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Session ordinaire de 1999-2000 - 8ème jour de séance, 18ème séance

1ÈRE SÉANCE DU VENDREDI 15 OCTOBRE 1999

PRÉSIDENCE de M. Raymond FORNI

vice-président

Sommaire

            RÉDUCTION DU TEMPS DE TRAVAIL (suite) 2

            ART. 9 2

            AVANT L'ART. 10 6

            ART. 10 7

            APRÈS L'ART. 10 10

            ART. 11 10

            COMMUNICATION DU GOUVERNEMENT 18

            RÉDUCTION NÉGOCIÉE DU
            TEMPS DE TRAVAIL (suite) 18

            NOMINATION D'UN DÉPUTÉ
            EN MISSION TEMPORAIRE 18

La séance est ouverte à neuf heures.

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    RÉDUCTION DU TEMPS DE TRAVAIL (suite)

L'ordre du jour appelle la suite de la discussion, après déclaration d'urgence, du projet de loi relatif à la réduction négociée du temps de travail.

ART. 9

Mme Marie-Thérèse Boisseau - Cet article modifie le régime du compte épargne-temps institué par le gouvernement Balladur en 1994. Je l'ai déjà dit : souplesse, souplesse, souplesse, si vous voulez créer des emplois. Je regrette que vous imposiez un délai d'utilisation de cinq ans : le compte épargne-temps doit pouvoir être utilisé au-delà. Certes, des dérogations sont prévues pour les salariés qui ont un enfant de moins de seize ans -il faudrait d'ailleurs préciser qu'il s'agit d'enfants à charge- et pour ceux qui prévoient de prendre une retraite anticipée. Ces dispositions sont insuffisantes : le salarié doit pouvoir utiliser un compte épargne-temps à sa guise.

Le repos compensateur et les congés payés sont de plus en plus utilisés par les salariés pour coordonner leur vie personnelle et leur vie professionnelle.

Un jeune de vingt ans voudra travailler intensément pour faire sa place dans l'entreprise, tandis qu'un salarié de trente ans souhaitera souvent lever le pied : je pense tout particulièrement aux femmes qui voudront consacrer du temps à leurs enfants au-delà du congé parental d'éducation.

Ce délai de cinq ans me paraît trop court, d'autant que vous ne faites pas la différence entre les jours de repos compensateur dus à la réduction du temps de travail et les autres.

Par ailleurs, le temps épargné ne peut dépasser deux mois. Je souhaite qu'on puisse accumuler davantage de jours. Il faut porter cette limite à six mois.

M. François Goulard - Les conditions dans lesquelles nous examinons ce texte, compte tenu de l'accumulation des heures, feraient presque de vous des partisans de la réduction du temps de travail...

Mme Boisseau, avec beaucoup de pertinence, a réclamé une plus grande souplesse dans le dispositif du compte épargne-temps.

Il y a une certaine contradiction à imposer la réduction du temps de travail au moment où il devient nécessaire, pour l'équilibre des retraites, de travailler plus longtemps. Pourquoi donc ne pas admettre qu'à certains moments de la vie, on souhaite travailler davantage, et qu'à d'autres, on veuille réduire ses horaires, prendre des vacances plus longues, voire cesser de travailler ?

Le compte épargne-temps doit être un instrument à la disposition du salarié pour rendre sa vie plus agréable. Vous le réglementez à l'excès, au lieu d'en faire un gage de liberté.

Nous sommes d'accord sur le principe du compte épargne-temps, mais l'article 9, tel qu'il est rédigé, ne respecte pas la liberté de choix des salariés. C'est pourquoi mon amendement 281 est de suppression.

M. André Schneider - Mon amendement 75 aussi.

M. Gaëtan Gorce, rapporteur de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales - Avis défavorable.

Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité - Même avis. Nous avons la même conception que Mme Boisseau du compte épargne-temps et c'est pourquoi nous en avons assoupli le dispositif en réduisant la durée minimale des congés accumulés. A cet égard, nous nous sommes mal compris : le salarié pourra utiliser son compte épargne-temps dès qu'il aura atteint deux mois, au lieu de six actuellement. Il s'agit d'un minimum.

Nous avons aussi prévu d'allonger au-delà de cinq ans le délai d'utilisation pour les salariés ayant un enfant à charge et je suis prête à étendre cette dérogation aux salariés s'occupant d'une personne âgée dépendante.

Le compte épargne-temps donnera une plus grande liberté aux salariés.

Les amendements 281 et 75, mis aux voix, ne sont pas adoptés.

M. François Goulard - Nos amendements 76, 664 et 700, identiques, visent à supprimer le I de cet article.

Madame la ministre, nous apprécions les quelques assouplissements prévus dans votre projet, mais vous introduisez aussi des rigidités supplémentaires dans le régime du compte épargne-temps, dont l'utilisation devrait être aussi libre que possible.

Mme Marie-Thérèse Boisseau - J'ai bien compris votre argumentation pour réduire la durée minimale de six à deux mois. Mais je suis défavorable au délai de cinq ans. Actuellement, le salarié peut utiliser son compte épargne-temps tout au long de la vie, comme il l'entend. Vous n'avez prévu de dérogations qu'en cas d'enfant à charge et de cessation progressive d'activité. Or il existe bien d'autres cas pour lesquels il serait intéressant de gérer un compte épargne-temps un peu plus de cinq ans.

Mon amendement 844 est identique aux précédents.

M. le Rapporteur - Avis défavorable. Il est nécessaire de limiter la période d'utilisation pour éviter le détournement de la loi.

Les amendements 76, 664, 700 et 844, repoussés par le Gouvernement, mis aux voix, ne sont pas adoptés.

M. André Schneider - L'amendement 780 vise, dans l'esprit de nos propositions précédentes, à laisser les partenaires sociaux libres de définir, dans les conventions ou accords instituant le compte épargne-temps, le délai d'utilisation des jours de congé capitalisés. Autrement dit, nous refusons de leur imposer arbitrairement une limite de cinq ans.

M. François Goulard - Je constate que nos collègues de la majorité, que cette loi de progrès devrait enthousiasmer, préfèrent faire valoir leur droit à la réduction du temps de travail plutôt que d'en discuter ! (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste) Il en va différemment pour nous et, par l'amendement 389, nous continuons à militer pour le maintien de la règle des dix ans.

M. le Rapporteur - Avis défavorable pour les raisons déjà exposées.

Mme la Ministre - Même position.

Les amendements 780 et 389, successivement mis aux voix, ne sont pas adoptés.

M. André Schneider - Que la loi fixe une limite de validité au compte épargne-temps, soit, mais ne laissons pas supposer que, par là même, le salarié pourrait être dépossédé automatiquement du fruit de son travail ! D'où l'amendement 545.

M. le Rapporteur - Le projet évoque un principe mais c'est la négociation qui réglera cette question. Rejet.

L'amendement 545, repoussé par le Gouvernement, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. le Rapporteur - L'amendement 485 est rédactionnel.

L'amendement 485, accepté par le Gouvernement et mis aux voix, est adopté.

M. le Rapporteur - L'amendement 487 vise, non à limiter l'alimentation du compte épargne-temps, mais à exclure qu'il soit alimenté par les repos compensatoires pris au-delà de la quarante-et-unième heure. Il s'agit donc de préserver la santé des salariés.

Mme la Ministre - Avis favorable.

M. François Goulard - Ne peut-on faire confiance aux gens et les laisser se protéger eux-mêmes ? Il nous semble que, s'ils estiment pouvoir travailler plus longtemps sans prendre de repos compensateur, nous pouvons les laisser profiter de la souplesse qu'apporte le compte épargne-temps. Ce serait une autre conception de la relation entre la loi et les hommes.

