Accueil > Archives de la XIe législature > Les comptes rendus > Les comptes rendus analytiques (1999-2000)

Session ordinaire de 1999-2000 -3ème jour de séance, 6ème séance

2ÈME SÉANCE DU MERCREDI 6 OCTOBRE 1999

PRÉSIDENCE DE M. Raymond FORNI

vice-président

Sommaire

          RÉDUCTION NÉGOCIÉE DU TEMPS DE TRAVAIL (suite) 2

          DISCUSSION GÉNÉRALE (suite) 2

          MOTION DE RENVOI EN COMMISSION 18

La séance est ouverte à vingt et une heures quinze.

Top Of Page

RÉDUCTION NÉGOCIÉE DU TEMPS DE TRAVAIL (suite)

L'ordre du jour appelle, après déclaration d'urgence, la suite de la discussion du projet de loi relatif à la réduction négociée du temps de travail.

Top Of Page

DISCUSSION GÉNÉRALE (suite)

M. Gérard Bapt - Que dire de plus alors que la discussion générale tire à sa fin, sinon réaffirmer quelques faits après avoir entendu les propos moins négatifs que répétitifs de l'opposition ?

La loi du 13 juin 1998 a déjà atteint des objectifs notables : 15 000 accords ont été conclus, qui concernent plus de deux millions de salariés, et plus de 105 000 emplois ont été créés. Il s'agit d'un effet d'aubaine, nous a-t-on rétorqué. En vérité, 15 000 emplois tout au plus auraient été créés sans la loi du 13 juin. Cet effet d'aubaine, si même il existe, est donc très minime par rapport à celui provoqué par la loi Robien.

Si la seconde loi comporte la réduction du temps de travail avec une date butoir, c'est pour tenir compte de cette exception française qu'a très bien analysée le président de la commission des affaires sociales : dans notre histoire, aucune avancée sociale significative n'a jamais eu lieu sans que l'Etat intervienne, et le mouvement de réduction du temps de travail s'est arrêté en 1982, notable exception en Europe, à part la Grande-Bretagne.

La signature d'accords dans les entreprises est engagée dans une véritable dynamique, en dépit de l'opposition de principe et de la désinformation. Ainsi, j'ai été étonné que Mme Boisseau brandisse le danger représenté par l'alourdissement de la masse salariale, qui augmenterait de 5 % au niveau du SMIC. Or la réforme de la ristourne dégressive entraînera en fait un allégement de 9 %, et les aides apportées feront plus que compenser l'augmentation de cette masse salariale. De plus, la part salariale de la taxe professionnelle ayant été supprimée, l'allégement qui s'ensuit représente dans ma commune de 1 600 F à 2 000 F par an et par salarié.

Enfin, l'aménagement du temps de travail, qui favorisera un meilleur

fonctionnement de l'entreprise, améliorera la compétitivité de cette dernière en même temps que la situation des salariés. De fait, la récente enquête de la CFDT auprès des salariés concernés par la réduction du temps de travail montre que, dans leur très grande majorité, ils la vivent positivement.

Après la phase incitative, nous allons décider la fixation d'une durée légale hebdomadaire qui remet l'évolution du temps de travail dans le cours historique propre aux pays industrialisés. Le succès viendra du subtil dosage que vous opérez entre les nouvelles règles du jeu imposées et les espaces laissés à la négociation sociale, dont les résultats déjà obtenus ont eux-mêmes nourri la définition de ces nouvelles règles. En effet, la négociation sociale a su innover en élaborant des formules très diversifiées. Ainsi est préservée, malgré les grandes démonstrations du MEDEF, la confiance dont font preuve les plus larges couches de la population.

Nous soutenons votre démarche volontariste tendant à renforcer la cohésion sociale et l'efficacité générale de l'économie. Je ne doute pas qu'avec l'apport des trois groupes de la majorité plurielle, vous parviendrez à allier nécessité sociale et, impératif économique, en redonnant, face à la financiarisation de l'économie et à la prépondérance excessive des actionnaires, un rôle de premier plan à la négociation sociale et à l'intervention des acteurs de l'entreprise (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

M. Jacques Masdeu-Arus - Je ne rentrerai pas dans le détail d'un texte aussi opaque que complexe.

Voici plutôt les résultats d'une enquête que j'ai menée auprès des chefs d'entreprise et de la population active de Poissy, soit 11 500 personnes.

Le résultat est sans appel : c'est une ferme condamnation de la politique économique que vous menez. Neuf chefs d'entreprise sur dix voteraient contre ce projet de loi, estimant qu'il nuit à la compétitivité de leur entreprise. Seuls 6 % d'entre eux pensent que les 35 heures auront un effet positif sur l'emploi. Les personnes interrogées ne sont pas des technocrates ignorants de la loi du marché, mais des acteurs économiques qui contribuent par leurs efforts à la croissance et à l'emploi. Quant aux salariés, il apparaît clairement qu'eux aussi rejettent les 35 heures : deux sur trois jugent qu'elles seront sans effet sur l'emploi, voire qu'elles auront un effet négatif, et la même proportion considère qu'elles ne tiennent pas compte de leurs intérêts, notamment en termes de qualité de vie et de pouvoir d'achat Ces réactions pleines de bon sens illustrent les dangers d'une mise en place autoritaire des 35 heures dans une économie fortement concurrentielle.

Les chefs d'entreprise vivent le passage aux 35 heures comme une contrainte légale dont le seul but est de satisfaire une promesse démagogique de campagne électorale (Protestations sur les bancs du groupe socialiste). Nous sommes le seul pays au monde à nous apprêter à adopter un tel texte. Les dirigeants de PME sont particulièrement préoccupés, et redoutent une augmentation des charges qui dégradera leur compétitivité et favorisera les délocalisations ainsi que le travail clandestin. Ils s'inquiètent des distorsions de concurrence au bénéfice des grandes entreprises, qui auront les moyens, elles, de passer aux 35 heures et d'empocher les aides de l'Etat.

Les salariés, pour leur part, ont l'impression que les 35 heures n'amélioreront pas leurs conditions de travail. Une habitante de Poissy, par exemple, m'écrit que, dans l'hôpital où elle travaille, les salaires vont sans doute être gelés pendant cinq ans : avec quels moyens, dès lors, s'adonnera-t-elle aux « activités » que lui fait miroiter Mme Aubry ?

Une grande majorité des personnes interrogées se rend bien compte que la solution réside dans une application souple et facultative de la réduction du temps de travail, et réclament l'allégement des charges, prélèvements, contraintes et obstacles qui freinent les initiatives. Elles sont découragées par une société qui ne reconnaît plus les valeurs du travail et encourage l'esprit d'assistance. Écoutez ce cri d'alarme : « Mère de quatre enfants, ... je travaille depuis vingt ans et je vis vos lois comme une fatalité... Arrêtez cette spirale. Faites-le au moins pour nos enfants, sinon c'est ailleurs qu'ils iront s'installer. » (Applaudissements sur quelques bancs du groupe du RPR, exclamations sur les bancs du groupe socialiste)

M. Serge Poignant - Un an et demi après la première loi, nous ne pouvons que constater son échec, malgré tous les efforts déployés pour prouver le contraire, en lui imputant, par exemple, des créations d'emploi dues, de toute évidence, à la croissance (Interruptions sur les bancs du groupe socialiste).

Aujourd'hui, vous persévérez dans l'erreur, dans votre démarche idéologique. En généralisant la réduction du temps de travail, vous niez la diversité des situations, vous raisonnez comme s'il n'existait que de grandes entreprises, capables de dégager des gains de productivité et de profiter des effets d'aubaine, en oubliant le commerce, l'artisanat, l'agriculture, ainsi que le secteur non marchand. Au sein de celui-ci, vous avez même fait naître de faux espoirs, car vous avez refusé l'agrément à l'accord conclu entre les partenaires sociaux du secteur médico-social.

Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité - Non ! Je l'ai délivré cet après-midi !

M. Serge Poignant - Après l'avoir refusé cet été. Pis encore, certains établissements accueillant des jeunes handicapés ont dû réduire le nombre de leurs places d'accueil afin de respecter leur taux d'encadrement.

J'ai fait, moi aussi, une enquête parmi les chefs de petites et moyennes entreprises de ma circonscription : sur cent personnes interrogées, 2 seulement sont pour le projet, 11 attendent de voir et 87 sont contre ! Toutes, en revanche, cherchent désespérément à recruter de la main-d'_uvre qualifiée. Qu'attendez-vous pour remédier à la pénurie qui règne dans certaines branches ?

Les chefs d'entreprise du BTP et de l'agriculture, de surcroît, sont inquiets quant à l'avenir des accords de branche signés depuis le vote de la première loi, et tenant compte des aléas climatiques dans le régime des heures supplémentaires. S'ils devenaient caducs du fait de la seconde loi, le coût de ces dernières serait fortement alourdi, de même que celui de la formation et que les cotisations sociales. Et que dire du SMIC ? Un double SMIC serait une aberration.

Les conséquences du dispositif ne seront vraiment perceptibles que dans quelques années. Vous bénéficiez actuellement de la croissance, mais des pertes de marchés sont inéluctables à terme, et vous en porterez la responsabilité ! (Applaudissements sur quelques bancs du groupe du RPR)

M. Yves Rome - C'est Paco Rabanne !

M. Francis Hammel - Contrairement à l'opposition qui fait assaut d'ineptie, de démagogie et d'archaïsme contre les 35 heures (Protestations sur les bancs du groupe du RPR), la majorité s'est engagée pour atteindre l'objectif fondamental de ce projet : créer des emplois en réduisant le temps de travail. Quoi qu'en disent ses détracteurs, les effets de la première loi témoignent en sa faveur : en moins de seize mois, près de 125 000 emplois ont été créés ou sauvegardés.

M. Charles de Courson - Mais non !

M. Francis Hammel - Parce qu'elle favorise la réflexion collective sur une nouvelle organisation du travail, parce qu'elle préserve le pouvoir d'achat des salariés, parce qu'elle permet aux salariés de consacrer davantage de temps aux loisirs et à la vie familiale, parce qu'elle encourage un partage non subi du travail, la loi du 13 juin 1998 a atteint son but, tant sur le plan quantitatif que qualitatif. Le présent projet vise à renforcer et à généraliser la démarche de réduction négociée du temps de travail.

Comme l'a rappelé hier Mme Bachelot, « l'abaissement de la durée du travail est un mouvement continu depuis le début du siècle ». Il convient aujourd'hui d'accentuer ce mouvement, en apportant des solutions pragmatiques et durables aux problèmes rencontrés lors des négociations consécutives à la première loi. Il s'agit d'un projet global pour l'avenir : au-delà de la création d'emplois, mieux coordonner le temps au travail et le temps hors travail, afin d'améliorer la qualité de la vie.

Mme la Ministre y a d'ailleurs insisté devant la commission des affaires sociales : « Il faut s'assurer que les salariés disposent de garanties suffisantes pour maîtriser leur vie professionnelle et la concilier avec leur vie personnelle. La loi a toujours eu pour objet de protéger le salarié, y compris du point de vue de la santé. Il convient de renforcer cette protection par la reconnaissance d'un véritable droit au repos. » Or si les exceptions à la règle du repos hebdomadaire restent rares,

les exceptions au repos du dimanche, notamment dans la grande distribution alimentaire, ont tendance à se multiplier de manière injustifiée. Non seulement, l'ouverture des grandes surfaces le dimanche perturbent l'équilibre économique en mettant en péril le commerce de proximité, mais elle a aussi des incidences sur la vie personnelle et familiale des salariés.

Gardons en mémoire qu'un des enjeux essentiels de cette seconde loi est la promotion d'un certain type de société : une société du temps choisi.

Les hommes et les femmes ne sont pas seulement des salariés, mais aussi des citoyens qui aspirent à vivre mieux pour vivre plus, et inversement (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

M. Jean-Claude Lemoine - Après la loi du 13 juin 1998, dont les résultats ne sont satisfaisants qu'à vos yeux -car vous confondez création d'emplois et intentions d'embauche-, cette seconde loi consacre le mythe du partage du travail et des revenus.  Elle crée une nouvelle exception française, nous isole un peu plus de nos voisins et handicape gravement l'entreprise France. Elle ignore, en outre, la diversité des situations. Elle incite les entreprises qui le peuvent à se robotiser, à moins qu'elles imposent à leurs salariés des cadences infernales, et à augmenter leurs prix, au risque de les conduire à la faillite.

La réduction du temps de travail, couplée avec différentes mesures relatives à l'intérim, aux contrats à durée déterminée et aux procédures de licenciement, va enlever aux entreprises la souplesse dont elles ont besoin.

Vous voulez combattre la précarité et vous avez raison. Mais quand on sait que l'Etat est le premier employeur de travailleurs précaires, comment ne pas s'interroger ?

Pendant la période de transition, les heures supplémentaires seront majorées de 10 %, mais ce surplus n'ira au salarié que si son entreprise a signé un accord. A partir de 2001, la majoration sera de 25 %, mais le salarié n'en bénéficiera qu'à hauteur de 15 % s'il n'y a pas eu d'accord signé.

Comment justifier que, pour un même travail, certains salariés soient pénalisés parce que leur employeur ou les syndicats majoritaires refusent de signer ?

Un salarié au SMIC, par ailleurs, percera 6 882 F pour 35 heures, tandis que son collègue qui travaille 39 heures ne gagnera que 6 952 F, soit 4 F par heure supplémentaire. Est-ce là une avancée sociale ?

Le financement de votre dispositif repose sur l'Unedic, la CNAM, les partenaires sociaux, qui semblent pourtant opposés à votre projet. Quelle sera votre attitude s'ils refusent de financer les 35 heures ? Le paritarisme n'est-il pas menacé ?

