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Session ordinaire de 1999-2000 - 8ème jour de séance, 20ème séance

3ÈME SÉANCE DU VENDREDI 15 OCTOBRE 1999

PRÉSIDENCE de M. Pierre-André WILTZER

vice-président

Sommaire

            RÉDUCTION DU TEMPS DE TRAVAIL (suite) 2

            ART. 14 (suite) 2

            ART. 15 4

            AVANT L'ART. 16 10

            ART. 16 10

            APRÈS L'ART. 16 16

            ART. 17 16

            APRÈS L'ART. 17 18

            TITRE 21

            SECONDE DÉLIBÉRATION 22

            ART. 15 22

La séance est ouverte à vingt et une heures.

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RÉDUCTION DU TEMPS DE TRAVAIL (suite)

L'ordre du jour appelle la suite de la discussion, après déclaration d'urgence, du projet de loi relatif à la réduction négociée du temps de travail.

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ART. 14 (suite)

Mme Marie-Thérèse Boisseau - L'amendement 286 vise à supprimer cet article dangereux parce qu'il remet en cause la plupart des accords signés en vertu de la première loi. Tel serait le cas de l'accord de branche du commerce de viande en gros, signé le 29 octobre 1998, étendu par arrêté le 20 janvier 1999 et établi sur la base d'une définition du temps de travail excluant le temps de pause et d'habillage. Il devra donc être renégocié au prix, bien évidemment d'une baisse de salaires afin de tenir compte de l'obligation de réduire le temps de travail de 25 %.

M. André Schneider - L'amendement 96 vise également à supprimer cet article, pour les raisons qu'a excellemment exposées Mme Boisseau.

M. Gaëtan Gorce, rapporteur de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales - La commission a rejeté cet amendement.

Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité - Je le répète : les accords de branche déjà acquis, notamment les 66 déjà étendu, sont totalement applicables, en dehors de quelques clauses contraires non à la présente loi mais au droit du travail antérieur.

Je ne connais pas le détail de la convention collective du commerce de viande mais pour la définition du travail effectif, nous ne faisons que reprendre dans ce texte la jurisprudence de la Cour de cassation selon laquelle l'habillage, lorsqu'il relève d'un cadre réglementaire, de la convention collective ou du règlement intérieur et qu'il a lieu dans l'entreprise, est bien du temps de travail.

Les amendements 96 et 286, mis aux voix, ne sont pas adoptés.

M. Maxime Gremetz - L'amendement 267 vise à permettre aux syndicats qui n'avaient pas signé des accords dont certaines clauses sont illégales de participer aux nouvelles négociations.

L'amendement 267, repoussé par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. André Schneider - L'adoption de l'amendement 704 éviterait que soient remis en cause les accords déjà signés, ce qui montrerait le peu de cas que le Gouvernement fait des partenaires sociaux et des intérêts économiques de la France.

M. le Rapporteur - Vous êtes bien excessif ! Ce texte ne fait que reprendre pour l'essentiel les accords déjà signés dont les rares dispositions menacées sont celles qui étaient contraires à l'esprit voire à la lettre de la première loi. Au demeurant même ces dispositions pourront être renégociées dans le délai prévu au paragraphe 2.

Mme la Ministre - Même avis.

L'amendement 704, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Maxime Gremetz - Mon amendement 268 vise à empêcher que les clauses conventionnelles qui vont devenir illégales continuent d'être appliquées pendant un an, comme cela est prévu dans le projet. Il serait anormal, par exemple, que les délais de prévenance demeurent plus brefs que ceux que nous avons votés. Au deuxième alinéa de l'article 14, il est déjà prévu d'annuler les stipulations relatives aux heures supplémentaires si elles ne sont pas conformes à la loi.

M. le Rapporteur - Avis défavorable. Il faut laisser du temps à la négociation, dans l'intérêt des parties, y compris des salariés.

L'amendement 268, repoussé par le Gouvernement, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Hervé Morin - Mon amendement 807 vise à supprimer le II de cet article, afin que soient respectés les accords conclus sous le régime de la précédente loi.

L'amendement 807, repoussé par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. André Schneider - Mon amendement 782 vise à supprimer la condition de délai d'un an pour le renouvellement des accords non conformes, car il s'agit là d'une pression peu acceptable sur les partenaires sociaux qui ont fait l'effort de négocier.

L'amendement 782, repoussé par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, n'est pas adopté.

Mme Marie-Thérèse Boisseau - De nombreuses branches professionnelles et d'entreprises ont, après la promulgation de la loi du 13 juin 1998, négocié des accords sur la réduction du temps de travail.

Toute remise en cause, même partielle, de ces accords aurait pour effet de modifier leur économie, avec des incidences importantes au niveau de l'organisation du travail. Ces accords doivent continuer à produire leurs effets après la promulgation de la seconde loi.

Il est à noter que le code du travail, dans un passé relativement récent, a prévu ce type de disposition spécifique : en effet, l'article 5 de la loi du 12 novembre 1996 dispose que «les entreprises et les groupes d'entreprises de dimension communautaire dans lesquels il existait, à la date du 22 septembre 1996, un accord applicable à l'ensemble des salariés prévoyant des instances ou autres modalités d'information, d'échange de vues et de dialogue à l'échelon communautaire ne sont pas soumis aux obligations» réglementant depuis cette date le Comité européen.

Mon amendement 912 corrigé vise donc, à la fin du II de cet article, à substituer aux mots : «, et au plus tard pendant une durée d'un an à compter de la date d'entrée en vigueur de la présente loi», les mots : «ou, à défaut, jusqu'à leur terme.»

M. le Rapporteur - Avis défavorable.

Mme la Ministre - Même avis.

M. le Président - Cet amendement est en discussion commune avec les cinq suivants. Je vois

que les amendements 402 et 432 sont défendus.

M. Jean Bardet - Ce texte va invalider les accords conclus en application de la première loi qui ne seront pas conformes avec la nouvelle.

Mon amendement 152 vise donc à porter à deux ans le délai de négociation et à préciser que les stipulations conformes à la nouvelle loi continueront de s'appliquer, afin d'éviter une renégociation complète des accords.

M. André Schneider - Les partenaires sociaux qui ont négocié après l'adoption de la première loi ont tous souligné les difficultés que causait l'existence de délais courts et contraignants. C'est pourquoi mon amendement 783 vise à allonger le délai de renégociation.

M. Gérard Fuchs - Mon amendement 108, plus modestement, vise à allonger ce délai pour les très grandes entreprises, comme celles de la métallurgie ou EDF, car elles doivent suivre une procédure complexe pour négocier un accord.

M. le Rapporteur - On veut démontrer que ce projet remet en question les accords signés. Mais s'ils ont été signés, c'est parce que la loi du 13 juin 1998 a été votée ! Il nous faut donner un nouveau coup d'accélérateur à la négociation collective.

Si des stipulations des accords sont contraires à la loi mais pas à l'ordre public social, nous laissons un an aux partenaires sociaux pour négocier. Ne faisons donc pas de faux procès à ce projet. Avis défavorable.

Mme la Ministre - Avis défavorable sur les six amendements.

L'amendement 912 corrigé, mis aux voix, n'est pas adopté, non plus que les amendements 402, 432, 152, 783 et 108.

M. Gérard Fuchs - Le II de et article tend à annuler certaines stipulations des accords. Or la jurisprudence, en application du principe d'indivisibilité, considère que l'annulation d'une stipulation rend nécessaire la renégociation complète de l'accord. Mon amendement 109 vise à préciser qu'au contraire, les stipulations conformes à la nouvelle loi resteront valables.

Je suis prêt à retirer cet amendement si le Gouvernement parvient à me rassurer sur ce point.

M. le Rapporteur - La commission a repoussé cet amendement.

Mme la Ministre - Il n'appartient pas au législateur de se prononcer sur le caractère divisible ou indivisible des clauses contenues dans ces accords. Chacun, en outre, connaît la jurisprudence et c'est bien pourquoi il y a eu très peu de clauses illégales dans les accords. Avis défavorable.

L'amendement 109, mis aux voix, n'est pas adopté.

L'article 14, mis aux voix, est adopté.

ART. 15

Mme Marie-Thérèse Boisseau - L'article 15 indique que le changement du nombre d'heures stipulé au contrat de travail, en cas d'accord sur la réduction du temps de travail, n'obligera pas l'employeur à recueillir le consentement de l'ensemble des salariés. Il devra le faire en revanche si l'accord a pour conséquence de réduire leur rémunération ou même d'en modifier la structure, suite à la suppression d'une prime par exemple. De tels cas seront nombreux.

Si un salarié refuse une modification de son contrat de travail consécutive à un accord, son licenciement, réputé reposer sur une cause réelle et sérieuse, est soumis à la procédure applicable en cas de licenciement individuel. Dans ce cas, l'employeur devra verser une indemnité, éventuellement majorée de la contribution Delalande si le salarié est âgé. L'employeur n'aura donc que le choix de payer. On ne peut pas dire qu'il s'agisse d'un « dispositif équilibré », malgré ce qu'a écrit notre rapporteur. Je souhaite la suppression de cet article.