M. le Rapporteur - Vous oubliez que le texte actuel permet d'alimenter le compte épargne-temps dans des proportions plus considérables que ne le prévoyait la rédaction antérieure : c'est ainsi que les salariés pourront utiliser les possibilités apportées par la réduction du temps de travail et par le repos compensateur. Mais il s'agit ici du cas très spécifique du repos compensateur exceptionnel accordé au-delà de 41 heures de travail, afin de protéger la santé du salarié.

L'amendement 487, mis aux voix, est adopté.

M. le Président - Les amendements 77, 390 et 546 sont identiques.

M. François Goulard - Ils sont défendus.

Les amendements 77, 390 et 546, repoussés par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, ne sont pas adoptés.

Mme Marie-Thérèse Boisseau - Limiter à 22 le nombre de jours susceptibles d'être versés au compte d'épargne-temps en mélangeant ceux qui proviennent de la réduction du temps de travail, des jours de congé et des repos compensateurs, risque d'aller à l'encontre de l'effet recherché. Outre qu'il faut respecter la liberté du salarié, plus le compte épargne-temps pourra être grossi, plus l'effet sera bénéfique pour l'emploi. On ne remplace pas quelqu'un qui ne part en congé que quinze jours,

mais on le fait s'il s'agit d'un congé sabbatique. D'où l'amendement 883 qui tend à porter la limite de 22 à 45 jours.

M. André Schneider - Dans le même esprit, l'amendement 78 porte cette limite à 35 jours.

M. François Goulard - Les amendements 667 et 931 sont identiques. Une telle disposition peut certes compliquer la gestion de l'entreprise mais nous pensons que nous devons reconnaître ce droit aux salariés.

M. le Rapporteur - Avis défavorable.

Mme la Ministre - Même avis.

L'amendement 883, mis aux voix, n'est pas adopté.

Les amendements 78, 667 et 931, mis aux voix, ne sont pas adoptés.

Mme Marie-Thérèse Boisseau - Notre amendement 882 est encore un amendement de souplesse. Abondant dans le même sens que Mme la ministre tout à l'heure, nous voulons ramener la durée minimale de deux mois à huit jours, de sorte que le salarié puisse utiliser comme il l'entend, en accord avec le chef d'entreprise, ses droits à congé.

M. le Rapporteur - Tout à l'heure, vous souhaitiez accroître le nombre de jours susceptibles d'alimenter le compte épargne-temps et voici que vous voulez réduire la durée des congés pouvant être pris dans ce cadre ! La souplesse ne doit pas aller contre la bonne gestion de l'entreprise : rejet.

Mme la Ministre - Même avis. Nous avons voté hier un amendement du groupe RCV autorisant à reporter les congés de faible durée mais ne confondons pas ce cas avec celui qui nous occupe ici. Le compte épargne-temps doit être utilisé pour des circonstances plus exceptionnelles : pour élever des enfants, pour suivre une formation... En ramenant la limite à huit jours, nous le détournerions de son objet.

L'amendement 882,mis aux voix, n'est pas adopté.

M. le Rapporteur - L'amendement 486 est la conséquence du 485.

M. le Président - Les amendements 665 et 701 sont identiques.

Les amendements 486, 665 et 701, acceptés par le Gouvernement et mis aux voix, sont adoptés.

Mme Marie-Thérèse Boisseau - Afin de rendre le dispositif plus sûr, il convient de préciser qu'on ne peut en bénéficier qu'à raison des enfants à charge. D'où l'amendement 884.

L'amendement 884, repoussé par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. André Schneider - La durée de validité des congés capitalisés peut être portée à dix ans lorsque le titulaire du compte a un enfant de moins de 16 ans. L'amendement 761 vise à étendre cette disposition aux salariés dont l'un des parents est dépendant ou âgé de plus de 70 ans. Le compte épargne-temps pourrait ainsi être mis au service des solidarités familiales.

M. le Rapporteur - La commission a repoussé l'amendement mais elle n'est pas défavorable au principe. Nous pourrions sans doute engager la discussion sur ce point...

Mme la Ministre - Je ne suis pas non plus hostile au principe mais, si l'on étend le bénéfice de cette disposition à tous les salariés ayant un enfant de moins de seize ans ou un parent de plus de soixante-dix ans, cela revient à l'accorder à tous ou presque. Tenons-nous en aux cas de dépendance...

M. André Schneider - Soit. J'accepte de renoncer à la dernière partie de mon amendement.

L'amendement 761 ainsi corrigé, mis aux voix, est adopté.

M. le Président - A l'unanimité !

Mme Marie-Thérèse Boisseau - Toujours dans un souci de souplesse, nous proposons par l'amendement 885 de faire fonctionner le compte épargne-temps comme en compte épargne classique : le salarié doit pouvoir capitaliser du temps et en disposer, sous certaines conditions, à sa convenance.

L'amendement 885, repoussé par la commission et la Gouvernement, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Maxime Gremetz - Par l'amendement 424, nous voulons exclure toute utilisation du compte épargne-temps à des fins de formation professionnelle. Celle-ci doit s'effectuer uniquement dans le cadre du temps de travail.

Le dernier alinéa du V serait donc ainsi rédigé : «Le compte épargne-temps peut être utilisé par les salariés âgés de plus de cinquante ans désirant cesser leur activité de manière progressive ou totale, sans que la limite fixée au 9ème alinéa leur soit opposable.»

M. le Rapporteur - La commission a repoussé l'amendement. On comprend le souci d'éviter une confusion entre temps de formation et temps de travail mais il convient aussi de laisser la porte ouverte au « co-investissement ».

Mme la Ministre - Même avis.

L'amendement 424, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. André Schneider - La qualité des formations mises en _uvre dans le cadre des comptes épargne-temps risque de ne pas être compatible avec la limite de 22 jours. Notre amendement 548 tend à remédier à cette difficulté.

L'amendement 548, repoussé par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. François Goulard - L'amendement 666 est défendu.

L'amendement 666, repoussé par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. le Rapporteur - L'amendement 488 est rédactionnel.

L'amendement 488, accepté par le Gouvernement, mis aux voix, est adopté.

M. Gérard Fuchs - Mon amendement 107 tend à introduire la notion de pluriannualité dans la gestion du CET. Cette idée est issue des travaux de la mission parlementaire sur l'industrie automobile que je présidais. La commission a repoussé l'amendement, jugeant que sa rédaction risquait d'entraîner le transfert massif de jours de repos sur plusieurs années, ce qui désorganiserait le travail. C'est pourquoi je propose de modifier l'amendement, en introduisant dans sa dernière phrase, après « susceptible d'être épargnés », les mots « d'une année sur l'autre ».

M. le Rapporteur - Avis défavorable. Le CET est un dispositif dont le salarié fait un usage individuel.

Mme la Ministre - Il s'agit en effet d'un mécanisme volontaire. Même si certains accords d'entreprise comportent une sorte de mutualisation des jours non travaillés, la réduction proposée est trop extensive. Je suggère d'examiner de plus près cette question d'ici à la deuxième lecture, avec l'idée d'éviter une flexibilité pluriannuelle.

M. Gérard Fuchs - Dans ces conditions, je vais retirer l'amendement 107.

M. Maxime Gremetz - Je suis tout à fait hostile à cet amendement. Si le report du CET sur plusieurs années est autorisé, certains salariés ne le prendront jamais, ce qui sera défavorable à l'emploi.

L'amendement 107 est retiré.

M. François Goulard - Des salariés peuvent préférer une hausse de revenu à une augmentation de temps libre. Notre amendement 668 leur en donne la possibilité.

M. le Rapporteur - Rejet. Cette proposition va à l'encontre de l'idée même de CET.

Mme la Ministre - Même avis. De plus, Mme Boisseau a tenu tout à l'heure des propos en sens opposé.

L'amendement 668, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. le Rapporteur - L'amendement 489 est rédactionnel.