Dans les établissements privés de santé, il faudra créer des postes d'infirmiers et d'infirmiers anesthésistes. Or ce personnel est introuvable et il faut trois

ans pour former quelqu'un à ces métiers. Quelle solution proposez-vous ? La pénurie de main-d'_uvre, d'ailleurs, menace d'autres secteurs, comme les transports routiers. Un chauffeur longue distance employé par une entreprise française est payé 90 francs de l'heure, alors qu'un chauffeur de l'ex-Allemagne de l'Est gagne 3 000 francs par mois. Aujourd'hui, un chauffeur parcourt 3 120 km en 39 heures à 80km/h. Pour parcourir le même kilométrage en 35 heures, il devra rouler à 89 km/h. Comment, dans ces conditions, respecter les temps de pause et les limitations de vitesse ?

Dans le bâtiment, un maçon effectue 39 m2 d'aggloméré en 39 heures. Les 35 heures vont lui imposer des cadences infernales, l'entreprise ne pouvant guère facturer son travail 12 % plus cher qu'auparavant. Votre coiffeur, Madame la ministre, fait 78 coupes en 39 heures. Il n'en fera plus que 70 en 35 heures.

Que répondez-vous aux dirigeants des groupes internationaux qui cherchent à investir, et aux entrepreneurs français, de plus en plus nombreux à partir au Portugal et en Grande-Bretagne ? Que répondez-vous aux entreprises qui, ayant signé des accords de branche, apprennent que ceux-ci ne seront peut-être pas validés ?

Comme plusieurs syndicats et beaucoup de citoyens, j'estime que votre loi créera de nombreux emplois, mais à l'étranger ! L'application de ce texte doit être facultative et non obligatoire. Il faut aussi maintenir à 200 le contingent des heures supplémentaires, calculer la durée du travail en moyenne annuelle et alléger les charges de toutes les entreprises (Applaudissements sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL).

Mme Catherine Picard - En instaurant les 35 heures, nous avons pris une décision politique qui concerne chaque Français. Si cette mesure répond aux v_ux des salariés et des chômeurs, elle contente aussi, n'en déplaise à l'opposition, certaines entreprises.

Nous ne pouvons faillir là où nous sommes attendus. Cette deuxième loi doit se traduire concrètement par des créations d'emplois, mais aussi par l'amélioration des conditions de travail et de la vie des salariés. Ceux-ci ne comprendraient pas que cette loi ouvre la voie à la flexibilité subie, au chantage à la baisse des rémunérations et à la remise en cause de leurs droits dans l'entreprise.

C'est pourquoi les garde-fous qui encadraient hier les 39 heures doivent être reportés systématiquement sur le nouveau cadre de travail.

La loi doit apporter d'emblée des garanties suffisantes et créer un cadre de négociation permettant aux représentants des salariés, non seulement de sauvegarder leur acquis, mais d'en obtenir de nouveaux. Il faut favoriser l'embauche de salariés à temps plein et empêcher le recours massif aux heures supplémentaires. Seule une taxation conséquente de celles-ci dissuadera les chefs d'entreprise.

Toutes les catégories de salariés revendiquent la réduction réelle de leur temps de travail, y compris les cadres. Ils estiment qu'une baisse de leurs horaires de travail peut être appliquée sans mettre en péril l'avenir de leur entreprise.

Quel salarié responsable pourrait souhaiter, aujourd'hui, mettre en difficulté son entreprise, au risque de se retrouver au chômage ? Aucun, je crois. Il faut donc balayer d'un revers de main les affirmations de ceux qui prétendent, comme le MEDEF ou l'opposition, que les souhaits exprimés par les cadres ne peuvent être réalisés.

Rien ne peut justifier qu'un salarié effectue soixante heures de travail par semaine au lieu de trente-neuf ! Je remarque que la législation actuelle ne comporte aucune définition claire du statut des cadres et je me félicite que ce projet tende à combler cette lacune.

Garantir le niveau des rémunérations constitue un objectif majeur, tout particulièrement lorsqu'il s'agit des bas salaires et du SMIC.

En effet, le SMIC, défini comme un salaire horaire dans la loi, est aujourd'hui perçu comme un salaire mensuel. Le SMIC aujourd'hui, c'est 5 000 F net par mois et non 39 F de l'heure !

S'il est impératif de maintenir son niveau pour les salariés à temps plein, il faut aussi garantir un salaire égal aux salariés qui seront recrutés après l'entrée en vigueur de la loi. Ce n'est là que la traduction d'un principe fondamental défendu de tout temps par les forces de progrès et le mouvement ouvrier : «à travail égal, salaire égal».

Tous ceux qui ont apporté leur soutien à la gauche en 1997 attendent aujourd'hui les 35 heures payées 39 et non une baisse des salaires minimum et des bas salaires.

Par ailleurs, si nous nous félicitons que le chômage baisse depuis plus d'un an, il faut remarquer que le nombre des contrats à temps partiel a augmenté dans des proportions alarmantes. La durée maximum d'un tel contrat étant fixée à 34 heures, il est aisé d'imaginer que cette formule compromettra les embauches à 35 heures.

Le recours aux heures supplémentaires et complémentaires doit être taxé de manière dissuasive, avec une contrepartie pécuniaire pour les salariés.

Enfin, les droits des salariés dans l'entreprise devront être renforcés pour que les négociations aboutissent à des accords conformes à leurs attentes.

Or la garantie de ces droits est incompatible avec les dispositions actuelles de l'article 15 du projet, qui laisse la possibilité à un employeur de licencier un salarié pour cause réelle et sérieuse, dans le cas où celui-ci refuserait une modification de son contrat de travail suite à un accord collectif. Cette disposition constitue une régression.

Nos débats permettront d'améliorer ce texte. Je sais que vous souhaitez aboutir à de nouvelles conquêtes sociales. Nous vous y aiderons (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe RCV).

M. Jean-Paul Durieux - Si certains doutaient encore de l'importance de ce projet, les rumeurs montées des rues de nos villes ou de la Porte de Versailles ont dû les en convaincre.

Ce texte repose sur une certaine conception de la société et je ne m'étonne pas qu'il fasse l'objet d'appréciations divergentes.

Pour nous, l'économie est d'abord au service de l'homme. Elle vise à satisfaire ses besoins et doit respecter sa dignité.

La première loi visait à inciter à la négociation ; 16 000 chefs d'entreprise, 50 000 représentants du personnel ont répondu à cette invitation, et ce n'était pas facile pour la majorité d'entre eux : je pense aux membres de l'Union professionnelle artisanale et de la CAPEB.

Le président du MEDEF a évoqué lundi, fidèlement relayé par nos collègues de l'opposition, « la faute » que représenterait cette loi. Est-ce une faute que de tout tenter pour ouvrir les portes de l'emploi à des milliers d'hommes et de femmes ? Que de libérer du temps pour la famille, les loisirs, la culture, la vie citoyenne ? Que de croire au caractère irremplaçable du dialogue social ? Que de saisir l'occasion de réfléchir à de nouveaux modes d'organisation de l'entreprise ?

Au fatalisme d'une économie dévastatrice d'emplois nous opposons la volonté d'une société solidaire attentive au destin des plus faibles. Cette loi est une loi d'équilibre et doit le demeurer. Sans doute faut-il durcir ce qui risque de conduire à l'aggravation des conditions de travail, mais il faut conserver à la négociation dans les petites et moyennes entreprises sa respiration propre. Je ne crois pas au caractère durable des embauches imposées.

La commission des affaires sociales a enrichi le projet. Elle s'est attardée sur la définition du temps effectif de travail, sur l'amplitude des modulations d'horaires, sur le temps partiel, sur la situation des cadres, sur la formation. La discussion va ouvrir des voies nouvelles et faire de cette loi le texte majeur de la législature, l'un des éléments fondateurs de la société de justice et de plein emploi que nous voulons (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

M. Alain Vidalies - Jusqu'à une période récente, la négociation collective n'avait qu'un seul objet, améliorer pour les salariés les dispositions prévues par le droit du travail. Dans ce cadre, l'existence d'accords signés par des syndicats représentatifs, mais minoritaires, ne posait guère de difficulté.

Aujourd'hui l'objectif de la négociation a considérablement changé et implique des concessions qui affectent les conditions de travail ou de rémunération des salariés. Dès lors, vérifier que l'accord est approuvé par la majorité d'entre eux est devenu d'une grande importance et le sera encore plus demain si nous cherchons à les associer à la gestion de l'entreprise.

Votre projet a pris en compte cette exigence : il subordonne les aides aux entreprises à l'approbation de l'accord par la majorité des salariés ou par les syndicats majoritaires. Cette disposition est essentielle et doit être maintenue.

Le rôle respectif de la loi et de la négociation est au c_ur de notre débat. Pour certains, la loi reste la seule arme pour défendre les salariés, ce qui justifie les dispositions parfois pointillistes qu'ils proposent. Cette démarche n'est pas la mienne et je me félicite que le projet privilégie la négociation collective pour la mise en _uvre des 35 heures -elle seule peut prendre en compte la diversité des situations.

Mais gardons-nous de croire que le dialogue social renverrait la loi aux oubliettes. Dans un arrêt du 29 juin 1999, la Cour de cassation a reconnu la légalité des accords d'entreprise créant des régimes d'équivalence. On imagine le désastre si cette pratique se généralisait ! Heureusement un amendement adopté en commission réserve cette possibilité aux accords de branche.

La loi doit veiller aussi à freiner l'expansion du temps partiel imposé. Dès lors qu'au 1er janvier 2000, en application de la directive européenne, sera qualifié de temps partiel tout horaire inférieur à la durée légale, il est urgent de supprimer l'abattement de 30 % et le régime particulier des heures complémentaires qui encouragent cette forme pernicieuse de précarité.

En ce qui concerne les cadres, un sondage récent révèle qu'ils souhaitent voir protégées leurs conditions de travail.

Or le projet, en l'état actuel, risque de renvoyer la majorité d'entre eux au régime du forfait. Celui-ci doit rester dérogatoire. Je me félicite donc que la commission ait adopté un amendement réservant aux accords collectifs le soin de fixer la répartition entre les emplois soumis au droit commun et ceux relevant du forfait.

Sur le SMIC, aucun argument technique ne peut justifier que deux salariés travaillant à temps plein, soit 35 heures, perçoivent un salaire différent, ni que les salariés à temps plein des entreprises nouvelles puissent recevoir moins que le SMIC mensuel actuel.

Je sais bien que le SMIC mensuel n'existe pas dans le code du travail, mais il existe dans la réalité, dans l'esprit de nos concitoyens. Le SMIC, c'est le salaire minimum pour vivre, dès lors qu'on travaille à plein temps. Aucun argument ne peut justifier qu'il diminue subitement. Je souhaite donc que l'amendement adopté par notre commission à l'article 16, ou toute autre solution technique aboutisse à la même garantie, soit voté par notre assemblée.

J'espère donc que sur ces questions essentielles nos débats apporteront les réponses nécessaires.

Faut-il rappeler que l'objectif premier de cette loi, c'est la création d'emplois et pas seulement la réorganisation du temps de travail ?

La loi seule ne peut répondre à ces objectifs. C'est aux partenaires sociaux, au plus près du terrain, de le faire. Mais il nous revient de fixer un cadre plus équilibré pour la réussite des négociations à venir (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

M. André Vauchez - Ce projet vient compléter la loi du 13 juin 1998, qui a abouti à la conclusion de 15 000 accords de réduction du temps de travail et à la création ou à la sauvegarde de plus de 120 000 emplois.

La réduction du temps de travail est pour les salariés, synonyme de nouveaux espaces de liberté, et signifie pour les entreprises une reprise sans précédent de la négociation et de l'adaptation à l'évolution du travail. Personne ne peut contester ces avancées.

Toutefois, une catégorie de salariés semble être laissée sur le bord du chemin -les travailleurs et surtout les travailleuses à temps partiel, puisqu'il s'agit très souvent de femmes employées dans le secteur de la grande distribution. Avec des horaires imposés, parfois fluctuants, elles ont du mal à concilier vie professionnelle et vie familiale.

La loi facilite l'évolution du plein temps vers le temps partiel choisi. Mais très

vite, certains patrons ont vu et exploité l'aubaine du système d'aides pour les temps partiels, qui fait qu'il est plus avantageux pour un employeur d'avoir deux emplois à 19 ou 20 heures qu'un emploi à 39 heures et demain à 35 heures.

Certes, la loi de juin 1998 a déjà tenté de moraliser le recours au temps partiel en limitant l'abattement de charges, et en n'autorisant qu'une seule coupure inférieure à deux heures durant la journée, sauf dérogations dans certaines branches.

Ce projet de loi, conformément à la norme européenne, fait débuter le temps partiel dès la première heure en dessous de la durée légale, c'est-à-dire à partir de 34 heures.

Je me réjouis que la commission des affaires sociales ait retenu l'amendement mettant un terme à l'effet d'aubaine lorsque l'employeur embauche à temps partiel.

Néanmoins, ces salariés ne bénéficieront pas pleinement de la réduction du temps de travail.

Certains accords conclu en application de la première loi sur les 35 heures offrent pourtant des solutions intéressantes, soit en réduisant proportionnellement la durée du travail à temps partiel, soit en maintenant l'horaire, mais avec une évolution des salaires.

Madame la ministre, cet exemple ne pourrait-il pas être étendu aux travailleurs qui n'ont eu comme proposition d'embauche qu'un temps partiel ? Ce serait une belle conquête sociale (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

M. Jean-Pierre Pernot - Ce projet marque la volonté du Gouvernement de développer l'emploi et d'améliorer les conditions de travail des salariés. Son article 5 prévoit des dispositions relatives aux cadres et nous nous en réjouissons tous.

M. Lucien Degauchy - Ah non ! Pas tous !

M. Jean-Pierre Pernot - Le Gouvernement fait acte de courage et d'initiative en abordant pour la première fois le travail des cadres, qui sont d'ailleurs aujourd'hui largement demandeurs d'une organisation de leur durée de travail, de l'amélioration de leur qualité de vie, notamment familiale. Les cadres ont une responsabilité particulière au sein de l'entreprise ; ils doivent être reconnus de leur direction mais aussi de l'ensemble des collaborateurs, et donc être associés pleinement à tout ce qui concerne une meilleure organisation du travail.

