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Session ordinaire de 1999-2000 - 5ème jour de séance, 12ème séance

3ÈME SÉANCE DU MARDI 12 OCTOBRE 1999

PRÉSIDENCE DE M. Raymond FORNI

Vice-président

Sommaire

            NOMINATION D'UN DÉPUTÉ EN MISSION TEMPORAIRE 2

            SAISINE POUR AVIS D'UNE COMMISSION 2

            RÉDUCTION NÉGOCIÉE DU TEMPS DE TRAVAIL (suite) 2

            ART. 2 (SUITE) 2

La séance est ouverte à vingt et une heures quinze.

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NOMINATION D'UN DÉPUTÉ EN MISSION TEMPORAIRE

M. le Président - J'ai reçu de M. le Premier ministre une lettre m'informant de sa décision de charger M. François Asensi, député de la Seine-Saint-Denis, d'une mission temporaire dans le cadre des dispositions de l'article L.O. 144 du code électoral auprès de Mme la ministre de la jeunesse et des sports.

Cette décision a fait l'objet d'un décret publié au Journal officiel du 9 octobre 1999.

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SAISINE POUR AVIS D'UNE COMMISSION

M. le Président - J'informe l'Assemblée que la commission des finances a décidé de se saisir pour avis du projet de loi de financement de la Sécurité sociale pour 2000.

RÉDUCTION NÉGOCIÉE DU TEMPS DE TRAVAIL (suite)

L'ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi relatif à la réduction négociée du temps de travail.

ART. 2 (suite)

M. Bernard Accoyer - Je voudrais faire un rappel au Règlement portant sur le déroulement de nos travaux et notamment sur les informations dont nous disposons.

M. François Goulard a demandé jeudi dernier à Mme le ministre si le Conseil d'Etat, dans son avis au Gouvernement, avait relevé des éléments d'inconstitutionnalité dans une disposition relative au financement de la réduction du temps de travail.

Or nous poursuivons ce soir nos travaux dans l'ignorance totale du mode de financement des 35 heures et même de leur coût. C'est pourquoi je demande une nouvelle fois à Mme le ministre si un point d'inconstitutionnalité risque d'être soulevé s'agissant de la création d'un fonds de réforme des cotisations sociales patronales. L'avis du Conseil d'Etat ne pourrait-il être publié ?

M. le Président - Je prends acte de ce rappel au Règlement ; mais je vous rappelle que les rappels au Règlement n'ont pas vocation à vous permettre d'interroger le Gouvernement. Les débats ultérieurs ne manqueront pas, j'en suis sûr, de vous éclairer.

Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité - Je souhaite, Monsieur le président, répondre pour la dernière fois à cette question, déjà soulevée par M. Goulard. Celui-ci m'a demandé si, sur le principe, la loi relative à la réduction du temps de travail comportait des éléments d'inconstitutionnalité.

Sur le principe, le Conseil d'Etat n'a émis aucune réserve (M. François Goulard esquisse un sourire dubitatif). En effet, le principe du recyclage est posé par le point XVI de l'article 11 du projet disposant que «le fonds créé par l'article... de la loi n° 99-... de financement de la Sécurité sociale pour l'année 2000 assure la compensation intégrale, prévue à l'article L. 131-7du code de la Sécurité sociale, de l'allégement des cotisations sociales défini par le I ci-dessus aux régimes concernés par cet allégement.

L'Etat et les organismes gérant des régimes de protection sociale relevant du code de la Sécurité sociale et du code rural et ceux visés à l'article L. 351-21 du code du travail contribuent à ce fonds. Leur contribution est déterminée à partir du surcroît de recettes et des économies de dépenses induits par la réduction du temps de travail pour l'Etat et les organismes précités. Les règles de calcul de leur montant et de leur évolution sont définies par décret en Conseil d'Etat après consultation de la commission des comptes de la Sécurité sociale».

Cet article n'a donné lieu à aucune remarque du Conseil d'Etat.

Je répète que le mode de financement, comme à chaque fois qu'il y a une baisse de charges, est inscrit dans la loi de financement de la Sécurité sociale.

Sur le principe, les recettes du fonds sont constituées par des contributions des organismes de protection sociale, dans les conditions définies par l'article L. 131-8-3. Je le redis donc, il faudra que le Gouvernement complète la loi de financement de la Sécurité sociale s'il y a une contribution, l'assiette et les taux devant être fixés par la loi. Mais nous espérons que nous arriverons à un accord avec l'UNEDIC, qui conteste pour l'instant ce système de recyclage, et que, dès lors, nous n'aurons pas à fixer par la loi les conditions de cette contribution.

Si un accord avec les partenaires sociaux n'intervenait pas, le Gouvernement compléterait par amendements la loi de financement de la Sécurité sociale afin que le financement de la loi relative à la réduction du temps de travail soit organisé conformément à la Constitution .

M. François Goulard - L'amendement 276 me donne l'occasion de revenir sur certains propos de Mme la ministre.

En effet, l'article 2 fait référence explicitement au fameux fonds destiné à financer les réductions de charges sociales.

Par un glissement progressif de son discours, Mme la ministre nous informe ce soir de la teneur de l'avis rendu au Gouvernement par le Conseil d'État. La semaine dernière, elle nous avait affirmé que le Conseil d'Etat, dans l'examen du projet de loi de financement de la Sécurité sociale, n'avait soulevé aucun élément d'inconstitutionnalité. Il était bien question du projet de loi de financement de la Sécurité sociale et non de celui relatif à la réduction négociée du temps de travail.

Or Mme le ministre nous dit aujourd'hui officiellement ce qu'elle n'avait pas dit la semaine dernière, à savoir que le conseil d'Etat a émis des réserves sur le projet de loi de financement de la Sécurité sociale, quant à la nature de la contribution de l'UNEDIC. S'il s'agit d'une contribution volontaire, le texte du projet de loi de financement de la Sécurité sociale ne pose pas de problème de conformité. Si la contribution n'est pas volontaire, elle devient une imposition ; elle doit alors respecter l'article 34 de la Constitution, selon lequel la loi doit en fixer les règles d'assiette et de taux. Sur un sujet de cette nature, mieux vaut éviter le flou artistique ("Très bien !"sur les bancs du groupe UDF).

Cet article 2 frappe d'abord par une complexité inouïe. Existe-t-il dans notre droit un article aussi incompréhensible ? Il sera impossible à un employeur, un salarié ou un représentant syndical d'en garder l'ensemble en mémoire. Or la clarté de la loi est une exigence posée par le juge constitutionnel.

Cette complexité serait-elle innocente ? Je crois plutôt que vous avez voulu

cacher quelque chose d'essentiel. Vous redoutiez tellement les conséquences de l'application brutale des 35 heures dans les petites entreprises que vous opérez un décalage dans le temps...

M. le Président - Je vous prie de conclure.

M. François Goulard - ...mais par une rédaction délibérément absconse, vous masquez la réalité de votre dispositif, notamment à l'intention de vos partenaires de la majorité plurielle, plus radicaux que vous sur les 35 heures ; cependant je ne pense pas que vous les ayez trompés (Applaudissements sur les bancs du groupe DL, du groupe du RPR et du groupe UDF).

M. le Président - Qui défend l'amendement 524 ?

M. Bernard Accoyer - Moi, si vous le voulez bien, puisque j'en suis le signataire...

M. le Président - MM. Demange, Hammel, Muselier et Jacob l'ont cosigné.

M. Bernard Accoyer - Leurs noms ne sont pas indiqués sur l'amendement mis en distribution...

M. le Président - Il a été demandé à la Présidence de prendre note de leur cosignature.

M. Bernard Accoyer - Quoi qu'il en soit, cet article dont la complexité entraînera des contentieux innombrables, crée une série d'inégalités. Sans revenir sur le seuil de 20 salariés ni sur la date d'application de la réduction autoritaire du temps de travail et l'introduction de pénalités, je voudrais insister sur la différence de traitement entre les salariés d'entreprises où la durée du travail a été réduite et les autres. Ceux qui sont à 35 heures bénéficieront d'une bonification de 25 % ; ceux qui sont encore à 39 heures n'auront qu'une bonification de 15 %. Dans ce cas, on ne sait pourquoi, une cotisation de 10 % sera versée au fameux fonds dont la constitutionnalité est incertaine -alors qu'il devra drainer 65 milliards la première année et une centaine de milliards les années suivantes... Autrement dit, la réduction de la durée du travail va être financée par les salariés qui n'en bénéficient pas ! N'est-ce pas inacceptable ?

Je n'insisterai pas sur les dispositions concernant le contingent d'heures supplémentaires, particulièrement pénalisantes pour les entreprises qui ont un rythme d'activité irrégulier. Mais je regretterai à nouveau, Madame le ministre, que vous vouliez enfermer tout cela dans le carcan de la loi, au lieu de laisser aux entreprises la liberté de négocier. Il serait donc bon de supprimer cet article.

M. le Président - Afin que les choses soient très claires, Monsieur Accoyer, je vais demander au secrétariat de la Présidence de ne plus accepter d'ajouts de signatures une fois qu'un amendement a été distribué. Je vous serais reconnaissant de faire de même.

M. Philippe Martin - Mon amendement 583 a le mérite de demander la suppression de cet article complexe, injuste et source de conflits.

M. Eric Doligé - N'ayant pas compris cet article de quatre pages lorsque je l'ai lu, j'ai demandé au responsable d'une entreprise

de 53 personnes située dans ma commune comment il pensait l'appliquer : il n'a pas su me répondre. Hier, j'ai fait la même demande dans une entreprise de 1100 personnes, qui dispose de juristes ; ceux-ci ne savaient pas non plus comment faire, et pas plus que le directeur départemental du travail, qu'ils ont interrogé... Dans ces conditions, comment les choses vont-elles se passer sur le terrain ? Je ne peux que souhaiter la suppression de cet article, d'où mon amendement 713.

M. Patrick Delnatte - Mon amendement 759 a le même objet. Les entreprises vont tenter dans un premier temps d'appliquer la loi sans faire appel aux heures supplémentaires, celles qui le pourront délocaliseront leur production

et les autres disparaîtront à terme.

M. Germain Gengenwin - Je ne reviendrai pas sur la complexité du dispositif, j'insisterai sur l'inégalité entre les salariés selon que leur entreprise aura négocié ou non un accord de réduction du temps de travail : il n'est pas normal que ce soient eux qui trinquent ! Quant à la taxe générale sur les activités polluantes, les agriculteurs pourraient admettre de devoir la payer si c'était pour améliorer l'environnement, mais elle sera détournée de son objet pour financer les 35 heures, qui ne les concernent pas, loin de là : ils travaillent bien souvent 10 à 12 heures par jour, six voire sept jours par semaine ! Enfin, toutes les entreprises ne pourront offrir à leurs salariés un repos compensateur. Pour toutes ces raisons, nous proposons, par l'amendement 832, de supprimer l'article 2.

