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Assemblée nationale

COMPTE RENDU

ANALYTIQUE OFFICIEL

Session ordinaire de 1998-1999 - 112ème jour de séance, 287ème séance

3ème SÉANCE DU MERCREDI 23 JUIN 1999

PRÉSIDENCE DE M. Raymond FORNI

vice-président

          SOMMAIRE :

ACTION PUBLIQUE EN MATIÈRE PÉNALE (suite) 1

    ARTICLE PREMIER (suite) 1

    APRÈS L'ARTICLE PREMIER 5

    ART. 2 6

    ART. 3 9

    AVANT L'ART. 4 10

    ART. 4 10

    ART. 5 11

    ART. 6 13

    ART. 7 13

    ART. 8 13

    APRÈS L'ART. 10 14

    ART. 11 14

    APRÈS L'ART. 11 15

    ART. 12 17

La séance est ouverte à vingt et une heures.


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ACTION PUBLIQUE EN MATIÈRE PÉNALE (suite)

L'ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi relatif à l'action publique en matière pénale et modifiant le code de procédure pénale.

ARTICLE PREMIER (suite)

M. Emile Blessig - Nous sommes d'accord pour fonder la relation entre le parquet et le pouvoir politique sur une base clairement acceptée par tous -mais nous divergeons sur le problème des instructions individuelles. Pour moi il ne s'agit que d'une possibilité mise à la disposition du Garde des Sceaux pour modeler la politique pénale et assurer une certaine cohérente de l'action publique.

Pour clarifier une ambiguïté regrettable, je propose par le sous-amendement 56 de compléter l'article 36 en précisant que l'ordre de ne pas poursuivre est illégal, revenant ainsi à une interprétation stricte des dispositions de l'article 36. J'ai défendu aussi le sous-amendement 42 de M. Albertini.

M. André Vallini, rapporteur de la commission des lois  - Avis défavorable.

Mme Elisabeth Guigou, garde des sceaux, ministre de la justice - Avis défavorable également.

Le sous-amendement 56, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Georges Sarre - Je propose par le sous-amendement 30 d'insérer dans la dernière phrase du premier alinéa de l'article 1er, après le mot "public", les mots "qui sont tenus de les appliquer et doivent en rendre compte". Il convient de renforcer les pouvoirs du ministre de la justice en exigeant des procureurs, qui n'obtempéreraient pas aux directives de la politique pénale, qu'ils rendent compte des raisons de cet empêchement.

M. Jean-Luc Warsmann - Je défendrai en même temps les sous-amendements 94, 92 et 96. Il faut avoir à l'esprit la fragilité juridique des directives qui, par principe, peuvent au maximum orienter. Or la jurisprudence reconnaît aux autorités saisies d'une directive le droit de s'en écarter, pour des motifs d'intérêt général ou si les particularités de l'affaire le justifient. Dès lors, je pose trois questions.

Jusqu'où va le contenu de ces directives ? Peuvent-elles émettre un avis ou prédéterminer les modes de poursuite d'une infraction ? Peuvent-elles aller jusqu'à fixer un quantum ou un type de peine à requérir ?

D'autre part, y a-t-il des conséquences juridiques au remplacement des "orientations" par des "directives" ?

Enfin, le non-respect par un procureur de ces directives peut-il permettre au ministre de demander des sanctions disciplinaires, et y a-t-il eu au cours des derniers mois des demandes de sanctions de magistrats du parquet pour non-respect de directives ou d'orientations générales ?

M. le Rapporteur - La non-application réitérée, obstinée, délibérée d'une directive par un magistrat du parquet pourrait entraîner des sanctions disciplinaires, notamment devant le CSM. Quant aux sous-amendements 30, 94, 92 et 96, il me semble qu'ils jouent inutilement sur les mots.

L'amendement 12 rectifié selon lequel les directives seront adressées "pour application" répond aux questions posées dans ces sous-amendements. Le deuxième alinéa de l'article 37-7 impose au procureur général de rendre compte annuellement au Garde des Sceaux de la mise en oeuvre de ces directives. Le deuxième alinéa de l'article 39-4 impose au procureur de la République de rendre compte aux procureurs généraux.

Je suis donc opposé à tous ces sous-amendements qui n'apportent rien.

Mme la Garde des Sceaux - Je ne suis pas favorable au sous-amendement 30. L'article 31 du code traite des prérogatives du Garde des Sceaux et non de celles des magistrats du parquet.

Sur les trois sous-amendements de M. Warsmann, avis défavorable. L'amendement est explicite. J'ai déjà répondu hier à ses questions. Peut-être n'était-il pas en séance.

M. Jean-Luc Warsmann - Quel manque de respect pour le Parlement !

Mme la Garde des Sceaux - Je répète donc que dans son arrêt du 19 mars 1997, le Conseil d'Etat a jugé que le Garde des Sceaux n'avait pas commis d'abus de pouvoir en adressant aux procureurs généraux et aux procureurs de la République une circulaire qui, sans porter atteinte à leur pouvoir d'appréciation, dans le cadre d'un plan de lutte contre l'immigration clandestine a exposé les dispositions législatives applicables et a donné des indications sur leur mise en oeuvre, sans édicter de prescription nouvelle.

Par ailleurs, on ne m'a signalé depuis deux ans aucun cas de procureur général refusant d'appliquer des circulaires générales. Je n'ai enfin pas trouvé de mesures disciplinaires dans l'ancien système contre des procureurs qui auraient refusé d'appliquer des sanctions individuelles.

M. Jean-Luc Warsmann - Je souhaite que l'on respecte davantage les intervenants. Madame la Garde des Sceaux, j'ai entendu votre intervention. Parlant la première, vous ne pouviez évidemment répondre aux orateurs. D'autre part, ce débat sert à exprimer des convictions mais aussi à poser des questions juridiques qui éclairent le sens des dispositions.

Je vous ai demandé s'il y avait une différence entre votre projet et l'amendement 12 corrigé en ce qui concerne les directives -vous n'avez pas répondu. J'ai demandé si le fait de ne pas respecter des directives pouvait entraîner des sanctions, vous m'avez répondu n'avoir jamais demandé de sanctions. C'est une réponse partielle, qui ne vaut pas pour les procureurs de la République. Le rapporteur a dit qu'il pouvait y avoir sanction par le CSM en cas de non respect réitéré, obstiné et délibéré. Est-ce aussi votre interprétation ?

Mme la Garde des Sceaux - J'ai déjà répondu à ces questions tout à l'heure. Si M. Warsmann s'obstine à ne pas entendre, j'estime ne pas avoir à me répéter.

Le sous-amendement 30, mis aux voix, n'est pas adopté, non plus que les sous-amendements 94, 92 et 96.

M. Emile Blessig - Il est prévu d'informer le Parlement sur les conditions de mise en oeuvre de la politique pénale. Mon sous-amendement 57 propose que cette information soit préalable grâce à un débat à l'Assemblée nationale sur les orientations générales de cette politique. Il faudrait aussi veiller à la coordination internationale et au moins européenne.

M. le Rapporteur - Ce sous-amendement n'apporte rien. Défavorable.

Mme la Garde des Sceaux - Défavorable. Le Parlement vote la loi, mais le Gouvernement détermine et met en oeuvre les politiques publiques. Un débat préalable à l'élaboration de ces politiques ne s'impose pas.

La coordination internationale des politiques pénales est très importante. Elle se construit -j'y veille- notamment par les travaux du Conseil européen des ministres de la justice et des affaires intérieures et de façon générale par une approche comparative à laquelle je suis très attachée.

Le sous-amendement 57, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. le Président - Le sous-amendement 119 de MM. Clément et Houillon est défendu.

M. le Rapporteur - Non examiné. L'avis aurait été défavorable.

Le sous-amendement 119, repoussé par le Gouvernement, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Pierre Albertini - Le sous-amendement 42 a été défendu.

M. le Président - Le sous-amendement 120 l'est également.

Le sous-amendement 42, repoussé par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, n'est pas accepté non plus que le sous-amendement 120.

M. Georges Sarre - Le parquet ne doit pas pouvoir à son tour enterrer des affaires. Il faut donc que le Garde des Sceaux puisse le suppléer et poursuivre lorsqu'une infraction est constatée. Mais mon sous-amendement 31 prévoit aussi qu'il ne pourra bloquer aucun dossier.

