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Session ordinaire de 1999-2000 - 9ème jour de séance, 21ème séance

1ÈRE SÉANCE DU MARDI 19 OCTOBRE 1999

PRÉSIDENCE DE M. Laurent FABIUS

Sommaire

SOUHAITS DE BIENVENUE À UNE DÉLÉGATION PARLEMENTAIRE ÉTRANGÈRE 2

QUESTIONS AU GOUVERNEMENT 2

ENTRÉE EN VIGUEUR DE LA COUVERTURE MALADIE UNIVERSELLE 2

CONSTITUTION DE LA SOCIÉTÉ EADS 3

PLANS D'ÉPARGNE RETRAITE 3

LOI DE FINANCEMENT DE LA SÉCURITÉ SOCIALE 4

CONSTITUTION DE LA SOCIÉTÉ EADS 5

EUROPE DE LA JUSTICE ET DES LIBERTÉS 6

DETTES FISCALES DES MÉNAGES SURENDETTÉS 7

ÉGALITÉ DEVANT LA JUSTICE 7

SUPPRESSIONS D'EMPLOIS CHEZ NISSAN 8

PRÉLÈVEMENTS OBLIGATOIRES 9

PROJET SOLEIL 10

RÉDUCTION NÉGOCIÉE DU TEMPS DE TRAVAIL (suite) 12

EXPLICATIONS DE VOTE 16

FIXATION DE L'ORDRE DU JOUR 22

PROJET DE LOI DE FINANCES POUR 2000 22

ANNEXE ORDRE DU JOUR 43

La séance est ouverte à quinze heures.

SOUHAITS DE BIENVENUE À UNE DÉLÉGATION
PARLEMENTAIRE ÉTRANGÈRE

M. le Président - Je suis heureux de souhaiter, en votre nom, la bienvenue à une délégation parlementaire, conduite par le docteur Charaf Eddine Abazah, rapporteur de la commission des affaires arabes et étrangères du Conseil du Peuple syrien (Mmes et MM. les députés et les membres du Gouvernement se lèvent et applaudissent).

    QUESTIONS AU GOUVERNEMENT

L'ordre du jour appelle les questions au Gouvernement.

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ENTRÉE EN VIGUEUR DE LA COUVERTURE MALADIE UNIVERSELLE

Mme Muguette Jacquaint - Le 30 juin 1999, le Parlement a voté une loi d'une portée sociale exceptionnelle, tendant à mettre fin aux inégalités dans l'accès aux soins dont sont victimes quelque six millions de nos concitoyens. Mais, alors que la couverture maladie universelle doit entrer en vigueur le 1er janvier 2000, des incertitudes demeurent, suscitant des inquiétudes légitimes. Non seulement tous les décrets d'application ne sont pas parus, mais les caisses d'assurance maladie s'interrogent sur les moyens dont elles disposeront pour que la loi soit correctement appliquée. Si leur effectif n'est pas suffisant, on peut en effet craindre que la transition entre l'aide médicale gratuite et la CMU soit source de difficultés supplémentaires pour les ayants droit.

Aussi, Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité, pouvez-vous expliquer à la représentation nationale dans quels délais la loi sera effectivement appliquée et quels moyens vous entendez mettre en _uvre pour que les caisses disposent de personnel en nombre suffisant ? (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste)

Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité - Comme vous l'avez souligné, la CMU représente un important progrès social. La loi permettra en effet que, le 1er janvier prochain -je vous le confirme-, 6 millions de nos concitoyens soient soignés gratuitement, selon les modalités applicables à l'ensemble de la population. La concertation qui a prévalu lors de l'élaboration de la loi a été de mise, aussi, pour la rédaction des décrets d'application, dont les premiers, actuellement soumis au Conseil d'Etat, seront signés dans les toutes prochaines semaines. Ceux qui ont trait au fonds de financement sont prêts, et les dernières simulations sont en train. Ces textes seront transmis au Conseil d'Etat fin octobre, et tous seront prêts dans les délais prévus.

Je vous rappelle, d'autre part, que les personnes qui bénéficient actuellement de l'aide médicale gratuite n'auront aucune démarche particulière à accomplir pour avoir droit à la CMU : le transfert se fera automatiquement, et elles disposeront de trois mois pour choisir un organisme d'assurance complémentaire. Ceux de nos concitoyens qui ne bénéficient pas de l'assurance médicale gratuite actuellement trouveront auprès des associations et des caisses d'assurance maladie les informations nécessaires.

Le Gouvernement a, d'autre part, prévu, en accord avec la CNAM, 1 400 embauches dans les caisses régionales. Sur pareil sujet, l'information est essentielle. C'est pourquoi une importante campagne de communication va avoir lieu, à laquelle s'associeront, je l'espère, les élus, afin que chacun sache quels sont ses droits, et puisse s'inscrire dans les délais. Dans chaque département, le préfet installera un groupe de pilotage.

Ainsi le texte capital voté par le Parlement sera appliqué le 1er janvier 2000, comme prévu (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe RCV).

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CONSTITUTION DE LA SOCIÉTÉ EADS

M. Claude Billard - La signature, il y a quelques jours, de l'accord qui scellait la fusion des sociétés Matra, Aérospatiale et DASA a connu un grand retentissement. La constitution de la société EADS a été présentée comme une chance inespérée pour l'aéronautique française.

Cette vision idyllique me paraît devoir être sérieusement nuancée. Des craintes légitimes s'expriment en effet, et je regrette que le Gouvernement n'ait pas débattu d'une restructuration qui a pour conséquence une réduction très sensible de la participation publique française et, donc, de son influence, dans un domaine hautement sensible. Cette société unique, majoritairement privée, va donc regrouper l'essentiel de notre fabrication de missiles, d'hélicoptères de combat, d'électronique de défense et, surtout, d'aviation civile et la société Airbus changera de statut.

Qui ne voit quels risques le souci de rentabilité fera courir à l'emploi et aux enjeux stratégiques nationaux ? Aucune raison ne justifiait que des capitaux privés aient la majorité de la nouvelle entreprise ! Cette fusion contredit les propos du Premier ministre affirmant la nécessité d'une régulation par les Etats pour faire pièce à la toute-puissance des marchés ! Quelle place réelle et quel pouvoir cette fusion laisse-t-elle à l'actionnaire français ? Le droit de veto est-il suffisant pour que l'Etat influe véritablement sur les futures options industrielles ? Quel sort sera réservé à l'emploi, en France, au cours des inévitables réorganisations à venir ? (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste et sur quelques bancs du groupe RCV)

M. Dominique Strauss-Kahn, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie - La société EADS nouvellement constituée devient le troisième constructeur mondial dans ses spécialités de référence, le premier en Europe, le premier pour l'espace, le premier pour les hélicoptères et le deuxième en aéronautique civile avec Airbus.

Cette fusion traduit un choix stratégique. L'aéronautique française pouvait-elle rester isolée ? L'opposition elle-même s'inquiétait, il y a peu, de cette éventualité. La situation est à présent retournée, ce qui prouve que l'Etat actionnaire est capable de favoriser des coopérations internationales lorsqu'elles répondent aux intérêts de la France. D'autres exemples le montrent, comme celui de Thomson Multimedia, dont on connaît aujourd'hui la valeur réelle...

L'Etat, qui contrôlait un peu moins de 50 % de Matra, contrôlera désormais 25 % d'une entreprise deux fois plus importante. Cela suffisait-il ? Non. C'est pourquoi différents droits de veto ont été prévus à son bénéfice, qui portent sur les incitations stratégiques que définira la nouvelle société. Etait-ce suffisant ? Pas encore. C'est pourquoi il a été décidé de deux sièges opérationnels, l'un à Munich, l'autre à Paris, pour assurer la parité.

Je pense donc que vos craintes de voir les intérêts financiers prévaloir sont exagérés. Il s'agit de favoriser le maintien d'une aéronautique européenne et non pas de créer de la valeur pour l'actionnaire, contrairement à ce qui a pu être fait, récemment, ailleurs. Le projet industriel défini doit permettre à EADS, nouveau pôle européen, de résister aux géants mondiaux qui lui font concurrence et, par là même, de favoriser l'emploi. MM. Gayssot et Richard en sont, comme moi, convaincus. La fabrication du futur Airbus A3XX créera des emplois. Vos craintes légitimes peuvent donc s'apaiser (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

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PLANS D'ÉPARGNE RETRAITE

M. Philippe Douste-Blazy - Monsieur le Premier ministre, hier soir, lors d'une réunion de la commission des finances, un député de la majorité a déposé un amendement visant à abroger la loi de mars 1997, dite loi Thomas, qui intéresse des millions de Français, futurs retraités. J'y vois à la fois un problème de forme et un problème de fond.

Sur la forme : comment peut-on vouloir abroger une loi d'une telle portée par un amendement à la loi de finances, sans que la représentation nationale en ait débattu ?

Sur le fond ensuite. Avez-vous décidé d'isoler définitivement notre pays ? (Huées sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe RCV) Ces plans existent non seulement aux Etats-Unis et au Japon, mais dans presque tous les pays de l'Union européenne. Avez-vous décidé de renoncer à cet outil de modernisation de notre économie et de notre système de retraite ? Avez-vous, par là même, décidé de faire de toutes les entreprises françaises les proies idéales des fonds de pension anglo-saxons ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF, du groupe du RPR et du groupe DL)

M. le Président - La parole est à M. le ministre de l'économie et des finances (Protestations sur les bancs du groupe UDF, du groupe du RPR et du groupe DL).

M. Dominique Strauss-Kahn, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie - Je vous répondrai que la loi dite Thomas n'est jamais entrée dans les faits parce que la majorité de l'époque, la vôtre, n'a jamais publié les décrets d'application ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe RCV ; protestations sur les bancs du groupe UDF, du groupe du RPR et du groupe DL) Je sais bien : si le temps vous a manqué, c'est parce que vous avez été dissous... Cependant, lorsqu'une administration veut sortir rapidement des textes d'application, elle le peut. Ainsi, pour la baisse de la TVA, l'instruction des finances est sortie le jour même du passage en conseil des ministres.

Sur le fond, lors de l'examen de la loi de financement de la Sécurité sociale l'an dernier, Martine Aubry et moi-même avions annoncé l'intention du Gouvernement d'abroger la loi Thomas et vos collègues sénateurs m'ont fait remarquer qu'il aurait mieux valu que cela soit fait. Vous me paraissez donc en désaccord avec vos collègues du Sénat.

Des procédures permettant de se constituer une retraite sont souhaitables, mais celles que la loi Thomas prévoyait n'étaient pas bonnes.

Le Premier ministre a confié à Jean-Pierre Balligand ainsi qu'à M. de Foucault la mission d'étudier la question de l'épargne en particulier en vue de la retraite. Le rapport sera rendu en janvier. Nous sommes aussi conscients que vous de la nécessité d'organiser l'épargne des Français en vue de leur retraite, mais nous n'acceptons pas la philosophie sociale de la loi Thomas.

Vous m'avez paru considérer que le problème touche à la propriété des entreprises françaises menacée par les fonds de pension américains. Vous avez ainsi mis en cause ceux qui n'ont pas su mettre en place les dispositifs adéquats lorsqu'ils étaient au pouvoir dans les années 60 et 70... (Protestations sur les bancs du groupe UDF, du groupe du RPR et du groupe DL)

Nous traiterons donc ce problème avec le projet qui découlera du rapport de M. Balligand, et j'espère que vous aurez à c_ur de le voter ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe RCV ; exclamations sur les bancs du groupe UDF, du groupe du RPR et du groupe DL)

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LOI DE FINANCEMENT DE LA SÉCURITÉ SOCIALE

M. Jean-Jacques Jegou - Décidément, Madame le ministre de l'emploi, il se passe beaucoup de choses en commission des finances, de préférence la nuit.

C'est ainsi que le rapporteur pour avis de la loi de financement de la Sécurité sociale a fait adopter un amendement précisant que «les recettes et dépenses du fonds doivent être équilibrées dans les conditions prévues par la loi de financement de la Sécurité sociale». Fort bien, mais l'exposé des motifs de cet amendement reprend tous les arguments des députés de l'opposition. Il dit notamment que «certaines des ressources retenues pour le fonds de financement de la réforme des cotisations patronales sont entachées d'incertitude... Quant à la contribution sociale sur les bénéfices, son assiette apparaît irrégulière et imprévisible comme le montre l'évolution du produit de l'impôt sur les sociétés».

Dans ces conditions, Madame le ministre, êtes-vous toujours sûre qu'en recourant à la TGAP et en transformant les entreprises en vaches à lait, vous défendez l'emploi dans ce pays ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF, du groupe du RPR et du groupe DL)

Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité - Le rapporteur du projet de loi de financement a rappelé à bon escient, le principe de précaution. Mais laissez-moi vous dire que lorsque j'ai pris mes fonctions, la branche famille accusait un déficit de 14 milliards, et qu'il manquait 11 milliards pour financer la loi sur la famille. Et que dire de la ristourne Juppé et Balladur ? Alors, permettez, nous n'avons pas de leçons à recevoir de vous.

Contrairement à vous, lorsque nous annonçons une réforme, nous la finançons. La semaine dernière, j'ai expliqué à sept ou huit reprises comment serait financée la baisse des charges sociales : 40 milliards au titre de la ristourne Juppé ; 25 milliards provenant de la taxe sur les bénéfices et sur les activités polluantes auxquels s'ajoute un apport de l'État et de la Sécurité sociale pour compenser la réduction de la durée du travail. Un seul point reste en suspens, celui qui fait l'objet de la négociation en cours avec l'UNEDIC. Il sera tranché mardi prochain, comme le Gouvernement s'y est engagé. Bref, les réformes que nous annonçons sont assorties des moyens de les financer.

Enfin, comment pouvez-vous dire que nous prenons les entreprises pour des vaches à lait alors que nous allons alléger les charges sociales de 105 à 110 milliards en cinq ans ? Mais il est vrai que faire financer les entreprises qui créent des emplois par les grandes entreprises qui ont choisi de substituer le capital au travail, est un choix : mais manifestement pas le vôtre, c'est le nôtre (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe RCV).

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CONSTITUTION DE LA SOCIÉTÉ EADS

M. Paul Quilès - Il faut saluer la constitution du nouveau groupe aéronautique EADS, qui devient le troisième groupe mondial d'aéronautique et qui est le premier exemple de création d'une société transnationale en Europe dans ce domaine. L'émergence de l'Europe comme puissance politique rendait ce regroupement nécessaire.

Ainsi, après le rapprochement Thomson-CSF-Alcatel et la fusion Aérospatiale-Matra, vous avez su poser la première pierre d'une industrie d'armement européenne.

Quel est le bénéfice industriel à attendre de la constitution d'EADS, notamment pour la France ? Comment cette démarche s'inscrit-elle dans le processus d'édification d'une Europe de la défense et de l'armement ? Comment garantirez-vous le nécessaire équilibre entre les intérêts financiers et la rentabilité à court terme, d'une part, les ambitions stratégiques à long terme, d'autre part ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe RCV)

M. Lionel Jospin, Premier ministre - Comme vous l'avez justement souligné, il s'agit d'un événement industriel considérable et d'un projet politique pour l'Europe digne des objectifs que ce gouvernement s'était fixé.

Dès 1997, nous étions convaincus de la nécessité de construire des groupes européens pour résister aux grands groupes américains. J'en ai parlé dans ma déclaration de politique générale, et quelques jours après j'ai indiqué les orientations du Gouvernement au salon aéronautique du Bourget.

Le 9 décembre 1997, dans une déclaration des trois premiers ministres anglais, allemand et français et du Président de la République française lui-même, nous avons manifesté une volonté politique commune de construire cet ensemble industriel européen. L'idée de lui donner une dimension à la fois civile et militaire était française (Murmures sur les bancs du groupe du RPR).

En juillet 1998, nous avons facilité la fusion Aérospatiale-Matra haute technologie parce qu'il fallait d'abord rassembler les forces françaises pour qu'elles deviennent le vecteur du regroupement européen.

Le 20 janvier 1999, répondant à une question d'actualité sur les projets de rapprochement en cours dans ce secteur, j'avais indiqué que je ne pensais pas que la France serait isolée et que le Gouvernement manifesterait sa volonté de rouvrir une perspective franco-allemande.

Depuis plusieurs mois, les chefs d'entreprises du secteur mais aussi l'Etat actionnaire se sont efforcés de concrétiser cette perspective et nous pouvons nous réjouir que les discours débouchent ensuite sur des décisions industrielles (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe RCV).

Jeudi dernier, à Strasbourg, en présence du chancelier Schröder et de moi-même, les industriels concernés ont effectivement signé cet accord, qui constitue un progrès industriel majeur : le premier groupe européen d'aéronautique sera le troisième groupe mondial (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe RCV).

Telle est aussi la meilleure garantie du développement d'Airbus. Ce succès industriel constitue également un acquis pour l'Etat actionnaire qui a refusé les conditions idéologiques. C'est ainsi que l'Etat actionnaire représentera 15 % de l'ensemble et qu'aucune décision stratégique ne pourra être prise sans son accord (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe RCV ; exclamations sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL).

Je m'étonne que ce qui a été salué par l'ensemble des observateurs et par le Président de la République lui-même, ne recueille pas votre adhésion, Monsieur Lellouche (Nouvelles exclamations sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL) Nous avons fait exactement ce que vous demandiez !

Bref, c'est un succès pour la coopération franco-allemande, au service de la construction européenne. Alors que l'Europe progresse en matière d'emploi et sur le plan social, et qu'elle doit affronter les problèmes de l'élargissement et défendre ses intérêts dans les négociations de l'OMC, il était impossible que des secteurs aussi stratégiques que l'aéronautique et l'espace ne fussent pas objets d'intégration européenne. Ce sera un atout pour l'Europe de la sécurité et de la défense que nous voulons construire, et qui fut réclamée sur beaucoup de vos bancs lors de la guerre du Kosovo. Cette orientation s'inscrit dans la discussion que nous avons engagée avec nos partenaires britanniques et allemands. Mais cette alliance nouvelle s'ouvre à des coopérations avec d'autres entreprises européennes, que j'ai invitées à participer au processus.

Enfin, cette fusion est une chance pour le développement et l'emploi. Nous sommes dans un secteur économique porteur, où Airbus taille des croupières au géant Boeing dans la compétition internationale, où des coopérations sont possibles et où les doubles emplois n'existent pas. Par conséquent les restructurations n'y créeront pas de réfraction de l'activité, mais des bases nouvelles pour un développement, avec notamment le grand projet A3XX.

C'est donc avec le souci de l'intérêt national, de l'intérêt du secteur et de la création d'emplois que le Gouvernement a développé une vraie visée stratégique, qui est mise en _uvre dans ce secteur (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et sur quelques bancs du groupe communiste et du groupe RCV).

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EUROPE DE LA JUSTICE ET DES LIBERTÉS

M. Alain Barrau - Monsieur le Premier ministre, vous étiez ce week-end, avec le Président de la République, au conseil européen de Tampere, où a progressé une cause qui nous importe : celle de l'Europe des citoyens. Quelle évaluation fait le Gouvernement de ce qui a été convenu en matière d'asile et d'immigration ? Où en est-on sur l'espace judiciaire européen ? Sur la lutte contre la grande criminalité et notamment sur les paradis fiscaux ? Enfin, comment pourrons-nous reprendre ces différents acquis dans la préparation de la présidence française? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste)

M. Pierre Moscovici, ministre délégué chargé des affaires européennes - Le conseil de Tampere a été le premier conseil des chefs d'État et de gouvernement consacré à la justice, la sécurité et la liberté. La présidence finlandaise avait engagé un ordre du jour ambitieux, incluant l'immigration et l'asile, l'espace judiciaire européen et la lutte contre le crime organisé. L'évaluation que nous faisons de ce sommet est plutôt bonne, puisque la plupart des positions défendues par le Premier ministre et le Président de la République ont fait l'objet d'un consensus européen.

Sur l'immigration, l'Europe a développé une approche globale, qui intègre notamment notre souci de partenariat avec les pays d'origine à travers le codéveloppement. Cette approche a insisté sur le rapprochement des droits des immigrés en situation légale, incluant notamment l'accès à la nationalité après un certain temps. Elle a souligné la nécessité de lutter contre l'immigration clandestine, la traite des humains et leur exploitation économique. En matière d'asile, plutôt que vers un système unique, on s'est orienté vers une harmonisation, autour de la convention de Genève.

