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Session ordinaire de 1999-2000 - 10ème jour de séance, 24ème séance

2ÈME SÉANCE DU MERCREDI 20 OCTOBRE 1999

PRÉSIDENCE de M. Patrick OLLIER

vice-président

Sommaire

          DÉMISSION D'UNE DÉPUTÉE 2

          LOI DE FINANCES POUR 2000 (suite) 2

          MOTION DE RENVOI EN COMMISSION 20

La séance est ouverte à vingt et une heures trente.

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DÉMISSION D'UNE DÉPUTÉE

M. le Président - M. le Président de l'Assemblée nationale a reçu de Mme Véronique Carrion-Bastok, députée de la 21ème circonscription de Paris, une lettre l'informant qu'elle se démettait de son mandat de députée.

Acte est donnée de cette démission qui sera notifiée à M. le Premier ministre.

    LOI DE FINANCES POUR 2000 (suite)

M. le Président - La commission n'ayant pas achevé ses travaux, je vais suspendre quelques instants.

La séance est suspendue. Elle est reprise à 21 heures 40.

L'ordre du jour appelle la suite de la discussion générale du projet de loi de finances pour 2000.

M. Jean Vila - Nous souhaitons que le budget soit pleinement mobilisé pour soutenir l'activité et l'emploi et nous avons déjà insisté sur la nécessité de doter les budgets prioritaires de moyens supplémentaires afin de vraiment répondre aux besoins actuels et afin aussi de préparer l'avenir.

Réévaluer la dépense publique, c'est réaffirmer le rôle du politique, lequel ne saurait se limiter à gérer les conséquences sociales de la domination des marchés financiers.

Refuser l'avènement d'une société de marché implique une nouvelle régulation économique et sociale. S'il faut pénaliser la spéculation et la course à la rentabilité, il faut aussi inventer de vraies alternatives au poids des marchés financiers dans le financement de l'économie.

C'est aussi dans cette perspective qu'il faut améliorer l'efficacité de la dépense publique, en particulier celle des sommes considérables que la puissance publique mobilise au nom des politiques de l'emploi. 170 milliards sont versés chaque année directement aux entreprises, sans parler des 110 milliards que leur rapporteront les 35 heures, soit un pactole de 12 000 F par an et 5-1224MD par salarié du secteur privé, le tout sans obligation de résultat et le plus souvent sans contrôle. Ces fonds, qui aujourd'hui accompagnent les suppressions d'emplois et un recours de plus en plus massif au travail précaire, ne devraient être mobilisés que pour le maintien et la création d'emploi, la qualification des travailleurs, et le développement d'investissements utiles. C'est pourquoi nous proposons la création de commissions de contrôle sur l'utilisation des fonds publics pour l'emploi et la formation, tant au niveau national que régional. Nous avons d'ailleurs déposé une proposition de loi en ce sens.

Ces organismes associant partenaires sociaux, administrations, banques, institutions publiques et élus locaux assureraient un suivi des aides et auraient compétence pour faire des investigations sur l'utilisation et l'efficacité des aides directes et indirectes à l'emploi, les exonérations de charge et les bonifications de taux d'intérêt pour le crédit. Ils auraient notamment pour mission d'assurer la lisibilité du système et ils pourraient le cas échéant proposer des suppressions, des remboursements et des réorientations. En tout état de cause, il est aujourd'hui indispensable de réformer profondément les aides à l'emploi.

Il faut inventer des solutions allant dans le sens d'un approfondissement de la démocratie économique et sociale. Il faut renforcer les droits des salariés en matière d'information et de contrôle et permettre à ceux-ci d'avancer des contre-propositions sur la gestion de l'entreprise.

Nous proposons la constitution de fonds régionaux pour l'emploi, la formation et la recherche, qui seraient alimentés notamment par la reconversion des aides à l'emploi et par les aides régionales existantes. Ces fonds amorceraient le développement de prêts bonifiés aux entreprises s'engageant sur des objectifs concrets en matière d'emploi ou de formation.

Cela implique de nouvelles formes de mutualisation des risques qui exigent de mobiliser les institutions bancaires et financières ; c'est dire la nécessité de donner enfin existence au pôle financier public. Cela permettrait de lever le blocage, au plan européen, d'une relance sélective du crédit pour l'emploi. La décision de l'Union européenne en 1995 de consacrer 1 milliard d'écus à des prêts bonifiés avait laissé entrevoir des perspectives prometteuses. Dans la recherche de solutions alternatives aux licenciements, la baisse sélective des charges financières des entreprises, notamment petites et moyennes qui n'a pas les effets pervers de la baisse du coût du travail, est une voie à explorer.

Nous souhaitons que l'examen de ce projet de loi de finances soit l'occasion de marquer des points contre le chômage et la précarité et de montrer très concrètement que le plein emploi est plus que jamais l'objectif du Gouvernement et de sa majorité (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste, du groupe socialiste et du groupe RCV).

M. Yves Deniaud - La situation de notre économie pour le moment est bonne. Nous profitons de la conjoncture internationale et, nul n'en doute, du génie du ministre de l'économie et des finances... Nous bénéficions aussi, permettez-moi de le signaler, de la baisse des taux d'intérêt permise par la réduction énergique des déficits publics entre 1993 et 1997.

Pour que cette situation dure, il faut agir simultanément dans trois directions : réduire vigoureusement les déficits publics, pour se rapprocher le plus vite possible de l'équilibre, en commençant par entrer dans le cercle vertueux où l'on rembourse plus que l'on emprunte ; baisser vigoureusement les prélèvements obligatoires, afin d'accroître les moyens dont disposent les particuliers et les entreprises pour consommer, épargner et investir ; relancer l'investissement public, ce qui permet de soutenir l'activité tout en réalisant des équipements qui améliorent la compétitivité du pays.

Or ce n'est pas cette politique que vous nous proposez dans vos lois de finances -celle de l'Etat et celle de la Sécurité sociale qui, cette année plus que jamais, sont indissociables puisque vous réalisez des manipulations par transfert de dépenses de l'une sur l'autre. Dominique Jekyll annonce un budget sympathique, avec une hausse limitée des dépenses et quelques petits cadeaux fiscaux ; Martine Hyde est chargée du mauvais travail -annoncer des hausses tant des dépenses que des prélèvements.

L'augmentation des prélèvements obligatoires sera de l'ordre de 4 %. Cette augmentation sera supérieure à la croissance économique en valeur et la France battra à nouveau, comme en 1998 et 1999, son record de taux de prélèvements obligatoires.

La mauvaise utilisation des fruits de la croissance se traduit aussi dans le déficit. Dans le budget 1999, contrairement à ce qui nous avait été annoncé, nous n'atteignons pas un excédent primaire hors charge des intérêts de la dette, pourtant vivement recommandé par la Cour des comptes. Vous nous promettez qu'en 2000, nous y parviendrons. En fait, la dette publique continuera de croître : vous affirmez le contraire, mais vous le faisiez déjà l'an dernier et les chiffres vous ont démentis ; je pense que la France ne respectera pas davantage en 2000 qu'en 1999 le taux de 60 % du PIB fixé par le traité de Maastricht.

L'investissement descend à un niveau misérable -161,5 milliards en 2000, contre 164,8 en 1999. Pourtant, si on n'investit pas en période de croissance, quand le fera-t-on ?

M. Gérard Saumade - Si on diminue les recettes, on ne peut pas augmenter les dépenses !

M. Yves Deniaud - Nous sommes pour la maîtrise des dépenses de fonctionnement, mais nous considérons que l'Etat doit jouer son rôle dans l'équipement du pays.

Les chiffres désespérants de l'investissement ont en outre pour effet d'entamer la crédibilité de l'Etat au moment où il négocie les contrats de plan. En 1993, nous avions soldé les contrats de plan -malgré les retards pris par le gouvernement précédent- dans une simple loi de finances rectificative ; pour votre part, vous n'avez pas été capables, avec deux lois de finances initiales et en période de croissance, d'aller pour les contrats 1994-1999 au-delà de 80 % d'exécution pour les routes et de 55 % pour les investissements portuaires...

Un sort particulièrement mauvais est réservé aux routes. Les crédits de paiement baissent de 14 %, tous financements confondus -loi de finances et FITTVN. Néanmoins, vous majorez de 12,5 % la taxe sur les autoroutes, ce qui représente 300 millions supplémentaires ; vous aviez pourtant expliqué q

ue les sociétés autoroutières étaient financièrement fragiles, ce qui rendait nécessaire le gel de certains programmes. Elles sont apparemment assez riches pour payer des taxes supplémentaires ! Cette mesure piétine les travaux de notre mission d'évaluation et de contrôle, les remarques de la Cour des comptes et -plus grave encore- les observations de la Commission de Bruxelles.

M. le Président - Il faut conclure.

M. Yves Deniaud - Est-il bien astucieux de provoquer la Commission, en augmentant la taxe contre son avis, alors que vous lui demandez de prolonger la durée des concessions, pour améliorer la santé financière des sociétés d'autoroutes -demande que d'ailleurs je soutiens- ? C'est un signe parmi d'autres de l'improvisation, du bricolage et des faux-semblants qui caractérisent ce budget (Applaudissements sur les bancs du groupe du RPR).

M. Alain Barrau - Notre gouvernement de la gauche plurielle a pour objectif prioritaire de lutter contre le chômage : ce projet de loi de finances le démontre à l'évidence. Pour la première fois, le budget de l'emploi et de la solidarité est le deuxième budget de l'Etat, après celui de l'éducation nationale.

Deuxième caractéristique de ce projet de loi de finances : la baisse des impôts. Nous sommes très fiers, à la commission des finances comme à la délégation à l'Union européenne, d'avoir contribué par une résolution à stimuler le Gouvernement, deux ans de suite, pour qu'il négocie avec la Commission de Bruxelles la baisse ciblée de la TVA. Il fallait choisir un secteur créateur d'emplois, permettant de diminuer le travail au noir et de toucher un très grand nombre de ménages. C'est fait ; nous pourrons appliquer la même stratégie à d'autres secteurs.

S'ajoute à cela un « paquet logement » remarquable : baisse ciblée de TVA sur les travaux dans les logements de plus de deux ans, poursuite de la baisse des droits de mutation, enfin suppression du droit au bail, qui va toucher dès l'année prochaine 80 % des locataires et tous l'année suivante. C'est une mesure populaire et d'une grande importance économique, qui concernera au premier chef des catégories sociales dont le sort doit nous préoccuper tout particulièrement.

On se félicitera encore que le Gouvernement se soit engagé dans le maquis de la fiscalité des associations. Certes, toutes leurs demandes ne seront pas satisfaites d'emblée, mais l'on ne peut que se réjouir que des mesures concrètes soient prises, qui étaient attendues depuis si longtemps. Il en va de même pour la fiscalité relative aux rencontres sportives, dont tous les élus savent bien qu'elle donne lieu, dans les municipalités, à des débats sans fin.

Le groupe socialiste souhaite par ailleurs que la méthode utilisée pour définir à quel secteur étendre le taux réduit de TVA soit appliquée, cette année, pour déterminer des mesures propres à réguler les mouvements internationaux de capitaux. Une stratégie très simple peut être mise en _uvre, dont l'objectif serait, sans aucun doute, approuvé sur tous les bancs. Il s'agirait en effet de débattre des mesures que la présidence française de l'Union pourrait soumettre à ses partenaires, au second semestre 2000. Ainsi le Parlement mettrait-il l'accent, comme il le dit, sur la dimension européenne de son action.

Comme l'a dit, avant moi, mon collègue Idiart, le groupe socialiste approuve les orientations du projet de loi de finances. 

Que le Gouvernement le sache : chaque fois que, dans un débat spécifique -politique de la ville, par exemple- il fera en sorte que la lutte en faveur de l'emploi soit renforcée, nous l'y aiderons. Enfin, nous souhaitons que la dimension européenne des problèmes soit largement prise en compte au moment où la France s'apprête à présider l'Union (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste

M. Jean de Gaulle - Je pourrais bien sûr critiquer les mesures fiscales en trompe l'_il que vous nous proposez. Vous nous parlez en effet de baisse d'impôts, Monsieur le ministre mais, à y regarder de plus près, on constate que, malgré vos tours de passe-passe et votre habileté de langage, les Français devront payer 36 milliards d'impôts supplémentaires, hors prélèvements sociaux.

Je pourrais aussi dénoncer l'insouciance dont vous avez fait preuve dans la préparation de ce projet. En effet, les recettes fiscales supplémentaires auraient dû vous inciter à réduire davantage notre déficit budgétaire. Il est vrai qu'entre la satisfaction des tentations dépensières de votre majorité et l'intérêt de la France, vous n'avez pas hésité. Je déplore d'autant plus ce choix que sans maîtrise résolue des dépenses publiques, il ne peut y avoir de véritable réduction de prélèvements obligatoires. Mais c'est le vôtre, et il serait vain de le commenter plus longuement.

Je m'attarderai donc sur les mesures que vous auriez pu, que vous auriez dû et que vous pourriez encore prendre en faveur de la croissance et, donc, de l'emploi. La première d'entre elles consisterait en une baisse plus ambitieuse de la TVA. A cet égard, vos engagements électoraux semblent bien loin... Ne nous promettiez-vous pas, il y a un an, de « faire quelque chose » en faveur des restaurateurs ? Depuis lors, rien, si ce n'est le double langage que vous avez tenu selon que vous étiez à Paris ou à Bruxelles.

Je n'arrive d'ailleurs pas à m'expliquer votre manque d'empressement, ni les raisons pour le moins incertaines derrière lesquelles vous vous retranchez.

Votre argument selon lequel la baisse de la TVA sur la restauration ne bénéficierait qu'aux personnes les plus favorisées est-il vraiment sincère ? Permettez-moi de vous signaler que 33 % des salariés qui déjeunent à l'extérieur sont des ouvriers et des employés, et que 80 % des repas pris dans un restaurant coûtent moins de 100 francs. D'autre part, estimez-vous nécessaire de taxer lourdement les touristes qui ont choisi de séjourner en France ? Nos voisins portugais, espagnols et italiens, qui appliquent des taux bien inférieurs aux nôtres, tirent pourtant du tourisme des recettes largement aussi importantes que nous !

J'espère donc que vous finirez pas appliquer le taux réduit de TVA à toutes les prestations de restauration. Le groupe RPR a déposé un amendement en ce sens, qui devrait rencontrer un écho favorable chez certains membres de votre majorité.