Le sous-amendement 31, repoussé par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Jean-Luc Warsmann - Mon sous-amendement 63 tend à compléter l'article par l'alinéa suivant : "Il fixe les modalités d'évaluation de ces directives".

Pour l'instant on ne nous a toujours pas dit quel est le contenu de ces directives et jusqu'où elles peuvent aller. Peuvent-elles prédéterminer les modes de poursuite, les types de peine, les modalités d'exécution des peines ? Quant à l'évaluation, elle ne vaudra que si elle est faite dans le ressort de chaque procureur et donne lieu à un débat au Parlement.

M. le Rapporteur - Défavorable. Cela relève du pouvoir réglementaire.

Mme la Garde des Sceaux - Défavorable. La loi prévoit les modalités d'évaluation. Enfin à toutes les questions de M. Warsmann, je le répète, la réponse est non. Les directives servent à orienter, non à décider.

M. Jean-Luc Warsmann - Je remercie Mme la ministre d'avoir enfin répondu. Mais limiter ainsi le contenu des directives est plutôt fait pour nous inquiéter.

En ce qui concerne l'évaluation, ce que nous voulons c'est être informés.

Le sous-amendement 63, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Pierre Albertini - Le sous-amendement 43 est défendu.

M. Jean-Luc Warsmann - Le sous-amendement 65 est identique. Mme la Garde des sceaux ne donnant plus d'instructions individuelles a souhaité que cet engagement soit inscrit dans la loi. Elle a annoncé qu'elle ne donnera plus d'instructions non plus pour les affaires civiles et commerciales. Pourquoi ne pas l'inscrire également dans la loi ?

Les sous-amendements identiques 42 et 65, repoussés par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, ne sont pas adoptés.

M. le Président - Le sous-amendement 51 rectifié de M. Touret est défendu.

M. le Rapporteur - Il s'agit de donner un pouvoir d'appel et de cassation au ministre. C'est aller trop loin. Défavorable à ce sous-amendement et au sous-amendement 32 de M. Michel.

Le sous-amendement 51 rectifié, repoussé par le Gouvernement, mis aux voix, n'est pas adopté.

Le sous-amendement 32, repoussé par le Gouvernement, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Pierre Albertini - Par le sous-amendement 44, je propose que le Parlement soit mieux associé à l'évaluation de l'action de l'institution judiciaire grâce à une information sur les objectifs et les moyens de la politique pénale et sur les réponses apportées par la justice. Cela renforcerait en outre l'autorité du Garde des Sceaux.

M. le Rapporteur - Il va de soi que le ministre qui informera le Parlement de la politique pénale traitera des objectifs et des moyens. Le sous-amendement 44 n'apporte donc rien.

En revanche la commission a accepté le 105 de M. Warsmann qui prévoit que la déclaration du ministre sera suivie d'un débat.

Mme la Garde des Sceaux - Je suis défavorable au sous-amendement 44 qui confond débat d'orientation préalable et contrôle du Parlement a posteriori.

S'il peut être souhaitable que la déclaration soit suivie d'un débat, cela ne doit pas être systématique. Je suis donc réservée sur le sous-amendement 105. En outre une telle obligation ne relève pas de la loi mais de la Constitution ou, du moins, de la loi organique relative au fonctionnement des assemblées.

Le sous-amendement 44, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Jean-Luc Warsmann - Dès lors que l'on supprime les instructions individuelles et que l'on considère que toute la politique pénale doit être fondée sur des directives générales, il est logique qu'il en soit rendu compte au Parlement et, comme je le propose par le sous-amendement 105, que cette déclaration soit suivie d'un débat.

M. Arnaud Montebourg - Ne pourrions-nous nous accorder sur une rédaction qui favorise le contrôle du Parlement sur la politique pénale sans remettre en cause l'équilibre du texte ?

M. Jean-Luc Warsmann - Je rectifie mon sous-amendement en indiquant "par une déclaration pouvant être suivie d'un débat". Voilà qui devrait lever l'objection de Mme la ministre. (Mme la Garde des Sceaux fait un signe d'assentiment).

Le sous-amendement 105, ainsi rectifié, mis aux voix, est adopté.

M. Jean-Luc Warsmann - Puisque le Gouvernement informera le Parlement des cas où, en dérogation à la procédure d'engagement de l'action publique, le Garde des Sceaux l'engagera elle-même en application de l'article 30-2, je propose par le sous-amendement 93 que le rapport mentionne aussi les cas où, en application de l'autre procédure d'exception prévue à l'article 37, le procureur général engagera l'action à la place du procureur de la République. La Chancellerie aura la liste de ces cas et n'aura donc guère de difficultés à rédiger ce rapport qui renforcera la transparence sur l'engagement de l'action publique.

M. le Rapporteur - Il n'y a dans ce texte aucune innovation à ce propos puisque le code de procédure pénale permet déjà au procureur général d'enjoindre au procureur d'engager des poursuites. En outre le Garde des Sceaux serait obligé de fournir un rapport très volumineux, entrant à l'excès dans le détail des procédures. Avis défavorable donc.

Mme la Garde des Sceaux - Même avis.

M. Jean-Luc Warsmann - Je cherche simplement à accroître la transparence. L'intérêt général commande de rendre plus transparentes toutes les procédures extraordinaires d'engagement de l'action publique. Au demeurant ajouter une colonne n'alourdirait pas considérablement le rapport...

Le sous-amendement 93, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Jean-Luc Warsmann - Les directives générales ne pouvant empiéter ni sur la loi ni sur l'appréciation de l'opportunité des poursuites par les procureurs, leur application et leur adaptation doivent donner lieu à une évaluation précise, tant quantitative que qualitative, afin que nous puissions émettre des avis fondés sur des données objectives, y compris sur le plan géographique. Tel est l'objet de mon sous-amendement 90.

Mme la Garde des Sceaux - Le rapport du garde des Sceaux n'a pas vocation à être une somme analytique des rapports des procureurs. Toutes les données dont vous parlez figureront dans ceux-ci et seront rendus publics.

Le sous-amendement 90, repoussé par la commission, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Jean-Luc Warsmann - Je doute que nous ayons connaissance de tous les rapports des procureurs généraux et des procureurs de la République. Le sous-amendement 91 ouvre la possibilité - ce n'est donc pas une injonction au Gouvernement - d'un débat d'orientation judiciaire au Parlement, débat qui devra avoir lieu avant le 30 juin de chaque année, sur le modèle des débats d'orientation budgétaire, dont les parlementaires, estimant insuffisant le seul examen de la loi de finances elle-même, ont fini par obtenir la tenue.

M. le Rapporteur - La commission a repoussé l'amendement, mais je souhaite entendre Mme la garde des Sceaux nous dire quel calendrier elle envisage.

Mme la Garde des Sceaux - Le Gouvernement est également défavorable à l'amendement. Je pense être en possession des rapports des procureurs d'ici la fin de l'année, et vous en livrer la synthèse avant la fin du premier semestre de l'an prochain.

Le sous-amendement 91, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Alain Tourret - La conception du droit d'action propre du garde des Sceaux a quelque peu évolué : présenté comme exceptionnel dans l'exposé des motifs, il l'était déjà moins dans le discours de Mme la Garde des Sceaux. Mais comment s'exercera l'action publique, une fois mise en mouvement, si le procureur concerné reste rétif ? Il risque fort d'y avoir, face à face, les avocats des accusés et ceux des parties civiles, et, vide, la place du ministère public.

Pour parer à cette éventualité inacceptable, je propose, par le sous-amendement 52 rectifié, que le garde des Sceaux soit représenté, non par un magistrat, mais par un avocat, comme l'est le Trésor public lorsqu'il met lui-même en mouvement l'action publique. Cet avocat serait un bâtonnier ou un ancien bâtonnier, désigné pour trois ans, et son rôle pourrait aller jusqu'à interjeter appel en cas de décision lésant les victimes. Il n'est pas bon que le ministre de la justice soit désarmé face aux brillants défenseurs des parties, dans des affaires qui seront forcément de quelque retentissement : imagine-t-on maître Montebourg mitraillant le garde des Sceaux ?

M. Arnaud Montebourg - Jamais ! (Sourires)

M. Alain Tourret - On me répondra, une fois de plus, que le garde des Sceaux ne doit pas être partie à un procès, mais ce principe n'est nullement en contradiction avec ce que je propose.