M. Gaëtan Gorce, rapporteur de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales - La commission a rejeté ces amendements, qui remettent en cause l'ensemble du dispositif. Le nouveau régime des heures supplémentaires ne pèche ni par laxisme, ni par rigueur. Il faut à la fois éviter que la loi soit contournée, par exemple par des accords qui porteraient le contingent annuel à 188 heures ou même au-delà (Interruptions sur les bancs du groupe du RPR), et permettre aux entreprises de répondre aux à-coups de la demande, et c'est pourquoi nous n'abaisserons pas le contingent au-dessous des 130 heures, niveau sur lequel les partenaires sociaux s'étaient accordés. Quant à la période d'adaptation, elle ne constitue ni un report, ni une application brutale et uniforme des 35 heures, qui se mettront en place par la négociation (Interruptions sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL) : il n'y aura pas de couperet, mais au contraire une incitation à adapter la réduction du temps de travail à la réalité du terrain (Mêmes mouvements). Il n'est pas justifié non plus de dénoncer la complexité d'un régime qui ne fait qu'épouser cette réalité, et qui, par ailleurs, existe de longue date : vous le connaissez pour l'avoir déjà modifié en adoptant la loi quinquennale.

M. Jean Le Garrec, président de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales - Mme la ministre s'est déjà exprimée clairement, à plusieurs reprises, sur le système de financement (Interruptions sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL), et le débat sur ce sujet prolonge, d'une certaine façon, celui sur l'activation des dépenses passives. Quant à l'argument des délocalisations, il avait déjà été brandi au cours de la discussion de la première loi, et rien de ce que vous aviez prédit ne s'est produit (Exclamations sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL). Je m'étonne, enfin, qu'un esprit aussi subtil que M. Goulard se perde dans la complexité du dispositif : il a certainement compris, en vérité, que nous ne voulons pas rigidifier les choses, mais donner aux entreprises le temps de prendre la mesure des changements nécessaires et de les négocier. C'est d'une simplicité totale (Exclamations sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL), et vous ne ferez croire à personne que les entreprises seront mises en difficulté : je connais de nombreux chefs d'entreprises et de nombreux syndicalistes, qui comprennent tous notre souci de souplesse et de dialogue. Je conclus au rejet des amendements de suppression.

Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité - Si je devais résumer d'une phrase ces amendements, je dirais que l'opposition les défend pour faire de la loi un carcan et un couperet (Protestations sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL). S'ils sont adoptés, en effet, il n'y aura pas de période d'adaptation, et le taux de majoration sera de 25 % pour tous. Ce que nous proposons n'est pas d'une complexité insurmontable : limitation à 10 % la première année, affectation à un fonds ou aux salariés selon qu'un accord a été signé ou non. Les entreprises, elles, savent parfaitement dans quelle situation elle se trouvent, même si cela vous échappe parfois à vous... (Protestations sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL) Je suis convaincu que vous regretterez, dans un an, de ne pas avoir voté cette loi et son bel article 2 !

Les amendements 276, 524, 583, 713, 759 et 832, mis aux voix, ne sont pas adoptés.

Mme Jacqueline Mathieu-Obadia - J'ai l'impression que nous ne parlons pas le même langage (Exclamations et rires sur les bancs du groupe socialiste). J'ai reçu hier soir, à ma permanence, un boulanger qui emploie neuf salariés et qui était au bord de la dépression, car il ne comprenait, me disait-il, rien au projet, et ni le consultant auquel il avait fait appel, ni l'inspecteur du travail qu'il avait consulté en désespoir de cause n'étaient capables de le lui expliquer ! Aussi demandé-je simplement, par l'amendement 162, que nous adoptions un dispositif compréhensible par tous : 10 % pour les quatre premières heures supplémentaires, 25 % pour les huit heures suivantes, 50 % au-delà. Je ne sais pas si c'est juste, mais au moins, c'est clair ! (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe communiste)

M. François Goulard - L'argumentation de Mme la ministre me laisse désarmé : que lui répondre quand elle affirme que chaque entreprise est dans une situation donnée, qui fait que les choses, pour elle, ne sont pas compliquées ? Chaque année jusqu'en 2004, au contraire, sa situation ne cessera de changer, qu'il s'agisse de ses effectifs, de son horaire collectif ou, par conséquent, de son régime d'heures supplémentaires. Et comment ne pas s'étonner de la façon dont le président de la commission a essayé de noyer le poisson ? Ce n'est pas à la contribution de l'UNEDIC que je faisais allusion ;

mais à l'avis du Conseil d'Etat sur la loi de financement de la Sécurité sociale...

M. le Président - Vous allez encore m'accuser de partialité, mais nous sortons de l'objet de votre amendement.

M. François Goulard - Votre fonction est de faire appliquer le Règlement, or le Règlement ne comporte pas de stipulations sur le contenu des propos. Je ne fais que répondre aux arguments du président de la commission et de Mme la ministre. Il s'agit bien de l'article 2, et cet article fait référence au fonds créé par la loi de financement. Je ne suis donc pas hors de propos (Protestations sur les bancs du groupe socialiste ; applaudissements sur les bancs du groupe DL, du groupe du RPR et du groupe UDF).

M. le Président - J'applique le Règlement selon lequel la défense d'un amendement doit s'en tenir à son objet. Il y a eu une discussion générale, et les arguments d'ordre général ont été échangés. Je vous invite donc à en venir à la présentation de l'amendement 440.

M. François Goulard - Cet amendement remet en cause le dispositif de l'article 2. Je ne vois donc pas au nom de quoi vous pourriez m'empêcher d'évoquer tout point qui se rapporte à cet article. Ou bien cela signifie que la liberté d'expression est censurée dans cet hémicycle ! (Applaudissements sur les bancs du groupe DL, du groupe du RPR et du groupe UDF) Par conséquent je reprends. Je dis que les arguments de Mme la ministre et du président de la commission ne sont pas adéquats, parce qu'ils ne correspondent pas à ce que nous avons dit dans la discussion précédente. Et, pour en venir aux dispositions que nous proposons de substituer à l'article 2, nous sommes choqués par la contribution de 10 %, qui est une spoliation du travail des salariés et de la rémunération que mérite ce travail. Il est choquant qu'une part de la majoration pour heures supplémentaires soit détournée de son objet, qui est d'accroître la rémunération des salariés. Et je crois que les salariés ressentiront très mal ce détournement du fruit de leur labeur.

Je souligne, d'autre part, qu'en régime permanent, c'est-à-dire après 2004, nous aurons un régime des heures supplémentaires infiniment plus contraignant qu'aujourd'hui, notamment parce que tout changement sera rapporté à une base de 35 heures au lieu de 39. Or les heures supplémentaires sont non seulement une rémunération appréciée de beaucoup de salariés, mais une souplesse nécessaire à l'activité des entreprises. Nous souhaitons donc une rédaction simple, compréhensible, qui permette une majoration modérée du coût des quatre premières heures supplémentaires. Ce serait préférable et pour les salariés, et pour les entreprises.

M. le Rapporteur - La commission a rejeté ces amendements, qui tendent à substituer au texte un dispositif de nature différente.

Mme la Ministre - Même avis.

L'amendement 162, mis aux voix, n'est pas adopté, non plus que l'amendement 440.

Mme Muguette Jacquaint - On constate dans de nombreuses entreprises qu'il ne reste souvent guère de traces des heures réellement travaillées. C'est d'ailleurs un bon moyen de ne pas payer les heures supplémentaires. C'est pourquoi notre amendement 208 tend à étendre à ce cas un principe déjà retenu par les articles L. 122.14.3 et L. 122.43 du code du travail, concernant respectivement les licenciements et les sanctions. Selon le premier, si les éléments fournis par l'employeur ne sont pas de nature à justifier le licenciement, et si le doute subsiste sur la cause réelle et sérieuse de ce dernier, ce doute profite au salarié. Il y aura certes des litiges, mais il faut savoir de qui ils viennent, et qui doit en porter la responsabilité ! La jurisprudence est constante sur ce thème. Et c'est l'emploi même du salarié qui est en jeu : il est logique que l'employeur, s'il ne fournit pas d'éléments suffisants, en supporte le risque.

L'article L. 122.43 a adopté la même démarche dans le cas où l'employeur ne peut fournir d'éléments suffisants pour justifier une sanction contre le salarié. Dans le même esprit, nous proposons de compléter la dernière phrase de l'article L. 212.1.1 par les mots : «si un doute subsiste, il profite au salarié». L'employeur devra fournir au juge des éléments de nature à justifier les horaires réellement effectués par le salarié. Peut-être est-ce compliqué, mais on constate aujourd'hui que ces cas sont toujours tranchés en défaveur du salarié.

M. le Rapporteur - La commission a rejeté cet amendement. Nous avons eu ce débat à l'article premier : la loi fait obligation à l'employeur de fournir la preuve des horaires effectifs. S'il ne le fait pas, c'est le témoignage du salarié qui est retenu par le juge. L'état du droit apporte donc une réponse suffisante ; c'est pourquoi la commission, bien qu'intéressée par cette proposition, ne l'a pas retenue.

Mme la Ministre - Même avis.

M. François Goulard - Contre l'amendement. Dans mon esprit, Madame Jacquaint, ni les salariés, ni les employeurs n'ont systématiquement raison. Il arrive aux uns et aux autres d'avoir raison. C'est au juge de le déterminer. Si votre amendement était adopté, tous les abus seraient permis. Je m'étonne que le rapporteur, si prompt à voir les faiblesses supposées des arguments de l'opposition, ne l'ait pas souligné : toute déclaration abusive d'un salarié lui profiterait automatiquement, puisqu'elle créerait ce doute qui doit selon vous lui profiter. Cet amendement est donc inapplicable, ou bien constituerait un encouragement à la fausse déclaration. S'il y a des employeurs abusifs, il y a aussi des salariés qui le sont. Loin donc de la réponse lénifiante du rapporteur, il faut dire que cet amendement est inapplicable et laisser au juge le soin de se faire une intime conviction.

L'amendement 208, mis aux voix, n'est pas adopté..

M. le Rapporteur - L'amendement 167 rectifié est rédactionnel.

L'amendement 167 rectifié, accepté par le Gouvernement, mis aux voix, est adopté.

M. le Rapporteur - Je laisse Mme Marin-Moskovitz présenter l'amendement 168, adopté par la commission à son initiative.

Mme Gilberte Marin-Moskovitz - L'avant-dernier alinéa du I de l'article 2 permet l'institution des cycles par simples conventions ou accords d'entreprise ou d'établissement. L'amendement 168 tend à supprimer cette extension subreptice du système des cycles. Un cycle, je le rappelle, est une période de quelques semaines où l'on constate une variation de la durée hebdomadaire du travail, qui se retrouve identique d'un cycle à l'autre. Ce système permet de répondre aux problèmes de certaines professions spécifiques. Les salariés font par exemple huit semaines en six, mais ont ensuite des congés normaux auxquels s'ajoute un congé spécifique. Ce système peut être prisé par des jeunes désireux de gagner de l'argent rapidement, mais il est très astreignant. Il a la faveur des entreprises, puisque chaque cycle comporte des moments de haute et de basse pression ; seules sont comptées comme heures supplémentaires celles qui dépassent la durée moyenne, et non la durée légale. A la clé il n'y a ni rémunération majorée, ni repos compensateur. Comme ce projet consacre déjà une flexibilité très importante par son article 3 sur la modulation, je ne crois pas qu'il faille favoriser par ailleurs le développement de cette autre technique qui contribue aussi à affaiblir la référence à la semaine. Notre amendement maintient donc la législation en vigueur, en excluant que les cycles soient institués par simple accord d'entreprise ou d'établissement.