Pour cela, le projet prévoit trois catégories de cadres -notamment ceux dont la durée de travail ne peut être prédéterminée- pouvant bénéficier de conventions individuelles de forfait en heures ou en jours.

La mise en place d'un système unique de forfait en heures ne paraît pas suffisante car pour un grand nombre de cadres les horaires ne peuvent être ni contrôlés ni justifiés et la généralisation des pointeuses n'est guère réclamée. Il doit donc exister une confiance maîtrisée entre les cadres et leurs directions.

C'est pourquoi la loi a prévu un système de forfait en jours, plus conforme à la réalité du travail par objectif comme à celle de l'entreprise.

La diminution de 233 à 217 du nombre des jours travaillés est une avancée historique destinée à concilier meilleure qualité de vie et organisation nouvelle du travail.

Mais il faut laisser aux salariés et aux entreprises le soin de descendre en dessous de ces 217 jours. En effet, imposer dès aujourd'hui une réduction annuelle trop forte nuirait en fait à l'efficacité de la loi. Il conviendra donc de rechercher plutôt des dispositifs incitatifs en faisant d'abord confiance à la négociation entre partenaires sociaux.

Certains craignent que la réduction du temps de travail entraîne une augmentation de la charge de travail des cadres. Mais la loi complète les dispositions de contrôle existant par l'obligation d'un suivi de la durée du travail, auquel devrait s'ajouter un suivi de l'intensité de travail, dans une logique non de contrainte sur les entreprises, mais de responsabilisation des acteurs.

M. Jean-Claude Lemoine - Non !

M. Jean-Pierre Pernot - Ce projet va incontestablement dans le bon sens, et confie à tous les acteurs du travail une triple mission : réorganiser le travail pour améliorer les conditions de travail, créer des emplois, offrir des espaces de liberté nécessaires à l'accomplissement de chacun (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

M. Lucien Degauchy - Il rêve !

Mme Marisol Touraine - En un siècle, la durée du temps de travail aura donc été divisée par deux ! Nous discutons aujourd'hui l'aboutissement, sans doute provisoire, d'un processus séculaire. Notre histoire collective est marquée de ces grandes conquêtes sociales, 1892, 1906, 1919, 1936, 1982, qui résonnent comme autant de victoires pour la liberté et la dignité des hommes.

Mais votre loi, Madame la ministre, n'est pas seulement le dernier jalon dans la longue histoire de nos conquêtes sociales ; l'enjeu central des 35 heures, c'est bien la création d'emplois, pour amplifier les effets de la croissance. L'emploi reste la priorité de nos concitoyens. Les premiers résultats de la politique que vous menez depuis plus de deux ans sont là : : 750 000 emplois créés, 350 000 chômeurs de moins...

M. François Goulard - Pas par vous, par les entreprises.

Mme Marisol Touraine - ...120 000 emplois créés ou préservés grâce à la première loi sur la réduction du temps de travail.

Chacun aspire à travailler moins pour vivre mieux.

M. Lucien Degauchy - Et à gagner plus !

Mme Marisol Touraine - De fait, chaque réduction du temps de travail s'est accompagnée de la conquête de nouveaux espaces de vie : les loisirs, le tourisme bien sûr, mais aussi le temps, le temps pour les autres, pour les enfants, pour les parents, pour les amis, pour la collectivité, pour soi aussi. Le temps libre aujourd'hui est tout sauf un temps vide.

Au fil de notre histoire sociale, c'est notre rapport au travail qui s'est trouvé modifié. La conquête du temps libre a d'abord permis de lutter contre l'exploitation. Le travail s'est trouvé valorisé, les salariés ont affirmé leur place dans la société grâce à leur activité. Les femmes le savent bien, dont le combat pour l'égalité est d'abord passé par la conquête de l'emploi ; les chômeurs aussi qui, privés de travail, se sentent aussi privés d'identité.

Mais désormais, nous ne nous accomplissons plus seulement par le travail. C'est vrai pour les hommes comme pour les femmes, pour les cadres comme pour les ouvriers, pour les salariés de l'industrie comme pour ceux du tertiaire. Il s'agit donc de tourner résolument le dos aux rapports de travail hérités de la révolution industrielle.

Votre projet de loi répond à une grande transformation de notre société. Les entreprises, soumises à une concurrence plus vive, soucieuses de produire mieux pour se développer, demandent plus de souplesse et de responsabilité ; les salariés, désireux de vivre mieux dans le travail comme en dehors, veulent plus de liberté et de reconnaissance. Ces deux mouvements ne doivent pas être contradictoires : la liberté des salariés resterait vaine sans le succès des entreprises, mais la réussite économique ne saurait se conquérir sans le respect des droits des salariés.

Votre projet, Madame, fixe un cadre pour que les partenaires sociaux définissent les équilibres les mieux adaptés, entreprise par entreprise et cet espace laissé à la négociation est essentiel. Mais travailler moins pour vivre mieux suppose un travail d'abord, un travail reconnu ensuite, un travail valorisé, enfin : voilà ce qui permet à chacun de vivre dignement. Or les formes de travail se sont diversifiées au prix d'une précarisation des emplois et d'exigences renforcées, en particulier à l'égard des cadres dont les journées sont en France parmi les plus longues d'Europe.

Il n'aurait pas été compris que cette loi pour l'emploi ne soit pas aussi une loi pour la qualité des emplois. Un grand nombre des

mesures proposées, complétées déjà par certains amendements, vont clairement dans ce sens. Les cadres se voient enfin reconnaître le droit de travailler moins, de disposer, eux aussi, d'une vie en dehors de l'entreprise. Votre projet combat aussi la précarité. Le temps partiel, trop souvent subi, notamment par des femmes, est aussi souvent refusé lorsqu'il est souhaité. L'encadrement conventionnel du temps partiel, la modulation du délai de prévenance pour protéger la vie familiale, la suppression du temps partiel annualisé, la prise en compte de la pluriactivité, sont des avancées indéniables. Il faut aller plus loin en refusant le cumul de l'abattement de 30 % spécifique au temps partiel avec les allégements de charges sociales prévus par la loi, en favorisant la prise en compte de l'égalité professionnelle dans les accords à venir.

C'est un droit du travail nouveau qui prend forme, plus attentif aux individus, à leurs parcours, à leur formation, à leur engagement personnel. Loin de conduire à des rigidités supplémentaires, les 35 heures ouvriront de nouveaux espaces de liberté, dès lors que les partenaires sociaux s'en saisiront. C'est le cas dans la très grande majorité des accords déjà signés. Tout est réuni pour que cela soit encore le cas dans les accords à venir. Ainsi, nous pourrons collectivement être fiers de cette nouvelle conquête de notre histoire sociale (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

M. Lucien Degauchy - On en reparlera...

M. Jean Delobel - Mars 1871,...

M. François Goulard - Vous étiez jeune...

M. Jean Delobel - Emile, petit bonhomme de huit ans, trottine à côté de son père. Levé à 5 heures pour atteindre le tissage Charvet à Armentières. A 6 heures il bandera tout ses muscles pour pousser les panières en osier contenant les bobines, non sans avoir récité une prière demandant au Seigneur de bénir cette journée de travail, journée de 12 heures qui sera entrecoupée d'une pause de quinze minutes agrémentée d'un bénédicité obligatoire et de tartines au saindoux. A 18 heures il rejoindra sa courée où il partage une mansarde avec deux de ses frères, rêvant au dimanche où il pourra dormir tout son saoul.

Vingt ans après, le 17 mars 1891 le patronat textile se révolte contre cette Assemblée nationale qui ose porter atteinte à son autorité, à sa liberté d'opprimer les plus humbles. Vouloir limiter à 10 heures par jour la durée du travail des enfants et des femmes, quelle horreur !

Ecoutez bien les conclusions de leur protestation : « en réduisant par une mesure intérieure la journée de travail des enfants, des filles mineures et des femmes, notre industrie nationale courrait le risque de n'être pas suivie dans cette voie par d'autres pays dont les industriels font aux nôtres une redoutable concurrence » (Rires et applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe RCV).Aussi la Chambre de commerce d'Armentières, qui d'ailleurs n'est pas hostile en principe à la réduction, émet le v_u que cette limitation ne se fasse que graduellement et par étapes, et que, pour entrer dans cette voie, la loi en discussion ne prononce pas pour le moment une réduction au-dessous du chiffre de 11 heures (Mêmes mouvements).

Ne voyez-vous pas là quelque similitude avec les arguments de M. Seillière et de ses supporters, plus d'un siècle plus tard ?

Si la silhouette de certaines de nos éminences patronales s'est amincie, leur égoïsme n'a cessé de croître, comme nous l'ont montré quelques économiquement faibles, tels MM. Michelin et Jaffré.

Il n'est pas rare, en région parisienne, de devoir consacrer de 2 à 3 heures au trajet pour aller travailler. J'ai pu, en ma qualité de directeur de collège, mesurer la nocivité de l'absence des parents pour les « enfants à la clef », et les conséquences sociales néfastes de telles situations. Aussi, je pense sincèrement que la loi renforcera véritablement cette cohésion sociale dont vous parlez si souvent.

Déjà, on a pu constater les effets bénéfiques de la première loi, qui a conduit à une concertation syndicale renouvelée et établi dans les entreprises un dialogue nécessaire même si, parfois, un peu heurté.

Ce projet ne mérite pas d'être caricaturé, ni dénaturé. Tout ce qui est excessif est insignifiant, et les Français sont fatigués de la diabolisation de la gauche plurielle par une opposition qui use de tous les arguments et de leur contraire pour « démolir » sans discernement.

Je suis persuadé que la loi sur la réduction du temps de travail ne résoudra pas le problème du chômage d'un coup de baguette magique, mais qu'elle constituera le socle d'une embellie sociale bénéfique au plus

grand nombre (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe RCV).

Mme Marie-Françoise Clergeau - L'occasion m'est donnée de traiter d'une question qui me tient à c_ur : comment concilier vie professionnelle et vie familiale ? La politique familiale ne peut en effet se résumer à l'octroi de prestations, car les parents expriment le besoin et l'envie de consacrer davantage de temps à leurs enfants. Ainsi, 71 % des hommes et 66 % des femmes consacreraient le temps de travail libéré à leur vie de famille. On se félicitera donc que le projet dispose que les négociations au sein des entreprises doivent tenir compte des contraintes spécifiques des salariés chargés de famille, puisque le texte vise à promouvoir des réductions de la durée du travail conciliant besoins des entreprises et aspirations des salariés, comme en témoignent plusieurs de ses dispositions essentielles : la possibilité de refuser des heures complémentaires hors des limites fixées par le contrat de travail ; la possibilité de refuser la modification de la répartition des horaires de travail lorsque les nouveaux horaires ne sont pas compatibles avec des obligations familiales impérieuses ; la possibilité d'aménagement des horaires sur l'année, en fonction, par exemple, des rythmes scolaires ; l'introduction d'un délai de prévenance ; la priorité donnée aux pluriactifs pour prendre leurs congés de leurs différents emplois au même moment et bénéficier ainsi de vacances en même temps que leur famille ; enfin, l'utilisation du compte épargne temps facilitée pour les parents d'enfants de moins de 16 ans.

L'article 6 dispose aussi que les salariés qui le souhaitent peuvent bénéficier d'une réduction de la durée du travail sous forme d'une ou plusieurs périodes d'au moins une semaine en raison des besoins de leur vie familiale.

De manière générale, le temps libéré par la réduction du temps de travail permettra de ressouder les liens familiaux. Pouvoir disposer de plus de temps à consacrer à sa famille tout en préservant ses chances d'évolution professionnelle, voilà la garantie que nous nous devons d'apporter aux salariés de notre pays, où chacun doit pouvoir réussir sa vie professionnelle et connaître le bonheur d'une famille épanouie.

Le texte que nous étudions aujourd'hui participe de la vaste réforme de la politique familiale que la majorité et le Gouvernement entendent engager. Mais le projet doit également offrir des perspectives à nos concitoyens privés d'emploi.

Le rapport « Famille et chômage » du Haut Conseil de la population et de la famille nous montre bien, s'il en était besoin, les conséquences néfastes et douloureuses du chômage sur la vie de la famille. Les créations et les préservations d'emploi que la réduction du temps de travail a d'ores et déjà induites ne peuvent que nous encourager à persévérer et à accentuer cette dynamique en faveur de l'emploi, véritable source de renforcement de la cellule familiale. Réduire le temps de travail, c'est agir pour la création d'emplois et c'est aussi donner à chacun la possibilité de se consacrer davantage à ceux qui nous sont chers. J'apporte tout mon soutien à cette ambition (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe RCV).

M. Renaud Donnedieu de Vabres - Je déplore que le travail, l'emploi, le dialogue social et la négociation collective soient cyniquement utilisés comme une étape de la stratégie présidentielle de M. Jospin (Protestations sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe RCV). C'est une erreur très lourde que vous commettez en donnant corps à un slogan électoral, erreur que nous devrons réparer. Trente après le célèbre discours de M. Chaban-Delmas sur la nouvelle société, c'est un bien triste anniversaire qu'il me faut célébrer, puisqu'il s'agissait de mon premier engagement politique, pour promouvoir une liberté équitable.

Ce dont il s'agit aujourd'hui, c'est du positionnement politique de M. Jospin, qui bénéficie d'une double aubaine : la mobilisation du patronat et la fausse colère des communistes et de l'extrême gauche, qui le placent en situation d'arbitre raisonnable. Parce que nous refusons l'idée de solutions-miracles, vous vous attachez à dépeindre la droite comme «ringarde» et rejetant tout progrès social ("Excellente description !"sur les bancs du groupe socialiste).

Ce que nous voulons, c'est parler vrai. Ce sera donc notre fierté et notre crédibilité que de rétablir les faits. Ainsi, vous enterrez le SMIC mensuel, qui disparaît dans le nouveau dispositif que vous souhaitez instaurer. Certes, la loi fixe un SMIC horaire, mais qui ne se réfère, couramment, au SMIC mensuel ? Or le nouveau mécanisme fera qu'il y aura autant de SMIC mensuels que d'horaires différents et plus l'on travaillera et moins chère payée sera l'heure. Ainsi, vous instituez des salaires différents pour des travaux identiques, vous portez atteinte au pouvoir d'achat des ménages et vous fragilisez les entreprises, et notamment les plus petites. Les heures supplémentaires sont la seule souplesse dont elles disposent, et vous les contingentez, portant d'un même coup atteinte au pouvoir d'achat des salariés.