M. le Rapporteur - Si maître Montebourg venait à mitrailler le garde des Sceaux, nul doute que maître Tourret serait là pour le défendre... (Sourires)

Mme la Garde des Sceaux - Il n'est pas opportun que le Garde des sceaux se fasse représenter lorsqu'il use de son droit d'action propre, car celui-ci ne peut être délégué et consiste à mettre en mouvement l'action publique, non à l'exercer. Ce qui compte, c'est de pouvoir saisir la juridiction, à charge pour celle-ci de statuer en toute indépendance. Le procureur agira ensuite comme à l'accoutumée.

M. Arnaud Montebourg - Contre le sous-amendement 52 rectifié. Il faut que les lecteurs de nos débats comprennent bien ce que sera ce droit d'action propre : il ne sera pas d'usage ordinaire, mais tout à fait subsidiaire -il faudrait en effet que la victime ne se soit pas constituée partie civile, que le parquet n'ait pas agi, ni le parquet général réagi. Et le Garde des Sceaux qui interviendrait alors engagerait sa responsabilité politique devant le Parlement : cela suppose une affaire exceptionnelle, suscitant l'émotion du pays, et l'on imagine mal une résistance. En tout cas, faire du Garde des Sceaux une partie au procès, obligé de choisir un avocat, cela poserait un vrai problème, étant donné la place éminente qu'occupe le ministère public.

M. Jean-Luc Warsmann - Nous sommes à un stade décisif du débat. Mme la Garde des Sceaux vient de nous dire que l'attitude du procureur sera celle qu'il avait auparavant quand il recevait des instructions du Garde des Sceaux ! C'est ce que je n'ai cessé de répéter depuis le début : vous faites un affichage en supprimant les instructions individuelles, puis vous les rétablissez ! Si le prévenu est ensuite condamné, l'affaire aura entièrement dépendu du pouvoir politique. Voilà bien le trompe l'oeil que je dénonce. C'est un recul par rapport à la justice transparente et indépendante à laquelle j'aspire.

Le sous-amendement 52 rectifié, mis aux voix, n'est pas adopté.

L'amendement 12 rectifié, mis aux voix, est adopté, et l'article premier est ainsi rédigé.

M. le Président - Les autres amendements à l'article premier tombent.

APRÈS L'ARTICLE PREMIER

M. Alain Tourret - En application de l'article 497 du code de procédure pénale, l'appel de la partie civile ne concerne que les intérêts civils. L'amendement 53 permet aux associations reconnues d'utilité publique de saisir de la manière la plus formelle le procureur de la République qui, en cas de relaxe, n'interjetterait pas appel, et à défaut de celui-ci, le procureur général. L'un et l'autre devraient motiver un rejet. Ainsi, seraient évités les dysfonctionnements résultant d'omissions involontaires du parquet.

M. le Rapporteur - Très favorable.

M. Jean-Luc Warsmann - Majorité plurielle oblige !

Mme la Garde des Sceaux - Favorable. Cela contribuera à la transparence de la justice.

M. Pierre Albertini - Ce sujet constitue un problème assez délicat et mériterait mieux qu'un amendement...

M. Jean-Luc Warsmann - C'est un cavalier.

M. Pierre Albertini - J'avais fait un rapport sur ce sujet, et proposé d'accorder un privilège aux associations d'utilité publique. Mais un cadre général serait nécessaire.

L'amendement 53, mis aux voix, est adopté.

Mme Véronique Neiertz - Il est des cas où il revient au ministre d'agir, dans l'intérêt de la loi. Ce fut le cas lorsqu'en juillet 1995 un juge a relaxé un commando anti-IVG, en contradiction avec la loi Veil, avec la loi sur la bioéthique et avec la loi réprimant les entraves à l'IVG. Autant il est bon de supprimer les instructions individuelles, autant faut-il assigner des limites précises à l'indépendance de la justice. L'amendement 48 rectifié propose la rédaction suivante :

"Le ministre de la justice peut saisir le procureur général près la Cour de cassation des actes judiciaires, arrêts ou jugements contraires à la loi. Le procureur général défère à la chambre criminelle dans un délai de 10 jours.

"La Cour de cassation rend son arrêt dans un délai de six mois.".

Il faut éviter de laisser se développer une jurisprudence contraire à la loi, une sorte de clause de conscience judiciaire -que ce soit pour l'IVG, les sectes, la liberté de la presse ou la nationalité.

M. le Rapporteur - Très favorable.

Mme la Garde des Sceaux - Je suis très sensible aux exemples que vous avez cités, en particulier l'obstruction à l'IVG. Il faut faire en sorte que les pourvois dans l'intérêt de la loi soient examinés rapidement, tout en laissant un délai suffisant à la Cour pour démêler des questions qui sont complexes.

Il faudra cependant profiter de la navette pour préciser que cette saisine intervient à fins d'annulation.

M. Alain Tourret - Je soutiens cet amendement. Il est important de prévoir un délai impératif, qui devra être aussi bref que possible car l'autorité de la chose jugée se renforce avec le temps.

L'amendement 48 rectifié, mis aux voix, est adopté.

ART. 2

M. Jean-Luc Warsmann - Cet article porte gravement atteinte à l'indépendance de la justice. On y lit en effet que "le procureur général informe le ministre de la justice des affaires qui lui paraissent devoir être portées à sa connaissance".

Cela ne signifie rien en droit. On veut rendre obligatoire quelque chose de subjectif ! C'est d'autant plus grave que le non respect de cette règle sans signification juridique pourrait donner lieu à des sanctions disciplinaires.

Jamais, dans notre histoire, un Garde des sceaux n'a été informé de tout. On lit en outre que "le ministre de la justice est informé, à sa demande, de toute autre affaire dont les parquets sont saisis". C'est accorder à la Chancellerie un droit colossal, d'autant que l'information dont disposera le Garde des sceaux ne sera pas générale, mais individuelle. Est-il nécessaire que vous disposiez de tous les actes d'instruction, de tous les procès-verbaux d'audition de l'affaire Dumas ? Est-il normal qu'en 1999, plusieurs fonctionnaires de votre ministère consacrent leur temps à éplucher des dossiers individuels ?

Il me semble paradoxal, quand on supprime les instructions individuelles -ce que personnellement j'approuve- de donner un tel pouvoir d'information au Garde des sceaux.

M. Pierre Albertini - Nous sommes tous attachés à la structure hiérarchique des parquets. Il est normal que le procureur général puisse enjoindre aux magistrats qui lui sont subordonnés de poursuivre. Cependant, vous voulez rompre la chaîne hiérarchique entre le ministre de la justice et le procureur général. L'administration de la justice se singulariserait si cet article était voté.

En cinquante ans, l'autorité politique du Garde des Sceaux s'est affaiblie. J'entends le terme "politique" dans son sens le plus noble. Sous la IIIème ou la IVème République, il était fréquent que le Garde des Sceaux reste en place d'un gouvernement à l'autre, car il exerçait une magistrature qui dépassait les considérations partisanes. C'est en rendant plus transparentes les relations entre le ministre de la justice, les procureurs généraux et les procureurs de la République qu'on rendra toute sa noblesse à la fonction ministérielle.

M. Jean-Luc Warsmann - Mme Catala a déposé un amendement 59 visant à supprimer l'article 2, afin que les justiciables soient traités de la même manière sur l'ensemble du territoire.

L'amendement 59, repoussé par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. le Rapporteur - L'amendement 13 de la commission reprend les modifications rédactionnelles adoptées avec l'amendement 12, il y est question de "directives" et non plus d'"orientations". En outre, il vise à clarifier les compétences du procureur général. L'article 35 du code de procédure pénale posera donc les principes de son action : le procureur général veille à l'application de la loi pénale dans son ressort ; il a autorité sur les magistrats du ministère public de son ressort et il a le droit de requérir la force publiqu. L'article 36 déterminera son rôle : animer l'action des procureurs de la République, coordonner la manière dont ils appliquent les directives, adapter celles-ci aux circonstances et évaluer leur application.

L'article 37 disposera qu'il ne peut donner "aucune" instruction individuelle. L'article 37-1 enfin, devrait satisfaire M. Warsmann, puisqu'il renforce la transparence du système judiciaire en précisant que les informations réunies par le procureur général sur l'application des directives devront être rendues publiques.

Mme la Garde des Sceaux - Je suis favorable à cet amendement qui montre l'utilité et la qualité du travail parlementaire.