Vous m'expliquerez sans doute que cette mesure coûte cher, bien qu'aucune étude sérieuse ne le prouve. Admettons. Pourquoi, alors, ne pas envisager la mise en _uvre progressive de cette réforme ?

En juin dernier, j'ai déposé une proposition de loi suggérant un taux réduit à 12 %, pendant une période transitoire de deux ans. Je ne vois aucun inconvénient, Monsieur le ministre, à ce que vous repreniez cette idée, si cela nous permet d'atteindre, ensuite, le taux de 5,5 %. Nos finances publiques, auxquelles je vous sais, sur ce seul point, attentif, ne s'en trouveraient pas mal. En effet, les prix à la consommation baissant, la demande ne pourrait que croître, ce qui entraînerait à la fois, de nouvelles recettes fiscales et de nouveaux emplois. Différentes études estiment ces derniers, au bas mot, à 10 000 dès la première année.

Si la lutte contre le chômage demeure pour vous une véritable priorité, vous ne pouvez négliger une telle mesure de soutien à l'emploi, que vous seriez bien avisé d'étendre aux métiers d'art. L'artisanat d'art occupe dans notre pays une place trop souvent méconnue. Les artisans d'art sont aujourd'hui 200 000, qui réalisent au sein de 30 000 entreprises un chiffre d'affaires de 90 milliards dont 54 à l'exportation. Mais leur talent et leur dynamisme ne suffiront pas à maintenir la première place qu'occupe la France dans ce domaine, au plan européen. Des mesures nouvelles seraient nécessaires pour favoriser la transmission des savoirs et diminuer la pression fiscale qui pèse sur eux, et la réduction à 5,5 % du taux de la TVA qu'ils doivent acquitter donnerait un souffle nouveau à leur activité. Plus largement, de telles mesures vous permettraient, Monsieur le ministre, de mettre vos actes en conformité avec vos paroles en engageant véritablement le mouvement de baisse d'impôts que nos concitoyens attendent toujours (Applaudissements sur les bancs du groupe du RPR).

M. Jean-Pierre Brard - «Pour l'entretien de la force publique, et pour les dépenses d'administration, une contribution commune est indispensable. Elle doit être également répartie entre tous les citoyens, en raison de leurs facultés». Nos éminents prédécesseurs de 1789 ne pouvaient prévoir qu'un exercice fort prisé, dans certains milieux, à la fin du 20ème siècle, serait d'échapper au paiement de cette contribution. Publication de guides, sites Internet et cabinets de conseils se sont multipliés pour aider certains de nos concitoyens à aboutir dans ce projet.

En effet, la fraude et l'évasion fiscale sont pratiquées intensément par les catégories de la population dont la nature ou le niveau des revenus permettent une dissimulation aisée.

Si l'évasion fiscale est difficile à mesurer précisément, j'ai pu constater à la fois l'ampleur du phénomène et la ténacité dont font preuve les fraudeurs apprentis ou professionnels.

Après qu'une première série de mesures anti-fraude a été adoptée l'an dernier, il m'est apparu nécessaire de renforcer encore l'arsenal législatif français, et j'ai donc avancé, dans un rapport, 65 propositions.

Je ne mentionnerai que quelques-unes d'entre elles, la première étant de supprimer la possibilité de créer, lors du rachat d'une société financée par un emprunt, une holding dans le seul but que les intérêts de l'emprunt absorbent les bénéfices de la société rachetée, ce qui supprime l'imposition.

Une autre proposition consiste à limiter le recours aux sociétés «transparentes» en supprimant la possibilité de faire remonter les déficits correspondant à des investissements passifs ou à des activités de location.

Une autre vise à supprimer la déductibilité des pénalités liées aux retards de paiement.

En matière de taxe professionnelle, il faudrait instaurer le principe de la procédure contradictoire et celui de pénalités en cas de redressement à la suite d'une insuffisance de déclaration.

En fiscalité internationale, il serait bon d'instituer l'obligation de déclarer les cartes de paiement sur un compte étranger dont le contribuable a l'usage.

En matière de TVA intra-communautaire, le renforcement des peines pénales et de prison en cas d'escroquerie en bande organisée à la TVA s'impose et pour l'impôt de solidarité sur la fortune, il conviendrait d'élargir l'assiette aux _uvres d'art.

De tels dispositifs permettraient d'accroître encore les rentrées fiscales et, donc, de mettre au point, des mécanismes redistributifs efficaces. La loi de finances doit en effet être l'outil de redistribution des fruits de la croissance obtenue grâce à la politique menée depuis deux ans.

J'aurais souhaité, à cet égard, que le projet de loi de finances fût plus audacieux en instituant par exemple un «impôt négatif». Cela pourrait se traduire par le remboursement en deux fois d'une somme équivalente à la CSG sur les revenus du travail et de remplacement, payée par les contribuables non imposables ou faiblement imposables, dans la limite de 3 000 francs par personne. Parallèlement, les bénéficiaires de minima sociaux verraient, en deux fois également, la prestation dont ils bénéficient accrue de 3 000 francs. En bénéficieraient également, sans condition de revenu imposable, les chômeurs de longue durée ayant retrouvé un emploi.

Ainsi serait équitablement redistribuée une partie des recettes fiscales supplémentaires.

Mais la discussion de cette proposition relève de l'initiative du Gouvernement, l'article 40 de la Constitution nous interdisant de déposer de tels amendements. Je vous demande donc, Monsieur le secrétaire d'Etat, de bien vouloir ouvrir le débat sur le sujet. Depuis deux ans, le Gouvernement et le Parlement travaillent avec succès en étroite coopération, la mission d'évaluation et de contrôle en apporte la preuve. Imaginons de nouvelles modalités de travail de façon qu'ensemble nous puissions inventer une nouvelle forme de redistribution favorable à l'emploi et facteur de justice à la fois fiscale et sociale. Voilà un vrai sujet, un beau sujet de travail (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste, du groupe socialiste et du groupe RCV).

M. Jacques Barrot - En 2000, 60 % des prélèvements obligatoires relèveront de la loi de financement de la Sécurité sociale et 40 % seulement du budget de l'Etat. Peut-on, dans ces conditions, se dispenser d'une approche globale et consolidée des deux projets de loi ? L'ensemble des prélèvements obligatoires atteindra en 1999 le niveau record de 45,3 % du PIB, niveau que le Gouvernement souhaite ramener à 44,8 % en 2000 , ce qui au demeurant, laissera la France en tête des pays du G7 pour le niveau des prélèvements. Compte tenu de la dérive des dépenses sociales et des coûts induits par la loi sur les 35 heures, encore alourdis si certains amendements sont adoptés, comment le Gouvernement pense-t-il y parvenir ?

Si l'instauration d'une loi spécifique pour le financement de la Sécurité sociale a marqué un progrès incontestable, une approche globale de l'ensemble des prélèvements n'en demeure pas moins nécessaire. C'est indispensable pour prévenir la tentation de tous les gouvernements de recourir à des subterfuges pour imputer sur la loi de financement de la Sécurité sociale des dépenses tenant à la politique qu'ils conduisent et non à l'évolution des dépenses sociales.

Un véritable débat parlementaire, permettant de mettre à plat l'ensemble des recettes et des dépenses prévisibles est d'ailleurs nécessaire. Il ne saurait autrement y avoir de contrôle réel des engagements financiers de l'Etat par le Parlement.

L'isolement de certaines dépenses dans des fonds spéciaux, comme le fonds de financement de l'allégement des cotisations sociales, le fonds de financement de la CMU, le fonds de financement de la cessation anticipée d'activité pour les travailleurs de l'amiante, réduit encore la lisibilité du budget. C'est le moyen pour le Gouvernement de faire échapper ces dépenses aussi bien à la comptabilité budgétaire qu'à la comptabilité prévisionnelle propre à la loi de financement de la Sécurité sociale. Celle-ci n'a pourtant pas été conçue comme une annexe du budget de l'Etat ; c'est une loi de régulation des dépenses sociales. S'il était admissible pendant une période transitoire de recourir à des recettes exceptionnelles pour parvenir à l'équilibre voulu par la réforme, cette pratique n'est pas acceptable à long terme. La loi de financement de la Sécurité sociale ne peut pas servir, en période de forte croissance des recettes, à masquer des dépenses comme celles liées aux 35 heures et à l'inverse, en période de moindres recettes, à faciliter l'institution de nouveaux prélèvements, au mépris de tout contrôle par le Parlement. Une clarification s'impose.

La deuxième partie de mon intervention a trait aux dépenses d'investissement de l'Etat. Je me félicite, pour ma part, de la mise en place de la MEC, qui a souligné la nécessité de réformer l'ordonnance de 1959. Une meilleure distinction des dépenses d'investissement et des dépenses de fonctionnement s'impose en effet.

N'est-il pas paradoxal, comme l'a souligné Yves Deniaud, que les crédits d'investissement, notamment pour les infrastructures, régressent dans le projet de budget alors même que les recettes croissent fortement ?

Nous avons longuement débattu de l'article 33 en commission. D'un côté, le Gouvernement français demande à la Commission de Bruxelles d'allonger la durée des concessions des sociétés autoroutières de façon à consolider leur situation, d'un autre côté, il accroît les prélèvements qui pèsent sur elles. Si, par ailleurs, les crédits d'équipements routiers étaient satisfaisants, passe encore. Mais tel n'est pas le cas. Votre gouvernement n'est certes pas le premier à déroger à l'esprit qui a présidé à la création du FITTVN mais les errements d'hier ne sauraient justifier ceux d'aujourd'hui...

M. Jean-Pierre Brard - C'est un repenti qui parle.

M. Jacques Barrot - ...d'autant que les recettes aujourd'hui ne font pas défaut.

La diminution des crédits d'infrastructures condamnera certaines régions de montagne en particulier, à rester enclavées. Alors que s'ouvre la négociation des contrats de plan Etat-région, était-il opportun de réduire ces crédits ? Est-ce là votre politique d'aménagement du territoire ? Il y va pourtant de la justice (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF, du groupe DL et du groupe du RPR).

M. Gérard Bapt - Je me réjouis que notre économie soit entrée depuis deux ans dans un cercle vertueux. La croissance est repartie, tirée d'abord par la consommation, puis par l'investissement. La confiance a été restaurée aussi bien chez les ménages que chez les chefs d'entreprise, notamment de PME. Dans le même temps, les dépenses publiques sont maîtrisées, leur croissance en volume étant limitée à 0,9 % en 2000. Vous vous employez donc fort logiquement à ce qu'elles soient les plus efficaces possible.

Ainsi le budget du travail et de l'emploi, que je rapporte au nom de la commission des finances, a bénéficié en trois ans de 30 milliards de dépenses nouvelles alors même qu'il n'a augmenté stricto sensu que de 12 milliards. Redéploiements, activation des dépenses du chômage, chasse à l'effet d'aubaine, autant d'actions qui expliquent cet écart. Faut-il rappeler que, dans le même temps, étaient lancés les emplois-jeunes, accrus les moyens du service public de l'emploi, mis en place les nouveaux contrats de qualification pour adultes et les contrats emploi consolidé ?

La MEC a été amenée à examiner de façon plus approfondie les crédits d'impôt pour création d'emplois et le dispositif des préretraites.

Sur ce dernier point, elle a conclu que devait cesser toute participation du FNE au financement de préretraites lorsque les cessations d'activité n'étaient pas suivies d'embauches. La ministre a exposé en commission son souhait de voir infléchir le dispositif en fonction de deux critères : les publics concernés et le financement par l'Etat. Dans le projet de budget pour 2000, une économie de 694 millions est prévue qui correspond à un ajustement aux besoins pour 232 millions et à un resserrement du dispositif pour 462 millions. Le total des crédits de préretraites ASFNE s'élèverait à 4,15 milliards en 2000, contre 4,84 milliards en 1999, et 8,3 milliards en 1998. La stratégie définie par la ministre est donc bien de nature à améliorer l'efficacité de la dépense publique. Sa traduction budgétaire n'en est toutefois qu'à ses débuts dans le présent projet de loi de finances. Mais cela traduit déjà bien l'état d'esprit de la MEC.

De même la MEC a conclu à la nécessité de limiter les effets d'aubaine, en supprimant le crédit d'impôt pour création d'emplois de sociétés soumises à l'impôt sur les sociétés. Le dispositif actuel manque de rigueur et de cohérence. C'est pourquoi la commission des finances a adopté un amendement visant à mettre un terme à ce dispositif dès 1999, et non le 31 décembre 2000, comme prévu. J'apprécierai tout particulièrement que le Gouvernement lui réserve un accueil favorable.

De même, la MEC a déploré des faiblesses dans la collecte des fonds destinés à financer la formation professionnelle. Deux décrets sont en préparation. L'un aura pour effet que l'on appréciera non plus sur douze, mais sur quatre mois les disponibilités excédentaires des organismes de collecte au titre de l'alternance et du congé individuel de formation. L'autre décret apportera des changements importants au financement de l'apprentissage pour le rendre plus transparent. Je n'ai pas compris la position violente, et qui ne correspond pas à sa personnalité habituelle, de M. Méhaignerie menaçant de quitter la MEC. Je crois qu'en l'occurrence l'initiative de la commission des finances est positive, et confortera la volonté du Gouvernement de rendre efficace la dépense publique, au service de l'emploi et de la lutte contre les inégalités (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

M. François Baroin - Il y a un an déjà, Monsieur le ministre, vous prétendiez adopter en matière fiscale une méthode progressive pour «ne céder ni à la tentation de l'immobilisme, ni au mythe du grand soir fiscal». Et M. Strauss-Kahn déclarait : «Je veux que les impôts qui doivent être réformés le soient». Vaste programme ! Mais en réalité, à l'heure où la mondialisation et la nécessaire réaffirmation du rôle de l'Etat obligent à des choix stratégiques, nous sommes confrontés, avec votre politique, à trois orientations préoccupantes. Tout d'abord, alors que la croissance internationale permettrait de réduire les prélèvements fiscaux, on assiste au contraire depuis 1997 à une poursuite de la hausse. J'écoutais, je subissais hier M. le ministre de l'économie (Murmures sur les bancs du groupe socialiste). On connaît son talent oratoire, mais je ne vois pas comment il pourra expliquer qu'une hausse des impôts se traduit en réalité par une baisse... même si c'est vraiment

le David Copperfield de l'économie et des finances ! Le gouvernement a ajouté qu'il attendait le budget 2001 pour s'attaquer à la réforme de l'impôt sur le revenu. Attend-on le plan de communication de M. Jospin pour l'élection présidentielle ? La vraie question que les Français se posent, c'est de savoir pourquoi on n'a pas poursuivi la réforme engagée par le précédent gouvernement. Pourquoi ne pas agir tout de suite alors que la conjoncture nous est favorable, si ce n'est pour des raisons politiques ? Les Français ne s'y trompent pas. En matière fiscale, comme dans la fable, « rien ne sert de courir, il faut partir à point ». Les classes moyennes, déconcertées par leurs feuilles d'impôts de la rentrée 1999, ne seront pas abusées par une éventuelle baisse à l'approche des élections présidentielles. Comme l'a fait remarquer M. Auberger, si on lisse les prélèvements sur les trois dernières années, la hausse des prélèvements et l'absence d'une politique de baisse significative ne manquent pas d'inquiéter. Pour les entreprises, vous prévoyez de supprimer la taxe exceptionnelle, mais vous multipliez les nouveaux impôts.

