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Assemblée nationale

COMPTE RENDU

ANALYTIQUE OFFICIEL

Session ordinaire de 1998-1999 - 113ème jour de séance, 289ème séance

2ème SÉANCE DU JEUDI 24 JUIN 1999

PRÉSIDENCE DE M. Raymond FORNI

vice-président

          SOMMAIRE :

GENS DU VOYAGE (suite) 1

    ART. 9 1

    APRÈS L'ART. 9 7

    APRÈS L'ART. 10 7

    TITRE 8

    EXPLICATIONS DE VOTE 8

La séance est ouverte à quinze heures.


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GENS DU VOYAGE (suite)

L'ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi relatif à l'accueil des gens du voyage.

ART. 9

M. Patrice Martin-Lalande - Cet article améliore la procédure utilisée en cas d'occupation illégale d'un terrain. Mais la loi restera difficile à mettre en oeuvre.

Actuellement, la lenteur de la procédure donne aux gens du voyage un sentiment d'impunité, ce qui décourage les élus, comme j'ai pu le constater dans mon département.

Avec l'adoption de ce texte, le maire pourra certes procéder à une assignation, c'est-à-dire qu'il aura la possibilité de saisir rapidement le président du tribunal de grande instance. C'est un progrès, mais cette possibilité ne sera ouverte, si le terrain n'appartient pas à la commune, qu'au cas où la sécurité, la salubrité ou la tranquillité publiques seraient menacées.

Il faudra le prouver, ce qui prendra du temps.

Cela dit, le juge pourra prescrire sous astreinte aux gens du voyage de rejoindre l'aire de stationnement aménagée et ordonner d'avance leur expulsion de tout autre terrain occupé illégalement.

Enfin, la décision du juge sera immédiatement exécutoire. Elle devrait même l'être au vu de la minute.

J'ai peur cependant que, dans les faits, la procédure reste trop longue. Il faudra huit jours pour obtenir une décision et encore un ou deux jours pour qu'elle soit mise en oeuvre. Entre-temps, les personnes visées seront parties ailleurs, ce qui leur procurera un sentiment d'impunité et les incitera à recommencer. Et l'opinion publique ne comprendra pas pourquoi il y a ainsi deux poids, deux mesures.

Je regrette que vous n'ayez pas voulu aller plus loin.

La Constitution impose certes le respect du domicile, mais j'ai déposé à cet égard un amendement visant à distinguer la caravane de l'engin qui la tracte.

M. Charles Cova - Ce projet pourrait être plus ambitieux et donner aux maires les moyens d'agir efficacement. Mais telle ne semble pas être l'intention du Gouvernement.

Il faut permettre aux maires de saisir directement le préfet pour lui demander d'expulser par la force les personnes installées irrégulièrement.

En principe, le préfet ne peut intervenir que muni d'une ordonnance du juge judiciaire, seul habilité à autoriser la restriction des libertés individuelles. Il n'entre pas dans mes intentions de remettre en cause ce principe posé par l'article 66 de la Constitution. Je souhaite simplement l'aménager. Il n'est même pas question de supprimer le recours au juge, puisque l'amendement que je défendrai tout à l'heure prévoit qu'en cas de recours contentieux, l'exécution de l'arrêté d'expulsion est suspendue. Mais la commission n'a pas voulu retenir mon amendement.

Certes, le principe énoncé à l'article 66 de la Constitution a été consacré à plusieurs reprises par le Conseil constitutionnel : en 1977, à propos de la fouille des véhicules, et en 1995, à propos d'un projet de loi sur la sécurité. Toutefois, le Conseil estime satisfait le principe de l'autorité judiciaire gardienne de la liberté individuelle dès lors que le législateur encadre les possibles atteintes à la liberté individuelle. L'existence d'un recours juridictionnel apparaît comme la seule exigence qui s'impose au législateur : c'est ce qui ressort de la décision du 3 septembre 1986, selon laquelle un grief d'inconstitutionnalité n'est pas fondé lorsque le législateur prévoit, "sous des garanties appropriées", les mesures permettant à l'autorité administrative d'agir et si "la décision administrative peut donner lieu à un recours juridictionnel assorti d'une demande de sursis à exécution".

On retrouve bien cette garantie dans mon amendement, que vous ne pouvez donc pas déclarer inconstitutionnel.

Je vous demande de tenir compte de ma suggestion, si vous voulez réellement avancer (Applaudissements sur les bancs du groupe du RPR et du groupe UDF).