M. Hervé Morin - Cet article fixe les modalités selon lesquelles les stipulations des accords seront incorporées aux contrats de travail. En France en effet, la conclusion d'un accord collectif n'entraîne pas d'office la modification des contrats de travail. Il s'agit d'un problème sérieux, que le Gouvernement a résolu à sa façon, en distinguant le qualitatif du quantitatif.

Si le salarié refuse la réduction du temps de travail, le Gouvernement propose d'en faire une cause de licenciement individuel. Mais la commission, si la réduction du temps de travail a des incidences qualitatives sur les horaires ou sur les conditions de travail, propose le régime du licenciement économique, les jurisprudences Framatome ou Majorette s'appliquant avec les conséquences que l'on sait. Compte tenu des complications qui résulteraient, notamment la nécessité de réaliser un plan social et préalable au licenciement, il y a là une source de difficulté supplémentaire pour les entreprises qui n'en ont pas besoin.

De plus, l'article 15 induit pour les entreprises la nécessité de modifier le contrat de travail de chaque salarié, ce qui implique des procédures administratives très lourdes.

Enfin, l'imputabilité de la motivation de la rupture du contrat de travail retenue dans le système proposé n'est pas acceptable. Il est anormal d'imputer la responsabilité de la cessation du contrat à l'employeur si le salarié refuse la modification résultant de la réduction du temps de travail. Ce sont les pouvoirs publics qui sont à l'origine du licenciement en imposant la réduction du temps de travail. Pourquoi dans ces conditions en faire subir à l'employeur les conséquences financières, allant, le cas échéant, jusqu'au versement de la contribution Delalande s'il s'agit d'un salarié âgé de plus de cinquante ans.

Comme ce n'est pas non plus au salarié d'en payer les conséquences, il serait plus judicieux de créer pour l'occasion une formule de licenciement sui generis où la rupture du contrat de travail ne soit pénalisante ni pour l'employeur -qui serait dispensé du versement d'indemnités de licenciement ou de la contribution Delalande-, ni pour le salarié qui pourrait toucher les allocations de chômage.

C'est là une solution équilibrée qui ne sanctionne pas les parties en cas de rupture du contrat de travail due au refus du salarié d'accepter les conditions de l'accord collectif de réduction du temps de travail.

Mme Roselyne Bachelot-Narquin - En commission notre rapporteur, avec son sens de la litote, a reconnu que la solution proposée par l'article 15 n'était pas sans défaut.

Dès la première loi, la difficulté juridique était clairement apparue. L'introduction des 35 heures constitue-t-elle une modification substantielle du contrat de travail ? Mme la ministre nous dit le contraire et la jurisprudence semble lui donner raison bien qu'elle ne soit pas exempte d'ambiguïté. Si la réduction du temps de travail ne peut constituer une modification substantielle du contrat, il revient à l'employeur de dégager un motif réel et sérieux de licenciement vis-à-vis du salarié qui ne l'acceptera pas. Mais direz-vous, par quelle aberration des salariés seraient-ils conduits à refuser un dispositif aussi merveilleux ?

Or il suffit d'examiner les accords intervenus dans le cadre de la première loi pour le comprendre. La réduction du temps de travail peut amener un gel des salaires, un durcissement des conditions de travail, la suppression des heures supplémentaires avec ses incidences sur le niveau de rémunération, soit autant de modifications substantielles qu'un salarié peut légitimement refuser.

Dans ces conditions, certains amendements de nos collègues de la majorité plurielle présentent un fondement moral autant que juridique.

M. Claude Billard - L'article 15 vient dans le texte au chapitre IX intitulé «sécurisation juridique». C'est dire l'immensité de l'écart entre le titre et le contenu... Car s'il y a sécurisation juridique pour le chef d'entreprise, le salarié subit lui un recul social qui n'est pas acceptable.

L'exposé des motifs du projet présentait celui-ci comme une grande conquête sociale. Il est vrai que la réduction du temps de travail sans baisse de salaire constitue une amélioration des conditions de vie et de travail. Tous les partis de la majorité en sont d'accord.

Mais pourquoi redouter, alors, que certains salariés refusent les accords conclus ? Craint-on que les 35 heures puissent entraîner une baisse des salaires ou des modifications d'horaires inacceptables ? Dans le doute, il faut encadrer la flexibilité et garantir les droits des salariés en ne les privant pas de la faculté de s'adresser au juge pour apprécier le bien-fondé d'un licenciement. Si la forme de licenciement de plein droit prévue dans le texte était votée, les salariés seraient fondés à avoir une bien piètre opinion de notre assemblée !

M. le Président - Les amendements 17 et 287 ont ainsi été défendus.

L'amendement 97, repoussé par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, n'est pas adopté, non plus que l'amendement 287

M. Yves Cochet - Notre amendement 974 tend à re-rédiger la dernière ligne du point II de l'article 15, dans l'esprit qu'a excellemment retracé notre collègue communiste.

En effet, l'horaire de travail est actuellement considéré comme un élément des conditions de travail relevant du pouvoir de direction de l'employeur. Or, la jurisprudence concernant les licenciements du fait des modifications d'horaires montre une «sur-représentation» significative des litiges concernant des femmes, du fait de leur engagement dans l'éducation des enfants. La modification de l'horaire de travail a une incidence sur la vie familiale et sur le droit à l'emploi des femmes.

Il convient donc de considérer que l'horaire de travail constitue un élément du contrat de travail qui ne peut être modifié par l'employeur sans l'accord du salarié. Si cette approche contractuelle de l'horaire était retenue, la recherche d'une éventuelle discrimination indirecte deviendrait un paramètre du contrôle du juge sur les modifications de l'horaire de travail voulues par l'employeur. Les salariés, et notamment les femmes, bénéficieraient ainsi d'une plus grande sécurité juridique, et le risque de persistance d'éléments d'inconstitutionnalité serait écarté.

M. le Rapporteur - Avis défavorable.

Mme la Ministre - Avis défavorable également.

L'amendement 974, mis aux voix, est adopté.

Les amendements 519 corrigé, 98, 922 et 433 tombent.

Mme la Ministre - Sans revenir sur le vote acquis, je souligne que la droite vient de voter un amendement qui dit le contraire de ce qu'elle a défendu tout à l'heure.

En vertu de ce vote une simple réduction du temps de travail de 39 à 35 heures, sans modification du salaire ni des conditions de travail, ouvrirait droit à indemnités en cas de rupture du contrat de travail

dû au refus du salarié de s'y soumettre. Que chacun prenne ses responsabilités !

M. le Président - Je suis saisi par le groupe communiste d'une demande de scrutin public sur l'amendement 269.

M. Maxime Gremetz - Les organisations syndicales, les juristes, les inspecteurs du travail, tous ceux que nous avons auditionnés ont unanimement considéré que cet article mettait en cause la protection que constitue le contrat de travail.

Pourquoi s'entêter à ignorer cette vérité ? La possibilité d'un licenciement sans indemnité ni recours possible est de toute façon inacceptable !

C'est pourquoi nous demandons un scrutin public. Votre texte marquerait un recul du droit du travail et nous ne voulons pas en porter la responsabilité.

M. le Rapporteur - L'enjeu de ce débat, c'est la sécurité juridique des accords. L'objectif est d'empêcher que des salariés puissent, à titre individuel, faire obstacle à une volonté collective. On peut discuter du mécanisme proposé mais remettre en cause le principe créerait une insécurité totale : il suffirait, en effet, qu'un certain nombre de salariés, en refusant l'application de l'accord, provoquent leur propre licenciement et obtiennent des dommages-intérêts pour obliger l'entreprise à préparer un plan social. On aboutirait alors à une situation absurde. L'enjeu est considérable : on risque de fragiliser toutes les négociations.

La nécessité d'assurer la sécurité juridique des accords a été soulignée par toutes les organisations professionnelles. Je regrette donc que l'opposition, sur ce point, ait choisi la politique du pire.

Mme la Ministre - Même avis.

M. Hervé Morin - Ne caricaturez pas en permanence nos positions en faisant de nous les défenseurs des entreprises ! Notre proposition est équilibrée. Nous estimons que ce n'est pas à l'employeur de payer les conséquences du licenciement si le salarié refuse le nouvel horaire car la réduction du temps de travail a été imposée par le législateur. Mais ce n'est pas davantage au salarié d'en supporter les frais -il doit pouvoir toucher les allocations de chômage. Tel est le sens de nos amendements.

M. Yves Cochet - C'est vrai qu'il faut sécuriser cette loi et éviter de multiplier les recours. Ce qui pose problème, Monsieur Gremetz, c'est uniquement l'avant-dernière ligne, car elle ligote le juge -pas le reste du paragraphe.

M. Maxime Gremetz - On ne peut imaginer qu'une décision collective, fut-elle prise démocratiquement, puisse remettre en cause la liberté de l'individu et son contrat de travail. Il faut lui laisser le droit de partir et aussi de faire appel au juge. Instituer un licenciement sans indemnité et sans recours possible, ce serait très dangereux pour l'avenir.

Je ne vois pas de contradiction entre la volonté de généraliser les

accords sur les 35 heures et le fait de laisser à un individu le droit de s'y opposer.