M. Maxime Gremetz - M. Malavieille, un des auteurs de l'amendement, souhaite s'exprimer.

Mme la Ministre - Je souhaite revenir sur ce qu'est un cycle, car il y a peut-être une incompréhension sur ce point. Un cycle est beaucoup plus protecteur que le système de modulation, puisqu'il est prévu dès le début de l'année. Et dans les cycles les horaires sont prédéterminés, connus des salariés, et ne donnent lieu à aucune variation. En outre, si nous ne maintenons pas ce texte, rien n'empêche une entreprise de déterminer un cycle sur une seule période de l'année. Le cycle diffère de la modulation : si, comme elle, il fixe une durée maximum et une durée moyenne, contrairement à elle il fixe exactement les horaires.

Les travailleurs en cycle connaissent au début de l'année leur calendrier pour les douze mois qui viennent, alors que le régime de la modulation est moins prévisible. Il serait donc dommage de supprimer l'organisation par cycles.

Outre les secteurs fonctionnant en continu, elle concerne surtout les aides à domicile, les centres de lutte contre le cancer, les établissements pour handicapés et permet d'assurer une permanence du suivi.

Le terme de cycle avait pu prêter à confusion. Ces précisions, je pense, devraient conduire à retirer l'amendement.

Mme Roselyne Bachelot-Narquin - Enfin du bon sens !

M. François Goulard - Je ne peux que renchérir sur Madame la ministre. Les situations sont très variées selon les entreprises. Air France, par exemple, entreprise encore nationale, fonctionne par cycle dans le cadre d'accords d'entreprise, en l'absence de convention collective dans le secteur du transport aérien. Les salariés d'Air France perdraient beaucoup à ce que ces accords soient rendus caducs par l'adoption de l'amendement.

Dans certains cas, le système de cycles par accords d'entreprise est une nécessité. J'y vois une illustration de l'indispensable souplesse du droit du travail.

M. Maxime Gremetz - Je demande la parole ! (Exclamations sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL)

M. le Président - Un seul orateur peut soutenir un amendement. Le Règlement s'applique à tous de la même manière ! La parole est au rapporteur.

M. le Rapporteur - Je suis sensible aux arguments de la ministre, moins à ceux de M. Goulard, bien qu'ils soient de même nature, parce que leur inspiration, elle, est différente. Il convient de conserver l'organisation actuelle par cycles, puisqu'elle est la plus protectrice. Je suggère, à titre personnel, le retrait de l'amendement, ou sinon son rejet.

L'amendement 168, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Maxime Gremetz - Rappel au Règlement ! Cet amendement a été proposé par le groupe communiste, et repris par la commission et par Mme Marin-Moskovitz ; or tout le monde s'exprime sur l'amendement sauf ceux qui l'ont déposé ! (Applaudissements sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL) Votre façon d'appliquer le Règlement, Monsieur le Président, conduirait à donner uniquement la parole au rapporteur sur les amendements adoptés par la commission. Ce n'est pas de bonne méthode et ce n'est pas ainsi que nous concevons la majorité plurielle (Mêmes mouvements).

M. le Président - L'amendement 168 que j'ai sous les yeux est signé d'abord par M. Gorce, rapporteur, ensuite par Mme Marin-Moskovitz, que j'ai appelés dans l'ordre. Si vous souhaitez défendre un amendement, tournez-vous vers le rapporteur qui, j'en suis sûr, acceptera.

M. Maxime Gremetz - Il est normal qu'un signataire de l'amendement s'exprime.

M. le Président - Il est impossible de les laisser tous intervenir !

M. Maxime Gremetz - Faudra-t-il que nous demandions une suspension pour examiner comment présenter les amendements en séance ? (Applaudissements sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL)

M. le Président - Mais non !

L'amendement 709 est retiré.

M. le Président - Monsieur Gremetz, vous avez la parole pour l'amendement 222.

M. Maxime Gremetz - Comme vous m'avez vexé, je le retire ! Sérieusement, je le retire parce que nous sommes convenus qu'il serait repris à l'article 11. Il s'agit de réduire davantage la durée du travail pour les travailleurs postés. Là, la droite applaudit moins !

L'amendement 222 est retiré

M. Philippe Martin - Notre amendement 638, qui a l'avantage de supprimer les paragraphes

II et III de l'article, tend à faire disparaître la réduction du contingent annuel d'heures supplémentaires à 90 heures en cas de modulation du temps de travail et de maintenir le contingent de 130 heures. Dans certains secteurs qui connaissent des période de travail intense, c'est une nécessité.

L'amendement 638, repoussé par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, n'est pas adopté.

Mme Roselyne Bachelot-Narquin - Je sollicite de votre bienveillance, Monsieur le Président, que M. Goulard puisse s'exprimer après moi sur notre important amendement 737.

M. le Président - Ainsi exprimée, cette demande ne peut pas être refusée ! (Sourires)

Mme Roselyne Bachelot-Narquin - Il s'agit d'un amendement de repli par rapport à nos amendements de suppression, inspiré par le souci de simplifier le dispositif et de respecter la négociation entre les partenaires sociaux. La ministre a balayé d'un revers de main la critique selon laquelle le mécanisme relatif aux heures supplémentaires est excessivement compliqué. Nous ne sommes pourtant pas les seuls à le dire : c'est l'avis des syndicats que nous avons entendus en commission. La représentante d'une organisation syndicale qui n'est pas suspecte d'opposition à votre projet nous a avoué que les experts juridiques de son syndicat ont qualifié le dispositif d'usine à gaz, dont les inspecteurs du travail seront hors d'état de vérifier le bon fonctionnement.

Nous voulons également confier l'organisation du régime des heures supplémentaires à la négociation de branche ou à la convention. Il reviendrait uniquement à la loi de se substituer aux partenaires sociaux s'ils ne parvenaient pas à se mettre d'accord.

Enfin, la rémunération de chacune des quatre premières heures supplémentaires serait majorée de 10 %, celle des huit heures suivantes de 25 %, et de 50 % au delà. Voilà une voie moyenne que toute l'Assemblée pourrait accepter de suivre .

Mme Nicole Catala - Comme le précédent, mon amendement 1029 obéit à un souci de simplification. Il s'agit d'élargir le champ de la négociation en s'inspirant du droit communautaire.

Depuis qu'a été ajouté au traité de Maastricht un protocole social, inclus dans le traité d'Amsterdam, la Commission, quand elle souhaite modifier le droit social communautaire, doit préalablement consulter les partenaires sociaux. Ceux-ci disposent de neuf mois à un an pour parvenir à un accord négocié ; s'ils y parviennent dans les délais, la Commission doit renoncer à légiférer et l'accord entre en vigueur sous la forme d'une décision du Conseil européen qui a valeur de directive.

Le droit européen donne donc la priorité à la négociation et c'est seulement en cas d'échec qu'on intervient par voie de directive. Pourquoi ce qui est bon au niveau communautaire ne le serait pas chez nous ?

Mon amendement 1029 vise, dans la même logique, à donner

à la loi un rôle subsidiaire dans le cas où les partenaires sociaux réussissent à s'entendre sur un accord de branche. La loi, alors, ne s'appliquerait plus qu'aux personnes et aux secteurs non couverts par ces accords. Les dispositions d'ordre public resteraient du domaine de la loi, mais la question des heures supplémentaires ouvre un champ immense à la négociation, d'autant que les différents accords prendraient en compte les spécificités des branches. On a davantage besoin d'heures supplémentaires dans le bâtiment ou l'informatique que dans le textile, aujourd'hui.

Vous avez poussé les partenaires sociaux à négocier : ils l'ont fait. Vous avez même étendu plusieurs accords cet été, avant de les remettre en question. Ce n'est pas acceptable. C'est la négociation qui doit prévaloir.

M. Eric Doligé - Un bon amendement, c'est un amendement qui se comprend. Tel est le cas de ceux qui viennent d'être défendus et de celui que je vais vous exposer. En revanche, je serais curieux d'entendre nos collègues m'expliquer le contenu de l'article 2 : vous êtes capables de le voter, mais pas de l'expliquer !

M. Maxime Gremetz - C'est du mépris !

M. Eric Doligé - Pas du tout. Notre président, qui s'est opposé successivement à M. Goulard et à M. Gremetz, m'a fait penser à un inspecteur du travail qui appliquerait la règle avec la plus grande rigueur. Tous n'appliquent pas de manière identique une même règle.

Par ailleurs, les entreprises évoluent, grandissent, doivent pouvoir passer des 2/8 aux 3/8. Votre texte est trop complexe pour elles.

Les investisseurs étrangers et les cabinets qui les conseillent reprochent déjà à la France, deux difficultés : un environnement juridique trop lourd et l'instabilité des décisions comme des accords, toujours remis en question.

Mme la ministre s'est étonnée de nous voir regretter la première loi sur les 35 heures. C'est tout simplement qu'un coup de bâton vaut mieux que dix !

Le président de la commission nous a déclaré connaître des chefs d'entreprise qui ont compris votre texte. Qu'il nous les amène ! Je ferai venir, quant à moi, ceux de ma circonscription, qui ne comprennent pas comment va fonctionner votre dispositif.

Mon amendement 716 vise à simplifier le régime des heures supplémentaires tout en encourageant la réduction du temps de travail. Il instaure une progressivité de la majoration salariale, en totalité affectée aux salariés, en fonction de la durée effective du travail par semaine. Par ailleurs, il maintient la possibilité d'une compensation intégrale des heures supplémentaires, majoration salariale comprise, en cas d'accord collectif ou de convention.

M. François Goulard - Je remercie le président de me laisser parler en faveur de l'amendement 737, déposé par les groupes RPR et DL. Mme Bachelot-Narquin a souhaité l'extension de la négociation collective et Mme Catala nous a ouvert des perspectives nouvelles.

Quant à M. Doligé, il a eu raison de rappeler ici les impératifs des entreprises. Tout hommage du vice à la vertu mis à part, j'estime que le législateur de 1982 s'est montré sage en prévoyant

une possibilité de dérogation conventionnelle au contingent d'heures supplémentaires. Une telle souplesse n'est pas courante dans notre droit du travail.

Nous vous proposons de conserver ce qu'il y a de protecteur dans le droit du travail, tout en appelant les partenaires sociaux à négocier en vue de conclure un accord, qui sera nécessairement plus avantageux pour eux que le droit commun. Comment s'opposer à l'ouverture d'un tel espace de négociation ? Préféreriez-vous, décidément, la réglementation à la négociation.

M. le Rapporteur - Il y en a qui aiment la négociation virtuelle et d'autres qui suscitent véritablement le dialogue social. Loin d'étouffer la négociation, nous l'encourageons.

Par ailleurs, au motif de simplifier le dispositif, vous risqueriez de le rendre plus complexe encore, puisqu'il n'y aurait plus ni un ni quatre régimes d'heures supplémentaires, mais toute une série d'accords de branche.

De tels accords, d'ailleurs, peuvent parfaitement prévoir que les heures supplémentaires ne feront l'objet d'aucune rémunération !

Il existe un ordre public social qui garantit la protection du salarié.

La commission a repoussé ces amendements.

Mme la Ministre - Les deux premiers de ces amendements, s'ils étaient adoptés, priveraient de tout effet la fixation de la durée légale du travail, sur laquelle repose notre législation depuis 1936.

Je me réjouis que Mme Catala, pour une fois, ne juge pas trop bureaucratique le fonctionnement des institutions européennes. Cependant sa comparaison n'est pas valable.

M. Doligé a reproché au texte sa complexité. A entendre les députés de l'opposition, je me rends compte que les chefs d'entreprise de leurs circonscriptions n'ont pas fait le bon choix, puisqu'à la différence de ceux de la majorité, les élus de l'opposition ne parviennent pas à leur expliquer le contenu des projets ! Il faudra que ces chefs d'entreprise réfléchissent, la prochaine fois... (Rires sur les bancs du groupe socialiste ; interruptions sur les bancs du groupe UDF, du groupe du RPR et du groupe DL)

L'amendement 737, mis aux voix, n'est pas adopté, non plus que les amendements 1029 et 716.