M. Patrice Martin-Lalande - L'amendement 162 est défendu.

Mme Raymonde Le Texier, rapporteur de la commission des lois - La commission a repoussé cet amendement, parce que la loi doit rester incitative. Une commune qui n'est pas inscrite dans un schéma départemental ne doit pouvoir bénéficier du dispositif que si elle se dote d'une aire d'accueil.

M. Louis Besson, secrétaire d'Etat au logement - Avis défavorable. Il n'y a pas de différence de fond entre cet amendement et le projet, mais je préfère la rédaction du Gouvernement.

L'amendement 162, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Jean-Jacques Weber - L'amendement 222 complète ainsi le I :

En cas d'urgence et d'atteinte grave à la tranquillité publique le maire peut obtenir un arrêté d'expulsion. Pour ce faire, il saisit directement et uniquement l'autorité administrative sans passer par le juge.

Mme le Rapporteur - Rejet. L'article 66 de la Constitution fait de l'autorité judiciaire la gardienne des libertés individuelles. L'amendement est également contraire à la jurisprudence du Conseil constitutionnel et à l'article 6 de la Convention européenne des droits de l'homme.

M. le Secrétaire d'Etat - Je répondrai un peu longuement sur cet amendement, ce qui me permettra d'être ensuite plus bref. Le corollaire de l'obligation faite aux communes de réaliser des aires d'accueil, c'est qu'on leur donne les moyens de mettre fin au stationnement irrégulier de caravanes. Cependant, lorsque les libertés individuelles sont en jeu, le principe du recours au juge, avant toute expulsion, doit être maintenu.

L'article 9 est l'article d'équilibre du projet. Il répond au souci de rapidité puisque il permet au juge de prendre par voie de référé une décision de fond...

M. Patrice Martin-Lalande - Huit jours quand même !

M. le Secrétaire d'Etat - ...qui peut être assortie d'une injonction de rejoindre l'aire d'accueil ou de quitter le territoire communal.

M. Patrice Martin-Lalande - C'est un progrès, mais insuffisant.

M. le Secrétaire d'Etat - L'article reprend les dispositions de l'article 28 de la loi du 31 mai 1990, en les élargissant aux communes qui n'ont pas d'aire sur leur territoire, mais contribuent financièrement dans le cadre intercommunal.

Le passage devant le juge doit être maintenu, car c'est un principe constitutionnel, mais on pourra agir plus vite, puisque le maire pourra se passer de l'accord du propriétaire...

M. Patrice Martin Lalande - Dans certains cas.

M. le Secrétaire d'Etat - Le juge reçoit un pouvoir d'injonction, une simple minute suffira pour signifier l'expulsion. Il y a bien là des avancées...

M. Charles Cova - Insuffisantes !

M. le Secrétaire d'Etat - ...mais nous maintenons la rigueur nécessaire quand il s'agit des libertés individuelles.

M. Charles Cova - Je vous remercie de ces explications, même si elles ne m'ont pas entièrement convaincu. Mais je souhaiterais que vous examiniez au cours de la navette les considérations juridiques que j'ai exposées tout à l'heure. Des caravanes qui s'abattent le jeudi sur une commune, il faudra encore huit jours pour les déloger, rien ne sera changé.

M. Daniel Vachez - L'article 66 de la Constitution doit être respecté, dans sa lettre comme dans son esprit. Il y aura de nettes améliorations dans la pratique : la décision du tribunal sera valable plusieurs mois, sur la totalité du territoire de la commune. Mais quant à aller plus loin, je pourrais vous citer la réponse faite à ce sujet en 1996 par M. Debré, alors, ministre de l'intérieur : "Nous vivons dans un Etat de droit, et en l'état actuel de la législation, il est impossible de donner instruction au préfet de s'affranchir des décisions de justice pour requérir le concours de la force publique". Et le Gouvernement de l'époque a certainement constaté qu'il ne pouvait modifier la législation, puisqu'il n'y a pas eu de suite.

M. Charles Cova - J'espère que cette fois il y en aura !

M. Daniel Vachez - Tous les gouvernements ont le devoir de veiller au respect de la Constitution.

M. Patrice Martin-Lalande - Personne ne remet en cause le principe constitutionnel posé à l'article 66. Mais il s'agit ici d'une course de vitesse. Selon vous, Monsieur le secrétaire d'Etat, combien de jours faudra-t-il pour obtenir un référé ?