Autre désaccord important : le traitement du déficit budgétaire. Vote choix est de réduire de 20 milliards le déficit, le ramenant à 215 milliards. Cela ne manque pas d'avoir des conséquences sur la dette publique. Celle-ci avoisine aujourd'hui les 5 200 milliards, ce qui représente plus de 236 000 francs par foyer fiscal : vous pouvez le dire à vos électeurs... S'y ajoutent les intérêts de la dette, qui absorbent les deux tiers de l'impôt sur le revenu. Vous objecterez que vous faites un peu mieux que vos gouvernements précédents, puisque les dépenses publiques progressent de 0,9 %, comme l'inflation, alors qu'autrefois elles augmentaient deux fois plus vite. Mais c'est insuffisant, et l'on risque de retomber dans le même cycle infernal que sous M. Rocard et M. Durafour : vous ne profitez pas de la croissance.

S'y ajoute l'opacité qui caractérise tous les budgets sous contrôle de l'Etat, avec des déplacements qui rendent illisibles les propositions faites. L'évolution de la dépense publique globale, les prélèvements obligatoires, les charges pesant sur les ménages et les entreprises appellent une clarification et un toilettage. Le président de l'Assemblée nationale déclarait cet été : « La gauche ne court pas beaucoup de risques d'être battue par la droite, mais elle peut l'être par les impôts et les charges ». Je ne crois pas qu'il s'agisse d'un prophète du type de Paco Rabanne : je crains pour vous qu'il n'ait une bonne vision.

Enfin ce budget, et le débat que nous aurons sur la sécurité sociale, sont révélateurs de ce qui se passe au sein du Gouvernement entre M. Strauss-Kahn et Mme Aubry : à lui l'apparence de la baisse d'impôt, à elle l'accroissement de la dépense publique. Je ne sais pas comment M. Jospin traite ce problème -même si, quand il tire l'oreille à son ministre des finances, c'est Mme Aubry qui livre l'information à la presse- mais ce que je sais, c'est que ce sont les Français qui payent (Applaudissements sur les bancs du groupe du RPR).

M. Ernest Moutoussamy - Ce débat s'engage à un moment où l'outre-mer et particulièrement la Guadeloupe traversent une crise profonde. C'est dire combien est forte l'attente de nos populations durement frappées par le chômage, l'exclusion, la précarité, la pauvreté et tous les fléaux qu'engendre le sous-développement.

Le changement de 1997, qui en France métropolitaine se traduit par des avancées appréciables, n'a pas vraiment touché nos rives. Il est temps de s'attaquer avec détermination aux causes du mal qui ronge notre société. C'est tout l'espoir que nous mettons dans ce budget et dans les futures lois concernant l'outre-mer.

A mon département, qui compte plus de 50 000 chômeurs, dont une forte majorité de jeunes, ce budget doit donner les moyens de s'attaquer aux freins du développement, de relancer l'investissement productif et de poursuivre la politique de la ville. Aux collectivités locales exsangues, il doit apporter une bouffée d'oxygène face à l'aggravation de la fracture sociale et au mal de vivre. Certes, la discussion du budget de l'outre-mer sera l'occasion de préciser notre analyse. Mais ce budget représente à peine 10 % des interventions de l'Etat outre-mer. Nous disons donc dès aujourd'hui au Gouvernement que, dans l'attente de la loi d'orientation prévue pour 2000, les c

rédits alloués aux ministères techniques -santé, éducation, justice, sécurité, ville, agriculture...- doivent permettre de répondre aux besoins urgents. La crise grave qui secoue actuellement la Guadeloupe plaide pour des dotations plus importantes et plus justes. Et ce d'autant plus que l'analyse des crédits d'Etat sur une longue période démontre que la Guadeloupe n'a pas bénéficié, comme la Réunion et la Martinique, des montants qu'elle aurait dû recevoir au titre de la DGF et de la DGD notamment. Par ailleurs il ne faut pas interrompre la politique de la ville, qui a été un élément fort de notre politique contre l'exclusion, et qui a permis de prendre en charge la requalification urbaine, des opérations de gestion de proximité, de sécurisation et d'éducation. Aussi approuvons-nous la dotation supplémentaire de 500 millions pour la DSU.

De même peut-on espérer un geste fort de solidarité apportant une part de la croissance des recettes aux communes d'outre-mer qui, dans l'ensemble, ont vu sensiblement augmenter leur population. Ainsi celle de ma commune a progressé de 33 %. Sans cet effort supplémentaire, elle ne pourra faire face aux besoins massifs en matière d'urbanisme, d'assainissement, d'extension de réseaux, de traitement des ordures ménagères, d'environnement...

La baisse de TVA sur les travaux dans les logements facilitera l'amélioration de l'habitat. Mais il est urgent de fixer les nouveaux taux applicables à compter de la baisse du livret A et qui seront répercutés sur le coût des emprunts réalisés auprès de la Caisse des dépôts. Ces dispositions, s'ajoutant à la proposition de proroger jusqu'au 31 décembre 2000 le régime d'exonération des charges patronales prévu dans la loi de juillet 1994, constitueront un formidable soutien à la redynamisation économique.

Enfin, Monsieur le ministre, il y a en outre-mer des urgences qui méritent des réponses immédiates. Je pense aux jeunes victimes du chômage, aux retraites agricoles qu'il faut mettre à un niveau décent, aux effectifs insuffisants de la police, de la gendarmerie, de l'éducation, de l'administration fiscale, de la poste, de la santé. Avec la mortalité élevée des entreprises et l'importance du chômage de longue durée, je pense aussi à ce texte sur l'annulation des dettes fiscales des ménages affectés par le chômage. Il y va de la crédibilité de notre majorité, qui doit faire preuve d'audace et de courage dans la lutte pour le progrès de l'outre-mer (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste, du groupe socialiste et du groupe RCV).

M. Christian Estrosi - Cette loi de finances sera une fois de plus un rendez-vous manqué. Pour les Français, qui attendaient qu'enfin la pression fiscale soit allégée. Pour le Gouvernement, qui aurait pu profiter des rentrées budgétaires supplémentaires pour desserrer l'étau fiscal. Oui, les Français attendent une vraie révolution fiscale. Au lieu de quoi ils verront les prélèvements augmenter en 2000, et devront se contenter de quelques mesurettes. Votre discours relève de la prestidigitation plus que de l'économie.

Vous soulignez les baisses fiscales, mais vous vous gardez bien de parler des hausses, alors que les prélèvements obligatoires atteignent un record absolu : 45,3 % de la richesse produite. Vous ne pourrez continuer longtemps à faire supporter la quasi-totalité de cette pression à 10 % des Français -l'impôt sur le revenu épargne la moitié des ménages, les plus pauvres, certes, mais aussi, par le biais d'artifices divers, les plus riches.

Vous vous vantez d'avoir, en abaissant la TVA sur les travaux d'intérieur, apporté un début de réponse à cet excès de fiscalité. C'est une bonne mesure, c'est vrai, mais pourquoi ne pas l'avoir étendue à la réparation des appareils électro-ménagers, des automobiles...

M. Jean-Pierre Brard - Des motocyclettes ! (Sourires)

M. Christian Estrosi - Bien entendu, mais aussi à la restauration, ce qui donnerait un formidable coup de main à l'économie touristique, si importante pour certains départements, telles les Alpes-Maritimes (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe communiste), limitrophes d'un pays où le taux est bien plus faible ?

Vos annonces ne sont que poudre aux yeux, et il y a quelque chose de comique à vous entendre vous gargariser des «28 milliards pour les entreprises, 10 milliards pour les ménages», alors que la liste est longue des hausses intervenues depuis 1997 : 9,5 milliards de taxes sur les produits pétroliers, 22 milliards d'impôt sur les sociétés, 10 milliards de taxes sur le tabac, 7,5 milliards d'écotaxe, 6,5 milliards pris aux familles, 2,5 milliards d'ISF, plus toutes les mesures insidieuses que les contribuables découvrent avec leur troisième tiers... Les Français n'acceptent plus de travailler plus d'un jour sur deux pour les impôts et la Sécurité sociale ! (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe communiste)

L'occasion était pourtant rêvée d'entamer enfin la décrue fiscale, et voici que nous revivons les années du gouvernement Rocard, dont M. Jospin faisait d'ailleurs partie tandis que M. Strauss-Kahn présidait la commission des finances. Les marges disponibles sont consacrées à des mesures inadaptées, comme les 35 heures ou les emplois-jeunes ; en revanche, l'effort d'assainissement semble se ralentir. En 1996, M. Juppé avait réduit le déficit de 27 milliards avec 1,3 % de croissance seulement ; avec 3 % de croissance, vous ne le réduisez que de 20 milliards !

Vous vivez dans l'illusion que vous procure une conjoncture favorable. Le réveil promet d'être difficile, du fait de votre choix de favoriser la dépense publique, qui a fait partout la preuve de son inefficacité, par rapport à l'initiative individuelle. Votre budget est, une fois de plus, celui de l'impôt et de la dépense publique. Il ne prépare en aucune façon la France de demain : vous ne prévoyez rien, ou presque, pour financer le système de retraites, qui est pourtant au bord de l'explosion.

La croissance est de retour, vous n'y êtes pour rien (Interruptions sur les bancs du groupe socialiste) et vous en profitez. Tant mieux pour vous, mes ses fruits seront dilués dans un magma fiscal et interventionniste. C'est une grave faute, et les Français sauront s'en souvenir, selon la prévision fort pertinente du président de l'Assemblée nationale ! (Applaudissements sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL)

M. Jean-Pierre Brard - C'est Nostradamus !

M. Raymond Douyère - Nous venons de voter, avec les 35 heures, une grande loi qui concilie notre exigence de justice sociale et notre souci d'efficacité économique. C'est cette double préoccupation qui doit aussi présider à l'élaboration du budget. Nous devons tout faire pour consolider la croissance, mais aussi tout mettre en _uvre pour mieux redistribuer les richesses, car les inégalités n'ont cessé de progresser dans nos sociétés occidentales, sous l'effet de l'offensive libérale menée au niveau mondial.

Les prévisions de croissance et de recettes nous donnent, sinon une «cagnotte cachée», des marges de man_uvre supplémentaires, qui pourront également être utilisées dès le collectif de fin d'année. Le Gouvernement a eu raison de diminuer la TVA sur les travaux de rénovation des logements et de supprimer diverses taxes parasitaires, mais il nous faut mener à bien une vraie réforme de la fiscalité qui fasse prévaloir une nouvelle conception des équilibres sociaux. La gauche a pour mission de rétablir la justice sociale dans une économie libérale qui provoque spontanément l'aggravation des inégalités ("Très bien !"sur les bancs du groupe socialiste), et cela passe par une fiscalité plus redistributive. Nous souscrivons à l'idée d'une grande réforme de la fiscalité directe : non pas de l'impôt sur le revenu, mais plutôt de la taxe d'habitation et de la CSG, sur lesquelles la commission a fait des propositions qui méritent toute l'attention du Gouvernement ("Très bien !"sur les bancs du groupe socialiste).

S'agissant de la fiscalité du capital, que l'on ne s'y trompe pas : l'amendement du président Bonrepaux n'est pas un amendement de circonstance. Il est inacceptable que certains dirigeants s'octroient des rémunérations supplémentaires de plusieurs dizaines de millions de francs, sous forme de stock-options dont les plus-values sont très faiblement taxées.

M. Louis Mexandeau - Très bien !

M. Raymond Douyère - Je ne suis pas sûr, cependant, que leur intégration dans l'assiette de l'impôt sur le revenu soit la meilleure formule : il conviendrait plutôt, me semble-t-il, de les intégrer, du moins jusqu'à un certain seuil, dans celle de l'impôt sur les sociétés, comme les bénéfices non distribués. Nous devons d'ailleurs approfondir notre réflexion sur le partage de ces derniers, car il n'est pas normal que les distributions gratuites d'actions profitent aux seuls actionnaires, excluant les salariés de l'entreprise, dont ils constituent pourtant la propriété inaliénable. Imposer un partage «moitié-moitié» entre salariés et actionnaires permettrait de réduire les inégalités patrimoniales, qui sont en partie à l'origine des inégalités de revenu.

J'en viens à la «taxe Tobin». L'ampleur prise par les transactions financières internationales met en évidence les dangers que recèlent les investissements spéculatifs, lesquels proviennent en majorité des Etats-Unis, qui les financent par l'endettement. Les tensions actuelles sur les taux d'intérêt à long terme et la surévaluation des actions américaines -estimée par Alan Greenspan à 37 %, soit un niveau comparable à celui qui fut à l'origine du krach de 1987- font craindre qu'une chute brutale des cours provoque un rapatriement massif des fonds investis en Europe.

Il est impératif que l'Europe se prémunisse contre les dangers liés aux mouvements erratiques de capitaux et les propositions du comité Attac méritent d'être débattues.

Je terminerai par une suggestion relative au budget de la justice qu'a présenté ce matin Mme Guigou, dans le cadre de la nouvelle procédure d'examen en commission. Ce budget augmente et plusieurs milliards sont programmés sur cinq ans au titre de l'entretien des établissements pénitentiaires et de leur mise aux normes ainsi que pour la construction de nouveaux établissements, mais l'effort pour l'an prochain ne me semble pas à la hauteur des besoins immédiats, pour que l'on considère que les gens en prison ont eux aussi droit à un toit en bon état au-dessus de leur tête. Dans un souci humanitaire, je propose donc que les crédits PLA non utilisés soient affectés à cet usage. Un effort plus massif pourrait ainsi être immédiatement consenti afin que les prisons françaises atteignent un niveau décent. Merci d'y réfléchir (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe RCV).

