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Assemblée nationale

COMPTE RENDU

ANALYTIQUE OFFICIEL

Session ordinaire de 1998-1999 - 107ème jour de séance, 274ème séance

3ème SÉANCE DU MARDI 15 JUIN 1999

PRÉSIDENCE DE M. Patrick OLLIER

vice-président

          SOMMAIRE :

COUVERTURE MALADIE UNIVERSELLE -nouvelle lecture- (suite) 1

    EXCEPTION D'IRRECEVABILITÉ 1

    QUESTION PRÉALABLE 4

    MOTION DE RENVOI EN COMMISSION 16

    ARTICLE PREMIER 22

    ART. 3 23

    APRÈS L'ART. 3 23

    ART. 4 23

    ART. 6 24

    ART. 8 bis 24

    ART. 9 24

    ART. 10 24

    ART. 11 24

    ART. 12 24

    ART. 13 24

    ART. 14 24

La séance est ouverte à vingt et une heures.


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COUVERTURE MALADIE UNIVERSELLE -nouvelle lecture- (suite)

L'ordre du jour appelle la discussion, en nouvelle lecture, du projet de loi portant création d'une couverture maladie universelle.

EXCEPTION D'IRRECEVABILITÉ

M. François Goulard - La majorité et l'opposition constatent parfois que leurs objectifs sont communs. Ce fut le cas à propos de la lutte contre les exclusions. Ce fut encore le cas sur la nécessité de créer une couverture maladie universelle.

Oui, nous jugeons nécessaire que chaque Français bénéficie d'un haut niveau de protection sociale, d'une assurance maladie qui lui permette d'accéder, sans restriction aucune, à des soins de qualité. Ce doit être non seulement reconnu mais aussi rendu effectif.

Nous nous rejoignons aussi pour constater que notre assurance maladie est déficiente. Un grand nombre de nos compatriotes n'y ont pas accès. Il faut corriger au plus vite cette anomalie. Nous savons aussi que le mal tient moins à l'absence de couverture de base -150 000 personnes seulement n'y ont pas accès, c'est certes beaucoup trop-, qu'au fait que 4 millions de Français sont privés de couverture complémentaire, faute de moyens financiers. Or, c'est d'autant plus grave que le régime de base est de moins en moins à la hauteur puisqu'il coûte de plus en plus cher pour ne rembourser qu'un peu plus de 50 % des dépenses. Une assurance complémentaire est donc indispensable : un grand nombre de Français renoncent aux soins pour des raisons financières, ce qui est inacceptable.

M. Denis Jacquat - Très bien !

M. François Goulard - Face à une telle situation, deux options s'offraient à vous. La première consistait à conserver l'architecture actuelle en rendant l'assurance complémentaire accessible à tous, par une aide aux plus démunis. Ainsi aurait-on évité l'inconvénient majeur de votre projet, le fameux effet de seuil, et la création d'une sécurité sociale à deux vitesses. Le Sénat en a retenu le principe, sous la forme d'une allocation personnalisée à la santé, sur le modèle de l'APL. Vous avez rejeté cette solution au motif d'un engagement insuffisant des mutuelles et des assurances complémentaires. Tel n'est pas l'écho que nous avons recueilli auprès d'elles.

Autre possibilité, moins facile : une réforme d'ensemble de la Sécurité sociale destinée à transformer notre assurance maladie en une CMU.

A ces solutions, vous avez préféré une construction étonnante, dérogatoire au droit commun et réservée à une partie de la population, qui présente plusieurs inconvénients, le principal étant de mal préparer l'évolution de notre Sécurité sociale.

Elle recèle en outre plusieurs motifs d'inconstitutionnalité. En premier lieu, votre projet crée une inégalité entre les personnes selon que leurs revenus se situent en dessous ou au-dessus du seuil. Alors qu'elles ont à peu près les mêmes conditions de vie, elles seront traitées différemment : au-dessus du seuil, elles paieront des cotisations mutualistes ou des primes d'assurance pour obtenir une couverture complémentaire qui ne couvrira pas toutes leurs dépenses de santé, en-dessous elles seront gratuitement prises en charge à 100 %.

Votre projet porte aussi atteinte au principe d'égalité devant les charges publiques entre les organismes de protection sociale complémentaire et les CPAM. Certes, vous laissez le choix aux bénéficiaires de la CMU de s'adresser aux uns ou aux autres, mais vous instaurez une inégalité de traitement entre ces différents organismes. En effet, vous ne prévoyez pas le même système de remboursement des dépenses engagées au titre de la couverture complémentaire des bénéficiaires de la CMU : alors que les régimes d'assurance maladie seront remboursés au franc le franc, les organismes de protection sociale complémentaire recevront un forfait par personne et par an supposé être représentatif des prestations versées. De plus, seuls les organismes de protection sociale autres que les caisses primaires devront acquitter la contribution de 1,75 % du chiffre d'affaires santé.

Cette concurrence déloyale n'est conforme ni aux principes constitutionnels ni au droit communautaire. Ainsi, si la Cour de justice des Communautés européennes dans l'affaire Poucet et Pistre du 17 février 1993 a considéré que le droit de la concurrence ne s'appliquait pas aux régimes de Sécurité sociale, l'objectif social et le principe de solidarité pouvant justifier un monopole de ces régimes, elle a aussi déclaré contraire aux directives européennes, dans l'arrêt COREVA du 16 novembre 1995, le monopole de la gestion d'un régime complémentaire facultatif de retraite en capitalisation accordé à la mutualité sociale agricole, qui bénéficiait en outre d'un avantage de déductibilité fiscale. La Cour a considéré que la MSA pouvait créer un tel régime, si d'autres institutions le pouvaient également, dans des conditions de concurrence identiques. Votre projet présente les mêmes défauts : les CPAM et les organismes complémentaires vont gérer cette couverture maladie, mais dans des conditions de concurrence déloyales, donnant un avantage évident aux premières.

Les principes fondateurs de la Sécurité sociale sont donc remis en cause. D'abord parce que vous supprimez la distinction entre couverture de base et couverture complémentaire. A terme, je crains que la CNAM ne devienne pour une part croissante de notre population, l'assureur unique, en situation de monopole, imposant ses vues à ceux qui offrent les soins, remettant en cause le libre choix de son médecin par le patient, mettant à mal le principe d'universalité.

Vous portez également atteinte aux principes fondamentaux de la Sécurité sociale en instaurant une assurance maladie sous conditions de ressources qui remet en cause le principe d'universalité et méconnaît le principe constitutionnel du Préambule de la Constitution de 1946 : "la nation garantit à tous la protection de la santé". L'accès aux soins ne doit pas dépendre de la capacité financière des individus. Or, dans votre projet, les plus démunis -c'est heureux- bénéficieront d'une couverture à 100 %, les plus aisés pourront toujours cotiser pour une couverture complémentaire, mais les difficultés d'accès aux soins seront toujours les mêmes pour les classes moyennes.

La Sécurité sociale appelle une réforme d'ensemble.

Notre système d'assurance maladie, géré de façon centralisée par l'Etat, doit être réformé. Les règles bureaucratiques d'allocation des ressources sont source d'inefficacité et d'inégalités entre catégories sociales ou entre régions. Elles ne permettent ni une allocation efficace des ressources, ni une exploitation de l'offre excédentaire pour diminuer les dépenses.

La nécessité de contenir les dépenses qui conduit à une logique de rationnement est un échec. Il faudrait donc adopter une solution inverse.

Le principe constitutionnel qui veut que la nation garantisse à chacun la protection de sa santé n'obligeait en rien à retenir une gestion monopolistique : il faut distinguer le droit aux soins de son mode de financement et de gestion !

Seule une réforme profonde pouvait garantir une couverture maladie universelle pérenne -nous aurons à y revenir- mais votre projet est entaché d'autres motifs d'inconstitutionnalité, mis en lumière par M. Accoyer lors de la précédente lecture. Il a notamment souligné les inconvénients qu'il y avait à traiter dans un même texte de sujets très divers et qui, pour beaucoup, n'ont rien à voir avec l'objet de cette loi. Le risque d'inconstitutionnalité est particulièrement fort lorsque des amendements d'initiative parlementaire viennent ajouter au "fourre-tout".

Votre article 14, relatif au recouvrement des cotisations sociales, organise une procédure brutale qui ne respecte pas les droits de la défense auxquels le Conseil constitutionnel a conféré par sa décision du 20 janvier 1981 le caractère de principe fondamental.

L'article 33, relatif à la carte d'assurance maladie, appelle de sérieuses réserves au regard du droit à la vie privée : en raison de son manque de transparence et de son ignorance des exigences de confidentialité, il encourt lui aussi la censure du juge constitutionnel.

Enfin, l'article 37 est pour nous inacceptable : le droit d'être informé sur les "performances" de l'hôpital est un droit imprescriptible pour tout patient. En restreignant l'utilisation et la publication des données relatives au système de santé, vous faites le choix de l'obscurantisme contre la liberté de s'informer et de choisir son établissement. Vous portez aussi atteinte à la liberté de l'information et de la presse et c'est un autre motif d'irrecevabilité.

En raison des choix de principe que vous avez faits pour atteindre un objectif qui est aussi le nôtre, nous ne pouvons que nous opposer à ce projet. C'est dans l'architecture même de ce texte que résident ses faiblesses : je vous invite donc à voter notre exception d'irrecevabilité (Applaudissements sur les bancs du groupe DL, du groupe du RPR et du groupe UDF).

M. Jean-Luc Préel - Remarquable !

Mme Muguette Jacquaint - C'est le texte adopté par le Sénat qui est irrecevable ! On ne peut accepter un système de santé à deux vitesses qui ne garantirait des soins de qualité qu'aux plus riches ! Cela seul suffit au groupe communiste pour justifier une ferme opposition à cette notion ("Très bien !" sur les bancs du groupe communiste et du groupe socialiste).

M. François Goulard - On dirait que vous parlez d'un texte du Parlement chinois !

M. Denis Jacquat - Inutile d'ajouter à ce qu'a dit M. Goulard avec tant de talent : passons au vote !

M. Marcel Rogemont - M. Goulard n'a fait que démontrer la nécessité de débattre ce texte en rappelant que trop de personnes et de familles n'ont pas accès aux soins.

La notion de seuil, a-t-il ajouté, ne serait pas constitutionnelle. Mais, au lieu de cent seuils, il n'y en aura plus qu'un après l'adoption de cette loi. L'égalité de traitement n'y gagnera-t-elle pas ? En fait, vous n'avez fait que dresser un catalogue de critiques qui justifierait que vous ne votiez pas cette CMU que vous prétendez pourtant appeler de vos voeux ! N'est-ce pas uniquement parce que vous êtes dans l'opposition -dans les oppositions, devrais-je dire- ? (Exclamations sur les bancs du groupe DL, du groupe du RPR et du groupe UDF)

M. Yves Bur - Le groupe UDF votera cette motion car l'architecture du projet tel que le Gouvernement l'a proposé, sinon imposé à sa majorité et aux partenaires sociaux va à l'encontre des principes qui inspirent notre action politique : au lieu de la responsabilité, ce texte promeut l'assistance. La réponse que vous apportez aux difficultés de nos concitoyens est très imparfaite et nous regrettons d'autant plus vivement que vous n'ayez pas retenu les suggestions du Sénat !

M. Bernard Accoyer - Le groupe RPR également votera cette exception d'irrecevabilité. Comme nous l'avons dit en première lecture et comme M. Goulard vient de le démontrer à nouveau avec brio, vos choix techniques -la mécanique même de la CMU- sont à plusieurs égards inconstitutionnels. En particulier, vous violez le principe de l'égalité devant l'accès aux soins, pourtant garanti par le Préambule de notre Constitution : ces soins seront peut-être gratuits pour une partie de la population mais, pour d'autres, il en ira tout différemment en raison de l'effet de seuil.

Par ailleurs, l'article 14 introduit de façon assez curieuse dans ce texte, et le caractère de DMOS que revêt celui-ci, ne font qu'ajouter aux motifs d'inconstitutionnalité.

M. le Président - Je vais mettre l'exception d'irrecevabilité aux voix (Les députés socialistes protestent à mesure qu'arrivent de nouveaux députés de l'opposition dans l'hémicycle)

M. Alfred Recours, rapporteur de la commission des affaires sociales pour le titre IV - C'est anormal qu'on participe à un vote en arrivant alors qu'il a déjà commencé !

M. Jean-Claude Boulard, rapporteur de la commission des affaires sociales pour les titres premier, II, III, IIIbis et V - C'est scandaleux !

Après une épreuve à main levée déclarée douteuse, l'exception d'irrecevabilité, mise aux voix par assis et levé, n'est pas adoptée.

M. le Président - Le vote a été acquis par une voix d'écart mais j'ose espérer que personne ne met en cause la présidence ! Celle-ci ne fait que compter les voix des députés présents en séance, qu'ils soient de droite ou de gauche.

QUESTION PRÉALABLE

M. le Président - J'ai reçu de M. Jean-Louis Debré et des membres du groupe RPR une question préalable, déposée en application de l'article 91, alinéa 4, du Règlement.