M. le Secrétaire d'Etat - L'essentiel, c'est que les deux parties changent d'attitude : que les gens du voyage rompent avec les voies de fait ; que la société sédentaire rompe avec son attitude de rejet.

Quant au délai nécessaire pour obtenir une décision, il sera d'un à quelques jours, selon le plan de travail des juges.

M. Patrice Martin-Lalande - Je ne connais pas d'exemple où il ait fallu moins de huit jours !

M. le Secrétaire d'Etat - Mme la Garde des Sceaux a accepté de préparer une directive aux parquets sur la politique pénale, où elle insistera sur l'urgence de traiter ces situations.

M. Patrice Martin-Lalande - Voilà une bonne nouvelle !

M. le Secrétaire d'Etat - D'autre part, une circulaire sera adressée aux préfets afin qu'ils mettent tout en oeuvre pour faciliter l'exécution des décisions quand leur concours est demandé.

Enfin, le Gouvernement n'écarte pas l'idée d'examiner, au cours de la navette, ce que pourrait apporter une procédure de référé heure à heure.

Le changement sera d'autant plus important que le nombre des aires d'accueil va progresser : le jour où nous aurons atteint les 30 000 places, il n'y aura plus de raison d'aller ailleurs.

Les amendements 19, 222 et 251, mis aux voix, ne sont pas adoptés.

M. Patrice Martin-Lalande - Je retire mon amendement 275, dans l'attente d'une traduction des intentions gouvernementales d'ici à la deuxième lecture. Je suis persuadé que s'il y a sanction réelle, le nombre d'infractions diminuera.

M. Jean-Jacques Weber - L'amendement 258 de Mme Boutin est le fruit des discussions qu'elle a eues avec les maires de sa circonscription, qui considèrent que le propriétaire du terrain ou le titulaire d'un droit réel d'usage doit pouvoir demander au maire de requérir lui-même l'intervention de la force publique pour procéder à une expulsion. Ayant entendu vos explications, Monsieur le ministre, je le retire.

Mme le Rapporteur - L'amendement 91 vise à unifier le contentieux de l'expulsion au profit du juge civil, conformément à l'article 66 de la Constitution, qui fait de l'autorité judiciaire la gardienne de la liberté individuelle, et en conformité avec la décision du Conseil constitutionnel du 23 janvier 1987, donnant au législateur la possibilité de faire prévaloir l'ordre juridictionnel principalement intéressé.

J'ai moi-même connu comme maire des cas où la compétence de plusieurs juridictions -tribunal de police, tribunal administratif, tribunal de grande instance- a fortement compliqué le règlement du conflit.

M. Patrice Martin-Lalande - Les amendements 201 et 163, qui sont dans le même esprit, sont défendus.

M. le Secrétaire d'Etat - Avis défavorable. Le projet est fondé sur le partage des compétences entre les deux ordres de juridictions : au juge civil le contentieux des propriétés privées et du domaine privé communal, au juge administratif celui du domaine public.

Il n'est d'ailleurs pas certain que cet amendement favoriserait une bonne administration de la justice. Il faudrait en effet que le juge civil, pour se déclarer compétent, apprécie d'abord l'appartenance de la personne visée au monde du voyage.

Pour que la décision de justice puisse intervenir rapidement, le Gouvernement a déposé un projet de loi qui a été voté en première lecture par le Sénat, relatif aux procédures d'urgence devant le juge administratif et à l'élargissement de la procédure du référé devant le tribunal administratif.

Par ailleurs, l'amendement fait dépendre la répartition des compétences entre les deux ordres de juridictions en matière domaniale de la qualité de la personne, ce qui semble contraire au principe constitutionnel d'égalité devant la justice.

M. Daniel Vachez - Je soutiens l'amendement de la commission, au vu de mon expérience. Dans certains cas, il est très difficile de distinguer le domaine public du domaine privé communal, et pour les élus, il est beaucoup plus simple d'avoir recours à une seule juridiction. Dans ma commune, à chaque cas de stationnement illicite de gens du voyage, nous avons fait appel au tribunal de grande instance. A ma connaissance, aucun TGI ne s'est jamais déclaré incompétent ; évitons de nous perdre en arguties juridiques...

L'amendement 91, mis aux voix, est adopté.