M. François Guillaume - Monsieur le ministre, vous avez beaucoup de chance. Depuis deux ans, la conjoncture est favorable. Tiré par une économie américaine florissante et par une demande intérieure forte, avantagé par le haut niveau du dollar, le taux de croissance de notre pays a permis une création nette de 560 000 emplois qui ne doivent rien à votre politique (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste).

M. le Rapporteur général - Jaloux !

M. François Guillaume - Cette croissance et ses effets bénéfiques vont se prolonger, s'amplifier même si j'en crois vos prévisions pour l'an 2000. Tant mieux pour la France !

M. le Rapporteur général - Ah ! quand même !

M. François Guillaume - De telles phases d'expansion ont été rares depuis les crises pétrolières. Celle d'aujourd'hui s'apparente à la période faste de 1988-1991 dont n'avait pas su profiter le gouvernement Rocard, puisqu'au lieu de baisser les impôts frappant la création de richesses, il avait relancé la dépense publique et privilégié le traitement social du chômage.

Vous reprenez aujourd'hui un même scénario, puisque vous prévoyez de consacrer 15 des 90 milliards de recettes supplémentaires escomptées à l'augmentation de la dépense alors que, rapportée au PIB, celle-ci est déjà supérieure de 5 points à celle de l'Italie, de 7 à celle de l'Allemagne et de 13 à celle de la Grande-Bretagne.

Ces 15 milliards n'auraient-ils pas été mieux employés à réduire le déficit budgétaire, qui représentera encore 2,4 % du PIB, soit le niveau minimal du respect des engagements de la France lors de son adhésion à l'euro ?

Ce projet de budget est plus marqué de dogmatisme et d'électoralisme que du souci d'une gestion conforme aux intérêts de la France (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste).

Il va à l'encontre de la décentralisation car il rend les collectivités locales plus tributaires de l'Etat pour leurs ressources. La suppression des droits de mutation et celle, partielle, de la taxe professionnelle, mesures dont nous ne contestons pas l'intérêt général ("Ah !" sur les bancs du groupe socialiste) ont réduit l'autonomie fiscale des collectivités sans

que des compensations budgétaires suffisantes viennent couvrir la perte de recettes. En Lorraine, par exemple, la fiscalité régionale ne constitue plus que 45 % des ressources à la disposition du conseil régional -contre 57  % en 1998. Si les collectivités locales veulent maintenir leur capacité d'intervention, il ne leur reste plus qu'à augmenter les impôts dont elles ont encore la maîtrise mais évidemment cela leur serait reproché.

S'agissant du droit au bail, vous nous proposez d'annuler la double imposition de l'an dernier pour la période du 1er janvier au 30 septembre 1998. Nous souhaitons quant à nous qu'il serait de bonne justice de la restituer sur le champ, et non pas à terme sous forme de crédit d'impôt, au propriétaire qui, lui, en sera moralement redevable à son locataire immédiatement.

Pour l'an 2000, vous envisagez la suppression du droit au bail pour les locataires modestes tout en maintenant la taxe additionnelle acquittée par le propriétaire. Quel aveuglement dogmatique vous pousse à considérer que, par définition, les propriétaires sont plus riches que les locataires ? Et à supprimer le droit au bail uniquement pour les locations inférieures à 30 000 F l'an, sans tenir compte de la composition des familles logées ? Ces dispositions doivent être revues. Leurs intentions électoralistes sont trop évidentes.

Le supplément de recettes fiscales vous permet de baisser le taux de TVA sur les travaux de réfection des logements. C'est une bonne mesure que nous réclamions depuis longtemps (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste). Elle a l'avantage de ne rien coûter au fisc car, au-delà de son effet incitatif à la rénovation et la réhabilitation de l'habitat, elle réduit l'intérêt de la fraude et du travail au noir. Raison de plus pour l'étendre à d'autres activités artisanales telle la restauration dont la fiscalité injuste et complexe crée d'insoutenables distorsions de concurrence.

Vous vous targuez aussi, Monsieur le ministre, d'une baisse d'impôts de 10 milliards au profit des entreprises. C'est un leurre puisqu'il ne s'agit que de supprimer la surtaxe provisoire instituée en 1997 et reconduite depuis. C'est aussi une duperie puisque l'intention du Gouvernement de taxer à nouveau les entreprises apparaît dans le projet de financement de la Sécurité sociale avec l'écotaxe et l'impôt sur les bénéfices des sociétés dont le chiffre d'affaires dépasse 50 millions.

J'en viens maintenant à une question sur l'ISF...

M. Jean-Pierre Brard - Les hobereaux s'expriment !

M. François Guillaume - C'est un sujet tabou.

M. Jean-Pierre Brard - Les junkers !

M. François Guillaume - Faites attention à ce que vous dites !

M. le Président - Si vous continuez à interrompre sans cesse, Monsieur Brard, je vais devoir rallonger le temps des intervenants. Et je vous invite à respecter l'orateur, fût-il de l'opposition.

M. François Guillaume - Une étude de votre administration, Monsieur le ministre, montre que pour 12 milliards de francs perçus annuellement, le fisc enregistre un manque à gagner de 22 milliards d'impôts divers, soit une perte de 10 milliards pour l'Etat. Tout simplement parce que les titulaires des plus grosses fortunes transfèrent leurs capitaux à l'étranger pour échapper à l'ISF, impôt qui n'existe plus dans les autres pays d'Europe. De ce fait, le Trésor public perd le bénéfice de la cascade des prélèvements qui sont appliqués à ces gros contribuables et notre pays est privé du potentiel d'investissements de ces capitaux.

10 milliards, est-ce le prix à payer pour maintenir un symbole cher à la gauche française ? Votre administration est-elle à ce point à court d'idées qu'elle ne puisse, dans la progressivité de l'impôt sur le revenu, retrouver le produit de ce prélèvement dont l'assiette est injuste et le rendement net désastreux ?

Au total, ce budget est celui d'une occasion manquée qui aurait consisté à profiter des fruits de la croissance pour cibler les interventions de l'Etat vers des dépenses susceptibles d'avoir un effet de levier sur l'économie.

C'est un budget d'opportunité politicienne auquel nous ne pouvons souscrire (Applaudissements sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL).

Mme Nicole Bricq - 1900 : l'automobile fait son apparition, objet de luxe ; 1 125 véhicules sont distribués. 1999 : les ordinateurs puissants tiennent dans nos poches et se sont glissés dans de nombreux objets de la vie courante. Entre les deux, un siècle qui a vu la production de richesses se déplacer du matériel vers l'immatériel, un siècle où la société s'est globalement enrichie mais où des inégalités fortes subsistent -quand elles ne s'aggravent pas. Un siècle qui se termine sur une relativisation de la part des salaires dans la répartition de la valeur ajoutée, ce qui doit nous faire réfléchir à l'appropriation du capital par les salariés. Si j'ai bien compris, ce travail nous attend, au travers d'une mission parlementaire et d'un prochain débat. Un siècle où l'intervention de l'Etat a profondément évolué. Dans les cinquante dernières années, en effet, les deux tiers de la progression des prélèvements obligatoires sont liés à la redistribution et au social. Un siècle qui se termine pour nous, Français, sur une fenêtre ouverte par la croissance. Aujourd'hui, investir dans l'économie réelle plutôt que dans la finance commence à redevenir intéressant.

Nous, socialistes, pensons qu'une politique budgétaire moderne doit prendre en compte ces évolutions et soutenir un choix de politique économique.

Celui que nous propose le Gouvernement repose sur le pari d'une nouvelle croissance, plus forte, plus durable et plus solidaire. Traditionnellement, la gauche est soucieuse de ce troisième aspect ; mais la mondialisation de l'économie et la mutation technologique nous conduisent à fonder notre avenir sur le secteur productif : la croissance est la condition nécessaire du développement de l'emploi et du pouvoir d'achat ; elle crée un contexte favorable à la mise en _uvre de réformes structurelles.

Seuls des libéraux bornés refusent de croire au rôle de la politique économique que nous menons. L'orateur qui a invoqué la chance me fait penser à l'historien, au demeurant célèbre, qui expliquait la Révolution française par le mauvais temps et les mauvaises récoltes...

M. Jean-Pierre Brard - Cela a joué un rôle !

Mme Nicole Bricq - Il reste deux sujets de préoccupation : la persistance du chômage de masse et l'investissement, encore trop faible. Toutefois, le rythme de réduction du taux de chômage en France est le plus rapide en Europe depuis 1997 ; s'agissant de l'innovation, le tableau de bord publié par le ministère de l'économie et des finances montre que les mesures prises depuis deux ans ont abouti à une réelle mobilisation des capitaux et des hommes. Ces résultats sont encore insuffisants, mais ils nous donnent à espérer, quant à la place de la France dans la création de richesses productives et à sa marche vers le plein emploi (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe communiste).

M. Didier Quentin - Cette année encore, le Gouvernement nous présente un budget à courte vue, alors que la croissance et le contexte européen auraient pu l'inciter à engager de vraies réformes.

Les résultats de la gestion budgétaire ne sont pas si brillants que le Gouvernement le dit, quand on les compare à la moyenne européenne. Les déficits publics devraient se situer aux alentours de 2,2 % du PIB en 1999, alors que la moyenne des pays de la zone euro est de 1,9 % ; les dépenses des administrations publiques représentent 53,2 % de notre PIB pour une moyenne euro de 48 %.

Ce gouvernement n'ose pas entreprendre de véritable assainissement structurel et aggrave le niveau déjà bien trop élevé des prélèvements obligatoires. La maîtrise affichée des dépenses de l'Etat est principalement due à la réduction de la charge de la dette, liée à la baisse des taux d'intérêt ; et le Gouvernement crée de nouveaux postes de dépenses publiques qui risquent de croître considérablement dans les années à venir. La réduction du temps de travail à 35 heures et les emplois-jeunes -dont certains, dans la gauche plurielle, réclament la titularisation sont des bombes à retardement.

Certains chapitres de dépenses ont été volontairement sous-estimés. Ainsi les crédits du RMI, qu'un récent décret d'avance a portés à 30 milliards, ne seraient plus que de 28,7 milliards en 2000 ; une partie des dépenses liées aux 35 heures a été reportée sur le budget de la Sécurité sociale ; 20 milliards destinés à financer la couverture maladie universelle sont inscrits à un fonds spécial... Ce projet de loi de finances ne constitue donc pas, tant s'en faut, un exercice de sincérité budgétaire.

Certains dans vos rangs, notamment le président Fabius, ont mis l'accent sur le niveau préoccupant des prélèvements obligatoires, en soulignant que, à près de 46 % du PIB, ils se situent à quatre points au-dessus de la moyenne de l'Union européenne. Certes, vous n'hésitez pas à parler de « baisse d'impôts massive », en annonçant diverses mesures fiscales ; mais parallèlement, vous instaurez de nouvelles taxes...

Ainsi, de très nombreux Français vont continuer à subir des hausses sensibles d'impôts. La pression fiscale a déjà atteint un niveau record cette année : l'impôt sur le revenu représentera 320 milliards, contre 304 en 1998 ; la conjoncture favorable ne suffit pas à expliquer cette hausse !

M. Strauss-Kahn a beau plastronner, on rencontre de plus en plus de gens qui se disent accablés de taxes et d'impôts. La baisse de la TVA sur les travaux à domicile n'est pas facile à appliquer et peut receler des effets pervers ; en outre, en modifiant l'assiette du quotient familial et en annulant l'abattement fiscal pour les travaux d'entretien, vous pénalisez une fois encore les familles ! Vous pénalisez aussi les entrepreneurs en révisant l'avoir fiscal et en supprimant le crédit d'impôt pour création d'emplois.

Une politique de réduction des prélèvements ne peut consister à remplacer un impôt par un autre ! Le gouvernement Juppé avait engagé une baisse de l'imposition sur le revenu, que vous avez arrêtée en 1997... Il serait également grands temps de s'engager plus avant dans la voie de la réduction de la TVA sur les services à forte intensité de main d'_uvre ; je pense en particulier à l'hôtellerie-restauration, activité qui risque d'être fortement pénalisée par rapport à nos principaux voisins européens.

Par ailleurs, vous annoncez la suppression progressive du droit au bail pour les locataires, alors que les effets pervers de la double imposition des exercices précédents pour les propriétaires-bailleurs ne sont toujours pas résolus. La restitution sous forme de crédit d'impôt que vous envisagez pour une partie d'entre eux n'est pas pertinente, les bailleurs étant le plus souvent des petits propriétaires aux revenus modestes. Ils ont été spoliés, il faut les rembourser.

En conclusion, ce projet de loi de finances ne rétablit pas le cercle vertueux que vous décriviez, avec une certaine autosatisfaction, hier après-midi. Vous n'engagez toujours pas de vraie réforme fiscale parallèlement à une vraie réforme de l'Etat, qui doit se concentrer sur ses missions essentielles. Vous n'entreprenez pas d'examen de l'efficacité de l'argent public. Vous ne mettez pas à profit la croissance pour réduire les déficits et engager une vraie baisse et une simplification des impôts, tellement attendues. Ce budget apparaît donc comme une nouvelle occasion perdue (Applaudissements sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL).

M. Jean-Marie Le Guen - Une croissance bien installée, un recul régulier du chômage, une consommation des ménages et des entreprises qui ne montre aucun signe d'essoufflement, une balance commerciale saine et largement excédentaire : si chaque automne pouvait amener un bilan aussi rassurant !

Cette réussite n'est pas l'effet du hasard : elle naît de la conjonction d'un environnement économique plus clément et d'une politique d'accompagnement intelligente.

Ce qui a rendu possible le retour de la croissance, c'est d'abord le retour de la confiance des Français. Elle a résulté d'un discours de vérité, en phase avec les attentes des citoyens, axant la politique du Gouvernement sur l'emploi, la justice sociale et le développement économique ; elle a été maintenue par un ensemble d'actions -notamment la mise en place des emplois-jeunes- conformes aux valeurs énoncées ; elle a été confortée par la vision d'un gouvernement d'hommes et de femmes compétents, volontaires, sachant se ménager des marges de man_uvre.