Mme la Ministre - Tout le monde a besoin de sécurité juridique, les chefs d'entreprise comme les organisations syndicales : ils ne peuvent signer un accord s'ils n'en connaissent pas les conséquences juridiques. Depuis le début du droit conventionnel se pose la question de l'articulation entre les accords et le contrat de travail.

Nous avons souhaité donner une sécurité juridique fondée sur l'équité. Que dit le texte de la loi ? Que si seule la réduction du temps de travail motive le refus du salarié, s'il n'y a pas d'atteinte à sa rémunération, pas de changement des jours de travail etc. on ne peut parler de modification du contrat de travail. Sinon des salariés désireux de partir ailleurs pourraient en profiter pour se faire licencier aux frais de l'employeur.

Si, en revanche, l'accord collectif entraîne des modifications des horaires de travail qui changent la vie du salarié, ou diminuent sa rémunération, alors il y a rupture du fait de l'employeur, sans qu'on puisse parler pour autant de licenciement économique. C'est un licenciement sui generis, qui donne droit à des indemnités de licenciement.

Le fait que le licenciement soit réputé reposer sur une cause réelle et sérieuse n'empêche pas le salarié de le contester devant les tribunaux et d'obtenir éventuellement des dommages-intérêts.

Ce texte me paraît juste pour toutes les parties. Si dix ou quinze salariés refusent une simple réduction d'horaires, pourquoi obligerait-on l'employeur à préparer un plan social, consulter le comité d'entreprise etc. ?

L'ensemble des organisations syndicales a soutenu ce texte et les organisations patronales y voient aussi une sécurité juridique (Protestations sur les bancs du groupe communiste).

M. Maxime Gremetz - J'ai rencontré toutes les organisations syndicales : elles sont contre !

Mme la Ministre - Pas du tout. Je puis vous ressortir leurs déclarations.

Le texte est juste et clair. Je ne peux être d'accord avec des amendements qui remettent en cause cette philosophie. Je redis à M. Cochet que la formule « est réputé » laisse ouvertes au salarié toutes les voies de recours.

M. Yves Cochet - C'est plutôt au juge que cela enlève toute liberté !

Mme la Ministre - Mais non. Il doit vérifier les circonstances et raisons du licenciement et il peut y avoir d'autres éléments qui justifient des dommages-intérêts. Cette formulation est d'ailleurs employée dans d'autres chapitres du code du travail.

Par 16 voix contre 15 sur 34 votants et 31 suffrages exprimés, l'amendement 269 n'est pas adopté.

M. Maxime Gremetz - Si la réduction du temps de travail devait empêcher les salariés d'assumer leurs tâches d'éducation et de sauvegarde de la santé morale et physique de leurs enfants, elle raterait son but. Les salariés doivent donc pouvoir légitimement invoquer ces contraintes pour refuser des modifications d'organisation du travail induites par la réduction du temps de travail et saisir le juge du contrat pour apprécier leur bien-fondé.

D'autre part, le juge du contrat doit rester compétent pour trancher les litiges individuels.

Tel est l'objet de l'amendement 270.

M. Jean Le Garrec, président de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales - L'amendement 747 de M. Sarre est défendu.

M. le Rapporteur - Avis défavorable. Je rassure M. Gremetz. Il n'est pas porté atteinte aux autres possibilités pour le salarié d'intenter un recours.

Mme la Ministre - Défavorable.

L'amendement 270, mis aux voix, n'est pas adopté, non plus que l'amendement 747.

M. le Président - Je vois que les amendements 99 et 914 sont défendus.

Les amendements identiques 99 et 914, repoussés par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, ne sont pas adoptés.

M. le Président - Les amendements 8, 118, 176, 571 et 600 corrigé sont défendus.

Les amendements identiques 8, 118, 176, 571 et 600 corrigé, repoussés par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, ne sont pas adoptés.

M. Hervé Morin - L'amendement 808 précise la nature personnelle du licenciement, qui n'est pas économique.

M. le Rapporteur - L'amendement 520 avait pour objet de faire préciser au Gouvernement la nature exacte du licenciement. Nous en avons discuté. Il ne s'agit pas d'un licenciement personnel ni d'un licenciement économique. Il existe pourtant un motif objectif et il faut préciser les garanties apportées à l'individu dans cette procédure.

Mme la Ministre - En cas de changement substantiel des conditions de travail, de vie ou de la rémunération en raison d'une réduction du temps de travail, il y a rupture de fait de contrat de la part de l'employeur et licenciement avec toutes les conséquences que cela implique. Dans la mesure où il n'y a pas difficulté économique, mutation technologique, sauvegarde de compétitivité pour justifier ce changement, il ne s'agit pas de licenciement économique, mais d'un licenciement sui generis. Il n'y a pas faute de salarié et il a droit aux indemnités de licenciement.

M. le Rapporteur - Je retire l'amendement 520.

Mme Nicole Catala - Il s'agit donc d'un cas nouveau de licenciement, traité comme un licenciement personnel. Quelles règles va-t-on appliquer ? Par exemple le licencié aura-t-il priorité pour être réembauché ? Si dans une PME il y a plus de salariés qui refusent, que se passe-t-il ? Je m'interroge aussi sur la méthode qui consiste à considérer comme cause réelle et sérieuse de licenciement un accord collectif qui altère de façon substantielle le contrat de travail. Et comment considère-t-on le cas du salarié payé plus que le SMIC pour 39 heures et qui passant à 35 heures, voit son salaire diminuer par suite d'un accord collectif, mais du fait de l'application de la loi ?

Mme la Ministre - Un des intérêts d'avoir un accord majoritaire des salariés est d'éviter ce type de situation, qui était possible avec le dispositif de Robien. En général il y aura accord légitimé par la signature de syndicats majoritaires ou une consultation des salariés. Sur les 15 000 accords signés, dans 90 % des cas les salariés déclarent avoir été consultés. Cependant même si une majorité se prononce pour tel ou tel horaire, un salarié peut considérer qu'il n'est pas satisfaisant, renoncer à son contrat de travail et être licencié. Il est normal qu'il ait une indemnité de licenciement.

Quant à être réembauché en priorité, cela n'aurait guère de sens si le salarié refuse les conditions de travail.

Mme Nicole Catala - Ce serait avec un autre horaire.

Mme la Ministre - Cela supposerait une modification de l'accord. Il y aura vraiment peu de cas concernés. Il faut que l'accord dénature les conditions de vie, crée un problème personnel ou une baisse de rémunération. Or dans 90 % des cas, elle est maintenue.

Enfin, avez-vous soutenu, les salariés payés plus que le SMIC devraient voir leur rémunération baisser du fait de l'application de la rémunération mensuelle garantie. Mais non : l'article, tel qu'il est rédigé, prévoit un mécanisme de lissage qui l'exclut !

L'amendement 808, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Yves Cochet - L'amendement 199 est défendu.

M. Hervé Morin - De même les amendements 403 et 938.

Les amendements 199, 403 et 938, repoussés par la commission et par le Gouvernement, successivement mis aux voix, ne sont pas adoptés.

M. le Président - Je vous avertis d'ores et déjà que, sur le vote de l'article 15, je suis saisi par le groupe communiste d'une demande de scrutin public.

M. Hervé Morin - Je défendrai ensemble les amendements 810, 811 et 809.

Vous n'avez toujours pas répondu à ma question, Madame la ministre. Vous reconnaissez vous-même qu'il s'agit ici d'un licenciement sui generis : dans la mesure où la modification du contrat de travail a son origine dans une loi et dans la volonté qu'a l'Etat de réduire la durée légale du travail, pourquoi exiger de l'employeur le paiement d'indemnités de licenciement, ainsi que de la contribution Delalande si le salarié a plus de 50 ans?  D'où ces amendements.

Mme Roselyne Bachelot-Narquin - L'amendement 705 est défendu.

M. le Rapporteur - Avis défavorable, sauf peut-être à l'amendement 705 car ce que vient de dire M. Morin à propos du versement de la contribution Delalande me semble fondé. Mais j'attends ce que va dire le Gouvernement...

Mme la Ministre - Nous avons en effet laissé échapper ce problème, peut-être parce que l'article L. 321-13, relatif à la contribution Delalande, figure dans le chapitre consacré au seul licenciement économique, mais M. Morin a raison : il faut ajouter ce cas aux exceptions déjà citées dans cet article car il n'y a pas de raison, en l'occurrence, que l'employeur acquitte la contribution Delalande.

Je suis donc favorable à l'amendement 809 -mais non ceux 810 et 811.

Mme Nicole Catala - Permettez-moi de soulever à nouveau un problème juridique : je suis dubitative, pour ne pas dire critique lorsque je vois, s'agissant de la rupture du contrat, établir des régimes de licenciement différents selon que la réduction du temps de travail résulte d'un accord ou de la seule application de la loi. Je me demande même si nous ne devrions pas saisir le Conseil constitutionnel de cette disposition.

M. le Rapporteur - Madame la ministre, après une lecture attentive, il me semble que l'amendement 705 est préférable au 809.

Mme la Ministre - En effet : il codifie la disposition en l'intégrant aux cas d'exemption mentionnés à l'article L. 321-13.