M. le Président - En conséquence, les amendements 201 et 163 tombent.

L'amendement 243 de M. Bur, non examiné par la commission, repoussé par Mme le rapporteur à titre personnel et par le Gouvernement, n'est pas adopté.

Mme le Rapporteur - L'amendement 92 est de coordination.

L'amendement 92, accepté par le Gouvernement, est adopté.

M. Patrice Martin-Lalande - L'amendement 272 est défendu.

L'amendement 272, non examiné par la commission, repoussé par Mme le rapporteur à titre personnel et par le Gouvernement, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Patrice Martin-Lalande - Il me paraît nécessaire de distinguer la caravane, constitutive d'un domicile, du véhicule qui la tracte. Je propose par mon amendement 276 que dans l'attente de la décision du juge, il soit possible de faire procéder à l'immobilisation ou à la mise en fourrière des véhicules tracteurs.

Mme le Rapporteur - La commission n'a pas examiné cet amendement. A titre personnel, j'y suis défavorable car il légaliserait une voie de fait. En outre, il semble paradoxal de mettre en fourrière les véhicules des gens du voyage à qui on demande de partir...

M. le Secrétaire d'Etat - Le Gouvernement est défavorable et avait relevé ce paradoxe...

M. Patrice Martin-Lalande - Il n'est qu'apparent : en général, le véhicule circule dans la journée et revient ensuite sur le terrain où stationne la caravane...

L'amendement 276, mis aux voix, n'est pas adopté.

L'amendement 138, repoussé par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Charles Cova - Cet article 9, M. le ministre l'a rappelé, est la clé de voûte du dispositif. Or le deuxième alinéa du II manque de clarté à plusieurs égards. Il dispose que le maire peut saisir le juge pour se substituer au propriétaire privé si le stationnement porte atteinte à la salubrité, la sécurité ou la tranquillité publiques. Mais l'alinéa précédent exige déjà, pour que le maire puisse intervenir, que ce stationnement viole un arrêté municipal. Cette exigence nous parait suffisante, et je propose par l'amendement 104 -identique au 99 de M. Delnatte- de supprimer le deuxième alinéa du II. Votre débat sera stérile si chacun ne comprend pas que, pour inciter les maires à réaliser des aires d'accueil, il faut aussi renforcer leurs pouvoirs de police et leur donner un minimum de garanties.

M. le Président - Les amendements 164, 202 et 244 sont identiques aux deux précédents.

Mme le Rapporteur - Avis défavorable. Ces amendements créeraient des difficultés en privant de cadre les pouvoirs du maire dans ce domaine.

M. le Secrétaire d'Etat - Défavorable. La possibilité que donne au maire cet article 9 est nouvelle et sans précédent dans notre droit. Il faut reconnaître qu'elle limite le droit de propriété, puisqu'elle permet au maire d'agir à la place du propriétaire. Il faut donc encadrer ce pouvoir.

Les amendements 99, 104, 164, 202 et 244, mis aux voix, ne sont pas adoptés.

M. Charles Cova - Ce projet ne brille pas par la clarté et la simplicité. Je regrette de ce point de vue que le Gouvernement n'ait pas retenu la rédaction du Sénat. Celle que je propose par l'amendement 37 va dans le même sens. Elle clarifie les facultés offertes au maire sans trahir l'esprit du projet, et le Gouvernement et la majorité pourraient accepter de l'étudier avec bienveillance.

Mme le Rapporteur - Défavorable. Il y a un malentendu : cet amendement supprime une disposition favorable au maire. Par ailleurs la jurisprudence définit clairement ce qui relève de la salubrité publique.

M. le Secrétaire d'Etat - Même avis : paradoxalement, cet amendement réduit les pouvoirs du maire, puisqu'il ajoute une condition à son intervention.

L'amendement 37, mis aux voix, n'est pas adopté.

L'amendement 75, repoussé par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Patrice Martin-Lalande - L'amendement 285 est défendu.

Mme le Rapporteur - Non examiné par la commission ; défavorable à titre personnel.

M. le Ministre - Défavorable.

L'amendement 285, mis aux voix, n'est pas adopté.

Les amendements identiques 18 et 219, repoussés par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, ne sont pas adoptés.

Mme le Rapporteur - La commission n'a pas examiné l'amendement 242. Avis personnel défavorable.

M. le Secrétaire d'Etat - Défavorable.

L'amendement 242 n'est pas adopté.