Pour l'espace judiciaire européen, Tampere a été un pas important, y compris quant à la reconnaissance mutuelle des jugements en matière civile et pénale ; le point est très important pour le droit de la famille et le droit des créances. Quant à la lutte contre le crime organisé et le blanchiment de l'argent sale, on a souligné le rôle d'Europol et décidé la création d'Eurojust, qui regroupera des magistrats et des procureurs travaillant ensemble dans le respect des procédures nationales. On a insisté sur le besoin d'une définition uniforme des infractions et sur la capacité d'accès à l'information -en clair, la levée du secret bancaire dans les affaires de blanchiment.

Vous demandez ce que nous pourrons faire dans le cadre de la présidence française. Un échéancier est fixé : avant la fin 2000, mise en _uvre de dispositions très contraignantes contre l'immigration clandestine ; sous le même délai, mesures tendant à la reconnaissance mutuelle des jugements ; et avant 2001, création d'Eurojust. Ainsi, outre les progrès de l'Europe économique, Tampere a apporté un progrès de l'Europe des citoyens et des hommes (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

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DETTES FISCALES DES MÉNAGES SURENDETTÉS

M. Serge Janquin - Monsieur le secrétaire d'Etat au budget, le Premier ministre a annoncé à Strasbourg l'effacement des dettes fiscales des ménages surendettés et frappés par le chômage. Cette mesure a été bien accueillie par les associations qui luttent contre l'exclusion.

Or il semblerait qu'elle soit aujourd'hui présentée comme une mesure exceptionnelle pour l'an 2000, et encadrée de telles conditions de procédure et de délais qu'elle pourrait en être vidée de sa substance. Je souhaite que vous puissiez rassurer la représentation nationale et les associations, en confirmant que l'annulation de ces dettes ne sera pas réduite à la portion congrue par les conditions de recevabilité, mais produira son plein effet, conformément à l'esprit dans lequel l'a annoncé M. le Premier ministre (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et quelques bancs du groupe communiste).

M. Christian Sautter, secrétaire d'Etat au budget - Le Premier ministre a en effet annoncé le 27 septembre l'effacement des dettes fiscales pour les familles touchées par le chômage et le surendettement. Je veux vous rassurer : cette mesure, effectivement exceptionnelle, qui vise les demandes présentées avant le 1er janvier 2000, sera mise en _uvre rapidement et avec générosité. Rapidement, puisqu'il suffit au chômeur d'adresser une demande à son centre des impôts, en justifiant uniquement de sa situation de chômage ; rapidement, aussi, car les services ont reçu le 14 octobre une circulaire à ce sujet. Et avec générosité : tous les impôts des ménages sont concernés, impôt sur le revenu, taxe d'habitation, impôt foncier, redevance audiovisuelle, plus les pénalités éventuelles. Et il y a effacement total si l'un des époux est au chômage et si la commission de surendettement a été simplement saisie. Ainsi nous avons cherché, dans l'esprit de la déclaration du Premier ministre, à faire vite, à faire simple, à faire généreux (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe communiste).

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ÉGALITÉ DEVANT LA JUSTICE

M. Michel Suchod - Ma question, Mme la Garde des Sceaux, porte sur l'affaire Papon. Mais au préalable je tiens à dire que l'opinion s'inquiète de voir notre justice -qui a choisi pour symbole la balance de Thémis- pratiquer parfois deux poids et deux mesures.

Elle s'inquiète par exemple de la tournure juridico-médiatique que prend une affaire pendante devant le tribunal correctionnel d'Evry, après avoir lu dans Le Monde il y a trois ans des extraits, découpés au rasoir, du journal intime de Mme Xavière Tiberi, saisi par la magistrature. Ces extraits furent publiés trente-six heures après la saisie, ce qui en dit long sur ce qu'est devenu le secret de l'instruction. Un tel acharnement est-il compatible avec la sérénité de la justice ?

Quant à l'affaire Papon, l'opinion fut si déroutée, en octobre 1997, que Mme la Garde des Sceaux dut faire ici des promesses de réformes. En effet, la Cour d'assises de la Gironde avait remis Maurice Papon en liberté, après 48 heures d'incarcération, pour qu'il assiste à son procès en prévenu libre. L'opinion est encore déroutée par le fait que, condamné à dix ans de réclusion, Maurice Papon peut rester en liberté, alors que son recours en cassation n'est pas suspensif. En revanche, l'opinion paraît habituée au délai de dix-huit mois qu'il faut à la Chambre criminelle de la Cour de cassation pour examiner le pourvoi... Mais l'opinion est sidérée d'apprendre que M. Papon peut aller et venir librement, en portant à la boutonnière les plus hautes décorations de notre République. Elle est inquiète de savoir qu'il a tenté d'obtenir de la Cour d'assises de la Gironde ce qu'aucun Français n'a jamais obtenu : le droit de ne pas se constituer prisonnier. J'ajoute que M. Papon a disparu depuis plusieurs jours de son domicile. Et la sidération se change en stupeur quand on constate qu'aucun contrôle judiciaire ne lui a été imposé pendant ses longs mois en liberté...

La loi doit être égale pour tous. Il ne saurait y avoir deux poids et deux mesures. Dans l'affaire Papon, après avoir vécu un procès exemplaire, le peuple français, au nom duquel est rendue la justice, devra-t-il se sentir fier de celle-ci, ou floué par un mécanisme habilement utilisé pour se soustraire à la sentence ? (Applaudissements sur les bancs du groupe RCV, du groupe socialiste, du groupe communiste, et sur quelques bancs du groupe UDF, du groupe du RPR et du groupe DL)

M. Daniel Vaillant, ministre des relations avec le Parlement - Mme la Garde des Sceaux n'a pu être présente, car elle participe au G8 à Moscou. Je ne répondrai qu'à la partie de votre question relative à l'affaire Papon. M. Papon n'a été l'objet de la part des autorités judiciaires d'aucune mesure de contrainte, ni mandat de dépôt, ni contrôle judiciaire. Il est libre jusqu'à l'évocation de son pourvoi devant la Cour de cassation. La Cour d'assises l'a mis en liberté ; c'est une décision tout à fait exceptionnelle, les détenus déférés devant cette cour étant habituellement placés en détention. Mais dès lors qu'une décision de la Cour d'assises est prise, aucun texte ne permet d'imposer un contrôle judiciaire à un condamné. Cette possibilité existe pourtant devant le tribunal correctionnel, qui peut placer en détention une personne comparaissant libre qu'il vient de condamner à plus d'un an de réclusion. Le Gouvernement souhaite résoudre cette difficulté et une réflexion est actuellement en cours.

Si une condamnation devient définitive, soit parce que la Cour de cassation ne reçoit pas le pourvoi, soit parce que M. Papon en est déchu, toutes les dispositions seront prises pour s'assurer de sa personne de manière à ce qu'il soit conduit dans un établissement pénitentiaire pour purger sa peine.

Mme la Garde des Sceaux donnera des instructions (Murmures sur divers bancs du groupe du RPR) en ce sens au procureur général de Bordeaux afin que soit exécutée sans délai la décision de la Cour d'assises. Il ne s'agit pas d'une instruction individuelle de nature à modifier le cours de la justice mais d'une instruction destinée à permettre l'exécution d'une décision définitive. Il s'agit de permettre à la justice rendue au nom du peuple français d'aller jusqu'à son terme. Il est en effet de notre devoir de faire exécuter les décisions de justice, nul ne peut s'en exonérer (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe RCV).

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SUPPRESSIONS D'EMPLOIS CHEZ NISSAN

M. Philippe Houillon - Monsieur le Premier ministre, depuis le 27 septembre 1999, votre majorité se réfère comme aux tables de la loi à votre discours de Strasbourg. Vous avez déclaré, à propos des suppressions massives d'emplois liées à des restructurations, que la mondialisation ne rend pas les Etats impuissants. Vous avez ajouté que l'Etat doit exercer pleinement son rôle d'actionnaire au sein des entreprises dont il détient tout ou partie du capital.

Mais nous apprenons aujourd'hui que l'ancien numéro deux de Renault, affecté maintenant comme vrai patron opérationnel de Nissan après l'acquisition par Renault d'une importante partie du capital, a décidé la suppression de 21 000 postes à travers le monde, ce qui aura un impact de près de 2 milliards sur les comptes de Renault dont l'Etat français est, de loin, le premier actionnaire.

Vous me répondrez peut-être que la situation de Renault et de Nissan n'est pas celle de Michelin. Ce serait oublier que, compte tenu de la prospérité de Renault, les comptes consolidés Renault-Nissan sont bénéficiaires.

Déjà pour Vilvorde, le Premier ministre avait renié l'ancien candidat aux présidentielles. Aujourd'hui, le Premier ministre réclame aux autres ce qu'il n'exige pas de lui-même et laisse prendre des décisions contraires à la politique qu'il inspire. Combien y a-t-il de méthodes ? Où est la cohérence ?

Quelle position l'Etat, principal actionnaire de Renault, a-t-il soutenu au sujet de ces 21 000 licenciements ? (Applaudissements sur les bancs du groupe DL) A-t-il envisagé d'autres solutions comme d'imposer les 35 heures chez Nissan ? (Rires et applaudissements sur les bancs du groupe DL, du groupe du RPR et du groupe UDF)

Envisagez-vous, Monsieur le Premier ministre, d'apporter votre soutien aux 21 000 salariés licenciés ? (Applaudissements sur les bancs du groupe DL, du groupe du RPR et du groupe UDF)

M. Christian Pierret, secrétaire d'Etat à l'industrie - Lorsque Renault a acquis une part importante du capital, la nécessité du redressement de Nissan était connue. Le groupe japonais est endetté, il a connu des pertes importantes, sa productivité est faible, une réduction de 20 % en  3 ans des coûts est nécessaire, notamment par une autre politique d'achats, la réorganisation commerciale est indispensable, de même que la réduction du nombre de plates-formes.

L'acquisition d'une part des titres par Renault a toutefois, aux yeux des spécialistes comme du Gouvernement, des avantages décisifs dans le cadre d'une vraie politique industrielle pour l'automobile. Les deux entreprises peuvent atteindre une taille critique mondiale avec la production de plus de 4 millions de véhicules. Il sera possible de créer des plates-formes communes aux deux gammes (Interruptions sur les bancs du groupe DL et du groupe du RPR). Il existe enfin des synergies fortes en matière de recherche-développement, de technologie, de sous-ensembles et de sous-traitance communs (Mêmes mouvements).

C'est pourquoi lorsque Renault a décidé de procéder à cette opération, le Gouvernement y a vu une perspective de développement.

Mais Nissan c'est Nissan et Renault c'est Renault (Rires ; exclamations sur les bancs du groupe DL, du groupe du RPR et du groupe UDF ; quelques claquements de pupitres).

Comme l'a récemment souligné son président, Renault a été informée avant que la décision soit rendue publique par Nissan des conditions de la restructuration. Le Gouvernement, actionnaire de Renault, est ainsi actionnaire de l'actionnaire de Nissan (Exclamations sur les bancs du groupe DL, du groupe du RPR et du groupe UDF). Il participe pleinement aux orientations stratégiques de Renault, mais non à la mise en _uvre des décisions d'une entreprise dans laquelle Renault est actionnaire (Mêmes mouvements).

Nous veillerons à ce qui se passe chez Nissan au Japon n'ait pas d'incidence défavorable, en particulier sur l'emploi, chez Renault en France. Notre politique industrielle est claire, tout comme notre politique de l'emploi : cette opération n'aura pas de conséquences négatives en France (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste ; huées sur les bancs du groupe DL, du groupe du RPR et du groupe UDF).

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PRÉLÈVEMENTS OBLIGATOIRES

M. Gilles Carrez - Au moment où s'engage la discussion du budget 2000, vous continuez, Monsieur le ministre de l'économie, à promettre de baisses d'impôt. Or vos promesses sont contredites par les faits. Les statistiques internationales montrent que les prélèvements obligatoires continuent d'augmenter en France et que notre pays détient tous les records dans ce domaine. Le Président de notre Assemblée, Laurent Fabius, ne rate pas une occasion de vous le rappeler (Rires et applaudissements sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL). Et il a dû convaincre les journalistes du Monde qui titre ce soir à la une «pourquoi les impôts continuent d'augmenter» (Applaudissements sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL).

Quant aux Français, ils ne sont pas dupes. Ils se rendent bien compte avec l'avis d'imposition sur le revenu, avec l'avis de CSG que, depuis que les socialistes sont au pouvoir et malgré toutes les promesses, les impôts ne cessent d'augmenter (Applaudissements sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL).

Pourtant, le Gouvernement bénéficie d'une situation économique favorable, qui remplit les caisses de l'Etat. Au lieu de rendre aux Français leur argent en abaissant leurs impôts, le Gouvernement préfère augmenter les dépenses publiques et le train de vie de l'Etat. Il préfère aussi se constituer une cagnotte en vue des prochaines élections (Applaudissements sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL).

Quand le Gouvernement décidera-t-il enfin de passer des promesses non tenues aux actes et de diminuer les impôts alors que la conjoncture le permet ? Ne nous dites pas que la baisse est pour l'année prochaine, plus personne ne vous croit ! (Applaudissements sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL)

M. le Président - Vous savez que, depuis ce fauteuil, je ne peux vous répondre...

M. Dominique Strauss-Kahn, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie - Vous dites que les prélèvements obligatoires augmentent alors que les recettes sont plus importantes que prévu. Ce raisonnement manque de logique. En effet, si les prélèvements ont un peu augmenté, c'est justement parce que les recettes sont plus importantes que prévu. Et en le disant, vous exonérez la majorité et le Gouvernement de cette responsabilité.

Pourquoi les impôts augmenteront-ils ? Si vous aviez lu Le Monde au-delà du titre, vous auriez eu la réponse. Deux raisons expliquent que 1999 verra, en effet, un taux de prélèvements obligatoires élevé («Ah !» sur les bancs du groupe du RPR).

Tout d'abord, l'inflation est plus faible que prévu et, du coup, le dénominateur de la fonction qui permet de calculer le taux de prélèvements obligatoires est plus élevé.

Ensuite, l'impôt sur les bénéfices rapporte plus que prévu. Vous ne pouvez d'ailleurs pas le découvrir puisque de hauts personnages de l'Etat, l'ont annoncé aux Français dès le mois de juillet, le 14 me semble-t-il (Rires sur les bancs du groupe socialiste)... Il est vrai que mon ministère a publié cette information en janvier et qu'il a fallu sans doute la vérifier avant de la rendre publique... (Mêmes mouvements)

Les entreprises françaises ayant fait plus de bénéfices que prévu, elles vont payer en 1999 plus d'impôts que prévu. Il y aura donc à la fin de l'année un excédent de recettes d'environ 10 milliards.

Je sais que cette question vous taraude, avivant sans doute le regret de la hausse formidable de 1996...

Votre dernière question : quand le Gouvernement fera-t-il baisser les impôts ? Si vous nous faites l'honneur d'assister tout à l'heure à la présentation du budget, vous le saurez. En effet, le budget, que vous allez, je l'espère, voter, prévoit la plus forte baisse d'impôts que notre pays ait connue depuis dix ans (Exclamations sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL). Les Français en sont conscients et vos protestations traduisent votre déception. C'est la gauche, mais avec l'impôt qu'elle a choisi, la TVA, qui fera baisser le plus fortement les prélèvements obligatoires au cours des années 1990. Sans doute vos électeurs vous le reprochent-ils et c'est ce qui explique votre question (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

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PROJET SOLEIL

M. Pierre Lasbordes - Monsieur le Premier ministre, votre ministre en charge de la recherche, pendant la période estivale, a pris la décision de renoncer au projet SOLEIL, contre l'avis de l'ensemble de la communauté scientifique et des élus locaux, dont certains sont membres du Gouvernement. Cette décision a été prise sur la base d'un rapport tenu secret, qui a été qualifié de bâclé, imprécis et partiellement faux. Cet abandon, courageusement annoncé le 2 août dernier, se fait au profit d'une participation minoritaire au projet britannique Diamond. Cette décision a surpris beaucoup de monde, y compris votre ami M. Jean-Paul Huchon, président du conseil régional d'Île-de-France, et M. Michel Berson, président du conseil général de l'Essonne, qui n'avaient pas été avertis.

La recherche française est en danger. La colère des scientifiques et des élus a obligé votre ministre de la recherche à se justifier, ce qu'il a fait en adressant le 20 septembre, une note aux parlementaires qui décrit sa politique. On ne peut que l'approuver quand il entend donner une place de premier rang à la recherche française et la mettre au service du développement économique et de l'emploi. Mais l'abandon du projet SOLEIL va contre ces objectifs !

Comment l'implantation en Grande-Bretagne d'un synchrotron de troisième génération pourrait-elle réduire le chômage en France ? Que deviendront, en outre, les entreprises qui devaient équiper le LURE ?

Par ailleurs, votre solution n'est techniquement pas bonne, d'autant qu'on a sous-estimé le coût des stations et des lignes expérimentales ainsi que celui qu'induirait l'installation de personnels français en Grande-Bretagne.

Le projet SOLEIL est d'une telle importance que le Président de la République l'a défendu devant le comité 2000 de l'Académie des sciences, estimant qu'il s'agissait du «plus bel équipement scientifique que la France pourrait réaliser».

Quelle réponse allez-vous donner aux chercheurs français, dont le prix Nobel Max Perutz a reconnu la place éminente dans la recherche mondiale ? (Applaudissements sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL)

M. Claude Allègre, ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie - Le Gouvernement a fait connaître, à l'occasion de deux comités interministériels de la recherche, les axes de sa politique dans ce domaine. La priorité a été donnée au recrutement des chercheurs, à l'innovation, aux transferts de technologies et au rétablissement des crédits d'équipement.

L'analyse des budgets a fait apparaître une dérive : les crédits servent à financer de gros équipements, au détriment des laboratoires.

Les crédits du CNRS sont absorbés à 86  % par les salaires (Interruptions sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL). Les crédits d'équipement s'élèvent à 4,5 milliards, ceux des laboratoires à 1,5 milliard (Mêmes mouvements).

Il a donc été décidé, en accord avec le Conseil national scientifique, que les gros équipements seraient tous européens (Interruptions sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL).

Je reviens du CERN, qui est un magnifique exemple de coopération scientifique.

Le projet SOLEIL nous coûterait deux milliards, sur un budget d'investissement de cinq milliards. Est-ce raisonnable, alors que la France est déjà le pays du monde qui consacre le plus de crédits -plus de 300 millions par an- au rayonnement synchrotron ?

Le projet SOLEIL n'était pas européen et n'associait pas les industriels. Nous risquions de n'avoir pas de synchrotron du tout, car nous n'avions pas les moyens de financer ce projet, pour lequel les gouvernements précédents n'avaient pas prévu un centime. C'est une grande chance pour la France de coopérer avec les Britanniques qui sont les meilleurs du monde dans cette technologie, comme en témoignent leurs huit prix Nobel.

Fait significatif, la première réunion s'est tenue à Paris. La construction européenne, dans le domaine scientifique, implique la réalisation de projets communs. Le synchrotron et la pile à neutrons sont à Grenoble. Il est normal que les Britanniques disposent d'un équipement européen sur leur sol (Applaudissements sur quelques bancs du groupe socialiste).

RÉDUCTION NÉGOCIÉE DU TEMPS DE TRAVAIL (suite)

L'ordre du jour appelle la suite de la discussion, après déclaration d'urgence, du projet de loi relatif à la réduction négociée du temps de travail.

Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité - Au terme de cette première lecture, je souhaite adresser mes remerciements chaleureux au président de la commission des affaires culturelle, Jean Le Garrec, qui a, une fois encore, honoré cette assemblée par la qualité de sa réflexion et l'énergie qu'il a consacrée à enrichir ce texte (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

Je voudrais aussi saluer le rapporteur Gaëtan Gorce, qui a contribué fortement à l'élaboration de cette loi (Mêmes mouvements).

Merci, enfin, à Yves Rome et Gérard Terrier pour leur implication personnelle et à tous ceux, dans la majorité, qui ont débattu pour enrichir ce texte, principalement Maxime Gremetz, Yves Cochet, Georges Sarre et Jacques Rebillard (Mêmes mouvements).

Je l'ai déjà dit à l'opposition, j'ai apprécié que nos débats restent sereins. Si les modalités de la réduction du temps de travail ne conviennent pas à tous, on n'en conteste plus le principe, parce que les Français la souhaitent ! (Interruptions sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL)

Je ne souhaitais pas vous placer en contradiction avec les Français, c'est vous qui le faites !