L'amendement 489, accepté par le Gouvernement, mis aux voix, est adopté.

M. Maxime Gremetz - Par notre amendement 425, nous demandons d'exclure l'alimentation du CET en cas de chômage, dans les catégories professionnelles concernées, afin de favoriser la création d'emplois.

M. le Rapporteur - Avis défavorable. Bien encadré, le CET n'a pas d'incidence néfaste sur l'emploi.

Mme la Ministre - Même avis que la commission.

L'amendement 425, mis aux voix, n'est pas adopté.

L'article 9 modifié, mis aux voix, est adopté.

M. Jean Le Garrec, président de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales - Pour réunir la commission en application de l'article 88, je demanderai une suspension de séance après le vote sur l'article 10.

AVANT L'ART. 10

M. Maxime Gremetz - Nous proposons, par l'amendement 426, d'intituler le chapitre VII « sécurité emploi-formation ».

M. le Rapporteur - Avis défavorable à cet intitulé, qui ne correspond pas au contenu du chapitre.

Mme la Ministre - Rejet également.

L'amendement 426, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Maxime Gremetz - Comme nous avons de la suite dans les idées, nous invitons le Gouvernement, par l'amendement 427, à présenter avant le 1er janvier 2001 un projet de programmation destiné à garantir la sécurité de l'emploi et de la formation pour tous. En effet l'emploi et la formation sont aujourd'hui les deux défis majeurs, qui doivent être érigés en priorité nationale. Nous essayons ainsi de répondre à de grandes préoccupations exprimées par le Gouvernement et par la majorité plurielle. Notre proposition ne remet pas en cause le projet relatif à la formation préparé par Mme Péry. Mais il y a urgence à agir. Si nous ne le décidons pas aujourd'hui, nous aurons en tout cas à y revenir bientôt.

M. le Rapporteur - Avis défavorable.

Mme la Ministre - Rejet également.

M. François Goulard - Voilà une déclaration forte, qui trace à la majorité une perspective politique capitale. Je m'étonne donc que cet amendement, déjà à moitié retiré par son auteur, ne soit pas vraiment discuté. Il s'agit pourtant d'un sujet essentiel.

M. le Président - Monsieur Goulard, êtes-vous bûcheron de votre état, pour enfoncer ainsi le coin ?

L'amendement 427 , mis aux voix, n'est pas adopté.

ART. 10

Mme Marie-Thérèse Boisseau - Le fait qu'un quart des accords signés traite de la formation montre à quel point les entreprises et les salariés sont soucieux de l'améliorer. Nous ne pouvons qu'être favorables au système du co-investissement et à la possibilité donnée aux salariés de mettre à profit la réduction du temps de travail pour se former, mais sous certaines conditions : la définition stricte de contreparties pour l'employeur, la fixation d'un pourcentage maximal de co-investissement, la possibilité d'utiliser ce dispositif sur décision unilatérale de l'employeur. Il faut aussi que ces formations débouchent vraiment sur des diplômes d'autant plus que la réduction du temps de travail risque de marginaliser encore un peu plus les salariés non qualifiés.

D'autre part, lorsque la formation aura lieu en dehors du temps de travail, sera-t-elle financée par la contribution de l'entreprise ou par le capital-temps du salarié ? S'agissant des formations par alternance où le capital de formation des entreprises doit être de plus de huit cents heures par an à mi-temps, quels sont les aménagements envisagés par le ministère de l'emploi ou par celui de l'éducation nationale ?

M. François Goulard - La réduction imposée du temps de travail aura certaines conséquences négatives auxquelles cet article 10 tente de remédier. En particulier, des temps de formation qui étaient jusqu'à présent comptabilisés sur les temps de travail le seront désormais hors de ce temps, les entreprises cherchant à limiter l'impact du passage aux trente-cinq heures. Pour éviter cela, le projet tente de définir la formation qui peut être comptabilisées sur le temps de travail. Ce faisant, il cherche à réglementer une réalité qui lui échappera.

Cela dit, il est évidemment très utile que les entreprises se préoccupent de la formation de leurs salaires. Elles le font déjà bien au-delà des obligations que leur impose la loi de 1971, laquelle mériterait -et je profite de la présence de Mme Péry pour le souligner- un dépoussiérage sérieux tant elle est aujourd'hui inadaptée.

M. Maxime Gremetz - Mon intervention sur cet article vaudra aussi défense de nos amendements, en particulier de l'amendement de suppression que nous avons déposé avec les députés Verts et MDC.

Nous ne sous-estimons pas la nécessité d'allonger le temps de formation, mais nous pensons que cette question très importante mérite mieux que cet article de loi.

Les formidables mutations technologiques et les transformations du monde du travail imposent une mise à jour de la loi de 1971 sur la formation professionnelle initiale et continue.

Nous préférerions donc que le présent texte ne traite pas de la formation et que nous soit rapidement soumis le projet de loi annoncé par Mme Péry afin que la question soit traitée dans toutes ses dimensions.

M. Yves Rome - L'innovation et le progrès entraînent des changements rapides des instruments de travail, tous les trois ou quatre ans environ. Voyez l'obsolescence accélérée des ordinateurs. Au cours de sa vie professionnelle, chaque salarié utilisera plusieurs générations de matériel. Ce bouleversement des conditions de travail impose une formation continue. Du reste, tous les accords récents prévoient une nouvelle organisation de la formation en liaison avec la réduction du temps de travail. Les formules de co-investissement se multiplient.

Dans ces conditions, le présent projet ne pouvait passer la formation professionnelle sous silence. Le temps libéré doit être l'occasion de la moderniser et de la développer. C'est ce qui justifie cet article 10 tendant à encourager le co-investissement tout en l'encadrant. L'objectif est qu'on ne remette pas en cause la réduction du temps de travail en décomptant la formation du temps de travail effectif.

Les dispositifs de co-investissement sont donc institués par voie d'accord. Les actions de formation concernées ne peuvent être liées au poste occupé par le salarié. En revanche, ce type de formation favorise « le développement personnel et professionnel du salarié ». Ces termes trop imprécis risquent de permettre aux chefs d'entreprise de se soustraire à leur obligation contractuelle. La réduction du temps de travail serait également contournée.

Bref, tel qu'il est rédigé, l'article 10 pourrait donner lieu à des interprétations peu souhaitables. La commission a donc adopté un amendement qui distingue deux types de formation : d'une part, la formation relevant du devoir d'adaptation du salarié à l'évolution de son emploi, qui incombe à tout employeur et qui constitue un temps de travail effectif ; d'autre part, le développement des compétences des salariés. Dans ce deuxième cas, sous réserve d'un accord de branche ou d'entreprise et après accord écrit du salarié, la formation pourrait avoir lieu en partie hors du temps de travail. L'amendement de la commission offre ainsi des garanties supplémentaires aux salariés.

M. André Schneider - Bien entendu, nous partageons les préoccupations de nos collègues sur la nécessité de la formation continue permanente. Chaque salarié sera contraint de se recycler et de se perfectionner au cours de sa vie professionnelle. Voilà pourquoi il conviendrait de revoir de fond en comble la loi du 16 juillet 1971. Le présent article 10 comporte trop de zones d'ombre.

Mme la Ministre - Je veux réexpliquer pourquoi, en attendant la loi que Mme Nicole Péry prépare sur la formation professionnelle, nous avons voulu saisir l'opportunité historique de la réduction du temps de travail pour continuer à développer la formation et pour éviter que cette réduction n'entraîne une diminution du temps de formation.

Les dispositifs existants -plans de formation, congé individuel de formation, capital-temps- ne répondent pas toujours aux souhaits des salariés de se former. En outre, le quart des accords signés à ce jour comportent des clauses novatrices sur la formation, même si nous avons dû nous opposer à ceux qui retiraient la formation d'adaptation du temps de travail.