Mme Muguette Jacquaint - Notre amendement 210 tend à reprendre la législation actuelle en matière de majoration des heures supplémentaires. Les infractions relatives aux heures supplémentaires sont parmi les plus fréquentes et les plus graves. La durée légale hebdomadaire du travail fixe le seuil de déclenchement des heures supplémentaires. Si elle est fixée à 35 heures, la logique veut que le régime actuel des heures supplémentaires s'applique dès la 36ème heure, soit une majoration de salaire de 25 % pour chacune des huit premières heures effectuées au-delà de la durée légale. Pour que la réduction du temps de travail soit véritablement créatrice d'emploi, il convient de dissuader les entreprises de recourir aux heures supplémentaires de manière abusive en fixant un régime de majoration plus dissuasif. Si le surcoût est limité à 15 F par heure supplémentaire, les entreprises risquent d'être tentées de l'assumer plutôt que d'embaucher.

M. le Rapporteur - La commission est favorable à cet amendement qu'elle a repris sous la forme de l'amendement 170 rectifié. Elle invite donc Mme Jacquaint à retirer l'amendement 210, dont les objectifs sont satisfaits par l'amendement de la commission.

Plusieurs députés RPR, UDF et DL - Il vous balade !

Mme la Ministre - Même avis que la commission.

L'amendement 210 est retiré.

M. Bernard Accoyer - Notre amendement 526 vise à restreindre les difficultés nées de la réduction du temps de travail, qui sera manifestement inapplicable dans certains secteurs. Il tend à pérenniser le régime transitoire applicable aux quatre premières heures supplémentaires pour les entreprises artisanales, très pénalisées par la mise en _uvre obligatoire des 35 heures, dans quelques semaines pour celles qui emploient plus de vingt salariés. Elles ont besoin d'un délai d'adaptation supplémentaire.

Quant aux entreprises soumises à la concurrence internationale, il est évident qu'elles subiront du fait de la réduction du temps de travail des surcoûts importants puisqu'elles emploient en règle générale un personnel qualifié, non concerné par les abattements de charges envisagés. Confrontées à une augmentation immédiate de leurs coûts et à la baisse induite de leur compétitivité, elles risquent d'avoir recours à des délocalisations et, malgré cela, de perdre des parts de marché, voire de disparaître. Nous ne pouvons ignorer les risques que ce texte fait peser sur l'économie nationale.

M. le Président - L'amendement 143 corrigé est identique au précédent.

M. Dominique Dord - L'amendement 434 tend à bien séparer les entreprises de plus de 20 salariés, pour lesquelles l'application de l'article 2 peut être imaginée, des autres, pour lesquelles il est inapplicable compte tenu de sa complexité. Les plus petites entreprises ne disposent pas de moyens suffisants pour s'adapter au régime d'heures supplémentaires défini par cet article 2. L'amendement a donc pour objet de le réserver aux entreprises de plus de 20 salariés. Pour les autres, le coût des quatre premières heures supplémentaires ne serait pas supérieur à celui actuellement en vigueur.

M. le Rapporteur - La commission a émis un avis défavorable sur les amendements 526, 143 corrigé et 434.

Mme la Ministre - Avis défavorable également.

Les amendements 526, 143 corrigé et 434, mis aux voix, ne sont pas adoptés.

M. Bernard Accoyer - L'amendement 525 vise à simplifier le régime des heures supplémentaires en alignant, pour la période définitive, la situation des salariés des entreprises où l'horaire collectif de référence est supérieur à 35 heures sur celle des salariés des entreprises où l'horaire collectif de référence est inférieur à 35 heures. Il est en effet injuste que puissent intervenir des distorsions de salaire, sans lien avec le mérite des salariés. Ce point souligne les difficultés d'application du texte dans nombre de secteurs et en particulier pour les PME.

Contrairement à ce qui a été dit récemment, M. Delmas, président de l'Union professionnelle artisanale, est d'ailleurs opposé aux 35 heures.

M. Germain Gengenwin - Notre amendement 862 a la même inspiration. Prétendre faire payer aux salariés, qui n'en sont pas responsables, le refus de leur entreprise de s'engager dans une négociation sur la réduction du temps de travail, en les ponctionnant d'une partie de leur bonification au profit du fonds pour l'emploi, paraît extrêmement contestable. D'autant qu'il existe un risque de distorsion entre les salariés des entreprises qui ont négocié la réduction du temps de travail et les autres.

Les amendements 525 et 862, repoussés par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, ne sont pas adoptés.

M. Patrick Malavieille - L'amendement 209 tend à faire disparaître l'ambiguïté née de la notion de durée «considérée comme équivalente». Pendant cette durée, le salarié est nécessairement à la disposition de l'employeur, au sens de l'article L. 212-4 du code du travail.

Il s'agit donc d'un temps de travail effectif. A la durée légale hebdomadaire définie par l'article L. 212-2 du code du travail ne peut être associée une durée «considérée comme équivalente». Cette notion crée un flou qui n'a rien d'artistique : ou bien il s'agit d'un temps sans rapport avec une durée de travail effectif,

ou bien cette durée s'apparente bel et bien à du travail effectif, le salarié devant être à la disposition de son employeur.

Evitons une telle ambiguïté, les salariés ont besoin de sécurité juridique.

M. le Rapporteur - Défavorable.

Mme la Ministre - Défavorable.

L'amendement 209, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Bernard Accoyer - Mon amendement 527 vise à pérenniser le régime transitoire applicable aux quatre premières heures supplémentaires dans les entreprises artisanales. Le président de l'UPA a confirmé l'opposition de celles-ci aux 35 heures ; ce n'est pas parce qu'elles ont essayé d'anticiper les difficultés en adoptant des pis-aller qu'elles sont favorables au système...

M. Dominique Dord - On nous avait annoncé dans les discussions préalables qu'il y aurait un régime spécifique pour les toutes petites entreprises ; finalement ce n'est pas le cas. Afin de préserver autant que faire se peut les petites entreprises, notre amendement 435 tend à pérenniser le régime transitoire applicable aux entreprises de 20 salariés au plus, lequel fixe à 10 % le taux de majoration entre la trente-sixième et la trente-neuvième heure.

M. le Président - Vous proposez la même chose dans votre amendement 142, Madame Mathieu-Obadia, avec le gage en plus.

M. le Rapporteur - Avis défavorable aux trois amendements.

M. Claude Bartolone, ministre délégué à la ville - Défavorable.

L'amendement 527, mis aux voix, n'est pas adopté, non plus que les amendements 435 et 142.

M. Maxime Gremetz - Notre amendement 211, qui vise à supprimer les quatrième à huitième alinéas du II, est très important. En effet, si le projet était adopté en l'état, pour la première fois les salariés seraient privés d'une partie de la rémunération de leurs heures supplémentaires, puisqu'on prélèverait 10 % au bénéfice d'un fonds. C'est inacceptable, pour des raisons de justice et de morale.

M. François Goulard - Vous avez raison !

M. Maxime Gremetz - Nous allons donc demander un scrutin public.

M. le Rapporteur - Défavorable.

M. le Ministre - Défavorable.

M. le Président - Je suis saisi par les groupes RPR (Murmures) et communiste d'une demande de scrutin public.

A la majorité de 75 voix contre 58 sur 135 votants et 133 suffrages exprimés, l'amendement 211 n'est pas adopté.

M. François Goulard - Constatons que nous sommes ici un certain nombre, au sein de groupes différents, à juger particulièrement choquante la disposition qui spolie les salariés d'une partie du fruit de leur travail.

Notre amendement 273 tend, lui aussi, à supprimer cette anomalie choquante, et je rappelle, en outre, que le surcoût imposé aux heures supplémentaires s'ajoute à celui qu'entraînera, malgré les dénégations réitérées de Mme la Ministre, le passage même aux 35 heures : 11,4 % pour le SMIC en tout état de cause.

L'amendement 273, repoussé par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Yves Cochet - Nous trouvons intéressant, quant à nous, ce système de vases communicants entre les entreprises qui seront passées aux 35 heures et les autres. La contribution sera une incitation à négocier (Exclamations sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL). Ce qui est scandaleux, en revanche, c'est que l'on demande 10 % aux salariés et rien aux patrons. Nous proposons donc, par l'amendement 992, que ces derniers contribuent également pour 10 %, soit un total de 35 %.

L'amendement 992, repoussé par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Bernard Accoyer - L'amendement 528 est de repli par rapport à celui de M.  Gremetz... (Sourires) Il s'agit de réparer l'injustice faite aux salariés les plus modestes, en laissant à ceux qui touchent moins de deux fois le smic le libre choix entre bonification pécuniaire et repos compensateur. Encore une fois, les conséquences de la loi seront néfastes aux salariés : modération des revenus, impossibilité de travailler davantage, mise en péril de nombreux secteurs économiques. Il est donc naturel que des députés de tous bords se soient retrouvés tout à l'heure contre un Gouvernement dont il est difficile d'expliquer logiquement la démarche. Comme nous attachons une très grande importance à cet amendement, nous demandons un scrutin public.

M. le Rapporteur - Je vois quelque contradiction entre la priorité que vous dites donner à la négociation et votre refus que celle-ci tranche le débat entre rémunération accrue et repos compensateur (Protestations sur les bancs du groupe du RPR). Sur le fond, la commission entend marquer que le repos est la norme et la majoration financière l'exception.

Mme la Ministre - Même avis.

A la majorité de 92 voix contre 48 sur 141 votants et 140 suffrages exprimés, l'amendement 528 n'est pas adopté.

Mme Marie-Thérèse Boisseau - Tous les arguments ont été échangés, sauf un, je crois : le Gouvernement s'était engagé, dans la discussion de la première loi, à ne pas faire supporter aux salariés les conséquences financières de la réduction du temps de travail et à maintenir leur pouvoir d'achat. Je me permets de le rappeler à l'appui de notre amendement 831...

L'amendement 831, repoussé par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. François Goulard - Notre amendement 327 vise à laisser aux salariés le choix entre les deux modes de compensation. Il est dangereux, nous en sommes persuadés, de réduire à terme la possibilité qu'ont les entreprises de recourir aux heures supplémentaires, car cela ne les amènera pas à embaucher davantage : les heures supplémentaires ne sont pas pour elles une commodité, mais une nécessité, car des embauches seraient risquées, compte tenu de l'incertitude de leurs carnets de commandes. En imposant le repos compensateur, vous allez réduire les capacités de production, créer des goulots d'étranglement qui nuiront à la croissance, à l'emploi et au pouvoir d'achat, objectifs que vous prétendez pourtant être les vôtres.

M. le Rapporteur - Défavorable. Je rappelle que le repos compensateur pour le paiement des heures supplémentaires a été introduit par une majorité précédente...

Mme la Ministre - Même avis.

L'amendement 327, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Dominique Dord - Nous proposons par l'amendement 897 corrigé de rédiger ainsi la dernière phrase du cinquième alinéa du II de cet article : «A défaut de convention ou d'accord collectif ou de convention ou d'accord d'entreprise ou d'établissement prévoyant que la majoration est attribuée sous forme de repos, celle-ci donne lieu à un paiement au salarié». En effet, en imposant une bonification sous forme de repos à défaut d'un accord collectif, ce texte met les entreprises dans une situation très défavorable.