On compte déjà 130 000 emplois créés et 16 000 accords d'entreprises. Les Français le savent, la réduction du temps de travail crée des emplois.

Depuis deux ans, je le répète, la priorité du Gouvernement, c'est l'emploi.

Aucune piste ne doit être négligée. L'objectif du retour au plein emploi ne peut être atteint qu'avec la mobilisation de tous les acteurs économiques et sociaux.

Le chômage ébranle les fondements mêmes de notre société et sa réduction est nécessaire pour des raisons sociales autant qu'économiques. C'est au retour de la confiance, lui-même dû à la baisse du chômage, que nous devons cette croissance, saluée par les organismes internationaux comme la plus élevée du monde industrialisé.

Il n'y a pas d'un côté la création de richesse et de l'autre un Etat devant prendre en charge les plus démunis. Chacun doit prendre sa part dans la lutte contre le chômage.

Les entreprises ont un rôle majeur à jouer, en utilisant mieux leur capital humain et en améliorant leur compétitivité.

Aussi ferme qu'est notre détermination à impliquer les entreprises dans cette lutte contre le chômage, est claire notre volonté à ne pas faire une loi contre les entreprises.

Depuis deux ans, nous avons voulu faire de la réduction du temps de travail un outil majeur pour lutter contre le chômage, améliorer les conditions de travail et de vie de nos concitoyens et renforcer les performances de nos entreprises.

Nous avons pour cela fixé une méthode : la négociation. Je crois pouvoir dire aujourd'hui que les objectifs de la loi sont non seulement maintenus mais enrichis après nos débats.

Je veux dire ma satisfaction de voir combien sur ce texte, la majorité plurielle a fonctionné comme une vraie majorité politique, partageant des débats sans tabous ni calculs. Loin de la cacophonie, elle a mis en musique une seule et unique partition, dont l'harmonie d'aujourd'hui est le produit de ses inspirations plurielles... (Rires sur les bancs du groupe UDF, du groupe du RPR et du groupe DL) Une harmonie dont vous pouvez sans doute être jaloux... Chacune des formations de la majorité a investi en temps, en réflexion et en proposition.

Nous avons ainsi conforté notre objectif emploi tout en élargissant les espaces laissés à la négociation et en renforçant le cadre et les garanties relevant de la loi.

Quelles sont ces caractéristiques qui feront selon moi le succès de cette loi demain ?

Comme l'a rappelé à plusieurs reprises le président de la commission, il faut faire confiance aux salariés et aux chefs d'entreprise ; c'est de la négociation qu'émergent les solutions adaptées à la réalité de chaque entreprise. C'est comme cela que nous sommes parvenus depuis un an à la conclusion de milliers d'accords sur mesure.

A l'exception d'un accord de branche, tous entrent dans la champ d'application de la présente loi.

Nos débats ont aussi permis d'affirmer la nécessité d'une période d'adaptation.

Le point d'équilibre de cette loi tient à l'articulation de la négociation et de la loi. Et je suis particulièrement heureuse de la façon dont notre débat a enrichi les espaces laissés libres à la négociation.

Ainsi, l'amendement adopté à l'initiative d'Odile Saugues et repris par la commission des affaires sociales et l'ensemble des formations de la majorité oblige désormais toute entreprise à engager des négociations sur la durée du travail avant de pouvoir déposer un plan social.

Il faut en effet tout faire pour bannir les licenciements en généralisant cette méthode.

Vous avez aussi choisi d'enrichir la négociation entre les salariés et les chefs d'entreprise, en leur donnant la possibilité de consulter les salariés non plus seulement après mais aussi avant la signature d'un accord.

L'objectif emploi de la loi a été consolidé. Je l'ai dit à plusieurs reprises : cette loi n'est faite ni pour plaire, ni pour déplaire mais pour réussir les 35 heures. Et la réussite des 35 heures se jauge particulièrement à l'aune du nombre d'emplois créés, à la manière dont elles contribueront à l'amélioration des conditions de vie des salariés et de la compétitivité des entreprises (Interruptions sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL).

La première étape a permis la création ou la préservation de plus de 130 000 emplois. Nos débats ont naturellement cherché la manière dont cette loi de généralisation des 35 heures pouvait aider les négociateurs dans chaque entreprise à optimiser l'effet emploi.

C'est pour cela qu'à l'initiative du groupe communiste, et en particulier de Maxime Gremetz et Muguette Jacquaint, nous avons affirmé clairement que chaque accord devra créer ou préserver des emplois et que les embauches prévues devront se réaliser dans l'année.

Nous avons également enrichi ce projet de loi d'une disposition prévoyant la suspension des allégements de charges pour toute entreprise ne respectant pas les engagements d'embauche prévus dans son accord. Les signataires de l'accord pourront saisir l'administration du travail lorsqu'ils estiment que l'engagement emploi n'est pas respecté.

Le groupe communiste a insisté à juste titre sur ces dispositions qui tendent au contrôle de la bonne utilisation des fonds publics ; cela répond à une exigence démocratique fondamentale.

Vous avez souhaité également qu'un bilan national de l'application de la loi soit présenté à la commission nationale de la négociation collective, puis transmis au Parlement et au conseil de surveillance du fonds de financement de la réforme des cotisations patronales. Nous disposerons là d'un outil d'évaluation de l'impact de la réduction du temps de travail sur l'emploi.

Cette loi permet également la mise en place de garanties supplémentaires pour les salariés. Si la loi laisse toute sa place à la négociation, il lui revient de définir l'ordre public social, par la production de clauses dont aucun salarié ne peut rester à l'écart.

C'est ce que vous avez fait notamment reprenant les amendements de la commission visant à encadrer plus efficacement le temps partiel.

Le temps partiel est considéré par une majorité de ceux qui le vivent comme une forme de travail subie et précaire. Cette réalité en côtoie une autre contradictoire : beaucoup de Français aspirent en effet à une forme de temps choisi, leur laissant davantage de disponibilité.

C'est pourquoi ce projet encadre désormais plus efficacement le temps partiel en renforçant les droits des salariés, en encadrant mieux les heures complémentaires, en permettant aux salariés de refuser une modification de la répartition des horaires, notamment pour des raisons familiales. Ces dispositions seront également favorables aux femmes, permettant une meilleure articulation entre la vie professionnelle et la vie hors de l'entreprise. Cela répond à l'une de leurs principales aspirations, comme l'a souligné Mme Génisson.

Cette seconde loi permet par ailleurs de dégager des solutions pragmatiques à des problèmes que certains présentaient à la veille de notre débat comme insolubles.

Il en va ainsi des cadres. La négociation a permis de s'assurer qu'ils bénéficient aussi concrètement de la réduction du temps de travail. A cette fin, un amendement de votre commission a précisé à juste titre la définition des cadres dirigeants.

Nos débats ont précisé dans plusieurs domaines les objectifs affichés par le Gouvernement et renforcé les garanties offertes aux salariés. Il en est ainsi de l'amendement de la commission et de l'ensemble des groupes de la majorité sur la définition du travail effectif, de la réduction de la durée maximale de travail de 46 heures à 44 heures sur douze semaines et de la majoration des heures supplémentaires à 50 % à partir de 43 et 47 heures. Vous avez par ailleurs fixé le repos hebdomadaire minimum à 35 heures, en application d'une directive européenne, désormais inscrite dans notre législation, et clarifié le régime des astreintes et des équivalences.

Enfin, et c'est un acquis essentiel de nos discussions, toute nouvelle entreprise aura droit aux aides incitatives prévues dans la première loi dès lors qu'elle fera bénéficier ses salariés aux SMIC de la garantie salariale mensuelle prévue par la loi. A n'en pas douter, cette disposition sera favorable à la création d'entreprise.

Enfin, vous avez souhaité rendre ce texte plus incitatif, pousser davantage les entreprises à négocier pour parvenir à des accords sur mesure et généraliser ainsi le passage effectif de la durée du travail à 35 heures.

Nous avons assoupli les conditions d'accès à l'aide incitative pour les petites et moyennes entreprises. Cette avancée doit beaucoup à Jean Pontier et Jacques Rebillard, députés radicaux de gauche.

En outre, concernant le temps de travail des salariés postés, les allégements de charges sont conditionnés à une réduction de la durée du travail équivalente à 33 heures et 36 minutes, c'est-à-dire au passage en cinq équipes.

De plus, à l'initiative de M. Yves Cochet, nous sommes tombés d'accord pour majorer les allégements de charge en cas de passage à 32 heures hebdomadaires.

Enfin, et ce n'est pas la moindre des avancées, nous avons supprimé l'abattement temps partiel pour les nouveaux contrats un an après la baisse de la durée légale, afin de favoriser le temps partiel choisi.

A la fin de ce débat en première lecture, nous sommes parvenus à un texte équilibré et cohérent. Nous avons en effet déplacé le débat, comme les Français nous y invitaient, du terrain des slogans vers celui des intérêts respectifs des salariés et des entreprises.

Nous n'avons pas opposé l'intérêt des uns à celui des autres. Au contraire, nous avons systématiquement réfléchi à la façon dont toutes les catégories de salariés pouvaient bénéficier de la réduction du temps de travail. Nous avons concilié l'impératif de compétitivité et l'exigence de sécurité dans le travail.

Nous avons, en fait, simplement suivi la voie qui nous était ouverte par les 50 000 négociateurs de la première étape. Ils ont joué un rôle déterminant en s'engageant plus tôt que les autres dans la réduction du temps de travail et en trouvant des solutions pragmatiques et originales, toutes également favorables à la création d'emploi.

Plusieurs députés RPR - On croit rêver ! Revenez sur terre !

Mme la Ministre - Nous réalisons avec cette loi une avancée considérable. Une avancée pour l'emploi, une avancée pour la négociation sociale en France, une avancée pour la réorganisation du travail dans les entreprises, enfin, une avancée pour les garanties des salariés.

Je suis convaincue depuis toujours que le meilleur agent du progrès économique c'est le progrès social lui-même. Avec la réduction du temps de travail nous réconcilions l'économique et le social et apportons ainsi une réponse aux craintes de nos concitoyens.

Ce progrès social, introduit grâce à la loi, la majorité a voulu le réaliser, unie (Interruptions sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL).

L'union, vous en rêvez, chez nous c'est une réalité !

Unis, nous sommes forts, forts de nos convictions et de nos valeurs. Unis, nous pouvons, grâce aux 35 heures, faire reculer le chômage. Unis, nous allons, grâce aux 35 heures, changer la vie de nos concitoyens, qui savent qu'ils peuvent compter sur nous (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe RCV).

M. Gaëtan Gorce, rapporteur de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales- Je partage la conviction forte de Mme la ministre que ce texte constitue un progrès économique et social. Il ne peut en effet y avoir de progrès économique sans progrès social. Opposer ces deux aspects reviendrait à nier les enseignements de plusieurs décennies, depuis la Libération.

Si le développement économique entraîne plus de précarité, plus de flexibilité, de nouveaux risques de marginalité, comment imaginer que les salariés se sentent motivés dans un contexte qui exige toujours davantage de qualification et de disponibilité ?

La réduction du temps de travail permettra une mise à plat (Exclamations et rires sur les bancs du groupe du RPR, du groupe EDF et du groupe DL) de l'organisation du travail dans les entreprises.

Nous avons enrichi le texte, en préservant son équilibre et en précisant l'objectif de création d'emplois. Aucune catégorie de salariés, et je pense notamment aux cadres, ne sera tenue à l'écart. La garantie des salaires, dans le cadre des dispositions relatives à la modulation, au temps partiel ou au SMIC -dont le pouvoir d'achat sera maintenu ou progressera- est également assurée. Et comme l'a proposé M. Cochet, la voie n'est pas fermée pour prolonger la réduction du temps de travail vers les 32 heures ! (Interruptions sur les bancs du groupe du RPR : «28 ! 26 !»).

Je me réjouis aussi du climat dans lequel le débat s'est déroulé, loin des propos d'apocalypse tenus la veille de son ouverture à la Porte de Versailles. L'opposition n'a pas fait d'obstruction, elle a laissé le débat se dérouler dans les conditions qui s'imposaient pour élaborer une réforme à laquelle l'opinion publique est acquise.

Plusieurs députés RPR - C'est faux !

M. le Rapporteur - Nul ne se hasardera plus à contester la volonté du Gouvernement et de la majorité de lutter contre le chômage sans, pour autant, entraver la négociation entre partenaires sociaux, négociation que le texte relancera.

Le contresens ou l'archaïsme, ce n'est pas d'inciter à de nouvelles formes de dialogue social, mais bien d'opposer les salariés à l'entreprise. Je regrette, à cet égard, que certains représentants des entreprises aient préféré se tenir à l'écart du mouvement engagé. Aussi longtemps qu'il en sera ainsi, il appartiendra au législateur d'agir, mais je forme le v_u que le texte permette que s'enclenche un profond changement dans les relations sociales au sein des entreprises.

Je ne saurais conclure sans évoquer la mémoire d'André Philip, rapporteur, en 1936, du projet de loi sur les 40 heures. Non pas par nostalgie, mais pour établir le lien entre tous ceux qui s'attachent à poser les jalons du droit social. Hier, il s'agissait de garantir le droit élémentaire à la dignité ; aujourd'hui, nous nous attachons à améliorer les droits sociaux, et je me réjouis que, tous ensemble, nous y ayons contribué.

Je remercie, enfin, tous ceux qui m'ont aidé : les administrateurs de la commission bien sûr, mais aussi les membres de mon groupe, mes collègues, le président Jean Le Garrec et Madame la ministre (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe RCV).

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EXPLICATIONS DE VOTE

M. Yves Rome - L'adoption du projet de loi sur la réduction négociée du temps de travail constituera l'un des temps forts de la législature. Ce texte fera date dans l'histoire de notre pays, car il est novateur, aussi bien par son contenu que par son mode d'élaboration. Il s'agit en effet d'une conquête sociale de première importance, qui combine expérimentation et dialogue social permanent.

Après le vote de la première loi sur la réduction du temps de travail, le 13 juin 1998, l'adoption de ce second texte marquera une volonté commune de rationalisation économique et sociale. Loin d'être autoritaire, la méthode retenue privilégie l'interaction entre la loi et le dialogue social, qui se nourrissent mutuellement, sans rien de cette rigidité que l'on a trop souvent reprochée à un État, coupable, aux yeux de certains, de vouloir réformer la société par décret.

C'est dire que les accusations d'autoritarisme ne sont ni sérieuses ni crédibles ; tout au plus cherchent-elles à masquer l'absence de solutions alternatives. Et qui veut un exemple d'exception française trouvera en M. Seillière, Président du MEDEF un modèle : celui de l'archaïsme social. Comment nier, en effet, que, contrairement à ce qui a été la règle dans les pays développés, la France a connu, au cours des années précédant la première loi Aubry, une complète stagnation en matière de réduction du temps de travail, à la notable exception de la loi Robien... qui prouve qu'une loi était nécessaire ?

Les deux textes qui nous ont été soumis successivement visaient à remédier à des rigidités persistantes. Ils étaient indispensables et les engagements pris devant les Français en mai 1997 ont été tenus, ou sont en passe de l'être. Ainsi, leurs espoirs de voir s'améliorer la situation de l'emploi et leurs conditions de vie ne seront pas déçus. L'intérêt économique et social du passage aux 35 heures est déjà patent, ce qui plaide en faveur de la généralisation de leur application et qui relègue les postures convenues du MEDEF au rang de gesticulations déconnectées des aspirations de nos citoyens (Protestations sur les bancs du groupe du RPR, du groupe DL et du groupe UDF).

La première loi a enclenché un cercle vertueux. Le nouveau texte introduira davantage de souplesse et renforcera les garanties juridiques, sous l'autorité vigilante du Gouvernement. Au cours des débats, de nombreux amendements ont été adoptés, qui tendaient soit à simplifier les dispositions complexes du code du travail, soit à affermir des garanties insuffisamment consolidées. C'est ainsi que les inquiétudes ont été dissipées qui portaient sur le niveau de rémunération et le SMIC, ce qui a permis de réaffirmer le principe «à travail égal, salaire égal». Dans le même temps, la réduction du temps de travail permettra à nombre de nos concitoyens de retrouver une activité. N'est-ce pas à eux que nous devons d'abord penser ?

Avec ce texte, de nouvelles garanties sont apportées aux salariés, quelle que soit leur place dans la hiérarchie. Ces mesures ne sont pas de celles qui, quoiqu'on en dise, pèseront sur les performances des entreprises. Elles détendront, au contraire, le climat social.

Il était logique que les dispositions envisagées fussent étendues au travail à temps partiel. On se félicitera donc que les mesures retenues favorisent le temps partiel choisi et, donc, l'équité.

Le groupe socialiste apporte son entier soutien à un texte dont l'équilibre est fondé sur une double exigence : la compétitivité des entreprises et la meilleure répartition des fruits de la croissance. Nous sommes fiers de ce mariage entre la loi et la négociation sociale qui permettra, je l'ai dit, un enrichissement réciproque. Je me félicite, enfin, que l'esprit d'ouverture ait prévalu au cours de la discussion entre la majorité et le Gouvernement. Ainsi sommes-nous parvenus à un excellent compromis.

Le texte constitue un progrès social majeur. Il reviendra aux partenaires sociaux de s'appuyer sur le socle ainsi édifié pour parvenir à ce qui est souhaitable.

Le groupe socialiste votera donc un projet de loi qui s'inscrit parfaitement dans l'action menée par le Premier ministre et la majorité en faveur de l'emploi, de la solidarité et de la modernisation de la démocratie (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe RCV).

Mme Roselyne Bachelot-Narquin - Vous nous avez rappelé, Madame la ministre, les objectifs que vous vous étiez fixés : créer des emplois et améliorer les conditions de vie des salariés ; vous avez déjà perdu votre premier pari, au point que vous avez dû, dans le bilan que vous avez dressé de votre première loi, mêler effets d'aubaine, emplois sauvegardés et emplois publics, allant jusqu'à considérer comme créés des emplois encore virtuels.

Confronté à la réalité, le Gouvernement a dû abandonner sa vision irréaliste. Nous avions souligné pourtant ce que toutes les statistiques montrent, à savoir qu'il n'y a pas de corrélation possible entre temps de travail et chômage, au contraire. Nous le savons bien : seules la croissance et l'innovation créent des emplois -jamais le partage de la pénurie ! (Applaudissements sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL)

Vous avez donc été contrainte de vous rabattre sur l'amélioration des conditions de vie des salariés. La réduction du temps de travail peut la permettre, certes, mais à condition qu'elle ne s'accompagne pas du gel des rémunérations, que la flexibilité ne perturbe pas la vie personnelle et que le durcissement des conditions de travail n'altère pas la santé des travailleurs.

Or le bilan fait de l'application de votre premier texte montre que 85  % des salariés ont vu leur rémunération baisser en raison de la raréfaction des heures supplémentaires.

Le texte que vous nous avez présenté sème la pagaille dans les entreprises et bafoue le dialogue social : aucun des accords qui ont été signés avec votre bénédiction ne sera applicable, et aucun des problèmes n'est résolu !

Voyez ce qui se passe avec les cadres : votre dispositif a créé le prodige de voir se prononcer contre lui l'ensemble des organisations qui les représentent !

De même, vous n'êtes pas parvenue à sortir du guêpier du SMIC puisque, dans une même entreprise et pour le même travail, un salarié touchera 40,70 F alors qu'un autre percevra 45,20 F.

D'autre part, le dispositif est d'une complication incroyable. Pour les heures supplémentaires, il n'institue pas moins de deux périodes transitoires de nature et de durée différentes, trois modes de paiement et quatre taux de majoration ! En outre, au gré des amendements concoctés ou négociés par telle ou telle tendance de la majorité plurielle, sous la houlette modérée de notre président de commission, le système a été encore rigidifié et alourdi.

Cerise sur le gâteau, si j'ose dire, ce dispositif coûtera 110 milliards. Impôts, cotisations, écotaxes, taxation des heures supplémentaires, ponction sur les caisses de l'UNEDIC, suppression de l'allégement des charges sur le travail à temps partiel : à terme, ce sont les salariés et les contribuables qui paieront la facture. Il en sera des 35 heures comme des nationalisations que vous présentiez, il y a dix-huit ans, comme un grand progrès social alors que, maintenant, vous privatisez à tout va.

Dans ces conditions, bien entendu, le groupe RPR ne votera pas ce texte autoritaire, complexe et rigide qui, à terme, aggravera le chômage (Applaudissements sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL).

M. Maxime Gremetz - La réduction du temps de travail constitue un véritable enjeu de société et de civilisation dont nous avons longuement débattu au cours de ces derniers jours.