Selon les résultats d'un sondage des organismes de formation, plus que quatre salariés sur dix ont déjà expérimenté une formation en dehors du temps de travail et 56 % sont favorables à une formation en partie hors de ce temps.

C'est bien l'esprit de l'article 10 qui, tel qu'amendé par la commission, fixe des cadres stricts.

L'employeur doit adapter le salarié non seulement à son poste, mais aussi à l'évolution de son métier, aux nouvelles technologies, et il est normal que cette formation-là soit prise sur le temps de travail. En revanche, les formations personnelles plus ouvertes, sans lien direct avec l'emploi, doivent pouvoir s'effectuer, au moins pour partie, hors du temps de travail avec l'accord du salarié. C'est le sens de l'article 10 qui, notons-le, ouvre la possibilité à l'employeur de financer ces formations personnelles, alors que ce n'est pas le cas aujourd'hui.

M. Gremetz a raison, une réflexion plus large est nécessaire, actuellement conduite par Nicole Péry. Deux textes législatifs, relatifs l'un à l'apprentissage, l'autre à la validation des acquis professionnels, sont d'ores et déjà prêts et seront présentés l'an prochain. Enfin, une grande loi sur la formation professionnelle devrait l'être en 2001. Tout en espérant s'appuyer d'ici là sur la négociation interprofessionnelle, le Gouvernement en tout état de cause prendra ses responsabilités, soyez-en assuré, Monsieur Gremetz. Mais sans attendre, cet article 10 apporte des améliorations.

M. Maxime Gremetz - S'il est entendu que l'on ne prétend pas régler la question fondamentale de la formation professionnelle au détour de cet article et que le Gouvernement s'engage à présenter prochainement un projet de loi sur le sujet, je proposerai, en accord avec M. Cochet, de retirer l'amendement commun de suppression que nous avions déposé.

Nous souhaiterions aussi être sûrs que les formations hors temps de travail exigeront bien l'accord du salarié.

Enfin, il n'apparaît pas assez clairement dans l'amendement 490 de la commission que ces formations seront financées par les employeurs.

M. Gérard Lindeperg - L'article 10 est-il nécessaire ? Oui, car l'article 13 de la première loi renvoyait expressément à un bilan des accords relatifs à la formation professionnelle et des critères de validation des accords signés sont aujourd'hui nécessaires. Ainsi l'accord passé dans la métallurgie comporte que le temps passé à une formation prévue dans le plan de formation n'est pas considéré comme du temps de travail effectif. L'employeur pourrait donc, aux termes de cet accord, imposer au salarié une formation prise sur son temps libre. Qu'adviendrait-il en cas de refus du salarié ? Ce dernier serait-il tenu responsable de son employabilité et pourrait-il être licencié ?

L'amendement 490 de la commission conserve l'esprit de l'article 10 mais lève certaines ambiguïtés, qui nous paraissaient source potentielle de contentieux. Il est à la fois ferme, prévoyant notamment que la formation d'adaptation à l'emploi n'est pas négociable et que l'accord du salarié est requis, et souple puisqu'il invite les partenaires sociaux à débattre de la question dans un délai de trois ans.

M. le Président - J'indique que l'adoption de l'amendement 490 de la commission ferait tomber tous les autres.

Mme la Ministre - Tel qu'actuellement rédigé, mais sans doute s'agit-il d'une erreur dans le décompte des alinéas, l'amendement de la commission semble supprimer le troisième alinéa de l'article relatif à la prise en charge des frais de formation, qu'il est pourtant essentiel de conserver.

M. le Président - Quel est l'avis de la commission sur les amendements de suppression ?

M. François Goulard - Nous avons, nous aussi, Monsieur le Président, déposé des amendements de suppression. Il serait bon que nous puissions les défendre.

M. le Président - M. Gremetz ayant proposé de retirer le sien sous réserve de certaines précisions, il m'a paru judicieux d'entendre M. Lindeperg d'abord.

M. François Goulard - Pour ma part, n'ayant pas le caractère profondément conciliant dont M. Gremetz ne cesse de faire preuve, je maintiendrai le mien car le dispositif prévu par le Gouvernement me paraît inopérant et inapplicable. La formation professionnelle au développement de laquelle je suis, bien sûr, favorable y compris sur le temps de travail, est une question trop complexe et trop mouvante pour que l'on puise efficacement en scinder le champ en catégorie comme le propose l'article 10 .

M. le Rapporteur - Sous réserve que soit supprimée dans l'amendement 490 la référence à l'avant-dernier alinéa, qui est une erreur, nous pourrions adopter ce dernier, après que M. Gremetz aura bien voulu retirer le sien.

M. Gérard Terrier - Je propose deux sous-amendements à l'amendement 490 rectifié. Le sous-amendement 1067 a pour but de garantir que le co-investissement ne puisse se faire contre l'avis et l'intérêt du salarié. Le sous-amendement 1066 tend à valider provisoirement -jusqu'à l'intervention d'un accord interprofessionnel- les clauses de formation qui ont été conclues après la loi de 1998.

M. Maxime Gremetz - Après les précisions et engagements que nous avons reçus, M. Cochet et moi-même retirons notre amendement de suppression, en espérant avoir prochainement un grand débat sur une proposition de loi.

Les autres amendements de suppression, -282, 452 et 845-, mis aux voix, ne sont pas adoptés

M. Maxime Gremetz - Je retire également l'amendement 428.

M. Gérard Lindeperg - J'approuve les sous-amendements.

M. le Rapporteur - Moi aussi.

Mme la Ministre - Moi également.

Le sous-amendement 1066, mis aux voix, est adopté, de même que le sous-amendement 1067.

L'amendement 490, deuxième rectification, sous-amendé, mis aux voix, est adopté.

M. le Président - Tous les autres amendements à l'article 10 tombent.

L'article 10 ainsi modifié, mis aux voix, est adopté.

M. le Président - De combien de temps avez-vous besoin pour la réunion de commission que vous avez souhaitée, Monsieur le président de la commission ?

M. le Président de la commission - D'une bonne demi-heure.

La séance, suspendue à 10 heures 20, est reprise à 11 heures 10.

APRÈS L'ART. 10

M. le Rapporteur - L'amendement 491 de la commission est retiré en faveur de l'amendement 1056 de M. Gremetz qui transcrit de manière plus satisfaisante la directive européenne sur le travail des jeunes.

Mme Nicole Péry, secrétaire d'Etat aux droits des femmes et à la formation professionnelle - Avis favorable.

L'amendement 1056, mis aux voix, est adopté.

M. François Goulard - MM. Proriol et Dord ont déposé un amendement 939 pour attirer l'attention du Gouvernement sur le cas particulier des contrats d'apprentissage. L'apprentissage consistant à alterner activité en entreprise et heures de formation, la réduction du temps de travail aurait pour conséquence d'allonger la période d'apprentissage, ce qui n'est pas souhaitable.

Je profite de la présence de Mme le secrétaire d'Etat en charge de la formation pour demander que cette question fasse l'objet d'un examen particulier.

M. le Rapporteur - A la demande de M. Gengenwin, le Gouvernement s'est engagé à consulter sur ce point le comité national de coordination.

Mme la Secrétaire d'Etat - Je confirme cet engagement de Mme Aubry.

L'amendement 939, mis aux voix, n'est pas adopté.

ART. 11

Mme Marie-Thérèse Boisseau - En établissant une différence entre les entreprises selon qu'elles emploient plus ou moins de cinquante salariés, vous allez créer de nouvelles distorsions de concurrence et de plus nuire à l'emploi, car les petites entreprises feront tout ce qu'elles pourront pour éviter de franchir le seuil de cinquante salariés.