M. Jean-Jacques Weber - Mon amendement 185 tend à raccourcir les délais d'obtention du référé. Nous sommes confrontés à un problème d'efficacité : les procédures d'expulsion sont difficiles et longues. Laissez-moi retracer concrètement comment les choses se passent.

Premièrement, le propriétaire d'un terrain -ce peut être le maire- fait appel à un huissier. Deuxièmement, l'huissier va sur place et fait un constat. Troisièmement, il relève les numéros minéralogiques. Quatrièmement, il remet le constat à un avocat. Cinquièmement celui-ci rédige un mémoire et un projet d'ordonnance de requête. Sixièmement, le président du TGI signe l'ordonnance. Septièmement, l'avocat la remet à l'huissier. Huitièmement, celui-ci notifie l'ordonnance aux gens du voyage, et l'affiche. Neuvièmement il constate leur départ, ou leur refus. Dans ce dernier cas, il établit un procès-verbal de vaine tentative. Onzième opération : l'huissier demande le concours de la force publique. Enfin, si le maire a de la chance, ce concours est accordé. Après quoi la date de l'expulsion est fixée et, après appréciation des risques de trouble à l'ordre public, la force publique assiste l'huissier...

Tout cela est long à dire, plus long encore à faire ! Il en résulte 6 000 à 10 000 F de frais pour la commune, des déplacements pour le maire, et tout cela pour un résultat très aléatoire. Mes amendements à l'article 9 visent donc à réduire les délais pour gagner du temps. Je propose par l'amendement 185 -identique au 268 de M. Martin-Lalande- de ramener à 24 heures le délai visé par la deuxième phrase du dernier alinéa du II.

Mme le Rapporteur - Défavorable. Un de nos collègues a évoqué le cas du week-end : c'est une des raisons pour lesquelles on ne peut retenir un délai de 24 heures. On risquerait d'engorger les tribunaux. Par ailleurs je veux réaffirmer que le but de la loi est de réaliser un maximum d'aires d'accueil : les conflits devraient donc être de moins en moins nombreux, et les tribunaux statueront de plus en plus vite. Enfin, même si ce projet ne va pas aussi loin que le souhaiteraient les maires, il va plus loin que la proposition sénatoriale, qui est on ne peut plus sommaire sur ce point.

M. le Secrétaire d'Etat - Défavorable. Je vous confirme la volonté du Gouvernement d'aller aussi vite que possible. Je rappelle les deux ouvertures qu'il a déjà faites, en annonçant une directive de politique pénale et la possibilité d'assigner d'heure à heure. Par ailleurs il est vain d'imposer un délai lorsqu'aucune sanction procédurale ne peut être mise en oeuvre. Or la seule possible, c'est-à-dire le dessaisissement au profit d'un autre juge, serait contre-productive puisqu'elle allongerait les délais.

Les amendements 185 et 268, mis aux voix, ne sont pas adoptés.

M. Patrice Martin-Lalande - L'amendement 269 est défendu.

L'amendement 269, repoussé par la commission et par le Gouvernement, n'est pas adopté.

M. Charles Cova - Je défendrai à la fois mes amendements 38 -identique ou 268 de M. Philippe Martin-Lalande, et 39. Ils concernent respectivement le juge judiciaire et le juge administratif. Il est important de ramener la procédure de référé dans un délai de 48 heures. Ce n'est nullement préjudiciable à une bonne administration de la justice. Il s'agit en outre de défendre un droit naturel et imprescriptible, sanctionné par l'article 2 de la Déclaration des droits de l'homme. Les ministres nous objectent souvent que nos amendements sont inconstitutionnels, mais il n'y a qu'une institution en France qui ait pour prérogative d'en décider, et ce n'est pas le Gouvernement. Puisque ce dernier est si scrupuleux sur l'interprétation des principes fondamentaux de notre droit, il observera que cet amendement renforce le droit de propriété. Je propose, enfin, de décider que les jugements dont il s'agit sont rendus en dernier ressort, et non susceptibles de recours en cassation. Je ne fais ici que reprendre l'article 7 du projet de loi de Mme la Garde des Sceaux sur les référés devant les juridictions administratives.

Mme le Rapporteur - Avis défavorable sur les amendements 38 et 248. Le droit au recours est un principe de portée constitutionnelle, également reconnu par la convention européenne des droits de l'homme.