Madame Catala, l'accord sera certes conclu en vertu de la présente loi mais ce sont les conditions d'application

de la réduction du temps de travail qui pourront motiver le refus du salarié. Or ces conditions -travail du samedi ou de nuit, réduction de salaire, etc.- ne sont pas données dans la loi, mais dans l'accord. J'ajoute que le Conseil d'Etat, unanime, a tranché dans le même sens que moi.

Les amendements 810 et 811, successivement mis aux voix, ne sont pas adoptés.

L'amendement 809 est retiré.

L'amendement 705, mis aux voix, est adopté.

M. Maxime Gremetz - Dans la mesure où la cause réelle et sérieuse constitue une présomption, le salarié pourra toujours s'adresser au juge, a dit tout à l'heure Mme la ministre. Mais l'article 15 ne parle que de licenciement «réputé» reposer sur une cause réelle et sérieuse. Il me semble donc qu'il s'impose de changer «réputé» par «présumé».

M. Daniel Paul - Ce serait en effet le bon sens.

M. Yves Cochet - J'en suis d'accord.

M. le Président - Il me semble difficile de revenir en arrière : nous avons terminé la discussion des amendements et voté.

M. Maxime Gremetz - Qu'on propose un amendement intelligent et je le reprends immédiatement !

M. le Président de la commission - Je demande une suspension de séance.

La séance, suspendue à 22 heures 25 est reprise à 22 heures 40.

A la majorité de 22 voix contre 6 sur 38 votants et 28 suffrages exprimés, l'article 15 modifié, est adopté.

M. Maxime Gremetz - Le groupe communiste s'est abstenu dans la mesure où nous sommes convenus de travailler avec Mme la ministre afin de parvenir d'ici la deuxième lecture à une rédaction qui réponde à notre préoccupation commune.

Mme Roselyne Bachelot-Narquin - Un plat de lentilles...

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AVANT L'ART. 16

Mme Roselyne Bachelot-Narquin - L'amendement 675 corrigé vise à éviter que le passage aux 35 heures entraîne une diminution du pouvoir d'achat des salariés. Il serait utile de le rappeler car des accords prévoient une baisse des rémunérations.

L'amendement 675 corrigé, repoussé par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, n'est pas adopté.

ART. 16

M. Hervé Morin - Nous l'avons dit, les dispositions relatives au SMIC conduiront à la mort du SMIC unique, à la disparition de cette référence essentielle dans l'échelle des salaires de notre pays.

Pour les salariés à temps partiel et pour ceux des nouvelles entreprises, votre dispositif ne comporte pas assez de garanties. nous avons donc déposé de nombreux amendements, tout comme la commission d'ailleurs, pour améliorer le texte initial.

Mais il reste un problème non résolu : celui des salariés à temps partiel qui sont rémunérés au SMIC horaire. Ils ne bénéficieront pas, en effet, de la «prime» que vous donnez aux salariés à temps plein.

Prenons un salarié à temps partiel qui travaille actuellement 33 heures par semaine.

Après l'adoption de cette loi, ses horaires resteront les mêmes, mais la différence de rémunération avec ses collègues à temps plein, qui ne travailleront que deux heures de plus que lui, va devenir considérable.

Ce nombre de smicards, qui a beaucoup augmenté ces dernières années, risque de devenir de plus en plus important à l'horizon 2005, au moment du rattrapage.

Votre projet, en effet, peut avoir deux types de conséquences. Ou bien l'ensemble de la grille des salaires glisse vers le haut, ce qui se traduira par une perte de compétitivité de nos entreprises ; ou bien nous assisterons à un écrasement de l'échelle des salaires, avec de plus en plus de smicards.

Malgré les efforts de l'opposition, il demeure dans l'article 16 une différence de traitement entre les salariés à temps plein, dont la rémunération est garantie par la prime différentielle, et les salariés à temps partiel, dont la rémunération va diminuer, du moins en termes relatifs (Interruptions sur les bancs du groupe socialiste).

Mme Roselyne Bachelot-Narquin - Quel guêpier, ce double SMIC, Madame la ministre ! Je ne vois qu'une seule solution logique : celle des communistes et des verts, qui consisterait à augmenter le SMIC horaire de 11,2 %.

M. Yves Cochet - Ce n'est pas ma position.

Mme Roselyne Bachelot-Narquin - Telle était d'ailleurs la promesse du candidat Jospin : les 35 heures payées 39.

Mme la Ministre - Non.

Mme Roselyne Bachelot-Narquin - Les experts, cependant, ont montré que les augmentations du SMIC avaient un effet désastreux sur l'emploi : pour un point d'augmentation du SMIC, on compte 20 000 chômeurs de plus. L'augmenter de 11,2 %, ce serait donc mettre plus de 200 000 personnes de plus au chômage.

Ce matin, vous avez adopté un amendement visant à ouvrir le bénéfice de l'aide aux entreprises nouvelles, qui bénéficieront en outre d'une aide supplémentaire spécifique. Mais vous n'avez pas résolu le problème du salaire minimum de croissance, qui évolue de deux manières : en fonction du taux de croissance et au gré des fameux «coups de pouce».

Il y aura nécessairement un grugé dans l'affaire. Si la hausse du SMIC ne sert qu'à avaler le complément différentiel, les salariés seront spoliés des fruits de la croissance. Dans le cas contraire, il faudra augmenter le SMIC de 2,5 % par an : au lieu de tirer le sparadrap d'un coup sec, on le tirera doucement, lentement, ce qui fera très mal.

Vous allez faire supporter à l'économie française une hausse du SMIC dont on sait qu'elle généralisera le chômage, parce que vous n'avez pas trouvé de solution à un problème dont nous vous avions dit, dès l'examen de la première loi, qu'il était insoluble.

Mme Nicole Catala - Votre dispositif va se traduire par une augmentation importante du coût du travail, en contradiction avec les politiques menées précédemment, qui visaient à rendre nos entreprises plus compétitives par des allégements de charges.

Si ce projet prévoit bien un allégement de charges sociales, il sera annulé par la compensation du surcoût. Alléger pour prélever, c'est la politique de Gribouille ! Je crois cette réforme nocive pour notre économie.

Par ailleurs, le complément différentiel entrera-t-il dans le concept juridique du SMIC, avec toutes les conséquences, y compris pénales, que peut avoir le non respect du SMIC ? Sommes-nous toujours dans la conception originelle du SMIC, c'est-à-dire la garantie d'un pouvoir d'achat, s'il s'agit maintenant de compenser la perte liée à la réduction du temps de travail ?

Enfin, les minima qui servent de référence pour le calcul d'un certain nombre d'allocations seront-ils revalorisés dans la même proportion que le SMIC ? Et pourquoi refusez-vous toujours l'idée d'un SMIC mensuel ?

M. Maxime Gremetz - Je renonce à mon temps de parole au profit de M. Birsinger, avec l'autorisation du Président.

M. Bernard Birsinger - Permettez-moi d'appeler votre attention sur une catégorie de salariés totalement absente de ce projet : les fonctionnaires, dont on ne dit pas un mot, même dans l'exposé des motifs.

Je le regrette d'autant plus qu'à l'initiative des députés communistes, l'article 14 de la première loi prévoyait un rapport « sur le bilan et les perspectives de la réduction du temps de travail pour les agents de la fonction publique ». Qu'en est-il de ce rapport et de la réduction du temps de travail dans les services publics ?

Mme Nicole Catala - Vous direz tout cela demain !

M. Bernard Birsinger - Je souhaite le dire ici.

Madame la ministre, je vous rappelle vos propos du 5 octobre dernier : « Pour réussir, le mouvement des 35 heures doit toucher toutes les catégories de salariés, car tous souhaitent de meilleures conditions de travail et plus de temps libre. Mais la réduction du temps de travail va plus loin en créant des solidarités nouvelles entre salariés et chômeurs ; elle permet aux salariés de vivre concrètement la solidarité dans leurs décisions. »

On ne peut que partager ce point de vue. Il est anormal que cette loi, qui représente une grande avancée, laisse de côté cinq millions de salariés. Comment créer des emplois sans engager dans la réforme notre fonction publique, qui a toujours joué un rôle déterminant

en matière sociale ?

En février dernier, est sorti le rapport Roché, dont les médias ont fait un compte rendu partial. Nombre de salariés de la fonction publique, tout particulièrement ceux des hôpitaux, vous diront que leurs mauvaises conditions de travail vont souvent de pair avec un service public dégradé.

Le maire que je suis le sait, quoi qu'en disent les tenants du libéralisme : nous avons besoin de services publics et de personnel. Il y a besoin de créer des emplois.

On oppose à la possibilité de réduction du temps de travail dans la fonction publique territoriale le principe de libre administration des collectives territoriales : à celles qui veulent mettre en place une réduction du temps de travail d'un supporter le coût. Mais est-il normal que l'Etat donne 105 milliards aux entreprises privés pour les aider à mettre en place la réduction du temps de travail et pas un centime à la fonction publique où toute aide amène directement des créations d'emplois ? En 1982, grâce à des aides d'Etat incitant à une réduction du temps de travail, la ville de Bobigny a pu créer 33 emplois.

Dans les fonctions publiques, le Gouvernement s'en remet au bon vouloir de chaque employeur. Mais depuis la première loi, les accords signés n'ont pas permis des créations d'emplois à la hauteur des enjeux, d'où la nécessité d'un cadre législatif qui donne aux 35 heures leur vocation première de créer massivement de l'emploi.