Pourquoi, dans le même temps, ne pas plutôt choisir de réduire les charges qui pèsent sur les entreprises ? On peut se plaindre de Michelin, et choisir, pourtant, de ne pas s'attaquer au coût du travail -je ne parle pas des salaires, mais des charges, que l'on m'entende bien. Nul doute, en effet, que des emplois seraient créés si les prélèvements obligatoires étaient diminués et une fiscalité injuste révisée.

Comment ne pas souligner que vous portez atteinte au paritarisme en refusant de valider pour cinq ans les accords de branche déjà conclus, notamment dans l'industrie textile ?

C'est à une mise à mort programmée que l'on va assister, de la part d'un gouvernement qui entend financer son projet d'une manière que les partenaires sociaux récusent et que le Parlement n'a pas approuvé. Il faudrait, au contraire, étendre le champ de la contractualisation.

Réalité économique et aspirations légitimes des salariés sont compatibles, mais votre politique ne le permettra pas (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF, du groupe du RPR et du groupe DL).

La discussion générale est close.

Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité - Avec Jean Delobel, l'humanité est entrée dans cet hémicycle, et je l'en remercie car l'Histoire semble, pour certains, aller à reculons. Cette loi que la droite dit «ringarde», l'est-elle ? J'ai cru percevoir un certain malaise, une certaine gêne dans l'opposition, contrainte de reconnaître que la réduction du temps de travail crée des emplois, ce qui explique l'incohérence de ses propos. Ainsi, il y a un an, Mme Bachelot estimait l'objectif de 100 000 emplois créés impossible à atteindre. Or nous en sommes aujourd'hui à 125 000 (Exclamations sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL).

Souvenons-nous aussi, c'est intéressant, que Mme Bachelot déclarait le 28 juin 1998 : «Si vous avez raison, votre volontarisme et vos conceptions doivent se vérifier dans les six mois !» Et en effet nous sommes aujourd'hui fixés. Ce constat a dû gêner Mme Bachelot, puisqu'elle disait le 7 septembre dernier que la période d'expérimentation avait été beaucoup trop courte, et qu'il fallait aller au-delà des six mois. En vérité, depuis l'an dernier, vous avez

passé votre temps à nier la réalité des faits.

Si nous avons l'an dernier réussi à réduire de 130 000 le nombre des chômeurs, si durant les sept premiers mois de cette année nous avons fait mieux que tout 1998, alors que le taux de croissance était moindre, il doit bien y avoir une explication. Et je fais confiance aux chefs d'entreprise et aux salariés qui signent des accords et s'engagent sur des créations d'emplois.

M. François Goulard - Ce ne sont pas les salariés qui s'y engagent !

Mme la Ministre - Ce sont les représentants syndicaux qui signent ! Mais peut-être niez-vous aussi le syndicalisme ! (Exclamations sur les bancs du groupe DL, du groupe UDF et du groupe du RPR)

M. le Président - Ecoutez la ministre ! Gardez à ce débat sa dignité !

Mme la Ministre - 27 % des salariés des entreprises de plus de 20 salariés sont aujourd'hui couverts par un accord.

M. François Goulard - Ils n'avaient pas le choix !

Mme la Ministre - Selon des sondages réalisés par l'IFOP, que peut-être vous contesterez aussi, 84 % des chefs d'entreprise, peut-être aussi manipulés par moi, qui sont passés aux 35 heures, s'en déclarent satisfaits (Interruptions sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL). Ce ne sont sans doute pas ceux qui vous ont écrit ! Pour vous permettre de voir la vie un peu plus en rose, je suis prête à vous envoyer, pour chacune de vos circonscriptions, un bilan des accords signés. Vous pourrez ainsi rencontrer des chefs d'entreprise et des syndicalistes heureux !

15 000 chefs d'entreprise qui manifestent non pas à Versailles mais en signant des accords, ce n'est pas rien ; 126 000 emplois ne peuvent pas être passés par pertes et profits.

Ces emplois, ont dit MM. Accoyer et Goulard, sont principalement des emplois préservés. Mais un emploi préservé, c'est un chômeur de moins ! Au reste, 85 % des emplois sont créés, et 15 % préservés.

M. Dominique Dord - C'est une statistique bidon !

Mme la Ministre - Si vous contestez même les chiffres, tout débat est impossible ! Même M. Seillière n'en est plus là ! C'est vous dire qu'il vous reste beaucoup de chemin à faire ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste) Je peux vous faire livrer des accords avec des n_uds roses dans vos bureaux, mais vous serez très encombrés !

M. Bernard Accoyer - Oui pour les accords, mais pas les faveurs roses !

Mme la Ministre - Sur les emplois publics, soyez cohérents. Les mêmes qui nous reprochent de ne pas appliquer les 35 heures à la Fonction publique s'alarment de constater que des emplois publics sont aussi concernés. En effet, ils sont au nombre de 18 000, et nous les distinguons clairement des autres.

Quelle est la part des emplois créés par la réduction du temps de travail par rapport à ceux qui l'auraient été de toute façon ? Pour répondre à cette question, nous avons comparé l'évolution des effectifs entre

des entreprises analogues, selon qu'elles ont ou non réduit la durée du travail. On constate que l'effet sur l'emploi est positif de 7,5 % pour les premières, ce qui signifie que sur les 125 000 emplois créés, 10 000 l'auraient été en tout état de cause (Interruptions sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL)

M. Dominique Dord - C'est un bilan bidon !

Mme la Ministre - Bien entendu !

M. le Président - Monsieur Dord, gardez vos appréciations pour vous !

M. Dominique Dord - Consultez votre direction des études !

Mme la Ministre - Elle publiera ces chiffres dans quelques jours avec l'indépendance qui la caractérise désormais ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

Vous avez beaucoup parlé de l'impact des 35 heures sur la compétitivité de la France. Or le FMI, le BIP, Rexecode, qui est l'organisme d'études du patronat, constatent que la croissance française, après avoir été à la traîne de 1993 à 1997, est passée en tête en Europe en 1998. Pour l'an 2000, le FMI prévoit 3 % de croissance en France, contre 2,5 % en Allemagne.

Un député RPR - Et le chômage ?

Mme la Ministre - Seule l'Espagne, depuis deux ans, a réduit le chômage davantage que nous (Interruptions sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL).

M. François Goulard - C'est absolument faux !

M. le Président - Je vous prie de faire silence !

Mme la Ministre - On nous dit que la France a déjà le temps de travail le plus faible. Or l'OCDE, institut sans doute bidon, a établi que notre pays se trouvait dans la moyenne, avec 1 656 heures par an, pour 1 574 en Allemagne, 1 399 en Norvège, 1 359 aux Pays-Bas.

M. François Goulard - Ces chiffres incluent le temps partiel ! Ce n'est pas sérieux !

Mme la Ministre - Il n'y a donc pas d'exception française, sinon que le processus de la réduction du temps de travail s'est interrompu chez nous depuis quinze ans.

Le temps de travail n'a baissé que de 55 heures chez nous, contre 86 heures en Norvège, de 103 heures en Espagne, de 106 heures en Allemagne...

M. François Goulard - Et le taux d'activité ?

Mme la Ministre - La réduction du temps de travail, ai-je entendu dire, dégrade les conditions de travail. Or la SOFRES, sans doute institut de sondages bidon, relève que 85 % des salariés passés à 35 heures sont satisfaits. Il faut bien entendu se préoccuper des autres. Mais on ne peut pas à la fois présenter la loi comme un corset pour les entreprises selon l'expression de M. Gengenwin, et déclarer que les salariés sont victimes de la flexibilité. Nous essayons de concilier la sécurité et la souplesse.

Mmes Touraine et Clergeau, ou M. Delobel nous ont dit combien les salariés appréciaient l'amélioration de leurs conditions de vie (Interruptions sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL). Je vous ai écoutés ces deux jours, et j'essaie de vous répondre précisément.

Sur les PME, nous avons pris des dispositions adaptées en matière de délais et d'aides, et continuerons à le faire. La commission a d'ailleurs adopté des amendements qui vont dans ce sens. Quant à la pénurie de main-d'_uvre que connaissent certains secteurs, vous avez été nombreux à la souligner, mais on aurait pu croire, à entendre certains discours, que le plein emploi était revenu (Interruptions sur les bancs du groupe UDF). Nous avons encore un gros effort à faire pour cela, et les 35 heures s'inscrivent justement dans cet effort. Le champ de la pénurie de main-d'_uvre est très circonscrit : le BTP, les transports, le commerce, l'artisanat, la restauration...

M. Bernard Accoyer - Le décolletage ! (Exclamations et rires sur les bancs du groupe socialiste)

Mme la Ministre - Sortez un peu de votre Haute-Savoie !

Le président de l'UPA ("Ah !" sur les bancs du groupe du RPR) a reconnu que le présent projet allait dans le bon sens, et les représentants patronaux des hôtels-cafés-restaurants viennent de signer un accord avec Mme Lebranchu, au terme de plus d'une année de négociations, car ils ont eu le courage et l'intelligence de reconnaître que, si leur secteur manquait de main-d'_uvre, c'était notamment parce que les jeunes n'étaient plus attirés par des métiers où l'on travaille souvent plus de 45 heures par semaine, et ils ont donc saisi l'occasion qui leur était offerte de changer l'organisation du travail afin de le rendre plus attractif (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe RCV ; protestations sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL).

M. Lucien Degauchy - C'est du délire !

Mme la Ministre - Essayez donc de ne pas vous montrer odieux et mal élevés ! Si ma grand-mère vous entendait ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste ; protestations sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL)

J'en viens à la deuxième loi. Mme Bachelot, MM. Morin et Gengenwin l'ont jugée particulièrement complexe, Mme Bachelot se permettant même, par un écart de langage dont elle n'est pas coutumière, d'attribuer le régime des heures supplémentaires à l'invention de «je ne sais quel technocrate givré». De deux choses l'une : ou bien l'on fait une loi uniforme et rigide, et vous criez au «carcan», ou bien, comme nous l'avons fait, l'on essaie de tenir compte de la diversité des situations !

J'ai été heureuse, en revanche, d'entendre MM. Terrier, Rebillard et Veyret considérer que nous avions trouvé un bon équilibre entre la loi et la négociation. Nous devons en effet, par la première, apporter aux salariés les garanties nécessaires, tout en laissant le maximum de champ à la seconde. Il est faux que le projet ne respecte pas les accords signés (Interruptions sur les bancs du groupe RPR)  : au contraire, ils ont servi de base à sa préparation.

M. François Goulard - Et les 1 600 heures ?

Mme la Ministre - 7% seulement des accords vont au-delà !

M. Dominique Dord - C'est faux !

Mme la Ministre - Je vous ferai distribuer le récapitulatif des accords demain matin. Les très rares accords validés qui dépassent les 1 600 heures ne le font que de quelques heures. Quant aux cadres, tous les accords de branche se situent dans une fourchette de 205 et 217 jours, sauf 2 sur 110, qui prévoient 207 à 219 jours... J'ai refusé, en revanche, de valider les clauses qui visaient à contourner délibérément la loi, par exemple en excluant les cadres ou en les forfaitisant.

Il n'est pas vrai non plus de prétendre que l'accord signé dans l'industrie textile ne serait pas applicable. Il est en effet possible, depuis 1978, de fixer un contingent d'heures supplémentaires supérieur à 130 heures, et ni la première ni la seconde loi ne remet en cause cette faculté. Mais celle-ci s'accompagne de l'obligation d'appliquer le repos compensateur au-delà de ce seuil, et cette obligation demeure, sans quoi, d'ailleurs, les syndicats auraient refusé de signer. Si vous voulez la remettre en cause, dites-le, mais dites alors que vous voulez remettre en cause la loi de 1978 !

Quant à l'accord FEAP, dont s'inquiétait M. Lemoine, je l'ai validé cet après-midi même.

M. Jean Le Garrec, président de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales - Très bien !

Mme la Ministre - Quel bonheur que d'entendre, à droite, tant de voix soutenir le SMIC avec un tel acharnement ! (Protestations sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL) Comme chacun sait, il n'y a pas en France de SMIC mensuel, et je combats avec acharnement, comme le font aussi les syndicats, l'idée d'un salaire mensuel ou annuel qui intégrerait les primes d'ancienneté, d'assiduité ou autres, et permettrait de baisser le taux horaire, base de la négociation salariale dans notre pays.

Faut-il souligner qu'il y a eu maintien du salaire dans 88 % des cas, et même dans 100 % des cas au niveau du SMIC ? Faut-il rappeler que le pouvoir d'achat des salariés a connu cette année un niveau record depuis vingt ans ? Pour autant, M. Vidalies a eu raison d'insister pour que soient évités les effets pervers de la proratisation des salariés à temps partiel dans les nouvelles entreprises. Nous y travaillons.

M. François Goulard - Cela fait deux ans !

Mme la Ministre - S'agissant du temps partiel choisi et du temps partiel subi, la distinction n'est pas toujours facile à opérer. Ce que nous devons faire, c'est prendre des dispositions, en matière de rémunération des heures supplémentaires, de délai de prévenance, etc., afin que le temps partiel soit moins subi qu'il ne l'est actuellement.

Mme Saugues a soulevé, avec plusieurs de ses collègues élus dans des circonscriptions où sont implantés des établissements Michelin, la question des plans sociaux. Il est frappant de voir qu'un nombre croissant d'entreprises déposant des plans sociaux recourent à la réduction du temps de travail. Imposer, sinon un accord, du moins une négociation sur ce point avant tout dépôt de plan social va dans le bon sens, et le Gouvernement soutient donc l'amendement ("Très bien !"sur les bancs du groupe socialiste).