M. Bernard Accoyer - Le Sénat a eu le mérite de recomposer entièrement ce projet en proposant des solutions alternatives. Sur le principe, ici comme dans l'autre Assemblée, nous sommes unanimes : il faut faire sauter l'obstacle de l'argent, qui empêche les plus démunis d'accéder aux soins. Mais le Sénat a fait, sur le reste, des choix différents des vôtres, et qui justifieraient que nous nous en tenions à son projet !

L'affiliation automatique de plusieurs dizaines de milliers de personnes jusque là non couvertes par le régime obligatoire et la création d'un accès aux soins pour les plus démunis sont des objectifs que nous approuvons puisque nous voulions créer l'assurance maladie universelle. Mais avec elle, il s'agissait de refondre profondément la Sécurité sociale de façon à créer un régime unique et à mettre un terme à des inégalités de cotisation et de prestation difficilement explicables et chaque jour plus difficilement tolérables.

Le Sénat, qui a profondément remanié le texte, a choisi pour la CMU, rebaptisée "aide personnalisée à la santé", un mécanisme partenarial fondé sur le principe de la solvabilisation de ceux qui n'ont pas les moyens de prendre une assurance complémentaire. Il présente l'immense avantage de laisser les populations les plus défavorisées dans le droit commun et de ne pas les cantonner dans l'assistance. Ce choix du Sénat, plus respectueux de la dignité des personnes, correspondait aussi aux conclusions du rapport de M. Jean-Claude Boulard et aux préférences d'une grande partie de la majorité, qui finalement a suivi le Gouvernement, ce qui est dommage car le Parlement aurait pu se retrouver unanime et sur les objectifs et sur la méthode retenue.

Le mécanisme retenu par le Gouvernement présente, lui, de nombreux inconvénients. Le premier d'entre eux est l'effet de seuil, qui sera tout à fait dévastateur. Au-dessous de 3 500 F, tout sera gratuit ; au-dessus, même les ménages les plus modestes devront acquitter une cotisation qui ne sera pas dégressive et payer un ticket modérateur. En outre, ce dispositif recentralise l'aide médicale gratuite, ce qui interdira désormais tout travail social de proximité.

On ne pourra plus désormais croiser, comme on le faisait dans les mairies, les informations à caractère social et faire intervenir les travailleurs sociaux de façon adaptée à chaque situation.

Ce seuil de 3 500 F est par ailleurs inférieur à celui retenu dans plusieurs départements. Certains avaient mis en place des outils -carte solidarité santé, carte Paris santé- qui aidaient beaucoup les familles les plus en difficulté et qui me semblent préférables à ce dispositif de tiers payant purement administratif que le Gouvernement a retenu.

La CMU que l'on nous propose risque aussi de créer une sécurité sociale à deux niveaux, celle des plus pauvres et celle des autres, ce que le groupe RPR juge inacceptable. Dès lors, en effet, que les bénéficiaires de la CMU auront un paquet de soins spécifique et que le tarif des prestations incluses dans ce paquet sera adapté, on aura deux niveaux d'assurance maladie : comment imaginer en effet que deux prestations à des prix différents restent longtemps identiques ? Si on ajoute à cela les dispositions que le Gouvernement essaie de faire passer -médecin référent, passage obligé par un généraliste avant de pouvoir consulter un spécialiste,...- on voit bien que se dessine un clivage entre ceux qui pourront s'offrir un accès direct aux soins et ceux qui relèveront de la CMU.

Celle-ci menace la Sécurité sociale elle-même puisqu'elle remet en cause son monopole du remboursement au premier franc. Tel est bien en tout cas l'avis du président de la CNAM lui-même. A la question "pensez-vous que la confusion des rôles entre régime obligatoire et opérateurs complémentaires conduira un jour ces derniers à pratiquer le remboursement dès le premier franc ?", il a répondu par l'affirmative devant la commission des affaires sociales.

Le problème est assez grave pour que le conseil d'administration de la CNAM et les opérateurs complémentaires aient décidé de préciser, dans un protocole, que chacun devra s'en tenir à ses compétences.

La CMU aura aussi de lourdes conséquences financières pour les mutuelles complémentaires. La taxe qui leur est imposée sera en principe compensée par une baisse de leurs dépenses, mais on n'évitera pas une hausse des cotisations. Déjà, le désengagement du régime obligatoire entraîne mécaniquement une hausse de 9 % par an des dépenses laissées à la charge des mutuelles.

Notre système s'est dégradé en termes de performance sociale : si nous sommes dans la moyenne pour l'hospitalisation, nous sommes au dernier rang en Europe pour l'ambulatoire, avec 55 % de remboursement.

Cela est dramatique pour les familles les plus pauvres.

La CMU aura aussi des conséquences pour l'équilibre des comptes de la Sécurité sociale et pour le niveau des prélèvements obligatoires. Le rapporteur nous a annoncé un coût résiduel de 1,7 milliard pour l'Etat. Ce sera en réalité beaucoup plus cher dès la première année, et on peut s'attendre à une croissance ultérieure. Si l'on estime à 6 millions le nombre de personnes concernées, on peut s'attendre à un coût de 9 milliards sur la base d'une dépense complémentaire moyenne de 1 500 F par personne et par an. Mais cette hypothèse avait été fixée avec un certain nombre de mutuelles dans la perspective d'un panier de soins restreint. Or, la CMU ayant retenu des prestations voisines de celles du régime commun, on peut s'attendre à une dépense moyenne de 2 200 F. Et si l'on considère qu'il y aura beaucoup de retraités parmi les intéressés, ce pourrait être plutôt 3 000 F -soit une erreur de 100 % dans votre estimation, et un coût réel de 13 à 18 milliards au lieu de 9.

En outre, il est inévitable que le nombre des bénéficiaires augmente rapidement : si l'évolution ressemble à celle qui s'est produite pour le RMI, on peut s'attendre à une croissance à deux chiffres pendant plusieurs années -et les évaluations de la Fédération française des assurances, qui annonce des dizaines de milliards de dépenses supplémentaires, ne sont peut-être pas exagérées. En tout cas, les conséquences seront considérables pour les mutuelles -et elles n'ont pas le droit de faire du déficit.

Il y aura aussi de graves conséquences pour l'assurance maladie, qui verra accroître la demande de soins, alors que les dépenses ne sont pas maîtrisées. Le Gouvernement avait annoncé l'équilibre des comptes pour 1998, en tablant sur la croissance, mais il y aura encore 12 milliards de déficit cette année...

Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité - Neuf !

M. Bernard Accoyer - Faute de réforme de fond, l'assurance maladie connaît un déficit structurel.

Un mot enfin du titre IV, qui équivaut à un véritable projet portant DMOS, avec une vingtaine de dispositions aussi importantes que variées, sur les professions de santé, les hôpitaux, les réseaux d'officines. L'article 37 sur le DMSI est particulièrement inquiétant, car il instaure une véritable censure. En l'absence de réforme de l'hospitalisation, vous laissez perdurer l'injustice : on est plus ou moins bien soigné selon qu'on dispose ou non d'un carnet d'adresses...

Mme la Ministre - C'est justement ce qui est en train de changer !

M. Bernard Accoyer - Pour toutes ces raisons, et considérant que le choix partenarial du Sénat était bien meilleur que vos propositions, la question préalable mérite d'être adoptée (Applaudissements sur les bancs du groupe du RPR).

M. le Président - Nous en arrivons aux explications de vote.

Mme Muguette Jacquaint - Ainsi, il ne faudrait pas débattre de la couverture sociale des plus démunis ? A quelques jours du cinquantième anniversaire d'Emmaüs ?

On ne peut renoncer à ce débat. Trop de gens attendent d'avoir accès aux soins et à des soins de qualité. La CMU est aussi un élément de la reconquête de la dignité et des droits de l'homme.

Il s'agit d'une urgence sociale. Bien entendu, elle ne dispense pas de réformer le financement de la Sécurité sociale.

Le groupe communiste, convaincu de l'urgente nécessité de créer ce dispositif, votera contre la question préalable.

M. Jean-Pierre Foucher - Nous n'avons rien contre le fait d'accorder une couverture sociale à toute personne en situation précaire. Mais le texte rétabli par la commission appelle de notre part les mêmes remarques qu'en première lecture.

M. Alfred Recours, rapporteur - C'est du texte du Sénat que nous débattons.

M. Jean-Pierre Foucher - Le texte du Sénat, nous le voterions. Mais il va être remodifié dans un sens centralisateur. Ce texte créera un assistanat et des inégalités flagrantes. Son coût n'est pas estimé. Le groupe UDF votera cette motion (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF, du groupe DL et du groupe du RPR).

M. Marcel Rogemont - Y a-t-il lieu d'en délibérer ? Oui, puisqu'il reste plusieurs questions à trancher. Le groupe socialiste votera contre la question préalable (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

La question préalable, mise au voix, n'est pas adoptée.

Mme Muguette Jacquaint - La droite sénatoriale, écartant nombre d'avancées sociales élaborées par notre assemblée, a adopté un véritable contre-projet où les principes et les idées libérales teintées de charité sont érigés en fondement de protection sociale. Ainsi l'allocation personnalisée à la santé dégressive en fonction des revenus donnerait accès à des soins minimaux. Ce phénomène serait aggravé par la création du panier de soins qui légitime le protocole d'accord, fortement contestable, entre la CNAM et les organismes complémentaires.

De plus, les bénéficiaires du RMI seraient dirigés obligatoirement vers les CPAM, et le champ des assurances privées serait élargi. Bref, comme le rappelait Guy Ficher, sénateur du Rhône, il s'agit plus de réduire les dépenses de santé que de satisfaire une véritable politique de prévention et de soins.

Il revient donc à la majorité de l'Assemblée nationale de rétablir des soins de qualité pour près de 6 millions de personnes. Elle l'avait fait en première lecture. Le président d'ATD-Quart Monde déclarait même alors : "Nous mettons fin à un demi-siècle de résignation où l'on meurt dans notre pays faute d'argent".

Plusieurs amendements avaient amélioré substantiellement le projet. La commission des affaires culturelles a repris ces avancées, notamment celles que le groupe communiste avait défendues, en accord avec les associations et le mouvement social : ouverture immédiate des droits, négociations collectives annuelles dans les entreprises pour les salariés qui ne sont pas couverts par un accord de branche sur la prévoyance maladie, obligation d'intégrer cette dernière dans les conventions collectives d'entreprise, modèle unique de formulaire de demande d'adhésion ou de contrat afin d'éviter toute dérive commerciale. L'Assemblée avait également garanti la qualité des prothèses ou appareillages médicaux. Elle avait aussi supprimé le rôle du préfet dans l'attribution de l'aide médicale qui pouvait permettre d'écarter les étrangers en situation irrégulière de l'accès aux soins.

Après ces avancées indéniables, nous souhaitons encore améliorer le texte en deuxième lecture notamment sur le seuil d'accès et le financement sur la participation des entreprises, le devenir des contingents communaux, la prise en compte des caractéristiques des départements, l'aide à la mutualisation et le renforcement du droit d'option.

Nous continuons à désapprouver l'ajout du titre IV, "Modernisation sanitaire et sociale". N'ayant pu obtenir un vote séparé, nous déposerons de nouveau des amendements.

Les articles 33 à 37 ont permis d'ouvrir le débat sur le danger que représentent les données informatisées pour les libertés individuelles.

Tenant compte du point de vue de nombreuses associations telles que la ligue des droits de l'homme, des groupes du Sénat, dont le groupe communiste républicain et citoyen ont supprimé de l'article 37 les dispositions permettant de traiter les données des programmes médicalisés des systèmes d'information -PMSI- sous une forme identifiable. La nouvelle rédaction adoptée en commission est satisfaisante.

Parmi les améliorations que nous voulons introduire, la plus importante est le relèvement du seuil. A 3 500 F, il couvre six millions de personnes mais pas tous les bénéficiaires des minima sociaux et il reste inférieur au seuil de pauvreté.

Le relever à 3 800 francs justifierait mieux l'appellation "universelle" même si les étrangers en situation irrégulière restent exclus. Le groupe communiste souhaite donc ce relèvement ainsi qu'un dispositif pour éviter l'effet de seuil.

A l'appui de ces propositions, nous suggérons plusieurs moyens de financement. D'abord il est indispensable que les entreprises contribuent au financement de la CMU. Apparemment l'opposition ne trouve rien à y redire.

M. René Jacquat - La première partie était bonne, mais là nous ne vous suivons plus !

Mme Muguette Jacquaint - Nous proposerons par amendement la création d'une cotisation sociale additionnelle de 0,5 % sur les revenus financiers.

Ces revenus doivent d'ailleurs contribuer au financement de la protection sociale dans son ensemble comme le prouve le débat sur les retraites.