Depuis ma prise de fonctions, je suis en dialogue permanent avec les procureurs généraux et les procureurs de la République. Si les magistrats doivent informer le Garde des Sceaux, l'intérêt général commande que le devoir d'information existe aussi en sens inverse. Il appartient en effet au ministère de la justice, pour une bonne administration de la justice, de fournir aux magistrats les textes et les données dont ils ont besoin. Qui mieux que le Garde des Sceaux peut signaler à un parquet que tel problème délicat qu'il rencontre a déjà été résolu par un autre parquet ? Il en va de même lorsqu'un magistrat s'interroge sur la politique de la France à l'égard des Kurdes ou des autorités libyennes ou encore sur la politique menée par les Pays-Bas en matière de stupéfiants. La Chancellerie se doit de satisfaire de telles demandes de renseignements. Transmettre des analyses in abstracto, ce n'est évidemment pas exercer des pressions sur les magistrats ou tenter d'orienter le cours de la justice.

M. Pierre Albertini - Mon sous-amendement 45 est défendu.

Permettre aux procureurs généraux d'adapter les directives, c'est affaiblir le pouvoir d'orientation du Garde des Sceaux.

Par ailleurs, je ne vois aucune différence entre ces "directives" et les anciennes circulaires. Je vois très bien, en revanche, les dangers d'un système qui laisserait trente-trois procureurs généraux adapter les règles aux particularités de leur ressort.

Le procureur général se contentera peut-être de paraphraser la directive du ministre : après tout, la littérature n'est qu'un immense plagiat... Mais certains seront sans doute tentés d'imprimer leur marque.

La définition de la politique pénale relève de la politique générale du Gouvernement. Il est inutile d'affaiblir le dispositif en introduisant le risque d'une ré-écriture des directives générales car la notion de directive comprend par elle-même l'idée d'une possible adaptation.

M. le Rapporteur - Avis défavorable.

Mme la Garde des Sceaux - Défavorable également et je souhaite expliquer pourquoi. L'adopter tendrait à refuser au procureur général la faculté d'adapter les directives du Gouvernement aux circonstances propres de son ressort. Or, la politique pénale doit tenir compte des réalités locales. Le procureur général de Douai, confronté à une activité intense dans le domaine de la répression des stupéfiants, ne peut pratiquer la même politique que celui de Limoges.

M. Jean-Luc Warsmann - Comme M. Albertini, j'affirme qu'il n'y a aucune différence entre une "orientation" et une "directive", et le Gouvernement ne nous a pas démentis.

Le sous-amendement 45, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Jean-Luc Warsmann - Mon sous-amendement 79 vise à compléter la deuxième phrase de l'article 2 par les mots : "ces adaptations ne pouvant aboutir à la méconnaissance d'une orientation générale". Il se fonde notamment sur la décision du Conseil d'Etat de 1996 qui rappelle que par définition les directives ne sont pas créatives de droits. Or le projet de loi propose que le procureur général adapte les directives nationales en fonction des circonstances propres à son ressort.

Cela signifie-t-il, pour reprendre votre exemple, Madame le Garde des Sceaux, que le procureur général de Douai, au motif qu'il est "débordé" en matière d'interpellations sur les infractions à la législation sur les stupéfiants pourra les classer sans suite, alors même que la lutte contre la drogue constituerait une priorité de la politique pénale ? Et qu'à l'inverse, le procureur général de Limoges défère à la première incartade ?

Pour prendre un autre exemple, si la lutte contre le travail clandestin constitue une orientation générale, le procureur général pourra-t-il de lui-même décider que des circonstances locales, liées aux risques de déstabilisations au sein de son ressort, justifient qu'il ne l'applique pas ?

La majorité s'apprête à voter un texte où le seul instrument de politique pénale qui lui resterait serait justement la possibilité de fixer des directives générales. Le moins qu'elle puisse faire est de priver les procureurs généraux de la faculté de les adapter -le Garde des Sceaux doit rester pleinement responsable de la politique pénale conduite par le Gouvernement-

M. le Rapporteur - Tout ce qui a été dit va de soi. Avis défavorable.

Mme la Garde des Sceaux - Avis défavorable. Les adaptations de la politique pénale ne pourront à l'évidence intervenir qu'en pleine connaissance de celle-ci et figureront au rapport annuel transmis au ministre.

M. Jean-Luc Warsmann - Pourquoi dans ces conditions s'opposer à ce que les adaptations décidées figurent au rapport présenté au Parlement ? Ne serait-ce pas un gage de transparence ?

Le sous-amendement 79, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Pascal Clément - Le sous-amendement 121, qui est un sous-amendement de suppression, a déjà été défendu.

Le sous-amendement 121, repoussé par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Jean-Luc Warsmann - Le sous-amendement 77 vise à interroger le Gouvernement sur la rédaction surprenante de l'article 37.

M. le Rapporteur - Avis défavorable.

Mme la Garde des Sceaux - Avis défavorable. Le procureur général est un magistrat du parquet. Il n'y a donc pas de changement.

M. Jean-Luc Warsmann - Je tiens cependant à faire observer qu'aux termes du projet de loi, une affaire dénoncée auprès du procureur général pourrait rester dans son tiroir, alors même qu'il aurait connaissance d'un infraction, puisqu'il ne serait pas tenu de la communiquer au procureur de la République compétent. Ne convient-il pas d'être plus prudent lorsqu'il y va de l'engagement de l'action publique ?

Le sous-amendement 77, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Jean-Luc Warsmann - Je défends le sous-amendement 74 dans le but de provoquer un débat sur la nécessaire animation des cours d'appel. Pour permettre un meilleur échange entre le procureur général et l'ensemble des magistrats, il est souhaitable que deux assemblées générales soient organisées chaque année.

Il faut aller au-delà d'un simple rendez-vous "calendaire", dont il est à craindre qu'il devienne rapidement purement rituel.

Le sous-amendement 74, repoussé par la commission et le Gouvernement, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Jean-Luc Warsmann - Mon sous-amendement 97 tend à préciser, avant le premier alinéa de l'article 37-1 du code de procédure pénale que "l'assemblée générale est informée de l'évaluation quantitative et qualitative des résultats obtenus dans le ressort de chaque tribunal de grande instance. Elle est également informée des précisions, et, le cas échéant, des adaptations aux orientations générales de la politique pénale décidées par les procureurs de la République dans leur ressort en fonction des circonstances locales".

Il semble sensé que l'assemblée générale dispose d'un rapport qualitatif et quantitatif de l'activité de chaque tribunal de grande instance et que puissent s'organiser en son sein des échanges sur d'éventuelles adaptations locales des orientations nationales.

Le sous-amendement 97, repoussé par la commission et le Gouvernement, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Pascal Clément - Mon sous-amendement 123 est défendu.

Le sous-amendement 123, repoussé par la commission et le Gouvernement, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Jean-Luc Warsmann - Ce débat devrait permettre de poser des questions juridiques et de les résoudre. Mais on nous répond d'un mot. Je le déplore.

Mon sous-amendement 82 tend à supprimer la première phrase du premier alinéa de l'article 37-2, selon lequel "le procureur général informe le ministre de la justice des affaires qui lui paraissent devoir être portées à sa connaissance ainsi que du déroulement des procédures dans lesquelles il a été fait application des dispositions de l'article 30-2".

Quand on supprime les instructions individuelles, il est choquant de créer une telle obligation, contraire à la transparence.

Le sous-amendement 82, repoussé par la commission et le Gouvernement, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Pierre Albertini - Le sous-amendement 46 est défendu.

Le sous-amendement 46, repoussé par la commission et le Gouvernement, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Jean-Luc Warsmann - Mon sous-amendement 78 supprime l'obligation scandaleuse d'informer sur les affaires "paraissant devoir être portées" à la connaissance du Garde des Sceaux. Si on ne parle plus d'affaires sensibles, le procureur n'en devra pas moins tout transmettre et tout dire. On supprime les instructions individuelles et en fait on accroît les pouvoirs de la Chancellerie.

M. le Rapporteur - M. Warsmann s'obstine à ne pas comprendre la différence entre information et instruction. Comment répondre à tant d'aveuglement ?

Mme la Garde des Sceaux - J'ai répondu sur ce point. Défavorable.

M. Pascal Clément - L'air lassé du rapporteur nous surprend. Car qui croira qu'informé sur une action particulière le Garde des Sceaux répondra par le silence ? C'est contradictoire ou hypocrite. Seule peut-être Mme la Garde des Sceaux s'en tiendra à un silence abyssal (Sourires). Ensuite, de plus bavards qu'elle réagiront.

