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Session ordinaire de 1999-2000 - 14ème jour de séance, 36ème séance

3ÈME SÉANCE DU MERCREDI 27 OCTOBRE 1999

PRÉSIDENCE DE M. Yves COCHET

vice-président

Sommaire

          MODIFICATION DE L'ORDRE DU JOUR PRIORITAIRE 2

          RAPPEL AU RÈGLEMENT 2

          FINANCEMENT DE LA SÉCURITÉ SOCIALE
          POUR 2000 (suite) 2

          AVANT L'ART. 2 2

          ART. 2 11

La séance est ouverte à vingt et une heures.

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MODIFICATION DE L'ORDRE DU JOUR PRIORITAIRE

M. le Président - J'ai reçu de M. le ministre des relations avec le Parlement une lettre par laquelle il me fait connaître qu'en application de l'article 48 de la Constitution, le Gouvernement fixe ainsi l'ordre du jour du vendredi 5 novembre : le matin, l'après-midi et le soir :

      _ suite du projet de loi de finances pour 2000 (deuxième partie) :

          · culture,

      _ projet de loi modifiant le code général des collectivités territoriales et relatif à la prise en compte du recensement général de population de 1999 pour la répartition des dotations de l'Etat aux collectivités locales,

      _ suite du projet de loi de finances pour 2000 (deuxième partie) :

          · intérieur.

L'ordre du jour prioritaire est ainsi modifié.

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RAPPEL AU RÈGLEMENT

M. Jean-Luc Préel - Mon rappel au Règlement se fonde sur son article 91. J'élève la protestation la plus ferme sur le report de l'article premier du projet de loi de financement de la Sécurité sociale en fin de discussion, alors que cet article traite des mesures de santé publique que le Gouvernement pourrait présenter.

Tous les reproches faits à l'ONDAM tiennent à ce que le dispositif est essentiellement comptable, puisqu'il s'agit d'un taux défini en fonction de ce qu'il était pendant l'exercice précédent, sans que soit tenu compte des besoins réels de la population.

Le Gouvernement, qui n'a pas de véritable politique de santé publique et, en particulier, aucune politique de prévention, définit d'abord une enveloppe financière et décide d'y adapter la politique de santé du pays. C'est là ce que l'on qualifie d'approche comptable de la santé. Au nom du groupe UDF, je proteste donc, avec une calme véhémence, contre ce report.

M. Claude Evin - Mais cela a toujours été fait ainsi !

M. le Président - Cette pratique, prévue dans notre Règlement, est traditionnelle.

M. Jean-Luc Préel - Rien n'interdit de modifier les mauvaises habitudes !

FINANCEMENT DE LA SÉCURITÉ SOCIALE POUR 2000 (suite)

L'ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi de financement de la Sécurité sociale pour 2000.

AVANT L'ART. 2

M. Charles de Courson - Le Parlement a décidé en 1998 que les personnes qui dirigent une exploitation agricole dont l'importance est moindre que celle définie au I de l'article 1003-7-1 du code rural et supérieure à un minimum fixé par décret, seraient exonérés du paiement de la CRDS et de la CSG. Mais nous avons omis de les exempter de la cotisation de solidarité, si bien que certains d'entre eux ont vu leurs prélèvements augmenter dans des proportions considérables. En outre, cette cotisation avait un sens aussi longtemps que la CSG n'existait pas -mais maintenant ?

L'amendement 496 vise à ce que l'Assemblée tire les conséquences de la décision qu'elle a prise l'année dernière, et abroge, pour cela, les VI et VII de l'article 1003-7-1 du code rural. Il n'aura plus de raison d'être si le Gouvernement se dit disposé à baisser de 17 à 7 % le taux de cette cotisation, le ramenant ainsi au niveau de celui de la CSG.

M. Alfred Recours, rapporteur de la commission des affaires culturelles pour les recettes et l'équilibre général - Il s'agit d'un point intéressant de fiscalité agricole, et j'ai moi-même déposé un amendement relatif au report de la CSG en cas d'exercices déficitaires des exploitations agricoles. Toutefois, nos collègues Marre et Cahuzac doivent remettre, bientôt, un rapport sur la fiscalité agricole et il serait bon d'attendre ses conclusions pour débattre de ces dispositions.

M. Jérôme Cahuzac, rapporteur pour avis au nom de la commission des finances - Autant il paraîtrait légitime de réduire le taux de la cotisation de solidarité s'il était de droit commun, autant cette réduction ne s'impose pas en l'espèce, puisque ce n'est pas le cas. Dans ces conditions, la baisse de 2 % déjà intervenue paraît suffisante.