Je déplore que l'article 40 de la Constitution ait été opposé à notre amendement visant à intégrer la fonction publique dans la réduction du temps de travail et je souhaite au moins connaître l'opinion du Gouvernement sur cette importante question.

M. Yves Cochet - Je m'associe à la question de M. Birsinger sur la fonction publique mais je souhaite également poser quelques questions à travers quelques cas précis.

S'agissant des salariés payés au SMIC qui passent de 39 à 35 heures, l'article 16 s'applique sans difficulté particulière. Qu'en sera-t-il des salariés bénéficiant d'une rémunération équivalente au SMIC mais qui par un accord d'entreprise vieux de cinq ou dix ans travaillent de 36 à 38 heures ? Le premier alinéa du paragraphe I leur assure-t-il une garantie de revenu ?

J'en viens aux nouveaux embauchés à temps plein au SMIC dans des entreprises existantes : l'article 16 leur garantit-il l'égalité de traitement avec les «smicards» en place ?

Les salariés -je devrais dire les salariées car cela concerne 85 % de femmes- à temps partiel qui ne connaîtront pas de réduction du temps de travail lors du passage aux 35 heures mais qui travaillent autant que des salariés à temps partiel ayant réduit leur horaire bénéficieront-ils de la même rémunération ? Une personne qui travaillait 20 heures antérieurement à la réduction du temps de travail sera-t-elle rémunérée au même niveau qu'une autre passant de 22 à 20 heures ?

Qu'en sera-t-il des nouveaux embauchés à temps partiel ?

Je ne reviens pas en revanche sur la question des nouvelles entreprises qui a été réglée cet après-midi.

M. le Président - Nous pouvons considérer que les amendements 100, 288 et 733 viennent d'être défendus par les exposés des orateurs inscrits.

L'amendement 100, repoussé par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, n'est pas adopté, non plus que les amendements 288 et 733.

M. Maxime Gremetz - L'amendement 271 vise à garantir le maintien du pouvoir d'achat du salaire minimum interprofessionnel de croissance pour tous les salariés concernés par la réduction du temps de travail, grâce à la majoration du taux horaire.

Il est donc proposé de dire explicitement que la valeur du taux horaire du salaire minimum interprofessionnel de croissance est majorée de 11,4 % à compter du 1er janvier 2000. Dans les entreprises de moins de vingt salariés, cette majoration s'applique au 1er janvier de l'an 2002, ou à compter de la mise en _uvre la réduction du temps de travail si elle est antérieure.

Certes ce matin, en commission, une solution assez satisfaisante a été trouvée sur le SMIC grâce au complément différentiel de rémunération qui permet d'éviter toute perte de salaire. Mais comme depuis plusieurs années des thèses favorables à sa suppression sont régulièrement défendues, nous souhaitons réaffirmer notre attachement au SMIC, qui doit être maintenu dans le droit du travail français. Il s'agit d'une bonne exception française.

M. le Rapporteur - Le SMIC horaire sera préservé et chaque salarié rémunéré à ce niveau bénéficiera du maintien de son salaire grâce au complément différentiel. Nous avons eu ce débat à plusieurs reprises. L'objectif est atteint.

M. le Président de la commission - Notre volonté politique de préserver le SMIC sera ainsi inscrite dans la loi.

Mme la Ministre - Je précise à Mme Catala que nous appliquerons pour le respect de la garantie les mêmes contraventions que pour le SMIC.

L'ensemble des nouveaux embauchés au SMIC et sur des emplois équivalents bénéficieront, Monsieur Cochet, de la même garantie, celle-ci étant, pour les salariés à temps partiels, proratisée selon l'horaire effectué.

A M. Gremetz je confirme que le SMIC horaire ne sera pas mis en cause. Car pour le SMIC mensuel il correspond à une revendication ancienne du patronat qui souhaitait intégrer par ce biais divers éléments annexes de rémunération tels que des primes d'ancienneté ou d'assiduité.

Il faut conserver un SMIC horaire, auquel s'ajoutent tous les éléments annexes. Sur une période transitoire de cinq ans, un dispositif de rémunération mensuelle garantie s'appliquera, afin de respecter le principe « à travail égal, salaire égal », dont bénéficieront les nouveaux embauchés et les salariés à temps partiel.

M. Hervé Morin - Je voudrais comprendre ! La rémunération d'un salarié au SMIC à temps partiel effectuant 32 heures restera identique, soit 32 fois le SMIC horaire, même si un accord de réduction du temps de travail collective intervient.

Mais celui qui passera de 39 à 35 heures bénéficiera de la prime différentielle. Peut-on dire alors que la jurisprudence « à travail égal salaire égal » s'applique ? Pour seulement trois heures de travail de moins -entre 35 et 32 heures- la différence de rémunération sera considérable. Quant aux postes considérés comme sans équivalent dans l'entreprise, ils ne bénéficieront pas de la prime différentielle.

Mme la Ministre - Il est assez malvenu d'entrer sur cette question par des biais différents. Vous avez dit à plusieurs reprises que vous étiez hostile à l'augmentation du SMIC. Vous vous indignez à présent des différences de traitement entre secteurs. Que ne vous êtes-vous indigné que le SMIC dans le secteur pétrolier soit 1,5 fois ce qu'il est dans le commerce de détail ? (Interruptions sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL)

La réalité, c'est que selon le secteur où l'on travaille, on ne perçoit pas la même rémunération.

Aujourd'hui nous parlons du SMIC. Le SMIC horaire ne bouge pas.

Quand il n'y a pas de changement de situation, il n'y a pas de raison que la rémunération change : le salarié qui faisait 32 heures et reste à 32 heures touche 32 fois le SMIC. On ne voit pas pourquoi il serait subitement augmenté. En revanche, pour celui qui passe de 39 heures à 35 heures, il est normal de prévoir une rémunération mensuelle garantie afin de lui éviter de subir un préjudice. Toute la jurisprudence sur la rupture d'égalité vérifie si les situations sont bien identiques : ce n'est pas le cas dans l'exemple que vous citez. Notre texte se tient, il est cohérent et équitable.

L'amendement 271, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Gérard Fuchs - Mon amendement 110 répondait au départ à une triple motivation.

Motivation sociale : le SMIC doit rester un garde-fou de caractère législatif. Or certaines imprécisions du projet initial pourraient faire craindre que certains salariés travaillent 35 heures perçoivent moins que le SMIC mensuel actuel.

Motivation économique : il n'était pas imaginable que, selon leur date de création, deux entreprises ayant la même activité doivent payer des salaires mensuels différents. Cela aurait entraîné des distorsions de concurrence et la tentation de détourner la loi en créant des filiales nouvelles.

Motivation sociétale enfin : s'il est vrai que, juridiquement, il n'existe pas de SMIC mensuel, il apparaît bien sur les fiches de paie. Il existe déjà un revenu minimum d'insertion et on peut espérer qu'il existera un jour un revenu minimal d'existence -autrement dit une garantie salariale mensuelle.

L'acceptation par le Gouvernement d'un amendement à l'article 11 réglant la situation des entreprises nouvelles a calmé mes inquiétudes et je retire donc cet amendement.

Mme Roselyne Bachelot-Narquin - L'amendement 101 de M. Mariani me donne l'occasion de revenir sur les distorsions que votre nouveau mode de calcul du SMIC va créer entre salariés d'une même entreprise. Le SMIC est actuellement fixé à 40,70 F. Avec le complément différentiel, le SMIC horaire va en fait

passer à 45,40 F. Selon qu'ils sont à temps complet ou à temps partiel, les salariés d'une même entreprise toucheront donc pour le même travail 40,70 F pour certains et 45,40 F pour d'autres. C'est là que réside l'inégalité et vous ne pouvez pas vous sortir de cette difficulté.

M. Hervé Morin - L'amendement 815 est de précision.

M. le Rapporteur - Avis défavorable sur les deux amendements.

Mme la Ministre - Même avis.

Les amendements 101 et 815, successivement mis aux voix, ne sont pas adoptés.

M. Yves Cochet - L'amendement 975 tente de répondre à la première question que j'avais posée au sujet des salariés qui étaient déjà payés 39 heures pour un horaire de 37 heures et qui vont passer maintenant, collectivement, à 35 heures : d'après mes calculs, ils perdraient 350 F par mois.

M. le Rapporteur - Ils se retrouveront avec le même salaire, grâce au complément différentiel. Aucun salarié payé au SMIC ne peut perdre par rapport à sa rémunération antérieure. C'est justement l'intérêt du mécanisme institué par le texte que de préserver le principe du SMIC horaire tout en garantissant le maintien de la rémunération.

M. Lucien Degauchy - Je plains ceux qui devront faire les fiches de paie !

Mme la Ministre - Vous plaisantez sur la complexité du calcul mais que dire de la formule de la ristourne Juppé : 0,666 x (1,3 x SMIC x 169 - salaire brut mensuel) !

M. Lucien Degauchy - C'est limpide ! (Rires sur divers bancs)

M. le Président - Je n'ai pas saisi votre avis sur l'amendement 975... (Rires)

Mme la Ministre - Défavorable.