M. Yves Cochet - Elles embaucheront !

M. Dominique Dord - Non, car toutes ne pourront pas conclure un accord. Et celles qui ne le pourront pas ne disposeront pas nécessairement de la flexibilité nécessaire pour aménager le repos correspondant.

M. Eric Doligé - Mme le ministre a fait une remarque sur les chefs d'entreprise de ma circonscription, qui éventuellement ne seraient pas bien informés sur la loi. En fait il ne s'agit pas de ceux de ma circonscription, mais de la circonscription mitoyenne, qui est celle de M. Lang.

Mme la Ministre - Tout s'explique... (Sourires)

M. Eric Doligé - Il est de fait qu'ils ont beaucoup de mal à comprendre ce texte.

J'en viens à mon amendement 714. Pourquoi les salariés font-ils des heures supplémentaires ? Est-ce pour obtenir un repos compensateur ? Il est clair que ce qu'ils souhaitent, c'est un supplément de salaire. Je ne comprends donc pas pourquoi, s'il n'y a pas une demande de leur part en ce sens, on leur donne une compensation en temps. Vous inversez les facteurs : ce qui est normal, c'est qu'il y ait automatiquement une augmentation de salaire, et un repos compensateur si les salariés en font la demande.

M. le Rapporteur - Défavorable.

Mme la Ministre - Défavorable.

L'amendement 897 corrigé, mis aux voix, n'est pas adopté, non plus que l'amendement 714.

M. Eric Doligé - La majoration va s'appliquer à l'ensemble du salaire. Si elle s'applique aux primes et autres éléments annexes du salaire, on risque de voir disparaître à terme ces éléments complémentaires de rémunération, ce qui pénaliserait les salariés, perspective que vous semblez depuis quelque temps accepter assez facilement. Mon amendement 717 tend donc à exclure ces éléments complémentaires de l'assiette de la contribution.

M. Hervé Morin - Par l'amendement 833, Madame la ministre, je souhaite vous interroger sur le contenu de la notion de «contrepartie directe du travail fourni», afin d'éviter tout litige sur l'assiette de la contribution. Faut-il y inclure les gratifications de fin d'année, ou encore les éléments de gratuité offerts éventuellement par l'entreprise, comme un voyage, ou la gratuité des crèches, etc ? Je retirerai éventuellement mon amendement en fonction de vos explications.

M. le Rapporteur - Avis défavorable sur ces deux amendements. On dit que les salariés sont spoliés par ce dispositif. Il faut clarifier ce point : le partage des 25 % en 15 % pour la bonification et 10 % pour la contribution s'applique aux salariés restés à 39 heures. Ils continuent à être rémunérés sur ces heures en tant qu'heures normales, à quoi s'ajoute la bonification : on ne leur retire donc pas 10 %. La réalité, c'est 100 % pour un salarié à 39 heures, 115 % à 39 heures dans une entreprise de plus de vingt salariés, et 125 % pour ceux qui sont passés à 35 heures. C'est simple, et ce n'est pas de la spoliation.

Mme la Ministre - Dans notre constant souci de simplification (Murmures sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL), nous n'avons pas souhaité modifié l'assiette des heures supplémentaires, bien connue de la Cour de cassation qui la définit comme composée des rémunérations directement liées à la durée du travail.

Sont donc pris en compte des éléments comme les primes de rendement, mais non les remboursements de frais ou les primes d'ancienneté, qui ne sont pas liés à la durée du travail.

L'amendement 717, mis aux voix, n'est pas adopté, non plus que l'amendement 833.

M. le Rapporteur - L'amendement 169 apporte une harmonisation entre les entreprises passées à 35 heures et celles qui sont restées à 39 heures. Dans le dispositif prévu en effet, le coût des heures supplémentaires est de 115 % dans les secondes, contre 125 % dans les premières : il est souhaitable de rétablir l'égalité dans ce sens -mais non en sens inverse, puisqu'il s'agit d'inciter à passer aux 35 heures.

L'amendement 169, accepté par le Gouvernement, mis aux voix, est adopté.

M. le Rapporteur - L'amendement 170 rectifié prévoit que la majoration des heures supplémentaires à 50 % sera déclenchée par la huitième heure après les 35 heures, soit la quarante-troisième, comme elle l'est aujourd'hui par la quarante-septième. Cette adaptation du droit à la modification de la durée du travail est le résultat d'observations justifiées de Mme Jacquaint et M. Gremetz.

M. Yves Cochet - Notre amendement 993 est identique.

Mme la Ministre - Favorable.

M. François Goulard - Contre ces amendements.

Permettez-moi d'exprimer mon étonnement. Je suppose que ce texte a été sérieusement étudié par les services du ministère du travail, et que ce n'est pas un hasard si le Gouvernement, dans son projet, maintenait la limite à 47 heures au lieu de la ramener à 43.

L'explication de Mme le ministre est assez succincte, pour un tel changement de pied. Il y va de quatre heures et de 25 % de majoration en plus, ce qui n'est pas négligeable. Je constate que certains membres de la majorité plurielle ont voulu durcir ce texte, que le rapporteur leur a prêté la main, et que le Gouvernement accepte ce durcissement pour s'attirer les bonnes grâces du groupe communiste et du groupe RCV, sans nous donner de véritable explication. Je me réjouis naturellement de voir les salariés accroître leur revenu grâce aux heures supplémentaires. Mais il y a à cela une limite : c'est que les entreprises puissent le supporter. Obliger certaines entreprises à une majoration de 50 % au lieu de 25 % pourra les conduire à ne plus pratiquer ces heures supplémentaires. Une entreprise n'embauche pas parce qu'on l'empêche de recourir aux heures supplémentaires. Elle embauche si son carnet de commandes offre une certaine prévisibilité. L'embauche est un investissement, qui comporte des risques, et c'est souvent par crainte d'une baisse de leur niveau d'activité que les entreprises, notamment petites, refusent ce risque et préfèrent les heures supplémentaires. Ce n'est pas parce que vous les empêcherez d'y recourir qu'elles embaucheront davantage : voilà bien votre conception mécaniste du travail ! Non, en économie il n'existe pas une masse intangible d'heures de travail que vous pourriez répartir par la loi ! Vous êtes les seuls parmi les dirigeants en Europe à penser cela !

Les amendements 170 rectifié et 993, mis aux voix, sont adoptés.

Mme Roselyne Bachelot-Narquin - Je demande une courte suspension de séance.

La séance, suspendue à 23 heures 45, est reprise à 0 heure ce mercredi 13 octobre.

M. Maxime Gremetz - L'amendement 213 est défendu.

L'amendement 213, repoussé par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, n'est pas adopté.

Mme Marie-Thérèse Boisseau - Notre amendement 865 tend à préciser que les heures supplémentaires sont comptées à partir de la 35ème heure, afin de ne pas pénaliser les entreprises où la durée du travail a été abaissée à 32 ou 33 heures.

M. le Rapporteur - L'état actuel du droit vous donne déjà satisfaction.

L'amendement 865 est retiré.

Mme Muguette Jacquaint - Notre amendement 212 vise à restaurer l'exécution d'heures supplémentaires en cas de difficultés de recrutement. Il s'agit de prendre en compte l'évolution du travail, mais aussi les différents taux de chômage, qui varient selon les branches. Il faut en revanche encourager l'embauche dans les secteurs d'activités où l'ANPE du département recense des chômeurs.

Les pénuries de main-d'_uvre devront être attestées par l'ANPE.

M. le Rapporteur - La question est d'importance. L'INSEE a recensé l'année dernière 400 millions d'heures supplémentaires, ce qui correspond à 230 000 emplois à temps plein. Il ne s'agit là que d'heures déclarées et le phénomène doit être encore plus important dans la réalité. Cependant, je ne suis pas sûr que le dispositif proposé soit satisfaisant, car il poserait des problèmes de gestion aux directions départementales du travail et à l'ANPE. Avis défavorable.

Mme la Ministre - Même avis.

M. Germain Gengenwin - Mon groupe soutiendra cet amendement, puisque nous en avions déposé un presque identique à l'article premier en vue d'obtenir un report de deux ans dans les secteurs affectés par une pénurie de main-d'_uvre qualifiée.

Mme Muguette Jacquaint - Monsieur le Rapporteur, vous me dites que les directions départementales et l'ANPE auront du mal à recenser les chômeurs. Ceux-ci, pourtant, sont bien recensés quelque part !

Il y a de nombreuses discriminations à l'embauche. Beaucoup de chômeurs, qui ont des qualifications recherchées, ne sont pas recrutés à cause de leur faciès ou de leur nom. Le dispositif qui vous est proposé contribuerait à lutter contre de telles discriminations.

M. Bernard Accoyer - Le groupe RPR votera contre cet amendement, inapplicable tel qu'il est rédigé. Cependant, le groupe communiste soulève une difficulté réelle : il existe des secteurs, comme le décolletage, qui ignorent le chômage. Les entreprises qui, dans ces secteurs, réduiront le temps de travail, ne trouveront pas de personnel à recruter. Faudra-t-il qu'elles réduisent de 11,2 % leur capacité de production ?

Madame la ministre, vous avez déjà fait savoir que l'Etat était prêt à participer au financement de certaines formations. Mais pour former, il faut du temps, ce qui rend nécessaire un échelonnement de la réduction du temps de travail.

L'amendement 212, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Bernard Accoyer - Mon amendement 529 vise à donner aux salariés le choix d'être rémunéré soit par le repos compensateur, soit par le paiement des heures supplémentaires. Tout travail mérite salaire.

Ce texte compromet l'avenir des salariés eux-mêmes.

Je voudrais citer un ancien membre de votre Gouvernement, que M. Strauss-Kahn avait voulu envoyer en tournée en province pour expliquer que les 35 heures allaient créer 700 000 emplois. «J'ai simplement dit que je n'étais pas sûr que cette loi allait créer ces emplois. La suite m'a donné raison», a déclaré Jacques Dondoux au Dauphiné Libéré.

M. le Président - Trop de décalages horaires lui avaient sans doute fait perdre ses repères... (Sourires)

L'amendement 529, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. François Goulard - Mes amendements 328 et 329 visent à supprimer l'adjectif «étendu» après les mots «accords de branche».

Le ministre de l'emploi fait en effet un usage contestable des arrêtés d'extension, par lesquels, avec un certain arbitraire, elle se dote d'un pouvoir réglementaire nouveau. Pour des extensions d'accord particulièrement sélectives, elle remet en cause le rôle des partenaires sociaux.

M. le Rapporteur - Avis défavorable.

Mme la Ministre - Même avis. Je ne peux pas laisser passer ce qui vient d'être dit. Sur 67 accords, un seul n'a pas été étendu, parce qu'il contenait des clauses illégales et que les partenaires sociaux l'ont dénoncé. On ne peut pas dire que le Gouvernement n'étend pas les accords de branche.

L'amendement 328, mis aux voix, n'est pas adopté, non plus que l'amendement 329.

M. Christian Paul - A première vue, le système du repos compensateur est séduisant et va dans le sens de la réduction du temps de travail. Cependant, il peut aussi devenir l'instrument de flexibilité par excellence, en l'absence de tout calendrier et de tout délai de prévenance. En outre, les heures ainsi récupérées ne s'imputeraient pas sur le contingent d'heures supplémentaires.