Par ailleurs, l'amendement propose la suppression des VI et VII de l'article 1003-7-1 du code rural. Or, si le VI concerne effectivement les exploitants agricoles, le VII concerne les associés de sociétés de personnes non affiliés au régime des personnes non salariées des professions agricoles. Je ne doute pas que la proposition soit pertinente pour certains d'entre eux mais, dans d'autres cas, elle organise l'évasion fiscale. Il convient donc de s'interroger sur la cohérence du système, les sommes en jeu étant très faibles.

Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité - Avis défavorable.

M. Charles de Courson - Sur le premier point, M. Cahuzac m'a semblé favorable à une réduction du taux de dix points plutôt que de deux... Je lui rappelle qu'il ne s'agit pas d'une cotisation de droit commun simplement parce qu'il n'y a pas de contrepartie.

Sur le second point, il est vrai qu'il y a beaucoup de fraude.

M. Cahuzac m'ayant semblé ouvert sur ces sujets, je retire l'amendement 436.

M. Alfred Recours, rapporteur - Les Français ont été choqués par le montant des sommes perçues par certains sous forme d'indemnité de fin de contrat et surtout, par le fait, qu'elles sont exonérées d'impôt et de cotisations sociales. C'est pour mettre fin à cette anomalie que l'Assemblée a adopté lors de l'examen de la première partie du budget, un amendement prévoyant la taxation de ces indemnités. Il nous est apparu équitable de les soumettre aussi aux cotisations sociales. Tel était donc l'objet de l'amendement 677 que je retire toutefois au profit du 753 de M. Cahuzac, plus cohérent avec le texte déjà voté.

M. Jérôme Cahuzac, rapporteur pour avis - C'est en effet pour transposer en matière de cotisations sociales la disposition adoptée en matière fiscale à l'initiative de M. Hollande et connue sous le nom d'amendement Jaffré, bien que sa portée soit plus large, l'amendement 753 tend à soumettre les indemnités de rupture entre une société et l'un des ses mandataires sociaux aux cotisations sociales.

Mme la Ministre - Le Gouvernement est tout à fait favorable à cet amendement qui aligne l'assiette des cotisations sociales pour les indemnités de rupture de contrat de travail sur l'assiette fiscale, dans les mêmes conditions que l'amendement Hollande. Ainsi évitera-t-on des abus.

M. François Goulard - Contre l'amendement. Il me semble qu'une fois de plus le monde politique réagit à l'excès aux fièvres médiatiques...

M. Gérard Bapt - Ce ne fut jamais votre cas...

M. François Goulard - Le législateur ferait mieux de prendre du recul pour se donner le temps de la réflexion.

Il s'agit ici du président d'une ancienne société nationale, donc nommé alors par la puissance publique...

Par ailleurs, la jurisprudence actuelle, tant en matière d'imposition que de cotisations sociales, laisse le juge apprécier le caractère véritablement indemnitaire des versements opérés à l'occasion du départ d'un mandataire social, d'un dirigeant, voire d'un salarié de droit commun. Ce contrôle me paraît suffisant.

Enfin, lorsqu'il s'agit véritablement d'indemniser un préjudice (Exclamations sur les bancs du groupe communiste), il semble normal que les indemnités ne soient ni imposées, ni assujetties aux cotisations sociales.

Notre groupe votera donc contre cet amendement comme il a voté contre celui, d'inspiration identique, qui avait été déposé lors de l'examen de la première partie.

M. Charles de Courson - J'aimerais savoir si cette disposition s'appliquera au 1er janvier 2000 ou, rétroactivement, au 1er janvier 1999. Par ailleurs, les indemnités versées à la suite d'une décision de justice seront-elles concernées ?

M. Maxime Gremetz - Il y a aujourd'hui 28 000 détenteurs de stock-options, pour une plus value potentielle de 45 milliards. C'est pourquoi notre groupe aurait préféré que soit adopté lors de l'examen de la première partie l'amendement Bonrepaux qui taxait tout de suite les stock-options, avant que leurs détenteurs les transforment en magot.

M. Jérôme Cahuzac, rapporteur pour avis - Monsieur de Courson, dès lors que la CSG est prélevée à la source, la disposition proposée ne peut s'appliquer à 1999. Que l'indemnité fasse suite ou non à une décision de justice, il paraît évident que le droit commun s'appliquera. Cela dit, je suis prêt à examiner ce point avec vous avant la dernière lecture.

