable.

M. Jean-Jacques Jegou - C'est un amendement en SOLE mineur... Je m'abstiendrai, car si je m'étais battu contre ce GLE, la nature du système ne change pas.

M. Raymond Douyère, rapporteur - M. Jegou a fait un jeu de mots sur la "SOLE Douyère". Si l'appellation de SOLE que j'ai proposée faisait simplement le tour de l'Europe, je m'estimerais satisfait pour les caisses d'épargne.

L'amendement 4, mis aux voix, est adopté.

M. le Président - L'amendement 78 tombe (M. Jean-Jacques Jegou s'étonne).

ART. 5

M. Raymond Douyère, rapporteur - L'amendement 5 rétablit le texte de première lecture, avec substitution des SOLE aux GLE.

L'amendement 5, accepté par le Gouvernement, mis aux voix, est adopté.

L'article 5 ainsi modifié, mis aux voix, est adopté.

ART. 6

M. Jean-Jacques Jegou - Mon amendement 79 tend à rétablir le plafond prévu par le projet initial, c'est-à-dire le montant total des intérêts servis aux coopérateurs, mais aussi de remettre un plancher assurant un financement minimum pour les projets. Le texte ouvre sans limite un robinet, ce qui pourrait nuire aux caisses d'épargne. L'amendement leur laisse la maîtrise du financement, et une possibilité d'appréciation.

M. Raymond Douyère, rapporteur - La commission ne l'a pas adopté. Elle a préféré l'amendement 6, qui fixe un plancher au tiers des sommes disponibles après la mise en réserve. M. Jegou devrait s'y rallier, dans le but même qu'il poursuit.

M. le Ministre - Je partage l'avis du rapporteur.

L'amendement 79, mis aux voix, n'est pas adopté.

L'amendement 6, mis aux voix, est adopté.

L'article 6 ainsi modifié, mis aux voix, est adopté.

ART. 7 bis

M. Raymond Douyère, rapporteur - L'amendement 7 tend à supprimer cet article. Il n'est pas souhaitable de prévoir un mécanisme de variation automatique des taux administrés. Si le ministre met en place une commission pour donner un avis, il appartient à l'autorité politique de décider du moment où les taux administrés doivent monter ou baisser.

L'amendement 7, accepté par le Gouvernement, mis aux voix, est adopté.

L'article 7 bis est ainsi supprimé.

AVANT L'ART. 8

M. Raymond Douyère, rapporteur - L'amendement 8 tend à rétablir le texte du chapitre III, supprimé par le Sénat.

L'amendement 8, accepté par le Gouvernement, mis aux voix, est adopté.

ART. 8

M. Christian Cuvilliez - La première lecture a montré les difficultés liées à une distribution gratuite des parts sociales. Nous avions proposé que chaque déposant puisse souscrire une part sociale gratuite par tranche de 100 000 F sur son livret A. Je rappelle que, sur 46 millions de livrets que comptent La Poste et les caisses d'épargne, on compte 28 millions de livrets A. Sur ces 28 millions, la moitié ont un encours inférieur à 1 000 F. L'objectif est simple, permettre aux plus modestes d'exercer un droit, indépendamment du montant de leurs dépôts : l'amendement de la commission répond à ce souci, à l'opposé de la logique d'actionnaire défendue par M. Jegou. En première lecture, le Gouvernement a objecté des raisons constitutionnelles. C'est pourquoi nous avons proposé cette fois que les SOLE puissent offrir une première part à taux préférentiel -ce pourrait être 10 F.

M. Raymond Douyère, rapporteur - L'amendement 87 corrigé rétablit le texte de notre première lecture, en substituant à la dénomination "groupements locaux d'épargne", celle de "sociétés locales d'épargne" et en introduisant une disposition permettant aux sociétés locales d'épargne de proposer à leurs sociétaires une première part sociale à un taux préférentiel.

M. le Ministre - Lors de la première lecture, j'avais opposé un certain nombre d'arguments juridiques à la proposition de doter tout détenteur de livret A d'une part de coopérateur, mais je m'étais engagé à réfléchir à la question posée. L'amendement correspond aux propositions que j'ai faites entre temps, et je ne peux qu'y être favorable.