Le sous-amendement 78, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Pascal Clément - Le sous-amendement 122 est défendu.

Le sous-amendement 122, repoussé par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Jean-Luc Warsmann - Encore une fois, il est contradictoire de supprimer les instructions individuelles et d'obliger les procureurs à fournir le détail d'affaires individuelles procès-verbal par procès-verbal, témoignage après témoignage. La Chancellerie aura des fonctionnaires spécialisés. Je suis sûr d'avoir raison, fût-ce avec quelques années d'avance.

M. le Président - Vous avez une telle avance que vous avez oublié votre sous-amendement 72 (Sourires).

Le sous-amendement 72, repoussé par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Pascal Clément - Le sous-amendement 124 est défendu.

M. le Rapporteur - Défavorable.

Mme la Garde des Sceaux - Défavorable.

Si les instructions obligent, les avis et informations données par la Chancellerie aux procureurs généraux -c'est ce dont il s'agit- éclairent et expliquent. Ils sont fournis pour que les procureurs généraux prennent leur décision en pleine connaissance de cause et n'ont pas à figurer dans le dossier qui résume le débat entre les parties et les investigations des magistrats.

Le sous-amendement 124, mis aux voix, n'est pas adopté.

L'amendement 13, mis aux voix, est adopté et l'article 2 ainsi rédigé.

M. le Président - Les autres amendements à l'article 2 tombent.

ART. 3

M. le Rapporteur - L'amendement 14 procède à différentes coordinations pour assurer un parallélisme dans la présentation des attributions du procureur général et du procureur de la République ; et pour tenir compte des modifications proposées à l'article 1er, relatives aux directives générales de politique pénale et à leur application par le ministère public, et à l'article 2, relatives à l'information sur la mise en oeuvre des directives générales.

Mme la Garde des Sceaux - Favorable. J'insiste sur l'importance des dispositions concernant le procureur de la République directement chargé de l'action publique et dont la mission est délicate.

M. Jean-Luc Warsmann - Mon sous-amendement 114 rectifié vise à compléter la dernière phrase de l'article 34-2 par les mots : ces adaptations ne pouvant aboutir à la méconnaissance d'une directive générale".

Je souhaite limiter ces adaptations pour conserver une politique pénale forte.

M. le Rapporteur - Défavorable.

Mme la Garde des Sceaux - Le problème a déjà été vu pour les procureurs généraux. Rejet.

M. Jean-Luc Warsmann - Il a été vu, mais non résolu.

Le sous-amendement 114 rectifié, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Jean-Luc Warsmann - Mon sous-amendement 112 tend à supprimer la faculté de mettre en mouvement l'action publique quand une commission de recours en fait la demande. L'étude d'impact a montré que cette commission renforçait la complexité administrative. Et voilà, Madame le Garde des Sceaux, que vous nous proposez d'en créer une autre, sans doute pour dilapider les moyens de la justice qui sont, chacun le sait, supérieurs aux besoins...

Le sous-amendement 112, repoussé par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Jean-Luc Warsmann - Le sous-amendement 110 vise à renforcer la cohérence de la politique pénale.

Le sous-amendement 110, repoussé par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Jean-Luc Warsmann - Le sous-amendement 108 vise à dénoncer l'obligation systématique d'information, qui apporte un démenti évident à la suppression des instructions individuelles.

Le sous-amendement 108, repoussé par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Jean-Luc Warsmann - Le sous-amendement 106 est de conséquence.

Le sous-amendement 106, repoussé par la commission et par le Gouvernement, n'est pas adopté.

L'amendement 14, mis aux voix, est adopté, et l'article 3 est ainsi rédigé.

AVANT L'ART. 4

M. Alain Tourret - L'amendement 49 de M. Hascoët est défendu.

M. le Rapporteur - Défavorable.

Mme la Garde des Sceaux - Défavorable. Le système de légalité proposé est contraire à notre tradition juridique comme à l'esprit du projet.

L'amendement 49, mis aux voix, n'est pas adopté.

ART. 4

M. le Rapporteur - Afin d'améliorer la relation entre la justice et les justiciables et de responsabiliser les magistrats, l'amendement 15, que la commission a adopté à l'initiative de Mmes Bredin et Lazerges, prévoit la motivation de tous les classements sans suite.

M. Alain Tourret - Si la motivation des classements sans suite est une excellente chose, il semble excessif de l'exiger en droit et en fait. S'il est légitime de soulever les problèmes de droit relatifs à l'irrecevabilité et à la prescription, obliger aux deux motivations irait vers un système de légalité et représenterait une tâche très importante, le contrôle de l'obligation contraignant à motiver largement.

Je propose donc, par l'amendement 54, que l'on en revienne à la loi de 1998 qui prévoit simplement la notification et la motivation. On pourrait aussi écrire "en droit ou en fait".

Mme la Garde des Sceaux - Je suis favorable à l'amendement 15 qui, dans un souci de lisibilité, évite le renvoi à l'article 40.

Je suis en revanche défavorable à l'amendement 54, dont le premier objectif est satisfait par l'amendement 15 et qui n'a guère de raison d'être puisque la loi de 1998 n'est pas applicable en matière judiciaire. Il y a bien lieu d'apprécier à la fois les questions juridiques et l'opportunité de poursuivre, le classement pouvant être lié à l'extrême faiblesse du préjudice, au comportement fautif de la victime, au fait que la réparation du dommage est déjà intervenue.

M. Arnaud Montebourg - Après avoir jugé inquiétante l'introduction d'éléments de légalité, M. Tourret nous propose une motivation allégée. C'est un vrai sujet de débat.

Le contrôle juridique des classements sans suite favorise la transparence et suppose, en effet, que les motivations soient très circonstanciées. La commission de recours devra examiner si l'infraction est constituée, notamment dans les cas pour lesquels le Garde des Sceaux aura donné instruction de poursuivre. C'est donc à partir de décisions de cette commission que pourront être introduits, à la marge, des éléments de légalité. Cela montre d'ailleurs que l'argument selon lequel les directives ne seraient que du vent ne tient pas : elles seront bien contraignantes dans le cadre de l'individualisation.

Enfin devons-nous nous plaindre d'un progrès de la légalité puisqu'elle signifie ici égalité de tous devant la loi, transparence, contrôle par le justiciable de l'activité de l'autorité chargée de l'exécution des poursuites ?

L'amendement 15, mis aux voix, est adopté.

M. le Président - L'amendement 54 tombe.

M. Jean-Luc Warsmann - Je suis bien sûr favorable à la motivation des classements sans suite, mais je m'étonne que l'on n'ait pas évoqué la question des moyens qui seront nécessaires. L'étude d'impact montre en effet que la motivation concernera environ 30 % des affaires, soit 800 000, et exigera 234 équivalents-emplois à plein temps de magistrats.

A-t-on aussi mesuré le contentieux qu'entraînera le fait que les directives seront opposables à l'administration ?

Mon amendement 116 se justifie par son texte même.

M. le Rapporteur - Défavorable.

Mme la Garde des Sceaux - C'est une étude d'impact de 1995 qui révèle 1,4 million de classements sans suite. Mes services ont depuis réalisé une étude plus fine qui montre que sur 4 937 000 plaintes enregistrées chaque année, 302 000 seulement classées sans suite devraient être motivées.

La direction des services juridiques dispose désormais des outils nécessaires et si les classements ne sont pas encore motivés, l'analyse est déjà effectuée. Le travail supplémentaire ne serait donc pas considérable.

M. Jean-Luc Warsmann - Il me paraîtrait étonnant que le Premier ministre ait transmis en juin 1998 au Président de l'Assemblée des chiffres datant de 1995. Dans cette étude d'impact, ce ne sont pas 1,4 million mais 800 000 classements sans suite qui sont comptabilisés.

Quoi qu'il en soit, même pour 302 000 motivations, vous n'avez pas répondu à ma question sur les moyens nécessaires. Je le regrette d'autant plus qu'on nous reproche souvent de voter des lois sans nous préoccuper de leurs modalités d'application. Enfin, je n'ai pas eu de réponse à la question des contentieux éventuels.

M. le Rapporteur - Si vous aviez lu le rapport...

M. Jean-Luc Warsmann - Je l'ai lu !

M. le Rapporteur - ...vous auriez vu, page 19, des données actualisées, fournies par la Chancellerie, et portant sur l'année 1998.