Elle est, depuis des années, une aspiration du mouvement progressiste. Trop de gens sont privés de travail pendant que d'autres s'épuisent d'en avoir trop.

Les enjeux sociaux et économiques de la réduction du temps de travail sont indissociables. C'est pourquoi, historiquement, le groupe communiste, a toujours combattu pour satisfaire cette grande aspiration.

Par cette baisse de la durée du travail, nous poursuivons deux objectifs principaux : libérer du temps pour s'éduquer, pour se distraire, pour se cultiver, pour exercer pleinement sa citoyenneté ; lutter contre le chômage en créant des emplois stables et correctement rémunérés ; organiser le travail pour mettre un terme à la précarité et à la flexibilité, tout en accordant des droits nouveaux aux salariés.

C'est pourquoi nous avons résolument combattu la loi quinquennale de 1993 de M. Balladur.

Nous avons abordé ce débat avec la volonté de satisfaire au mieux les aspirations des salariés.

Nous avons obtenu des avancées significatives mais il reste encore des questions importantes à résoudre. Je pense, en particulier, au chapitre relatif aux cadres contre lequel nous avons voté. Nous invitons le Gouvernement à écouter les propositions des organisations syndicales des cadres. La question du prélèvement de 10 % sur les heures supplémentaires n'est pas non plus réglée. Nous regrettons aussi que les fonctions publiques ne soient pas intégrées dans la loi.

Quant au débat sur le financement des 35 heures, nous le poursuivrons lors de l'examen de la loi de financement de la Sécurité sociale. Nous sommes favorables à une autre assiette des cotisations -étendue aux revenus du capital et aux revenus financiers- et hostiles aux prélèvements sur la sécurité sociale et sur l'UNEDIC.

Dans sa rédaction initiale, la loi n'était pas votable, pour deux raisons majeures : les exonérations et les aides financières n'étaient plus conditionnées à la création ou à la préservation d'emplois et le contrôle de l'utilisation des fonds publics n'était pas assuré.

Nous nous réjouissons qu'après la grande manifestation unitaire du 16 octobre et grâce au travail sérieux accompli avec le Gouvernement, nous ayons pu progresser sur ces deux points.

Plusieurs de nos amendements ont été adoptés. L'un précise notamment à l'article 11, que l'aide financière est subordonnée à un accord collectif sur la réduction du temps de travail et sur la création ou la préservation d'emplois.

L'obligation de préciser donc le nombre d'emplois créés ou préservés dans un délai d'un an est renforcée. Les syndicats ont des moyens accrus pour faire respecter le contenu des accords. La convention ou l'accord de branche doit fixer les conditions dans lesquelles est assuré un suivi paritaire de l'impact de la réduction du temps de travail.

Un droit d'alerte est reconnu aux syndicats et aux représentants du personnel, qui permet de suspendre ou de supprimer les aides financières en cas de non-respect de l'accord.

D'autre part, un bilan annuel sera remis au Parlement sur le contrôle de l'utilisation des fonds publics.

Le comité d'entreprise sera informé des aides à l'emploi dont l'entreprise bénéficie. Une instance paritaire de suivi sera créée dans chaque entreprise.

La portée de ces mesures sera étendue avec l'examen de la proposition de loi déposée par Robert Hue sur l'utilisation des fonds publics à l'emploi.

En ce qui concerne les droits nouveaux accordés aux salariés et à leurs représentants, la signature d'un syndicat représentant la majorité des salariés aux élections professionnelles est rendue obligatoire, au niveau de l'entreprise. C'est un progrès considérable pour la démocratie et un point d'appui fort pour les syndicats dans les négociations.

D'autres améliorations ont été apportées, notamment sur la durée du temps de travail effectif qui inclut les temps de pause et les temps d'habillage quand une tenue est imposée. La durée maximale du travail posté est fixée à 33 heures 36. L'interdiction de travailler le dimanche et le repos hebdomadaire sont mieux protégés. La réduction du temps de travail doit être négociée avant tout plan social de licenciement.

L'abattement de cotisations sociales de 30 % pour le temps partiel est supprimé et le Gouvernement s'est engagé à taxer le recours abusif aux contrats précaires.

Évidemment, la droite a tenté d'accroître la flexibilité, de priver les salariés de toutes garanties, en défendant les revendications du MEDEF, que le mouvement social et la détermination des députés communistes ont permis de contrer. L'adoption de certains de nos amendements nous a même valu d'être traités de criminels par M. Goulard !

En conclusion, le groupe communiste votera cette grande loi de civilisation (Protestations sur les bancs du groupe UDF, du groupe du RPR et du groupe DL) tout en continuant à _uvrer pour son amélioration en liaison avec le mouvement social.

En émettant ce vote, nous pensons aussi aux salariés, aux chômeurs et aux exclus des pays d'Europe qui expriment, de façons diverses, la même aspiration. Ce sera sans nul doute un encouragement dans leur propre combat et cela contribuera au développement d'actions communes. Tel est le sens de notre vote (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste, du groupe socialiste et du groupe RCV).

M. Hervé Morin - Ce texte, que la majorité s'apprête à voter, fera date dans l'histoire. La France, seul pays au monde, seul pays en Europe, a décidé de réduire de façon généralisée la durée légale du travail (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste). Cette politique solitaire est d'autant plus anachronique que nous avons fait le choix de l'Europe. Notre pays ne détenant plus le pouvoir monétaire et disposant désormais d'un pouvoir budgétaire encadré ne pourra plus compenser les effets négatifs d'une telle décision sur l'activité économique et sur la compétitivité des entreprises.

Les Français et les entreprises, quant à eux, savent qu'ils vivent dans un ensemble économique doté d'une monnaie unique dans lequel aucun autre pays n'a décidé une réduction généralisée du temps de travail.

Pouvons-nous avoir raison contre tout le monde ? ("Oui !" sur plusieurs bancs du groupe communiste et du groupe socialiste)

Si nous pensions que la réduction autoritaire du temps de travail suffisait à créer les 500 000 à 700 000 emplois que vous avez annoncés, nous aurions voté ce texte. Nous considérons, au contraire, que l'emploi ne se divise pas mais qu'il se multiplie, qu'il se gagne.

Les fruits de la croissance auraient permis de réduire massivement les charges sociales, notamment sur les bas salaires et sur le travail non qualifié, ce qui aurait dopé l'emploi, augmenté le salaire direct et incité ainsi à la reprise du travail par l'accroissement de la différence entre salaire minimum et revenu issu de la redistribution.

Mais vous avez préféré prélever 70 à 80 milliards supplémentaires sur l'économie, sur les Français, sur l'UNEDIC, sur les caisses de sécurité sociale, comme si les prélèvements obligatoires n'étaient pas déjà trop élevés. Tout cela, pour financer une mesure qui, au mieux, ne créera pas d'emplois !

Le groupe UDF aurait souhaité que la réduction du temps de travail s'inscrive dans une démarche décentralisée faisant confiance aux corps intermédiaires pour trouver des solutions. Nous étions prêts à parier sur les hommes et sur leur intelligence à négocier des accords équilibrés, à concevoir une organisation qui aurait associé réduction collective et réduction individuelle du temps de travail, branche par branche, secteur par secteur, entreprise par entreprise.

Le Gouvernement et sa majorité ont enfermé les partenaires de la négociation dans un carcan de règles qui trahit leur méfiance à l'égard de celles et ceux qui sont concernés par l'organisation du travail. En fait, vous avez installé les partenaires sociaux à la table des négociations dans un état de liberté surveillée. Sous couvert d'instaurer des protections, vous placez des verrous. Au lieu de garde-fous, vous installez des cadenas qui feront obstacle au développement d'une démocratie sociale qui manque tant à la France. La réduction du temps de travail aurait pu être l'occasion d'une vraie pédagogie sociale. Vous l'avez manquée.

Nombreuses seront les conséquences désastreuses de votre loi pour les salariés, qu'il s'agisse du gel de leur pouvoir d'achat, de l'intensité du travail, du salaire minimum ou encore du temps partiel que vous avez condamné.

Nous prenons date ce soir en affirmant que ce projet est déjà un texte du passé. Il ne s'attaque pas à un des maux majeurs de notre pays : le décalage entre la formation dispensée et les besoins de l'économie. Alors que notre taux de chômage demeure élevé, et se réduit à un des rythmes les plus lents du monde occidental, certains pans de notre économie connaissent déjà des pénuries de main-d'_uvre qualifiée. La réduction du temps de travail accentuera brutalement ce phénomène. Surtout, le Parlement devra y revenir, car il y a une contradiction fondamentale entre réduction hebdomadaire du temps de travail et financement de nos régimes de retraite, dont chacun sait qu'ils seront fortement déséquilibrés à partir de 2005. Comment peut-on dire aux Français, sans leur mentir, qu'ils vont travailler moins alors qu'ils devront travailler plus longtemps pour pourvoir au financement d'un nombre croissant de retraités ?

Au total, ce texte promis pendant la campagne législative annonce déjà la campagne présidentielle de Jospin. Chacun sait, en effet, que son application effective et ses conséquences ne seront réellement sensibles qu'après 2002. Il sera alors toujours temps de reprendre d'une main ce que vous aurez donné de l'autre, comme vous l'avez fait en 1984, après avoir distribué en 1981... C'est pourquoi le groupe UDF votera contre ce projet (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF, du groupe du RPR et du groupe DL).

M. Yves Cochet - J'aimerais poser une question à nos collègues de l'opposition : si un jour vous reveniez au pouvoir, rétablirez-vous les 39 heures ?

Le processus séculaire de réduction de la durée du travail va connaître aujourd'hui une avancée décisive comme il n'en a pas connu depuis plus de cinquante ans. Nous avons toujours été favorables à ce processus, car nous y voyons non seulement un outil privilégié pour lutter contre le chômage, mais la perspective d'une société plus solidaire. Je note, d'autre part, que la colonne vertébrale de cette loi est la confiance dans la négociation, avec même une avancée démocratique de plus par rapport à la première loi : désormais un accord, pour être valable, devra être voté majoritairement par les syndicats, ou par une majorité de salariés : c'est là une grande avancée démocratique dans l'entreprise (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste).

Il subsiste toutefois, Madame la ministre, des imperfections et des incertitudes, qu'il faudra sans doute lever en deuxième lecture. Je pense au problème des cadres, à l'annualisation, à la sécurisation juridique, aux autorisations d'absence pour maladie grave, au problème du travail de nuit -en relation avec la directive de 1993. Au cours du débat parlementaire plusieurs avancées décisives ont toutefois été obtenues, grâce à tous les groupes de la majorité ; j'en relèverai trois. La première a consisté à préciser la définition du temps de travail effectif. Déjà l'an dernier, avec tous les groupes de la majorité -M. Gremetz s'en souvient- nous avions obtenu une définition générale. Mais elle comportait encore des incertitudes. On en a vu les effets négatifs dans certains des accords conclus, où les patrons ont écarté du temps de travail effectif les pauses coutumières, les temps d'habillage-déshabillage et de restauration. C'est ainsi que Michelin a pu affirmer à ses salariés qu'un accord était inutile, puisqu'ils étaient déjà à 35 heures ! Il fallait donc préciser, et supprimer le deuxième alinéa, qui datait de 1942. Avec tous les collègues de la majorité, nous avons proposé deux alinéas nouveaux. Le premier intègre les temps que j'ai évoqués dans le travail effectif. Le second dispose que désormais les régimes d'équivalences ne pourront être fixés que par décret, et non par accord d'entreprise.

Le second progrès que nous saluons, notamment pour les jeunes, qui constituent 85  % des emplois à temps partiel, est la suppression des abattements favorisant ces emplois et dont, parfois, l'effet était de rendre plus avantageux d'employer deux temps partiels qu'un temps plein. C'en sera fini après 2001 et c'est une grande avancée pour le mouvement féministe.

Troisième progrès : le fait qu'on puisse passer à 32 heures et que des allégements de charges soient prévus. C'est là une avancée non seulement sociale, mais sociétale, car elle signifie que chacun a droit à un emploi, mais aussi à une vie personnelle en dehors du travail. Pour ces raisons les députés Verts et l'ensemble du groupe RCV voteront en faveur de cette loi (Applaudissements sur les bancs du groupe RCV, du groupe socialiste et du groupe communiste).

M. François Goulard - M.Cochet a interpellé l'opposition, mais celle-ci a déjà répondu à sa question : nous avons dit notre préférence pour la négociation et l'accord. Ils doivent avoir la primauté en France, comme dans les autres pays développés, sur la réglementation tatillonne qui est votre loi ! (Applaudissements sur les bancs du groupe DL, du groupe du RPR et du groupe UDF)

Pour nous, cette réduction imposée du temps de travail sera profondément nuisible à notre pays, à ses salariés et à ses entreprises. Elle nuira à l'emploi, loin de lui être favorable. Je note d'ailleurs, Madame la ministre, que vous êtes beaucoup moins prompte qu'il y a deux ans à annoncer des chiffres mirobolants de créations d'emplois. En fait de chiffres, vous vous êtes bornée à fournir un bilan grossièrement truqué (Applaudissements sur les bancs du groupe DL, du groupe du RPR et du groupe UDF ; exclamations sur les bancs du groupe communiste, du groupe socialiste et du groupe RCV), où 30 000 emplois réels en deviennent par magie 130 000, en omettant de compter les emplois non créés, délocalisés, perdus du fait de cette loi.

Pour ceux qui doutent encore que les 35 heures ne seront pas un moyen de lutte contre le chômage, il suffit de regarder au-delà de nos frontières. Vous y verrez que nul, pas même vos amis allemands et britanniques, ne songe à lutter contre le chômage par une réduction imposée du temps de travail. Et vous y verrez que depuis 1997, à part l'Allemagne et l'Italie, la France est de tous les pays de l'OCDE celui qui a le moins bien réussi face au chômage. Nous contestons fondamentalement le choix que vous faites à la place des Français. Vous leur imposez moins de travail et moins de revenus -car personne ne croit sérieusement qu'on puisse travailler moins et gagner autant.

Or si certains Français -et c'est leur droit le plus strict- souhaitent travailler moins, il en est beaucoup qui préféreraient gagner plus.

Vous créez par cette loi une situation paradoxale où les coûts salariaux des entreprises vont s'alourdir de 11,4 % sans que les Français en tirent profit en termes de revenus, au contraire...

En outre vous introduisez dans notre droit du travail -dont chacun reconnaît la complexité inouïe- des dispositions illisibles, incompréhensibles, ingérables. Vous prétendez ainsi que tous les salariés payés au SMIC travailleront 10 % de moins et conserveront leur rémunération, alors que le SMIC horaire n'augmentera pas... La vérité est que vous instaurez plusieurs SMIC.

Et que dire du régime des heures supplémentaires, qui changera chaque année pendant quatre ans ? Que dire des trois catégories où les cadres devront se caser, au mépris des situations réelles ? Pensez-vous que les PME se retrouveront dans ce maquis, et pourront absorber la hausse des coûts salariaux et la baisse de leur capacité de production ? Nos entreprises avaient-elles besoin de cela ? N'est-il pas clair que cela va détériorer leur situation, donc agir contre l'emploi ?

Ne nous dites pas que votre gigantesque mécanisme d'allégement compensera les charges nouvelles. C'est un tour de passe-passe, une partie de bonneteau, au terme de laquelle vous reprenez d'une main ce que vous donnez de l'autre.

En effet toutes les entreprises paient des allégements qui ne profitent qu'à certaines d'entre elles, sous le contrôle vétilleux de votre administration (Applaudissements sur les bancs du groupe DL, du groupe du RPR et du groupe UDF).

Mais ce qui nous choque le plus est que vous légiférez pour des raisons strictement politiciennes. Vous ne le faites pas dans le sens de ce que vous croyez être l'intérêt de notre pays, mais pour donner des gages à la partie la plus irresponsable de votre majorité. Au-delà des divergences qui nous séparent, et qui sont inhérentes à la démocratie, c'est contre ce comportement politicien que nous entendons voter (Applaudissements sur les bancs du groupe DL, du groupe du RPR et du groupe UDF).

A la majorité de 315 voix contre 255, sur 572 votants et 570 suffrages exprimés, le projet de loi est adopté.

(Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe RCV)

La séance, suspendue à 17 heures 15, est reprise à 17 heures 25, sous la présidence de M. Ollier.

PRÉSIDENCE DE M. Patrick OLLIER

Vice-président

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FIXATION DE L'ORDRE DU JOUR

M. le Président - L'ordre du jour des séances que l'Assemblée tiendra jusqu'au vendredi 5 novembre inclus a été fixé ce matin en Conférence des présidents. Il sera annexé au compte rendu intégral de la présente séance.

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    PROJET DE LOI DE FINANCES POUR 2000

L'ordre du jour appelle la discussion générale du projet de loi de finances pour 2000.

M. Dominique Strauss-Kahn, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie - Nous commençons donc la discussion du budget pour l'an 2000.

M. Jean-Pierre Brard - L'avenir n'intéresse pas la droite...

M. le Président - Ne commencez pas, Monsieur Brard. (Sourires)

M. Philippe Briand - Ce n'est pas aux hommes du passé de parler d'avenir...

M. le Ministre - Force est de constater qu'il y a plus de monde pour faire des critiques, pas toujours fondées, que pour débattre au fond...

M. Philippe Briand - Vos rangs ne sont pas beaucoup plus fournis...

M. le Ministre - Je remercie le rapporteur général pour son excellent rapport qui nous sera fort utile dans cette discussion.

Pour la première fois depuis 20 ans, un budget fait apparaître une diminution du rapport de la dette publique au PIB. Le Gouvernement avait annoncé dès 1997 cette évolution qui doit nous réjouir car il s'agit en fait de la façon dont nous reportons sur nos enfants le financement de nos dépenses d'aujourd'hui. Par ailleurs, le déficit structurel passe en dessous de 1 % et chacun sait que c'est ce mouvement qu'il faut poursuivre.

Deuxième grand changement : ce budget organise une baisse d'impôt massive (Exclamations sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL).

M. Marc Laffineur - On l'a vu l'an dernier !

M. le Ministre - Je n'avais pas dit cela l'an dernier.

Les Français ne s'y trompent pas, qui font désormais plus confiance à la gauche qu'à la droite pour baisser les impôts.

Autre changement, plus économique que budgétaire, le mouvement de création d'emplois. Depuis l'arrivée de la gauche au Gouvernement, en juin 1997, jusqu'au 31 décembre 2000, un million d'emplois auront été créés, et je parle d'emplois marchands, dans les entreprises et non des emplois-jeunes. C'est un rythme que l'on n'avait pas connu depuis longtemps puisqu'il atteint, en moyenne annuelle, deux fois celui des années 1960, cinq fois celui des années 1970, six fois celui des années 1980.

Ce changement de contexte correspond à un environnement nouveau par rapport au budget précédent. Tout d'abord, la confiance des Français -consommateurs comme chefs d'entreprise- est à son plus haut niveau depuis 15 ans. Ensuite, plus encore que les années précédentes, ce budget a fait l'objet d'une importante concertation au sein de la majorité. Ainsi la principale mesure fiscale, celle qui concerne la TVA, fait suite à une résolution votée par la majorité de cette assemblée -et une partie de l'opposition- et demandant au Gouvernement d'obtenir de l'Union européenne l'autorisation de diminuer la TVA sur les travaux dans les logements.

L'opposition avait raillé le budget pour 1999, avec une unanimité d'autant plus remarquable qu'elle est assez rare. Elle se retrouve aujourd'hui dans la situation de l'arroseur arrosé, je le dis sans polémique (Sourires sur les bancs du groupe socialiste et du groupe communiste).

M. Philippe Auberger - Provocateur !

M. le Ministre - Ne voyez là aucune provocation, Monsieur Auberger. Simplement, en octobre dernier, l'opposition nous disait que le budget pour 1999 était «irréaliste». En mars, Démocratie libérale faisait savoir que «les indicateurs sont au rouge». Tout le monde peut se tromper. Quant au RPR, il nous reprochait d'avoir «cassé la croissance» ! (Interruptions sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL)

Le plus mauvais pronostic cependant, ne revient pas à un membre de l'opposition parlementaire, mais au président du MEDEF... (Mêmes mouvements) que je ne confonds pas avec l'opposition parlementaire (Rires sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe RCV). Selon lui en effet, on ne créerait pas d'emplois et le budget ne pourrait être exécuté.