Le deuxième élément favorable, très lié au précédent, est la reprise de la consommation des ménages. Elle résulte aussi du désir de rattraper le temps perdu, du fait de l'ambiance économique mortifère des années précédentes. Les Français prouvent, par leur comportement, à quel point la politique du gouvernement précédent était erronée. La consommation est encouragée depuis deux ans par le transfert vers l'entreprise d'une partie des prélèvements qui pesaient sur les ménages.

Enfin, la mise en place réussie de l'euro libère la France de la menace qui pesait sur sa monnaie et lui offre les taux les plus bas qu'elle ait jamais connus.

Toutefois, l'heure n'est pas au triomphalisme : la situation préoccupante de certains de nos voisins doit nous inciter à la prudence. Un retournement de la conjoncture mondiale n'est jamais exclu, et la santé de notre économie, au sein d'une Europe de plus en plus intégrée, dépend de celle de nos partenaires de l'Union, avec lesquels nous réalisons l'essentiel de nos transactions commerciales et dont l'activité, comme la nôtre, est d'ailleurs liée à l'évolution de l'économie américaine.

Une demande intérieure soutenue et un commerce extérieur en bonne forme expliquent que l'effet de la crise économique en Asie sur notre croissance se soit limité à une perte d'un demi-point. Que le Gouvernement ait refusé de céder à la panique a aussi joué.

Mais que la crise asiatique révèle-t-elle du système financier international, sinon que les mécanismes du marché sont, à eux seuls, incapables de corriger les déséquilibres structurels de l'économie mondiale ? Notons que la cause première de ces déséquilibres tient au déficit budgétaire chronique des États-Unis et aux incertitudes qui en découlent. Il est donc nécessaire de mieux réguler le système financier international pour lutter contre les mouvements erratiques, brutaux et moutonniers de la spéculation internationale, qui aggravent les difficultés. Cette question est au c_ur des discussions dans la plupart des instances économiques et financières internationales, mais encore faut-il savoir en faveur de quel type de régulation plaider.

Il faut tout d'abord promouvoir la limitation des risques, ce qui passe par un renforcement du rôle, de l'indépendance et des moyens des banques centrales et par une plus large diffusion de l'information sur les risques encourus.

Il faut ensuite lutter contre la spéculation internationale. Pour cela, la suppression des centres off-shore ou du moins le renforcement des contrôles des mouvements de capitaux s'impose, pour lutter contre l'argent sale mais aussi pour empêcher le contournement des règles prudentielles et lever l'anonymat des intervenants. Cela vaut aussi pour les hedge funds. Il faut par ailleurs veiller à ce que le secteur privé soit largement associé à la résolution des crises. Les résultats très positifs d'une telle démarche en Corée encouragent à poursuivre dans cette voie, sans négliger qu'un soutien trop constant des États amène à des distorsions de l'information sur la santé réelle de l'économie, au risque de catastrophes. Il faut néanmoins introduire plus de souplesse dans la négociation du rééchelonnement des dettes.

Le FMI doit aussi être profondément réformé dans ses méthodes, son organisation et ses moyens. On se félicitera de son rapprochement avec la Banque mondiale ; il faut renforcer cette coordination, mais aussi installer un comité permanent plus politique et plus volontaire. De plus, l'ampleur des sommes mobilisées par la spéculation financière internationale justifie l'accroissement des moyens qui lui sont alloués.

Enfin, last but not least, le système monétaire international doit être modifié en profondeur. La création de l'euro, capable de faire pièce à la toute-puissance du dollar est déjà un facteur de stabilité. Il faut maintenant tendre à une plus grande coopération régionale des monnaies, notamment en Asie.

Ce soir, nous avons des raisons de nous réjouir et de féliciter le Gouvernement, de nous féliciter même, car nous sommes pour partie responsables de la bonne situation de l'économie française. Mais il est de notre devoir d'être toujours plus ambitieux et attentifs, aussi, aux menaces qui pèsent sur la collectivité nationale. Si nous faisons nôtre le combat en faveur d'une plus grande régulation économique et financière internationale, nous serons fidèles aux valeurs de la gauche et honnêtes vis-à-vis de nos électeurs, mais aussi capables d'écarter les nuages qui assombrissent encore l'économie mondiale et donc l'économie française (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

M. Julien Dray - Monsieur le ministre, vous avez passé avec succès un premier examen, puisque la France s'est engagée, depuis 1997, sur la voie d'une croissance forte. Ce n'était pas chose facile, et d'autres, avant vous, avaient fait perdre deux ans au pays en étouffant la reprise naissante. Vous avez ainsi fait la démonstration que l'intervention politique n'est pas vaine et qu'elle peut être utile au développement économique si l'on fait acte de volontarisme. Ce n'est pas rien, à l'époque où les experts de tout poil n'ont qu'une phrase à la bouche : «Le marché se suffit à lui-même, Messieurs les politiques, et il n'a surtout pas besoin de vous»... Mais ce premier examen à peine passé avec succès, un deuxième s'annonce, puisqu'il vous faut maintenant dire que faire de ces richesses nouvelles et, surtout, comment et à qui les redistribuer.

Ecartons tout faux débat : je ne vous propose pas de jouer le rôle de la cigale dépensière, qui se trouve fort dépourvue quand le mauvais temps revient.

Je comprends très bien que la courbe de croissance a besoin d'être consolidée et que de brusques embardées peuvent nous faire quitter notre route vertueuse.

Il n'en demeure pas moins vrai que l'urgence sociale demeure, si bien que ce débat récurrent est au c_ur de la discussion budgétaire. Comment répartir les fruits de la croissance ? Quelle doit être une politique économique de gauche dans une phase d'expansion, même modérée ?

Disons le tout net : la croissance seule ne suffit pas à gommer les inégalités sociales nées d'un système qui a pour principale caractéristique de concentrer toujours plus de richesses entre les mains d'une infime minorité.

Il est bon de rappeler à tous nos collègues, notamment sur les bancs de la droite, quelle est cette «mondialisation heureuse» qu'évoquait en son temps Alain Minc.

En quatre ans seulement, de 1994 à 1998, le patrimoine net des 200 personnes les plus riches du monde est passé de 440 à 1 042 milliards de dollars. En France, à peine 10 % des Français détiennent 65 % du patrimoine global. En 1998, le rendement de ce patrimoine a été de 13 % et, dans le même temps, plus de 6 millions de Français ne savent comment boucler leurs fins de mois et vivent dans l'angoisse de l'arrivée des huissiers.

Ce que l'on appelle «mondialisation» ou «globalisation», et que je nomme «nouvel âge du capitalisme», produit partout les mêmes effets : un progression vertigineuse des inégalités aussi bien entre les pays du Nord et les pays du Sud qu'au sein même des pays dominants.

Que ceux qui en doutent encore veuillent bien considérer la situation réelle des Etats-Unis, pays que l'on nous présente comme un modèle avec sa croissance exceptionnelle depuis dix ans et son retour au plein emploi. Entre 1977 et 1999, les revenus nets d'impôt y ont augmenté de 115 % pour les 5 % les plus riches, tandis que les revenus moyens des 20 % les plus pauvres ont baissé de 9 %. Et, dans cette société inégalitaire, trouver un emploi ne veut pas dire sortir de la pauvreté, car ceux que l'on appelle les «pauvres travailleurs» ne sortent du chômage que pour tomber dans la précarité. Ainsi, à l'inverse de ce que furent les Trente Glorieuses, au cours desquelles chacun a fini par trouver peu ou prou son compte, la croissance que nous connaissons aujourd'hui est diaboliquement inégalitaire, et un ressuscité de la fin du XIXème siècle retrouverait davantage ses marques aujourd'hui qu'au début des années 1960. C'est que le capitalisme financier a réussi à briser tous les éléments de contrainte qui pouvaient entraver son développement : chantage à la délocalisation, pression sur les Etats par le biais de la spéculation sur les devises... il peut sans cesse réduire ses coûts, sans aucune contrepartie, et maximiser ainsi ses profits. A ceux qui voudraient résister, on fait valoir la longue liste de ceux qui n'attendent que de prendre leur place, ce message valant aussi bien pour les gouvernements que pour les individus.

Une nouvelle forme de pouvoir s'est ainsi installée : le despotisme des actionnaires que certains voudraient pérenniser en créant des fonds de pension, version actualisée de la vieille association «capital-travail». Le dernier rapport publié par l'INSEE montre que l'année dernière, la performance des actions françaises a approché 30 % si bien que les 10 % des ménages les plus pauvres ont un patrimoine moyen de 5 000 F et les 20 % les plus riches de 2 millions soit 400 fois plus.

Alors oui, la confiance semble revenue. Les affaires reprennent et l'on retrouve le goût de la consommation ; mais ce sentiment est, hélas, bien davantage perceptible dans les centres-villes que dans les cages d'escalier de la cité de la Grande Borne à Grigny. Dans certaines zones situées à la périphérie du système, les variations de la croissance ne signifient rien car elles n'ont aucune traduction concrète.

On peut choisir d'ignorer ces zones et cacher la misère comme on dissimule la poussière sous les meubles avant que de la disperser d'un pied rageur si par malheur, elle avait l'outrecuidance de rappeler son existence. Pour ma part, je ne crois pas que l'on puisse corriger les désastreux effets antisociaux que le système secrète en renonçant à l'affronter.

A sa manière, le président de la commission des finances éclaire cette question : pour réduire les inégalités qu'engendre le système des stock-options, on ne peut se contenter d'exiger simplement la transparence.

Si le constat des inégalités induit une insurrection morale, entendons-nous bien sur le contenu de la morale : ce qui nous indigne, ce n'est pas de ne pas pouvoir contrôler, c'est l'écart terrible qui existe entre celui qui s'enrichit en dormant ou en tapant un ordre de vente ou d'achat sur un clavier d'ordinateur et cette mère de famille qui se lève aux aurores pour gagner son SMIC sans savoir si le lendemain ne sera pas pire que la veille.

La morale, ce n'est donc pas l'exigence d'une régulation. La morale, c'est ce qui donne un sens à la régulation. Pour moi, ce sens est clair et porte un nom : redistribution.

Redistribuer, c'est bien l'objectif que nous devons nous fixer lorsque nous discutons du projet de loi de finances sous un gouvernement de gauche.

Voilà pourquoi je ne participerai pas au ch_ur des pleureuses qui nous rappelle en permanence le poids prétendument excessif des prélèvements obligatoires. L'honnêteté consiste en effet à dire que le problème n'est pas le trop d'impôt mais le «mal-impôt».

Avoir pour seul étendard le mot d'ordre de baisse des impôts conduit à la confusion. Je le dis tout net : je suis pour augmenter les impôts sur certaines richesses.

C'est le sens de tous les amendements que je présente depuis plusieurs années sur la taxation des marchés financiers, notamment au travers de la taxe Tobin. Cela permettrait de mieux répartir l'impôt et de faire qu'il ne repose pas toujours sur les seuls salariés, qui finissent par être tentés de rompre le pacte de solidarité, ayant, à juste titre, le sentiment de payer pour les autres.

Vous pensez sans doute, Monsieur le ministre, que je suis un professeur Nimbus, comme vous me l'aviez si amicalement dit l'année dernière. Mais cette année, on compte plus de 120 professeurs Nimbus dans cet hémicycle, comme moi convaincus qu'une taxe de 0,05 % ne tuerait pas la Bourse parisienne.

Il faut également baisser les impôts indirects, socialement injustes. Vous pensez certes que toutes les baisses de TVA ne sont pas bonnes à prendre, dont celle sur la restauration. Mais cette idée a malgré tout fait son chemin.

S'il faut se féliciter de la baisse de la TVA sur les travaux dans le bâtiment, celle-ci ne bénéficiera qu'à une catégorie de la population. Il est possible de faire mieux, sur la restauration traditionnelle...

M. Michel Bouvard - Très bien !

M. Julien Dray - ...sur la consommation d'eau, d'électricité, de gaz, de téléphone, ainsi que sur certains produits culturels.

J'ajouterai, au risque encore une fois de décevoir la société bien pensante, que la redistribution, c'est aussi la dépense publique. La stabilisation des dépenses de l'Etat n'est pas nécessairement un titre de gloire. Pour supprimer les ghettos, garantir à chacun une santé et une éducation de qualité ou encore des transports sûrs et agréables, on ne peut pas toujours demander aux fonctionnaires de faire plus et mieux avec moins. Il faut créer des emplois, rénover les services et les infrastructures. A l'heure d'Internet, est-il normal que dans l'administration publique de la quatrième puissance mondiale, on utilise encore des ronéotypes à alcool ? Traquer les gaspillages et mieux utiliser l'argent public est un devoir qui ne peut toutefois se réduire à comprimer les budgets. M. Allègre aurait du mal à me démentir.

Toutes ces remarques ne visent pas à exprimer un supplément d'âme ou à rechercher une marginalité esthétique.

De 1988 à 1991, nous avions longuement débattu de la répartition des fruits de la croissance. Mais celle-ci n'avait pas été à la hauteur de nos espérances. Nous avions été nombreux en 1993 à regretter l'absence de prise de risque et l'occasion manquée. Nous avions bien géré les « grands équilibres » mais insuffisamment réduit les inégalités.

Nous n'en sommes pas là, loin s'en faut. Et l'histoire ne se répète pas. Mais pour éviter qu'elle ne bégaye, mieux vaut prendre toutes les dispositions nécessaires. Pour l'heure, il est urgent d'aller de l'avant (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe RCV).

M. Eric Besson - Depuis trois ans, la droite paraît atteinte du syndrome de Paco Rabanne, à savoir qu'elle n'a pas grand-chose à dire mais que, pour se faire remarquer, elle prévoit l'apocalypse. Mais là où Paco Rabanne, ses prévisions démenties, se terrait, jurant de ne plus recommencer, nos collègues Auberger et d'Aubert n'hésitent pas à entonner chaque année la même litanie. Ils nous promettaient l'an dernier l'effondrement de la croissance... les couleurs de cet automne sont plutôt à la non-sincérité du budget, la hausse des dépenses publiques et l'étranglement par l'impôt. Personne ne s'en souviendra plus l'automne prochain, même pas eux. Seuls souffriront les rédacteurs du Journal officiel mais ils y sont, dit-on, habitués...

Il faut féliciter ce Gouvernement d'avoir permis à notre économie de renouer avec un cercle vertueux caractérisé par la reprise de la consommation et des créations d'emplois, le redémarrage de la croissance et le

retour de la confiance.