C'est pourquoi, à défaut de calendrier et de délai de prévenance, nous exigeons que les heures effectuées soient imputées sur le contingent d'heures supplémentaires. Le repos compensateur ne doit pas être instrumentalisé par le patronat ni constituer un moyen pour lui d'exprimer son opposition aux 35 heures ou de financer la flexibilité.

M. Yves Cochet - Notre amendement 994, qui est identique, tend à dénoncer un dispositif qui joue, pourrait-on dire, à contre-emploi. En ne déclarant pas dans le contingent des heures supplémentaires les heures effectives ayant donné lieu à un repos compensateur, le texte reprend une création de la loi quinquennale de 1993 proposée par le gouvernement Balladur. Or l'efficacité de la loi se mesurera à la limitation du recours aux heures supplémentaires dès l'an 2000. En aboutissant mécaniquement à une augmentation du volume autorisé d'heures supplémentaires, l'avant-dernier alinéa du II de l'article 2 va contre l'esprit de la loi.

M. le Rapporteur - La commission n'est pas favorable à l'amendement 994. Lorsqu'elles ouvrent droit à repos compensateur, les heures supplémentaires sont en quelque sorte « surcompensées » à hauteur de 125 %. Il s'agit donc d'un mécanisme favorable à une réduction effective du temps de travail du salarié.

Mme la Ministre - Dans la loi, seules les heures supplémentaires au-delà du contingent de 130 heures sont compensées. Si, par la négociation, l'employeur accepte d'ouvrir droit à repos compensateur pour des heures supplémentaires effectuées sous le plafond des 130 heures, il n'y a pas lieu de l'en dissuader. Il faut au contraire faciliter le recours au repos compensateur. Le Gouvernement est donc défavorable à l'amendement 214.

M. François Goulard - Les arguments de Mme la ministre et de la commission m'ont convaincu et je souhaitais souligner ce point d'accord. Je m'étonne en revanche des amendements de surenchère que défendent nos collègues communistes...

M. Maxime Gremetz - Pas du tout !

M. François Goulard - Mme Jacquaint se souciait tout à l'heure de la préservation des capacités productives des entreprises. Or les amendements du groupe communiste tendent à présent à affaiblir la situation de l'économie du pays !

Les amendements 994 et 214, mis aux voix, ne sont pas adoptés.

M. Bernard Accoyer - L'amendement 131 corrigé a pour objet de donner aux entreprises, menacées dans leurs capacités de production, des marges de man_uvre significatives. Il s'agit notamment de limiter les risques de délocalisations ou de disparitions d'entreprises.

Cet amendement de repli vise donc à ralentir ce mouvement inexorable de déclin économique en portant à 188 le contingent d'heures supplémentaires autorisées.

M. François Goulard - Notre amendement 330 est identique. Certaines professions se sont engagées dans des politiques louables de réduction de l'horaire collectif, établies sur plusieurs années. Celles-ci sont prises à contre-pied par les 35 heures. Il convient donc, pour assurer la pérennité des démarches engagées, de porter à 188 heures le contingent d'heures supplémentaires de droit commun, afin de maintenir la durée légale hebdomadaire à 39 heures. Le Gouvernement qui prône une transition douce, trouverait là un moyen souple et compréhensible par tous de faciliter l'évolution en fixant un contingent d'heures supplémentaires de droit commun compatible avec un maintien de l'horaire actuel.

M. le Rapporteur - La commission émet un avis défavorable. La rédaction de l'article 2 est satisfaisante en ce qui concerne la période d'adaptation. Sous le seuil de 130 heures, le contingent d'heures supplémentaires est d'utilisation libre ; au-delà, les heures effectuées doivent donner lieu à un repos compensateur supérieur à 100 %.

Mme la Ministre - Avis défavorable également.

Les amendements 131 corrigé et 330, mis aux voix, ne sont pas adoptés.

M. Alain Veyret - La définition de la semaine civile est différente de celle suivie jusqu'alors par la jurisprudence, qui précise que la semaine civile débute le dimanche à 0 heure et se termine le samedi à 24 heures.

Dans les entreprises travaillant par cycles, la définition retenue peut aboutir à un dépassement de la durée légale de travail.

A titre d'illustration, le personnel de nuit d'un établissement hospitalier souhaitant disposer de trois jours de repos consécutifs voit, en fonction de la nouvelle définition de la semaine civile, la première semaine, sa durée de travail hebdomadaire portée à 5 jours, soit 50 heures, et la deuxième semaine à 2 jours, soit 20 heures, avec des nuits de 10 heures.

Afin de répondre aux desiderata des personnels travaillant par cycles, l'amendement 1017 propose de déroger à la définition de la semaine civile du lundi 0 heure au dimanche minuit. Cette dérogation ne serait possible que dans le cadre d'un accord d'entreprise.

M. le Rapporteur - La commission est favorable à l'amendement 1017.

Mme la Ministre - Le Gouvernement l'est également.

L'amendement 1017, mis aux voix, est adopté.

M. Bernard Accoyer - Nous en arrivons au point III de l'article 2 qui est l'un des paragraphes les plus critiques du projet, que les critiques émanent du Conseil d'Etat ou des partenaires sociaux.

Ce point III se reporte en effet à un « fonds », qui reste à créer, chargé d'encaisser des recettes dont on ignore le niveau, pour régler des dépenses que le Gouvernement avoue ne pas connaître avec précision ! Ce fonds de financement de la réforme des cotisations patronales de sécurité sociale intervient après bien d'autres, tant l'on assiste à une forme d'inflation dans la création de fonds divers, abondés par des recettes existantes ou non. Je pense notamment au fonds de réserve des retraites par répartition, dont le montant prévisionnel est notoirement insuffisant et qui n'a bénéficié à ce jour d'aucun versement.

Il n'est pas admissible de prévoir des surtaxes sur les salaires pour couvrir le coût des 35 heures ! Et il n'est pas plus acceptable de prévoir une contribution sur les fonds sociaux de la nation, qu'il s'agisse de la Sécurité sociale ou de l'UNEDIC. Les partenaires sociaux sont légitimement outrés. A quel titre l'Etat s'arroge-t-il le droit de prélever pour financer la réduction du temps de travail, qui est par nature une dépense à sa charge, des cotisations qui

correspondent à des pensions vieillesse ? La création de ce fonds constitue l'une des provocations les plus fortes de ce projet de loi. C'est pourquoi notre amendement 530 vise sa suppression.

Je me permets cependant, Madame le ministre, de vous féliciter pour l'habillage que vous avez su donner à cette mesure, en la présentant comme un progrès alors qu'elle ne fera qu'alourdir le coût unitaire du travail.

M. Maxime Gremetz - Notre amendement 215 est de cohérence : tout à l'heure, nous avons demandé que la majoration applicable aux heures supplémentaires aille en totalité aux salariés ; logiquement, nous proposons maintenant de supprimer le fonds qu'il est prévu d'alimenter par la contribution de 10 %.

Notre argumentation est différente de celle de nos collègues, qui ne cessent de geindre sur le sort des entreprises... Je les invite à écouter quelques chiffres.

D'après mes calculs, pour un salarié au SMIC, l'aide prévue représente 110 102 F par an ; or le smicard coûte 123 858 F : les employeurs n'en seront de leur poche que pour la différence entre ces deux chiffres, c'est-à-dire pas grand-chose.

Si le salaire est de 8 000 F, l'aide atteint 183 904 F, pour un coût de 144 000 F : autrement dit, un patron qui embauche quelqu'un à ce niveau de salaire non seulement n'aura rien à payer, mais fera du bénéfice !

Si le salaire est de 10 000 F, l'aide s'élève à 163 200 F, pour un coût de 180 000 F : là encore, le salarié embauché ne coûte pas cher au patron.

J'ajoute qu'une entreprise peut avoir un apprenti pour 50 000 F. Dans ces conditions, de qui se moque-t-on en prétendant qu'on met en péril les entreprises ?

Si mes collègues doutent de mes calculs, sans doute croiront-ils un patron, M. Buguet, qui a expliqué que la baisse des cotisations patronales pour un smicard serait de 14 %. Il a ajouté : «la flexibilité accrue va nous permettre de gagner en productivité».

M. François Goulard - J'ai hâte d'avoir confirmation des chiffres de notre collègue Gremetz par le Gouvernement car je n'imaginais pas que l'Etat puisse se montrer aussi généreux...

Pour notre part, nous proposons par notre amendement 331 de supprimer l'alinéa créant le fonds car nous dénonçons le marché de dupes qu'on veut passer avec les entreprises : les recettes du fonds seront pour celles-ci des charges nouvelles. Le Gouvernement veut même ponctionner les organismes de sécurité sociale, pour participer au financement des allégements qui les pénalisent ! C'est totalement absurde.

Faire des prélèvements supplémentaires sur les entreprises pour financer des allégements de cotisations n'a aucun sens. Il faut dire qu'il est difficile de financer le non-travail !

M. Eric Doligé - M. Gremetz a fait la démonstration que ce texte n'est pas acceptable. Il faudra qu'il fasse paraître ses chiffres !

Je demande moi aussi par mon amendement 715 la suppression du paragraphe III car la totalité de la majoration appliquée aux heures supplémentaires doit aller aux salariés.

M. le Rapporteur - La commission a repoussé les amendements.

M. Bernard Accoyer - Votre avis sur les chiffres de M. Gremetz, Monsieur le rapporteur ?

Mme la Ministre - Nous réalisons une réforme des cotisations patronales qui, à terme, devra coûter environ 105 milliards, 65 au titre de la baisse des charges et 40 pour la compensation du coût de la baisse de la durée du travail. Ces chiffres ne sont pas contestés par les organisations patronales.

Au niveau du SMIC, les charges seront réduites de 21 500 F. Pour tout salaire de moins de 10 000 F, une fois déduit le coût de la réduction de la durée du travail, la baisse du coût du travail sera en moyenne de 5 %. Vous, lorsque vous avez décidé des abaissements de charges, vous ne les avez pas fait payer par les entreprises, mais par les ménages !

Ce que nous voulons, c'est favoriser les entreprises de main-d'_uvre, de services, le commerce, l'artisanat, et financer les baisses supplémentaires de charges en taxant les entreprises qui polluent l'environnement et remplacent l'homme par la machine. Vous ne l'avez peut-être pas compris, mais mon boucher et mon boulanger de Lille, eux, l'ont compris ! (Exclamations sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL)

Mme Jacqueline Mathieu-Obadia - Nous n'avons pas le même boulanger !

L'amendement 530, mis aux voix, n'est pas adopté.

Les amendements 215, 331, 628 et 715, mis aux voix, ne sont pas adoptés.

M. Bernard Accoyer - Quelle ne fut pas ma surprise, en me penchant sur le projet de loi de financement de la Sécurité sociale, de constater qu'en fait de réforme des cotisations patronales, vous alimentez un fonds de 65 milliards environ en y mettant les 39,5 milliards de la ristourne Juppé -reconnaissant par là-même que c'était le seul moyen de faire face au chômage des salariés peu qualifiés...

M. le Président - Souffrez que je vous ramène à la défense de votre amendement 779, relatif à la composition du conseil d'administration du fonds... (Protestations sur les bancs du groupe du RPR)

M. Bernard Accoyer - Je refuse cette censure ! (Protestations sur les bancs du groupe socialiste) Mon propos est justifié par le fait que les partenaires sociaux, à qui il revient de gérer ce fonds, sont tout de même concernés au premier chef lorsque l'on ponctionne 17,5 milliards sur l'assurance vieillesse, l'assurance maladie, la branche famille, l'UNEDIC, l'AGIRC et l'ARRCO pour financer les 35 heures ! C'est un détournement absolument scandaleux !