A l'aune de ces prévisions, je m'autorise à penser que la loi sur les 35 heures va créer ces centaines de milliers d'emplois que nous attendons. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe RCV)

Quelles ont été les erreurs de ceux qui n'ont pas cru au budget pour 1999 ?

M. Jean-Pierre Brard - Ecoutez la leçon ! (Sourires)

M. le Ministre - Ce n'est pas une leçon mais un simple constat. L'opposition nous avait dit que la croissance serait de moins de 2 % ? Nous annoncions quant à nous 2,7 % , mais c'était avant la crise russe (Interruptions sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL). Les prévisions du Gouvernement sont faites en août et la crise russe a commencé le 15 septembre.

Vous nous avez dit, alors, que tout allait s'écrouler. Le Gouvernement a admis que la crise russe aurait certes une influence, mais qu'elle ne causerait qu'un «trou d'air» et que la croissance retrouverait son rythme.

Nous pouvons estimer aujourd'hui le taux de croissance annuel à 2,3 % . L'INSEE prévoit même un taux de 2,4 %. On n'est donc guère loin des 2,7 % prévus initialement, la différence étant due à la crise russe.

La prévision est un art difficile, surtout quand on parle de l'avenir... (Rires)

L'opposition nous disait aussi que, si la croissance n'était pas au rendez-vous, nous n'aurions pas les recettes attendues, ce qui signifierait de nouveaux impôts, des gels de crédits et l'explosion du déficit. Il faut revoir vos analyses, puisque nous enregistrons, avec une croissance moindre que prévu, un surplus de recettes !

Vos erreurs vous mettent donc dans une situation délicate pour débattre du budget pour l'an 2000, et c'est pourquoi, par l'intermédiaire de la presse, certains d'entre vous font des commentaires à ce point excessifs qu'ils en deviennent dérisoires.

Nous aussi, nous faisons des erreurs. J'avais surestimé l'inflation par exemple, ce qui a faussé mes prévisions sur l'évolution du taux des prélèvements obligatoires. Nous reconnaissons nos erreurs. Reconnaissez donc les vôtres -même si elles sont plus graves- et continuons de débattre sur le même ton que les années précédentes. Je ne voudrais pas que vos erreurs nous rendent acariâtres.

Il n'est pas question de faire de l'autosatisfaction. Le chômage frappe encore 2,8 millions de nos compatriotes, les déficits publics, Sécurité sociale comprise, s'élèvent à 200 milliards -ce qui rend un peu ridicules les propos de certains sur les «excédents»-, le niveau des impôts est considéré par nos concitoyens, sans doute à juste raison, comme excessif, et nous n'avons pas rattrapé tous nos retards en matière d'innovation.

Mais nous avons quelques motifs de satisfaction. Ainsi, le FMI, qui n'est pas ma référence habituelle, estime que «le cercle vertueux confiance-consommation-croissance est au c_ur d'une meilleure performance relative de la France parmi ses partenaires européens».

Je souhaite que cet enchaînement, auquel j'ajouterais «créations d'emplois», se poursuive dans l'année qui vient.

En 1999, la France aura eu la plus forte croissance des trois principaux pays de la zone euro et des quatre principaux membres de l'Union européenne. Certes, notre croissance reste inférieure à celle de certains petits pays, mais selon le FMI et différents instituts, elle sera en 2000 la première du G7, devant celle des Etats-Unis.

Je ne suis pas mécontent d'observer que l'emploi salarié, depuis juin 1997, a progressé chez nous de 3 % contre 0 % en Allemagne et 1 % en Italie. Le chômage quant à lui a baissé de 1,3 % contre 0,8 % en Allemagne et 0,4 % en Italie : la «performance relative» de la France n'est donc pas si mauvaise. Quand on voit que le déficit a diminué de 1,7 %, contre 1,5 % en Allemagne et 1,2 % en Italie, on se dit qu'on ne doit pas avoir honte de la politique économique menée dans notre pays.

Personne ne peut contester ces résultats et personne, d'ailleurs, ne les conteste. Comme il faut pourtant nourrir le débat politique, vous avez trouvé un argument : le Gouvernement n'y est pour rien ! (Rires sur les bancs du groupe socialiste)

Monsieur Méhaignerie, vous ne pouvez soutenir cela sans contradiction. Il y a un an, vous nous disiez que la croissance ne pourrait pas être au rendez-vous à cause du contexte international ; aujourd'hui, la croissance serait due non au Gouvernement, mais au contexte international ! Comment défendre deux thèses si différentes en si peu de temps ?

L'économie internationale repart et s'il est vrai que cela nous aide, nos voisins en bénéficient également. La «performance relative» de la France en comparaison de ses voisins témoigne de la réalité de la politique économique.

Affirmer que le Gouvernement «n'y est pour rien», au reste, deviendra de moins en moins crédible à mesure que les années de croissance se succéderont. Si, en 2001, puis en 2002, notre pays reste en tête, oserez-vous soutenir que notre politique n'y est pour rien ?

Si oui, cela s'expliquera par une différence profonde entre vous et nous : nombreux sont ceux qui, parmi vous, ne croient pas à la politique économique. Dire que le Gouvernement n'y est pour rien, c'est défendre une position théorique, voire idéologique, selon laquelle on ne peut intervenir dans l'économie, dirigée par la loi du marché, les entreprises faisant ce qu'elles veulent.

M. Philippe Auberger - C'est Jospin qui a dit cela !

M. le Ministre - Le Premier ministre a simplement dit qu'il n'appartenait pas à l'Etat d'intervenir au sein d'une entreprise privée.

Il vous est loisible de considérer que la politique économique est de nul effet, mais dans ce cas, en tant que représentants du peuple, qu'entendez-vous faire ici, puisque vous niez pouvoir influer sur la réalité ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe RCV)

Les libéraux doivent aller au bout de leur logique. Mais il existe aussi des interventionnistes conservateurs, qui savent que la politique économique a des effets. On peut certes rater son coup. Mais consultez la presse internationale, en général peu tendre avec la France, et vous serez heureux de voir que notre pays est porté aux nues, au lieu d'être voué aux gémonies (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe RCV).

Ce budget est-il trop prudent ? Si l'on considère que l'économie va bien, pourquoi ne pas proposer un budget plus ambitieux ? Je préfère pour ma part une critique de prudence plutôt que de témérité. Les risques financiers internationaux n'ont pas totalement disparu même si des crises financières aussi importantes que celles que nous avons connues depuis quelques années semblent improbables. L'euro nous protège et la Banque centrale européenne mène une politique très adaptée, même si elle peut juger bon à tout moment de remonter les taux d'intérêt. Ce contexte monétaire nous protège des crises venues d'Amérique latine, d'Asie, de Russie ou d'ailleurs sans nous mettre totalement à l'abri. Les mouvements de capitaux à court terme ne sont pas intégralement maîtrisés, même si, à l'initiative de la France, de nouveaux instruments de régulation sont mis en _uvre sur le plan international. Malgré ces progrès, la persistance de risques internationaux impose la prudence.

Personne ne peut dire combien de temps va encore durer la performance de l'économie américaine qui connaît un cycle de croissance forte depuis plus de sept ans. A plusieurs reprises, nous avons annoncé qu'il allait se ralentir, mais nous avons tous été démentis.

Sans constituer un modèle à copier, la situation américaine de croissance longue mérite toute notre attention. Les Américains considèrent que l'année 2000 risque d'être moins bonne que les précédentes, ce qui place la France au premier rang des grands pays industrialisés en termes de perspectives de croissance. Les risques de ralentissement américain ne doivent pas être négligés eu égard à leurs répercussions -via les canaux habituels, financiers, boursiers et commerciaux- sur l'ensemble de l'Europe.

C'est pourquoi ce budget provisionne le risque de baisse de la croissance américaine en retenant pour celle-ci l'hypothèse prudente de 2,1  %. L'environnement international pour 2000 semble donc de bonne qualité, exempt de crise internationale.

Sur le plan interne, la demande reste vigoureuse, comme l'attestent les niveaux élevés de la consommation, de la demande de logement et de l'investissement.

Il y a un an, je disais que le problème de notre économie n'était plus à rechercher dans le niveau de la consommation, qui stimule la demande, mais dans celui de l'investissement qui n'avait pas encore pris le relais.

Le «trou d'air» du début de l'année a retardé l'investissement mais depuis le mois d'avril, il est terminé et l'investissement connaît un taux de croissance important.

L'économie tourne désormais sur ses deux cylindres et la croissance pour 2000 s'annonce bonne !

En conséquence de ces incertitudes, j'ai résolu de présenter une fourchette de croissance. Bien entendu, le budget est calé sur une valeur unique de 2,8  %, entre une hypothèse haute de 3 % et une basse de 2,6 %. Une croissance de 3 % n'est pas exclue mais un ralentissement inopiné de l'économie américaine nous entraînerait vers le bas de la fourchette. Je reste cependant confiant dans nos chances de faire mieux que 2,8 %.

Une autre question essentielle consiste à se demander si ce budget met en _uvre les bons équilibres, en termes de croissance, d'assainissement des finances publiques et de réformes structurelles.

En 1999, les recettes supplémentaires ont été affectées selon la règle des trois tiers, soit un tiers consacré à l'augmentation des dépenses publiques, un tiers pour les baisses d'impôt et un tiers pour la réduction du déficit.

Pour 2000, l'objectif est d'atteindre une croissance zéro de la dépense publique, les ressources supplémentaires étant affectées à hauteur de 39 milliards à des baisses d'impôt et à hauteur de 21 milliards à la réduction du déficit.

S'agissant de la dépense, je sais bien que l'opposition affûte ses arguments pour démontrer qu'il est inexact que la croissance de la dépense publique sera nulle. Nous verrons bien ! Ce qui est sûr, c'est qu'en prévoyant une croissance nulle de la dépense publique, nous faisons mieux qu'avant -elle a crû de 1,5 % sur la période 1993-1996 et de 0,3 % entre 1997 et 2000-, mieux qu'ailleurs -le recul de la dépense publique en pourcentage du PIB est le plus fort des cinq grands pays européens-, et mieux que prévu, puisque nous nous situons dans le bas de la fourchette de programmation biennale transmise à nos partenaires européens.

S'agissant du déficit, il faut laisser jouer les stabilisateurs automatiques dans les deux sens, comme nous en sommes convenus au sein de l'Euro 11.

Le budget prévoit un déficit à hauteur de 1,8 % du PIB, ce qui s'inscrit dans la ligne de la projection biennale.

Au surplus, il ne vous aura pas échappé que l'excédent primaire réapparaîtra pour 2000 à hauteur de 20 milliards, alors qu'il était nul pour 1999 et négatif depuis le début des années 1990.

Les 39 milliards de baisse d'impôt se décomposent en 20 milliards consacrés à la baisse de TVA pour les travaux effectués dans le domaine du bâtiment. Cette baisse a rencontré un large écho dans l'opinion et je ne doute pas que nombreux sont vos administrés à vous en remercier dans vos permanences ! Mais je prends mon parti du fait que l'on vous remercie pour des mesures auxquelles vous vous êtes opposé, dans la mesure où elles sont bonnes pour le pays (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

Une deuxième tranche des 39 milliards est consacrée à la baisse des droits de mutations, qui sera poursuivie en deuxième phase pour atteindre le niveau moyen en Europe. Cette mesure est favorable à la relance de l'activité dans le secteur du bâtiment.

Enfin, la disparition du droit de bail répond, à l'initiative de M. Gayssot, à un objectif de juste distribution des ressources dégagées, la baisse des droits de mutation concernant surtout les ménages les plus aisés. La disparition du droit de bail touchera 80 % des locataires dès cette année, les 20 % restant qui se situent dans des tranches plus hautes de revenus en bénéficiant dès l'année prochaine.

Ces trois mesures constituent un ensemble cohérent de dispositions favorables au bâtiment, secteur dont on connaît le poids sur la croissance de l'économie nationale. Elles soulignent le rôle de l'Etat dans la croissance obtenue.

Parmi les mesures que détaillera M. Sautter, je souligne la suppression dans ce budget de cinquante impôts, dont certains sont obsolètes et de peu d'intérêt.

Si certains des impôts supprimés sont presque anecdotiques, d'autres devaient être supprimés, tels les droits d'examen dans le secondaire. Il était anormal que les examens qui rythment la scolarité dans l'école publique ne soient pas gratuits.

Il s'agit de la plus forte baisse d'impôt depuis dix ans et nos concitoyens ont su la reconnaître. Vous m'avez demandé Monsieur Carrez quand interviendraient les baisses d'impôt.

M. Gilles Carrez - Tous les Français se posent cette question !

M. le Ministre - La baisse de la TVA est effective depuis le 15 septembre dernier. Beaucoup de nos concitoyens en bénéficient déjà et nous en remercient.

Mais la question essentielle est sans doute de savoir si la politique que nous conduisons depuis juin 1997 a réduit ou favorisé les inégalités dans notre pays.

Il était indispensable de relancer la croissance, de faire baisser le chômage, de distribuer du pouvoir d'achat -mais avons-nous progressé dans la lutte contre les inégalités ?

Certes, créer 1,5 million d'emplois en trois ans et demi, c'est certainement combattre les inégalités de la manière la plus efficace qui soit !

Mais, on le sait, il en est d'autres, d'ordre pécuniaire. Celles-là comment évoluent-elles ? Un récent rapport de l'INSEE fait état d'un accroissement, ce qui n'a rien de très surprenant : la tendance est mondiale, comme le montrent les statistiques qui portent sur les Etats-Unis ou le Royaume-Uni. Mais nous ne pouvons pas nous en satisfaire.

Ce que veut le Gouvernement, ce que veut la majorité, c'est réduire le chômage bien sûr, mais sans adopter, à cette fin, des mesures qui n'ont pu faire dans certains pays la preuve de leur efficacité, mais qui ont, aussi, pour conséquence d'accroître les inégalités. Tel est l'objectif que se fixe le Premier ministre lorsqu'il dit avoir en ligne de mire le plein emploi dans dix ans, ce qui doit s'entendre comme un taux de chômage ramené à 3 ou 4 %. Cet objectif ne peut être abandonné ; la politique budgétaire suivie depuis deux ans, et que le Parlement a bien voulu faire sienne, non sans l'amender, le permet-elle ?

Pour ce qui est des entreprises, la pression fiscale n'a pratiquement pas évolué entre 1997 et 2000 puisque l'on constate, pendant cette période, une réduction de 1,7 milliard. Cependant, les bénéfices sont beaucoup plus taxés, et beaucoup moins l'emploi, le déplacement étant de 20 milliards dans chaque sens, pour favoriser l'emploi au détriment de la spéculation.

En ce qui concerne les ménages, les statistiques montrent que les 90 % de la population qui touchent les revenus les plus faibles ont bénéficié d'une baisse de l'impôt de 28 milliards, cependant que le dernier décile voyait son imposition augmentée de 24 milliards. La redistribution s'est donc faite au bénéfice de l'ensemble des neuf déciles les moins fortunés, et n'ont pâti que les 10 % de ménages dont les revenus sont les plus élevés.

Tel est le cadre du débat budgétaire qui s'engage. Je ne doute pas que l'opposition trouvera à y redire. Le Gouvernement souhaite pour sa part que la discussion lui permette d'expliquer ce qui doit l'être et qu'elle soit, aussi, l'occasion pour les membres de la majorité et -pourquoi pas ?- de l'opposition, de formuler des propositions.

Des critiques qui seront faites, des réponses qui leur seront apportées afin que la représentation nationale soit correctement informée sortira un texte dont je ne doute pas que, comme les lois de finances pour 1998 et pour 1999, elles aussi élaborées avec M. Christian Sautter, il sera meilleur au sortir du Parlement qu'il ne l'était en y entrant (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

M. Christian Sautter, secrétaire d'Etat au budget - Le projet de loi de finances pour 2000 exprime une triple volonté : stimuler la croissance, baisser les impôts et réformer la dépenses publique.

Comme vient de l'exposer le ministre de l'économie, l'action du Gouvernement vise à conforter la croissance mondiale en dotant les marchés de règles communes ; soutenir la croissance européenne en coordonnant les politiques budgétaires au sein de la zone euro et en les articulant avec une politique monétaire préservant la stabilité des prix ; dynamiser la demande intérieure des consommateurs, des acquéreurs de logements et des entreprises, qui ont retrouvé leur rythme soutenu d'investissement productif ; miser résolument sur la nouvelle croissance engendrée par les technologies de l'information.

Le texte traduit encore la volonté de baisser les impôts qui pèsent sur l'activité et sur l'emploi. Avec 40 milliards d'allégements, les baisses d'impôts qui vous sont proposées sont les plus importantes depuis dix ans.

La volonté de réformer la dépense publique constitue la troisième caractéristique de ce projet de budget. L'Etat entend en effet moderniser sa gestion selon une démarche qui rejoint celle du Parlement et plus particulièrement celle de sa mission d'évaluation et de contrôle : simplifier l'impôt et concentrer ses dépenses sur les budgets prioritaires en calculant au plus juste les moyens nécessaires pour atteindre des résultats précis.

Ces objectifs, auxquels la majorité souscrit, doivent s'inscrire dans la durée pour être efficaces, et le projet de loi de finances pour 2000 correspond à la première année de notre programmation pluriannuelle des finances publiques.

Je vous présenterai donc les grandes mesures contenues dans un texte qui réalise la plus forte baisse d'impôts depuis dix ans au service de l'emploi et de la justice sociale en s'appuyant sur la maîtrise de la dépense publique et la modernisation de nos méthodes de gestion. En matière fiscale, certaines des mesures présentées ont été programmées dans le budget précédent. Ainsi, la suppression progressive de la taxe professionnelle sur les salaires se poursuit. Elle touchera en 2000 un million d'établissements, soit près de 90 % des redevables de cet impôt, qui le verront se réduire d'un tiers. Le rapport que nous venons de remettre au Parlement détaille les effets qu'a eus cette importante réforme en 1999, et montre notamment que, loin de pénaliser les collectivités locales comme certains d'entre vous le redoutaient, elle joue au contraire en leur faveur. Ainsi, leurs recettes auront été, en 1999, supérieures à ce qu'elles auraient été en l'absence de la réforme, en raison de la suppression, en deux ans, de la «réduction pour embauche et investissement». Par ailleurs, la baisse du coût du travail liée à la réforme devrait entraîner un accroissement durable des effectifs évalué entre 18 000 et 25 000 emplois.

D'autre part, la contribution temporaire sur l'impôt sur les sociétés, créée en 1997 pour permettre la qualification de la France à l'euro, sera supprimée. Certains le nient, arguant de ce que nous allons mettre en place la contribution de solidarité sur les bénéfices. Ils oublient que, d'une part, cette contribution ne sera pas équivalente à l'actuelle surtaxe, puisque son taux sera de 3,3 % et non de 10 %. D'autre part, elle ne concernera que les 4 000 entreprises dont l'impôt sur les sociétés excède 5 millions. Pour plus de 20 000 entreprises, le taux de l'impôt sur les sociétés passera effectivement de 40 % à 36,6 % en 2000. Enfin, la contribution de solidarité sur les bénéfices financera un allégement de cotisations sociales dans un jeu à somme nulle pour l'ensemble des entreprises. Au total, les entreprises bénéficieront d'un gain net correspondant à la suppression de la surtaxe de 10 %.

Mais nous avons souhaité aller au-delà, en proposant au Parlement des mesures fiscales novatrices.

La première mesure consiste à baisser de 20,6 % à 5,5 % la TVA sur les travaux d'entretien dans les logements, pour un coût de près de 20 milliards, conformément au vote émis par votre Assemblée en juin dernier. La mesure sera de plus grande ampleur que certains ont pu le dire, tant par le nombre de personnes concernées, environ 10 millions de ménages chaque année, que par celui des entreprises intéressées : 263 000 entreprises employant 1 130 000 salariés. Elle sera plus large également dans ses modalités d'application, qu'il s'agisse de la définition des travaux concernés ou de l'articulation avec les dispositifs existants. Dès le 15 septembre, est parue l'instruction finale détaillant la mesure. L'ensemble de la profession, qui avait été associée à la mise au point du dispositif, en a été satisfaite même si, ici ou là, ont pu apparaître des difficultés de compréhension.

Cette mesure devrait contribuer à lutter puissamment contre l'économie souterraine et le travail au noir, et conduire à la création de 30 000 emplois supplémentaires.

Parallèlement, la baisse de la TVA sur les services à domicile devrait permettre de mieux exploiter les gisements d'emplois qui existent dans le secteur des services.