Enfin le mode de financement retenu pour la CMU est insatisfaisant. En effet, l'Etat retranchera à la DGD versée aux départements 95 % de la part des dépenses qu'ils auront consacrées à l'aide médicale en 1997. Ce mode de calcul désavantage les départements qui se sont engagés dans une réelle politique d'accès aux soins de même que ceux dont la population est particulièrement modeste. Il serait injuste de favoriser les conseils généraux qui ont simplement rempli leurs obligations légales. Pour l'éviter, le groupe communiste a déposé un amendement tendant à créer un fonds de solidarité pour l'action sociale qui viserait à réduire les inégalités entre départements;

Mme Aubry a insisté sur ces inégalités au Sénat, soulignant l'écart qui parfois existe entre les richesses d'un département et ses charges d'action sociale. Malheureusement, ce texte ne propose aucune solution. Selon certains dires ministériels, la création de ce fonds entraînerait des modifications telles qu'une réflexion plus large sur une péréquation au sein des dotations de l'Etat, notamment de la DGF, serait nécessaire. Or, le dispositif que nous proposons permettrait d'établir un certain équilibre sans avoir à modifier quoi que ce soit à la DGF.

Autre problème : l'existence même des contingents communaux. L'amendement que nous avions déposé à ce sujet a été repoussé en première lecture. Il semble toutefois que des discussions aient été engagées et que l'on envisage de supprimer la part aide médicale du contingent que les communes versent aux départements. Nous nous féliciterions de cette concertation si elle permettait de parvenir à un résultat concret au cours de ce débat.

Si la création de la CMU répond à une urgence sociale, cette loi ne saurait être une fin en soi. Afin de lutter contre ce type d'exclusion, il faut tout d'abord mener une politique de plein emploi et éviter la multiplication des licenciements économiques par les grands groupes. Notre proposition de loi, si elle était inscrite à l'ordre du jour et adoptée, entraverait les suppressions d'emplois. Ensuite, pour que la deuxième loi sur les 35 heures aboutisse à des créations d'emplois, il faudrait ne pas lier annualisation du temps de travail et heures supplémentaires, et au contraire limiter drastiquement celles-ci.

L'institution de la CMU mettra fin à des situations dramatiques, comme celle de cette femme seule, ne disposant que de très faibles revenus, à qui l'on réclamait 40 000 F de frais d'hospitalisation car elle n'avait pas effectué par méconnaissance de ses droits les démarches pour bénéficier de l'aide médicale gratuite alors qu'elle pouvait y prétendre. Ce texte doit donc entrer en vigueur rapidement. C'est pourquoi nous le voterons après avoir tout fait pour l'améliorer (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste).

M. Denis Jacquat - Conformément au Préambule de la Constitution de 1946, le droit à la santé, droit fondamental de la personne humaine, doit être garanti pour tous. Les revenus ne doivent pas être source de discriminations en matière de santé. Or, si le régime institué par l'ordonnance du 4 octobre 1945 avait vocation à être généralisé, 150 000 personnes ne bénéficient toujours d'aucune couverture maladie et 16 % de nos compatriotes n'ont pas de couverture complémentaire, voire 40 % parmi les chômeurs. Il existe bien l'aide médicale départementale qui couvre aujourd'hui 2,5 millions de personnes. Mais d'importantes disparités subsistent entre départements.

La CMU vise à remédier à ces carences. Onze ans après le RMI, ce projet de loi doit constituer un pas important dans la lutte contre les exclusions.

La CMU, qui répond à une idée généreuse, comporte trois dispositions majeures : la prise en charge, pour tous, des soins par un régime de sécurité sociale ; la protection complémentaire gratuite pour les six millions de personnes les plus démunies ; la dispense de l'avance des frais. Ce troisième point est essentiel, car le ticket modérateur devient souvent ticket d'exclusion.

Ce projet de loi institue quatre principes, que nous approuvons : l'immédiateté des prestations d'assurance maladie, leur universalité, leur continuité, même en cas de changement de régime, enfin la non-sélection des risques.

Financée par l'Etat et les organismes de couverture complémentaire, la CMU met fin à l'assurance personnelle et à l'aide médicale départementale. Les départements verront ainsi leur DGD diminuée de leurs dépenses d'aide médicale. Ce mode de calcul aura cependant pour effet pervers de pénaliser les départements les plus "vertueux".

Ce projet de loi n'innove pas radicalement. A ce titre, je salue l'action des gouvernements précédents, notamment le travail remarquable accompli par Xavier Emmanuelli en faveur des populations défavorisées. Il faut également se remémorer le projet d'assurance maladie universelle d'Alain Juppé, qui ouvrait droit aux prestations en nature de la Sécurité sociale à tous sous simple condition de résidence régulière. Le Gouvernement actuel ne s'est donc pas aventuré en terrain vierge et doit accepter de partager le mérite de ce projet.

Nous sommes pratiquement revenus au texte initial adopté par l'Assemblée nationale malgré l'examen du texte par le Sénat.

S'agissant du régime de base, la situation des populations les plus marginalisées ne pourra être réglée si les associations ne continuent pas de s'impliquer fortement pour aider les personnes actuellement hors du système de soins, notamment celles qui se sont heurtées à la complexité des démarches administratives. Il faut que le nombre de personnes sans couverture médicale de base passe de 150 000 à 0, conformément à l'objectif affiché.

C'est sur le régime complémentaire que le projet de loi est le plus insuffisant.

Pour les six millions de personnes aux revenus les plus modestes, le Gouvernement propose une couverture complémentaire comprenant la prise en charge intégrale du ticket modérateur et du forfait journalier.

Les bénéficiaires auront le choix entre le recours à une caisse de Sécurité sociale, à une mutuelle, à une institution de prévoyance ou à une compagnie d'assurance, sans avoir à verser de cotisation, même symbolique. Si la nécessité d'une prise en charge complète des soins est acquise, les modalités d'application du dispositif peuvent être discutées.

Le premier point qui prête à discussion est l'absence de cotisation. Cotiser serait, selon certains, un geste de citoyenneté contribuant à affirmer le sentiment de dignité. Ainsi notre rapporteur Jean-Claude Boulard écrit, que "contribuer, même faiblement, est également une composante de l'insertion". L'absence de cotisation pose par ailleurs un problème au regard du code de la mutualité. En effet, les "membres bénéficiaires" non contributeurs ne peuvent être considérés comme des adhérents à part entière, ni jouir des prérogatives liées à ce statut.

Certains estiment au contraire que l'accès aux soins est un droit constitutionnel auquel les individus peuvent prétendre sans avoir à payer.

L'argument décisif tient aux conséquences en cas de non-paiement de la contribution. Celle-ci ne pouvant être que symbolique, il est fort improbable que des poursuites soient engagées pour en assurer le recouvrement. La contrevenance se retrouverait de facto impunie et le principe même de contribution dépourvu de sens.

Autre problème : le niveau du seuil de revenus retenu pour pouvoir bénéficier de la gratuité de la complémentaire. Il est actuellement fixé à 3 500 F pour une personne seule, à 5 200 F pour un ménage de deux personnes, 6 300 F pour trois personnes, 7 700 F pour quatre personnes et 1 400 F par personne supplémentaire au-delà.

3 500 F, c'est une somme inférieure au minimum vieillesse et à l'allocation pour adulte handicapé, mais surtout au seuil de pauvreté estimé à 3 800 F par l'INSEE. Or, en choisissant un plafond de 300 F inférieur à ce seuil, on exclut de la protection complémentaire deux millions de personnes qui, par définition, sont dans le besoin. Cela n'est pas conforme à l'esprit de la loi. Le seuil doit donc être relevé à 3 800 F et indexé.

En outre, l'effet de seuil créera une discrimination inacceptable. Certains auront droit à la CMU tandis que d'autres percevant un franc de plus, devront payer intégralement leur complémentaire. Cet effet "guillotine" touchera ces personnes aux revenus modestes.

Tout doit donc être fait pour effacer l'effet de seuil. Les mécanismes proposés sont insuffisants. En effet, s'il est compensé seulement par l'action sociale des caisses ou des collectivités locales, le risque d'inégalités demeure.

La meilleure solution serait d'accorder des aides dégressives à ceux dont les revenus sont situés au-dessus du plafond. Le système proposé par le Sénat était très intéressant.

Je souhaiterais aussi que nous nous interrogions sur les chiffres avancés quant au nombre de personnes ayant besoin d'être aidées pour pouvoir se soigner.

Selon une enquête du CREDES, un Français sur quatre a déjà renoncé à se soigner pour des motifs financiers. Pour l'ensemble de la population française, le taux de renoncement aux soins s'élève à 16,5 % dans l'année. Or, le projet se propose de couvrir six millions de personnes, soit 10 % des Français. Même avec un seuil à 3 800 F, la CMU n'en couvrirait que 8,5 millions, soit environ 14 %. Nous serions encore loin des 16,5 %. Que feront ces personnes qui, non couvertes par la CMU, n'ont pas les moyens de recevoir tous les soins que requiert leur état de santé ? Cette question renvoie à la nécessité de lisser l'effet de seuil.

Je regrette par ailleurs que le montant du panier de soins soit uniformément fixé à 1 500 F par personne et par an. Les personnes âgées dépensent en effet 2 400 F en frais médicaux par an, contre 800 F pour les jeunes. Au regard du nombre de personnes âgées concernées par ce projet, le montant prévu risque fort d'être insuffisant, d'autant que, selon votre ministère, chaque Français a dépensé en moyenne 12 431 F pour sa santé en 1997.

Je déplore également la discrétion du projet sur les indispensables actions de prévention.

Quant au titre IV, qui forme en fait un véritable DMOS, il aurait dû à l'évidence être examiné séparément.

Enfin ce débat ne doit pas occulter celui sur la modernisation de notre système de soins, qui se caractérise par un des taux de remboursement les plus faibles d'Europe, pour des cotisations parmi les plus élevées.

Ce projet marque une avancée sociale réelle mais il comporte encore trop de lacunes (Applaudissements sur les bancs du groupe DL, du groupe du RPR et du groupe UDF).

M. Jean Pontier - Comme vous l'avez si bien dit, Madame la ministre : "devant la maladie et la douleur, le niveau de revenu ne doit pas introduire de discrimination". Votre projet vise donc à rendre automatique l'affiliation à un régime de base de la Sécurité sociale dès seize ans. L'aide médicale gratuite dispensée au niveau départemental et les inégalités qu'elle engendrait disparaissent donc.

Certains départements, comme l'Ardèche, avaient engagé depuis 1993 un énorme travail pour permettre à de nombreux usagers, bénéficiaires du RMI, de retrouver leurs droits. Ils avaient adopté, en partenariat avec les caisses primaires d'assurances maladie et la Mutualité sociale agricole, un système performant de carte de Sécurité sociale, permettant sans avance de frais, la prise en charge du ticket modérateur et du forfait journalier sur l'ensemble du territoire français. Pour les soins complémentaires, le dispositif reposait sur un fonds d'aide, géré paritairement avec les caisses.

En décidant le retour vers l'Etat et les organismes sociaux de ces compétences départementales d'aide médicale, vous mettez en place un dispositif approuvé par l'Association des présidents de conseils généraux, accompagné d'un transfert financier qui serait effectué par un prélèvement sur la dotation générale de décentralisation ou, dans le cas d'une DGD négative, par une diminution du produit des impôts transférés.

Mais, les sommes transférées des départements vers l'Etat comprennent aussi une recette en provenance des communes au titre du contingentement. Il faudra donc vraisemblablement revoir localement ce dispositif, qui, s'il s'avère plutôt avantageux dans certains départements, risque de pénaliser ceux où le nombre d'érémistes, pris en charge, est élevé. On pourrait prendre en compte une moyenne des dépenses constatées sur plusieurs exercices, comme cela a été suggéré par les départements concernés.

En ce qui concerne le volet complémentaire et novateur de votre projet, la plupart des observateurs se sont réjouis de la sainte alliance que vous aviez su susciter entre mutuelles et assurances, tout en autorisant la Sécurité sociale, responsable de la couverture de base, à gérer aussi la complémentaire.

A cet égard, il me paraît important de prévoir des actions de formation, notamment des personnels des caisses, qui devrait passer d'une logique de justification à une logique de déclaration.

Les réticents pensent que les frontières tracées il y a cinquante ans par Pierre Laroque entre régimes obligatoires et complémentaires risquent d'être brouillées. Toutefois, les signataires ont tenu à affirmer qu'"il n'entrait pas dans la vocation de leurs organismes de se concurrencer sur leur terrain respectif". Voilà une bonne et saine déclaration, qui pour peu que la couverture maladie universelle s'organise au plus près du droit commun, évitera le risque de getthoïsation d'un système, propre à six millions de personnes.

D'ores et déjà, pour limiter les effets de seuil il apparaîtrait souhaitable de généraliser le tiers payant au-dessus du barème de 3 500 F, qui reste inférieur au seuil de pauvreté. De même, il conviendrait de prévoir une aide dégressive à la couverture complémentaire des personnes aux revenus intermédiaires. Enfin, les personnes ayant de meilleures ressources après un an de bénéfice du dispositif pourraient continuer à être couvertes de manière dégressive par la complémentaire. Je suis toutefois conscient qu'en l'état votre réforme coûtera environ 9 milliards.

Certains voient dans l'article 37 de votre projet la possibilité de limiter, voire d'interdire, la consultation des PMSI malgré les avis favorables donnés jusqu'alors par la CADA.