M. le Secrétaire d'Etat - Même avis. Mais je veux rassurer M. Cova. Il n'y a pas lieu de déroger au principe fondamental du double degré de juridiction, car la décision du juge est exécutoire par provision, malgré l'appel que peut interjeter le contrevenant. On ne réduirait donc pas les délais en supprimant ce double degré.

Les amendements 38 et 248 ne sont pas adoptés.

L'amendement 136, repoussé par la commission et par le Gouvernement, n'est pas adopté.

M. Jean-Jacques Weber - Les amendements 17 de M. Schreiner et 220 de M. Blessig sont soutenus.

Les amendements 17 et 220, repoussés par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, ne sont pas adoptés.

M. Jean-Jacques Weber - Compte tenu des explications du ministre, je retire les amendements 184 et 187.

M. Charles Cova - L'amendement 273 de M. Martin-Lalande est également retiré.

Mme le Rapporteur - L'amendement 93 est de coordination.

L'amendement 93, accepté par le Gouvernement, mis aux voix, est adopté.

En conséquence, les amendements 40, 289, 16, 221, 241, 232, 270, 39, 247, 271, 146 et 277 tombent.

M. Jean-Jacques Weber - Les amendes pour stationnement irrégulier sont insuffisamment dissuasives : 200 F maximum. Je propose donc, par l'amendement 188, d'en faire une contravention de quatrième classe.

Mme le Rapporteur - Cela relève du règlement.

M. le Secrétaire d'Etat - L'article 111-2 du code pénal dispose en effet que le règlement détermine les contraventions, à la différence des délits et des crimes. Le Gouvernement est cependant conscient du problème posé par le stationnement irrégulier et vient d'engager une réflexion à ce sujet.

L'amendement 188, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Jean-Jacques Weber - Afin de ne pas laisser les maires démunis, je propose, par l'amendement 189 rectifié, une autre solution, pratique et simple car prenant appui sur le code de la route, en cas de stationnement irrégulier de plus de 48 heures : le retrait de deux points du permis de conduire. J'ai en ce moment, dans mon département, un terrain de sport envahi par 180 caravanes !

M. le Président - Encore faut-il que le contrevenant soit titulaire du permis de conduire français...

Mme le Rapporteur - Je comprends le souci qui guide M. Weber, mais ni le juge civil ni le maire ne sont en droit de procéder à un retrait de points : seul le tribunal de police est compétent pour cela. Mais si les maires veulent sortir de cette galère, il faut qu'ils aménagent des aires.

M. le Secrétaire d'Etat - Le Gouvernement n'ignore pas le problème posé, mais la sanction suggérée n'est pas opératoire : à force de retirer des points, il n'y aura plus de conducteurs pour emmener les véhicules... (Sourires) Elle est également discutable au regard de l'égalité devant la loi, et contredit, en outre, le principe de l'opportunité des poursuites. Je connais, moi aussi, une commune dont le terrain de sport, occupé par 120 caravanes, a subi de gros dégâts à la suite d'un orage, mais si l'on veut que ces situations se fassent rares, voire disparaissent, il faut créer des aires d'accueil. La citoyenneté n'est pas seulement affaire d'application de la loi, mais aussi de coeur et d'intelligence.

M. Jean-Jacques Weber - Je m'attendais à cette réponse, mais il faut faire preuve d'inventivité pour calmer l'inquiétude des maires. Si vous ne leur donnez pas une arme d'application immédiate, il ne leur restera plus que le bulldozer municipal ! Je ne propose pas de retirer des points de façon discrétionnaire, mais sous le contrôle du juge, ce qui est tout de même une garantie. Il faut atteindre le contrevenant dans ce qu'il a de plus précieux : son permis de conduire.

L'amendement 189 rectifié, mis aux voix, n'est pas adopté.

L'article 9, modifié, mis aux voix, est adopté.

APRÈS L'ART. 9

L'amendement 256, défendu, repoussé par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, n'est pas adopté, non plus que le 257.

M. Gilbert Mitterrand - Je défends ensemble les amendements 94 rectifié de la commission et 228 rectifié qui sont identiques. Ils concernent les travailleurs saisonniers. Le travail saisonnier est une source de déplacements prévisibles qui doivent être pris en compte par les schémas départementaux.

Je souhaite que le travail saisonnier soit évoqué dans le texte afin que les communes concernées puissent en discuter. Les aires d'accueil ou de passage doivent être adaptées au travail saisonnier. A défaut, il y aurait une atteinte au droit du travail car les gens du voyage travailleurs saisonniers ont droit à des conditions d'accueil et d'hébergement adaptées.