L'amendement 116, mis aux voix, n'est pas adopté.

L'article 4, modifié, mis aux voix, est adopté.

ART. 5

M. Arnaud Montebourg - Il convient d'éclairer les magistrats du parquet qui auront à siéger dans les commissions de recours contre les classements sans suite. Nous avons inventé, en effet, une sorte de juridiction nouvelle, qui n'en est pas vraiment une puisqu'elle ne rend pas de décisions juridictionnelles, c'est-à-dire de décisions ayant autorité de la chose jugée, mais j'aimerais, sur un plan théorique, que Mme la Garde des Sceaux nous fasse part de sa "religion" juridique quant à sa nature et, sur un plan pratique, que soit précisée la notion d'"intérêt suffisant". Ma position, que partage plusieurs de mes collègues socialistes, est que la jurisprudence gagnerait à s'inspirer de la très rigoureuse jurisprudence administrative des fins de non-recevoir.

M. Pierre Albertini - En vous écoutant, je repensais à cette réflexion du doyen Hauriou : "Les idées fausses, même théoriques, finissent toujours par produire des inconvénients pratiques". Au terme de "religion juridique", je préfère d'ailleurs, laïcité de l'Etat oblige, celui de "doctrine"...

M. Arnaud Montebourg - Nous ne discutons pas de la loi Falloux ! (Sourires)

M. Pierre Albertini - Je crains que le dispositif fort complexe que nous allons adopter ne soit inopérant, et que la composition même de la commission des recours ne soit un obstacle à son impartialité. Et comment faire constater, le cas échéant, qu'une de ses décisions contrevient à une direction générale, même "adaptée" ? Décidément, je crois que nous n'avons pas fini de mesurer les effets en chaîne de cette innovation.

M. Arnaud Montebourg - N'exagérons rien !

M. Jean-Luc Warsmann - J'ai bien lu le rapport, mais les chiffres qui figurent page 19 ne sont pas ceux que cite Mme la garde des Sceaux. Qui plus est, le rapport entre le nombre d'affaires et le nombre de postes n'y figure pas, mais seulement dans l'étude d'impact. Je n'en fais pas reproche au rapporteur : c'est l'exécutif qui a la maîtrise des données.

On peut s'étonner que les personnes n'ayant pas qualité pour se porter partie civile puissent former un recours sans déposer la consignation exigée, précisément, pour se porter partie civile. Je crains, enfin et surtout, que tout cela n'aboutisse qu'à susciter des procédures abusives, risque dont le Gouvernement a d'ailleurs implicitement reconnu la réalité en cherchant à y parer.

M. Pierre Albertini - Mes amendements 10 et 11 sont soutenus, ainsi que l'amendement 39 de M. Goasguen.

Mme la Garde des Sceaux - J'y suis défavorable, car ils remettent en cause une disposition essentielle du projet. En outre, il n'appartient pas au garde des Sceaux d'intervenir dans des affaires individuels à la suite de recours formés par des particuliers.

Les amendements 10 et 39, repoussés par la commission, successivement mis aux voix, ne sont pas adoptés.

M. Arnaud Montebourg - L'amendement 16 rectifié, que la commission a accepté, est de coordination avec le projet de loi tendant à renforcer l'efficacité des procédures pénales. Le nouvel article 80 du code de procédure pénale ouvre en effet trois possibilités : réquisitoire supplétif, disjonction, classement sans suite. Il s'agit de préciser, dans ce dernier cas, que le droit de recours est applicable également.

L'amendement 16 rectifié, accepté par le Gouvernement, mis aux voix, est adopté.

M. Jean-Luc Warsmann - Les amendements 117 et 99 sont défendus.

L'amendement 117, repoussé par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, n'est pas adopté.

L'amendement 11, repoussé par la commission, mis aux voix, n'est pas adopté.

L'amendement 99, repoussé par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Alain Clary - La composition des commissions de recours devant respecter le principe de la séparation des autorités de poursuite et de jugement, seuls des magistrats du parquet doivent participer à la désignation de leurs membres. Tel est l'objet de l'amendement 47.

L'amendement 47, accepté par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, est adopté.

M. Jean-Luc Warsmann - Les amendements 118 et 100 sont défendus.

Les amendements 118 et 100, repoussés par la commission et par le Gouvernement, successivement mis aux voix, ne sont pas adoptés.

M. Jean-Luc Warsmann - L'amendement 101 tend à supprimer l'article 48-5, qui montre les limites du dispositif et les risques de dérapage qu'il comporte. Il serait absurde qu'une personne qui a dénoncé des faits répréhensibles soit condamnée à la suite de la décision du parquet de ne pas mettre en mouvement l'action publique pour des raisons d'opportunité. Il a d'ailleurs été proposé de réduire le montant, considérable, de l'amende encourue, ce qui prouve que nos réserves sont partagées.

L'amendement 101, repoussé par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Arnaud Montebourg - L'amendement 18 rectifié remplace "100 000 F" par "10 000 F". On ne peut créer un droit et dissuader de l'utiliser. S'il est normal de sanctionner ceux qui abusent de la procédure, il ne faut pas exagérer. De toute façon, les régles sur la dénonciation calomnieuse restent en vigueur.

L'amendement 18 rectifié, accepté par le Gouvernement et mis aux voix, est adopté.

M. Arnaud Montebourg - Afin de lutter contre un effet pervers, l'amendement 19 rectifié suspend la prescription de l'action publique en cas de recours contre un classement sans suite.

M. le Rapporteur - Favorable.

M. Jacques Floch - Le sous-amendement 98 de Mme Lazerges précise : "au seul bénéfice du ministère public".

Mme la Garde des Sceaux - Favorable. Une suspension de la prescription de quelques mois ne fait pas de difficulté quand la prescription est de trois ans, et le sous-amendement résout un problème qui pouvait se poser. Il faudra cependant réfléchir au cas des délits de presse qui sont prescrits au bout de trois mois. Sagesse.

Le sous-amendement 98, mis aux voix, est adopté, de même que l'amendement 19 rectifié, ainsi modifié.

L'article 5 modifié, mis aux voix, est adopté.

ART. 6

L'amendement 20 rectifié de la commission, accepté par le Gouvernement, est adopté, de même que l'article 6 modifié.

ART. 7

L'amendement 21 de la commission, accepté par le Gouvernement, est adopté.

Les amendements 9 de M. Albertini et 40 de M. Clément, repoussés par la commission et le Gouvernement, ne sont pas adoptés.

M. le Rapporteur - Dans le but de renforcer l'implication des procureurs dans le déroulement des enquêtes, le projet de loi prévoit une information régulière entre le parquet et les chefs de services et, dans certains cas, une définition en commun des moyens à mettre en oeuvre.

L'objectif poursuivi est double : une information périodique du procureur sur les moyens mobilisés pour mettre en oeuvre les objectifs de la politique pénale ; la possibilité pour celui-ci d'intervenir dans la définition des moyens à mettre en oeuvre dans le cas d'une enquête particulièrement complexe. Dans cet esprit, l'amendement 22 rectifié propose une nouvelle rédaction de l'avant-dernier alinéa de l'article, qui énonce clairement le principe général de l'information périodique du procureur sur les moyens mobilisés par les services de police ou de gendarmerie pour mettre en oeuvre les directives de politique pénale et précise que cette information doit être effectuée au moins une fois par trimestre.

Mme la Garde des Sceaux - Favorable.

L'amendement 22 rectifié, mis aux voix, est adopté.

M. Jean-Luc Warsmann - L'amendement 102 supprime le dernier alinéa de l'article, dont la rédaction est bien trop floue.

L'amendement 102, repoussé par la commission et le Gouvernement, mis aux voix, n'est pas adopté.

L'article 7 modifié, mis aux voix, est adopté.

ART. 8

M. le Rapporteur - L'amendement 23 précise que le procureur de la République peut proroger le délai fixé initialement aux OPJ pour achever l'enquête préliminaire, à la condition que les enquêteurs justifient le retard par rapport au calendrier prévisionnel.

A propos de l'amendement précédent, il faut procéder par étapes, Monsieur Warsmann. Le texte permet des progrès importants dans la collaboration entre la PJ et les magistrats. On aurait pu aller plus loin, mais il vaut mieux des étapes réussies qu'une révolution sans résultat.

M. le Président - Vous avez entendu, Monsieur Montebourg ? (Sourires)

M. Jean-Luc Warsmann - Je ne comptais pas, quant à moi, faire la révolution. Des contentieux, j'en connais peu, et après tout il pourrait y avoir des conflits entre un procureur et plusieurs juges d'instructions.