La deuxième mesure consiste, sur proposition de Jean-Claude Gayssot, à supprimer, en deux ans, le droit de bail pour les locataires, institué au XVIIIème siècle. Il disparaîtra pour les locataires dont le loyer est inférieur à 2 500 F par mois -soit près de 80 % des locataires- et environ 90 % des occupants de logements sociaux dès le 1er janvier prochain et pour tous les autres locataires au 1er janvier 2001.

Quant aux critiques que certains ont formulées sur les modalités de la suppression de la déclaration de droit de bail opérée l'année dernière, elles ont été entendues : deux millions de petits propriétaires bailleurs se verront rembourser en 2000 le droit de bail qu'ils avaient acquitté au cours des neufs premiers mois de l'année 1998.

Troisième mesure : la baisse de ce que l'on appelle communément les «frais de notaire», qui seront désormais au même taux pour les particuliers que pour les entreprises, permettra à de nombreux jeunes ménages d'accéder plus rapidement à la propriété.

A la demande du Premier ministre, nous avons voulu que la fiscalité n'entrave pas le retour à l'emploi. A cette fin, un amendement du Gouvernement permettra aux titulaires du RMI de continuer à bénéficier du dégrèvement d'office de la taxe d'habitation lorsqu'ils retrouveront un emploi.

A cela s'ajoutent des réductions d'impôts pour les petites entreprises : la suppression des impôts d'Etat qui pénalisaient jusqu'alors la création d'entreprise ; la baisse à 4,8 % des droits de mutation sur les fonds de commerce, pour faciliter la transmission d'entreprises ; la suppression de l'imposition forfaitaire annuelle de 5 000 F pour 180 000 petites entreprises dont le chiffre d'affaires est inférieur à 500 000 F.

Des mesures fiscales sont également prises en faveur du développement durable. S'agissant de la fiscalité écologique, conformément à ce qui avait été annoncé, le rattrapage, étalé sur sept ans, de la fiscalité du gazole se poursuit avec un relèvement de 7 centimes. La taxe générale sur les activités polluantes, désormais incluse dans le projet de loi de financement de la Sécurité sociale, monte en puissance pour financer des allégements de charges en faveur des bas salaires.

M. Philippe Auberger - Le mot «puissance» est bien choisi !

M. le Secrétaire d'État - Alors que les taxes sur le super sans plomb, sur le carburant propre, avaient augmenté entre 1993 et 1997, de près de 1 F par litre, elles n'augmenteront pas d'un centime en 2000, et ce pour la deuxième année consécutive. La France sera ainsi l'un des rares pays de l'Union à ne pas avoir relevé sa fiscalité sur les carburants propres ces dernières années.

Le présent projet franchit aussi une nouvelle étape sur la voie d'une fiscalité plus simple : 49 impôts et taxes et plus de 5 millions de déclarations sont supprimés. M. Strauss-Kahn vous a notamment parlé de la suppression des droits d'examen dont bénéficieront environ 1,5 million d'élèves. Le Gouvernement se réjouit de la démarche de votre commission des finances qui propose la suppression du droit de timbre sur les cartes de séjour.

A cela s'ajoutent d'autre mesures de simplification propres à réduire «l'impôt papier». Ainsi en est-il de l'amélioration du régime micro-foncier pour les petits propriétaires bailleurs, de la simplification des régimes d'imposition des plus-values sur valeurs mobilières réalisées par les ménages et, enfin, de la suppression de l'obligation de joindre à la déclaration de revenus les certificats de scolarité des enfants mineurs pour obtenir une réduction d'impôt pour frais de scolarité.

J'en viens à la dépense publique. Elle est maîtrisée afin de pouvoir réduire les impôts et le déficit.

Les dépenses de l'État sont stabilisées en volume. Elles augmenteront de 0,9 %, soit au même rythme que l'inflation en 2000. Cette démarche s'inscrit dans une stratégie pluriannuelle.

Les dépenses, stabilisées en volume, le sont à périmètre constant, contrairement à ce que certains ont prétendu. Elles passent de 1 670 milliards en 1999 à 1 685 milliards en 2000 à structure constante, soit une hausse de 0,9 %. Certes, certaines dépenses sortent du budget de l'État : la «ristourne dégressive» allégeant les charges sociales entre 1 et 1,3 SMIC passe dans le budget de la Sécurité sociale, avec un montant équivalent de droits sur le tabac. Mais d'autres dépenses sont réintégrées dans le budget de l'État, en raison par exemple de la suppression de fonds de concours. Et au total, les dépenses de l'État à périmètre variable baissent de 10 milliards ! Je note que votre rapporteur général a souligné, dans son excellent rapport, l'effort de lisibilité des ressources et des dépenses dans ce projet de loi de finances (Protestations sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL).

La modernisation de la gestion publique obéit à un double impératif : maîtriser la dépense publique et améliorer le service public. Il n'est pas question de faire des coupes claires dans la dépense, au hasard ou de façon forfaitaire. Nous cherchons, au contraire, à promouvoir une culture de résultats. Et le Gouvernement se félicite que l'Assemblée l'accompagne dans cette démarche, en particulier par l'intermédiaire de la mission d'évaluation et de contrôle.

Chacun a critiqué ces «administrations dépensières» qui se dépêchent de consommer les reliquats de crédits en fin d'année afin d'éviter leur annulation ou même leur amputation l'année suivante. Pour passer à une culture de résultats, il faut définir des objectifs clairs, donner des responsabilités aux gestionnaires des fonds publics, assurer le suivi des résultats obtenus.

Sur le premier point, pour un tiers des budgets, les politiques poursuivies sont désormais présentées sous forme d'agrégats budgétaires. Chacun d'eux est assorti d'indicateurs de performance permettant de mesurer la pertinence des politiques publiques et l'efficacité de la gestion administrative. Cette démarche sera poursuivie et étendue en 2001.

Sur le deuxième point, il faut que les gestionnaires de fonds publics aient à la fois une plus grande liberté de gestion et plus de responsabilités. Ainsi, au ministère de l'économie, Dominique Strauss-Kahn et moi-même avons demandé à toutes les directions d'engager avec la direction du budget une démarche de contractualisation de leurs objectifs et de leurs moyens, sous forme de plans à trois ans ; de même, le contrat passé par le ministère de l'intérieur fixe l'évolution des moyens de l'administration préfectorale sur la période 2000-2002, prévoit le report automatique des crédits non consommés et met en _uvre, à titre expérimental, dans quatre préfectures, une globalisation des crédits de personnel et de fonctionnement.

Le suivi des résultats sera assuré grâce à un système d'information approprié. Un nouveau progiciel, ACCORD, permettra d'aller vers une comptabilité analytique. Une comptabilité en «droits constatés» se substituera progressivement à la comptabilité de caisse actuelle. Ministère par ministère, nous avons des «comptes de charges», qui permettront de comparer les coûts aux résultats atteints et les performances des services.

En outre, conformément aux recommandations de M. Jean-Jacques François, agent comptable central du Trésor, une mission permanente de modernisation du système financier et comptable de l'État a été créée au ministère de l'économie, afin de mieux prendre en compte les phénomènes patrimoniaux.

Dès 1999, des progrès substantiels ont été réalisés : le «compte général de l'administration des finances», qui sera disponible en avril 2000, comportera plusieurs innovations comme le calcul de la charge de la dette en droits constatés, une nouvelle présentation sous forme d'annexe hors bilan des risques et charges de l'Etat, ou la constatation d'une provision pour dépréciation des créances fiscales.

Je salue l'action menée par le Parlement pour moderniser la gestion publique. Ainsi, la nouvelle procédure budgétaire expérimentale pour cinq budgets devrait à la fois favoriser un vrai débat en commission et permettre de concentrer le débat en séance publique sur les grands enjeux de politique publique.

Je rends aussi hommage à la mission d'évaluation et de contrôle, créée en début d'année, et dont l'activité devrait contribuer à mieux maîtriser et à améliorer la dépense publique.

Cette modernisation de la gestion publique dégage des marges de man_uvre ; examinons leur volume et leur usage. Elles s'élèvent pour 2000 à 34 milliards, soit un peu plus que le résultat obtenu en 1998 et 1999, qui était d'environ 30 milliards. C'est tout d'abord l'effet de la réduction des déficits et de la baisse des taux d'intérêt, qui allège de 4 milliards les charges financières de l'Etat : 2,5 sur la charge de la dette et 1,5 au titre de diverses bonifications. Les 30 autres milliards résultent d'une politique de réexamen au franc le franc de l'ensemble des dépenses. Sans les détailler, j'en donnerai trois exemples. Sur les dépenses de fonctionnement, 7 milliards d'économies ont été opérés. Mais ces économies ne sont pas faites au hasard.

Ainsi le budget de fonctionnement de la justice progresse de 5 %, comme celui de la police nationale. De même, les emplois budgétaires connaissent des redéploiements importants, qui permettent de respecter l'objectif de stabilité des effectifs civils de l'État, fixé par le Premier ministre, tout en renforçant les secteurs prioritaires de l'action publique, comme la justice où 1 237 emplois seront créés en 2000.

Je soulignerai ici un point de méthode. Nous n'avons pas opéré seulement des redéploiements entre budgets, mais également à l'intérieur de chacun d'eux. Ainsi, dans le budget de l'emploi, 10 milliards ont été redéployés. Sur les trois années de la période 1998-2000, les moyens supplémentaires consacrés aux emplois-jeunes et à la réduction du temps de travail ont avoisiné les 30 milliards alors que le budget de l'emploi n'a augmenté que de 10 milliards en net : ces politiques importantes ont donc été financées aux deux tiers par redéploiement.

Quel usage est fait des marges ainsi dégagées ? Les politiques prioritaires progressent en 2000 quatre fois plus vite que l'ensemble du budget. Ces priorités sont l'emploi et la solidarité, l'éducation, la justice et la sécurité, l'environnement et la culture. Ces budgets progresseront de 3,6 % en 2000, contre 0,9 % pour les dépenses de l'Etat. Sur la période 1997-2000, ces budgets prioritaires auront globalement augmenté de près de 80 milliards, soit une hausse de 11 %.

La première priorité demeure l'emploi et la justice sociale. Pour la première fois, le budget de l'emploi et de la solidarité constitue, avec 254 milliards, le deuxième budget de l'Etat derrière celui de l'éducation nationale. Cela permettra de financer 100 000 emplois-jeunes supplémentaires et d'atteindre ainsi l'objectif de 350 000 emplois-jeunes fixé par le Premier ministre, de consacrer 7 milliards d'aides publiques à la réduction du temps de travail, et de faire procéder l'ANPE à un million d'entretiens, en vue d'un «nouveau départ» avec des chômeurs de longue durée. Pour sa part, le budget de la solidarité atteint 91 milliards. Il financera pour la première fois la couverture maladie universelle, apportant une couverture maladie de base à plus de 150 000 personnes qui en étaient dépourvues et une couverture complémentaire à plus de trois millions de personnes. Un montant de 7 milliards est inscrit à ce titre.

Le budget de la politique de la ville progresse de 26 %, marquant ainsi l'importance qu'attache le Gouvernement aux contrats de ville 2000-2006. En outre, comme l'annonçait le Premier ministre le 27 septembre dernier à Strasbourg, 500 millions supplémentaires viendront grossir la dotation de solidarité urbaine grâce à un amendement du Gouvernement qui renforcera les moyens déjà inscrits dans le projet.

Le budget de l'éducation progresse de 3,3 %. C'est le premier budget de l'État, avec 361 milliards. Grâce aux redéploiements internes que permet la baisse des effectifs scolarisés, nous avons pu créer à la rentrée 1999 3 300 emplois d'enseignants du second degré et près de 1 000 emplois de personnels non enseignants, notamment pour mettre en _uvre la réforme des collèges et des lycées et pour mieux prévenir les phénomènes de violence dans les établissements sensibles. Dans l'enseignement supérieur, 1 200 emplois budgétaires d'enseignants-chercheurs seront créés à la rentrée 2000. La montée en charge du «plan social étudiant» sera poursuivie grâce à une augmentation de près de 10 % des crédits consacrés aux bourses de l'enseignement supérieur. Le plan «Université du troisième millénaire» mobilisera dès 2000 3,3 milliards d'autorisations de programme, dont 600 millions pour le désamiantage et la mise en sécurité du campus de Jussieu. On le voit, la priorité à l'éducation s'inscrit clairement et massivement dans ce budget (Murmures sur les bancs du groupe UDF). Je rappelle que ce sont là des budgets prioritaires, et que tous les budgets ne le sont pas ; la progression de l'ensemble du budget n'est que de 0,9 %.

Le budget de la justice progresse de 4 % pour atteindre 27 milliards. Je l'ai dit, 1 237 emplois sont créés et les moyens de fonctionnement progressent de plus de 5 %. Ce qui permettra de poursuivre le plan de réforme de la justice. Nous voulons en particulier raccourcir les délais de jugements, faire entrer des professionnels dans les tribunaux de commerce, et mettre en _uvre les réformes adoptées par le Parlement, en particulier la création du juge de la détention. Les crédits de la protection judiciaire de la jeunesse augmenteront de près de 14 % et ceux de l'administration pénitentiaire de près de 6 %.

Le budget de la sécurité permettra de mettre en place une police de proximité. En outre, 4 150 adjoints de sécurité seront recrutés, ce qui portera leur nombre à 20 000. Les crédits de fonctionnement de la police augmentent de 5 %. Cet argent sera affecté à la formation et au renforcement des moyens opérationnels. Les crédits de paiement pour les investissements augmenteront de 38 %, afin d'accélérer l'implantation ou la rénovation de certains commissariats.

Le budget de l'environnement progresse de 8,6 %. La protection de la nature et la prévention des risques seront mieux assurées grâce à l'accroissement des crédits du fonds de gestion des milieux naturels, ainsi que des capacités d'investissement de l'INERIS -24 %- et de l'ADEME -8 %. En outre, 140 emplois sont créés, notamment pour mettre en place une nouvelle direction d'expertise environnementale.

Le budget de la culture progresse à nouveau vers l'objectif de 1 % fixé par le Premier ministre : il atteint 0,98 % du budget de l'Etat en 2000 et dépasse les 16 milliards. Ce budget met également en place les moyens nécessaires à une réforme ambitieuse de l'audiovisuel public. Dès le 1er janvier 2000, la durée maximale de la publicité sera réduite à dix minutes, contre douze aujourd'hui, et la durée maximale des écrans publicitaires sera plafonnée à quatre minutes. Les pertes de recettes publicitaires seront intégralement compensées par des ressources publiques. Le budget du secteur public audiovisuel, qui s'élève à 19,4 milliards progressera de 4,8 %. Dans cette enveloppe, les concours publics augmentent de 12 %. Enfin, la progression des barèmes de la redevance sera limitée à l'évolution des prix, soit 0,9 %.

En conclusion, je souhaite vous faire partager quelques convictions simples. Tout d'abord, le service public est au c_ur de notre modèle social. Il nourrit la croissance en formant les hommes, en développant les infrastructures, en assurant le respect de règles claires. Il garantit l'égalité des chances au départ de la vie. Il redonne espoir à ceux qui trébuchent en chemin. Il apporte à tous une sécurité sociale qui est à l'opposé du «chacun pour soit» que prônent certains.

M. Jean-Pierre Brard - Très bien !

M. le Secrétaire d'Etat - Deuxième conviction : l'Etat est au c_ur du service public. Attaquer l'Etat, vouloir à toute force qu'on dépense moins, sans jamais dire ni où ni comment, c'est attaquer le service public et saper un fondement de notre République.

Troisième conviction : la réforme doit être au c_ur de l'Etat. Un Etat immobile serait un Etat en péril. Parce que les usagers sont de plus en plus exigeants, parce que les technologies évoluent, parce qu'il n'est pas possible de dépenser plus, mais qu'il faut au contraire alléger les impôts, il est essentiel de dépenser mieux. C'est l'esprit même de ce projet de budget (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe RCV).

M. Didier Migaud, rapporteur général de la commission des finances - Le début de 1999 fut assombri par la crise asiatique, la crise russe et la débâcle des marchés à terme américains survenue à l'automne 1998. L'année 1999 aurait pu être celle de tous les dangers. Les enquêtes de conjoncture montraient un fort contraste entre l'optimisme persistant des ménages et la dégradation des perspectives des industriels, et au printemps les conjoncturistes se demandaient dans quel sens ce décalage se résorberait. En fait, le scénario du «trou d'air» évoqué par le Gouvernement fut largement vérifié : après la progression de 3,2 % du PIB en 1998, l'année 1999 sera marquée par une croissance de 2,3 % selon les dernières prévisions du Gouvernement. Notons que le Fonds monétaire international envisage, pour sa part, une croissance de 2,5 % et que les prévisions des principaux instituts de conjoncture sont au moins égales, sinon supérieures, à l'évaluation du Gouvernement.

La stratégie économique mise en _uvre par le Gouvernement au début de la législature a donc porté ses fruits. Fidèle à sa tradition historique comme à ses engagements électoraux du printemps 1997, la gauche plurielle a défini une politique de croissance solidaire et s'est donné les moyens de la voir réussir.

Faisant le pari que l'offre répondrait nécessairement aux stimulations de la demande, le Gouvernement a orienté son action vers une amélioration des conditions de vie des Français, notamment les plus modestes. Le pouvoir d'achat des salaires a été accru, les jeunes exclus du marché du travail se sont vu offrir une nouvelle chance, grâce aux emplois-jeunes. Ainsi, la consommation a retrouvé un dynamisme qui avait été brisé, en 1995-1996, par une politique économique et fiscale brutale et inadaptée.

Les entreprises françaises ont saisi la chance que leur offrait la croissance retrouvée et ont enfin relancé l'investissement. La situation de l'emploi s'est retournée : 325 000 emplois ont été créés en 1998, près de 220 000 devraient l'être en 1999. Le taux de chômage baisse de façon quasi continue, depuis l'automne 1997.

Ce dynamisme vivifiant, fondé sur la vigueur de la demande interne, a protégé notre économie des turbulences extérieures et a épargné à la France l'alanguissement qu'on trouve chez certains de nos partenaires. Cette bonne résistance aux vents contraires est aussi due à la compétitivité de nos entreprises. Voilà qui relativise les discours alarmistes sur le prétendu «matraquage» dont elles seraient victimes. La France devrait profiter, comme ses partenaires, de la reprise mondiale qui s'est amorcée à la fin du printemps 1999 et qui devrait perdurer l'année prochaine.

L'horizon international est plus dégagé qu'il ne l'était l'an dernier. La croissance mondiale devrait être plus équilibrée, l'accélération en Europe et en Asie compensant la décélération que pourraient connaître les États-Unis sous l'effet de l'affaiblissement des investissements et d'une remontée de l'épargne des ménages. Il est vrai que cet «atterrissage en douceur» annoncé depuis un certain temps a régulièrement été démenti par les faits. La vigueur de la croissance américaine reste énigmatique. Le ralentissement est donc probable, mais non certain.

En Asie, le Japon ne devrait pas profiter dès 2000 de la purge sévère que subit le secteur financier. En revanche, les pays qui émergent dans le sillage de la Corée du Sud renouent avec la croissance plus rapidement que prévu.

La zone euro devrait pour sa part connaître une réduction progressive des écarts de conjoncture entre États membres, la croissance dans l'ensemble s'accélérant. Malgré une légère augmentation, due pour l'essentiel à la hausse des prix du pétrole depuis le début de 1999, l'inflation devrait rester modérée : 1,1 % en 1999 et 1,6 % en 2000. Les conditions monétaires devraient donc rester favorables.

Quels risques pèsent sur cette prévision ? Hors zone euro, l'éventualité d'une correction boursière violente aux Etats-Unis ne peut être écartée mais ses conséquences sur la croissance américaine sont difficiles à chiffrer. En Europe, l'Allemagne est le principal point d'interrogation. Le redémarrage de la construction reste incertain, tandis que le moteur de la demande interne peine à se mettre en route. La direction de la prévision table d'ailleurs sur une diminution de l'emploi de 0,2 % en 2000. La prévision par le Gouvernement d'un taux de croissance du PIB en Allemagne de 2,4 % en 2000, est plus prudente que celle des instituts de conjoncture et des institutions financières qui tablent sur 2,7 %.