Votre réforme aura donc des incidences sur l'organisation des conseils généraux qui géraient, souvent généreusement, les dossiers d'aide médicale, au point que certains s'interrogent sur la pérennité de leur légitimité à conduire des politiques sociales.

Certes, il faudra du temps pour que l'on comprenne bien que la CMU est une prestation de solidarité garantie par l'Etat, et que ce n'est pas la Sécurité sociale qui paye cette part-là, même si c'est la caisse primaire d'assurance maladie qui la gère. Quant aux associations agréées, elles devront se montrer vigilantes dans leur rôle de soutien aux personnes démunies pour ne pas être écartées dans les demandes d'affiliation et de transmission de documents.

Enfin, les huissiers de justice ont appelé votre attention sur les conséquences du dispositif de l'article 14. Le Sénat a souhaité rassurer une profession qui, bien que décriée, ne mérite pas l'anathème.

Je souscris à votre projet qui non seulement renforce la protection sociale, mais redonne aussi une part de sens à la citoyenneté française (Applaudissements sur les bancs du groupe RCV et du groupe socialiste).

Mme Roselyne Bachelot-Narquin - Le groupe RPR dénonce une fois encore le détournement de procédure qui nous fait examiner dans le même texte une réforme d'importance et un véritable DMOS, fourre-tout de 29 articles qui pollue le débat. Et la surcharge de l'ordre du jour parlementaire n'est qu'un piètre argument quand on voit que certains textes anodins y trouvent leur place, sans doute pour ménager des susceptibilités politiques...

J'en resterai pour ma part à ce qui aurait dû être l'unique objet sinon de notre ressentiment du moins de notre examen, votre projet de couverture maladie universelle.

Face à un dysfonctionnement social, le politique doit, tel un médecin, poser le diagnostic, détecter l'étiologie, décider du traitement.

Pour le diagnostic nous sommes d'accord. Six millions de Français ont des difficultés d'accès aux soins -700 000 n'ont même pas de droits ouverts à l'assurance maladie, 550 000 d'entre eux ont recours à l'assurance personnelle. Pire, un Français sur quatre avoue avoir renoncé à des soins pour des raisons d'argent. Or nous savons que l'exclusion des soins en accompagne bien d'autres : logement, éducation, culture, emploi. Quand une personne souffre d'édentation totale, elle perd l'estime de soi, la capacité de plaire, mais elle souffre aussi de difficultés pathologiques d'alimentation, d'isolement social et elle perd toute chance de retrouver un emploi.

Nous différons en revanche sensiblement sur l'analyse des causes.

Vous voyez comme seule origine des difficultés d'accès aux soins la notion de revenus.

Or, et le rapporteur du Sénat l'a bien noté, les six millions de Français exclus des soins ne forment pas un groupe homogène. Des gens modestes font un choix budgétaire en faveur de l'assurance complémentaire. Les trois quarts des personnes ayant un revenu mensuel compris entre 2 000 et 3 000 F sont couvertes par une complémentaire. Dans le même temps, on est toujours surpris de voir des fumeurs trouver les 500 F mensuels nécessaires à leur drogue et rechigner devant le paiement de la mutuelle ou l'acquittement d'un ticket modérateur parfois assez faible... L'accès aux soins met donc en jeu des pratiques économiques et sociales et ne prendre en compte que l'aspect monétaire est insuffisant.

Autre différence majeure d'analyse : notre système d'assurance maladie -que nous avons longtemps considéré avec suffisance comme le meilleur du monde- a entraîné des effets pervers en raison de l'insuffisance des taux de remboursement. Pour certains secteurs, prothèses dentaires et auditives, lunetterie, on peut même parler d'un non remboursement délibéré où la responsabilité des politiques et des gestionnaires de caisses est grande.

L'exclusion de certains soins atteint donc un niveau considérable, même dans les classes moyennes, et les organismes mutualistes ont relevé les difficultés des salariés aux alentours du SMIC pour accéder à des traitements longtemps considérés comme luxueux, mais qui sont indispensables.

Face à ce constat, vous nous proposez un dispositif dont certains aspects sont positifs mais qui ne peut recueillir notre accord.

L'aspect le plus positif est bien entendu la prise en charge des 700 000 personnes qui n'ont pas de droits ouverts à l'assurance maladie et dont 550 000 se sont protégés par la coûteuse assurance personnelle. Vous avez bien voulu convenir devant le Sénat que cette partie avait été largement préparée par le précédent gouvernement. Nous en approuvons donc le principe et les modalités.

D'autres dispositions suscitent nos inquiétudes. Vous voulez résoudre les difficultés des six millions de personnes concernées non en les intégrant au dispositif de droit commun mais en les enfermant dans une case à part, avec un réel risque de stigmatisation.

Ce phénomène est amplifié par l'effet de seuil des 3 500 F. Certes, vous nous avez dit un jour qu'en multipliant les seuils, on annihilait ce fameux effet. Mais là, vous faites très fort ! Vous accroissez ainsi le sentiment d'injustice, chez les titulaires du minimum vieillesse ou de l'AAH. L'Association des paralysés de France note ainsi qu'au-delà de 60 jours d'hospitalisation, l'AAH est réduite au titre de la participation à l'entretien et à l'hébergement. Ceux qui la perçoivent doivent acquitter le forfait journalier et il ne leur reste ainsi que 601 F par mois pour faire face à leur loyer et à leurs autres dépenses. N'est-il pas injuste qu'à quelques dizaines de francs près ils ne puissent bénéficier de la CMU ? Vous avez dit que le relèvement du seuil à 3 800 F entraînerait un surcoût de 3 milliards. Mais vous avouez bien ainsi une injustice majeure que la CMP -couverture maladie personnalisée- éviterait.

Quant au lissage que vous proposez et dont ne bénéficieront que pendant un an ceux qui viendraient à franchir le seuil fatidique, il ne fait qu'aggraver l'injustice du système.

Et je ne parlerai pas de l'incitation faite aux départements de procéder à des prises en charge supplémentaires : cette loi ne visait-elle pas, selon vous, à effacer les inégalités nées de la décentralisation... de M. Defferre ? Nul ne peut se prévaloir de ses propres turpitudes, Madame la ministre !

Nous nous inquiétons aussi du financement de cette loi : le coût de 1 500 F par personne, par vous annoncé, relève de la sous-évaluation manifeste, comme n'ont pas manqué de le relever M. Davant, les responsables de la MNEF -eh oui !- le délégué général du groupement des assurances des personnes et le conseil d'administration de la CNAF. Nul doute qu'après les adhérents des mutuelles, les contribuables devront mettre la main à la poche !

Enfin, votre dispositif remet en cause la légitimité de l'assurance maladie, du régime de base : comment justifier que ceux qui auront choisi la complémentaire de la caisse primaire n'auront à s'adresser qu'à un seul guichet, contre deux pour ceux qui souscriront auprès des mutuelles. Même parmi vos amis politiques, nombreux sont ceux qui ont relevé là une dérive...

Alors, que faire ?

Vous laissez supposer que rien n'aurait été fait avant vous. Au Sénat, vous avez été très elliptique, notamment, sur l'action des conseils généraux, sauf pour dénoncer son insuffisance et son caractère inégalitaire. Mais, outre que certains assuraient une prise en charge bien supérieure à celle que vous proposez, ils avaient le mérite d'opter pour une formule à la fois globale et personnalisée, condition sine qua non d'un véritable accès aux soins. Pour nous, nous souscrivons totalement à la prise en charge personnalisée suggérée par le Sénat d'après le modèle de l'allocation logement. Fonctionnant à coût constant et bénéficiant à plus de personnes, ce système a aussi le mérite de responsabiliser les intéressés et de gommer un certain nombre d'effets pervers -désincitation à l'emploi, dissimulation de revenus....- même si, je l'admets, la contribution dont il est assorti serait bien difficile à collecter.

En première lecture, nos collègues Mattei et Accoyer avaient détaillé cette proposition dont les sénateurs Descours et Huriet ont ensuite démontré qu'elle était parfaitement applicable. C'est un véritable projet alternatif, proche en définitive du scénario partenarial proposé par notre excellent rapporteur, voire de celui que vient de défendre M. Pontier. Si vous suiviez nos suggestions, nul doute que nous pourrions parvenir à l'unanimité. A défaut, le groupe RPR, à son grand regret, ne pourra voter ce projet (Applaudissements sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL).

Mme Odette Grzegrzulka - Je me félicite que ce texte nous revienne si vite après notre première lecture, tant il est urgent que nous l'adoptions avant la fin de la session : six millions de personnes en ont besoin !

En revanche, je regrette que le projet n'ait pas bénéficié, comme à l'habitude, d'enrichissements de la part du Sénat et je déplore l'échec de la CMP. Certes, la Haute Assemblée a fait des efforts mais, comme vous l'avez dit, Madame la ministre, nos collègues sénateurs ont "tenté" d'élaborer un contre-projet... sans même nous dire comment ils réussiraient ce tour de passe-passe qui consiste à ouvrir des droits nouveaux à beaucoup plus de personnes sans augmentation du budget. L'échec de la CMP était dès lors prévisible !

M. Bernard Accoyer - Avez-vous lu leur projet ?

Mme Odette Grzegrzulka - Nous aurions pu, du reste, gagner du temps ce soir si la droite nous avait épargné ses motions de procédure. Maintenant que les élections européennes sont passées, cette obstruction s'imposait-elle encore ?

M. Bernard Accoyer - Tout irait mieux, s'il n'y avait pas d'opposition !

Mme Odette Grzegrzulka - La majorité plurielle a considérablement enrichi ce projet. Je mentionnerai, pour la première lecture, la création d'un fonds d'accompagnement, l'extension du tiers-payant aux personnes dont le revenu dépasse le seuil mais qui ont choisi un médecin référent, le choix d'un formulaire identique sur tout le territoire, l'ouverture immédiate du droit à la CMU et la fixation par décret d'un délai d'instruction des demandes, et l'obligation faite aux entreprises, grâce à nos collègues communistes, de négocier un régime de prévoyance maladie pour les salariés qui ne sont pas couverts par un accord de branche.

En deuxième lecture, notre commission a ajouté son propre apport : domiciliation auprès d'un CCAS ou d'un organisme agréé, exclusion des pensions et obligations alimentaires du nombre des ressources prises en compte, dépôt, tous les deux ans, d'un rapport d'évaluation.

Je comprendrais donc mal que l'opposition ait honte d'approuver de telles avancées. J'espère également qu'elle saura taire, pendant ce débat, ses propres contradictions et renoncer aux faux procès.

Je souhaite d'autre part qu'à votre habitude, Madame la ministre, vous publiiez rapidement les décrets d'application et qu'un suivi de cette loi soit assuré.

Parce que la grande majorité de nos concitoyens souhaite ce projet, approuvé par la Fédération des Mutuelles de France ainsi que par les associations caritatives, j'espère enfin que nous ne terminerons pas cette session sans l'avoir voté. Mais s'il en était autrement, je suis sûre que le Président de la République, champion de la lutte contre la fracture sociale, autorisera une session extraordinaire de quelques jours.

Quoi qu'il en soit, soyez assurée, Madame la ministre, que le groupe socialiste votera ce texte avec enthousiasme et fierté ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste)

M. Yves Bur - Etre empêché par la précarité et la pauvreté d'accéder aux soins est une injustice inacceptable dans une société qui se veut évoluée et solidaire. Mais, si nous partageons ce constat, le débat de première lecture a montré que le scénario retenu par le Gouvernement n'avait l'assentiment ni de l'opposition à l'Assemblée ni du Sénat, tant il privilégie l'assistance et la déresponsabilisation.

En dépit des progrès de la médecine et d'un système social très généreux, le droit à la santé a connu un formidable recul. Cette régression, nous la devons d'abord à une crise dont la France a plus que d'autres pays du mal à se dégager, faute de faire les choix qui permettraient de réduire le chômage.

Nous le devons ensuite à notre incapacité d'en finir avec la dérive financière de la Sécurité sociale. En voulant trop longtemps rationner la demande, nous avons de fait exclu de plus en plus de personnes. Pour y remédier, fallait-il pour autant s'engager dans la voie que vous avez imposée à votre majorité ? Nous ne le pensons pas car la CMU n'empêchera pas la stigmatisation d'une population déjà fragilisée. En effet, au lieu de faire entrer les 6 millions de personnes concernées dans le droit commun, vous les maintenez dans un dispositif particulier.

Imparfait, il l'est d'abord parce que, sous couvert d'égalité sur l'ensemble du territoire, vous organisez un recul par rapport aux possibilités offertes par les nombreux départements où le revenu pris en compte était net de charges telles que le loyer et les charges locatives, voire dans certains cas les dettes.

Imparfaite la CMU l'est également parce que beaucoup en seront exclus en raison du seuil, et les artifices n'y changeront rien. Comment expliquerez-vous à des salariés aux revenus modestes ou aux bénéficiaires du minimum vieillesse ou de l'allocation adulte handicapé que, pour 40 F en trop, elles sont trop riches pour bénéficier d'une aide ?