M. le Président - Mon intervention est également justifiée : par l'article 54 du Règlement, qui dispose que «l'orateur ne doit pas s'écarter de la question, sinon le Président l'y rappelle»...

M. Bernard Accoyer - Il ressort de ce que j'ai dit que le fonds doit être administré par un conseil d'administration composé en majorité de représentants des partenaires sociaux.

L'amendement 779, repoussé par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Yves Cochet - Je retire l'amendement 995.

M. Alain Tourret - Très bien !

Mme Gilberte Marin-Moskovitz - La période transitoire permettra aux entreprises de continuer à faire travailler leur personnel 39 heures sans être pénalisées, ou presque. La réduction de la seule durée légale n'aura que peu d'impact sur l'emploi. Il faut au contraire renchérir immédiatement, et de façon dissuasive, les heures supplémentaires, en appliquant une majoration de 25 % dès la trente-sixième heure et dès le 1er janvier 2000 pour les entreprises de plus de vingt salariés, ainsi qu'en supprimant le délai de grâce d'un an pour les autres, qui disposent déjà de deux années supplémentaires pour s'adapter.

M. Yves Cochet - Notre amendement 1022 est identique. Je m'interroge, en vérité, sur la justification de la période d'adaptation. Les entreprises de moins de vingt salariés n'auront-elles pas déjà eu trois ans et demi, à compter du 3 juin 1998, pour se préparer ? Quant aux entreprises de plus de vingt salariés qui ont signé des accords ou vont le faire sans attendre le 1er janvier 2000, elles ont intégré les majorations, auxquelles elles étaient au reste déjà habituées, dans leurs calculs. Restent les autres, qu'on peut qualifier, sans taquinerie, de «réticentes», voire d'«immobilistes». Pourquoi seraient-elles avantagées par rapport aux précédentes ? Cela dit, je suis prêt à me rendre à des arguments qui seraient convaincants.

M. le Rapporteur - La période d'adaptation constitue à nos yeux le meilleur moyen d'atteindre notre objectif en matière d'emploi. Négocier un bon accord, comportant une réorganisation du travail, prend six à neuf mois. Si, comme le réclame l'opposition, nous appliquions les 35 heures de façon brutale et uniforme, les entreprises seraient incitées à continuer de fonctionner comme par le passé, en se résignant à payer les nouvelles majorations pour heures supplémentaires, et notre objectif ne serait pas atteint. Pour qu'il le soit, une modulation des rémunérations et des contingents est nécessaire, et c'est pourquoi je demande à M. Cochet, sans grand espoir, de retirer son amendement.

M. le Président - Le groupe communiste a demandé un scrutin public sur les amendements 707 et 1022.

Mme la Ministre - Si nous voulons, et ce n'est pas facile, réduire le chômage, nous devons à la fois préserver la compétitivité des entreprises, permettre aux salariés de vivre mieux et de travailler dans de meilleures conditions et mettre sur pied un montage financier tel que la création d'emplois soit la plus élevée possible. C'est pourquoi nous mettons dans la loi ce qui relève d'elle, à savoir la durée légale, les maxima, les majorations, les protections et garanties, tout en incitant les entreprises à conclure des accords qui tiennent compte de l'ensemble des éléments en jeu : les besoins de la clientèle, l'utilisation des équipements, mais aussi, et c'est une première, la vie hors travail. Tout ceci, comme l'a expliqué votre rapporteur, prend du temps si l'on veut parvenir à un accord qui ne soit pas bâclé. Si, au contraire, nous imposions la date couperet du 1er janvier 2000, nous ne pourrions pas obtenir l'ouverture de négociations dans de bonnes conditions. Les entreprises savent bien, en effet, que la baisse des charges est liée à la conclusion d'un accord, et les organisations syndicales savent qu'elles disposent d'un levier pour aboutir.

Si nous voulons un accord, il faut laisser du temps à la négociation, ce que nous ne ferions pas en tenant une date comme le 1er janvier 2000. Cela entraînerait -peut-être est-ce ce que veut l'opposition- une décision rapide et unilatérale du chef d'entreprise, soit pour réduire les salaires, soit pour rester à 39 heures en payant des heures supplémentaires, le tout sans création d'emplois. Pour éviter cela nous devons prendre l'année qui vient pour réussir les négociations, condition de la réussite. Comme je sais que vous croyez aussi à la négociation, je souhaiterais que vous renonciez à défendre cet amendement.

M. Eric Doligé - Ce débat est quelque peu surréaliste, et je suis surpris par des amendements comme celui de Mme Marin-Moskovitz et de M. Cochet. Ici, à l'Assemblée, pendant que les entreprises se battent pour être compétitives et ne pas délocaliser, nous sommes en train, au détour d'amendements, d'alourdir le coût du travail !

Je prendrai un exemple : celui d'une entreprise de 400 personnes dans mon département. Elle a calculé que, compte tenu des aides, la mesure allait lui coûter 7,5 millions, car elle va passer aux 35 heures en payant 39.

M. Maxime Gremetz - Et combien va-t-elle gagner ? Il faut voir les deux côtés, y compris les exonérations.

M. Eric Doligé - Que va-t-il se passer ? Elle a un autre site en région parisienne : face à l'enchérissement du coût du travail, elle va tout regrouper sur un seul site et investir dans la productivité. D'autant qu'elle est allée voir une entreprise de Cracovie, et a constaté que là-bas le salaire d'un cadre était de 12 000 F par an, contre 12 000 F par mois ici ... Que voulez-vous qu'elle fasse ? (Exclamations sur les bancs du groupe communiste) Mais il est inutile de vous démontrer les choses : vous ne savez pas ce qu'est une entreprise (Mme la ministre s'exclame). Je connais, Madame la ministre, le profil de carrière de chacun d'entre nous ; mais vous n'êtes pas allée voir ce que cela donne sur le terrain. Je vous donne rendez-vous dans trois ans : vous verrez les vrais résultats.

M. Maxime Gremetz - Monsieur le Président...

A la majorité de 74 voix contre 13, sur 87 votants et 87 suffrages exprimés, les amendements 707 et 1022 ne sont pas adoptés.

M. Maxime Gremetz - Je demande une suspension. Ce qui vient de se passer, Monsieur le Président, est sérieux. Il est impossible d'obtenir la parole.

M. le Président - Ce qui est impossible, c'est, quand un vote est commencé, de l'interrompre.

La séance, suspendue à 1 heure 5, est reprise à 1 heure 15.

M. Yves Cochet - J'émets deux hypothèses. Je suis sensible, et c'est la première hypothèse, à l'argumentation du rapporteur et de la ministre, expliquant que les entreprises ont besoin, pour négocier, d'une certaine période d'adaptation. La deuxième hypothèse, c'est que, selon vous, le délai nécessaire va de 6 à 9 mois. Grâce à mon amendement 996, les entreprises sauraient dès à présent à quoi s'en tenir, et disposeraient ainsi, d'ici le 1er juillet 2000, de huit mois et demi. Si ces deux hypothèses étaient satisfaites, tout irait bien.

M. le Rapporteur - M. Cochet propose en somme de couper la poire en deux. Nous préférons conserver le fruit dans son intégralité.

Mme la Ministre - Je me rallie à cette belle formule !

M. Bernard Accoyer - Comme c'est touchant !

L'amendement 996, mis aux voix, n'est pas adopté.

Les amendements 334 corrigé et 146, successivement mis aux voix, ne sont pas adoptés.

M. Yves Cochet - Je retire l'amendement 997.

M. Bernard Accoyer - Notre amendement 531 est de repli. Nous tentions de restreindre les dispositions néfastes du texte, que M. Cochet cherche au contraire à aggraver. Parmi ces dispositions figure le coût du travail, mais aussi d'autres éléments qui pénalisent les entreprises, par exemple la contribution destinée à alimenter de façon détournée le fonds que vous créez, en procédant en fait à un détournement de fonds (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe RCV). Il y avait pourtant d'autres urgences, comme de conforter les régimes sociaux, de garantir les retraites, d'assurer une véritable sécurité sociale. Mais non ! Le Gouvernement a choisi, pour financer une mesure décidée sur un coin de table, de faire payer chaque année 100 milliards de plus aux Français et aux entreprises.

L'amendement 531, repoussé par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Jean Pontier - Les amendements 843 et 191 sont retirés.

M. Yves Cochet - Notre amendement 998 tend à supprimer une discrimination, une sorte d'apartheid social, qui veut que, dans les entreprises de moins de dix salariés, le repos compensateur soit inférieur de moitié par rapport aux entreprises de plus de dix salariés.

M. Bernard Accoyer - Ce n'est pas clair !

Mme la Ministre - C'est la loi Stoléru, que vous devez connaître !

M. Yves Cochet - Nous demandons que le régime du repos compensateur soit le même dans toutes les entreprises. Nous essayons ainsi de favoriser le secteur artisanal.

M. le Rapporteur - Avis défavorable.

Mme la Ministre - Avis également défavorable.

M. Bernard Accoyer - M. Cochet, comme beaucoup de ses collègues, ignore tout de la réalité des entreprises (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe RCV).

L'amendement 998, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Eric Doligé - Nous essayons, par notre amendement 145, de simplifier le dispositif, en étendant aux entreprises de vingt salariés ou plus le régime des heures supplémentaires applicable aux entreprises de moins de dix salariés, qui leur permet de prendre leurs heures supplémentaires, au-delà du contingent de 130 heures, sous la forme d'un repos compensateur ou d'une rémunération supplémentaire.

L'amendement 145, repoussé par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Jean-Claude Lefort - L'amendement 216 est défendu.

M. le Rapporteur - La commission l'a rejeté.

Mme la Ministre - Avis favorable.

L'amendement 216, mis aux voix, est adopté.

M. Eric Doligé - Notre amendement 34 tend à ce que le déclenchement du repos compensateur à 100 % soit fixé après l'épuisement du contingent conventionnel, et pas seulement légal. Cela permettra de respecter les accords et conventions conclus entre les partenaires sociaux.

L'amendement 34, repoussé par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Yves Cochet - Nous souhaitons à nouveau, par l'amendement 999, supprimer une discrimination qui frappe les entreprises de moins de dix salariés. Or les salariés de ces entreprises sont en majorité des femmes (Interruptions sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL). La jurisprudence communautaire voit dans la règle actuellement en vigueur une discrimination indirecte à l'égard des femmes.

M. le Rapporteur - Rejet.

Mme la Ministre - Avis défavorable.

M. Bernard Accoyer - Les amendements de M. Cochet défient la raison !

Mme la Ministre - Ne soyez pas désagréable !

M. Bernard Accoyer - Chacun connaît les entreprises artisanales, qui sont chères au c_ur de la ministre. Elles emploient des collaborateurs de sexes divers, mais le plus souvent de sexe masculin.

Votre affirmation, Monsieur Cochet, me semble donc un peu péremptoire. Irréaliste, le dispositif que vous proposez témoigne d'une méconnaissance totale de la gestion des PME, qui ne pourront pas faire preuve de la même souplesse que les grandes entreprises employant de nombreux salariés d'un même niveau de qualification.

Ce texte profitera tout particulièrement aux grandes entreprises, surtout si elles paient mal leur salariés. Elles vont même faire appel, pour bénéficier au maximum du dispositif, à des spécialistes de la chasse aux primes.