En tout état de cause, la fourchette retenue par le Gouvernement pour la croissance du PIB en France -entre 2,6 % et 3 %- tient en grande partie compte de ces aléas. En 2000, comme en 1999, la demande intérieure devrait continuer à tirer la croissance. La consommation bénéficiera de l'augmentation de l'emploi total et de l'emploi salarié, ainsi que de la croissance du revenu disponible des ménages. La consommation bénéficiera surtout du maintien de la confiance, à laquelle le Gouvernement a très largement contribué. Certains de ses prédécesseurs avaient peut-être un peu vite oublié que l'économie n'est pas qu'une affaire de chiffres et de taux, qu'elle est faite pour les hommes, qu'elle doit être mise au service d'une certaine conception de la société. Dans ce domaine, les Français ont vu que le Gouvernement savait tenir ses engagements ; ils le lui rendent en montrant leur confiance dans l'avenir.

De fait, la situation de l'emploi devrait continuer à s'améliorer. Près de 300 000 emplois seront créés en 2000, dont un tiers grâce à la réduction du temps de travail et deux tiers grâce au dynamisme de l'activité. Le cercle vertueux, qui unit croissance de l'emploi, croissance du revenu, dynamisme de la consommation, soutien de l'activité et accroissement des capacités de production devrait à nouveau fonctionner l'an prochain. Nous ne pouvons que nous en féliciter.

L'investissement des entreprises devrait rester soutenu, bénéficiant toujours de conditions de financement favorables et de la vigueur de la consommation. Les investissement dans les nouvelles technologies de l'information et de la communication apportent une contribution croissante au renforcement de la compétitivité de nos entreprises.

Les échanges extérieurs devraient être neutres pour la croissance, après avoir été défavorables en 1999. Ceci montre, une fois encore, la bonne santé de notre système productif, n'en déplaise aux éternelles Cassandre.

En définitive, la prévision de croissance du Gouvernement paraît assise sur des fondements solides. Elle est même inspirée par la prudence plus que par l'optimisme, les économistes s'accordant pour annoncer une croissance de 3 %, voire de 3,5 %.

Pour autant, le mouvement économique, par nature fragile, nécessite un pilotage fin de la politique économique et budgétaire.

En 1999, la nécessité de soutenir la croissance avait amené le Gouvernement à répartir les marges de man_uvre en trois parts : 16 milliards pour l'augmentation des dépenses de 1 % en volume, 21 milliards pour la réduction du déficit, 16 milliards pour la diminution des prélèvements obligatoires. Pour 2000, les marges de man_uvre procurées par la croissance et par l'assainissement budgétaire s'élèveraient également à près de 60 milliards. Le Gouvernement a choisi de les affecter, à hauteur de 21 milliards, à la réduction du déficit et pour 39 milliards à des baisses d'impôts, les dépenses du budget général étant stabilisées en volume.

Cet arbitrage paraît équilibré. La réduction du déficit budgétaire amène le besoin de financement de l'État à 2,4 % du PIB environ, tandis que celui de l'ensemble des administrations publiques sera réduit à 1,8%. On mesure le chemin parcouru depuis ces jours terribles de 1997, où l'on craignait que la France ne soit pas qualifiée pour entrer dans l'euro ! Dans le pacte de stabilité et de croissance adopté au conseil européen d'Amsterdam, le volet croissance n'a pas été sacrifié au profit exclusif du volet stabilité. La croissance ne s'est pas faite au détriment de l'assainissement des comptes publics.

La maîtrise des dépenses de l'État s'inscrit dans le programme de stabilité soumis l'hiver dernier par la France à ses partenaires européens. Elle avait parfois été programmée par la précédente majorité, notamment en 1997, mais les résultats étaient alors bien loin des intentions.

La maîtrise des dépenses se traduit d'abord par la stabilité en volume des crédits du budget général, soit une augmentation de 0,9 % en valeur équivalant à 15 milliards environ. Sous les changements nombreux qui affectent le périmètre du budget de l'Etat, la réalité de cette stabilité a pu être contestée. Des chiffres assez fantaisistes ont été colportés par ceux qui pensent encore que des artifices de présentation sont nécessaires pour faire croire à la vertu budgétaire du Gouvernement (Rires sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL). Mon rapport devrait aider les lecteurs de bonne foi à porter un jugement éclairé sur ce budget.

Il est vrai que la multiplication des relations entre le projet de loi de finances et le projet de loi de financement de la Sécurité sociale n'améliore pas la lisibilité du travail législatif («Très bien !» sur divers bancs). Une meilleure articulation devrait être trouvée pour faciliter notre tâche. Dans le cadre du travail qui m'a été confié par la Conférence des présidents, je présenterai plusieurs propositions à ce sujet.

Il est faux toutefois que ces imbrications aient pour seul but de masquer d'éventuelles turpitudes. Le rôle du Parlement est d'éclairer les enjeux et de débattre des choix politiques. En la matière, l'Assemblée nationale ne faillit pas à sa tâche, grâce aux interventions des membres de la majorité comme de ceux de l'opposition.

Parmi les principaux changements de structure qui affectent l'évolution des crédits du budget général, on observera tout d'abord que la suppression de quatre comptes d'affectation spéciale et le transfert de leurs crédits vers le budget général conduit à en majorer le volume de 1,1 milliard sans qu'il s'agisse en rien d'un quelconque expansionnisme budgétaire. La suppression de divers fonds de concours et comptes de tiers conduit à inscrire les crédits concernés dès la loi de finances initiale, à hauteur de 8,6 milliards, sans modifier la dépense en exécution. Le transfert des compensations de charges sociales au titre de la ristourne dégressive vers le fonds de financement de la réforme des cotisations patronales de Sécurité sociale, dont la création est prévue à l'article 2 du projet de loi de financement de la Sécurité sociale, minore les crédits du budget général de 39,5 milliards. La prise en charge par l'État de l'abaissement de la part départementale des droits de mutation à titre onéreux représente une charge de 4,6 milliards inscrite sur le budget de l'Intérieur. Enfin, la suppression de diverses taxes parafiscales et leur compensation par l'État majore les crédits de 254 millions. Au total, les changements de structure minorent les crédits du budget général de près de 25 milliards. Il convient donc d'ajouter cette somme au montant des crédits inscrits au tableau d'équilibre pour juger de l'évolution réelle du budget général. Après prise en compte des recettes d'ordre venant en atténuation de la charge de la dette -soit 16 milliards en 1999 et 17,2 milliards en 2000-, l'augmentation des crédits du budget général à périmètre constant est ainsi de 0,90 %, à la deuxième décimale près. La prévision d'inflation associée au présent projet de loi de finances étant elle-même égale à 0,9 %, la stabilité en volume est donc réelle.

M. le Secrétaire d'Etat - CQFD !

M. le Rapporteur général - Comme l'année précédente, le Gouvernement a fixé certaines priorités, pour lesquelles des efforts significatifs ont été consentis, et a procédé à des redéploiements importants, à hauteur de 28,3 milliards, infligeant ainsi un démenti cinglant à ceux qui prétendent que l'Etat est condamné à l'immobilisme et que la rigidité de la dépense publique ne peut être surmontée. Certes, cette rigidité existe, mais une action résolue permet d'utiliser les marges procurées par la croissance.

Dans le même esprit, la mission d'évaluation et de contrôle créée au sein de la commission des finances en février 1999, a engagé un travail de fond considérable. Plusieurs rapporteurs ont consacré du temps et de l'énergie...

M. Gilles Carrez - Pour quels résultats...

M. le Rapporteur général - ...à étudier la politique autoroutière, la gestion des effectifs et des moyens de la police nationale, les aides à l'emploi et l'usage des fonds de la formation professionnelle.

Chacun a salué l'esprit très constructif qui a présidé aux travaux de la mission.

M. Jean-Jacques Jegou - C'est vrai !

M. le Rapporteur général - Je me réjouis que ses membres aient su faire si souvent abstraction de leur étiquette politique. Cela montre que les critiques du Parlement à l'encontre de l'administration ne revêtent pas systématiquement le caractère d'une contestation stérile et partisane de l'action du Gouvernement.

Peut-on dire que ce travail a été «payé de retour» et que le Gouvernement s'en est inspiré pour bâtir son projet de loi de finances ?

M. Jean-Jacques Jegou - Non !

M. le Rapporteur général - Certains affirment déjà le contraire. Tel n'est pas mon sentiment, mais la mission doit acquérir plus d'influence et nous devons poursuivre notre travail avec opiniâtreté.

Les crédits pour l'emploi s'affichent en diminution de 0,3 % à structure constante, c'est-à-dire hors transfert des crédits relatifs à la «ristourne dégressive». La consolidation de dispositifs comme les contrats initiative-emploi, sous l'effet de la décrue des effectifs et d'un recentrage sur les publics en difficulté, s'effectue au profit des emplois-jeunes : 100 000 devraient être créés en 2000, portant leur nombre total à 350 000 en fin d'année. A périmètre constant, le budget de l'emploi et de la solidarité progressera de 4,3 % .

L'école et l'université sont les lieux privilégiés de l'intégration sociale et de la formation de l'esprit citoyen. C'est pourquoi des moyens complémentaires sont dégagés pour la poursuite du plan social étudiant, grâce à l'augmentation des bourses de l'enseignement supérieur. Le combat historique de la gauche pour le progrès et la justice sociale implique de supprimer la ségrégation par l'argent : tous doivent pouvoir accéder au savoir, sur la seule base de leurs capacités et de leur mérite ! Les crédits de l'éducation nationale, en augmentation globale de 3,3 % comportent des redéploiements d'emplois budgétaires visant à améliorer l'encadrement des élèves.

Les fonctions régaliennes de l'Etat bénéficient également d'un traitement privilégié. Le budget de la justice, en particulier, reste l'une des priorités du Gouvernement. Près de 1 250 emplois sont créés, dont 212 emplois de magistrats ; 2 000 «agents de justice», dans le cadre de contrats emplois-jeunes, viendront épauler les titulaires pour améliorer l'accueil du public.

Les moyens de la sécurité publique, à laquelle sont légitimement attachés nos concitoyens, augmentent de 3 %, tout en amorçant, conformément aux recommandations de la MEC, certains redéploiements permettant d'avoir davantage de policiers sur le terrain.

Je pourrais citer également les budgets de l'environnement, de l'aménagement du territoire et de la culture, dont la progression sera plus rapide que celle du budget général.

Globalement, ce projet de loi de finances est conçu pour tenir le cap défini en début de législature : placer la France sur le chemin d'une croissance solide et équilibrée, plus respectueuse des aspirations des hommes, plus solidaire et plus juste. Les arbitrages rendus sur le volume et la répartition des crédits en portent témoignage.

La diminution des déficits se poursuit. Certains ont fait la fine bouche devant les 21,2 milliards consacrés par le Gouvernement à cette réduction. «Trop peu ! Trop lent !», disent-ils en ch_ur. Peut-être ont-ils la nostalgie de la politique d'austérité conduite pendant la précédente législature, qui n'a pourtant abouti qu'à étouffer la croissance et à aggraver le chômage.

Le poids de la dette publique dans le PIB devrait diminuer en 2000, après avoir culminé à 60,5 % en 1999, dans le nouveau système de comptabilité nationale dit «SEC 95». La diminution de l'endettement des collectivités locales, ainsi que celle des structures de défaisance apporte une contribution bienvenue à ce processus de désendettement des administrations publiques.

En 1999, le budget devrait être en équilibre primaire, c'est-à-dire hors charge de la dette, ce qui n'a pas été le cas depuis 1991. En 2000, l'excédent primaire devrait être d'environ 23 milliards. L'objectif fixé l'an dernier, stabiliser le ratio d'endettement en 2000, sera tenu. Selon les calculs de la direction de la prévision, le solde des administrations publiques nécessaire pour stabiliser le ratio d'endettement serait égal en 2000 à 2,3 % du PIB. En fait, le déficit effectif des administrations publiques en 2000 devrait n'être que de 1,8 % du PIB. Le ratio d'endettement, en 2000, ne sera donc pas seulement stabilisé : il diminuera, revenant à 59,9 %.

En réduisant les déficits publics et en contenant la charge de la dette, le Gouvernement libère des marges de man_uvre, qui lui permettront d'engager des dépenses actives aux effets redistributeurs.

Comment justifier, en effet, que sur le long terme, une petite catégorie de privilégiés -ceux qui peuvent prêter à l'État- accapare le bénéfice de la rente et détourne une partie de plus en plus importante de la richesse nationale à son profit ?

M. Jean-Pierre Brard - Très bien !

M. le Rapporteur général - Bien peu prêtent, mais tous remboursent ! La réduction des déficits conduite par l'actuel Gouvernement, avec des méthodes bien différentes de ses prédécesseurs est une importante mesure de redistribution en faveur de ceux pour qui l'épargne est un luxe.

M. Alain Barrau - Très bien !

M. le Rapporteur général - Grâce à la vigueur de la croissance et à la réduction des déficits, qui a favorisé la modération des taux d'intérêt, le Gouvernement est en passe de réussir ce que ses prédécesseurs n'avaient fait que désirer : l'étau de la dette se desserre, les dépenses de l'État peuvent se faire plus actives.

Il reste à transformer l'essai -pour prendre une métaphore sportive liée à l'actualité- et à traduire dans les faits l'engagement du Gouvernement de diminuer les prélèvements obligatoires. On l'a amplement commenté, le retournement prévu pour 1999, ne devrait pas se produire cette année, en raison de l'évolution atypique et imprévue de certaines grandeurs macro-économiques.

D'aucuns en tirent argument pour assurer que l'engagement du Gouvernement ne sera toujours pas tenu en 2000. Laissons ces honorables prévisionnistes contempler le décalage entre leurs prédictions passées et les réalisations du Gouvernement.

Les mesures fiscales incluses dans le présent projet ainsi que certains des amendements adoptés par votre commission concourent à alléger la charge des impôts. L'ensemble des modifications fiscales proposées à l'Assemblée s'inscrit dans la démarche fixée par le Gouvernement en début de législature. Le rééquilibrage entre fiscalité du travail et fiscalité du capital a été largement engagé. L'allégement des charges pesant sur les ménages doit être poursuivi.

L'assujettissement au taux réduit de TVA des travaux portant sur des locaux à usage d'habitation achevés depuis plus de deux ans illustre comme un cas d'école les vertus du travail commun entre un Gouvernement et sa majorité (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe communiste).

S'appuyant sur une résolution votée par l'Assemblée nationale sur proposition de la commission des finances, le Gouvernement a _uvré au sein des instances communautaires pour faire aboutir, lors du conseil du 8 octobre 1999, les négociations sur la directive relative aux services à forte intensité de main-d'_uvre.

Cette mesure importante soutiendra l'activité et l'emploi. Elle contribuera à combattre le travail au noir. Elle s'accompagne certes de la suppression de la réduction d'impôt pour grosses réparations, mais un nouveau crédit d'impôt de 15 % est mis en place pour certains équipements qui, en raison des termes de l'accord conclu au niveau communautaire, ne bénéficieront pas de la baisse de la TVA. En outre, le crédit d'impôt pour travaux d'entretien est maintenu à 5 % des dépenses, sans modification des plafonds.

Dix millions de ménages sont concernés par cette mesure, qui va représenter 5 milliards sur l'exercice 1999, puisque la mesure est applicable dès le 15 septembre de cette année, mais aussi 19,7 milliards en 2000 et 17,3 milliards en 2001, en considérant l'effet net de l'abaissement du taux de TVA et de la modification des dispositions relatives à l'impôt sur le revenu.

La directive a également autorisé les Etats à soumettre au taux réduit de TVA les services d'aide à la personne, à titre expérimental jusqu'au 31 décembre 2002.

Le législateur devra, Messieurs les ministres, rester vigilant pour éviter la banalisation du régime des associations, qui pourrait affecter, à terme, la pérennité des prestations offertes aux publics en difficulté.

Les mesures relatives aux travaux dans les logements et aux services à la personne n'épuisent pas le sujet de la TVA.

M. Jean-Pierre Brard - Tout à fait !

M. le Rapporteur général - Beaucoup a été fait, puisque le total des baisses ciblées, depuis la loi de finances initiale pour 1998, est déjà supérieur à 30 milliards. Certains secteurs pourraient être assujettis au taux réduit sur la base du droit communautaire existant. Par ailleurs, malgré les obstacles juridiques qui s'opposent encore à une extension du taux réduit de TVA à la restauration, le régime fiscal de ce secteur n'est pas satisfaisant, vous l'avez reconnu, Monsieur le ministre, et sa modification demeure une priorité à moyen terme.

Le Gouvernement propose également de poursuivre la baisse des droits de mutation à titre onéreux, engagée dans la loi de finances initiale pour 1999. Parallèlement, la gestion de l'impôt serait simplifiée, puisqu'un même taux serait applicable aux cessions, quelle que soit l'affectation, professionnelle ou d'habitation, des immeubles concernés.

La compensation des pertes de recettes pour les départements se fait selon les règles propres au régime de la fiscalité transférée, défini par la loi du 7 janvier 1983.

Pour autant, il faut cesser de recourir à des mécanismes automatiques de compensation qui ne tiennent pas compte des inégalités de richesse. Comme l'an dernier, je dois donc appeler de mes v_ux une extension des mécanismes de péréquation, conformément au souhait de la commission.

Celle-ci a adopté un amendement visant à instituer une réfaction d'assiette de 50 % pour le calcul des droits de mutation à titre gratuit sur les parts et actions de sociétés que leurs propriétaires se sont engagés à conserver pendant au moins huit ans, sous conditions.

M. Philippe Auberger - C'est ce que nous avions voté en 1993 ! Vous étiez contre, alors.

M. le Rapporteur général - Cette mesure tend à favoriser la constitution et le maintien à long terme d'un actionnariat stratégique dans l'entreprise. Il existe aujourd'hui un écart défavorable entre la France et ses principaux partenaires au regard des droits de mutation à titre gratuit. Le dispositif, adopté à l'unanimité par la commission, vise à garantir la pérennité de la structure de détention de capital, afin de maintenir en France les centres de décision et les fonctions stratégiques des entreprises. Il est équilibré, en ce sens qu'il garantit une proportionnalité entre les engagements à prendre et les avantages consentis.

La charge fiscale pesant sur les ménages serait également allégée grâce à la suppression de la contribution annuelle représentative du droit de bail, qui va bénéficier à 80 % des locataires et à plus de 90 % des locataires de HLM. En deux ans, tous les locataires seront concernés par cette mesure souhaitée par M. Gayssot. La commission a d'ailleurs adopté un amendement visant à relever à 36 000 F par an le plafond de loyer annuel ouvrant droit, dès 2000, à l'exonération de cette contribution.

C'est ainsi une taxe sur les loyers de 2,5 % qui disparaît, ce qui va procurer un supplément de revenu appréciable aux ménages les plus modestes, ceux qui consacrent une part importante de leur revenu à ce besoin élémentaire qu'est le logement. Il n'est pas étonnant que M. le ministre de l'équipement soit à l'origine de cette mesure.

Par ailleurs, les familles concernées apprécieront la suppression du droit d'inscription au baccalauréat et aux principaux examens.

De même, sous réserve de l'ajustement des taxes sur le diesel, la TIPP restera stable pour la deuxième année consécutive. Cependant, votre commission appelle le Gouvernement à la vigilance, s'agissant des mécanismes de formation des prix à la pompe. Autant ils ont été lents à répercuter la baisse des prix du brut, autant les distributeurs sont prompts, aujourd'hui, à répercuter les hausses. J'invite le Gouvernement à inciter les industriels concernés à prendre davantage en compte le consommateur.

Le président Bonrepaux vous proposera un nouveau dispositif concernant les stock-options.

Je me réjouis des mesures relatives aux associations. En premier lieu, le Gouvernement propose que les organismes constitués sous forme associative et dont la gestion est désintéressée puissent exercer des activités lucratives accessoires tout en restant exonérés des impôts commerciaux, sous certaines conditions et limitations. Cette disposition traduit la volonté du Gouvernement de continuer à clarifier le régime fiscal des associations, tout en prenant en compte la spécificité de leur action au service de la collectivité nationale. Une seconde mesure, inscrite à l'initiative de la commission, tend à relever le montant de l'abattement de taxe sur les salaires dont bénéficient, notamment, les associations.

La commission des finances a également manifesté son intention qu'une réforme ambitieuse de la taxe d'habitation, dont le caractère injuste a maintes fois été dénoncé, soit entreprise au plus tôt. Bien sûr, une réforme globale est difficile à mettre en _uvre, ne serait-ce que parce que la révision des valeurs cadastrales, constamment repoussée, se traduirait par des hausses significatives de la taxe d'habitation pour certains contribuables modestes et qu'elle pourrait accroître les dégrèvements pris en charge par l'Etat.