Par ailleurs, s'il est nécessaire de toiletter les textes relatifs à la représentativité syndicale, peut-on aborder un sujet d'une telle importance à l'occasion d'un débat sur les 35 heures ? Votre approche, au demeurant, est très politique, puisque si vous ne contestez pas la présomption de représentativité nationale, vous remettez en question la règle de l'unicité de signature. Les nouveaux syndicats seront écartés. Quant aux anciens, ils verront leur paraphe dévalué, la négociation collective les plaçant souvent en position de signataires minoritaires. Ce problème de représentativité est trop important pour qu'on le règle de façon aussi politique, au détour d'une telle loi.

J'en viens au fameux paragraphe XVI de cet article, qui crée un fonds de l'emploi sans préciser comment seront financées les 35 heures. Pourquoi ce fonds est-il porté au compte de la Sécurité sociale, et non au budget de l'emploi comme l'étaient les allégements de charges de la première loi Aubry comme de la loi Robien ? Il serait temps aussi de préciser les sources de financement, ainsi que les contributions respectives de l'UNEDIC, de la Sécurité sociale et des caisses de retraite. Et surtout, qu'en pensent les partenaires sociaux ?

Autant de questions brûlantes auxquelles ce débat devrait répondre, j'espère.

M. François Goulard - Dans sa version initiale, cet article 11 relevait de ce que j'ai appelé des articles « correctifs », c'est-à-dire de ces dispositions uniquement conçues pour corriger les effets négatifs de la réduction du temps de travail. En l'occurrence, il s'agissait de remédier par des allégements de charges sociales à l'une des conséquences les plus fâcheuses du passage aux 35 heures : l'augmentation mécanique du coût de l'heure de travail, augmentation que l'on peut évaluer à 11,4 %. Le Gouvernement espérait ainsi éviter que la loi n'aille contre son objectif affiché : la création d'emplois.

Un tel mécanisme ne peut que se solder par des distorsions entre les entreprises qui auront pu conclure un accord et celles qui en auront été empêchées pour diverses raisons -ne serait-ce que parce que le chef d'entreprise n'aura pas trouvé les partenaires requis- et ne pourront alors bénéficier des allégements de charges. Ces dernières entreprises risquent fort, dans ces conditions, d'être condamnées à mort.

D'autre part, ce mécanisme n'est pas neutre. En effet, le fardeau de ces allégements de charges sur les bas salaires pèsera avant tout sur les entreprises, et sur l'ensemble des entreprises. Autrement dit, vous organisez un gigantesque transfert de fonds à leur détriment, et au seul bénéfice de celles qui versent les salaires les moins élevés. Comment notre économie n'en serait-elle pas perturbée ?

Enfin, je ne reviendrai pas, après Mme Boisseau, sur la remise en cause des règles actuelles de la représentativité syndicale, mais ce serait à soi seul un problème majeur.

Cependant -et c'est l'événement de la matinée- la commission, réunie au titre de l'article 88, vient d'adopter des amendements du groupe communiste et du groupe RCV qui changent du tout au tout la portée de l'article 11. Je n'insisterai pas sur l'aspect politique de l'affaire, mais je tiens à en souligner les conséquences économiques et sociales désastreuses. Inspiré par un « socialisme rationalisé », le Gouvernement cherche à compenser ou à atténuer les effets de sa politique -au moins les effets immédiats et directs-, mais il se trouve que ce même socialisme rationalisé est battu en brèche par deux groupes de la majorité plurielle. En cédant à leurs demandes irresponsables, vous abandonnez les objectifs qui, au moins en partie, justifiaient votre projet : vous allez en effet condamner à mort les entreprises qui sont dans l'impossibilité de créer ou de préserver des emplois, en leur refusant le bénéfice des allégements alors qu'elles subiront de plein fouet la hausse des coûts salariaux. Votre loi, au lieu d'effets simplement négatifs, sera totalement désastreuse !

M. Georges Sarre - Dans cette loi visant à faire revenir les chômeurs dans les entreprises, l'article 11, dans sa version initiale, ne pouvait recueillir notre agrément. Fort heureusement, la dernière réunion de la commission vient de modifier du tout au tout cette situation.

Certes, le texte initial contenait des dispositions que nous appelions de nos v_ux : ainsi il affirmait une logique majoritaire, progrès d'autant plus notable qu'avec la réduction du temps de travail, les salariés risquaient de se trouver en moins bonne position d'obtenir de nouvelles améliorations de leur condition -il est plutôt question de négocier « donnant-donnant », ce qui implique des sacrifices.

Je ferai cependant deux remarques à ce propos. En premier lieu, un employeur n'aura-t-il pas parfois intérêt à se passer de l'aval de ses salariés et donc des allégements, pour obtenir des concessions plus avantageuses à terme, via un « mauvais » accord ?

D'autre part, si j'apprécie comme tous la technique référendaire, elle n'est pas parfaite et j'approuve donc la commission d'avoir retenu le principe d'une double validation.

J'en viens au principal reproche que nous adressions à l'article 11 : on y abandonnait toute idée de contrepartie aux aides, sous forme de créations d'emplois. La commission a fort heureusement clarifié les choses en posant que l'accord devra préciser le nombre d'emplois préservés ou créés. Le Mouvement des citoyens, les Verts et les Communistes ne peuvent que se réjouir de voir ainsi maintenue la logique de la loi du 13 juin 1998 : ne voyez là d'effet d'aucune surenchère démagogique, mais le souci de tenir les engagements souscrits à l'occasion de la première loi.

Madame la ministre, vous nous avez souvent appelés à vous soutenir. Après les amendements que vient d'adopter la commission, nous pouvons en effet considérer que cette loi fera date, à la fois dans la lutte contre le chômage et pour l'ensemble des salariés. Nous renouons ici avec les grands mouvements de notre histoire sociale et politique, pour la plus grande satisfaction des hommes et des femmes de gauche et de tous ceux qui sont soucieux du progrès de notre société. Et je ne doute pas que, pour la manifestation de demain, les conditions d'une forte mobilisation ne soient réunies : il est en effet maintenant plus aisé d'expliquer à ceux qui veulent combattre le Gouvernement qu'ils sont dans l'erreur. Que tous défilent donc pour créer un rapport de forces favorable au Gouvernement et faire tomber l'arrogance du patronat !

M. Yves Rome - L'article 11 tend pour l'essentiel à créer un nouveau dispositif d'allégement des charges sociales et à renforcer le dialogue social.

Le projet de loi simplifie le régime des cotisations patronales en fusionnant les allégements relatifs aux bas et moyens salaires et les aides pérennes. Pour les entreprises passées aux 35 heures -ou à 1 600 heures par an- il institue un barème unique. Ces exonérations compenseront l'impact des embauches consécutives à la réduction du temps de travail et feront baisser le coût net du travail. La compétitivité des entreprises sera ainsi préservée.

L'accès aux allégements de charges n'est ouvert qu'aux entreprises qui ont signé un accord de réduction du temps de travail. Cette règle impérative a pour objectif de développer le dialogue social dans l'entreprise. Le texte fixe le cadre juridique de ces négociations, avec en particulier le principe de la validation majoritaire des accords d'entreprises, grâce auquel le personnel devient acteur et responsable de ses choix collectifs.

L'article 11 fixe les stipulations qui doivent obligatoirement figurer dans les accords : durée du travail, lien entre réduction du temps de travail et rémunération, modalités de suivi de la réduction du temps de travail. Les cas de suspension et de suppression du bénéfice de l'abattement sont également précisés.

Les amendements adoptés par la commission renforcent la mise en _uvre des principes d'égalité, de transparence et de démocratie. L'accord devra assurer l'égalité professionnelle entre hommes et femmes, entre salariés à temps partiel et salariés à temps complet, entre les salariés mandatés et les délégués syndicaux, entre les entreprises créées postérieurement à la loi et les autres.

L'application des accords donnera lieu à un suivi au niveau d'une instance paritaire comme à celui du Parlement.