Complexe et imparfaite, la CMU l'est également à raison de sa mise en oeuvre par les CPAM et les organismes complémentaires et de la confusion qui s'installera entre ces institutions. De plus, la lourde charge de l'accueil et de l'instruction des dossiers, confiée aux caisses primaires, exigera d'elles une réorganisation interne à un moment où le service laisse de plus en plus à désirer dans de nombreux centres de paiement. Nul doute que ce sera facteur d'inertie, sauf à ralentir encore les remboursements.

Imparfait, ce projet l'est aussi par son silence sur le contenu du panier de soins et sur les moyens qui permettront réellement à 150 000 personnes de bénéficier de l'assurance de base. Car, vous le savez bien, l'affiliation de plein droit ne peut à elle seule garantir l'accès réel aux soins pour les publics en très grande difficulté et très marginalisés.

Imparfaite, la CMU l'est pour tous ceux qui se situent au-dessus du seuil d'exclusion retenu par le Gouvernement. Ils n'auront droit ni au tiers-payant, ni à une aide pour accéder à une assurance complémentaire mutualiste ou privée.

L'UDF n'approuve donc pas le choix du Gouvernement, choix qui d'ailleurs ne semble soulever l'enthousiasme ni des responsables de l'assurance maladie ni des mutuelles ni même de votre propre majorité. Et nous aurions souhaité faire évoluer le dispositif proposé vers une formule ne présentant pas les inconvénients dont je viens de parler. Je pense à l'allocation personnalisée santé que proposait notre collègue Jean-François Mattei et que le Sénat a reprise. Avec ce dispositif, l'accès aux soins serait assuré pour tous les citoyens dans les conditions de droit commun et ce, pour l'assurance maladie de base comme pour la complémentaire, alors que, dans le cadre de la CMU, les bénéficiaires devront toujours présenter une carte santé particulière indiquant les conditions d'accès et de prise en charge des soins -ce qui les stigmatise.

En instituant une allocation dégressive en fonction des ressources des personnes, l'APS solvabilise les citoyens à faibles ressources, qu'ils bénéficient de minimas sociaux ou de revenus modestes. Et il permet une prise en charge à 100 % des Rmistes.

Vous avez indiqué au Sénat, Madame la ministre, que vous n'étiez pas opposée au principe de l'APS mais sceptique quant aux conditions de sa mise en oeuvre. Pourtant, celle-ci ne serait guère différente de celle de l'allocation logement, qui est bien rodée. Avec l'APS comme avec l'allocation logement, l'effet de seuil serait lissé. Cette formule permettrait en outre à ses bénéficiaires de prendre conscience que, si la santé est un droit, elle a aussi un coût auquel tous les Français doivent participer en fonction de leurs capacités. Cette responsabilisation minimale qui est à l'opposé de l'assistance généralisée que vous proposez rencontre d'ailleurs l'assentiment des Français, comme en témoigne un sondage réalisé par des mutuelles : 82 % des personnes interrogées estiment en effet que tous les Français doivent contribuer, même symboliquement, au financement de la CMU.

Contrairement à la CMU, l'APS n'entraînerait aucune confusion des rôles avec l'assurance complémentaire.

A ce propos, je voudrais rappeler que des régimes comme la MSA et la CANAM risquent d'être déstabilisés par la concurrence de la CMU. Comment ces deux régimes pourront-ils continuer à exiger une cotisation minimale même lorsque les revenus des assurés sont en deçà du seuil de 3 500 F ? Et les ressortissants de la CANAM, c'est-à-dire tous les travailleurs indépendants, resteront-ils les seuls à ne bénéficier que d'une prise en charge à 50 % de leurs dépenses de santé alors qu'ils cotisent lourdement même quand ils n'ont que des revenus modestes ?

Enfin, nous nous inquiétons du coût réel de ce nouveau dispositif tant pour l'Etat que pour l'assurance maladie, et ce d'autant plus que le retour à l'équilibre est déjà considéré comme hors d'atteinte pour 1999 et que le Gouvernement n'a de cesse de mettre à la charge de l'assurance maladie de nouvelles dépenses gagées sur des promesses que tout le monde s'accorde à considérer comme irréalistes. Vous avez ainsi décidé, Madame la ministre, de faire supporter une large part de la facture de la réduction du temps de travail par les organismes de protection sociale. La Sécurité sociale sera ainsi contrainte de financer avec l'UNEDIC l'essentiel du coût de l'aide structurelle prévue, ce qui pourrait représenter une ardoise supplémentaire d'une quinzaine de milliards pour la Sécurité sociale, en contradiction avec la loi de 1994 qui impose à l'Etat de compenser aux caisses les exonérations de cotisations qu'il accorde.

S'agissant de la CMU, nous craignons qu'une fois de plus l'assurance maladie soit appelée à supporter les dépenses nouvelles engendrées inévitablement par le dispositif déresponsabilisant de la CMU et l'extension du tiers-payant.

Vous comprendrez, Madame la ministre, que les conditions ne sont pas réunies pour que nous puissions adhérer à votre projet. Certes, nous en partageons les objectifs mais nous regrettons que vous n'ayez pas accepté d'évolutions, même celles minimales envisagées par le rapporteur, susceptibles de rendre ce projet de CMU plus conforme aux exigences d'équité, de solidarité et de responsabilité que les Français étaient en droit d'attendre (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF et du groupe du RPR).

M. André Aschieri - La rapidité avec laquelle ce projet a pu être de nouveau inscrit à l'ordre du jour est à la mesure de son urgence sociale. Mais sa teneur ayant été modifiée par la majorité sénatoriale, il convenait de revenir aux termes retenus par l'Assemblée.

Le traitement des données médicales, par exemple, avait l'objet, en première lecture, d'une rédaction plus conforme aux exigences de transparence que défendent les Verts. Il est heureux que la commission ait souhaité rétablir cette rédaction de l'article 37. Nous nous félicitons aussi que l'interdiction formelle de la prise en compte des résultats des études génétiques pour décider de l'attribution d'une protection complémentaire ait été maintenue.

Nous soutenons également le rétablissement du seuil de 2 500 habitants pour autoriser l'ouverture des pharmacies. La justice sociale, c'est en effet l'accès aux soins pour tous et donc aussi une couverture la plus large possible du territoire.

Restent cependant quelques ombres au tableau. Je pense en particulier à la situation difficile des médecins titulaires d'un diplôme obtenu hors de l'Union européenne. Plus de 8 000 médecins, ayant obtenu leur diplôme de médecine générale à l'étranger, exercent dans les hôpitaux publics français. Leur travail est indispensable au bon fonctionnement du réseau hospitalier et, pourtant, bon nombre d'entre eux se trouvent dans une situation professionnelle difficile. Il faut leur apporter une solution.

La prévention est, pour les écologistes, un maître mot. C'est elle qui nous conduit à mettre l'accent sur le sort des étrangers en situation irrégulière. Les intégrer au dispositif constitue pour nous non seulement un impératif moral mais aussi de santé publique car les maladies contagieuses ignorent les papiers d'identité. Cette approche préventive est validée par l'actualité sanitaire, qui plaide en faveur de la création d'une agence de prévention des risques sanitaires liés à l'environnement. C'est aussi cette logique de prévention qui nous anime lorsque nous demandons le relèvement du seuil d'accès à la CMU à 3 800 F. Un tel relèvement représente aujourd'hui un surcoût mais demain des économies car les personnes exclues du dispositif seront bien obligées un jour de se soigner, et, alors, il en coûtera bien plus cher ! Les députés Verts ont la conviction que la prévention, pour être efficace, ne peut être que large et totale. Telles étaient les ambitions des fondateurs de la Sécurité sociale, telle est aussi l'ambition déclarée de ce projet de couverture universelle.

Au-delà de ses aspects techniques, il faut voir aussi la portée historique de cette réforme. Il semble bien en effet que nulle part en Europe le train des réformes sociales ne soit conduit à un rythme aussi soutenu qu'en France. La prolifération de textes à caractère social que vous avez soumis, Madame la ministre, au vote de notre assemblée n'a pas son équivalent ailleurs. Et les résultats des dernières élections montrent que nous aurions tort de baisser la garde dans les combats sociaux. Le message de justice et de transformation sociale que nous portons a été entendu en France, alors que le flou entretenu par MM. Blair et Schröder a entraîné des revers pour leur parti en Angleterre comme en Allemagne.

Comme disait le Premier ministre, si nous devons être sanctionnés, nous préférons que ce soit sur l'application de notre programme que sur l'oubli de nos engagements. C'est pourquoi, Madame la ministre, malgré les réserves que j'ai évoquées, les députés Verts soutiennent résolument votre projet de loi qui est sans doute le plus généreux et le plus humaniste de tous ceux que nous avons votés depuis deux ans. Peut-être aurait-il mérité un vote solennel... (Applaudissements sur les bancs du groupe RCV et du groupe socialiste)

M. Jean-Luc Préel - Ce projet qui nous revient après avoir été bien amélioré par nos collègues sénateurs comprend trois parties bien distinctes.

La première, consiste à ouvrir aux 150 000 personnes, qui aujourd'hui n'en bénéficient pas, le droit à la couverture de base. Nous l'approuvons, mais nous aurions préféré, Madame la ministre, que vous optiez pour une assurance maladie universelle qui aurait harmonisé les 19 régimes existants. Vous avez malheureusement reculé devant la difficulté. Par ailleurs, il n'est pas sûr que ces 150 000 personnes aujourd'hui à l'écart du système de soins fassent demain les démarches nécessaires pour y accéder.

En revanche, nous sommes opposés aux deux autres parties et c'est cela qui nous conduira à voter contre l'ensemble du projet.

Le second volet du projet, qui concerne la couverture complémentaire, présente trois défauts majeurs : l'effet de seuil ; le non-respect des compétences respectives de la base et de la complémentaire ; la déresponsabilisation.

En première lecture, je vous ai proposé au lieu de cela une aide dégressive, inversement proportionnelle au revenu, pour financer l'assurance complémentaire de chacun. Cela permettrait de supprimer le recul et ses effets dévastateurs, injustes pour les Français moyens ; cela permettrait aussi de préserver les champs de compétences du régime de base et du régime complémentaire.

En les modifiant comme vous le faites, on risque d'aller à l'encontre des articles 86 et 87 du traité de Rome. Les régimes complémentaires pourraient attaquer le projet à Bruxelles, et accéder aux régimes de base. Selon des avocats très sérieux, le risque est réel.

Mme la Ministre - On verra bien ce qu'en dira le Conseil constitutionnel.

M. Jean-Luc Préel - Je vous parle de Bruxelles et des règles de la concurrence.

Quand je défendais un procédé simple, vous répondiez seulement que tel n'était pas votre choix : c'était un peu court !

Mme la Ministre - Vous ne m'avez pas écoutée ! C'est décevant.

M. Jean-Luc Préel - Votre projet comporte par ailleurs beaucoup d'imprécisions...

M. le Président - Il faudrait conclure.

M. Jean-Luc Préel - Quant au troisième volet du projet, c'est un DMOS, un vrai fourre-tout. Vous avez refusé des amendements au motif qu'ils n'entraient pas dans le cadre de ce pseudo-DMOS. Certains articles sont intéressants, d'autres sont critiquables -nous y reviendrons.

Pour résumer, nous approuvons le principe d'une couverture de base étendue à ceux qui n'en bénéficient pas aujourd'hui, mais nous désapprouvons les modalités du volet complémentaire (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF, du groupe DL et du groupe du RPR).

M. Bernard Accoyer - Excellent !

M. Marcel Rogemont - En première lecture, j'étais passé rapidement sur le titre IV pour me concentrer sur l'objet principal du texte. Je voudrais à présent y revenir. Le rapporteur a dit en commission qu'un DMOS serait nécessaire pour examiner de nombreuses questions pendantes -et de fait, on est passé en première lecture de 6 à 36 articles. Je me félicite particulièrement du vote de l'article 32 sur le bilan du dépistage du VIH et l'extension du dispositif aux autres maladies transmissibles telles que l'hépatite C.

Plusieurs amendements visent à rendre plus souple l'organisation de notre appareil de soins. Il convenait de multiplier les outils nécessaires à la mise en oeuvre d'une politique de santé publique en permettant de tisser de nouveaux rapports au sein de l'offre de soins, de nourrir les relations entre les différents établissements, pour mieux répondre aux besoins de soins de nos concitoyens.

De même, nous avons voulu résoudre certaines questions qui se posent à des personnes concourant à l'offre de soins. Nous approuvons la reconnaissance du statut des infirmiers psychiatriques, question non résolue depuis 1992. Nous approuvons qu'on prenne en compte l'activité hospitalière des étudiants en chirurgie dentaire. Nous approuvons aussi qu'on reconnaisse l'apport de 4 000 aides opératoires à l'hospitalisation -amendement adopté par l'ensemble de la commission, y compris M. Accoyer. Nous souhaitons cependant une vérification des compétences et un plan de formation, comme le proposent nos amis communistes.