L'amendement 975, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Hervé Morin - Je remarque que M. Gremetz n'a pas voté l'amendement...

Mme la Ministre - Si je comprends bien, l'opposition, qui a voté l'amendement, souhaite que des salariés qui travaillent 20 heures par mois soient payés 39 heures ! Chacun prend ses responsabilités... J'estime, pour ma part, qu'on ne s'amuse pas avec ce genre de choses sur le dos des salariés et des entreprises.

M. Hervé Morin - Nous avions déposé l'amendement 814 pour permettre aux travailleurs embauchés dans des entreprises nouvelles de bénéficier des mêmes garanties que les autres. Compte tenu des dispositions adoptées ce matin, qui règlent plus ou moins le problème, aux frais du contribuable il est vrai, je retire cet amendement.

M. le Président - L'amendement 813 est défendu.

L'amendement 813, repoussé par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Yves Cochet - Je retire l'amendement 976.

M. le Rapporteur - Par l'amendement 521 -et l'amendement identique 977- nous souhaitons obtenir du Gouvernement des précisions sur la notion d'emploi équivalent. Il ne faudrait pas qu'un chef d'entreprise puisse l'utiliser pour priver le salarié qui exerce une activité voisine mais non identique du complément différentiel auquel il aurait droit.

Mme la Ministre - Nous souhaitons préserver la rémunération mensuelle garantie des salariés au SMIC et appliquer le principe «à travail égal, salaire égal». La jurisprudence apprécie ce principe en fonction de la notion d'équivalence entre permanent et intérimaire par exemple ou entre les emplois lorsqu'on réembauche un salarié prioritaire ou qu'on réintègre un salarié dont le contrat était suspendu ou un représentant du personnel. Deux emplois équivalents ne sont pas identiques, ils peuvent s'exercer dans des lieux ou des services différents, mais leur rémunération et leur place dans la hiérarchie sont équivalentes. Cette notion est consacrée par la Cour de cassation et par le Conseil d'Etat, notamment en ce qui concerne les salariés protégés. Je souhaite que la notion d'emploi garde un contenu large.

M. le Rapporteur - L'amendement 521 est retiré.

M. Yves Cochet - De même pour l'amendement 977.

M. Hervé Morin - La notion d'emploi équivalent est trop vaste. Mon amendement 818 y substitue «postes et fonctions».

M. le Rapporteur - Défavorable.

Mme la Ministre - Nous souhaitons conserver la notion d'équivalence la plus large. Or postes et fonctions sont plus restrictifs qu'emploi. Rejet.

L'amendement 818, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Yves Cochet - L'amendement 978 revient sur l'exclusion des salariés à temps partiel -surtout des salariés- n'ayant pas réduit leur durée de travail.

L'amendement 978, repoussé par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, n'est pas adopté.

Mme Roselyne Bachelot-Narquin - L'amendement 102 est défendu.

L'amendement 102, repoussé par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. le Rapporteur - Nous avons eu les explications souhaitées. Je retire l'amendement 523.

M. Yves Cochet - Je retire de même l'amendement 979.

M. Gérard Terrier - L'amendement 1081 a pour objet de garantir le maintien des rémunérations antérieures pour les salariés concernés par un démantèlement de leur entreprise.

M. le Rapporteur - Nous l'attendions. Il faut éviter cette façon de contourner l'objectif de maintien de la rémunération.

Mme la Ministre - Favorable.

L'amendement 1081, mis aux voix, est adopté.

M. Yves Cochet - L'amendement 980 vise à réduire la période transitoire du «double SMIC» en augmentant le SMIC horaire en trois fois plutôt qu'en six.

L'amendement 980, repoussé par la commission par le Gouvernement, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Hervé Morin - L'amendement 816 est défendu.

M. Yves Cochet - Je retire l'amendement 981.

L'amendement 816, repoussé par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Maxime Gremetz - Pour garantir le pouvoir d'achat de tous les salariés, l'amendement 272 prévoit que : «Le taux de salaire horaire servant de référence est calculé à partir de tous les éléments fixes de rémunération, auxquels s'ajoutent la rémunération des heures supplémentaires accomplies de manière constante, servis au cours des 12 mois précédents la mise en _uvre de la réduction du temps de travail. Les éléments variables de rémunération ne doivent pas être affectés par la révision des taux horaire.

«Les salariés embauchés postérieurement à la réduction du temps de travail et les salariés à temps partiel bénéficient, à qualification et ancienneté comparables, des mêmes taux horaires.»

M. le Rapporteur - La commission l'a repoussé.

Mme la Ministre - Défavorable.

L'amendement 272, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Yves Cochet - Je m'abstiendrai sur l'article.

M. Maxime Gremetz - Le groupe communiste également.

L'article 16, modifié, mis aux voix, est adopté.

APRÈS L'ART. 16

Mme Roselyne Bachelot-Narquin - Je regrette l'absence de Mme Génisson. Elle a déposé un rapport sur l'égalité de traitement entre hommes et femmes. Je suis surprise de la modestie des mesures qu'elle préconise. On annonçait que l'examen de ce projet sur les 35 heures serait l'occasion de progrès importants. De fait, cela s'imposerait : les écarts de salaire entre hommes et femmes restent de l'ordre de 27 %, comme l'a rappelé Mme Génisson à la suite de Mme Majnoni d'Intignano.

Mme Boisseau propose donc, dans son amendement 817, que le Gouvernement présente avant le 1er mars prochain «les mesures visant à garantir l'égalité professionnelle entre hommes et femmes». On ne saurait en effet se contenter d'études et d'expertises : il faut maintenant du concret !

M. le Rapporteur - Le Gouvernement se préoccupe fortement de cette question : le Premier ministre l'a évoqué à plusieurs reprises, et de même d'autres membres du Gouvernement. Ainsi, encore tout récemment, Mme Péry y a fait allusion dans une réunion qu'elle a tenue dans la salle des fêtes de Saint-Laurent-sur-Adour (Sourires) et à laquelle j'assistais.

L'amendement 817, repoussé par le Gouvernement et mis aux voix, n'est pas adopté.

ART. 17

M. Claude Billard - Cet article traitant de la réduction du temps de travail dans l'agriculture, il s'impose de rappeler que c'est dans ce secteur qu'on constate les durées de travail les plus longues : jusqu'à 60 heures par semaine ! Cela tient bien évidemment à la saisonnalité des activités mais le dépassement des quotas d'heures supplémentaires est là plus fréquent qu'ailleurs et il est par conséquent impératif d'étendre la réduction du temps de travail à ce secteur aussi. Nous y parviendrons notamment en créant des emplois, y compris dans les entreprises de moins de vingt salariés. Nos amendements iront dans ce sens.

Mme Roselyne Bachelot-Narquin - Les amendements de suppression de l'article -103, 289, 555 et 734- sont défendus.

Les amendements 103, 289, 555 et 734, repoussés par la commission et par le Gouvernement, successivement mis aux voix, ne sont pas adoptés.

M. le Président - Je viens d'être saisi d'amendements nouveaux, déposés par le Gouvernement. Je vais suspendre la séance pour en permettre la distribution.

La séance, suspendue à 23 heures 50, est reprise le samedi 16 octobre à 0 heure 10.

M. Yves Cochet - Les salariés du secteur agricole doivent être traités comme ceux de l'industrie et du commerce. Les spécificités du travail ne justifient pas que soient pérennisées dans le code rural des dispositions qui ont perdu singulièrement de leur valeur depuis 70 ans. Pourquoi la définition du travail effectif adoptée en 1998 ne s'applique-t-elle pas aux salariés agricoles ? Pourquoi les salariés de Yoplait, coopérative agricole, sont-ils régis par le code rural et ceux de Danone, entreprise commerciale, par le code du travail ? L'amendement 982, en complétant le premier alinéa de l'article L. 200-1 du code du travail par les mots « , les établissements agricoles », rendrait le droit plus lisible, éviterait les renvois entre code du travail et code rural et nous ferait gagner beaucoup de temps ce soir (Sourires).

M. le Rapporteur - L'argument est séduisant, mais la commission a repoussé l'amendement.

Mme la Ministre - J'y suis également défavorable.

Mais, de façon plus générale, il me semble difficile de nous engager dans l'examen de cet article 17 alors que l'amendement destiné à transposer dans le code rural les dispositions adoptées dans les 16 articles précédents n'est pas prêt.

Je propose donc que nous nous contentions ce soir d'inscrire dans la loi le principe de l'application des 35 heures dans le monde agricole et que nous renvoyions à plus tard cette oeuvre de transposition.

Mme Roselyne Bachelot-Narquin - Rappel au Règlement ! Il est pour le moins curieux que le Gouvernement dépose maintenant un amendement dont l'adoption modifierait l'architecture du projet. D'ailleurs, cet amendement doit être prêt depuis des semaines, depuis des mois, s'il s'agit, comme j'ai cru le comprendre, de transposer une directive européenne.

Le Gouvernement est d'une grande légèreté à l'égard des parlementaires -et des fonctionnaires- ici présents.