Mme Bachelot a craint que, pour les femmes, ce ne soit «moins de temps pour soi et plus de temps pour les autres». Pour ma part, je suis rassurée, au contraire, par certains sondages dont il ressort que les hommes sont de plus en plus nombreux à vouloir s'occuper de leurs enfants, et je me réjouis que, grâce à la réduction du temps de travail, nous ayons fait entrer la vie hors travail dans la négociation d'entreprise.

Par exemple, en prenant en compte les dates des vacances scolaires et les heures de sortie des écoles et des crèches pour aménager le temps de travail. A cet égard, il faut saluer le rapport de Mme Génisson sur le temps professionnel des femmes. Un certain nombre d'amendements ou de dispositifs du texte initial vont renforcer l'égalité professionnelle entre les hommes et les femmes.

Les femmes ne doivent donc pas craindre la réduction du temps de travail qui, comme l'a indiqué Yves Cochet, constitue une chance historique pour elles, qui pourront cesser de se poser le problème de l'articulation de leur vie professionnelle et de leur vie personnelle.

S'agissant des cadres, M. Pernot l'a dit, il fallait du courage pour aborder cette question. L'article qui les concerne est le fruit d'un accord. Il importe que les trois catégories distinguées soient définies précisément, mais nous savons déjà que 50 % des cadres, parce qu'ils appartiennent à une équipe collective de travail, appliqueront la durée collective.

MM. Lindeperg et Malavieille ont dit à quel point ce texte améliorera notre dispositif de formation. Il faut répondre aux souhaits des salariés, qui souhaitent bénéficier d'une formation continue qui n'est pas forcément professionnelle, tout en garantissant les acquis. C'est dans la loi que prépare Nicole Péry que nous trouverons les réponses de fonds, mais les amendements de la commission, parce qu'ils vont dans le bon sens, méritent d'être examinés avec attention.

J'en arrive au financement de ce projet, qui aurait un coût exorbitant, d'après M. Barrot et Mme Bachelot. Beaucoup moins que la loi Robien à mon avis, car celle-ci accordait une aide d'autant plus importante que les salaires étaient élevés.

Le financement des baisses de charges va au-delà de la réduction du temps de travail (Interruptions sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL). Il aurait sans doute été plus simple de tout faire financer par l'Etat, c'est-à-dire par le contribuable. C'est d'ailleurs ce que vous avez fait pour la ristourne dégressive, avec un prélèvement de 40 milliards qui a beaucoup pesé sur la consommation. Nous préférons quant à nous taxer les activités polluantes et faire contribuer l'Etat, les partenaires sociaux et même l'UNEDIC, qui tireront profit de la baisse du chômage.

M. Bernard Accoyer - C'est un nouvel impôt !

Mme la Ministre - Le Président de la République l'a rappelé ce matin, nous sommes tous, dans ce pays, attachés au paritarisme. C'est bien pour faire place à la négociation que nous avons souhaité prendre du temps (Interruptions sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL).

Nous n'en serions pas là si, en 1993, vous n'aviez pas signé avec l'UNEDIC un accord par lequel l'Etat mettait 35 milliards sur la table, si bien que cet organisme est devenu excédentaire alors même que les charges baissaient ! Moi, en 1992, j'avais prévu une clause de retour à la bonne fortune : c'est avec cette rigueur qu'il faut gérer les crédits de l'Etat ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe RCV)

M. Gremetz y a insisté, la réduction du temps de travail doit aussi avoir lieu dans la fonction publique. Nous avons déjà constitué des tables rondes, en particulier dans la fonction publique hospitalière. Les trois fonctions publiques ne peuvent rester à l'écart de cette évolution.

Catherine Génisson a dit l'essentiel en expliquant que, s'il y a des débats animés sur les 35 heures au sein de la gauche plurielle, nous avons tous un point commun : la recherche du plus grand nombre de créations d'emplois (Interruptions sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL). Nous voulons que celle loi ait un maximum d'effets sur l'emploi, ce qui ne l'empêche pas, comme l'a souligné Marisol Touraine, d'être aussi une grande loi de conquête du temps libre.

Nous allons continuer à avancer, et comme l'a conseillé M. Terrier, à préserver l'équilibre de ce texte tout en l'enrichissant. Je remercie ceux qui y contribueront (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe RCV et sur de nombreux bancs du groupe communiste).

La séance, suspendue à 23 heures 20, est reprise à 23 heures 35.

MOTION DE RENVOI EN COMMISSION

Mme la Présidente - J'ai reçu de M. Jean-Louis Debré et des membres du groupe RPR une motion de renvoi en commission déposée en application de l'article 91, alinéa 6, du Règlement.

M. Thierry Mariani - « Madame le ministre, quand l'entreprise a deux salariés, le gérant et l'employé, et que l'employé ne travaille plus que 35 heures, qui doit faire les heures manquantes ? » demande l'hôtel Villa Eolia, de Puymeras.

« Madame le ministre, les PME et artisans représentent la plus grosse entreprise française. Actuellement rien n'est étudié spécifiquement pour ceux-là. Doit-on mettre en péril des milliers de petites entreprises pour passer aux 35 heures ? ». Voilà le témoignage de la SARL Galder de Bollène.

« Madame le ministre, laissez-nous travailler tranquillement » -Société Ademi, à Mirabeau.

« Madame le ministre, ne pensez-vous pas que le fait de réduire le temps de travail va laisser encore plus de possibilité aux gens de travailler clandestinement ? » Société de plomberie chauffage à Valréas.

« Madame le ministre, pour créer des emplois, arrêtez de nous racketter avec les prélèvements obligatoires, diminuez les charges sociales des entreprises » Société Artmeca à Richerenches.

« Madame le ministre, comment supporter 11,6 % de charges supplémentaires avec une marge de bénéfice de 2,5 % ? » -cette question est soulevée par la SARL Fargas de Piolenc (Interruptions sur les bancs du groupe socialiste).

J'aurais pu vous citer des centaines de réactions de ce style car, comme d'autres collègues de l'opposition, j'ai envoyé un questionnaire à plus de 3 000 entreprises de ma circonscription et reçu plus de 500 réponses : je ne constate pas du tout le même enthousiasme que vous sur ce texte !

D'ailleurs la forte mobilisation des chefs d'entreprise lundi dernier a montré l'hostilité du monde du travail à votre projet (Interruptions sur les bancs du groupe socialiste). J'ai pris le train avec ceux de mon département : il ne s'agissait pas de grands groupes multinationaux, mais de petits employeurs inquiets pour l'avenir. J'ai d'ailleurs assisté à la manifestation du MEDEF... (A chacun ses manifestations ! sur les bancs du groupe socialiste) car je pense que nous devons prendre en compte toutes les préoccupations.

Au sein de l'opposition nous avons auditionné des responsables d'organisations de tous les bords, de la CGT à l'UPA,

et je dois dire que leurs analyses diffèrent de la vôtre. Malgré l'enjeu capital de ce texte pour notre pays, c'est sans passion excessive, et sans esprit partisan que je souhaiterais aborder cette motion de renvoi en commission. C'est toujours en nous appuyant sur des exemples concrets, sur les questions que se posent nos concitoyens, qui, demain, devront vivre au quotidien les 35 heures, que nous avons basé notre réflexion.

Votre texte nous est présenté comme un remède au fléau du chômage. Tous, nous avons la volonté de lutter contre le chômage et pensons que tout doit être tenté. Mais votre texte, loin de répondre à cet objectif, risque bien d'aggraver la situation.

En effet, il met en place un dispositif complexe, contraignant et coûteux, qui ne satisfait personne, ni les entreprises, sur lesquelles reposera la charge de la réduction du temps de travail, ni les salariés qui devront s'adapter aux contraintes de la flexibilité et accepter un gel, sinon une baisse de leur rémunération.

Votre vision autoritaire de la négociation collective, votre approche archaïque de la société et de l'entreprise, risquent bien d'entraîner notre pays dans une aventure hasardeuse.

Pourtant, le bilan plus que mitigé de votre première loi (Protestations sur les bancs du groupe socialiste) aurait dû vous faire réfléchir.

Vous nous présentez comme un triomphe le chiffre de 120 000 emplois. Mais à l'époque on nous brandissait une étude de la Banque de France annonçant 700 000 emplois en trois ans, une étude de l'OFCE parlait de 480 000 emplois... Votre chiffre, d'ailleurs discutable, est bien inférieur à vos prévisions.

Le caractère autoritaire de votre démarche hypothèque gravement ses chances de réussite. Votre texte a pour titre « projet de loi relatif à la réduction négociée du temps de travail », quelle ironie ! Vous avez une bien curieuse conception de la négociation.

Nous ne sommes pas opposés par principe à une réduction du temps de travail. Au contraire, nous considérons que partout où cela est possible, dans toutes les entreprises qui le peuvent, qui le veulent, dans toutes les structures où elle permettra de créer des emplois, nous devons tout faire pour encourager une telle réorganisation du travail. Mais c'est notre principal désaccord. Votre projet impose à toutes les entreprises, quelles que soient leur activité, leur taille, ou leur organisation actuelle, une réduction autoritaire, obligatoire et massive du temps de travail sous peine de sanctions.

Mme Odette Grzegrzulka - Caricature !

M. Thierry Mariani - Comment, dans une entreprise de moins de 10 salariés penser sérieusement que le passage aux 35 heures puisse créer un emploi ? Ainsi une entreprise de 5 salariés, composée d'une secrétaire, de 3 ouvriers, d'un commercial, en passant de 39 à 35 heures effectives, libérera théoriquement 20 heures de travail par semaine. C'est insuffisant pour créer un poste à temps plein. Et quand bien même le créerait-il, comment trouver une seule personne polyvalente au point de pouvoir effectuer une partie du travail de la secrétaire, des ouvriers et du commercial. L'entreprise ne pourra donc que produire moins, ou recourir à des heures supplémentaires.

Votre projet relatif à la réduction autoritaire et antiéconomique du temps de travail risque ainsi de sonner le glas pour nombre de PME.

Mais les petites entreprises ne sont pas les seules à pâtir de votre loi sur les 35 heures. Avez-vous pensé aux entreprises qui n'effectuent uniquement que des prestations de services ? Bien souvent elles ont des marges bénéficiaires réduites et, surtout, des possibilités de gains de productivité quasiment nulles. Pour gagner en productivité dans le secteur de l'hôtellerie et de la restauration, faudra-t-il que le cafetier serve le café en courant ? Il est donc des secteurs particuliers, pourtant pourvoyeurs d'emplois, qui ne peuvent s'adapter au nouveau rythme de travail que vous allez leur imposer. J'y reviendrai (Murmures sur les bancs du groupe socialiste).

Une loi cadre, réellement incitative pourrait pourtant recueillir une très large majorité. Si vous renonciez au caractère universel et autoritaire de votre projet, si vous décidiez, pour une fois, d'accompagner les entreprises et non de les contraindre, si vous laissiez de côté une promesse électorale, peut-être un peu hâtive et irréfléchie, si vous décidiez de ne pas céder à l'idéologie extrême d'une partie de votre majorité, alors nous pourrions nous retrouver, pour élaborer ensemble un dispositif favorisant, partout où cela est possible, une diminution du temps de travail avec création d'emplois.

Mais, plutôt que d'écouter la voix de la raison, de faire preuve de pragmatisme, de bon sens, vous-même et une partie de votre majorité ne cessez de durcir ce texte pour le rendre toujours plus contraignant, toujours plus compliqué, toujours plus inapplicable pour les entreprises et pour les salariés.

A l'heure du développement du multimédias, du télétravail, de la mondialisation des échanges et d'Internet, vous continuez de raisonner comme au XIXème siècle, au temps du travail posté, quand de grands textes pouvaient s'appliquer à toutes les structures. On voit là où sont vraiment les ringards...

N'en déplaise à la branche communiste de votre majorité, la lutte des classes n'a plus lieu dans nombre d'entreprises, la paix sociale est revenue et, bien souvent, la négociation et le dialogue permettent de régler bien des problèmes et d'éviter bien des conflits sans que l'Etat ait à s'en mêler. D'ailleurs, la notion de durée légale a-t-elle encore un sens dans nombre d'entreprises familiales et en particulier dans les petits commerces ?

Mais au-delà de cette opposition de principe, qui marque une véritable différence idéologique, je veux insister sur les défauts majeurs de votre projet.

En premier lieu, il remet en cause la politique contractuelle et de dialogue social. Aux termes de l'article 11 sans doute le plus contesté jusque dans vos rangs, les allégements de charges seront subordonnés à la conclusion d'un accord d'entreprise ou d'établissement pour des entreprises de plus de 50 salariés. Dans les entreprises de moins de 50 salariés, un accord de branche peut également ouvrir droit au bénéfice des aides. Mais ces accords, pour permettre l'attribution d'une aide, doivent être approuvés par référendum par la majorité des salariés.

Si nous pouvons comprendre votre volonté de modifier le système de la représentativité syndicale, qui nous semble aujourd'hui largement dépassé ce texte n'est pas le support adapté. De nombreux représentants syndicaux nous ont clairement fait connaître leur opposition à une telle mesure. Il ne s'agit pas de nier le problème de représentativité, donc de légitimité, des syndicats dans notre pays. Un nombre infime de salariés sont syndiqués et l'abstention aux prud'hommes est considérable.

Mais il eût été préférable d'introduire un tel dispositif dans un autre projet.

De plus, l'obligation de passer par un référendum pour obtenir une aide de l'Etat, en compensation du surcoût des 35 heures, nous semble particulièrement injustifiée. En effet, dès lors que les 35 heures sont obligatoires pour tous, on ne voit pas pourquoi les entreprises qui n'auront pas abouti à un accord se trouveraient privées de cette aide, alors qu'elles devront tout de même supporter le coût du passage obligé aux 35 heures. Ce serait incohérent.