Cependant, le contexte financier est aujourd'hui plus favorable. D'ailleurs, le Gouvernement a indiqué que le projet de loi de finances pour 2001 serait l'occasion d'une réforme des prélèvements directs. Nul doute, alors, qu'une place importante sera faite aux propositions émanant de la représentation nationale, qui saura rappeler les orientations de cette réforme, à l'occasion du rendez-vous qu'elle entend vous fixer dès le 1er semestre 2000 pour apprécier si des réductions supplémentaires d'impôt peuvent être décidées en fonction de la croissance.

Pour l'heure, la commission des finances a décidé d'aller au-delà de la proposition du Gouvernement tendant à maintenir pendant un an l'exonération de taxe d'habitation dont bénéficient les Rmistes lorsqu'ils retrouvent un emploi. Elle propose de réduire de 1 500 à 1 200 F le montant maximum de la taxe d'habitation supportée par les plus modestes, cette mesure devant être entendue comme un premier pas et non comme un aboutissement.

Je salue, enfin, l'effort de simplification fiscale qui amène le Gouvernement à proposer de supprimer une cinquantaine d'impôts et taxes, qui se caractérisaient plus par leur archaïsme que par leur efficacité redistributive ou leur rendement. La modernisation de l'administration passe aussi par la simplification des tâches qui lui sont demandées, et je ne doute pas que la suppression de la taxe sur les jeux de boules et de quilles et les autres mesures de simplification seront dûment intégrées par les administrations concernées dans leur projet de service.

Contrairement à ce que prétendent certains, les entreprises ne sont pas matraquées : le Rapport économique et financier montre que les mesures prises en leur faveur permettent de neutraliser en 1999 et 2000 les alourdissements temporaires décidés en 1997 et 1998, y compris les mesures concernant l'avoir fiscal et le crédit d'impôt. L'extinction de la surtaxe temporaire de l'impôt sur les sociétés et le relèvement à 300 000 F de l'abattement par établissement de la part «salaires» de l'assiette de la taxe professionnelle, ainsi que le volume croissant des aides accordées dans le cadre de la réduction du temps de travail, constituent les principales mesures de rééquilibrage.

La commission des finances a également souhaité que le Gouvernement engage, dans la perspective de la présidence française de l'Union européenne, une réflexion sur les moyens de limiter les mouvements internationaux de capitaux à caractère spéculatif et de lutter contre la fraude fiscale internationale car en ce domaine, la réflexion ne saurait suffire.

S'agissant des concours financiers de l'État aux collectivités locales, l'année 2000 constituera la deuxième année d'application du «contrat de croissance et de solidarité». Ce dernier sera indexé sur l'évolution des prix, mais également sur 25 % du PIB.

La dotation globale de fonctionnement ne devrait augmenter que de 0,821 %, compte tenu notamment de la régularisation négative au titre de 1998. Cependant, le projet de loi tend à majorer de 200 millions la dotation d'aménagement de la DGF, afin de préserver la DSU et la DSR. Mieux, un amendement du Gouvernement abonde, au terme d'un engagement du Premier ministre, de 500 millions supplémentaire la DSU, qui progresserait ainsi de 60 % entre 1998 et 2000.

La commission a également souhaité majorer la fraction «bourgs-centres» de la DSR de 150 millions et reconduire le dispositif voté l'an dernier, pour compenser la baisse de dotation de compensation de la taxe professionnelle des collectivités défavorisées. Par ailleurs, elle a adopté un amendement permettant d'indexer la compensation de la réforme de la taxe professionnelle sur l'évolution de la DGF hors «recalage» et «régularisation». Cette compensation devrait ainsi progresser de 2,05 % au lieu de 0,821 %.

Le présent projet de loi de finances confirme le choix majeur de l'emploi, qui est au c_ur de la politique gouvernementale conduite depuis 1997. La continuité de la politique économique et budgétaire est la meilleure garantie de son succès. Elle a permis à notre pays de renouer avec la croissance, de faire reculer le chômage, même si beaucoup reste à faire, et de rétablir le lien social.

Votre commission des finances vous propose d'adopter ce projet de loi de finances qui répond aux besoins de notre société, sous réserve des amendements qu'elle a adoptés et qui confortent les orientations du Gouvernement (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste et du groupe socialiste).

M. Augustin Bonrepaux, président de la commission des finances - L'examen du projet de loi de finances est un moment fort dans la vie de notre assemblée. Il est l'occasion de dresser le bilan de la politique économique du Gouvernement et de décider les orientations que nous souhaitons donner à notre pays pour l'année 2000.

Cet exercice rituel traduit la capacité des citoyens à infléchir le destin de notre pays. Les débats animés qui entourent les lois de finances montrent qu'il existe encore une capacité d'action démocratique et qu'une politique de droite diffère d'une politique de gauche, dans ses modalités et dans ses résultats.

Pour les résultats, les faits parlent d'eux-mêmes : depuis juin 1997, notre pays se porte mieux. Bien sûr, nous n'avons pas encore apporté toutes les solutions à la misère et la détresse de beaucoup trop de nos compatriotes. Mais la France va mieux. Je pourrais égrener la liste des indicateurs favorables -PIB, croissance des salaires, dynamisme des entreprises- mais je souhaite n'en retenir qu'un : en deux ans et demi, nous avons mis fin à la hausse du chômage provoquée par plus de quatre années de politique de droite. Il y a aujourd'hui moins de chômeurs qu'au début de l'année 1993.

Ce résultat n'est pas l'effet d'une heureuse conjoncture dont n'auraient pas bénéficié nos prédécesseurs. Entre 1993 et 1997, nous avons fait moins bien que nos principaux partenaires européens ; depuis 1997, nous avons connu des performances économiques supérieures. Le mérite en revient à ce gouvernement, et en particulier au ministre de l'économie et des finances qui a su gérer avec brio les désordres économiques mondiaux qui ont agité notre planète pendant près de deux ans. Je n'aurai d'ailleurs pas la cruauté de rappeler que les prévisions les plus apocalyptiques de certains ne se sont jamais réalisées, et ce d'ailleurs pour le plus grand bien de notre pays.

Un tel bilan ne doit cependant pas nous enfermer dans l'autosatisfaction, car la misère, l'exclusion, le chômage restent le lot quotidien de plusieurs millions de personnes. Nous devons au contraire persévérer et garder le cap. Nous avons un objectif -gagner le pari du retour au plein emploi- et une méthode -créer des emplois grâce à une croissance soutenue par la consommation des ménages et par la modernisation de notre système productif.

La loi de finances s'inscrit pleinement dans cette perspective. S'agissant du volet recettes, si la fiscalité n'est qu'un des aspects du budget, elle permet, à travers les choix qu'elle opère, de favoriser l'emploi en soutenant des secteurs essentiels, et de réduire les inégalités.

La création d'emplois est au c_ur des réformes fiscales proposées par le Gouvernement. Elle sera fortement stimulée cette année par la baisse des impôts indirects, qui avaient fortement crû sous la précédente législature.

Plutôt que de saupoudrer des baisses d'impôts sur de multiples secteurs avec des résultats incertains, nous avons choisi une solution simple qui consiste à concentrer l'effort sur les secteurs du bâtiment, des travaux publics et du logement. Plusieurs mesures sont prises en ce sens, telles que la baisse de la TVA sur les travaux d'entretien et de rénovation des logements, la baisse des «frais de notaire», la suppression du droit de bail pour les locataires, la montée en charge de l'amortissement Besson, et la poursuite de la baisse de la taxe professionnelle, qui favorise en priorité les entreprises artisanales intensives en main d'_uvre.

Au total, ces mesures représentent plus de 30 milliards, dont 20 consacrés à la baisse de la TVA.

Le choix du bâtiment n'est pas neutre. Il s'agit d'un secteur particulièrement «entraînant» dans notre économie et qui a connu une hémorragie d'emplois ces dernières années. De plus, les employés de ce secteur sont essentiellement des travailleurs peu qualifiés, qui appartiennent à la catégorie la plus touchée par le chômage. Grâce à cette mesure, près de 30 000 emplois seront créés dans le secteur. Sur le terrain, on constate que l'entrée en vigueur de la mesure le 15 septembre a déjà donné un «coup de fouet» aux commandes des entreprises. Il leur appartient désormais de répondre à la demande en créant des emplois plutôt qu'en augmentant les prix ou les délais de réalisation des travaux.

Cette baisse des impôts indirects a été voulue par notre assemblée et obtenue grâce à la force de conviction du Gouvernement auprès de ses partenaires européens. Nous aurions aimé aller plus loin, tant la hausse de la TVA de deux points décidée par le Gouvernement de M. Juppé a pénalisé de nombreux secteurs. La restauration traditionnelle, en particulier, a été mise à mal par l'écart grandissant avec la TVA applicable à la restauration dans des pays tels que l'Italie, l'Espagne ou le Portugal.

Nous sommes tous convaincus de la nécessité de soutenir la restauration traditionnelle, face à ce que certains ont appelé la «mal-bouffe». Mais la question de la TVA ne saurait résumer à elle seule cet enjeu d'ordre culturel.

La négociation européenne n'a pas permis d'avancer sur la TVA à taux réduit autant que nous l'aurions souhaité. Cependant, le sujet n'est pas clos et je ne doute pas que le Gouvernement continue de faire _uvre de conviction pour résoudre ce problème. L'idéal serait d'obtenir la création d'un taux intermédiaire, qui nous permettrait d'abaisser le taux maximum. La meilleure garantie de baisses d'impôts futures réside dans le prolongement des succès de la politique gouvernementale, qui permet de dégager des marges de man_uvre budgétaire pour baisser les impôts, sans altérer le bon fonctionnement des missions de l'État.

Mais la baisse des impôts indirects n'est pas notre seule priorité. Nous devrons engager dès l'an prochain une réforme des impôts directs pour alléger la charge fiscale des ménages les plus modestes.

Par impôts directs, j'entends précisément l'impôt sur le revenu, la taxe d'habitation et la CSG, ou, pour respecter l'ordre de nos priorités, la CSG, la taxe d'habitation et l'impôt sur le revenu. S'agissant de la taxe d'habitation, notre commission propose dès cette année un geste pour les plus modestes, en baissant la contribution minimale de 1 500 F à 1 200 F. Pour la CSG, j'ai proposé un allégement pour les détenteurs de petits revenus. Celui-ci sera examiné dans le cadre du projet de loi de financement de la Sécurité sociale, mais je tenais d'ores et déjà à souligner l'importance que j'attache à cette mesure.

Avec l'emploi, la redistribution est le deuxième objectif de cette loi de finances.

Depuis juin 1997, la politique fiscale a eu un véritable impact redistributif même si nous sommes encore loin d'avoir corrigé les errements du passé, et notamment l'augmentation des impôts indirects, tels que la TIPP et la TVA, entre 1993 et 1997. 53,3 milliards de baisse d'impôts sont intervenus en faveur de l'activité parallèlement à une hausse de 28,9 milliards d'impôts sur les revenus du capital. Au total, par rapport à juin 1997 et en incluant les dispositions de la loi de finances initiale pour 2000, 90 % des ménages connaîtront une baisse d'impôts de l'ordre de 28 milliards. Seulement 10 % des ménages ayant les revenus les plus élevés seront pénalisés par une hausse d'impôts de 2,8 milliards.

Ces mesures soutiennent le pouvoir d'achat des salariés, la croissance et contribuent à la lutte contre les inégalités. Celles-ci se sont en effet nettement accrues au cours des trente dernières années, et l'INSEE soulignait dans un rapport récent qu'elles avaient augmenté dans les années 90.

Que l'on ne se méprenne pas, les 10 % les plus riches n'ont pas été appauvris par les mesures fiscales adoptées depuis 1997. Ils ont simplement un peu plus partagé la progression très rapide de leurs revenus. Sachant que cette minorité concentre l'essentiel des actions détenues par les ménages et que la valeur de celles-ci augmente de plus de 20 % par an, on peut légitimement considérer qu'il existe encore des marges de redistribution, sans provoquer l'exode de nos élites vers des contrées plus clémentes dans le domaine fiscal.

Le projet de loi de finances pour 2000 s'inscrit dans le prolongement de la lutte contre les inégalités mises en _uvre par les précédentes lois de finances. Pourtant, il insiste davantage sur le volet «emploi» que sur l'aspect «redistribution».

Je pense donc que le débat budgétaire permettra d'améliorer encore le projet. J'ai déjà mentionné nos propositions sur la taxe d'habitation et la CSG. J'y ajouterai l'amendement de la commission des finances sur les stock-options. Tout citoyen normalement constitué n'a pu qu'être effaré par la révélation des plus-values potentielles de certains dirigeants. Pour les cas les plus connus, les montants dépassent la centaine de millions de francs. Vous-même, Monsieur le ministre, avez estimé à juste titre que ces sommes dépassent l'entendement, surtout lorsque l'on sait que la moitié des ménages français a un patrimoine inférieur à 450 000 F, et les trois quarts des ménages un patrimoine inférieur à un million.

En ce domaine, la régulation est plus que nécessaire. S'il faut indéniablement améliorer la transparence pour faire reculer les abus, il faut marquer par la fiscalité que, au-delà d'un certain seuil, ces plus-values n'entrent plus dans le cadre de l'intéressement aux résultats de l'entreprise et qu'elles doivent être taxées à un taux proche du taux marginal de l'impôt sur le revenu. Cette démarche n'a rien de révolutionnaire, puisque les Etats-Unis l'ont adoptée, en définissant des seuils encore plus drastiques que ceux que je propose. Nous y reviendrons au cours du débat et nous évoquerons aussi cet autre cadeau qu'on appelle «indemnités de licenciement», termes qui me semblent peu appropriés lorsqu'on fait référence à un pactole de plusieurs dizaines de millions. L'expression «parachute doré» utilisée par les Anglo-saxons est nettement mieux adaptée : puisque le PDG, pilote de l'entreprise, échoue dans le projet pour lequel il a été mandaté, abandonne ses salariés à leur sort, et quitte l'avion avec un parachute de plusieurs dizaines de millions de francs, dont une part non négligeable est nette d'impôt ! Cette pratique inacceptable est contraire à la morale publique (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste, du groupe socialiste et du groupe RCV), à l'intérêt des salariés, et j'ajouterai, une fois n'est pas coutume, à l'intérêt des actionnaires. On ne peut donc que s'interroger sur la justification de l'exonération fiscale ainsi consentie.

Mais la redistribution ne s'arrête pas aux seuls prélèvements sur les ménages. La cohésion de notre pays passe par l'action de ses collectivités locales, dont l'action en faveur des publics défavorisés est capitale. Le Premier ministre a annoncé une majoration de la DSU, ce qui est essentiel. Mais il est tout aussi primordial de renforcer le DSR, car les zones rurales sont confrontées à des difficultés tout aussi réelles. Le renforcement des aides aux collectivités locales en difficulté n'est pas une mesure destinée à satisfaire les élus locaux, mais un outil essentiel de lutte contre les inégalités territoriales, qui recouvrent le plus souvent les inégalités sociales.

Un dernier mot sur un thème qui nous préoccupe au plus haut point, même s'il n'est pas du seul ressort de la loi de finances. La libéralisation des marchés de capitaux a considérablement accru l'instabilité de nos économies, encouragé la spéculation et, parfois, réduit l'autonomie des gouvernements démocratiquement élus.

L'instauration d'une taxe sur les opérations de change, dite taxe Tobin, permettrait de freiner les mouvements de capitaux spéculatifs à court terme et réduirait la vulnérabilité de nos économies vis-à-vis des marchés financiers. Cette taxe n'est évidemment qu'un des éléments permettant de corriger les dysfonctionnements des marchés financiers, et elle doit être articulée avec des mesures rigoureuses de lutte contre la fraude fiscale et les paradis fiscaux, d'une part, d'harmonisation de la fiscalité des revenus de l'épargne en Europe, d'autre part.

Mais, pour être efficace, cette taxe devrait être appliquée dans une vaste zone géographique. C'est le sens de la motion adoptée par la Chambre des communes du Canada l'hiver dernier.

Sans attendre un accord du G7 ou du FMI sur ce point, l'Europe pourrait être la zone minimale d'application de la taxe Tobin, comme le rappelait récemment Bernard Cassen, le président de l'association Attac. C'est pourquoi la commission demande, dans un amendement, que le Gouvernement porte le débat sur la taxe Tobin et la lutte contre les paradis fiscaux à l'ordre du jour du Conseil européen, dont la France assurera la présidence l'an prochain.

En quelques mots, j'ai rappelé la qualité du travail accompli par le Gouvernement et la justesse des orientations économiques que ce projet de loi de finances nous invite à approfondir. Enrichie par le débat et les propositions du Parlement, je suis persuadé que la loi de finances constituera un outil fondamental dans la reconquête de l'emploi et l'affermissement de la cohésion sociale de notre pays (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe RCV).

La suite du débat est renvoyée à la prochaine séance, qui aura lieu ce soir à 21 heures.

La séance est levée à 19 heures 35.

                      Le Directeur du service
                      des comptes rendus analytiques,

                      Jacques BOUFFIER

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ANNEXE
ORDRE DU JOUR

L'ordre du jour des séances que l'Assemblée tiendra jusqu'au vendredi 5 novembre 1999 inclus a été fixé ce matin en Conférence des présidents :

CET APRÈS-MIDI, à 15 heures, après les questions au Gouvernement :

      _ explications de vote et vote par scrutin public sur l'ensemble du projet relatif à la réduction négociée du temps de travail ;

      _ discussion générale et discussion des articles de la première partie du projet de loi de finances pour 2000 ;

à 21 heures, et

MERCREDI 20 OCTOBRE, à 15 heures, après les questions au Gouvernement, et à 21 heures,

JEUDI 21 OCTOBRE, à 9 heures, à 15 heures et à 21 heures,

VENDREDI 22 OCTOBRE, à 9 heures, à 15 heures et à 21 heures,

et éventuellement LUNDI 25 OCTOBRE, à 21 heures :

      _ suite de la discussion générale et de la discussion des articles de la première partie du projet de loi de finances pour 2000 ;

(le débat sur l'article 35 relatif à la participation de la France au budget des Communautés européennes aura lieu le jeudi 21 octobre 1999, à 15 heures).

MARDI 26 OCTOBRE, à 9 heures :

      _ proposition de résolution sur la préparation de la Conférence ministérielle de l'OMC à Seattle ;

à 15 heures, après les questions au Gouvernement :

      _ explications de vote et vote par scrutin public sur la première partie du projet de loi de finances pour 2000 ;

      _ projet de loi de financement de la Sécurité sociale pour 2000 ;

à 21 heures,

et MERCREDI 27 OCTOBRE, à 15 heures, après les questions au Gouvernement, et à 21 heures,

JEUDI 28 OCTOBRE, à 9 heures, à 15 heures et à 21 heures,

et éventuellement, VENDREDI 29 OCTOBRE, à 9 heures, à 15 heures et à 21 heures :

      _ suite du projet de loi de financement de la Sécurité sociale pour 2000.

MARDI 2 NOVEMBRE, à 10 heures :

      _ discussion de la deuxième partie du projet de loi de finances pour 2000 :

          · services du Premier ministre : services généraux, SGDN, Conseil économique et social, plan, journaux officiels ;

          · enseignement supérieur, recherche et technologie ;

à 15 heures, après les questions au Gouvernement :

      _ explications de vote et vote par scrutin public sur l'ensemble du projet de loi de financement de la Sécurité sociale pour 2000 ;

      _ suite de la discussion de la deuxième partie du projet de loi de finances pour 2000 :

          · enseignement supérieur, recherche et technologie (suite) ;

à 21 heures :

      _ suite de la discussion de la deuxième partie du projet de loi de finances pour 2000 :

          · enseignement supérieur, recherche et technologie (suite).

MERCREDI 3 NOVEMBRE, à 15 heures, après les questions au Gouvernement et à 21 heures :

      _ suite de la discussion de la deuxième partie du projet de loi de finances pour 2000 :

          · fonction publique, réforme de l'État et décentralisation ;

          · anciens combattants.

JEUDI 4 NOVEMBRE, à 15 heures et à 21 heures :

      _ suite de la discussion de la deuxième partie du projet de loi de finances pour 2000 :

          · équipement et transports.

VENDREDI 5 NOVEMBRE, à 9 heures, à 15 heures et à 21 heures :

      _ suite de la discussion de la deuxième partie du projet de loi de finances pour 2000 :

          · culture ;

          · intérieur ;

      _ projet de loi modifiant le code général des collectivités territoriales et relatif à la prise en compte du recensement général de population de 1999 pour la répartition des dotations de l'État aux collectivités locales.


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