Je n'évoquerai ici qu'un seul sujet qui me tient à c_ur, celui de la création d'entreprises -qui depuis dix ans régresse dans notre pays. La liberté d'entreprendre y est formelle, elle doit devenir effective (M. Jegou applaudit). Il y va de la création d'emplois, d'un aménagement du territoire plus équilibré, mais aussi de l'insertion sociale de nos concitoyens parmi les plus fragiles. Nombre d'entreprises sont en effet créées par d'anciens chômeurs.

Ce gouvernement a beaucoup fait depuis deux ans en faveur de la création d'entreprises. Je ne rappellerai pas toutes les mesures déjà prises en direction des entreprises innovantes. Et cette année encore, la suppression de la taxe de 1 500 francs sur les créations de sociétés va dans le bon sens. Mais il faut aller plus loin encore.

Il faut renforcer notre réseau national d'accueil et d'accompagnement des créateurs d'entreprise, aujourd'hui insuffisant. A cet égard, les chambres de commerce et d'industrie seront-elles réformées ? Si oui, dans quels délais ?

Il faut revoir la couverture sociale, inadaptée au statut de créateur, notamment pour une question de progressivité des charges. Il est par ailleurs anormal que celui qui prend des risques se trouve pénalisé.

Il faut enfin faciliter à tous les créateurs d'entreprise l'accès au financement. On sait bien qu'aujourd'hui seuls ceux qui disposent de ressources personnelles se lancent dans l'aventure.

C'est parfois le destin de la gauche que de mettre en _uvre sur le plan économique ce que la droite a promis mais n'a pu mener à bien. Vous vous êtes attaqués l'an passé à la réforme de la taxe professionnelle, cet impôt injuste et imbécile. Vous prenez cette année des mesures relatives à la TVA. J'espère vivement qu'en matière de création d'entreprises la gauche pourra bientôt se prévaloir d'un bilan aussi flatteur que sur le plan économique en général et sur celui des entreprises innovantes en particulier (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste)

M. Alain Rodet - Je traiterai de l'article 3 du projet de loi de finances qui prévoit d'abaisser à 5,5 % le taux de TVA sur les travaux réalisés dans les logements. Il s'agit d'une disposition centrale qui va bien au-delà du symbole. Elle marque une rupture franche avec la décision prise en 1995 par le gouvernement Juppé de relever de deux points le taux de TVA, qui s'est traduite par un prélèvement supplémentaire de 65 milliards de francs en année pleine -on pouvait dans le même temps faire quelques ronds dans l'eau avec la diminution des impôts directs !

Ce gouvernement a donc décidé un allégement fiscal massif en abaissant le taux d'un impôt dont l'inventeur lui-même disait qu'il s'agissait d'un impôt progressif sur le revenu retenu à la source dès le premier franc.

Cette mesure bénéficiera à l'emploi dans un secteur qui emploie beaucoup de main-d'_uvre et où les importations sont faibles.

Elle permettra aussi de résorber le travail au noir, cette forme très pernicieuse d'évasion fiscale, souvent dénoncée mais jamais franchement combattue.

Elle profitera au secteur de l'habitat, où beaucoup de progrès restent à faire.

C'est aussi, contrairement à ce que prétendent certains, une mesure de justice fiscale. La modulation du crédit d'impôt préexistant témoigne bien de votre volonté de faire en sorte qu'elle bénéficie aussi à ceux qui ont le plus besoin d'améliorer leur logement.

Enfin, cette mesure a une dimension contractuelle essentielle. La CAPEB, confédération des artisans du bâtiment qui regroupe 265 000 entreprises et 1,2 million d'emplois, qui a été infiniment plus intelligente que le MEDEF sur la question des 35 heures et qui, dès 1946, conseillait fort judicieusement aux travailleurs

indépendants de cotiser à la Sécurité sociale, sera étroitement associée à la mise en place du nouveau dispositif.

Il arrive que les plus grands esprits manquent à certains moments de pertinence. Alfred Sauvy lui-même avait bien vanté le travail au noir et critiqué la loi sur les 40 heures en 1936. Mais, chers collègues de l'opposition, ce serait aujourd'hui se tromper que de ne pas voir qu'une telle mesure tend à la justice fiscale et à l'efficacité économique. Il est encore temps pour vous de voter cette diminution de 15 % du taux de la TVA dans certains domaines...

M. Michel Bouvard - Provocation ! Nous la réclamons depuis trois ans !

M. Alain Rodet - ...vous qui avez soutenu un gouvernement qui en 1995 l'a portée de 18,6 % à 20,6 %. En un mot, messieurs, rejoignez-nous car mieux vaut être plusieurs sur une bonne affaire que seul sur une mauvaise (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

La discussion générale est close.

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MOTION DE RENVOI EN COMMISSION

M. le Président - J'ai reçu de M. Philippe Douste-Blazy et des membres du groupe UDF une motion de renvoi en commission, déposée en application de l'article 91, alinéa 6, du Règlement.

M. Jean-Jacques Jegou - Nous avons examiné ce projet la semaine dernière en commission des finances. J'aimerais pouvoir vous dire que nous y avons passé beaucoup de temps. Mais la machine est bien huilée : à chaque amendement de l'opposition, la réponse est « non, votre proposition n'est pas intéressante ». Tout est ficelé, et la réponse tombe comme un couperet : le Gouvernement a tranché, ou un rapport est en cours, ou encore nous avons décidé cette année de ne pas parler de ce sujet. C'est une façon de faire très contestable, voire difficilement supportable. La commission ne fait pas le travail pour lequel elle est mandatée.

Cependant, cela permet d'éviter quelquefois des explications dilatoires du président ou du rapporteur général. Leurs prestations d'hier confirment d'ailleurs mes propos. Ainsi le rapporteur général a abordé seulement quelques amendements issus de la majorité plurielle, notamment le coûteux amendement communiste qui alourdit de 1,5 milliard la somme que paieront les sociétés sur l'avoir fiscal.

Quant au président Bonrepaux, il n'a pas dit un mot du travail de la commission, et pas même prononcé les mots « commission des finances »... C'est dire dans quel état de frustration se trouve la représentation nationale.

Une démocratie moderne ne peut admettre qu'une majorité escamote le débat. Pour citer les propos de Laurent Fabius lors de la création de la MEC, « on passe à côté du débat démocratique et on se limite à un constat porté après coup ». Certes, nous sommes dans l'opposition, mais les parlementaires de l'opposition n'auraient-ils pas droit de cité ? Faites au moins semblant d'organiser le débat, s'il vous plaît ! L'opposition aussi peut avoir des idées, et serait prête à en discuter. Ne désespérez pas la représentation nationale, ni les Français qui ont voté pour elle. Sinon vous reviendrez à la formule fameuse : « Vous avez juridiquement tort parce que vous êtes politiquement minoritaires ». Un retour à de tels propos nuirait à la démocratie en éradiquant le débat d'idées. Il en est de même des agressions caricaturales que l'on pensait bannies depuis 1982. Il faudrait préserver un fonctionnement de la démocratie plus conforme à ce que souhaitent nos concitoyens.

Bien sûr, nous connaissons vos contraintes, face aux revendications de vos alliés, remuants -les Verts- ou encombrants -les communistes. Ils ont d'ailleurs eu raison d'un article qui aurait pu montrer votre intérêt pour le développement des entreprises, j'entends l'article 10, j'y reviendrai. Craignez que Robert Hue, pour qui vous avez les yeux de Chimène, et qui pense s'être refait une santé en défilant dans les rues, ne vous conduise là où vous n'oseriez vous aventurer seuls. Pourtant les contingences politiques ne sont pas les seules auxquelles vous devriez obéir. Soixante millions de Français attendent des réformes de fond qui assureraient leur avenir, et l'Europe ne nous attendra pas pour avancer.

En fait, la majorité colle au Gouvernement, et sa pluralité empêche le Gouvernement d'aborder les réformes nécessaires. Parfois, on l'a vu en commission, la majorité lève une paupière sur des amendements de l'opposition qui convergent avec les nombreux rapports parlementaires de Mme Bricq, M. Tavernier, M. Besson... Mais la paupière retombe rapidement, car c'est une proposition de l'opposition et c'est la majorité qui doit le faire. Cependant, elle ne le fait pas toujours, n'est-ce pas, Monsieur Besson.

Parce que la commission des finances n'a pas bien travaillé, parce que le débat n'a pas eu lieu, il faut renvoyer ce budget en commission, car il manque totalement de sincérité et de transparence. Le démantèlement qu'il organise, et son absence de rigueur, sont d'autres raisons de le faire. Voyons de plus près tous ces points.

Tout d'abord, parlons de la MEC. Cette mission d'évaluation et de contrôle a été mise en place il y a quelques mois par le président Fabius, qui disait alors : «Contrôler la dépense publique, c'est revenir aux sources de la démocratie parlementaire. La déclaration de 1789 n'en fait-elle pas un droit ? L'article 15 dit : la société a le droit de demander compte à tout agent public de son administration». Le Président de notre assemblée n'est, il est vrai, pas le dernier à demander au Gouvernement de faire bouger les choses en matière de dépenses et de bonne gestion de l'Etat. L'opposition, conviée à participer à cette mission et à la coprésider, s'est prêtée au jeu avec sérieux. L'excès de la dépense publique est en effet l'une des principales préoccupations de l'UDF.

La MEC est donc censée faire des propositions concrètes au Gouvernement pour l'aider à mieux maîtriser les dépenses publiques. Elle s'y est attachée durant plus de six mois, en dehors de toute considération politique, je tiens à noter ce fait remarquable. Elle a étudié quatre domaines d'intervention de l'Etat : la politique autoroutière, les aides à l'emploi, la police et l'utilisation des fonds de la formation professionnelle.

Cette mission, à nos yeux, n'a eu que deux défaut. Le premier est le principe des auditions publiques, qui a parfois conduit à des silences qui en disaient long, ou à des contrevérités, voire à de sérieux ennuis pour ceux qui s'aventuraient à dire la vérité. La présence du public, en particulier des syndicats, a conduit des responsables à dissimuler certaines réalités, qu'ils n'avouaient qu'entre deux portes, à l'issue d'une audition. Ainsi, dans la police, la commission a noté que les horaires travaillés étaient de 44 heures par semaine, ce qui est une bonne performance. Malheureusement, à la fin de l'audition, on nous a avoués sur le ton de la confidence que le chiffre réel était de 29 heures. Et ce n'est pas le seul exemple. J'ai reçu, comme d'autres sûrement, des courriers destinés à rectifier certaines déclarations qui s'avéraient soit compromettantes, soit insuffisantes.

Le deuxième défaut, bien plus grave, n'apparaît qu'aujourd'hui, à la lumière du projet de loi de finances : on constate qu'aucune recommandation de la MEC n'a été mise en _uvre. Prenons quelques exemples. Dans la police, la MEC constatait une très mauvaise gestion des effectifs. Le rapporteur lui-même parlait de sous-administration de la police, notamment pour le contrôle des horaires. Il proposait aussi une externalisation de certains services, comme les fameux garages. La proposition était donc de redéployer les effectifs, en exerçant un meilleur contrôle. Que voyons-nous dans la loi de finances ? Une augmentation de 5 % des effectifs et des moyens de fonctionnement de la police. Une expression populaire s'impose ici : «cause toujours, tu m'intéresses». Vous n'avez que faire du travail de la MEC, Messieurs les ministres. J'imagine d'ici votre _il goguenard lorsqu'elle travaillait : «Occupez-vous, mes petits, pendant ce temps, je fais ce que j'ai à faire»...

C'est pire encore en matière de politique autoroutière, où l'on assiste à une véritable provocation. Nous avions conclu à une ponction excessive de l'Etat sur les sociétés d'autoroutes à la suite de la loi d'aménagement du territoire de 1994, et il y avait de l'honnêteté de notre part à le reconnaître. Cette ponction ne leur permet pas de rembourser les dettes énormes qu'elles ont contractées pour développer le réseau français, qui est l'un des meilleurs. Résultat dans la loi de finances : vous augmentez de 12,5 % la ponction sur ces sociétés. C'est presque un pied de nez à la représentation nationale.

La seule mesure concrète que l'on ait vue a pris la forme d'un amendement en commission, pour reprendre un peu plus d'un milliard sur les aides à l'emploi, qui en comptent près de 400. J'approuve, mais c'est insuffisant. Quant à la formation professionnelle, vous augmentez les crédits de l'AFPA de 320 millions, après plusieurs auditions qui ont unanimement scandalisé la MEC sur l'inadéquation entre la dépense et les résultats obtenus, qu'il s'agisse d'ailleurs des organismes de formation professionnelle ou de l'AFPA.

Je vous ai entendu, Monsieur le secrétaire d'Etat au budget, dans un débat hors de nos murs, vous féliciter du travail de la mission d'évaluation et de contrôle. Je vois que vous en avez tenu grand compte, en ne touchant pas à un cheveu de la dépense publique... Vous vous êtes attaché à faire exactement l'inverse de ce que proposait la mission. Peut-être le rapporteur Didier Migaud avait-il compris cela dès le départ, puisqu'il écrit, page 63 du rapport de la MEC : «le budget de l'Etat reste un budget de moyens, hermétique à toute logique en termes de résultats». C'était faire preuve de beaucoup de clairvoyance. Nous attendrons ses propositions sur la refonte de l'ordonnance de 1959 pour décider de la poursuite de notre participation à la MEC.

Malgré cette mission, et malgré deux mois de travail en commission, il n'y a eu aucun débat de fond. C'est peu glorieux pour la majorité, et cela justifie amplement le renvoi.

Mais venons-en au budget lui-même. On parle beaucoup de conjoncture, comme il est normal lors de la préparation d'un budget. Vous nous avez fait hier, Monsieur le ministre, un cours magistral sur la responsabilité de la conjoncture. Le Gouvernement, vous êtes-vous demandé, n'est-il pour rien dans la reprise de la croissance ? Vous avez été jusqu'à qualifier de position idéologique le fait de dire que l'économie ne peut être influencée par l'action d'un Gouvernement. Vaste débat, que je n'ouvrirai pas ici. Reconnaissez simplement que la tâche des gouvernements Juppé et Balladur était beaucoup moins aisée que la vôtre. Surtout, elle intervenait après une énorme bévue dans la loi de finances pour 1993, qui nous fit passer de 180 à 320 milliards de déficit. L'exercice n'était pas facile dans un contexte de récession totale, que vous n'avez d'ailleurs pas contesté. Aujourd'hui, force est de reconnaître la nette amélioration de l'environnement économique mondial. La croissance est là, et chacun s'en réjouit. Elle est créatrice d'emploi, l'environnement européen est satisfaisant, les recettes rentrent à flots : tout va bien !