Il y avait ensuite la question des médecins à diplômes extra-européens. Pouvait-on plus longtemps ignorer les nombreuses questions posées par leur statut -ou leur absence de statut ? Il y a déjà eu en 1998 et 1999 des quotas élevés d'autorisations exceptionnelles d'exercice de la médecine. Aujourd'hui, une période d'imprécisions se termine. Il restait à prendre en compte les situations particulières, et je propose, avec Mme Benayoun-Nakache, la mise en place d'une commission qui essaiera de les traiter humainement.

Le relèvement de la grille indiciaire des praticiens hospitaliers aurait été le plus sûr moyen de ne pas laisser se perpétuer une situation indigne de notre République. Les médecins à diplômes extra européens assurent pourtant plus de 50 % des gardes dans nos hôpitaux. Le titre IV résout enfin ce problème.

Il restera à poser la question de la différence de traitement entre les praticiens hospitaliers et les praticiens adjoints contractuels : lorsqu'un PH peut terminer sa carrière avec une rémunération de 524 000 F par an, un PAC termine la sienne à 248 000 F. Quelles sont vos propositions à ce sujet ?

Enfin, vous avez proposé de restructurer la Sécurité sociale des cultes, avec une caisse d'assurance vieillesse-invalidité-maladie qui répond enfin à un besoin ancien.

La discussion générale est close.

MOTION DE RENVOI EN COMMISSION

M. le Président - J'ai reçu de M. Philippe Douste-Blazy et des membres du groupe UDF une motion de renvoi en commission déposée en application de l'article 91, alinéa 6, du Règlement.

M. Jean-Pierre Foucher - Il existe un véritable problème de prise en charge des personnes en grande précarité, qui ne sont pas couvertes par l'assurance maladie. Personne ne le nie, et l'UDF d'autant moins qu'en son temps, Jacques Barrot, alors ministre des affaires sociales, préparait un ambitieux projet de loi sur l'assurance maladie universelle. Certains ont parlé de droit à la santé, mais l'idée n'est pas plus juste que celle de droit au bonheur : l'un et l'autre ne sont pas des droits, mais des aptitudes. Ce qui est un droit, c'est l'accès aux soins, et c'est ce droit-là que nous devons défendre. Il est inadmissible qu'en France, en cette fin de siècle, avec le niveau de notre PIB, plusieurs centaines de milliers de personnes renoncent à se soigner parce qu'elles ne peuvent assumer le coût des soins.

Faisant fi de la concertation qui avait prévalu pour la préparation du projet Juppé, comme des propositions constructives de l'opposition en première lecture et au Sénat, vous proposez un système ambitieux, mais dont l'économie n'est pas bonne. Votre projet est critiquable pour cinq raisons fondamentales. Son architecture est trop centralisatrice et administrative ; il s'attaque aux fondements de la Sécurité sociale ; il instaure l'assistanat pur et simple au lieu de responsabiliser ; il accroît les inégalités, notamment par les effets de seuil ; son coût n'a pas été bien mesuré.

Les six millions de personnes auxquelles vous voulez proposer une couverture de base et une couverture complémentaire sont écartées du régime de droit commun au profit d'un système spécial, d'un régime de protection sociale "bis", qui comprend la gratuité totale des soins sous forme d'un panier de soins médicaux déterminé par l'Etat ; des tarifs applicables en fonction des revenus du patient ; le remboursement à 100 % du ticket modérateur et du forfait journalier.

Autres faiblesses, le choix des organismes gérants qui n'existe pas pour l'assuré classique et le passage automatique de la protection complémentaire de droit commun, payante, à la protection complémentaire gratuite de la CMU.

10 % de la population sont concernés. Mais, prétendant à l'universalité vous organisez une certaine forme de relégation, à l'écart du droit commun. De quel droit amalgamer des situations extrêmement différentes au motif que le revenu est semblable ? Votre système très centralisé ne permettra pas de traiter les situations au cas par cas comme pouvaient le faire les conseils généraux. Ce système ne sera qu'égalitaire et non équitable. C'est l'Etat et lui seul qui gérera la CMU, alors que la lutte contre l'exclusion passe par des politiques ciblées sur le terrain.

Comme les sénateurs, je crains fort qu'à terme, le monopole de l'assurance de base ne soit remis en cause. C'est s'attaquer aux principes fondateurs de la Sécurité sociale, de manière sournoise. Par ailleurs, instaurer une assurance maladie "sous conditions de ressources" met gravement en péril le principe d'universalité des remboursements. D'un critère médical fondé sur l'importance du risque, vous faites un critère social. La CMU serait alors un moyen de redistribution des revenus, ce qui n'est pas le rôle d'une couverture de santé.

Une fois encore, vous développez l'assistanat. Au contraire nous avons toujours proposé la responsabilisation de tous, patients, assurés, acteurs de santé, seul gage d'efficacité et de maîtrise bien comprise des politiques publiques. La critique vous a été faite maintes fois pour le RMI, au sein duquel l'insertion ne compte plus guère. Ne recommencez pas avec la CMU ! Si les citoyens en situation la plus précaire ont des droits, ils ont aussi des devoirs. C'est pourquoi le groupe UDF a proposé une couverture maladie liée à la capacité contributive en tenant compte des effets de seuil. Ne vaudrait-il pas mieux, en allégeant le coût de la cotisation maladie pour les revenus les plus modestes, généraliser l'accès à une assurance maladie complémentaire ? Avec 3 510 F ou 3 520 F, on n'est pas "riche", on a peine à accéder aux soins et à une couverture complémentaire !

L'idée d'une contribution, même très modeste, semblait acceptée par tous. Ainsi M. Boulard rappelait que "l'effort contributif, même limité, est une valeur du monde mutualiste qu'il convient de prendre en compte. Contribuer, même faiblement, est une composante de l'insertion". Les raisons techniques avancées par le Gouvernement pour refuser une contribution modeste ne tiennent pas si l'on crée une allocation personnalisée à la santé comme l'a proposé le Sénat. Enfin, il est patent que des tricheries auront lieu, d'autant que vous placez en situation très difficile les assurés situés juste au-dessus du plafond.

En plus de l'assistanat, vous instaurez des inégalités. Je l'ai dit, les personnes qui se situent juste au-dessus du seuil ne sont pas plus favorisées que celles situées juste en dessous. Pourtant, elles paieront des cotisations mutualistes ou des primes d'assurance pour couvrir leurs dépenses de santé. Avec dix ou cent francs de moins par mois, elles seraient prises en charge gratuitement.

Par ailleurs, les organismes de protection sociale complémentaire et les caisses primaires d'assurance maladie ne sont pas sur un pied d'égalité. Les bénéficiaires de la CMU, déjà en général un peu "perdus" dans les rouages administratifs, préféreront par seul souci de simplicité, ne dépendre que d'un seul organisme pour la protection de base et pour la protection complémentaire. Ils choisiront donc la CPAM.

En outre, les régimes d'assurance maladie seront remboursés sur le fonds CMU au franc le franc alors que les organismes de protection complémentaire recevront un forfait annuel de 1 500 F par assuré CMU. Comment justifier une telle différence ? Seuls les organismes de protection complémentaire contribueront à raison de 1,75 % de leur chiffre d'affaire pour abonder le fonds réservé à la CMU.

Enfin, certains organismes complémentaires comptent parmi leurs adhérents 10 % voire 20 à 30 % de bénéficiaires potentiels de la CMU. Ils n'auront d'autre choix que de conserver cette "clientèle CMU". En particulier les organismes assurant la couverture complémentaire des artisans et commerçants qui ont coûté plus cher que celle des salariés, auront du mal à assurer leur équilibre financier.

Enfin le coût de ce dispositif reste très approximatif. En rapprochant le nombre de bénéficiaires potentiels du coût évalué par personne, vous avancez 600 millions pour la couverture gratuite de base et 9 milliards pour la couverture gratuite complémentaire. En fait le financement de la couverture complémentaire repose sur des transferts financiers très complexes et en définitive, pèsera lourdement sur l'assurance maladie déjà bien mal en point. Je n'insisterai pas sur les déficits annoncés lors de la réunion de la commission des comptes de la Sécurité sociale le 31 mai dernier. Le jeu extrêmement complexe de flux et de réaffectation de recettes ou de déficits que vous voulez mettre en place risque de faire supporter à la CNAMTS un déficit d'environ cinq milliards dont près d'un milliard au seul titre de la CMU.

A l'évidence, un coût de 1 500 F par an par bénéficiaire est sous-estimé. Selon le CREDES, le coût moyen par personne de la couverture complémentaire ordinaire se situait entre 1 775 F et 1 915 F, il y a plusieurs années pour les moins de 65 ans... M. Boulard a évoqué un coût moyen du ticket modérateur à 1 150 F et du forfait hospitalier à 113 F, sans compter la prise en charge des soins dentaires, des prothèses auditives et des prothèses optiques. Si aujourd'hui le coût unitaire apparent par personne est de 2 200 F pour 2 500 000 personnes couvertes, comment tomberait-il subitement à 1 500 F pour 6 millions de bénéficiaires, dont l'état de santé est souvent médiocre.

L'instauration de la couverture complémentaire gratuite, l'exonération de cotisation et l'interdiction de suspendre les prestations en cas de non-paiement des cotisations ne pourront qu'avoir un effet négatif pour le système d'assurance sociale, au détriment des adhérents payants, dont les cotisations risquent d'augmenter. Dès lors les conseils généraux recevront plus de demandes d'aide sociale. Or ils financeront largement la CMU par un prélèvement sur la dotation générale de décentralisation à hauteur du montant de l'aide médicale, sans compensation. Malgré la déduction forfaitaire de 5 %, les conséquences financières seront non négligeables.

Ainsi au défaut de vision s'ajoute un déficit d'évaluation. L'opposition ne refuse pas le principe de la CMU. Mais la première lecture à l'Assemblée n'a pas permis de faire avancer les choses. En effet, Madame la ministre, vous avez refusé avec un systématisme regrettable toutes nos propositions et même celles que vous faisait votre propre majorité. C'est mépriser les députés qui pourtant connaissent le problème sur le terrain. Effets de seuil, coût de la CMU, remise en cause du système de protection sociale... Sur tout, votre oreille est restée totalement fermée. Vous avez déclaré l'urgence en pleine discussion de première lecture pour limiter les possibilités d'amendements, vous privez ainsi la représentation nationale d'une possibilité de débat, pourtant tellement nécessaire s'agissant de questions de société et de solidarité.

Vous avez adjoint au projet de loi relatif à la CMU un titre IV qui n'est rien d'autre qu'un DMOS que vous avez cepandant refusé de considérer comme tel. Là encore, vous vous êtes opposée à presque tous nos amendements, alors même que la plupart visaient à régler des questions sociales pendantes.

En exigeant un seul vote sur un texte en deux parties, si distinctes que deux rapporteurs ont été nommés, vous avez clairement montré votre souhait que le projet soit voté en l'état. Pourtant, l'ensemble des discussions, tant en commission qu'en séance, avaient mis au jour le nombre important de points à préciser ou à modifier.

Approfondissant la réflexion de l'opposition en première lecture ici même, le Sénat a imaginé une APS, allocation personnalisée à la santé, analogue à l'aide personnalisée au logement. Votre principal argument pour refuser dans son ensemble cette proposition est que le Sénat veut "faire payer les plus pauvres" ! Propos consternants quand son projet est précisément d'instituer une APS dégressive qui bénéficierait à tous les titulaires de faibles revenus, et responsabiliserait chacun en tenant compte de ses besoins et de ses moyens.

Ce système répondait à quatre objectifs principaux. Tout d'abord, intégrer, en les solvabilisant, six millions de personnes au système de protection sociale, sans créer de système à part.

S'adressant à un plus grand nombre de personnes, il aurait permis aux personnes qui n'en ont pas pour l'instant les moyens de se soigner. Calqué sur l'allocation personnalisée au logement, il aurait permis aux assurés CMU de bénéficier des mêmes soins que les assurés classiques, et non pas de soins au rabais, comme cela est à craindre avec votre dispositif. Financée comme la CMU par une taxe sur les organismes de protection complémentaire et par une subvention d'équilibre de l'Etat, cette allocation ne contraignait pas les professionnels à pratiquer des tarifs spéciaux et ne coûtait pas plus cher tout en couvrant davantage de personnes.

Ce système responsabilisait aussi les assurés CMU en effaçant les effets de seuil. Le bénéficiaire de l'allocation, dont le montant était dégressif en fonction du revenu aurait eu à charge d'adhérer à une mutuelle ou de souscrire un contrat d'assurance. Le caractère dégressif de l'allocation aurait en outre évité la trappe de pauvreté que crée votre système mais aussi la tentation de dissimuler des revenus pour bénéficier de la CMU.

Ce système aurait également permis de mieux répondre aux difficultés spécifiques des plus démunis : la couverture complémentaire des RMistes aurait été entièrement prise en charge, sa gestion étant assurée par les CPAM. En effet, les bénéficiaires du RMI sont souvent perdus dans les arcanes de l'administration : cette procédure aurait été plus simple. Cependant, afin de les responsabiliser, il leur était possible de choisir entre un versement direct de l'allocation à la CPAM et une perception directe avec reversement ultérieur de leur part à la caisse.