Mais il y a plus grave. Contrairement aux engagements que vous aviez pris ici, le projet ne respecte pas les accords de branches ou d'entreprises conclus sur le fondement de la loi de 1998. En prévoyant des dispositions plus rigides que la législation actuellement en vigueur, en refusant de prendre en compte les innovations des accords déjà conclus, votre projet rendrait illégales certaines dispositions contenues dans des accords que vous avez pourtant étendus. Là encore, la plus totale incohérence régnerait.

Quelques exemples : bien souvent, les accords de branche signés par les partenaires sociaux prévoyaient une durée annuelle de travail supérieure à 1 600 heures, tant dans le BTP que dans la chimie ou la banque. Or force est de constater que ces accords n'entrant plus dans le cadre que vous entendez imposer, ils devront être renégociés... De même, de nombreuses branches comme le BTP, le nettoyage, le textile, ont augmenté de façon conventionnelle et négociée leur contingent d'heures supplémentaires. Et voilà que vous maintenez les contingents antérieurs, les heures supplémentaires effectuées au-delà de 130 heures donnant lieu à l'attribution d'un repos compensateur de 100 % .

Mme la Ministre - Vous ne m'avez pas écoutée...

M. Thierry Mariani - De même certains accords prévoyant des modalités de recours à la formation professionnelle ne rentreront pas dans le cadre de votre dispositif.

De même, les nombreux accords prévoyant la possibilité de rémunérer les cadres au forfait -et non uniquement les «cadres dirigeants» comme vous le proposez- ne pourront produire leurs effets.

Tout cela n'est pas grave car, selon vous, il suffira que les partenaires sociaux qui sont parvenus une première fois à un accord, se remettent autour d'une table et renégocient les points non conformes. A qui ferez-vous croire cela ? Que restera-t-il à négocier puisque vous aurez déjà fixé les règles ?

Bien souvent, les représentants des salariés avaient accepté un contingent d'heures supplémentaires ou un nombre annuel d'heures supérieur à ce que vous prévoyez dans votre projet, en compensation du maintien du niveau des salaires ou d'un autre avantage. Avec votre conception pour le moins autoritaire de la négociation, vous vous apprêtez à remettre ces accords en cause, ce qui est à la fois dangereux et irresponsable.

Dangereux, car chaque accord signé par les partenaires sociaux est le fruit d'un équilibre entre l'intérêt des entreprises et celui des salariés. Qui, mieux que les partenaires sociaux, peut avoir conscience de ce qu'il est possible de faire au sein de telle ou telle branche ? Certainement pas les membres de votre cabinet, Madame le ministre, malgré leurs grandes qualités.

C'est ainsi que votre texte risque fort de contraindre les entreprises d'une manière telle qu'elles ne pourront plus faire face à leurs charges. Vous allez aboutir à la dénonciation d'un certain nombre d'accords et mettre nombre d'entreprises en grande difficulté.

Mais, en plus d'être dangereuse, votre attitude est irresponsable, pour ne pas dire méprisante à l'égard des partenaires sociaux, puisqu'après avoir étendu un certain nombre d'accords de branche, vous les remettez maintenant en cause, vous cassez pour un bon moment le dialogue social dans notre pays et vous gâchez le seul effet positif de votre première loi en balayant les conclusions des discussions qui avaient été engagées.

Avez-vous bien mesuré toutes les conséquences de votre dispositif, qui outre qu'il rompt le dialogue social, institue de nouvelles contraintes, tant pour les entreprises que pour les salariés ?

Alors que les entrepreneurs réclament à juste titre plus de souplesse, ne cessent de répéter qu'ils ne peuvent plus assumer le montant paralysant les charges qui leur sont imposées et que tous s'accordent à penser que les lourdeurs administratives freinent la bonne marche des entreprises, vous les enfermez un peu plus encore dans un étau administratif incompréhensible et vous les accablez de charges supplémentaires.

Vous avez cru bon d'ironiser, Madame le ministre, lorsque deux orateurs ont fait allusion à la complexité de votre projet. Mais que ne lisez-vous l'éditorial que Marc Blondel consacre à votre texte dans FO Hebdo, sous le titre : «35heures : pourquoi faire simple quand on peut faire compliqué ?» et dans lequel il explique que les juristes de la confédération ont dû le décrypter pour y déceler non-dits et ambiguïtés...

Il est pour le moins intéressant de constater qu'un syndicaliste spécialiste de la négociation juge, lui aussi, ce texte complexe. Mais comment pourrait-il en être autrement ? Prenons, pour commencer, le régime des heures supplémentaires. Le système que vous entendez mettre en place est d'une complexité tout à fait remarquable.

Il convient, dans un premier temps, de distinguer la période transitoire de la période définitive. Si j'ai bien compris, vous instaurez une période transitoire au cours de laquelle les heures supplémentaires comprises entre la 35ème et la 39ème heure seront majorées de 10 %. Pourquoi pas... Mais votre dispositif se corse dans la mesure où ces 10 % seront soit versés au salarié dans l'hypothèse où l'entreprise appliquera un horaire collectif de 35 heures au plus, soit à un fonds que vous allez créer et qui servira à financer pour partie les baisses de charges censées compenser le surcoût lié au passage aux 35 heures.

Deux problèmes se posent alors : d'abord, le salarié, quand il aura la chance de travailler dans une entreprise appliquant un horaire collectif de 35 heures au plus, ne verra pas forcément son salaire augmenter quand il effectuera des heures supplémentaires. En effet, sauf si un accord collectif le prévoit expressément, le mode de rémunération des heures supplémentaires devient l'attribution d'un repos compensateur de 10 % de l'heure effectuée, et non une majoration de salaire, comme c'est actuellement le cas.

Chefs d'entreprise et salariés de PME se trouveront donc dans la même galère lorsqu'il leur faudra discuter des heures supplémentaires, et je doute qu'ils y comprennent quelque chose.

Mme Odette Grzegrzulka - Ce n'est pas une galère !

M. Lucien Degauchy - Non, c'est une usine à gaz !

M. Thierry Mariani - Deuxième problème, pour l'entreprise qui ne pourra pas passer à un horaire collectif de 35 heures au plus, les heures supplémentaires deviendront l'assiette d'une nouvelle taxe de 10 %... Une taxe de plus sur le travail ! Madame le ministre, je vous félicite, c'est bien entendu en taxant davantage le travail que vous allez créer des emplois ! Décidément, le passage aux 35 heures tel que vous nous le proposez, c'est la solution miracle !

On pourrait se dire que la période transitoire passée, le plus dur sera fait, mais ce serait sans compter sur l'imagination débordante des membres de la majorité plurielle, qui en matière de construction d'usines à gaz sont des experts reconnus, comme on vient de l'entendre. Le dispositif prévu pour la période définitive est en effet encore plus complexe que celui qui régit la période transitoire.

Ici encore, il faut faire une distinction entre les entreprises qui auront un horaire collectif d'au plus 35 heures et les autres. Pour les premières, la majoration sera de 25 % sous forme de bonification pour le salarié, « bonification » étant un terme inventé pour la circonstance puisqu'il s'agit en fait soit d'un temps de repos, ou, en cas d'accord collectif, d'une majoration de salaire.

Pour les secondes, le surcoût de 25 % des quatre premières heures supplémentaires, se décompose en 15 % pour le salarié sous forme de repos ou de majoration de salaire si un accord collectif le prévoit et en 10 % pour le fameux fonds que vous créerez plus tard !

Je plains ceux qui devront appliquer ce dispositif, tout particulièrement dans les petites entreprises, qui n'ont pas une armée de juristes à disposition.

Mes chers collègues n'aurait-il pas été plus simple, pour les quatre premières heures, de prévoir un taux unique de 10 %, sans période de transition, s'appliquant à toutes les entreprises, et bénéficiant aux salariés sous forme de majoration de salaire ? C'est ce que nous proposons.

Pourquoi donc avez-vous décidé de compliquer à ce point le régime des heures supplémentaires ?

Nous comprenons bien que votre volonté est de dissuader de recourir à ces heures, mais ce faisant, vous oubliez deux points essentiels : non seulement de nombreuses entreprises ont besoin de recourir aux heures supplémentaires, mais aussi de nombreux salariés effectuent des heures supplémentaires pour boucler leur budget, payer les traites de la maison ou acheter les outils de bricolage et de jardinage grâce auxquels ils meubleront leur temps libre...

Je n'ai ai pas fini, car une seule période transition devait sembler insuffisante aux auteurs du projet, vous souhaitez instaurer une seconde période transitoire qui concerne le seuil à compter duquel il conviendra de décompter les heures supplémentaires entrant dans le contingent des 130 heures. Mes chers collègues de la majorité, le texte que vous allez voter les yeux fermés est d'une simplicité enfantine, et encore ne vous en ai-je donné qu'une version très simplifiée puisque, pour bien faire, il faudrait pouvoir distinguer les entreprises qui effectuent un décompte annuel du temps de travail, et celles qui effectuent un décompte hebdomadaire...

Sans être tous polytechniciens ou énarques, convenons que le nouveau régime des heures supplémentaires sera d'une complexité insurmontable pour nombre de PME.

Vous avez décidé de tout faire pour décourager le recours aux heures supplémentaires, qui sont pourtant, pour les plus petites entreprises, une nécessité de production.

Le régime de la modulation impose une autre contrainte, en dépit d'une apparente simplification, en limitant à 1 600 heures par an le nombre d'heures de travail, et en obligeant les entreprises à passer des accords pour mettre en place un système de modulation sur l'année. Alors que de nombreux accords de branche prévoient un temps de travail annuel supérieur au seuil fixé, vous ne tenez pas compte des négociations que vous avez pourtant appelées de vos v_ux. En fait, vous refusez de tenir compte de la nouvelle organisation du travail. Vous continuez de raisonner sur des concepts aujourd'hui dépassés.

D'ailleurs, votre loi est une occasion manquée.

Mme la Ministre - Ah ?

M. Thierry Mariani - C'est l'expression utilisée par M. Blondel.

Dans de nombreuses entreprises, le décompte par semaine n'est plus réellement adapté. De plus l'annualisation, ou la modulation, peut être l'occasion de développer le « temps choisi ».

Je pense aux mères de famille qui souhaiteraient moins travailler durant les vacances scolaires, je pense à certains jeunes pour qui le travail le week-end ne pose pas de réel problème d'organisation... Sur ce point, qui mériterait discussion avec les partenaires sociaux, votre projet manque singulièrement d'ambition.

Je souhaite que nous débattions de notre amendement tendant à permettre l'accès direct à la modulation, après concertation des partenaires sociaux, mais sans forcément qu'un accord collectif soit intervenu sur le sujet.

Le régime d'aide et son financement nous semblent bien hypothétiques...

M. François Goulard - Sans parler de sa constitutionnalité !

M. Thierry Mariani - Le fait que vous prévoyiez un système pérenne d'aide montre bien que les 35 heures auront un coût pour les entreprises. Pourtant vous estimiez l'an dernier que le coût des 35 heures devait être amorti par des gains de productivité, les aides n'étant qu'une sorte de carotte pour favoriser la négociation.

Aujourd'hui, le postulat est différent. Nous ne pouvons que nous réjouir de votre tardive prise de conscience.

Cependant, pour bénéficier de l'allégement des charges, les entreprises devront avoir un horaire de référence de 35 heures par semaine ou de 1 600 heures par an au plus, fixé en application d'un accord collectif qui devra faire référence à des embauches ou des emplois préservés.

De plus, les entreprises qui recourront de façon structurelle aux heures supplémentaires seront exclues.

Les contrôleurs de l'URSSAF devraient être chargés de vérifier si l'entreprise utilise de façon structurelle ou non des heures supplémentaires... Je leur souhaite bien du courage !

Si nous approuvons la baisse des charges sociales nous nous élevons contre les critères drastiques que vous imposez.

Toutes les entreprises ne signeront pas un accord, toutes les branches ne parviendront pas à un texte sur les 35 heures. Au contraire, de nombreux accords de branche risquent fort d'être dénoncés prochainement du fait de votre loi...

Mme la Ministre - Mais non !

M. Thierry Mariani - Toutes les entreprises ne pourront pas appliquer un horaire collectif de 35 heures. Comment travailler 35 heures dans un commerce, dans les établissements ouverts au public, sans réduire les horaires d'ouverture ?

Des centaines de milliers d'entreprises vont être exclues de votre dispositif. Ce sont les petits commerçants, les artisans, qui devront payer le prix fort du passage aux 35 heures. C'est inadmissible !

Ce sont les PME qui auront le plus recours aux heures supplémentaires de façon « structurelle », pour autant que ce mot ait un sens.

Elles n'obtiendront donc aucune aide, elles devront payer plein pot ! Vous agissez en dépit du bon sens. Comment la majorité peut-elle ainsi refuser l'évidence ?

Votre raisonnement sur les 35 heures pourrait à la rigueur tenir debout dans la mesure où vous accepteriez de baisser les charges de toutes les entreprises !

Vous ne pouvez pas imposer à tout le monde une mesure dont vous reconnaissez qu'elle a un coût certain, et ne prévoir l'attribution d'une aide qu'aux seules entreprises qui ont les moyens d'appliquer votre dispositif. En procédant ainsi, vous portez un coup supplémentaire aux plus faibles ! Au lieu d'aider les entreprises qui en ont réellement besoin, vous les faîtes payer davantage !

Que d'argent gâché ! En effet, l'allégement des charges devrait coûter environ 65 milliards par an. Vous vouliez à l'origine que l'UNEDIC et les caisses de sécurité sociale contribuent au financement à hauteur de 40 milliards.

M. François Goulard - C'est impossible !

M. Bernard Accoyer - C'est scandaleux !

M. Thierry Mariani - Aujourd'hui, face au refus des partenaires sociaux, vous semblez faire demi-tour.

Quelle est au juste votre position ? Vous vous déclarez « ouverte à la négociation avec l'UNEDIC », mais jusqu'à quel point ?

Le même brouillard plane sur le financement du fonds créé dans la prochaine loi de financement de la sécurité sociale, qui sera abondé par la contribution sur les heures supplémentaires. Le chiffrage d'une telle mesure est totalement aléatoire.