L'amendement 87 corrigé, mis aux voix, est adopté.

M. Jean-Jacques Jegou - La mise en place de structures intermédiaires, les SOLE, a un impact fiscal sur le montant des distributions aux sociétaires, puisque les dividendes donnés aux SOLE seraient taxés, ceux versés aux sociétaires étant réduits d'autant. L'amendement 10 permettrait aux SOLE de bénéficier du régime "mères-filles", afin de ne pas pénaliser les coopérateurs. Si le Gouvernement accepte l'amendement, il pourrait peut-être lever le gage.

M. Raymond Douyère, rapporteur - Adopté par la commission.

M. le Ministre - Je l'ai dit tout à l'heure, je suis favorable à l'esprit de cet amendement -mais il ne faudrait pas créer un précédent pour d'autres, et je souhaiterais pouvoir réexaminer la chose d'un point de vue technique. Cela dit, je veux bien qu'il soit voté aujourd'hui, quitte à revenir au Sénat si un problème m'apparaissait. Je lève le gage.

L'amendement 10, mis aux voix, est adopté.

L'article 8 modifié, mis aux voix, est adopté.

ART. 9

M. Raymond Douyère, rapporteur - L'amendement 88 rétablit le texte de la première lecture, en substituant "sociétés locales d'épargne" à "groupements locaux d'épargne".

M. le Ministre - Favorable.

L'amendement 88, mis aux voix, est adopté et l'article 9 ainsi rétabli.

ART. 10

M. Raymond Douyère, rapporteur - S'il est souhaitable, dans une période transitoire, de préserver une participation de 60 % des caisses d'épargne dans la caisse nationale, à terme 51 % pourraient suffire. Tel est l'objet de l'amendement 12 rectifié.

M. le Ministre - Sagesse.

L'amendement 12 rectifié, mis aux voix, est adopté.

M. Marc Laffineur - L'amendement 98 précise que la part restante du capital à souscrire ne peut être détenue par un seul actionnaire : l'amendement 99 est de conséquence.

M. Raymond Douyère, rapporteur - Défavorable. Dans la phase constitutive, il ne sera pas possible de faire entrer d'autres investisseurs : il est donc normal que la CDC puisse détenir à ce stade les 40 % restants.

M. le Ministre - Même avis.

M. Jean-Pierre Balligand - L'amendement de M. Laffineur ne me surprend pas, étant donné son discours habituel contre toute politique publique. Mais sur le fond, il faut être sérieux. Dans la première phase, il serait absurde, au cas où il n'y aurait pas assez de partenaires, d'empêcher la Caisse d'épargne de s'adosser pleinement à un partenaire comme la Caisse des dépôts, seul établissement bancaire français coté AAA.

M. Jean-Jacques Jegou - La Caisse des dépôts est mal connue des parlementaires, on fantasme volontiers sur ses tentacules et sa puissance. Pourtant elle participe au budget de l'Etat -400 milliards de francs prélevés en 15 ans. Quelles sont vos intentions, Monsieur le ministre, sur le futur niveau de participation de la Caisse des dépôts ? N'oublions pas que c'est une chance pour la Caisse d'épargne d'être adossée à un établissement public, mais aussi financier, disposant de ratios sur fonds propres tout à fait satisfaisants.

M. le Ministre - Il était nécessaire de ne pas fixer dans la loi un pourcentage de participation afin de préserver les évolutions futures. Mais il est aussi important qu'au démarrage et pour un certain nombre d'années la Caisse des dépôts joue un rôle suffisant dans le réseau des caisses d'épargne pour bien affirmer la réalité du pôle financier public, et dans la perspective de l'éventuelle acquisition d'autres établissements par les caisses d'épargne.

Le protocole d'accord doit donc être équilibré, cette participation importante de la Caisse des dépôts s'accompagnant en contrepartie d'une participation également importante des caisses d'épargne dans des filiales de la CDC.

Le protocole n'est pas signé. Mais l'intention du Gouvernement est que la CDC dispose d'une minorité de blocage de 35 %, quitte à ce que plus tard d'autres établissements prennent des participations.