Enfin, et c'est pour nous un point très important qui rejoint l'esprit du projet ancien de Jacques Barrot, ce système établissait un véritable partenariat. L'assurance maladie de base aurait assumé la couverture de base et les organismes de protection complémentaire la protection complémentaire. Pour répondre aux protocoles d'accord signés entre la CNAMTS et les organismes, le Sénat a prévu que la CPAM assumerait l'instruction des demandes. Cela résoudrait tous les problèmes d'inégalité entre organismes, d'autant que ceux-ci auraient été remboursés eux aussi au franc le franc. Enfin, l'Etat, les organismes de protection sociale mais aussi les associations qui oeuvrent en faveur des plus démunis auraient été représentés au conseil d'administration du fonds.

C'est donc une philosophie totalement différente de la vôtre qui vous était proposée.

Mme la Ministre - C'est sûr !

M. Jean-Pierre Foucher - Différente parce qu'elle s'inscrit dans l'esprit fondateur de la protection sociale à la française et responsabilise les acteurs. Ce projet recueillait l'approbation de l'UDF. Jacques Barrot avait d'ailleurs proposé une architecture semblable que je me propose de vous rappeler.

M. Jean Le Garrec, président de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales - Oh non !

M. Jean-Pierre Foucher - Si, car vous n'en avez pas perçu l'importance. Il s'agissait de définir précisément le "panier de soins" dont l'accès doit être garanti à tous les résidents en situation régulière ; de proposer une "carte santé" délivrée par les CPAM et assurant une couverture adaptée aux besoins des populations les moins favorisées. Pour que les prises en charge soient effectives, les caisses auraient établi un partenariat avec le monde associatif et avec les départements, acteurs essentiels de la lutte contre l'exclusion.

Il s'agissait aussi de généraliser progressivement l'assurance complémentaire afin que tous les Français soient vraiment égaux face à l'accès aux soins. Une aide proportionnelle aux revenus était proposée pour les personnes à revenus modestes, celles qui actuellement renoncent à une assurance complémentaire pour des raisons économiques. L'allocation personnalisée à la santé proposée par le Sénat prend l'idée d'un accompagnement personnalisé des ménages développée par Jacques Barrot.

Nous regrettons, Madame la ministre, que vous ayez balayé d'un revers de la main toutes ces propositions constructives, non moins généreuses mais plus sensées, plus responsables et mieux adaptées aux besoins des plus démunis.

Votre solution n'est pas bonne. Vous n'avez pas laissé assez de temps pour étudier d'autres propositions. Il aurait fallu, Madame la ministre, être plus pragmatique et écouter davantage, plutôt que de verser dans l'idéologie.

Le changement de cap fondamental que vous proposez n'est pas exempt de risques pour notre système de Sécurité sociale non plus que pour l'architecture de la solidarité dans notre pays.

Un travail plus approfondi, plus attentif aux propositions, assorti d'évaluations aurait permis d'aboutir à un texte mieux maîtrisé et plus précis. Il n'est pas trop tard pour bien faire.

Pour toutes ces raisons, le groupe UDF estime nécessaire que la commission des affaires sociales examine de nouveau ce projet. Nous vous demandons donc de voter le renvoi en commission (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF, du groupe DL et du groupe du RPR).

M. le Président de la commission - Je demande une suspension de séance.

M. le Président - Elle est de droit.

La séance, suspendue à 23 heures 55, est reprise, le mercredi 16 juin à 0 heure.

Mme la Ministre - Une fois de plus, tout le monde est favorable aux principes. Mais je crains que cette belle unanimité ne satisfasse pas ceux qui attendent un système fiable leur garantissant un réel accès aux soins.

Je n'ai jamais dit, Madame Bachelot-Narquin, qu'il ne se passait rien dans les départements avant la CMU. Mais ce sont les inégalités territoriales qui nous ont amenés, en accord avec l'Association des présidents de conseils généraux, à monter ce dispositif, d'autant que seuls sept départements faisaient plus que ce qu'exige la loi.

Comme Odette Grzegrzulka, je pense que l'examen du texte en première lecture a permis de répondre à de nombreuses questions. Quant au travail du Sénat, je considère, Monsieur Foucher, qu'il n'est pas sérieux de soutenir une proposition non chiffrée, assortie d'aucun barème. M. Goulard nous a reproché d'adopter une solution étonnante et irrationnelle mais c'est celle qui existe déjà dans les départements et dans la loi ! Il nous accuse aussi de créer une nouvelle inégalité inacceptable. Mais pour moi, l'inacceptable, c'est de devoir renoncer à se faire soigner faute d'argent. En outre cette inégalité existe déjà, entre ceux qui perçoivent moins que le SMIC, qui sont soignés gratuitement et les autres qui paient une cotisation.

Je le redis à tous les orateurs de l'opposition : il n'y a aucun changement de frontière entre la Sécurité sociale et les complémentaires. Simplement, les caisses d'assurance maladie effectueront désormais au nom de l'Etat les opérations qu'elles effectuaient jusqu'ici au nom des départements au titre de l'aide médicale gratuite. Il n'est nullement question de faire faire de la complémentarité à la Sécurité sociale et vous n'étiez donc guère fondés à évoquer les principes chers au Général de Gaulle, qui aurait surement voté le projet... (Sourires) Je me suis d'ailleurs opposée au protocole d'accord entre la Sécurité sociale et les mutuelles, dénué de toute valeur juridique, au motif qu'il permettait un changement de fonctions.

Monsieur Foucher, ce texte ne coûtera rien à la Sécurité sociale, qui sera remboursée au franc le franc et non, comme les complémentaires, à hauteur de 1 500 F. Je ne vois donc pas en quoi la Sécurité sociale serait ainsi mise en péril.

M. Jacquat et Mme Bachelot-Narquin se sont interrogés sur les 1 500 F. Ceux qui ont établi ce chiffre le contestent aujourd'hui... C'est après avoir consulté les mutuelles et les sociétés d'assurance que Jean-Claude Boulard a constaté qu'il correspond en moyenne à ce qui reste à la charge de l'assuré après le remboursement des 75 % par la Sécurité sociale. Il correspond aussi au constat fait dans les départements qui ont institué une carte gratuite d'assurance santé. En outre, si la gratuité provoque dans un premier temps une augmentation des dépenses -et c'est bien l'effet recherché !- très vite, la consommation redevient inférieure à la moyenne nationale chez une population peu habituée à se soigner et jeune. Peut-être nous trompons-nous, mais c'est vraiment à l'issue d'un travail approfondi que nous avons arrêté ce montant.

Je ne reviens pas sur l'effet de seuil. Hier plus de 4 millions de personnes au-dessus du RMI en étaient victimes, il y en aura beaucoup moins demain. En outre les fonds d'action sociale et les CCAS disposeront de 2 milliards pour trouver des solutions au cas par cas. MM. Pontier, Aschieri et Mme Jacquaint se sont demandé pourquoi le seuil n'avait pas été fixé à 3 800 F...

M. Denis Jacquat - Moi aussi !

Mme la Ministre - En effet.

Cela aurait coûté 2,5 milliards supplémentaires alors que je ne suis pas convaincue de l'absolue nécessité d'une prise en charge à 100 % de toutes les personnes concernées. Ainsi faudrait-il faire la différence entre un retraité rural propriétaire de son logement et un retraité urbain, supportant un loyer et ne bénéficiant d'aucun soutien familial. Compte tenu des moyens disponibles, je crois plus raisonnable de fixer le seuil à 3 500 F.

Nous avons déjà eu un long débat sur la contribution. Si j'avais eu l'assurance qu'elle ne prive personne de soins et qu'elle puisse être recouvrée, j'aurais sans doute opté pour un tel système. Mais ces conditions n'étaient pas remplies.

Nous devons absolument aller vers les bénéficiaires, c'est pourquoi nous avons fait le choix de la simplicité. Ils devront simplement indiquer le montant de leurs revenus et choisir entre caisse primaire, mutuelle, assurance, institution de prévoyance.

Encore faut-il les toucher, comme vous l'avez justement souligné : dès lundi, je réunirai le Conseil national de lutte contre les exclusions pour déterminer, avec les associations, les CCAS et les bureaux des conseils généraux, les meilleurs moyens d'informer les bénéficiaires potentiels de leurs droits, cela avant même le vote de la loi.

Monsieur Bur, ce qui est imparfait, c'est notre société, où des gens peuvent crever faute d'argent ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste) Et notre souci est précisément de leur permettre de se soigner en leur faisant connaître leurs droits.

Je ne puis laisser passer sans réagir ce qui a été dit à propos du PMSI. C'est moi-même qui, avec M. Kouchner, ai décidé de communiquer ces données aux journaux qui les demandaient, en 1997, après avoir saisi la CADA qui avait donné son accord. On peut d'autant moins nous reprocher de cacher des informations utiles aux malades que, dès cette année, nous avons créé dans chaque région des réseaux qui visent à garantir aux malades du cancer et aux personnes ayant une grossesse à risques les soins qu'exige leur état de santé : l'accès aux plateaux techniques les plus sophistiqués ne sera plus fonction de la richesse ou du carnet d'adresses ! Deux réseaux sont déjà en place et les SROSS enregistreront cette innovation. Pour nous donc, la démocratie veut que tous les Français, quel que soit leur lieu de résidence, puissent se faire soigner en toute connaissance de cause et c'est pourquoi j'avais communiqué des éléments du PMSI à ceux qui le souhaitaient. Mais la CNIL nous a sommés de cesser, en faisant valoir que, si l'on connaissait la date de naissance des patients et le service où ils étaient traités, le PMSI permettrait de découvrir leur identité et leur pathologie. J'ai obtempéré mais j'ai aussi recherché les moyens de permettre la poursuite d'études et de recherches dont nous avons besoin pour savoir comment sont traitées les diverses pathologies, et pour quel coût : il y va du progrès de la médecine et du bon fonctionnement des hôpitaux ! Afin de ne pas porter atteinte aux droits des personnes, j'ai proposé à la CNIL de ne plus livrer que les données strictement nécessaires à ces études et recherches, en lui demandant de se prononcer sur chaque cas d'espèce. La CNIL a répondu que la décision revenait au Gouvernement, et nous avons suivi son avis, peut-être à tort. Peut-être devrions-nous revenir à notre première position mais, de grâce, ne nous intentez pas de faux procès ! Nous avons essayé de trouver le juste équilibre entre la liberté d'information et de recherche et la protection des personnes...

M. Rogemont a raison : il n'était que temps d'améliorer la situation des médecins étrangers. Nous avons maintenant réglé le problème des "urgentistes" mais nous reviendrons sur ce point lorsque nous examinerons les amendements.

Monsieur Foucher, regretteriez-vous que nous ayons institué le RMI ? Contrairement à vous, je ne crois pas que les malades les plus pauvres "exagèrent", je redoute même plutôt de leur part l'attitude contraire ! On ne va jamais chez le médecin par plaisir, fût-on soigné gratuitement ! Cessons de déceler partout des fraudeurs et donnons corps à ce droit aux soins qui est un droit fondamental. Si j'admets que cela pose des questions, je ne crois pas que celles-ci vaillent qu'on refuse ce projet. Pour ma part, je suis fière de le défendre et je pense que reconnaître en cette fin du XXème siècle un droit aux soins gratuits est une cause qui devrait nous réunir ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe communiste)

M. le Président - Nous en arrivons aux explications de vote sur la motion de renvoi en commission.

M. Jean-Luc Préel - M. Foucher a brillamment plaidé pour le renvoi en commission et, de fait, quoi qu'en dise Mme la ministre, un certain nombre de points mériteraient un supplément d'étude dans ce projet. Ainsi, les modalités de calcul qui aboutissent à fixer à 9 milliards le coût du dispositif devraient être réexaminées. Il faudrait aussi mieux définir le contenu du panier de soins et préciser les conséquences des contrats collectifs, en particulier sur la prise en compte des cotisations.

Insuffisamment définie, la prise en charge des prothèses dentaires et des lunettes aboutira vraisemblablement à une double tarification. L'absence d'un volet de prévention est regrettable et l'on peut s'interroger sur le devenir des assurances des étudiants dès lors que rien n'empêchera un jeune de demander à bénéficier de la CMU.

M. Marcel Rogemont - Mais l'affiliation au régime étudiant est obligatoire.

M. Jean-Luc Préel - S'agissant du protocole CNAM, il s'imposerait à mon avis de le prendre en compte pour délimiter clairement ce qui relève de l'assurance de base et de l'assurance complémentaire. Nous nous interrogeons aussi sur la conformité de cette délimitation, telle que vous la proposez, avec les articles 36 et 37 du traité de Rome. En tout cas, on ne peut passer outre en se contentant de nier le problème !

Enfin, comment financer l'assurance complémentaire de 6 millions de personnes par des crédits publics sans rompre l'égalité des citoyens devant la loi ?

On le voit donc, les raisons sont nombreuses qui militent pour le renvoi en commission.