Au total, nous concilions l'impératif de compétitivité des entreprises et la nécessaire protection des salariés. Ce dispositif garantit la paix sociale dans l'entreprise et marque une avancée importante dans l'histoire sociale de notre pays.

M. Yves Cochet - Voilà encore quelques jours, nous devions constater que l'allégement de charges ne semblait plus lié à la création ou à la sauvegarde d'emplois comme dans la loi de juin 1998. Nous avions l'impression que la majorité et le Gouvernement abandonnaient leur objectif primordial, qui est la lutte contre le chômage.

Or on aurait eu tort de croire que la seule croissance pouvait suffire à faire reculer le chômage. Il y a fallu l'action volontariste du Gouvernement, avec la création d'emplois-jeunes et la réduction du temps de travail. Non, Monsieur Goulard, les dispositions adoptées en commission ne portent nullement préjudice aux entreprises. Certains accords déjà signés l'ont prouvé.

Avec nos amis communistes et du MDC, nous avions insisté pour que les allégements de charges soient liés à la création ou à la préservation d'emplois. Nous venons de trouver en commission la bonne formulation.

Si au bout d'un an les engagements ne sont pas tenus, les allégements de charges ne seront plus accordés : c'est du gagnant-gagnant. En second lieu, la démocratie majoritaire entre dans l'entreprise, où elle prendra toute sa place. Enfin, nous revenons à l'objectif principal de la première loi, qui est l'emploi.

M. Maxime Gremetz - Nous voilà à un tournant. Le groupe communiste avait lié son vote à la réponse à deux questions fondamentales : revenir à la philosophie de la première loi, c'est-à-dire conditionner à la création ou à la préservation d'emplois les exonérations de charges patronales et les aides aux entreprises ; après les scandales dont celui de Michelin ne sera pas le dernier, satisfaire à la volonté de l'opinion publique et des salariés d'instaurer un contrôle de l'utilisation de l'argent public. Le groupe communiste unanime a fait savoir, sans poser un ultimatum au Gouvernement, qu'il ne céderait pas sur ces deux points-là. Nous voulons aboutir à une loi satisfaisante et efficace, dans le prolongement de la première.

La commission vient de se réunir, et nous avons aussi beaucoup travaillé avec le Gouvernement. Je veux à cet instant remercier Mme Aubry de sa patience, face à nos coups de colère.

Nous avons ainsi progressé, en conditionnant les aides à la création d'emplois, en renforçant le suivi de l'impact de la réduction du temps de travail au niveau des branches, en rendant obligatoire l'information du comité d'entreprise sur les aides financières, en donnant aux syndicats la possibilité d'en appeler directement à la direction départementale du travail si l'accord n'est pas respecté, en demandant que soit fourni au Parlement un bilan annuel sur l'utilisation des aides.

A cet ensemble d'amendements s'ajoute l'introduction très positive de la démocratie majoritaire dans l'entreprise : aucun accord ne peut être validé s'il n'est pas signé par un ou plusieurs syndicats représentant la majorité des salariés, les organisations syndicales pouvant consulter l'ensemble des salariés. Voilà une avancée importante de la démocratie citoyenne dans l'entreprise.

Dans ces conditions, je ne dirai plus que le projet est invotable.

Mme la Ministre - Je confirme aux intervenants de la majorité -MM. Rome, Cochet, Sarre et Gremetz- qu'avec cet article, nous retrouvons l'objet même de la loi : faire en sorte que l'objectif premier de la réduction du temps de travail soit l'emploi. Nous le réaffirmons encore plus fortement grâce aux amendements adoptés par la commission.

Dans cet article, nous ouvrons deux pistes pour lutter contre le chômage et elles sont étroitement liées : la réduction du temps de travail et la baisse des charges sociales, qui n'a de sens que si elle s'accompagne d'une contrepartie d'emplois.

Vous pouvez continuer à dire, Monsieur Goulard, que cette baisse des charges n'a d'autre but que de diminuer le coût de la réduction du temps de travail. Mais vous savez très bien et toutes les entreprises le savent, que cette réforme va bien au-delà puisque sur 105 milliards au total, 65 correspondent à des réductions de charges. 40 milliards ne servent donc qu'à aider les entreprises à réduire la durée du travail. C'est pourquoi nombre d'entreprises du commerce et de l'artisanat ou du secteur textile qui ont aujourd'hui des difficultés à maintenir des emplois, approuvent ces réformes que nous retrouverons dans la loi de financement de la Sécurité sociale et qui consistent à financer une partie des baisses de charges par les profits et par une taxe sur les activités polluantes.

C'est pourquoi le présent projet ne comporte pas l'ensemble du dispositif de financement. En effet, nous allons bien au-delà de la compensation du coût de la réduction du temps de travail, en réalisant une réforme qui porte sur la baisse des charges sociales et sur le mode de financement de la Sécurité sociale. Nous tenons ainsi l'engagement que le Gouvernement avait pris de ne plus asseoir les cotisations patronales uniquement sur les salaires.

D'autre part, ainsi que le Conseil d'Etat l'a confirmé, nous ne créons pas de distorsions entre les entreprises. Le Gouvernement a parfaitement le droit de lier des baisses de charges sociales à une double condition : un accord sur la réduction du temps de travail, mais aussi la préservation et la création d'emplois. Ce sont des critères totalement objectifs. En outre, le Gouvernement a laissé suffisamment de possibilités aux entreprises de parvenir à un accord pour qu'on ne puisse pas prétendre que certaines seront dans l'impossibilité de le faire. Je pense, par exemple, au mandatement, à la possibilité d'appliquer un accord local étendu ou encore, à partir du 1er janvier 2002 pour les entreprises de moins de onze salariés, à la décision de l'employeur après accord des salariés. Je suis convaincue que l'intérêt que présente la baisse des charges incitera les chefs d'entreprise à souhaiter de tels accords.

S'agissant de la représentation des syndicats, Madame Boisseau, selon le code du travail, chaque syndicat représentatif au niveau national a le droit d'engager par sa signature l'ensemble des salariés et cette règle n'est pas remise en cause, même si certaines organisations souhaiteraient qu'elle soit revue.

En revanche, si le Gouvernement veut que la baisse des charges ait de réelles contreparties en termes d'emploi, il importe que l'accord sur la durée du travail soit légitimée par la signature des syndicats majoritaires ou par l'approbation d'une majorité de salariés.

A ces dispositions s'ajoutent les amendements de MM. Gremetz, Sarre et Cochet, repris par la commission, qui tendent à mieux contrôler le dispositif et à dresser des bilans par entreprise, par branche et au niveau national. Le Gouvernement s'engage à présenter un bilan annuel à la commission nationale des conventions collectives sur le conséquences de la baisse et de la réduction du temps de travail pour l'emploi. Un rapport sera remis au Parlement ainsi qu'au conseil de surveillance du fonds. Il est normal que les aides publiques soient assorties de contreparties et je me réjouis de ces amendements.

Bref, Monsieur Gremetz, ce texte affiche bien notre volonté d'utiliser l'argent public avec parcimonie. On ne peut pas réduire les impôts et les prélèvements obligatoires avant d'avoir fait ce travail : chaque franc doit être bien utilisé pour lutter contre le chômage.

M. André Schneider - L'amendement 148 tend à supprimer cet article, parce qu'il limite trop fortement les conditions d'obtention de l'allégement des cotisations patronales de Sécurité sociale : pour que les entreprises en bénéficient, l'horaire de travail ne doit pas dépasser 35 heures par semaine ou 1 600 heures par an, il doit être fixé par un accord collectif, lequel doit faire référence explicitement à des emplois créés ou préservés ; les entreprises qui recourent aux heures supplémentaires de façon « structurelle » en sont exclues... autant de conditions qui réduisent la portée d'une mesure pourtant essentielle à la bonne santé de nos entreprises et à la croissance économique.