Mais dans un monde ouvert, nous ne pouvons pas ignorer le contexte international, en particulier l'économie américaine. La croissance là-bas est forte ; on parle même de surchauffe, et de nombreux spécialistes évoquent une bulle spéculative aux Etats-Unis. Or notre économie est encore assez dépendante de la leur, même si nous le déplorons. Si d'aventure, le Dow Jones perdait d'un coup 20 à 25 %, il nous entraînerait dans sa chute. Et c'est ce type de risque, Monsieur le ministre, que vous devez prévoir. Nous souffrons certes de cette dépendance, et il est urgent de nous déconnecter davantage des Etats-Unis. Mais en attendant c'est le jeu de yo-yo entre l'euro et le dollar. En ce moment, nos entreprises ont plus de mal à exporter avec un euro à 1,08 qu'à 1,03. Or l'un des éléments de notre croissance est la bonne tenue de notre balance commerciale, et les performances de nos exportations.

Mais ne boudons pas notre plaisir : 2000 s'annonce mieux que 1999, avec des estimations de croissance de 2,6 à 3 %. Pourtant vous n'en profitez pas pour assainir en profondeur les finances de l'Etat. Je souhaite comme vous que cette croissance perdure, mais les risques n'ont pas disparu, et vous l'avez reconnu. Que feriez-vous si la croissance perdait de sa vigueur ? Nous retrouverions alors la situation des années 80, avec le cercle infernal du besoin de financement de l'Etat, de la progression de la dépense publique et du refroidissement de l'économie. Les Français ne le supporteraient pas. Ce n'est pas ce que vous cherchez, mais c'est ce que nous risquons en poursuivant une politique des petits pas qui ne réduit le déficit de l'Etat que de 21 milliards, alors que vous pouviez faire bien plus grâce aux recettes supplémentaires. Il est vrai qu'avec toutes les dépenses nouvelles le bouclage de votre budget a dû être difficile.

Cette croissance est fragile, et l'intérêt du pays est que vous le gardiez toujours à l'esprit, en ne créant pas de sources de dépenses nouvelles et récurrentes, voire en diminuant sérieusement celles qui sont superflues ou inutiles. Or elles sont nombreuses ; le groupe UDF aura des propositions à vous faire à ce sujet dans le cadre de l'article d'équilibre, puis dans la deuxième partie.

Croissance et emplois sont les combats communs de tous, et chaque franc dépensé doit obéir à ces deux finalités. Notre crainte est que la politique timide, statique, peu ambitieuse du Gouvernement ne dope pas suffisamment la croissance, alors même que nous avons besoin de celle-ci pour mettre en _uvre les réformes nécessaires.

L'analyse du budget nous conduit à poser la question de sa sincérité, les recettes comme les dépenses paraissant sous-évaluées -à la différence de la précédente loi de finances, où elles étaient surévaluées, comme nous l'avions dit à juste titre. Cela vous permet d'éviter le débat sur l'utilisation des fruits de la croissance, mais nous y reviendrons. Selon le rapporteur général lui-même, les recettes seront bien supérieures aux prévisions du Gouvernement. Il est vrai que 75 milliards supplémentaires sont rentrés au cours des huit premiers mois de l'année, par rapport à la période correspondante de 1998. Cela confirme à la fois que les prélèvements obligatoires sont en hausse et que les recettes 2000 sont probablement sous-évaluées.

Les impôts supplémentaires que les Français ont payés cette année sont dus en partie à l'abaissement du plafond du quotient familial, dont vous-mêmes constatez aujourd'hui les dégâts. Perseverare diabolicum : nos amendements tendant à revenir à la situation de 1997 ont été balayés en commission. Le Gouvernement a ponctionné, en outre, le Fonds d'aménagement de la région Ile-de-France, alimenté par une taxe directe sur les locaux des entreprises franciliennes, ainsi que sur les bureaux de nos mairies et même de notre Assemblée ! Ce n'est pas convenable, non plus que le pompage de 250 millions sur les agences de bassin pour assurer des investissements qui sont de la responsabilité de l'Etat. Les réflexes prédateurs de Bercy sont toujours là !

M. Michel Bouvard - Ce sont les shadoks de Bercy ! (Sourires)

M. Jean-Jacques Jegou - Il se pose, de plus, un sérieux problème de démantèlement du budget de l'État, tant les tours de passe-passe sont nombreux. Il n'était que de voir l'embarras manifesté par deux ministres entendus successivement, le même jour, en commission, Mme Aubry et M. Sautter, qui se sont constamment renvoyé la balle. Triste journée pour nous, qui sommes restés sur notre faim !

Reste que le budget de l'Etat se vide peu à peu, avec le transfert de recettes et de dépenses vers la sécurité sociale, à telle enseigne que l'on ne sait plus si c'est l'Etat qui abandonne ses prérogatives à la sécurité sociale ou si c'est cette dernière qui s'étatise. L'examen de comptes consolidés devient nécessaire, ne serait-ce que pour estimer valablement le taux des prélèvements obligatoires, notion dont on comprend mieux pourquoi vous vous employez à distiller l'idée de sa relativité... En vérité, le transfert des allégements de charges fait de la loi de financement de la Sécurité sociale un instrument souple et pratique de gestion des finances publiques, à la discrétion de l'Etat, lequel peut ainsi afficher une stabilisation en trompe-l'_il de ses dépenses. En 2000, trois nouveaux fonds alimentés par les régimes sociaux vous permettront de débudgétiser 71,5 milliards de dépenses.

Avec l'UNEDIC, nous sommes en plein psychodrame, et ce qui s'est passé aujourd'hui ne fait que justifier encore plus le renvoi en commission. La menace d'une coalition des syndicats et du patronat a eu raison de Mme Aubry, qui ne nous a pas expliqué pour autant, cet après-midi, comment elle financerait sa politique. J'en suis désolé pour mon ami Charles de Courson, privé du « don gratuit » dont il a si brillamment parlé hier...

M. Jean-Pierre Brard - Il y en a au moins un qui a compris !

M. Jean-Jacques Jegou - On comprend mieux l'inquiétude manifestée par notre excellent collègue Cahuzac, qui a fait adopter lundi soir un amendement prévoyant dans tous les cas un budget équilibré sans définir cependant l'origine des recettes, de sorte que notre non moins excellent président Bonrepaux s'est engouffré dans la brèche en remettant sur le tapis, par un sous-amendement, la taxation des entreprises à la valeur ajoutée, pourtant écartée par le Gouvernement. Pouvez-vous nous assurer que ce ne sont pas, une nouvelle fois, les entreprises et les ménages qui paieront ?

Devinette : qu'est-ce qui coûtera 105 milliards et qui ne figure pas dans le budget de l'Etat ? Les trois fonds et le budget de la Sécurité sociale nous apportent la réponse. Vous me direz que les allégements de charge ne sont pas des dépenses supplémentaires, mais ce n'est pas parce que vous retirez la ristourne Juppé du titre IV du budget de l'emploi et de la solidarité que ce n'est plus une dépense. Nous nous retournons donc vers Mme Aubry pour lui poser la même question : pourquoi ne pas financer plutôt ces aides structurelles par une baisse des dépenses publiques ? Ne serait-il pas même de meilleure politique de remplacer la ristourne par une franchise à due concurrence ?

Quant aux dépenses, elles n'augmentent pas de 0,9 %, mais bien de plus de 3 %, et c'est d'ailleurs la pierre angulaire de notre désaccord. Prenons l'exemple des rémunérations, pensions et charges des fonctionnaires de l'Etat, qui augmentent de 20 milliards. Nous ne pouvons continuer ainsi : ces crédits représentent 40,6 % des dépenses, mais aussi, et surtout, 46,7 % des recettes ! Il ne s'agit pas de taper sur les fonctionnaires ni d'appeler à diminuer les impôts en diminuant les services publics, mais de rendre ceux-ci plus efficaces, comme nous le faisons dans nos collectivités avec des budgets de fonctionnement gelés. Vous qui êtes élu de Sarcelles, Monsieur le Ministre, vous savez que l'on peut présenter un budget en équilibre à condition d'exercer un contrôle rigoureux sur les dépenses ; ce n'est malheureusement pas ce que vous faites pour l'Etat, mais il est vrai que l'effort est moins impératif, le déficit étant autorisé. C'est pourquoi le maire et chef d'entreprise que je suis milite pour l'équilibre budgétaire. Des économies seraient d'autant plus faciles à faire que l'inflation a disparu, bien qu'on la fasse survivre par commodité.

La CNRACL mérite un développement particulier. Ce régime spécial part à la dérive parce que compensé et surcompensé, sous tous les gouvernements d'ailleurs. 2 milliards seront nécessaires pour l'équilibrer l'an prochain, 6 en 2001. Chacun de nos concitoyens paiera deux fois, comme contribuable local et comme contribuable national : ce n'est plus le double dividende, c'est le double hold-up. La volonté manque de remettre à plat l'ensemble des régimes spéciaux, mais de cela nous ne discutons pas, non plus que des 300 milliards, au bas mot, d'endettement cumulé de Réseau ferré de France, de Charbonnages de France, du Crédit lyonnais, et j'en passe. Leurs dettes ne sont pas comptabilisées avec celles de l'Etat, mais elles ne sauraient tarder à devenir « maastrichtables » (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste)

M. Jean-Pierre Brard - C'est digne de l'Académie française !

M. Jean-Jacques Jegou - Il ne s'agit pas ici de désigner des responsables : nous le sommes tous, car nous sommes tous comptables de la gestion du pays, mais certains le sont plus que d'autres : en 1981, M. Mitterrand avait eu la main lourde en imposant 8 000 embauches aux Charbonnages de France.

M. Yves Deniaud - Ils ne savent plus qui c'est ! (Protestations sur les bancs du groupe socialiste)

M. Jean-Jacques Jegou - Avec 4 600 milliards de dettes plus 300 de dettes « maastrichtables » et 215 milliards de déficits, serait-il indécent de discuter du « magot fiscal » ? A votre place, je sais ce que je ferais...

M. Jean-Pierre Brard - Ministrable !

M. Jean-Jacques Jegou - Le point noir de votre budget, c'est bien le déficit. Certes, il continue à baisser, mais bien timidement : 21 milliards quand on connaît le niveau des recettes attendues cette année, c'est très insuffisant. C'est moins que ce qu'avait fait l'ancienne majorité, alors que l'économie stagnait pourtant désespérément.

Laurent Fabius vous a également reproché de «sous-dimensionner» les prévisions de recettes fiscales, ce qui vous permet d'éviter le débat. La majorité n'a pas de politique en la matière parce que les pistes sont diverses et que la majorité plurielle est en plein débat. Il serait souhaitable de trancher sans céder à l'idéologie. Mais voilà... Robert veille ! (Exclamations sur les bancs du groupe communiste) C'est fort dommage et autant de temps perdu pour les Français.

Finalement, vous vous contentez de prendre une petite part du supplément de rentrées fiscales pour baisser le déficit. Cette baisse du déficit par des moyens conjoncturels n'empêchera pas le retour de la spirale infernale si la croissance s'atténue. Il faudrait plutôt examiner de près les dépenses de fonctionnement et faire de vraies réformes. De la sorte, non seulement vous arriveriez à un équilibre, mais en cas de rechute de la croissance, vous vous prémuniriez contre les déficits.

S'agissant des prélèvements obligatoires, il faut déjà constater que les prévisions du programme de stabilité n'ont pas été respectées puisqu'ils représentaient en 1998 46,1 % du PIB au lieu des 45,9 prévus et 46,4 % en 1999, au lieu de 45,7 %. Vous l'avez reconnu vous-même, Monsieur le ministre, dans un grand élan d'honnêteté.

Certes, vous supprimez des tas de petits impôts et c'est très bien. Mais plus en termes de simplification administrative, que d'allégement de la fiscalité. Car tout le monde ne joue pas aux boules ou aux quilles ! Et combien de nouveaux impôts avez-vous créé en contrepartie ?

Vous arrivez sur ce sujet à berner une partie de votre majorité -qui n'est d'ailleurs pas là ce soir. La TGAP a été créée pour lutter contre la pollution et chiffrée à 2 milliards en 1999 : c'était l'an I de la fiscalité écologique. Mais quand elle prend les proportions que vous prévoyez -12,5 milliards de francs en 2001- et qu'elle sert à financer les 35 heures, et plus du tout la qualité de l'environnement, je me demande vraiment où sont passés les Verts ! En vérité, l'an II de la fiscalité écologique est un véritable champ de ruines pour l'environnement. On taxe les entreprises pour les subventionner un peu plus avec les 35 heures. Et certains osent encore dire que vous avez changé depuis le début des années 80...

La nouvelle contribution sociale sur les bénéfices des sociétés sera, elle aussi, amenée à monter en puissance. D'ailleurs, la séance de commission de lundi soir nous a bien éclairés sur ce point et le président Bonrepaux a été à ce sujet d'une simplicité biblique : on ponctionnera sur les entreprises tout l'argent possible. Beau programme, vraiment !

Quant aux familles, elles ont subi depuis l'an dernier près de 4 milliards de ponction supplémentaire. Le Gouvernement essaie bien de nous convaincre que l'indice «prélèvement obligatoire» a pris un coup de vieux mais je ne suis pas sûr qu'il arrive à convaincre quiconque. Comme l'a dit M. Auberger, il est plus facile de casser le thermomètre que de trouver le remède !

Soyons honnête : il y avait une disposition intéressante dans le projet de loi de finances, l'article 10, mais une partie a disparu en commission. Je veux parler des BSPCE. La mesure proposée par

le Gouvernement était certes limitée, mais elle allait dans le bon sens, parce qu'elle élargissait les BSPCE à de nouvelles activités tout en les pérennisant. A la place, la commission a adopté un amendement du président Bonrepaux taxant les bénéfices réalisés sur les stock-options. Nous ne proposons pas, contrairement à ce que certains ont dit, d'élargir les stock-options, tout en les exonérant, mais nous voulons simplement faciliter la création d'entreprises et d'emplois, et ce dans tous les domaines possibles d'activités. Si, en plus, les Français peuvent se constituer une épargne active, le résultat sera atteint, et il sera triple : de nouvelles entreprises verront le jour grâce à de nouveaux capitaux ; des emplois seront créés ; et la croissance sera soutenue de façon saine, et non par des subventions d'État.