M. Marc Laffineur - C'est une façon d'être d'accord avec mon amendement. On ne dépassera pas le seuil de 35 % pour qu'il n'y ait pas un seul actionnaire. Le mettre clairement dans la loi aidera à trouver d'autres actionnaires.

L'amendement 98, mis aux voix, n'est pas adopté, non plus que l'amendement 99.

M. Raymond Douyère, rapporteur - L'amendement 13 rétablit l'agrément du ministre de l'économie sur la nomination du président du directoire de la caisse nationale des caisses d'épargne. C'est le cas pour les autres réseaux coopératifs.

L'amendement 13, accepté par le Gouvernement, mis aux voix, est adopté.

L'article 10 ainsi modifié, mis aux voix, est adopté.

ART. 11

M. Raymond Douyère, rapporteur - L'amendement 14 rétablit la dénomination de "sociétés locales d'épargne".

L'amendement 14, accepté par le Gouvernement, mis aux voix, est adopté.

L'article 11 ainsi modifié, mis aux voix, est adopté.

ART. 15

M. Raymond Douyère, rapporteur - L'amendement 15 institue l'organisation régulière de séances d'information gratuites pour les sociétaires. C'est une excellente idée proposée par le groupe communiste dont l'amendement 75 est identique.

M. le Ministre - Favorable.

Les amendements identiques 15 et 75, mis aux voix, sont adoptés.

L'article 15 ainsi modifié, mis aux voix, est adopté.

APRÈS L'ART. 16

M. Christian Cuvilliez - Notre amendement 93 prévoit que la commission paritaire nationale conclut des accords par décisions prises par la majorité des trois quarts des membres présents.

Les caisses d'épargne sont un réseau décentralisé qui doit se mobiliser pour des missions d'intérêt public. Nous avons inscrit dans la loi qu'elles ne sont pas à but lucratif. Nous souhaitons aussi apporter des garanties sur la conclusion des accords collectifs de branches, qui ne doivent pas être conclus par un syndicat minoritaire.

M. Raymond Douyère, rapporteur - La commission ne l'a pas examiné. A titre personnel, je n'y suis pas favorable.

M. le Ministre - L'amendement 93 n'ayant pas été examiné par la commission, je souhaite prendre le temps de le regarder de plus près. J'en demande la réserve ainsi que de l'article 17 jusqu'à la reprise de la séance ce soir.

M. le Président - La réserve est de droit.

AVANT L'ART. 18

M. Jean-Louis Dumont - Le système en place en Alsace-Moselle a donné d'excellents résultats.

M. Germain Gengenwin - Les fonds sont bien utilisés.

M. Jean-Louis Dumont - Vous ne souhaitez pas le maintenir. Notre amendement 109 vise surtout, dans ce cas, à donner des garanties à l'Alsace-Moselle sur la nouvelle architecture des caisses d'épargne.

M. Raymond Douyère, rapporteur - La commission l'a repoussé. Des assurances formelles ont été données en première lecture.

M. le Ministre - Je respecte l'esprit local, mais il est des moments où l'intérêt général doit prévaloir. Les intérêts locaux sont d'ailleurs préservés. Si votre amendement de retour au régime antérieur était voté, abolissant les garanties que j'ai données, je ne suis pas sûr que vous seriez accueilli par des vivats en Alsace-Moselle. Je vous demande, après ce combat honorable, de retirer l'amendement.

M. Jean-Louis Dumont - Je souhaite simplement faire confirmer en seconde lecture que c'est l'ensemble des territoires de droit local qui sont concernés.

M. le Ministre - C'est l'ensemble de ces territoires. La perte du statut local des caisses d'épargne s'accompagne de compensations.

M. Jean-Louis Dumont - Je retire l'amendement 109.

ART. 18

M. Raymond Douyère, rapporteur - L'amendement 17 reprend la dénomination de "sociétés locales d'épargne".

L'amendement 17, accepté par le Gouvernement, mis aux voix, est adopté.

L'article 18 ainsi modifié, mis aux voix, est adopté.

La suite du débat est renvoyée à la prochaine séance, qui aura lieu ce soir, à 21 heures.

La séance est levée à 18 heures 55.

          Le Directeur du service
          des comptes rendus analytiques,

          Jacques BOUFFIER


© Assemblée nationale


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