Par ailleurs, cet article fait supporter le coût de la réduction des charges par l'UNEDIC et par la Sécurité sociale malgré le déficit flagrant des régimes de protection sociale et l'opposition de leurs principaux conseils d'administration.

En outre, il modifie sans concertation préalable les règles actuelles de représentativité syndicale au sein des entreprises.

M. François Goulard - L'amendement 283 est également de suppression. Je vous demande solennellement, Madame la ministre, de revoir votre position.

Dans sa rédaction initiale, cet article était seulement absurde : prélever d'un côté pour redonner de l'autre n'a pas plus de sens que d'effet. Alléger les charges des entreprises dont les salariés sont peu payés tout en les alourdissant pour celles qui font des bénéfices et paient des salaires élevés, est absurde et antiéconomique.

D'absurde, cet article, une fois modifié par les amendements Gremetz, Cochet et Sarre devient scandaleusement nuisible à l'économie et à la société française. Vous allez ainsi condamner à mort des milliers d'entreprises qui sont dans l'impossibilité de s'engager sur la préservation ou sur la création d'emplois (Protestations sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe RCV). Ce sont précisément ces entreprises en difficulté que vous avez privées de l'allégement des charges sociales.

Je vous conjure de ne pas voter cet article fou, profondément contraire à l'intérêt des salariés. Ce que vous faites est criminel (Vives protestations sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe RCV) Si vous le faites, j'en conclurai que vous avez perdu la raison !

M. le Président - Il faut certes raison garder et les qualificatifs que vous avez employés sont un peu excessifs ; je suis sûr qu'ils ont dépassé votre pensée.

M. François Goulard - Ils étaient à l'unisson de mes sentiments.

Mme la Ministre - Je préfère pour ma part les attribuer à la fatigue. Pour moi, en tout cas, ce qui est absurde et antiéconomique, c'est que les cotisations patronales soient assises uniquement sur les salaires. Les entreprise du commerce et de l'artisanat, toutes les entreprises de service, les entreprises de main-d'_uvre qui attendent un allégement des charges et une baisse du coût du travail apprécieront vos propos !

Il y a là un désaccord profond entre vous et nous. Mais les propos que vous avez tenus étaient plus idéologiques et politiciens qu'inspirés par des considérations économiques.

M. le Rapporteur - La commission a repoussé ces amendements.

Mme Marie-Thérèse Boisseau - Attention à ce que vous faites, réfléchissez bien car ces dispositions auront des conséquences dramatiques pour un certain nombre d'entreprises.

Votre tort depuis le début de ce débat, Madame la ministre, est de sans cesse généraliser et de parler des entreprises comme si toutes connaissaient la même situation. Je fais partie de ceux qui, ayant été à l'origine de la loi Robien, ont toujours cru que la réduction du temps de travail, encouragée par des aides publiques, pouvait contribuer à créer des emplois et que l'octroi de ces aides devait être subordonné à la création d'emplois. Mais il est irréaliste et dangereux de demander à toutes les entreprises de maintenir ou de créer des emplois. Certaines le peuvent, sans même recevoir d'aides, d'autres grâce à des aides, mais d'autres ne le peuvent en aucun cas. Or, alors que ces entreprises, notamment des secteurs de l'habillement et de la chaussure, auraient besoin de voir leurs charges allégées, vous allez précisément les pénaliser.

M. Maxime Gremetz - Je ne peux laisser tenir de tels propos. Ou bien vous ignorez les réalités de l'entreprise ou vous exagérez pour des raisons politiciennes. Je pourrais citer, chiffres à l'appui, l'exemple d'un garage employant seize salariés...

Mme Marie-Thérèse Boisseau - Ce ne sera qu'un exemple.

M. Maxime Gremetz - Peut-être, mais il est précis et éclairant. Pour un salaire moyen de 8 000 F, cette entreprise pourra embaucher un salarié supplémentaire sans qu'il lui en coûte rien.

Vous évoquez le secteur de la confection, Madame Boisseau. Sachez que je connais bien moi aussi sa situation, notamment pour avoir de nombreuses entreprises dans ma circonscription, dont celle de M. Sarkozy qui emploie plusieurs centaines de salariés. Eh bien, une fois dressé le bilan des aides reçues et des dépenses engagées, on s'aperçoit que l'entreprise de M. Sarkozy gagnera 746 200 F. Je tiens le tableau détaillé des chiffres à votre disposition et il figurera au Journal officiel. Non, cette loi n'est pas criminelle, non, elle n'étranglera pas les entreprises. Certaines devront même nous remercier, comme j'en ai apporté la preuve.

Les amendements de suppression 82, 148, 283, 550, 630 et 729, mis aux voix, ne sont pas adoptés.

M. François Goulard - L'amendement 677 tend à proposer un abattement forfaitaire d'application uniforme, sur les cotisations patronales. Cette modalité de réduction des charges éviterait tous les inconvénients décrits.

Vous m'avez reproché, Madame la ministre, une attitude politicienne. Mais qui est politicien aujourd'hui ? Un accord n'a pu intervenir entre les groupes de la majorité plurielle qu'à la dernière seconde, après des semaines d'âpres discussions pour tenter de rapprocher des points de vue au départ diamétralement opposés, et ce alors qu'une manifestation doit se tenir demain, à laquelle M. Sarre n'a pas hésité à faire allusion ici même. Qui est politicien ici ?

M. le Rapporteur - La commission a repoussé tous ces amendements de suppression.

Je ferai simplement observer à M. Goulard que la majorité plurielle n'a pas trop de mal à assurer sa cohésion, ce qui est loin d'être le cas de l'opposition, notamment sur les 35 heures et la création d'emplois.

Mme la Ministre - En effet.

J'avoue mal comprendre pourquoi ceux-là mêmes qui nous reprochent depuis le début d'oublier l'emploi, de nous soucier davantage du bricolage et du jardinage, pour reprendre leur ton méprisant, nous attaquant de manière si virulente au moment même où nous abordons la question de l'allégement des charges patronales -dont j'avais cru comprendre que c'était la seule proposition de l'opposition pour lutter contre le chômage. Sans doute supportent-ils mal que la majorité plurielle débatte, travaille et au final se retrouve sur les véritables enjeux. Avis bien sûr défavorable à l'amendement.

Mme Marie-Thérèse Boisseau - Je suis désolée, mais peu m'importe à cet instant la majorité plurielle. Ce qui m'intéresse, c'est la survie de nos entreprises, condition sine qua non de la création d'emplois.

Oui, il faut alléger les charges qui pèsent sur elles, mais il faut le faire de façon uniforme de façon à ne pas river trop de salariés à un niveau de salaire voisin du SMIC. Ce que je dénonce, c'est votre méthode brutale. Avec vos dispositions généralisées et s'appliquant d'autorité au 1er janvier 2000, vous allez en réalité détruire des emplois.

L'amendement 677, mis aux voix, n'est pas adopté non plus que les amendements 634 et 149.

M. le Président de la commission - Je voudrais m'élever contre le caractère inacceptable de certains propos

et ce quelles que soient nos divergences.

Nous avons combattu avec force l'instauration de la ristourne dégressive qui constituait, elle, une trappe à bas salaires. Nous prévoyons aujourd'hui un allégement de charges pour les salaires jusqu'à 1,8 fois le montant du SMIC, si bien que 70  % des salariés seront concernés. Voilà le véritable bol d'air dont les entreprises avaient besoin.

Vous qualifiez notre méthode de brutale. Il n'en est rien. Des négociations sont en cours depuis longtemps. La loi Robien, que je connais bien pour avoir suivi son application dans le Nord et le Pas-de-Calais, après plus d'un an ne concernait que 300 000 salariés. Il aurait fallu attendre 30 ou 40 ans pour qu'elle soit réellement efficace. Sans l'impulsion donnée par la première loi sur les 35 heures, 28  % des salariés ne bénéficieraient pas aujourd'hui d'une réduction de leur temps de travail. Vous ne pouvez pas contester ce chiffre.