Mais je comprends bien que de telles mesures soient difficiles à prendre avec la majorité quelque peu hétéroclite que vous avez.

En conclusion, Monsieur le ministre, ce budget a un air de rendez-vous manqué. Opacité, manque de sincérité, et absence de réforme, qu'il s'agisse du fonctionnement de l'État ou plus globalement de l'avenir des Français.

C'est pour toutes ces raisons, et également parce que notre commission des finances n'a pas suffisamment travaillé puisqu'elle n'a apporté aucune amélioration à ce projet qui n'aborde aucun problème de fond, que le groupe UDF vous demande de voter pour le renvoi de ce texte en commission (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF, du groupe du RPR et du groupe DL).

M. Christian Sautter, secrétaire d'État au budget - M. Jegou s'est d'abord attaqué non au Gouvernement mais à la commission des finances, mais je n'ai pas reconnu celle-ci dans la description sectaire qu'il a faite de son président, de son rapporteur général et de ses membres.

Il a aussi évoqué la mission d'évaluation et de contrôle. Je répète donc que celle-ci a bien travaillé et qu'elle est écoutée par le Gouvernement.

Il est vrai, Monsieur Jegou, que les moyens de la police augmentent, tant en crédits de fonctionnement que d'investissement car il nous faut construire des commissariats dans les zones sensibles et moderniser les véhicules ainsi que les transmissions. Mais un effort important de redéploiement des effectifs et des crédits est en même temps consenti. Et vous voudrez bien voir là une trace des réflexions de la MEC.

Nous la suivons également quand elle souligne les besoins d'évaluation, de concurrence et de transparence en ce qui concerne les autoroutes.

Vous avez critiqué l'AFPA. De même que l'État a passé avec l'ANPE un contrat pluriannuel qui donne à celle-ci des moyens supplémentaires, notamment en vue d'entretiens avec des chômeurs de longue durée, de même une négociation est en cours avec l'AFPA concernant ses objectifs et ses moyens.

Le Gouvernement a par ailleurs entendu la critique de la MEC concernant le crédit d'impôt sur l'emploi.

M. Jegou a ensuite évoqué les aléas de la croissance américaine. C'est bien parce que nous voulons nous montrer prudents que nous avons retenu une fourchette entre 2,6 et 3 %, alors que la plupart des économistes prévoient une croissance nettement supérieure à 2,8 %.

M. Jegou ne trouve pas ce budget lisible et ne veut pas croire qu'il stabilise la dépense publique, c'est son droit. Je le renvoie donc au passé. En 1997, 1998 et 1999, nous avons respecté nos engagements. Il en sera de même pour celui que nous prenons pour l'an 2000.

S'agissant des relations complexes entre l'État et la Sécurité sociale, M. Jegou a ironisé sur les deux séances successives de la commission des finances du 30 septembre. Je rappelle que si le budget de l'État était alors connu, le projet de loi de financement de la Sécurité sociale n'avait pas encore été adopté par le conseil des ministres. Le principe du transfert de la TGAP était certes acquis, mais le détail de cette taxe n'était alors

pas arrêté. Il n'y avait nulle divergence entre Mme Aubry et moi (Exclamations sur les bancs du groupe UDF et du groupe du RPR), simplement je ne pouvais pas vous parler d'une taxe qui n'avait pas encore été définie. Aujourd'hui, elle l'est, minutieusement, et je me tiens à la disposition de l'Assemblée pour en débattre.

M. Jegou parle du Fonds de compensation des baisses des cotisations patronales comme si ce fonds prélevait sur les entreprises des sommes qui ne devaient pas ensuite être redistribuées. Mais en réalité, ce qui sera prélevé via la TGAP ou la contribution sur les bénéfices sera intégralement redistribué aux entreprises. Le fonds permet aussi de bien isoler tous les allégements de charge, ce dont M. Jegou, fervent adepte de la comptabilité analytique devrait se réjouir.

Il se plaint de ne pas pouvoir rapprocher clairement les comptes de l'Etat et de la Sécurité sociale. Je le renvoie au rapport économique et financier qui, très bien fait, fournit toutes les informations utiles sur l'ensemble des finances publiques -Etat, Sécurité sociale, collectivités locales. Je le renvoie aussi à l'excellent rapport de M. Migaud et au débat d'orientation budgétaire du printemps dernier qui, théoriquement, portait lui aussi sur l'ensemble des finances publiques. Peut-être avez-vous raté l'occasion de poser le problème dans son ensemble. J'espère que dans les débats que nous allons avoir sur le projet de loi de finances et sur le projet de loi de financement de la Sécurité sociale, puis dans le prochain débat d'orientation budgétaire et à la suite des propositions que le rapporteur général s'est engagé à faire, l'éclaircissement des rapports entre ces deux budgets progressera.

Vous avez évoqué la maîtrise de la dépense avec plus d'ironie que de profondeur. Je vous rappelle qu'un tiers des budgets que vous allez examiner sont désormais dotés d'indicateurs de performance, conformément aux v_ux de la mission d'évaluation et de contrôle ; cela permettra à la représentation nationale de comparer les moyens consacrés à une politique aux résultats qui en sont attendus ou obtenus. Par ailleurs, contrairement à vos affirmations, nous faisons des efforts de redéploiement : par un examen des crédits au franc le franc, 7 milliards sont repris sur les crédits de fonctionnement, 19 milliards sur les crédits d'intervention économique, 4 milliards sur les crédits d'intervention sociale, soit au total 30 milliards.

Quant au solde structurel des administrations publiques, qui était de 2,4 % en 1997, il descend à 1,2 % dans notre prévision pour 2000. Dans le même temps, le solde conjoncturel passe de 1,4 %

à 0,5 %. Nous faisons donc, contrairement à ce que vous dites, un gros effort pour améliorer la structure de la dépense publique, en cherchant à dépenser mieux.

Enfin, la taxe générale sur les activités polluantes est un impôt qui progresse et qui continuera à progresser. Le transfert de son produit à la Sécurité sociale ne nuit pas au budget de l'environnement, qui progresse de 8 %, de même que celui de l'ADEME.

M. Jean-Jacques Jegou - Nous en reparlerons.

M. le Secrétaire d'Etat - Vous avez terminé votre intervention par un feu d'artifice coloré, mais il n'aura pas suffi à nous convaincre. Aussi je demande à l'Assemblée de rejeter votre motion de renvoi en commission (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

M. Didier Migaud, rapporteur général de la commission des finances - La défense d'une motion de procédure conduit toujours à grossir le trait mais, Monsieur Jegou, vous ne nous aviez pas habitués jusqu'à présent à tant de caricature.

La commission des finances a bien travaillé : elle a tenu plusieurs réunions , auditionné les ministres à plusieurs reprises, examiné près de 500 amendements, pour en adopter près de 60.

S'agissant des travaux de la mission d'évaluation et de contrôle, le bilan est meilleur que celui que vous avez présenté ; vous devriez d'ailleurs en être plus fier, car il est en partie le vôtre. Bien sûr, nous avons une marge de progression. Vous avez souligné un ou deux points sur lesquels la mission n'a pas encore obtenu satisfaction ; je suis certain que la poursuite du dialogue avec le Gouvernement nous permettra de progresser.

Parmi les très nombreuses questions que vous avez posées, il en est très peu auxquelles nous n'ayons pas déjà répondu. Je ne répéterai donc pas les arguments qui ont déjà été exposés et, ne voyant pas l'intérêt d'une nouvelle réunion de la commission des finances, j'invite l'Assemblée à rejeter cette motion de renvoi (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

M. Michel Bouvard - La demande de renvoi en commission est justifiée pour au moins deux raisons.

La première concerne la coordination entre le PLF et le PLFSS : chacun a conscience de l'insuffisance des éléments dont nous disposons pour avoir une vision d'ensemble et pour évaluer les conséquences de certaines mesures figurant dans le PLFSS sur l'économie générale -en particulier l'incidence de l'écotaxe sur la vie des entreprises.

Cet après-midi, on nous a annoncé le renoncement au prélèvement sur l'UNEDIC ; à l'heure qu'il est, nous ne savons pas comment ce manque de recettes sera compensé. C'est dire que nous sommes loin de disposer des informations nécessaires.

Je rejoins également les observations de Jean-Jacques Jegou sur la MEC. Je suis très heureux, Monsieur le ministre, de vous entendre dire qu'elle a bien travaillé, mais à l'évidence il reste, comme l'a dit le rapporteur général, des marges de progression... Certaines mesures inscrites dans le projet de loi de finances vont à l'encontre des recommandations de la MEC, notamment celle concernant la taxe autoroutière ; cela aurait mérité au moins une explication. Tant mieux si le Gouvernement tient davantage compte de nos recommandations les années suivantes, mais pourquoi ne le ferait-il pas cette année ?

Il ne serait donc pas inutile que la commission se réunisse à nouveau. Une preuve supplémentaire nous a été apportée par l'examen que nous avons dû faire tout à l'heure, dans le cadre de l'article 91, d'amendements du Gouvernement, faisant suite aux observations de Gilles Carrez hier et destinés à éviter la censure du Conseil constitutionnel.

Pour l'ensemble de ces raisons, le groupe RPR votera la motion de renvoi en commission (Applaudissements sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL).

M. Jean-Pierre Brard - Je ne sais pas si Robert veille, mais Jean-Jacques ne réveille pas... (Sourires)

J'ajoute que si je n'ai pas beaucoup participé aux travaux de la MEC, c'est que je travaillais sur la fraude, pour corriger les turpitudes des gouvernements qu'il a soutenus.

L'exercice de rhétorique auquel il s'est livré a été un peu laborieux. En l'écoutant, je pensais à Prokofiev et je l'imaginais sous les traits de Pierre, dans Pierre et le Loup, gambadant d'un sujet à un autre... Il nous a menés de l'amiante à la CNRACL, en passant par la CMU, l'UNEDIC, nous proposant même une devinette sur le budget de la Sécurité sociale, pour finir sur les rails de RFF... Nous étions loin de notre sujet.

Sur le plan politique, on peut noter l'aigreur que provoque la reconnaissance de la coopération qui est à l'_uvre dans la majorité plurielle. Sans doute cela réveille-t-il le souvenir du temps où l'autre majorité était tenue d'avoir le petit doigt sur la couture du pantalon...

Notre collègue Jegou a une bête noire : l'AFPA... Tous les salariés ont une bête noire : notre collègue Jegou. Ne sont-ils pas appelés à corriger les effets d'une politique qu'il a soutenue, en jetant sur le pavé des milliers de salariés auxquels il fallait donner une formation ?

On ne cesse de nous resservir l'antienne selon laquelle il faudrait réduire les dépenses publiques, mais l'on se garde bien de nous dire lesquelles ! Faut-il réduire le nombre d'instituteurs, de gardiens de prisons, de gardiens de musées, de médecins scolaires...

M. Jean-Jacques Jegou - Vous oubliez les infirmières !

M. Jean-Pierre Brard - On sent bien, dans l'intervention de notre collègue, le dépit de celui qui saurait quoi faire du magot si, ce qui est improbable, les Français le rappelaient aux affaires...

M. Jean-Jacques Jegou - Ne jurez de rien !

M. Jean-Pierre Brard - Dans l'intervalle, vous tentez de ridiculiser les réductions d'impôts décidées par le Gouvernement, en oubliant les plus significatives, telle que la suppression du droit d'examen, sur laquelle vous vous taisez car, symbole de l'égalité républicaine, elle vous est désagréable.

Sur un tout autre plan vous ne craignez pas de parler d'une majorité « hétéroclite », ce qui vous permet d'oublier un court instant le délabrement de l'opposition.

Un député RPR - Au moins n'ont-ils jamais manifesté les uns contre les autres !

M. Jean-Pierre Brard - Que vous ne soyez pas d'accord avec les orientations retenues c'est votre droit, mais cela ne vous autorise pas à dire que la commission n'a pas travaillé. Vos critiques à l'égard de la MEC sont à ce point excessives qu'elles contraignent à rappeler l'adage selon lequel «on ne jette pas de pierre à l'arbre qui ne porte pas de fruits». Vos propos chaotiques et incohérents ne visent qu'à dissimuler la vanité de votre pensée et l'absence de toute proposition solide.

Un seul orateur a, dans votre camp, pris une position claire : François Guillaume pour défendre les riches !

Notre collègue Jegou n'a pas tenu des propos tels qu'il a pu nous convaincre du bien-fondé d'un renvoi du texte en commission. Nous ne voterons donc pas cette motion (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste et du groupe socialiste).

M. Germain Gengenwin - Ce qui est dit dans la Bible est que l'arbre qui ne porte pas de fruits est coupé, Monsieur Brard...

Je ne reprendrai pas, au nom du groupe UDF, les arguments excellemment exposés par mon collègue Jegou sur la débudgétisation de nombreuses dépenses. Je m'attarderai, en revanche, sur ce que nous a dit, hier, le ministre de l'éducation nationale qui nous fournit un argument de poids. Après que la loi sur la recherche et l'innovation que nous avons votée a été adoptée, 800 projets ont déjà été sélectionnés. Comment seraient-ils financés si les velléités de suppression de l'article 10 qui s'expriment au sein de la majorité se traduisent dans les faits ? Adopter cette proposition serait une très grave erreur, aussi grave que les dispositions que vous entendez mettre en _uvre dans les articles 25, 26 et 31. Est-il acceptable de prétendre supprimer les frais de mission d'ingénierie alloués aux agents de l'équipement ? Est-il admissible de réduire à 0,325 % le si mal nommé «1 % logement» ? Est-il raisonnable de créer plusieurs fonds nationaux pour l'eau ?

Encore ne parlerai-je pas de l'article 70 de votre projet, par lequel vous entendez ponctionner les fonds affectés à la formation, puisque nous n'en sommes pas au débat sur cette partie du texte.

Je constate toutefois qu'en transférant 8 milliards de la branche « accidents du travail » au budget, vous augmentez une fois de plus les charges des entreprises au lieu de les réduire.

Tout cela justifie amplement le renvoi du texte en commission, et le groupe UDF votera la motion.

La motion de renvoi en commission, mise aux voix, n'est pas adoptée.

La suite du débat est renvoyée à la prochaine séance, qui aura lieu ce matin, jeudi 21 octobre, à 9 heures 15.

La séance est levée à 1 heure 10.

                      Le Directeur du service
                      des comptes rendus analytiques,

                      Jacques BOUFFIER


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