Mme la Garde des Sceaux - Favorable.

M. Arnaud Montebourg - Nous ne voulons pas faire la révolution, mais le projet est historiquement révolutionnaire ! Reste que, dans la pratique quotidienne des parquets et des cabinets d'instruction, les priorités sont fixées de fait par les services qui travaillent sur commission rogatoire ou avec des magistrats du parquet et des juges d'instruction. De ce point de vue, le projet représente une avancée. Mais cette première étape en appelle d'autres. Mieux vaut en effet de petits pas acceptés que de grandes enjambées refusées. Nous sommes là pour réfléchir à l'étape suivante avec les intéressés, mais il faudra bien arriver un jour à une clarification.

L'amendement 23, mis aux voix, est adopté.

M. le Rapporteur - L'amendement 24 a un double objet. Il regroupe dans un seul article les dispositions relatives au délai des enquêtes, que celles-ci soient déclenchées d'office ou sur instruction du procureur de la République. Par ailleurs, dans le cadre d'une enquête préliminaire menée sur initiative de la police nationale ou de la gendarmerie, il ne semble pas opportun d'attendre un an avant que l'OPJ en charge du dossier rende compte au procureur de la République : l'amendement ramène ce délai à six mois.

L'amendement 24, accepté par le Gouvernement et mis aux voix, est adopté.

Les amendements 25 et 26 de la commission, acceptés par le Gouvernement, sont successivement adoptés.

L'article 8 modifié, mis aux voix, est adopté.

L'article 9 et l'article 10 sont successivement adoptés.

APRÈS L'ART. 10

M. le Rapporteur - L'amendement 50 de M. Hascoët s'inspire d'un amendement que j'avais moi-même déposé, mais auquel j'ai renoncé, voyant qu'il allait provoquer de grands remous dans les syndicats de police. J'estime qu'il faut procéder par étapes. Les Verts veulent aller vite : je crois qu'ils se trompent.

Mme la Garde des Sceaux - Le Gouvernement est défavorable à cet amendement, qui vise à créer des brigades spécifiquement chargées des opérations de police judiciaire auprès de chaque tribunal de grande instance. Quelle que soit ma volonté de renforcer le contrôle de l'autorité judiciaire sur la police judiciaire, la création de telles brigades poserait des problèmes de répartition des compétences avec les SRPJ et les sections judiciaires de la gendarmerie.

L'amendement 50, mis aux voix, n'est pas adopté.

ART. 11

M. le Rapporteur - Les amendements 84, 27, 28, 85, 86, 87, 88 et 89 de la commission sont de coordination.

Les amendements 84, 27, 28, 85, 86, 87, 88 et 89, acceptés par le Gouvernement, successivement mis aux voix, sont adoptés.

M. Jean-Luc Warsmann - Mon amendement 103 vise à insérer dans le code de procédure pénale un article disposant que "les députés et sénateurs sont autorisés à visiter à tout moment tout établissement de l'administration pénitentiaire situé dans leur département".

Il s'agit certes d'un problème connexe à celui qui nous occupe, mais on aurait pu objecter la même chose à M. Tourret, dont l'amendement a été adopté.

Il est important que les parlementaires visitent les prisons, qu'ils rencontrent le personnel, auquel je veux rendre hommage, ainsi que les détenus. D'autres pays nous ont précédé dans cette voie.

M. le Rapporteur - Cet amendement a le mérite de poser une question importante. Les prisons ne doivent pas être des zones de non droit, ni ignorer le débat public. Il est important que des parlementaires puissent s'y rendre. A tout moment, c'est peut-être excessif. En outre, cet amendement n'a pas vraiment sa place dans ce texte.

M. Jean-Luc Warsmann - Quel est votre avis personnel ?

M. le Rapporteur - Défavorable.

Mme la Garde des Sceaux - Même si cet amendement n'a aucun lien avec ce projet, je souhaite vous assurer que votre objectif est aussi le mien : il faut favoriser de telles visites. J'invite les parlementaires à en faire. Déjà quarante députés et sénateurs ont visité les prisons ou les services pénitentiaires de leur département et l'administration s'est toujours mise à leur disposition.

M. Gerin, en tant que rapporteur du budget de l'administration pénitentiaire, se rend fréquemment dans ces établissements. Mme la présidente de la commission des lois et plusieurs de ses collègues ont visité ceux de la région parisienne et des membres de la commission des lois du Sénat se sont rendus à Fleury Mérogis. J'ai toujours favorisé ce genre de visites.

Par ailleurs, j'ai engagé une réflexion sur le contrôle des établissements pénitentiaires, aujourd'hui insuffisant. J'ai mis cette question à l'ordre du jour du prochain conseil supérieur de l'administration pénitentiaire, qui se réunira dans les prochains jours. Une commission se constituera en son sein pour formuler des propositions.

Enfin, je vais prendre un décret fixant des règles déontologiques aux personnes intervenant en milieu carcéral.

Votre amendement n'a pas sa place dans ce projet.

M. Jacques Floch - Je comprends les réserves de Mme la Garde des Sceaux. Cependant, il s'agit d'une question importante. Pour avoir été pendant quatre ans le rapporteur du budget de la pénitentiaire, j'ai fait, comme M. Gerin, de nombreuses visites dans les établissements. Cela m'a permis de mesurer les difficultés que rencontre cette administration, malgré la qualité de son personnel, auquel on ne rend pas assez hommage.

Au lieu de construire de nouvelles prisons, mieux vaut développer les peines de substitution.

L'amendement de M. Warsmann, s'il était adopté, aiderait les députés et les sénateurs à se faire une idée plus précise de la situation dans les prisons. Les représentants de la nation doivent s'intéresser à ce grave problème. Il faut voter cet amendement.

M. Arnaud Montebourg - M. Floch a raison.

En Italie, une loi votée en 1975 donne le droit de visiter les prisons au président du Conseil, des ministres, au président du Conseil constitutionnel, aux ministères, aux parlementaires, aux préfets et même aux conseillers régionaux ! L'Italie n'a pas pris que des initiatives heureuses en matière judiciaire, mais celle-ci est bonne. Ne refusons pas la transparence.

M. Michel Hunault - J'approuve l'amendement de M. Warsmann et je remercie M. Floch de l'avoir soutenu. Mme le Garde des Sceaux, vous connaissez la situation dans nos prisons, qui sont surpeuplées. Le nombre des suicides n'a jamais été aussi important. Il est temps de prendre des mesures. J'espère que nos collègues ne refuseront pas de voter un tel amendement au motif qu'il vient de l'opposition.

L'amendement 103, mis aux voix, est adopté.

L'article 11, modifié, mis aux voix, est adopté.

APRÈS L'ART. 11

M. Jacques Floch - Je défends l'amendement 41 deuxième rectification car malgré l'excellent texte que vous avez présenté, qui constitue une partie importante du bloc de la réforme de la justice et l'excellent travail réalisé par M. le rapporteur, des inquiétudes subsistent qui nous incitent à prendre des précautions.

L'indépendance revendiquée et acquise par l'institution judiciaire pose le corollaire de sa responsabilité. Comme vous nous l'avez indiqué dans votre présentation globale le 13 janvier 1998, les juges et la justice doivent également rendre des comptes. Mais pour qu'intervienne une réelle réforme de l'institution judiciaire, telle que le Président de la République l'avait annoncée lors de l'audience de rentrée de la Cour de cassation du 9 janvier 1998, il convient de ne pas oublier que la justice est rendue au nom du peuple souverain. C'est à ce prix que sera restaurée la confiance des citoyens en la justice.

M. Michel Hunault - Il y a encore du chemin à faire !

M. Arnaud Montebourg - Demandez au Président de la République !

M. Jacques Floch - L'amendement que je défends vise donc à insérer après l'article 11 un article additionnel disposant que les chapitres I et IV de la loi actuellement en discussion n'entreront en vigueur qu'après la promulgation de la loi organique visée au dernier alinéa du projet de loi constitutionnelle relatif au Conseil supérieur de la magistrature.

Je vous demande, Madame la Garde des Sceaux, de ne pas voir dans cette proposition une marque de suspicion vis-à-vis du Gouvernement que nous soutenons fermement.

Je voterai à ce titre les projets de loi que vous nous présenterez parce qu'ils sont utiles à la République.