L'édifice que nous bâtissons pierre à pierre depuis maintenant un an et demi est extrêmement cohérent et nous en assumons pleinement la responsabilité politique. S'agissant de la majorité plurielle, nous en écoutons avec attention les diverses composantes, nous efforçant d'apporter une réponse aux problèmes soulevés par nos partenaires. Le nombre d'emplois maintenus ou créés, le suivi des effets des aides publiques sont en effet des questions importantes. Je me suis toujours, pour ma part, élevé contre les pratiques de certaines grandes entreprises qui utilisent le FNE pour licencier leurs salariés de plus de 55 ans. Le débat avec MM. Cochet, Gremetz et Sarre a été riche.

Nous aboutissons à des résultats qui, j'espère, sont satisfaisants pour chacune des composantes de la majorité. C'est une bataille politique que nous livrons et nous l'assumons totalement. Nul ne peut imaginer lutter contre le chômage en mettant en danger les entreprises ; mais nous sommes convaincus que par ce que nous faisons, nous donnons une impulsion à l'entreprise. On le verra à nouveau lorsque nous aborderons l'article 16.

M. le Président - L'amendement 1057 de M. Gremetz a été défendu et la commission et le Gouvernement ont fait part de leur avis favorable.

Mme Marie-Thérèse Boisseau - Je voterai bien sûr contre cet amendement. Les entreprises, Monsieur Le Garrec, peuvent avoir des difficultés momentanées qui les obligent à réduire leur effectif. Or vous leur enfoncez la tête sous l'eau en leur refusant l'allégement de charges, ce qui créera de nouvelles distorsions de concurrence avec les entreprises voisines qui, ayant la chance d'être plus florissantes, pourront bénéficier de cet allégement ! Ces dispositions sont éminemment inégalitaires.

Mme la Ministre - En écoutant votre explication, Madame Boisseau, je comprends mieux votre réaction. Rassurez-vous, nous savons bien qu'il y a des entreprises en difficulté ! Nous demandons que les entreprises s'engagent «à créer ou à préserver des emplois» ; nous ne disons pas que lorsqu'elles sont en situation difficile elles doivent préserver l'ensemble de leurs emplois : elles négocieront pour limiter le plus possible le nombre de licenciements. L'amendement Michelin va dans le même sens : avant tout licenciement, il devra y avoir une réduction de la durée du travail, afin soit d'éviter totalement les licenciements soit d'en réduire le nombre.

Nous sommes dans la logique de la loi de Robien et de la loi incitative, et nous souhaitons que la contrepartie des allégements soit la négociation sur la création ou la préservation d'emplois.

M. François Goulard - Je constate qu'il y a au moins deux lectures de l'amendement 1057. D'un côté, il y a celle de M. Gremetz, qui considère avoir obtenu que ne bénéficient des allégements que les entreprises qui augmentent ou maintiennent leurs emplois. De l'autre, il y a celle de Mme la ministre qui, parce qu'une autre position aurait été intenable, nous assure qu'elle prendra en compte les difficultés des entreprises et qu'il ne s'agira pas

nécessairement de préserver tous les emplois.

Cependant, Madame la ministre, croyez-vous qu'une entreprise en difficulté ait pour priorité de négocier une convention qui obéisse aux canons de votre loi, qu'elle ait la possibilité de s'engager sur la durée à préserver des emplois grâce aux 35 heures ? Je maintiens qu'il est criminel (Murmures sur les bancs du groupe socialiste) de surcharger des entreprises qui sont déjà dans une situation difficile car c'est hâter leur dépôt de bilan.

Naturellement, les grandes entreprises auront le temps et les moyens de négocier ; tel ne sera pas le cas des PME, bien incapables de mettre au point des documents susceptibles de recevoir l'agrément de vos services, pointilleux comme toutes les administrations !

Voilà pourquoi je reste farouchement opposé à la combinaison politique que vous nous offrez ce matin.

M. Yves Cochet - Monsieur le Président, je vous prie de noter que M. Sarre et moi-même sommes cosignataires des amendements 1057, 1058, 1060 et 1061.

M. le Président - C'était noté.

L'amendement 1057, mis aux voix, est adopté.

M. le Président - Les amendements suivants, jusqu'au numéro 851 compris, tombent.

M. André Schneider - Monsieur le Président, je suis très étonné que sous votre bienveillante autorité, mon collègue Gremetz ait attaqué nommément un membre de mon groupe politique.

M. le Président - Vous faites erreur : M. Gremetz parlait du frère de Nicolas Sarkozy...

M. André Schneider - L'amendement 87 tend à supprimer les paragraphes II à VIII, relatifs aux accords collectifs, à l'existence desquels l'allégement de cotisations sociales est subordonné. Il convient en effet de mettre toutes les entreprises qui auront réduit les horaires de travail sur un pied d'égalité, qu'un accord collectif ait pu être conclu ou non.

M. le Rapporteur - La commission a rejeté cet amendement.

Je comprends l'émotion de M. Goulard mais, pour paraphraser ce qu'il a dit de notre collègue Sarre, j'ai parfois le sentiment que sous un costume bourgeois, il cache l'âme d'un réactionnaire...

L'amendement 87, mis aux voix, n'est pas adopté.

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COMMUNICATION DU GOUVERNEMENT

Mme la Ministre - Je souhaiterais annoncer à l'Assemblée une très bonne nouvelle : le prix Nobel de la paix 1999 vient d'être attribué à Médecins sans frontières pour son aide humanitaire sur tous le continents (Applaudissements sur tous les bancs). Au nom du Gouvernement et, je pense, en votre nom à tous, je veux adresser nos félicitations les plus chaleureuses à tous ceux qui, au sein de cette association, subliment leur vocation professionnelle au service de l'homme, partout où la souffrance et la désespérance font parfois douter de ce qu'il est. Les French doctors nous démontrent par leur engagement qu'à côté du pire, les hommes peuvent témoigner du meilleur (Applaudissements sur tous les bancs).

M. le Président - Merci de nous avoir fait part de cette excellente nouvelle.

RÉDUCTION NÉGOCIÉE DU TEMPS DE TRAVAIL (suite)

M. François Goulard - Mon amendement 371 est défendu.

M. le Président - L'amendement 762 est identique.

Les amendements 371 et 762, repoussés par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, ne sont pas adoptés.

Mme Marie-Thérèse Boisseau - Les entreprises dont l'effectif est au moins égal à 50 salariés, se voient imposer une nouvelle période de négociation afin de parvenir à la signature d'un accord collectif d'entreprise ou d'établissement pour obtenir les allégements. Cette disposition introduit une inégalité avec les entreprises dont l'effectif est inférieur à 50 salariés.

Distorsions entre les entreprises et lourdeur des démarches : mon amendement 850 vise à remédier à ces défauts.

M. François Goulard - Les amendements 85 et 684 ont le même but.

L'amendement 850, repoussé par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, n'est pas adopté, non plus que les amendements 85 et 684.

La suite du débat est renvoyée à la prochaine séance .

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NOMINATION D'UN DÉPUTÉ EN MISSION TEMPORAIRE

M. le Président - J'ai reçu de M. le Premier ministre une lettre m'informant de sa décision de charger M. Jean-Pierre Balligand, député de l'Aisne, d'une mission temporaire, dans le cadre des dispositions de l'article L.O. 144 du code électoral auprès de M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

Cette décision a fait l'objet d'un décret publié au Journal officiel du 15 octobre 1999.

Prochaine séance cet après-midi à 15 heures.

La séance est levée à 12 heures 30.

                      Le Directeur du service
                      des comptes rendus analytiques,

                      Jacques BOUFFIER


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