Mme la Ministre - Il ne s'agit nullement de transposer une directive, mais de transcrire dans le code rural les dispositions que nous venons de voter. Il est inutile que l'Assemblée procède maintenant à cette transcription qu'elle pourra faire utilement en deuxième lecture.

Je comprends votre courroux et je ne suis pas éloignée de le partager (Sourires).

M. Hervé Morin - Nous pouvons en effet procéder à cette transcription en deuxième lecture au Sénat.

M. Yves Cochet - Je retire mon amendement 982.

M. le Président - Voici la teneur de l'amendement 1092 déposé par le Gouvernement : «Rédiger ainsi cet article :

"L'article 992 du code rural est ainsi modifié :

"La première phrase du premier alinéa est ainsi rédigée :

"La durée légale du travail effectif des salariés agricoles énumérés à l'article 1144 (1° à 3°, 5° à 7°, 9° et 10°) est fixée à trente-cinq heures par semaine sauf pour ceux employés par les établissements publics administratifs cités au 7° dudit article."»

Mme Roselyne Bachelot-Narquin - Le texte de cet amendement ne nous a pas été distribué.

M. le Rapporteur - Avis favorable, naturellement... (Murmures sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL)

Mme Roselyne Bachelot-Narquin - Vous avez la foi du charbonnier, Monsieur le rapporteur !

M. Hervé Morin - Le Sénat, porte-parole du monde rural, sera dans son rôle quand il procédera à la transcription en cause. Cependant, je m'étonne d'une telle improvisation sur un texte présenté comme majeur par le Gouvernement.

M. le Rapporteur - Maintenant que je dispose de l'amendement, je vous confirme que j'y suis favorable (Rires).

Mme Roselyne Bachelot-Narquin - La transposition des 35 heures posera des problèmes au monde rural. Mon département, le Maine-et-Loire, est le premier producteur de pommes du pays. Or c'est quand elles sont mûres qu'il faut les ramasser. On emploie donc des salariés pour la cueillette et parmi eux un certain nombre d'étudiants.

Il est d'ailleurs de plus en plus difficile de trouver des travailleurs saisonniers, que ce soit dans mon département ou dans d'autres, comme la Dordogne ou le Lot-et-Garonne, si bien qu'il faut faire venir de nombreux étrangers.

Votre texte, quelle qu'en soit la rédaction, va aggraver cette situation.

Mme la Ministre - Je regrette que nous n'ayons pu réagir assez vite aux modifications intervenues dans les articles précédents et l'amendement que j'ai déposé ne vise qu'à remettre leur transcription à la deuxième lecture.

L'amendement 1092, mis aux voix, est adopté et l'article 17 est ainsi rédigé.

APRÈS L'ART. 17

M. Maxime Gremetz - L'amendement 318 corrigé vise à supprimer l'article L. 120-3 du code du travail pour rétablir la présomption de travailleur salarié.

De nombreux employeurs ne déclarent pas comme salariés certains de leurs personnels afin de se soustraire au paiement des charges sociales. Il convient de mettre fin à cette possibilité en rétablissant la présomption de travailleur salarié.

M. le Rapporteur - La commission a émis un avis défavorable.

Mme la Ministre - Tout en reconnaissant avec M. le rapporteur que le lien de cet amendement avec le projet de loi est ténu, le Gouvernement y est favorable. L'article L. 120-3 du code du travail permet un contournement grâce au code du travail du statut de salarié. Il y a donc lieu de le supprimer.

Mme Roselyne Bachelot-Narquin - Mme la ministre se déclare favorable à cet amendement. Peut-être est-ce un élément de négociation pour réduire les tensions au sein de la majorité plurielle ?

S'il y a abus, il y a tout moyen de requalifier le lien de subordination comme cela se fait régulièrement.

Vous me donnez l'impression de tirer au canon sur une mouche ! Il est inutile de supprimer cet article du code du travail.

L'amendement 318 corrigé, mis aux voix, est adopté.

M. Yves Cochet - Notre amendement 990 corrigé est inspiré d'une actualité récente d'origine auvergnate et du discours du Premier ministre sur les licenciements abusifs.

Le droit constitutionnel à l'emploi implique que le salarié licencié pour un motif sans cause réelle et sérieuse retrouve son emploi et ne soit pas seulement indemnisé financièrement. Actuellement, seuls les salariés licenciés pour un motif discriminatoire ou attentatoire à une liberté publique ou dans le cadre d'un plan social jugé nul, c'est-à-dire une minorité des salariés licenciés, peuvent retrouver leur emploi.

La sanction doit être à la hauteur du droit protégé. Le droit à l'emploi justifie la remise en l'état, c'est-à-dire la réintégration du salarié.

Une telle sanction avait été débattue dès le vote de la loi de 1973 sur les licenciements. Elle est appliquée au Japon et, dans une certaine mesure, en Allemagne.

M. le Président de la commission - La commission a rejeté cet amendement. Le sujet important ne peut être traité partiellement, de surcroît par référence au Japon !

Mme la Ministre - Avis défavorable.

M. Hervé Morin - L'heure tardive explique sans doute sa référence hallucinante de M. Cochet au Japon, un pays où les salariés sont «aliénés» -comme dirait M. Gremetz- à leur entreprise. A quand l'éloge par M. Gremetz du modèle social américain ?

L'amendement 990 corrigé, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Maxime Gremetz - L'amendement 1065 a pour objet d'insérer au deuxième alinéa de l'article L. 432-4 du code du travail, après les mots : «avantages financiers» les mots : «, notamment les aides à l'emploi, en particulier celles créées par l'article 3 de la loi n° 98-461 du 13 juin 1998 d'orientation et d'incitation relative à la réduction du temps de travail et l'article 11 de la loi relative à la réduction négociée du temps de travail,».

M. le Président de la commission - Cet excellent amendement a été adopté par la commission.

Mme la Ministre - Cet amendement est très important. Il est dans les compétences générales du comité d'entreprise d'être informé des concours financiers dont bénéficie l'entreprise et des conséquences en matière d'emploi. Il lui appartient de vérifier le bon usage des fonds publics dans l'entreprise.

M. le Président de la commission - Il semble préférable de corriger le début de l'amendement en substituant à l'expression « au deuxième alinéa », les mots « dans la première phrase du sixième alinéa de l'article L. 432-4 », le reste étant sans changement.

M. Hervé Morin - Si je comprends bien, nous disons dans la loi une compétence qui appartient déjà au comité d'entreprise, qui peut disposer des éléments comptables et de tous les audits dont il a besoin. Pour plaire à M. Gremetz, il est proposé d'indiquer que le montant des aides à l'emploi est fourni au comité d'entreprise. Mais cela ne modifie en rien son pouvoir !

M. Maxime Gremetz - Un pouvoir qui n'est jamais respecté !

L'amendement 1065, mis aux voix, est adopté.

Mme Roselyne Bachelot-Narquin - L'amendement 671 de M. Warsmann vise à compléter les modalités de démission des conseillers prud'homme, qui ne sont pas prévues actuellement dans le code du travail, en insérant un nouvel article ainsi rédigé : « tout conseiller prud'homme qui renonce à son mandat adresse sa démission au président du conseil de prud'hommes et en informe le procureur de la République par lettre recommandée avec demande d'avis de réception.

« La démission du conseiller prud'homme n'interviendra que lorsque le procureur de la République aura obtenu par tout moyen la confirmation de cette démission, après l'écoulement d'un délai de réflexion compris entre sept jours et un mois.

« La démission prendra effet une semaine après cette confirmation ».

M. le Président de la commission - L'amendement de M. Warsmann ne peut s'inscrire dans ce texte.

Mme la Ministre - Ces dispositions relèvent du domaine réglementaire et figurent déjà à l'article R. 512-15 du code du travail. Le problème de la démission des conseillers prud'hommes étant déjà réglé, le Gouvernement n'est pas favorable à l'amendement.

L'amendement 671, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Yves Cochet - Notre amendement 1011 corrigé répond à l'objectif de lutte contre la précarité partagé par tous les membres de la majorité actuelle en disposant que tout contrat de travail à durée déterminée et tout recours à des salariés d'entreprises de travail temporaire donnent lieu au versement d'une somme de mille francs, par timbre fiscal. Cette disposition ne s'applique pas aux remplacements provisoires de salariés en congés.

Mme Roselyne Bachelot-Narquin - C'est encore la taxe Tobin !

L'amendement 1011, repoussé par la commission et le Gouvernement, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Hervé Morin - L'amendement 877 corrigé, est défendu.

L'amendement 877 corrigé, repoussé par la commission et le Gouvernement, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Maxime Gremetz - L'amendement 1064 est extrêmement important et s'inscrit dans l'effort de la majorité plurielle pour mieux contrôler l'utilisation du fonds publics. C'est une première étape concrète en ce sens.

Puisque nous prévoyons 105 milliards d'exonérations de charges sociales, comment vérifier que ces sommes serviront bien à la création ou à la préservation d'emplois ? Nous proposons que, chaque année, le Gouvernement présente au Parlement un rapport sur l'impact de la réduction du temps de travail et des allégements de cotisations sur l'emploi. Ce rapport devrait être soumis pour avis à la Commission nationale de la négociation collective et transmis au Conseil de surveillance du fonds qui va être créé par la prochaine loi de financement de la sécurité sociale.