M. Bernard Accoyer - C'est surréaliste !

M. Thierry Mariani - Comme à votre habitude, vous créez de nouvelles dépenses sans réellement en boucler le financement. Votre dispositif ne s'appliquant que progressivement à compter de l'an 2000, vous n'aurez peut-être pas à gérer cette bombe à retardement !

Le financement des 35 heures, c'est un peu comme celui du Pacs... On verra bien le moment venu ! C'est comme le financement de la retraite à 60 ans décidée en 1981.

Mme la Ministre - Vous avez une solution ?

M. Thierry Mariani - M. Balladur avait engagé une réforme ! (Rires sur les bancs du groupe socialiste) Nous sommes surpris que la commission des finances n'ait pas été saisie de votre projet, qui va sur bien des points à l'encontre des intérêts des salariés.

Beaucoup d'entre eux risquent de déchanter, quand ils verront ce qu'il en sera de leur pouvoir d'achat. Sans doute comptez-vous faire de la France une société de loisirs, vouée au jardinage ?

Mme la Ministre - Qu'avez-vous contre les fleurs ?

M. Thierry Mariani - Rien, mais votre recours constant à cet argument du jardinage nous laisse pantois !

Pour profiter de son temps libre, encore faut-il en avoir les moyens. Dans mes permanences, personne ne m'a jamais demandé plus de temps libre !

Mme la Ministre - Vous ne sortez pas beaucoup !

M. Thierry Mariani - Sans doute pas dans les mêmes endroits que vous !

M. Marcel Rogemont - Les chômeurs en ont marre d'avoir du temps libre !

M. Thierry Mariani - Les Français qui n'ont pas d'emploi en réclament un, et ceux qui en ont un demandent une hausse de leur pouvoir d'achat. En limitant le recours aux heures supplémentaires, vous allez contre cette aspiration, car nombre de nos concitoyens bouclent leur budget ou remboursent leurs échéances, justement, grâce aux heures supplémentaires. Pour un couple de travailleurs payés au SMIC, 700 à 800 F de plus par mois constituent un appoint non négligeable !

M. Maxime Gremetz - Et Mme Bettencourt, elle en fait beaucoup, des heures supplémentaires ?

M. Thierry Mariani - Comme toujours, vous pénalisez l'effort et bridez l'initiative : c'est le nivellement par le bas. Vous détestez tant l'effort que vous vous apprêtez à priver les salariés du fruit de leur travail. Un salarié qui effectuera des heures supplémentaires dans une entreprise qui n'aura pas mis en place un horaire collectif de 35 heures sera en effet ponctionné pour financer le coût induit par la baisse du temps de travail des autres. C'est tout de même un comble ! Quelle vision de la société, et quel exemple !

Non seulement le pouvoir d'achat sera rogné, mais les conditions de travail seront détériorées, car la nouvelle définition du temps de travail effectif exclura certaines heures jusqu'à présent incluses, et pour certaines entreprises la seule façon de gagner un peu de productivité sera d'appliquer strictement cette nouvelle définition. Les relations entre employeurs et salariés s'en ressentiront, et ni ces derniers ni le dialogue social n'y gagneront. En vous attaquant à l'entreprise, c'est aussi le salarié que vous visez. Nous ne sommes pourtant plus au temps de la lutte des classes, il serait temps que vous en preniez conscience !

Qui plus est, les problèmes que la seconde loi était censée réglée ne le sont pas, qu'il s'agisse des cadres, du SMIC, du temps partiel ou des secteurs dans lesquels le passage aux 35 heures est impossible pour des raisons structurelles.

La catégorie des cadres se trouve désormais divisée en trois. Les cadres considérés comme dirigeants, c'est-à-dire ceux auxquels leurs responsabilités donnent une large indépendance dans l'organisation de leur emploi du temps, ne seront pas soumis à la réglementation sur le temps de travail, à l'exception de celle relative aux congés payés, et pourront être «forfaitisés». Cela va de soi pour les directeurs généraux de Pechiney, d'Alcatel ou de Bouygues, mais l'adjoint du patron d'une PME, dont les responsabilités ne sont pas moins grandes, sera-t-il soumis à l'horaire collectif de travail ? Cette ambiguïté montre bien que votre loi est faite, en vérité, pour les grands groupes et non pour les petites entreprises. Il y a fort à craindre, au demeurant, que de nombreux accords de branche ou d'entreprise devraient être renégociés si le texte était voté en l'état.

Deuxième catégorie de cadres : ceux qui sont régis par l'horaire collectif de l'équipe, de l'atelier ou du service auquel ils sont intégrés, et dont l'horaire peut être prédéterminé. Cela peut se comprendre, mais les contours de cette catégorie ne seront pas faciles à délimiter : quand une machine tombe en panne, c'est bien souvent le chef d'atelier qui doit rester pour la réparer ! Enfin, tous ceux qui n'entrent dans aucune des deux premières catégories auront droit à une réduction de leur temps de travail, calculée en heures ou en jours. Dans le cas d'un «forfait jours», celui-ci ne pourra dépasser 217 jours par an, au lieu de 227 en moyenne actuellement et de 222 dans la première version du texte. Mais il semble qu'un amendement doive l'abaisser à 210 jours...

Nous pouvons comprendre votre volonté d'étendre aux cadres votre réduction autoritaire du temps de travail, ainsi que son côté tentant pour de nombreux cadres, mais il faut tenir compte des contraintes de l'entreprise : si ce statut a été instauré, c'est bien pour qu'il soit possible de déroger à la réglementation du temps de travail dans le cas de postes à responsabilité particulière. N'aurait-il pas été préférable de prévoir un nombre de jours de congé supplémentaire, ainsi que le prévoient de nombreux accords, plutôt qu'un plafond de jours travaillés ? Nous présenterons un amendement à cette fin.

S'agissant des salariés payés au SMIC, l'article 16 instaure une garantie mensuelle de rémunération, faute de quoi la réduction du temps de travail entraînerait une réduction proportionnelle du salaire. Les bénéficiaires de cette mesure seront, d'une part, les salariés à temps complet employés dans l'entreprise lors de la réduction du temps de travail et, d'autre part, ceux embauchés par la suite, à condition qu'ils occupent des emplois équivalents. En revanche, dans le cas d'une entreprise créée après l'entrée en vigueur de la réduction du temps de travail, il semble que les 35 heures seront payées 35. Quant aux salariés à temps partiel, la garantie sera, si j'ai bien compris, proratisée. En d'autres termes, votre système revient à créer plusieurs revenus minimum, selon que l'on est à temps plein ou à temps partiel, dans une entreprise nouvelle ou ancienne, soumise ou non à un horaire collectif de 35 heures, sur un poste qui vient de se créer ou qui existait déjà... On ne peut pas dire que les choses soient simples !

En outre, le SMIC augmentera plus vite que la garantie, les deux courbes devant se rejoindre au plus tard le 1er juillet 2005, soit une augmentation de 1,4 % du SMIC en cinq ans. Il sera très difficile aux employeurs de ne pas augmenter de la même façon les autres salariés, notamment ceux rémunérés à des niveaux proches du SMIC. Il est donc indéniable que le passage aux 35 heures entraînera soit une hausse du coût du travail pour les entreprises, soit une inégalité entre les salariés. Le parti communiste, au moins, a la cohérence de demander un SMIC unifié, et j'attends avec impatience les discussions au sein de la majorité plurielle en séance publique.

Quant au temps partiel, votre projet modifie sa définition pour la mettre en conformité avec la directive européenne du 15 décembre 1997. Seront considérés comme salariés à temps partiel tous les salariés dont l'horaire est inférieur à la durée collective de référence -35 heures ou moins- et non plus seulement ceux dont l'horaire lui est inférieur d'un cinquième au moins, ledit horaire pouvant être calculé sur la semaine, sur le mois ou sur l'année. Mais pour qu'il puisse être calculé sur l'année, il faudra un accord collectif, fixant les modalités et les limites de variation selon des règles très strictes, et définissant les emplois susceptibles d'être concernés - M. Blondel a d'ailleurs reconnu l'extrême complexité du dispositif. L'accord collectif ne sera plus obligatoire, par contre, si c'est le salarié qui demande un temps partiel annualisé pour raisons familiales, et le refus d'accepter, pour les mêmes raisons ou du fait d'une période d'activité chez un autre employeur, une modification de la répartition des heures ne constituera ni une faute, ni un motif de licenciement. Il en sera de même lorsqu'un délai de prévenance de trois jours n'aura pas été respecté. Nous comprenons bien la nécessité de maintenir un certain nombre de garde-fous, mais il ne faut pas multiplier à l'excès les contraintes et les formalités.

M. le Président - Mon cher collègue, vous acheminez-vous vers votre conclusion ? Si tel n'était pas le cas, je me verrais contraint de suspendre nos travaux jusqu'à demain.

M. Thierry Mariani - Libre à vous, Monsieur le Président, mais je n'ai encore parlé qu'une heure et cinq minutes.

M. le Président - Vous m'aviez annoncé un discours d'une heure dix, je vous sais homme de parole...

M. Thierry Mariani - J'ai été interrompu. J'ajoute que

le 30 juin, alors que nous n'étions qu'une vingtaine dans l'hémicycle, votre majorité a décidé de réduire la durée des motions de procédure à 1 h 30 en première lecture, ce qui est sans doute suffisant, mais à 30 minutes en deuxième lecture et à 15 minutes en lecture définitive, ce qui réduit les droits de l'opposition, comme nous allons le voir avec le Pacs (Applaudissements sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL). Vous retournerez un jour dans l'opposition et vous serez bridés par ces dispositions que vous avez votées.

M. Claude Bartolone, ministre délégué à la ville - Les réformes du Règlement se font à l'unanimité, non ?

M. Thierry Mariani - Pour ma part, je me suis abstenu. Il nous semble inopportun de limiter à l'excès le travail à temps partiel, qui peut constituer un choix pour nos concitoyens et une obligation dans certains secteurs.

A trop vouloir encadrer et contraindre, vous allez finir par casser la croissance et par détruire des emplois.

Les problèmes posés par le temps partiel sont donc loin d'être réglés par votre loi, que de nombreux secteurs d'activité ne pourront pas appliquer. Votre seconde loi, au lieu de prévoir des aménagements spécifiques, s'inscrit dans une logique d'uniformisation de la société française.

Prenons l'agriculture : s'il est une branche d'activité marquée par la saisonnalité, c'est bien celle-ci, puisque la nature des travaux et leur durée sont dictées par la climatologie. Le plus souvent, c'est l'urgence qui impose l'organisation des chantiers.

Dans le secteur agricole, ce n'est pas l'employeur qui décide de faire exécuter ou pas des heures supplémentaires aux salariés, ce sont les conditions climatiques et l'état de maturité des productions.

Compte tenu de l'insuffisance de main-d'_uvre, votre dispositif sera un véritable casse-tête pour l'employeur. En effet, il sera dans bien des cas impossible de faire appel à de la main- d'_uvre supplémentaire, parce qu'elle augmenterait les coûts de production dans un secteur déjà sinistré et qu'elle serait, dans certaines zones, tout simplement inexistante.

Dans cette situation, les employeurs seront confrontés à une alternative simple. Soit ils verront le niveau de leurs charges augmenter de façon insupportable, soit ils s'arrangeront avec leurs employés saisonniers, en risquant le tout pour le tout, c'est-à-dire en ne déclarant pas une partie du travail effectué pour échapper aux charges et assumer la récolte dans des conditions normales.

Cette situation entraînera des distorsions de concurrence entre les producteurs et entraînera la perte de plus d'une exploitation.

De même, dans l'hôtellerie et la restauration, le temps de travail passera de 43 à 39 heures en 2000 ou en 2002 selon la taille de l'établissement : outre que c'est là remettre en cause la nouvelle convention collective négociée dans cette branche, votre texte posera de nombreux problèmes. En effet, comment obtenir des gains de productivité dans un bistrot, si ce n'est en servant le café en courant ? Dans de nombreuses structures, le coût du travail augmentera fortement, dans la mesure où il est difficile de fermer un café plus tôt pour réduire le temps de travail. Déjà sinistré par le refus du Gouvernement de lui appliquer le taux réduit de TVA, ce secteur va être pénalisé par votre projet, qui risque d'être fatal aux cafés de nos communes rurales.

Dans le secteur de la propreté, le volet de votre texte consacré au temps partiel sera, à l'évidence,

source de tracasseries pour les entreprises.

Il est des secteurs où le temps partiel est la règle. Votre bureau, Madame la ministre, comme ceux des députés et de nombreux Français, est nettoyé tôt le matin ou tard le soir : vous n'appréciez guère qu'on fasse la poussière dans votre bureau pendant que vous y travaillez !

Les entreprises de propreté sont dans l'obligation de recourir au temps partiel. Vos critères d'éligibilité à la réduction des charges sociales sont totalement inadaptés à ce secteur, dans lequel beaucoup de salariés effectuent moins de 17 heures 30 par semaine.

De même, comment réduire le temps de travail dans les petits commerces, par définition ouverts au public ? Si le commerçant décide de moins travailler, il verra son chiffre d'affaires diminuer, au profit des grandes surfaces, qui pourront plus facilement s'adapter aux 35 heures. Une fois de plus, votre loi profitera aux grosses structures.

Mme la Ministre - Vous l'avez déjà dit.

M. Thierry Mariani - Le secteur de la sécurité pose un problème spécifique.

Lors des auditions, la fédération des entreprises de la sécurité a souhaité nous alerter. En effet, l'article 6 de votre première loi dispose «qu'aucun temps de travail ne peut atteindre six heures sans que le salarié bénéficie d'un temps de pause d'une durée minimale de 20 minutes». Il s'agissait, nous le comprenons, d'empêcher certains abus et de permettre aux salariés de conserver des conditions de travail décentes.

Cependant, dans le cas précis de la sécurité, quand l'agent se trouve isolé sur un site, notamment de nuit, il est impossible d'appliquer cette règle. L'agent de sécurité chargé de surveiller une installation nucléaire ne pourra pas prendre un repos de 20 minutes comme cela est prévu. Comme vous l'aviez fait pour le personnel roulant et naviguant des entreprises de transport, il faudrait prévoir une dérogation.