L'amendement 41 deuxième rectification exprime le souhait que le Président de la République nous envoie rapidement siéger en Congrès afin que s'achève la réforme du Conseil supérieur de la magistrature, dont le texte a été voté en termes identiques par les deux assemblées.

M. le Rapporteur - Cet amendement a été examiné au titre de l'article 88 en début d'après-midi et avait recueilli de ma part un a priori favorable.

Depuis lors, Madame la ministre a donné en séance publique nombre d'informations qui sont de nature à apaiser vos inquiétudes.

Mme la Garde des Sceaux - Monsieur le député, je comprends et partage votre souci de lier l'accroissement de l'autonomie avec la responsabilité. Comme je m'en suis expliquée dans mon discours, et de nouveau lors de ma réponse à la discussion générale, l'ensemble de ma réforme s'appuie sur ces deux notions.

Le principe de responsabilité inspire l'ensemble de la réforme, au-delà du projet de loi organique. Comme je l'avais annoncé dès le 29 octobre 1997 puis le 15 janvier 1998 lorsque je vous ai présenté l'ensemble des projets, j'entends conduire une réforme globale de la justice. Plusieurs lois ont déjà été adoptées, plusieurs décrets ont déjà été pris, et si la réforme constitutionnelle et les lois organiques qui la suivront ne sont pas encore entrées en vigueur, le reproche ne peut m'être adressé.

Le renforcement de la responsabilité des magistrats ne se réalise pas seulement dans les textes constitutionnels et organiques, plusieurs textes déjà contiennent des dispositions en ce sens : le présent projet en réaffirmant le principe de hiérarchie du parquet et en instaurant un recours contre les classements sans suite ; le projet sur la présomption d'innocence, instaurant un deuxième juge pour décider du placement en détention provisoire et créant des délais pour l'instruction.

De plus, je confirme mes engagements de mener à bien l'étude de l'adaptation éventuelle du régime de la responsabilité de l'Etat en cas de dysfonctionnement et celle de la responsabilité personnelle des magistrats. Mes services étudient les conséquences financières, statutaires et pratiques d'un passage de la faute lourde à la faute simple. Le récent colloque de l'ENM a posé clairement les termes de ce débat. Ce sujet est d'actualité car de 1993 à 1998, les contentieux engagés sur le fondement de la faute lourde sont passés de 9 à 68.

Ma pratique intègre déjà la responsabilité et ma volonté n'est pas seulement affirmée ex abrupto. Elle peut se vérifier dans les faits. Ainsi, l'augmentation de 50 % des effectifs de l'inspection générale des services judiciaires que j'ai décidé ou mes 15 saisines du CSM en un an démontrent que ma pratique traduit concrètement mes paroles.

De plus, le renforcement de la formation initiale et continue à l'Ecole nationale de la magistrature sur la responsabilité et la déontologie est d'ores et déjà engagé.

Nous avons déjà eu l'occasion d'échanger sur ce sujet à divers reprises et notamment à l'occasion des débats sur le projet de loi constitutionnelle relatif au CSM dont vous avez été le rapporteur. Ce texte, adopté dans les mêmes termes par l'Assemblée et le Sénat peut être présenté au Congrès pour être définitivement intégré à la Constitution. Le Gouvernement n'a toutefois pas compétence pour convoquer le Congrès.

Dès la réforme constitutionnelle adoptée, je présenterai au Parlement les lois organiques achevant le processus de rénovation de la magistrature. Ces dispositions concerneront le fonctionnement du CSM et le statut de la magistrature. A cet égard, j'attire votre attention sur le fait que la loi organique visée dans votre amendement qui évoque le projet de loi constitutionnelle relatif au CSM, et notamment son dernier alinéa, est le projet de loi organique relatif à l'élection et au fonctionnement du CSM et non, comme votre exposé des motifs le suggère, le PLO relatif au statut de la magistrature qui prévoira les nouvelles dispositions sur la responsabilité. Si votre amendement devait être maintenu, il devrait à mon sens être corrigé sur ce point.

Je rappelle que la révision constitutionnelle prévoit une modification de la composition du CSM qui ne sera plus majoritairement composé de magistrats. Les modifications organiques qui suivront prévoiront notamment en matière de responsabilité de nouvelles procédures disciplinaires publiques pour les magistrats devant le CSM et la possibilité ouverte aux chefs de cours de saisir cette instance directement alors que cette saisine appartient aujourd'hui au seul Garde des Sceaux. De plus, les justiciables pourront saisir directement une commission nationale de leurs plaintes à caractère disciplinaire contre des magistrats.

Ces orientations sont inscrites dans l'avant-projet de loi organique élaboré à la Chancellerie en mars 1998. En avril dernier, ce document a été adressé accompagné d'une note d'orientation à la consultation interministérielle, aux chefs de juridictions et aux organisations syndicales. Je tiens ici à votre disposition un exemplaire de chacun de ces documents.

Nous partageons sur le fond la même inquiétude de coupler autonomie et responsabilité et l'ensemble de ma réforme va dans le sens d'une plus grande responsabilité des magistrats -mais je ne suis pas favorable à votre amendement qui risque d'introduire une incertitude sur une loi attendue par les professionnels de la justice comme par l'opinion.

Sur l'ordre du jour dont le Gouvernement a la maîtrise, je m'engage à soumettre à la représentation nationale les dispositions principales de la réforme du statut des magistrats avant que n'intervienne le vote définitif de la présente loi.

Mme Catherine Tasca, présidente de la commission des lois - Ce projet de loi apporte beaucoup d'éléments concrets sur la responsabilité des magistrats, qui est le pendant nécessaire de leur autonomie.

Je souhaite insister sur l'importance de la formation des magistrats et sur la nécessaire modernisation de celle-ci au regard des réformes engagées et accomplies. Je pense notamment aux changements de méthode liés à l'introduction de davantage de collégialité, avec notamment la création des juges de la détention. Il faut que les futures promotions de l'Ecole nationale de la magistrature bénéficient d'une profonde transformation de leur formation.

M. Jacques Floch - Je remercie Mme la Garde des Sceaux pour ces informations ainsi que le rapporteur pour ce qu'il a dit de la position de la commission. Ces informations étaient nécessaires pour bien appréhender la réforme de l'institution judiciaire.

M. Pierre Albertini - C'est de la formation continue.

Mme la Présidente de la commission - Mais accélérée.

M. Jacques Floch - Nous faisons la réforme que vous n'avez pas su assumer en ne soutenant pas M. Méhaignerie. Ce n'est pas le Gouvernement qui en bloque l'aboutissement. Nous ne sommes pas convoqués en Congrès à Versailles pour voter le texte sur le CSM et nous ne pouvons donc pas discuter ici des deux projets de loi organique.

Je prends acte des déclarations de Mme la Garde des Sceaux et je retire l'amendement.

M. le Président - L'amendement 41 2ème rectification est retiré, nous passons à l'article 12.

M. Jean-Luc Warsmann - Je le reprends !

M. le Président - Nous en sommes à l'article suivant.

M. Jean-Luc Warsmann - Dans ces conditions je demande cinq minutes de suspension de séance.

M. le Président - Vous en avez deux.

La séance, suspendue à 0 heure 18 le jeudi 24 juin, est reprise à 0 heure 20.

ART. 12

M. le Rapporteur - L'amendement 29 est de coordination.

Mme la Garde des Sceaux - Favorable.

M. Jean-Luc Warsmann - Je regrette que l'on ne respecte pas le Règlement et le droit élémentaire qu'a chacun de s'exprimer, d'autant que le Président de la République a été mis en cause indûment. Si nous sommes ici ce soir pour discuter d'un texte déposé il y a un an sur le bureau de l'Assemblée, c'est grâce au Président de la République (Rires et applaudissements sur les bancs du groupe socialiste). C'est lui qui a voulu cette réforme d'ensemble.

M. Michel Hunault - Très bien !

L'amendement 29, mis aux voix, est adopté.

M. le Président - Nous avons achevé l'examen des articles.

Je rappelle que la Conférence des présidents a reporté au mardi 29 juin, après les questions au Gouvernement, les explications de vote et le vote par scrutin public sur l'ensemble du projet de loi.

Prochaine séance, ce matin jeudi 24 juin à 9 heures 30.

La séance est levée à 0 heure 25.

          Le Directeur du service
          des comptes rendus analytiques,

          Jacques BOUFFIER


© Assemblée nationale


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