C'est un premier pas en attendant l'examen de la proposition de loi déposée par Robert Hue et le groupe communiste en vue de créer une Commission nationale de contrôle des fonds publics consacrés à l'emploi.

M. le Rapporteur - La commission a accepté cet amendement important. Pour la bonne forme il devrait être placé, sous le chapeau «chapitre XII - Bilan pour l'emploi», après l'article 17.

Mme la Ministre - Cet amendement est effectivement très important. Vérifier les conséquences en matière d'emploi de la réduction du temps de travail et des allégements de charges répond à une exigence démocratique.

Le Gouvernement présentera ce rapport à la Commission nationale de la négociation collective, ce qui permettra de lui annexer l'avis des organisations patronales et syndicales, avant d'en saisir le Conseil national du fonds qui va être créé par la loi de financement de la sécurité sociale.

Ainsi nous progressons dans le contrôle démocratique de l'utilisation des fonds publics, ce qui permettra d'évaluer et si nécessaire de modifier le dispositif des allégements.

M. Hervé Morin - Si je comprends bien, l'intention de M. Gremetz est d'améliorer le contrôle du

Parlement sur le Gouvernement. Mais ce n'est pas d'avoir accès à un rapport préparé par le Gouvernement lui-même qui y contribuera. Le contrôle de l'action gouvernementale, c'est avant tout l'exercice des prérogatives dont disposent notamment les rapporteurs spéciaux de la commission des finances, qui peuvent avoir accès aux pièces. C'est aussi faire jouer tout son rôle à la mission d'évaluation créée à l'initiative de notre Président.

Par ailleurs, je voudrais proposer un sous-amendement au dernier alinéa, en vue de préciser que les représentants du Parlement au conseil de surveillance du fonds sont désignés à la proportionnelle des groupes.

Mme la Ministre - Monsieur Morin, cet amendement ne retire rien aux droits du Parlement de procéder à des enquêtes ou de créer des commissions spéciales.

Mais vous savez bien que l'exécutif dispose d'outils statistiques qui permettent d'éclairer le Gouvernement. C'est d'ailleurs dans le même esprit que l'opposition avait demandé et obtenu qu'un rapport sur la CMU soit remis par le Gouvernement au Parlement.

Je suis, moi aussi, pour un contrôle démocratique de l'utilisation des fonds publics par les élus qui ont voté le budget de la République.

M. le Président - Le sous-amendement de M. Morin, qui portera le numéro 1093, est ainsi rédigé : « Après les mots "membres du Parlement" ajouter "désignés à la représentation proportionnelle des groupes" ».

M. le Rapporteur - On pourra en rediscuter ultérieurement, mais cela semble difficile à appliquer en pratique. Avis défavorable (Protestations sur les bancs du groupe du RPR et du groupe UDF).

M. Hervé Morin - Ce n'est pas très élégant !

Mme la Ministre - Ce n'est pas non plus très élégant d'inclure dans ce projet une disposition qui relève de la loi sur le financement de la Sécurité sociale, qui va être examinée dans quelques jours. Je préfère qu'on revoie la question à ce moment-là.

Le sous-amendement 1093, mis aux voix, n'est pas adopté.

L'amendement 1064, mis aux voix, est adopté.

M. le Président - Je consulte l'Assemblée sur la proposition du rapporteur d'insérer un titre « Chapitre XII Bilan pour l'emploi » avant l'article additionnel qu'elle vient de voter.

Il en est ainsi décidé.

M. Maxime Gremetz - L'amendement 204 vise à interpeller le Gouvernement. Après la décision insupportable de la société Michelin de procéder à des licenciements alors que les profits explosent et que les cours en Bourse montent, il est urgent de voter une loi interdisant le recours au licenciements collectifs abusifs. Le Premier ministre a évoqué la question à Strasbourg. Quand le Gouvernement compte-t-il présenter un projet en ce sens ?

M. le Rapporteur - La commission n'a pu que rejeter cet amendement car il s'agit d'une injonction au Gouvernement, mais sur le fond la question mérite d'être posée. Vous avez évoqué le cas de Michelin, j'ai parlé de celui d'Epéda. Nous venons d'ailleurs de voter un amendement précisant qu'un plan social ne peut être préparé qu'après négociation en vue d'une réduction du temps de travail.

Cette démarche doit être poursuivie. L'opinion n'accepte pas que des entreprises qui ont de bons résultats n'assument pas leurs responsabilités sociales.

Mme la Ministre - Même avis.

Mme Roselyne Bachelot-Narquin - Il s'agit là d'un effet d'annonce. Les articles L. 122-14, 4 et 5 du code du travail définissent déjà clairement le licenciement abusif comme une infraction et sanctionnent le licenciement individuel.

Quant au licenciement collectif, tout plan social doit être accepté par l'inspection du travail. Cette injonction au Gouvernement est inutile.

M. Maxime Gremetz - Confirmez-vous l'engagement du Premier ministre de légiférer sur cette question ?

Mme la Ministre - Je m'en tiens exactement au discours de Strasbourg.

M. Maxime Gremetz - Si vous confirmez le discours de Strasbourg, je retire l'amendement (Sourires sur les bancs du groupe du RPR et du groupe UDF).

M. le Président - Les amendements qui suivent sont défendus.

Les amendements identiques 104 et 923, repoussés par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, ne sont pas adoptés.

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TITRE

Mme Roselyne Bachelot-Narquin - L'amendement 573 supprime du titre la mention «négociée». A partir de 2000, les entreprises de plus de 20 salariés, à partir de 2002 celles de moins de 20 salariés passeront obligatoirement aux 35 heures. S'il y avait négociation, certaines entreprises pourraient s'en exonérer. Ce n'est pas le cas. Votre titre est une astuce sémantique.

M. Hervé Morin - L'amendement 819 est identique. Cette réduction est obligatoire. Le texte impose des contraintes, des agréments, des règlements, il encadre la négociation collective. Pour nous, l'organisation du travail relève des partenaires sociaux.

En tout cas je vous félicite, Madame la ministre, pour le talent avec lequel vous avez, sans toucher à l'essentiel et au prix de quelques alourdissements, accepté des mesures «cosmétiques» pour que M. Gremetz vote le texte.

Malheureusement il est bien compliqué pour les partenaires sociaux. Une promotion entière de l'ENA, j'en ai peur, aurait du mal à s'y retrouver.

M. le Président de la commission - Il n'est pas fait pour eux, mais pour la classe ouvrière ! (Rires)

M. le Rapporteur - Défavorable. Toutes les dispositions sont «autoritaires» dès lors qu'elles n'ont pas l'approbation de l'opposition. Avec cette loi, c'est un engagement que nous tenons, là est l'essentiel ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe communiste)

Mme la Ministre - L'essentiel en effet est que nous ne perdons pas le cap. Nous souhaitons que la réduction du temps de travail passe par la négociation en contrôlant ce qui se fait pour l'emploi. Pour M. Goulard, nous étions des fous, maintenant nous prenons des mesures «cosmétiques»... que l'opposition se mette d'accord.

Les amendements identiques 573 et 819, mis aux voix, ne sont pas adoptés, non plus que les amendements 119, 572 et 820.

SECONDE DÉLIBÉRATION

M. le Président - En application de l'article 101 du Règlement, le Gouvernement demande qu'il soit procédé à une seconde délibération de l'article 15 du projet de loi.

La seconde délibération est de droit. La commission interviendra dans les conditions prévues à l'alinéa 3 de l'article 101 du Règlement. Je rappelle que le rejet des amendements vaut confirmation de la décision prise en première délibération.

ART. 15

Mme la Ministre - Je rappelle que cet article vise à sécuriser le contrat de travail et le lien entre celui-ci et l'accord ou convention. Le paragraphe I posait que la seule diminution des heures travaillées ne pouvait constituer une modification du contrat de travail. L'Assemblée a adopté une rédaction de l'article 15 qui, du fait de l'adoption d'un autre amendement, n'a pu incorporer l'amendement 519 corrigé de la commission. Or celui-ci-, créant un nouvel article L. 212-3, excluait précisément que le seul «changement» du nombre d'heures stipulé au contrat de travail puisse valoir modification du contrat de travail -le terme « changement », qui était dans le texte initial du Gouvernement, devant bien évidemment être compris comme signifiant diminution de la durée.

Je demande donc à l'Assemblée d'adopter l'amendement 1, qui intègre la teneur du 519 corrigé, sans l'amendement 974 qui substituait une autre rédaction à l'article L. 212-3 nouveau.

M. le Rapporteur - La commission ne peut qu'être favorable au rétablissement d'une disposition qu'elle avait adoptée.

L'amendement 1, mis aux voix, est adopté.

L'article 15 ainsi amendé, mis aux voix, est adopté.

M. le Président - Nous avons achevé l'examen des articles. En application de l'article 65-1 du Règlement, la Conférence des présidents a décidé que les explications de vote et le vote sur l'ensemble du projet par scrutin public auraient lieu mardi 19 octobre après les questions au Gouvernement.

Prochaine séance mardi 19 octobre à 15 heures.

La séance est levée à 1 heure 15.

                      Le Directeur du service
                      des comptes rendus analytiques,

                      Jacques BOUFFIER


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