M. Marcel Rogemont - Je pense que tous les collègues de mon groupe ont, comme moi, été suffisamment convaincus par les arguments de Mme la ministre pour rejeter cette motion avec énergie ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste)

M. Denis Jacquat - M. Foucher a parfaitement résumé les motifs qui justifient le renvoi en commission. Moi-même j'en ai mentionné deux dans la discussion générale : ils ont trait au seuil et aux effets de lissage. Nous avons entendu la réponse du Gouvernement. Passons au vote !

M. Bernard Accoyer - Encore une fois, nous ne divergeons pas sur l'objectif mais le projet d'aide personnalisée proposé par le Sénat a déjà trouvé une concrétisation, Madame la ministre : certains départements traitent habituellement avec des opérateurs du secteur mutualiste pour assurer une couverture complémentaire et ce partenariat fonctionne au mieux, sans effet de seuil. Vous auriez donc pu retenir cette méthode et préserver ce travail social de proximité, irremplaçable pour un bon exercice de la solidarité.

Tout à l'heure, Madame la ministre, vous avez balayé un peu vite nos critiques concernant la confusion des rôles. Mais vous faites bel et bien intervenir une pratique commerciale dans une institution d'Etat, ce qui pourrait d'ailleurs susciter les foudres du Conseil constitutionnel.

Vous conviendrez d'autre part avec nous que lorsque le rapporteur estime le coût résiduel de la CMU à 1,7 milliard, nous sommes loin du compte. D'ailleurs vous même avez parlé de l'inévitable montée en charge du dispositif. Et les 2 milliards, pris sur les fonds d'action sociale des caisses et sur l'aide sociale facultative, que vous comptez mobiliser ne suffiront pas.

Pour toutes ces raisons, le groupe RPR estime que le texte doit encore être travaillé et votera pour la motion de renvoi en commission.

Mme Muguette Jacquaint - Le groupe communiste voter contre.

La motion de renvoi en commission, mise aux voix, n'est pas adoptée.

M. le Président - Conformément à l'article 91, alinéa 9, du Règlement, j'appelle maintenant, dans le texte du Sénat, les dispositions du projet sur lesquels les deux assemblées du Parlement n'ont pu parvenir à un texte identique.

ARTICLE PREMIER

M. Jean-Luc Préel - Nous approuvons l'ouverture du droit à la couverture de base aux 150 000 personnes qui se trouvent aujourd'hui à l'écart du dispositif. Mais nous aurions voulu aller vers une assurance maladie universelle qui aurait permis d'harmoniser les 19 régimes existants. Nous regrettons cette occasion manquée. Par ailleurs, nous savons que ces 150 000 personnes pourraient d'ores et déjà bénéficier de certains dispositifs si seulement elle présentaient un dossier. Qu'est-ce qui fera que, demain, elles ne renonceront pas à le faire ?

La deuxième partie de l'article, qui a trait à la couverture complémentaire, appelle les critiques que nous avons déjà formulées quant à l'effet de seuil, la répartition des compétences, la déresponsabilisation. Nous aurions préféré une aide inversement proportionnelle au revenu permettant à chacun de financer sa complémentaire.

Mme Muguette Jacquaint - Cet article doit rappeler notre détermination à lutter contre les inégalités dans le domaine de l'accès aux soins. Nous souhaitons donc qu'il soit clairement dit que l'égal accès aux soins et à la prévention constitue un impératif national et une priorité des politiques sociales. Il s'agit aujourd'hui de permettre à 6 millions de personnes d'accéder aux soins. Demain, il restera à mener des réformes pour améliorer les remboursements et les ressources de la protection sociale.

Nous proposerons donc, par l'amendement 1, de revenir à la rédaction initiale, en supprimant l'APS proposée par le Sénat, et de poser la prévention et l'éducation à la santé comme bases d'une réelle politique médicale et sociale.

M. Denis Jacquat - Dans le cadre d'une politique globale de santé, le volet prévention doit être davantage développé qu'il ne l'est avec ce projet sur la CMU.


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RAPPEL AU RÈGLEMENT

M. Bernard Accoyer - Rappel au Règlement, fondé sur l'article 50 alinéa 3. Monsieur le Président, nous aimerions savoir jusqu'à quelle heure va se prolonger cette séance afin de prendre nos dispositions.

M. le Président - La séance sera levée à une heure.

Mme Muguette Jacquaint - L'amendement 1 est défendu.

M. le Rapporteur - Cet amendement est satisfait ailleurs, notamment par des dispositions relatives aux vaccinations. Avis défavorable, donc.

Mme la Ministre - Cet amendement visant à revenir au texte du Gouvernement, je ne puis y être opposée. Mais l'essentiel est que les actes de dépistage et les vaccinations soient remboursés. Par conséquent, je m'en remets à la sagesse de l'Assemblée;

L'amendement 1, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Jean-Luc Préel - L'amendement 124 est défendu.

L'amendement 124, repoussé par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Yves Bur - L'amendement 215 est défendu.

L'amendement 215, repoussé par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. le Rapporteur - L'amendement 5 revient au texte adopté en première lecture.

Mme la Ministre - Favorable.

L'amendement 5, mis aux voix, est adopté.

L'article premier, ainsi modifié, mis aux voix, est adopté.

ART. 3

Mme Jacqueline Fraysse - Cet article, qui exige une résidence stable et régulière pour avoir droit à la CMU, exclut les étrangers en situation irrégulière, alors qu'aujourd'hui ils peuvent accéder, comme les personnes à faible revenu, à l'aide médicale départementale. Nous n'attendions pas de la droite sénatoriale qu'elle améliore le texte sur ce point mais la majorité plurielle de l'Assemblée s'honorerait, elle, de poser pour la CMU la même condition de durée de résidence que pour l'aide médicale gratuite.

M. le Rapporteur - L'amendement 6 revient au texte initial.

L'amendement 6, accepté par le Gouvernement, mis aux voix, est adopté.

M. Bernard Accoyer - L'amendement 184 tend à ce que le seuil requis pour bénéficier de la CMU soit fixé dans la loi de financement de la Sécurité sociale plutôt que par décret.

M. le Rapporteur - L'article 37 de la Constitution renvoie la fixation des seuils au pouvoir réglementaire. Avis défavorable, donc.

Mme la Ministre - Défavorable.

L'amendement 184, mis aux voix, n'est pas adopté.

L'amendement 7 de la commission, accepté par le Gouvernement et mis aux voix, est adopté, de même que l'article 3 modifié.

APRÈS L'ART. 3

L'amendement 216 de M. Bur, repoussé par la commission et le Gouvernement, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Yves Bur - L'amendement 217 est inspiré par le souci de ne pas accabler sous le poids de cotisations excessives des exploitants agricoles disposant de revenus très faibles. Il supprime la cotisation minimale au profit d'une stricte proportionnalité.

L'amendement 217, repoussé par la commission et le Gouvernement, mis aux voix, n'est pas adopté.

ART. 4

M. le Rapporteur - L'amendement 8 corrigé reconnaît le rôle des centres communaux d'action sociale.

L'amendement 8 corrigé, accepté par le Gouvernement et mis aux voix, est adopté.

L'amendement 131 de M. Préel, repoussé par la commission et le Gouvernement, mis aux voix, n'est pas adopté.

L'amendement 9 de la commission, accepté par le Gouvernement, est adopté, de même que l'article 4 modifié.

ART. 6

L'amendement 10 corrigé de la commission, accepté par le Gouvernement et mis aux voix, est adopté, de même que l'article 6 ainsi modifié.

L'article 7 est adopté.

ART. 8 bis

L'amendement 11 de la commission, accepté par le Gouvernement et mis aux voix, est adopté.

L'article 8 bis est ainsi supprimé.

ART. 9

L'amendement 12 de la commission, accepté par le Gouvernement et mis aux voix, est adopté, de même que l'article 9 ainsi modifié.

ART. 10

M. Jean-Luc Préel - Jusqu'à présent les conjoints survivants et les titulaires de l'allocation parent isolé bénéficiaient d'une couverture maladie de base prise en charge par le régime des prestations familiales, le dispositif prévu ici remettant en cause ce droit acquis. Pour l'éviter, l'amendement 106 supprime le I de l'article.

L'amendement 106, repoussé par la commission et le Gouvernement, mis aux voix, n'est pas adopté.

L'amendement 13 de la commission, accepté par le Gouvernement et mis aux voix, est adopté, de même que l'article 10 ainsi modifié.

ART. 11

L'amendement 14 de la commission, accepté par le Gouvernement, mis aux voix, est adopté, et l'article 11 est ainsi rétabli.

ART. 12

M. Bernard Accoyer - L'amendement 208 supprime cet article. Pourquoi réserver à la seule CMU le produit de la contribution obligatoire des assurés automobiles ?

L'amendement 208, repoussé par la Commission et le Gouvernement, mis aux voix, n'est pas adopté.

L'article 12, mis aux voix, est adopté.

ART. 13

Mme la Ministre - Les articles 13 et 13 bis concernent les contingents communaux. Ils ont fait l'objet d'un accord donné au ministre de l'intérieur par l'AMF et l'association des présidents de conseils généraux, mais les amendements étant arrivés seulement cet après-midi, je propose la réserve des articles 13 et 13 bis jusqu'à la fin du titre III.

M. le Président - La réserve est de droit.

Les articles 13 et 13 bis sont réservés.

ART. 14

M. Bernard Accoyer - L'amendement 185 supprime l'article, qui permet des saisies sur compte bancaire avant que le juge intervienne. Cette disposition avait fait l'objet, en première lecture, d'un débat animé, notamment par les brillantes et pertinentes interventions de M. Gouzes. Pourquoi accabler encore les travailleurs indépendants déjà en butte aux effets de mutations économiques douloureuses ?

L'amendement 185, repoussé par la commission et le Gouvernement, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Bernard Accoyer - Les amendements 146 et 145 sont de repli.

Les amendements 146 et 145, repoussés par la commission et le Gouvernement, et successivement mis aux voix, ne sont pas adoptés.

M. Bernard Accoyer - Il existe des minimas sociaux et des revenus minimums pour tous nos concitoyens. Pourquoi les travailleurs indépendants sont-ils seuls ignorés ? L'amendement 187 réserve un minimum insaisissable de 2 000 F et l'amendement 186, de repli, un minimum de 1 000 F. J'en appelle à la pitié du Gouvernement.

Mme Odette Grzegrzulka - La pitié est mauvaise conseillère !

L'amendement 187 et l'amendement 186, repoussés par le Gouvernement et successivement mis aux voix, ne sont pas adoptés.

M. Bernard Accoyer - Par l'amendement 189, je propose que le minimum soit égal au RMI.

L'amendement 189, repoussé par la commission et le Gouvernement, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Jean-Luc Préel - L'amendement 107 supprime l'avis à tiers détenteur.

L'article 14 permet aux organismes sociaux d'appréhender des fonds détenus par un tiers en utilisant le formulaire de la lettre recommandée, qui ne garantit pas les droits les plus élémentaires du débiteur saisi. Il n'est pas acceptable qu'un créancier concentre la délivrance d'un titre exécutoire et l'exécution de celui-ci, au risque de multiplier des procédures sans garanties pour le débiteur. L'amendement de suppression est d'autant plus important qu'il est désormais admis que l'article 6 de la Convention européenne des droits de l'homme s'applique non seulement à l'exécution des décisions de justice, mais aussi au titre exécutoire non judiciaire.

M. Bernard Accoyer - L'amendement 190 est identique.

Les amendements identiques 107 et 190, repoussés par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, ne sont pas adoptés.

M. Bernard Accoyer - Je reprends l'amendement 195 de M. Gouzes qui instaure un délai permettant aux travailleurs indépendants de faire valoir leurs éventuelles contestations. Ils sont déjà soumis à des tracasseries administratives de toutes sortes. Il faut éviter que leurs comptes soient bloqués.

L'amendement 195, repoussé par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Bernard Accoyer - L'amendement 196 de M. Gouzes est également défendu.

L'amendement 196, repoussé par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Bernard Accoyer - Les amendements 147, 191, 142, 148 sont défendus.

Les amendements 147, 191, 142, 148 repoussés par la commission et par le Gouvernement, successivement mis aux voix, ne sont pas adoptés.

M. le Président - Sans doute les amendements 143 et 144 sont-ils défendus ?

M. Bernard Accoyer - Oui.

L'amendement 143, repoussé par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, n'est pas adopté non plus que l'amendement 144.

M. Bernard Accoyer - Je reprends les amendements 197 et 198 de M. Gouzes.

Les amendements 197 et 198, repoussés par la commission et par le Gouvernement, successivement mis aux voix, ne sont pas adoptés.

M. le Rapporteur - L'amendement 18 rétablit le texte de première lecture.

L'amendement 18, accepté par le Gouvernement, mis aux voix, est adopté.

L'article 14 ainsi modifié, mis aux voix, est adopté, de même que les articles 16 et 19.

La suite du débat est renvoyée à une prochaine séance.

Prochaine séance ce matin à 10 heures 30.

La séance est levée à 1 heure 05.

          Le Directeur du service
          des comptes rendus analytiques,

          Jacques BOUFFIER


© Assemblée nationale


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