Il convient donc, soit que les départements et les communes assurent l'accueil des gens du voyage travailleurs saisonniers, soit que l'employeur remplisse directement cette obligation, quitte à les accueillir sur son terrain privé s'il y a lieu.

Les communes doivent participer à l'accueil mais elles ne doivent pas le faire seules. Puisque l'employeur est à l'initiative du déplacement, il ne doit pas faire supporter par la commune toutes les charges afférentes.

Si mon amendement est adopté, il conviendra sans doute d'apporter quelques modifications à l'ensemble du texte en deuxième lecture afin que les obligations de l'employeur soient rappelées chaque fois que cela sera nécessaire.

M. le Secrétaire d'Etat - Le Gouvernement donne acte à M. Gilbert Mitterrand de la bonne connaissance de ce qu'il expose, et l'intention d'améliorer les conditions de vie des travailleurs saisonniers est louable.

Cependant, l'évolution du code rural n'entre pas dans ma compétence. D'autre part, Mme Aubry a confié à M. Le Pors une mission d'étude sur le travail saisonnier dont elle examine actuellement les conclusions. Il revient donc aux ministres concernés, de l'agriculture et du travail, de prendre les décisions utiles sur ce sujet. Un approfondissement de ces questions pourra intervenir lors de la prochaine lecture.

Pour l'heure le Gouvernement s'en remet à la sagesse de l'Assemblée.

M. le Président - Je rappelle à Monsieur le ministre que le Gouvernement est un.

Les amendements 94 rectifié et 228 rectifié, identiques, mis aux voix, sont adoptés.

L'amendement 240, défendu, repoussé par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, n'est pas adopté.

L'article 10, mis aux voix, est adopté.

APRÈS L'ART. 10

M. Jean-Jacques Weber - Mon amendement 34 dit qu'"un recensement des populations composant la communauté des gens du voyage est organisé au plus tard un an après la promulgation de la présente loi".

En effet, le dernier recensement spécifique remonte à l'année 1960. Or, la réussite du projet de loi passe par une meilleure connaissance sociologique des populations composant la communauté des gens du voyage. Ce recensement sera l'outil principal sur lequel l'Etat et les départements pourront appuyer leur réflexion et leur action. Il sera ainsi une source d'information précieuse pour la commission consultative nationale dont vous avez annoncé, et je m'en félicite, qu'elle serait "réactivée". Et ne me répondez pas s'il vous plaît que ce recensement a été fait avec le recensement général de la population française car cela n'est pas vrai.

Plusieurs députés socialistes - Si !

Mme le Rapporteur - Je maintiens cependant que ce recensement a déjà eu lieu. C'est d'une vision des effectifs démographiques et des déplacements de populations au niveau départemental que nous avons besoin. Avis défavorable à l'amendement.

M. le Secrétaire d'Etat - Avis défavorable également. Il est de tradition que le recensement général n'identifie pas de populations particulières. Nous l'avons déjà dit à l'occasion de l'examen de l'amendement 151 qui n'a pas été adopté. J'observe cependant que la comptabilisation des emplacements, prévue au projet, aura le même effet de recensement.

M. Jean-Jacques Weber - Astucieux !

L'amendement 34, mis aux voix, n'est pas adopté.

L'article 11, mis aux voix, est adopté.

TITRE

Mme le Rapporteur - L'amendement 95 tend à remplacer "l'accueil" par "l'habitat" dans le titre du projet.

La notion d'accueil englobe en effet une problématique plus vaste que celle des aires de stationnement cependant que celle d'"habitat" vise à prendre en compte l'aspiration des gens du voyage à l'assimilation des résidences mobiles à l'habitat au sens plein du terme.

M. le Secrétaire d'Etat - L'essentiel du texte vise l'accueil et pas simplement l'habitat des gens du voyage. Je propose que nous achevions cette discussion par une synthèse heureuse en rectifiant l'amendement 95 pour intituler ce texte "projet de loi relatif à l'accueil et à l'habitat des gens du voyage".

Mme le Rapporteur - Nous acceptons cette modification.

L'amendement 95 rectifié, mis aux voix, est adopté.