En dépit de toutes vos dénégations, vous intervenez directement dans le coût du travail. Il faudra en outre des milliers de fonctionnaires pour administrer votre dispositif, ce qui va encore augmenter nos charges et créer de nouvelles rigidités dans notre économie.

L'OCDE s'est clairement prononcée sur ce projet et vous-même, Madame la ministre, il n'y a pas si longtemps, vous expliquiez au cours d'un congrès de la CFDT qu'une mesure générale de réduction du temps de travail ne ferait pas reculer le chômage.

Mme la Ministre - Je n'ai jamais dit cela.

M. Bernard Accoyer - Nous nous opposons à ce texte comme aux amendements qui visent à le durcir.

L'amendement 999, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Hervé Morin - Mon amendement 830 corrigé est rédactionnel. Il vise à préciser que c'est la formule de repos -par journées entières ou par demi-journées- qui est à la convenance du salarié et non les jours précis du repos.

M. le Rapporteur - La commission a été sensible à la volonté manifestée par l'opposition d'améliorer le texte. Avis favorable.

Mme la Ministre - Avis favorable.

L'amendement 830 corrigé, mis aux voix, est adopté.

M. Hervé Morin - Le projet prévoit que les différente formules de repos compensateur seront fixées par décret. Je préférerais qu'elles le soient par la négociation collective et c'est le sens de mon amendement 863.

L'amendement 863, repoussé par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Hervé Morin - Mon amendement 834 vise à allonger le délai pendant lequel les salariés peuvent prendre leur repos compensateur.

L'amendement 834, repoussé par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. le Rapporteur - L'amendement 460 de la commission vise au contraire à limiter ce délai à six mois dans tous les cas.

Mme la Ministre - Avis favorable.

M. Hervé Morin - Je ne comprends pas pourquoi on veut restreindre ainsi la liberté des salariés et des entreprises.

L'amendement 460, mis aux voix, est adopté.

M. Hervé Morin - Mon amendement 835 vise à mutualiser les heures supplémentaires dans les PME : le contingent ne serait pas affecté à chaque salarié, mais à l'ensemble du personnel, si bien que certains salariés, dont le travail est difficile à fragmenter et qu'on aura du mal à remplacer, pourront effectuer plus de 130 heures supplémentaires.

M. Alain Clary - Mon amendement 205 vise au contraire à fixer le contingent à 100 heures par an et par salarié.

L'amendement 835, repoussé par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, n'est pas adopté, non plus que l'amendement 205.

M. Hervé Morin - La majorité a tendance à considérer que tout devrait être inscrit dans la loi. Mon amendement 861 lui donnera satisfaction, puisqu'il prévoit que le contingent soit fixé par voie législative et non par décret.

M. le Rapporteur - Avis défavorable. Nous respectons la séparation entre le domaine de la loi et le domaine du règlement prévue par la Constitution.

Mme la Ministre - Absolument.

L'amendement 861, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Eric Doligé - Dans un souci de simplification, mon amendement 718 vise à supprimer les deuxième, troisième, quatrième et cinquième alinéas du VII de cet article. Il faut s'en remettre davantage au dialogue social.

Je regrette à cet égard que les salariés français soient si peu à s'être syndiqués ; Mme Aubry, cependant, nous a expliqué que les 35 heures leur donneront plus de temps, non seulement pour jardiner et bricoler, mais aussi pour militer.

Certains, Madame le ministre, vont jusqu'à vous accuser de mépriser le dialogue social. J'estime au moins que vous n'y recourez pas assez. Laissez les partenaires sociaux fixer au plus près des besoins les contingents d'heures supplémentaires en cas de modulation du temps de travail.

L'amendement 718, repoussé par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Jean-Claude Lefort - Notre amendement 217 est défendu.

M. le Rapporteur - Défavorable.

Mme la Ministre - Défavorable.

M. Bernard Accoyer - C'est un peu court. Même si nous avons largement dépassé la limite des 35 heures hebdomadaires, nous devons examiner avec plus d'attention cet amendement, d'une grande portée politique, qui tend à interdire le cumul des heures supplémentaires et de la modulation du temps de travail. Nos collègues communistes ayant déposé un amendement contraire à l'esprit même du projet, il nous serait agréable d'entendre le rapporteur et le ministre développer leur argumentation.

M. le Président - Vous pourriez demander aussi des explications à vos collègues de l'opposition, puisque douze amendements identiques avaient été déposés par eux. Je n'en ai pourtant appelé aucun, puisque leurs auteurs ne sont pas là pour les défendre.

L'amendement 217, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Yves Cochet - Mon amendement 1001 vise à limiter, en contrepartie de l'annualisation, le recours aux heures supplémentaires. La loi Delebarre de février 1986 ramenait déjà le contingent annuel à 80 heures en cas de modulation. Dans mon amendement, j'ai choisi une limite de 70 heures, mais j'accepterais un sous-amendement la relevant à 80 heures.

M. le Rapporteur - Malgré son attachement au principe de la modulation, la commission n'est pas favorable à l'amendement 1001. La fixation du nombre d'heures du contingent peut relever de la responsabilité du pouvoir réglementaire. Un contingent de 90 heures correspond à la plupart des accords passés et nous sommes attachés en priorité au respect de l'ordre public social.

Mme la Ministre - Avis défavorable.

M. Eric Doligé - M. Cochet cherche à contraindre encore davantage les entreprises, à les enserrer dans un carcan...

M. Yves Cochet - Non, je cherche à créer de l'emploi !

M. Eric Doligé - Mais c'est un objectif illusoire. Le Gouvernement d'ailleurs ne vous suit pas et considère qu'un contingent de 90 heures aura autant d'effet sur l'emploi que 20 heures de moins ! Nous avons là une démonstration de l'impuissance de la réduction du temps de travail à créer mathématiquement des emplois. En évoquant les 32 heures, en valorisant quelques expériences contre le plus grand nombre, vous jouez, cher collègue, à l'apprenti sorcier mais le Gouvernement et la commission eux-mêmes ne peuvent vous suivre.

L'amendement 1001, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Bernard Accoyer - L'amendement 532 tend à apporter aux partenaires sociaux une marge de man_uvre au lieu de les contraindre. Chaque paragraphe de ce texte semble avoir été imaginé pour restreindre la faculté des partenaires sociaux à influer sur l'aménagement des horaires. Il est donc proposé de modifier la fin du paragraphe en laissant l'initiative aux partenaires sociaux.

J'ajoute que cette proposition se rapproche de celle du centre des jeunes dirigeants qui avait joué le jeu après la première loi dans le cadre d'une expérience conduite avec votre accord. La conclusion est que ce texte soulève plus de difficultés qu'il n'apporte d'avantages et qu'il est au final un texte dangereux.

L'UPA est contre, le CJD est contre, qui sont, Madame le ministre, les responsables d'entreprises favorables à votre projet ?

Le CJD propose simplement que la réduction du temps de travail donne lieu à une modulation libre de 31 à 39 heures, sous réserve d'atteindre un horaire hebdomadaire moyen de 35 heures. L'aménagement et la réduction du temps de travail proposés par le CJD s'inscrivent dans une logique de liberté négociée. Et il demande que, si contrainte il devait y avoir, des délais d'adaptation soient laissés

aux entreprises. Il est impossible de bâtir un accord en un an et de suivre son évolution dans un laps de temps aussi court.

L'application autoritaire des 35 heures à toutes les entreprises à compter du 1er janvier 2000 ne tient pas compte des observations objectives du CJD, auxquelles je pensais que vous ne resteriez pas insensible.

M. le Rapporteur - Avis défavorable.

Mme la Ministre - Avis défavorable.

L'amendement 532, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Jean Pontier - Notre amendement 189 vise à faciliter, pour les entreprises de 3 salariés ou plus le recours aux heures supplémentaires mais d'en assurer un paiement substantiel pour les salariés. Pour les très petites entreprises, le contingent d'heures supplémentaires doit être majoré de 30 %.

M. le Rapporteur - La commission n'est pas favorable car il ne faut pas multiplier les effets de seuil. Mais le souci de faciliter le passage aux 35 heures pour les petites entreprises est présent dans le texte en de nombreux points.

Mme la Ministre - Je ne suis pas favorable à l'amendement car il n'existe pas de critère objectif permettant de distinguer entre elles les entreprises de moins de dix salariés.

M. Eric Doligé - Il s'agit d'un bon amendement sur le fond car la modulation du contingent d'heures supplémentaires permet, comme l'a souligné avec raison Mme Jacquaint, d'introduire de la souplesse dans l'organisation du travail au sein des entreprises. Mais il est vrai qu'il ne serait pas raisonnable de compliquer encore le texte.

L'amendement 189, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Hervé Morin - Notre amendement 829 vise à confier la détermination du contingent d'heures supplémentaires à la convention collective dans le cadre d'un accord de branche. Lorsque la discussion entre les partenaires sociaux est équilibrée, l'intervention de l'Etat par arrêté ministériel pour l'extension d'un accord collectif est inopportune. Il faut faire confiance aux partenaires sociaux pour fixer le contingent d'heures supplémentaires.

Je profite du retour en séance de M. Gremetz pour démontrer qu'au niveau du SMIC, le passage de 39 à 35 heures représente un coût de 706 F par mois, soit 8 472 F sur l'année Les allégements proposés par Mme la ministre représentent un coût annuel de 21 500 F, contre 14 976 F pour la ristourne dégressive.

Le dispositif prévoit donc un allégement supplémentaire de 6 524 F par an, à rapprocher des 8 472 F de surcoût, soit un différentiel final pour les entreprises de 1 948 F -8 472 moins 6 524 F.

M. Maxime Gremetz - Ce n'est pas cher payé pour un salarié !

M. Hervé Morin - Lorsque le Gouvernement dit que la réduction des charges sociales entraînera une diminution du coût du travail, c'est un mensonge. Le coût pour un salarié payé au SMIC est de 1 948 F !

Mme la Ministre - Je pense, Monsieur le député, que vous n'avez jamais travaillé en entreprise...

M. Hervé Morin - Si, Madame la ministre, au SMIC et à la gamelle !

Mme la Ministre - Alors vous savez que ce n'est pas la réduction du temps de travail qui coûte mais les embauches qu'elle permet de dégager après en gains de productivité. Selon les estimations, du CJD notamment, le coût est en moyenne de 6,5 % mais l'entreprise ne perd rien au niveau du SMIC. Le coût est nul.

Une fois de plus, Monsieur Morin, vous n'êtes pas de bonne foi. Moi, je souhaite qu'on aide les entreprises qui créent de l'emploi, en demandant une contribution à celles qui préfèrent substituer du capital au travail.

M. le Rapporteur - Avis défavorable.

L'amendement 829, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Alain Clary - Notre amendement 218 tend à supprimer la possibilité d'augmenter le contingent d'heures supplémentaires

par convention ou accord collectif.

M. le Rapporteur - Avis défavorable. Certes, il sera possible de déroger par voie conventionnelle au décret fixant le contingent, mais les heures supplémentaires correspondantes donneront lieu à une majoration de 50 % et à un repos compensateur de 100 %.

Mme la Ministre - Même avis.

L'amendement 218, mis aux voix, n'est pas adopté.

La suite du débat est renvoyée à la prochaine séance, qui aura lieu aujourd'hui, mercredi 13 octobre, à 15 heures.

La séance est levée à 2 heures 5.

                      Le Directeur du service
                      des comptes rendus analytiques,

                      Jacques BOUFFIER


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