En guise de conclusion, je souhaiterais revenir sur la philosophie de votre texte, que nous combattons tant elle nous paraît déconnectée des réalités ;

Je citerai un bon auteur, Madame le ministre, puisqu'il s'agit de vous-même : d'après le n° 1397 du Point, vous avez déclaré en septembre 1991, au cours d'un congrès de la CFDT : «J'ai bien compris que pour être applaudie ici, il me faudrait parler de la réduction du temps de travail, ce que je ne ferai pas...»

Mme la Ministre - Je n'ai pas dit cela.

M. Thierry Mariani - Alors exigez un rectificatif.

Compte tenu de la détresse d'un grand nombre de nos concitoyens, et suite aux échecs successifs des politiques qui ont été menées depuis plusieurs années, le seul objectif digne d'intérêt dans notre pays, et qui contribuerait à redonner à l'action politique sa réelle dimension, est celui de la lutte contre le chômage.

Vous-même, Madame le ministre, l'affirmez en nous disant que votre projet traduit la volonté du Gouvernement de recourir à tous les moyens possibles pour réduire le chômage.

Cette volonté, nous la partageons tous. Ce qui nous sépare, c'est que nous ne croyons pas que l'instauration généralisée et autoritaire des 35 heures soit une réponse aux angoisses des Français frappés par le chômage. Votre projet ne pourra atteindre ses objectifs, car il procède d'une erreur de méthode et d'une erreur de fond.

Sur la méthode tout d'abord, force est de constater qu'on ne peut inviter les entreprises à négocier une réduction du temps de travail, puis balayer d'un revers de main le fruit de ces négociations. Madame le ministre, il vous faut choisir : soit vous nous présentez un projet incitatif, et vous laissez aux partenaires sociaux le soin de s'organiser au sein de chaque entreprise ; soit vous proposez un texte obligatoire visant à modifier autoritairement la durée du temps de travail en la faisant passer à 35 heures !

Tenter de concilier ces deux démarches ne sert qu'à paralyser le système.

Votre message n'est pas clair. Vous ne pouvez pas en appeler au dialogue social et ne tenir aucun compte des accords signés sur le fondement de votre première loi !

Si la méthode est désastreuse, votre dispositif est inopérant.

Ce n'est pas en partageant la pénurie que vous redonnerez du travail aux Français ! Ce n'est pas en leur faisant croire qu'ils vont vivre dans une société de loisirs que vous leur redonnerez confiance.

Vous ne ferez pas reculer le chômage en légiférant contre les entreprises.

Votre texte, inadapté, ne tient pas compte de la concurrence internationale.

Notre opposition n'est pas une opposition de principe. Nous sommes conscients que la réduction du temps de travail peut sauver ou créer des emplois dans certaines circonstances. Mais nous souhaitons que l'aménagement du temps de travail demeure une faculté ouverte aux entreprises. Votre dispositif est bien trop contraignant. Les entreprises sont différentes les unes des autres. Pour répondre à leur attente, pour favoriser leur développement, c'est de souplesse dont elles ont besoin, c'est la baisse des charges sociales qu'elles réclament.

Vous faites le contraire en les ponctionnant toujours plus et en ajoutant des impôts aux impôts, des contraintes aux contraintes et des vexations aux vexations.

Votre projet rappelle, sur bien des points, le problème de la retraite à 60 ans : c'est une idée qui ne peut que plaire, mais elle est inapplicable.

Mme la Ministre - Vous l'avez déjà dit.

M. Thierry Mariani - Mais nous payons aujourd'hui le prix des choix faits par les gouvernements que vous souteniez hier !

Il faut renvoyer ce texte en commission et c'est pourquoi je vous demande, au nom du groupe du RPR, d'adopter cette motion (Applaudissements sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL).

M. le Président - Je veux faire remarquer qu'il y a eu ce soir neuf membres de l'opposition contre soixante membres de la majorité pour vous entendre (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste ; protestations sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL).

M. François Goulard - Quelle impartialité !

M. Alain Vidalies - Mieux valait être nombreux, pour partager la peine...

L'exposé de M. Mariani fut riche en approximations. Il a confondu le contingent d'heures supplémentaires avec le mécanisme du repos compensateur et la question de la validité des accords avec le déclenchement des aides publiques.

J'ai retenu aussi quelques propositions qui méritent d'être mises en exergue, comme la modulation sans négociation préalable. Quelle vision progressiste de la société !

Après avoir suggéré de limiter à 10 % la majoration des heures supplémentaires, M. Mariani a larmoyé sur les salariés privés de leur rémunération supplémentaire, sans paraître affecté par cette contradiction. Nous avons aussi eu droit au refrain habituel sur la «loi autoritaire» qui devrait plutôt être incitative. Pourtant, les uns et les autres, nous avons tout essayé en matière d'incitation, en 1979, en 1982, en 1984, en 1989 et en 1995... Il fallait bien changer de registre.

Puis il y a eu quelques phrases plutôt imprégnées d'idéologie. Dire ainsi que le rassemblement des chefs d'entreprise de lundi dernier « a montré la forte mobilisation du monde du travail » traduit une vision un peu limitée du monde du travail...

La position de la droite exprimée par M. Mariani ne nous surprend pas : elle est fidèle à son hostilité à tout progrès social. Mais nous ne désespérons pas de la droite : peut-être en ira-t-il de la loi sur les 35 heures comme de celles sur l'immigration ou sur le Pacs ; peut-être que demain, confrontés à la réalité et aux aspirations de nos concitoyens, quelques esprits plus éclairés atténueront le discours dogmatique d'aujourd'hui...

Mais à supposer que vous persistiez dans votre position, dans deux ans et demi, quand nous aurons rendez-vous avec le suffrage universel, je suis sûr que vous ne manquerez pas de proposer le retour aux 39 heures !

En attendant, le groupe socialiste votera contre la motion de renvoi en commission (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

M. François Goulard - L'exposé de M. Mariani était solide, concret et convaincant. Nous serions moins demandeurs d'un renvoi en commission si Mme la ministre avait daigné répondre sérieusement à nos arguments et objections. Or, à votre habitude, vous avez choisi le ton de la provocation, vous étonnant de certaines réactions, sans doute un peu excessives, de notre camp, sans jamais apporter de réponse satisfaisante à nos questions. Celles-ci justifient que nous souhaitions un nouvel examen par la commission.

Autre raison qui justifie un tel examen, la majorité elle-même est à cent lieues d'être d'accord sur ce texte et étale ses divergences sur des points essentiels. Un travail complémentaire en commission serait bien préférable à des négociations de couloirs.

J'ajoute que nous venons d'apprendre qu'un volet essentiel du texte, le financement des allégements de charges, pose une difficulté que nous ignorions totalement lors de l'examen en commission. Cette difficulté nouvelle,

nous l'avons découverte grâce aux observations que le Chef de l'Etat a faites en Conseil des ministres sur le projet de loi de financement de la sécurité sociale (Rires sur les bancs du groupe socialiste). Renseignements pris, selon le Conseil d'Etat, le mode de financement prévu pour les allégements de charges est entaché d'inconstitutionnalité. Autrement dit, les fameux 100 milliards d'aides dont nous parlons tous ne sont absolument pas financés !

Jamais, je crois, nous n'avons eu de raisons aussi solides de demander un renvoi en commission et c'est pourquoi le groupe Démocratie libérale votera cette motion (Applaudissements sur les bancs du groupe DL, du groupe UDF et du groupe du RPR).

M. Hervé Morin - Depuis le début de cette discussion, les trois groupes de l'opposition ont montré une convergence de vues totale (Interruptions sur les bancs du groupe socialiste) et nous voterons aussi cette motion.

Je voudrais revenir sur trois points. Cette loi remet-elle en cause les accords signés que vous avez, Madame la ministre, validés et étendus ? Oui ! Sur la durée annuelle du travail, sur le régime des heures supplémentaires, sur le statut des cadres, sur la formation professionnelle, sur la notion d'équivalence et celle du temps de travail effectif, les partenaires sociaux devront à nouveau discuter d'accords fondés sur un délicat équilibre.

Deuxième raison justifiant le renvoi en commission, la complexité de ce texte. Pour tous les Français, le SMIC représente un minimum mensuel. Or, demain, il variera selon que l'entreprise est nouvelle ou non, que le poste a ou non une équivalence, etc.

Enfin, ce texte nous semble une loi du passé, faite pour une société taylorienne, alors que nous entrons dans une société de services, qui a besoin de beaucoup de souplesse, et non pas de lois de contrainte et d'autorité.

Pour toutes ces raisons, nous demandons le renvoi en commission (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF, du groupe du RPR et du groupe DL).

M. Patrick Delnatte - L'exposé de M. Mariani démontre tout l'intérêt de revoir ce texte. Je l'ai abordé sans a priori, en consultant à la base, dans ma circonscription (Interruptions sur les bancs du groupe socialiste).

Les syndicalistes locaux ont largement repris les arguments des organisations nationales. Ils approuvent le principe des 35 heures. Mais j'ai noté un certain scepticisme sur les créations d'emploi et des inquiétudes sur l'évolution du pouvoir d'achat, sur le risque d'un rythme de travail stressant et de délocalisations à terme, sur le statut des cadres. Cela fait beaucoup...

Les entreprises, consultées aussi, m'ont répondu en grand nombre : 92 % sont contre le texte, même si 39 % ont entamé des négociations. Elles ne comprennent pas que la loi puisse remettre en cause les accords déjà signés et craignent l'alourdissement du coût de l'emploi. Une grande entreprise qui a signé un accord Robien craint que la législation ne devienne ingérable et insupportable économiquement. La stratégie consistant à encourager la négociation, puis à légiférer, conduit à une insécurité juridique très préjudiciable aux entreprises.

Ces réactions ne sont pas des propos de tribune. Saurez-vous, Madame la ministre, entendre ces responsables de PME qui se battent tous les jours pour faire vivre leur entreprise ? Si oui, reprenez votre texte et votons le renvoi en commission (Applaudissements sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL).

Mme Muguette Jacquaint - M. Mariani et d'autres ont beaucoup parlé du caractère «autoritaire» du texte. Qu'est-ce que cela veut dire pour eux ?

En fait la droite et le MEDEF ne veulent surtout pas perdre leur autorité, leur droit d'imposer leur société.

Au nom de la souplesse d'utilisation des heures supplémentaires, M. Mariani a plaint les salariés qui verraient diminuer leur pouvoir d'achat. Mais travailler 80 heures par semaine pour avoir plus de pouvoir d'achat, est-ce digne d'une société moderne ?

Comment par ailleurs réclamer plus d'exonérations de charges et prétendre que les entreprises se moquent de l'argent ?

En fait, ce que vous refusez, c'est que la société évolue vers plus de justice, plus d'égalité, plus de démocratie. La réduction du temps de travail est une exigence de notre temps. Elle répond aux besoins des hommes, de l'économie, de la société. Elle est un facteur d'épanouissement pour l'individu, pour sa famille. Elle est une richesse et non un fardeau.

Vous demandez le renvoi en commission mais vos motions de procédure nous ont fait perdre 32 heures que nous aurions pu consacrer à améliorer le texte.

Cette loi n'est pas déconnectée de la réalité car la réalité c'est que la grande majorité des salariés voulait une loi sur la diminution du temps de travail afin d'améliorer les conditions de travail et les salaires, et de créer des emplois.

Nous voterons contre le renvoi en commission (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste, du groupe socialiste et du groupe RCV).

M. le Président - Sur la motion de renvoi en commission, je suis saisi par le groupe socialiste d'une demande de scrutin public.

Mme Gilberte Marin-Moskovitz - Le groupe RCV votera contre cette motion inutile. Le débat en commission a eu lieu, longuement ; il a permis des avancées. L'opposition y était peu représentée alors qu'elle aurait eu tout le loisir d'y participer efficacement. Telle n'était pas son intention, M. Mariani vient de le confirmer.

Sans doute était-elle trop préoccupée de sa propre existence et ne se sentait-elle pas concernée. Mais elle a bien été obligée d'accompagner le MEDEF qui s'est retrouvé dans la rue le 4 octobre.

M. Thierry Mariani - Comme la CGT...

Mme Gilberte Marin-Moskovitz - Il est plus conforme à la tradition que les organisations syndicales manifestent...

M. Thierry Mariani - Parce que pour vous le MEDEF n'est pas une organisation syndicale... Quel sectarisme ! Si la rue appartient à la gauche, supprimez donc les trottoirs de droite...

Mme Gilberte Marin-Moskovitz - Au nom des salariés les plus fragiles, vous défendez le patronat. Ce patronat dont le sens du dialogue est tel qu'il y a eu des dérapages dans ma région...

Le groupe RCV juge urgent de poursuivre le débat, avec confiance mais en restant vigilant afin que la loi permette à coup sûr de créer des emplois, afin qu'elle soit une grande avancée sociale pour les travailleurs (Applaudissements sur les bancs du groupe RCV, du groupe socialiste et du groupe communiste).

M. le Président - Si je vous ai fait observer, Monsieur Accoyer, que vous n'étiez que neuf en séance, c'était pour vous permettre de battre le rappel afin que la disparité entre opposition et majorité n'apparaisse pas de façon trop criante au moment du scrutin...

M. Thierry Mariani - Il n'y a pas un seul Vert en séance !

A la majorité de 118 voix contre 16 sur 134 votants et 134 suffrages exprimés, la motion de renvoi en commission n'est pas adoptée.

M. le Président - Nous allons nous en tenir là pour ce soir.

Mais je voudrais d'ores et déjà vous indiquer que Mme la ministre demande la réserve de l'amendement n° 735 avant l'article premier, jusqu'après l'article 12.

La réserve est de droit.

Prochaine séance aujourd'hui, jeudi 7 octobre, à 9 heures 30.

La séance est levée à 1 heure 20.

                      Le Directeur du service
                      des comptes rendus analytiques,

                      Jacques BOUFFIER


© Assemblée nationale