EXPLICATIONS DE VOTE

M. Jean-Jacques Weber - Le groupe UDF a exprimé dès l'origine de cette discussion son souhait de voir régler le lancinant problème des gens du voyage, dont le sort n'est pas toujours enviable et qui méritent la sollicitude de la nation, dans le respect des droits des populations "non nomades" et de ceux des communes.

Le texte propose la multiplication des aires d'accueil. Sur ce point, nous vous suivrons et j'ai déjà rendu hommage à votre projet, Monsieur le ministre, qui prévoit les financements nécessaires. Il reste que le champ de la loi est trop restreint. Je regrette surtout que toutes nos suggestions tendant à rendre possible une certaine coercition à l'encontre de ceux qui ne voudraient pas se plier aux règles aient été repoussées.

Vous n'avez pas voulu, comme je le proposais, prévoir de sanctions sur le permis de conduire, ce qui aurait donné aux maires le moyen de se faire respecter.

Les maires, en effet, sont toujours pris entre leurs administrés et les nomades, qui refusent le plus souvent d'obtempérer. Moi-même, j'ai été insulté plus d'une fois.

Avec ce projet, les maires ne disposeront toujours pas des pouvoirs nécessaires pour faire respecter l'ordre.

J'espère que ce texte s'améliorera au cours de la navette. Vous allez vous accoutumer à nos arguments et les maires vous feront connaître leur opinion : en contrepartie des nouveaux devoirs que vous mettez à leur charge, ils réclament des pouvoirs supplémentaires.

Le groupe UDF ne peut voter ce projet en l'état.

M. Daniel Vachez - Ce débat a été constructif. Le Gouvernement nous a écoutés et tous les députés ont contribué à enrichir ce projet.

Nous avons trouvé un bon équilibre entre droits et devoirs. Je me réjouis en outre de la clarification de l'article 3, dans lequel il apparaît clairement qu'aucune commune ne pourra s'exonérer des obligations contenues dans le schéma départemental. J'approuve le renforcement du rôle de la commission départementale, qui publiera un rapport annuel et nommera un médiateur : notons au passage qu'il s'agit là de deux suggestions de l'opposition. L'unification du contentieux au profit du seul juge civil, l'inclusion des opérations de réhabilitation dans l'aide à l'investissement accordée aux communes et la prise en considération des besoins spécifiques des travailleurs saisonniers constituent d'autres avancées.

D'autres points devront être examinés. Nous attendons, Monsieur le secrétaire d'Etat, des éclaircissements sur l'aide à l'aménagement des terrains occupés par les familles en voie de sédentarisation et le soutien financier qui sera apporté aux communes.

Presque dix ans après l'adoption de l'article 28 de la loi du 31 mai 1990, l'Etat donne aux communes la possibilité de résoudre enfin le problème du stationnement des gens du voyage.

Le groupe socialiste, Monsieur le secrétaire d'Etat, soutient votre projet, dont il souhaite l'inscription à l'ordre du jour prioritaire du Sénat (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

M. Charles Cova - Ce projet est attendu par les maires et leurs administrés, mais aussi par les gens du voyage eux-mêmes. Pas tous, malheureusement...

Nous sommes tous d'accord pour estimer que la situation actuelle n'est pas satisfaisante. Votre objectif est louable, mais vous n'êtes pas parvenus à équilibrer les droits des nomades avec le respect des obligations qui garantissent le bon voisinage.

A deux exceptions près, nos amendements ont été repoussés.

Une fois de plus, les seules contraintes réelles pèseront sur les maires et j'ai peine à croire que ce texte leur est destiné.

Ne croyez pas que tout ce que vous faites est parfait. Vous n'avez pas compris qu'il fallait renforcer les pouvoirs des maires, en dépit des témoignages d'élus de toutes tendances.

Nous aurions pu accepter de soutenir votre initiative, Monsieur le secrétaire d'Etat, mais il aurait fallu que vous preniez davantage nos idées en considération.

Pour toutes ces raisons, les groupes RPR et DL voteront contre ce projet en première lecture.

L'ensemble du projet, mis aux voix, est adopté.

M. le Président - Je vous rappelle que le Parlement se réunira en Congrès à Versailles le lundi 28 juin à 9 heures 30 et à 15 heures.

Prochaine séance à l'Assemblée, mardi 29 juin à 10 heures 30.

La séance est levée à 16 heures 40.

          Le Directeur du service
          des comptes rendus analytiques,

          Jacques BOUFFIER


© Assemblée nationale


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