L'amendement 753, mis aux voix, est adopté.

M. Jérôme Cahuzac, rapporteur pour avis - Certains s'étant émus qu'à la différence du produit de l'impôt sur le revenu, celui de la CSG ne soit pas progressif. Par l'amendement 2, nos collègues Bonrepaux, Migaud et Idiart, proposent donc de jouer sur l'assiette pour instaurer une certaine progressivité.

Cela dit, cet amendement a surtout pour but de rappeler au Gouvernement qu'à l'occasion de la réforme des impôts directs qui sera le grand chantier de l'an prochain, nous souhaitons que la CSG ne soit pas écartée de la réflexion.

M. Alfred Recours, rapporteur - Soucieuse de ne pas anticiper sur le débat de l'an prochain, la commission des affaires culturelles a repoussé l'amendement.

Mme la Ministre - Le Gouvernement est très sensible à tout ce qui peut rendre la fiscalité plus équitable. Il est donc essentiel que cette discussion reprenne dans le cadre de la réflexion générale sur la baisse des impôts directs. Nous travaillerons bien entendu sur l'impôt sur le revenu, sur la CSG, sur la taxe d'habitation avant que le Premier ministre prenne sa décision.

M. Jérôme Cahuzac, rapporteur pour avis - Au bénéfice de cet engagement, je retire l'amendement 2.

M. Germain Gengenwin - Les amendements 488 et 489 concernent l'un la CSG, l'autre la CRDS. Il s'agit d'en exonérer les travailleurs frontaliers. En effet, en vertu du principe de l'unicité de la législation européenne, c'est la législation sociale du pays où l'on travaille qui s'applique, mais les travailleurs frontaliers ont néanmoins été soumis à la CSG de 1991 à 1994 ; le prélèvement a ensuite été suspendu provisoirement.

Voter ces amendements éviterait à la France d'être condamnée par la Cour de justice européenne.

M. Alfred Recours, rapporteur - La Cour de justice des communautés n'ayant pas encore statué, il me paraîtrait plus raisonnable de réexaminer cette question à l'occasion du prochain DMOS. En conséquence, avis défavorable.

Mme la Ministre - Le recouvrement de la CSG sur les salaires des travailleurs frontaliers résidant en France étant suspendu depuis 1994, il n'y a pas de poursuites. Nous avons un contentieux pendant devant la Cour de justice des Communautés ; le Gouvernement tirera toutes les conséquences de la décision qu'elle va prendre dans de très brefs délais. Je demande donc à M. Gengenwin de patienter encore un peu...

M. Germain Gengenwin - Ma patience est sans limite, Madame la ministre ! Mieux vaut, néanmoins, régler le problème en adoptant ces amendements, plutôt que risquer de se faire condamner...

M. Charles de Courson - Tout à l'heure, l'amendement Cahuzac a été adopté ; mais il suffira, tant pour des cadres supérieurs que pour des mandataires sociaux, de passer le contrat sur une filiale étrangère. On se retrouvera dans la même situation... Le vrai problème est le défaut d'harmonisation européenne.

M. François Goulard - Très juste.

L'amendement 488, mis aux voix, n'est pas adopté, non plus que l'amendement 489.

M. Bernard Accoyer - L'amendement 559 est présenté par l'ensemble de l'opposition.

C'est un amendement qui, l'année dernière, a été voté à l'initiative d'Alfred Recours. Une décision inverse a ensuite été prise à l'occasion d'une loi de finances rectificative, mais je ne doute pas qu'Alfred Recours et l'Assemblée confirmeront leur position antérieure. Il s'agit de supprimer la retenue pour frais d'assiette et de perception opérée par les services fiscaux.

M. François Goulard - Pour une fois que l'unanimité s'était faite pour voter une disposition de bon sens, il est particulièrement regrettable que celle-ci n'ait pas résisté à l'insistance déplacée d'une administration, à laquelle, fut-elle des finances, nous devrions montrer que nous ne sommes pas soumis... Ce serait un tout petit geste en faveur de la démocratie !

MM. Jean-Luc Préel et Charles de Courson - L'UDF partage cette opinion !

M. Alfred Recours, rapporteur - L'amendement que j'avais déposé l'année dernière avait en effet été adopté à l'unanimité, et le Sénat avait émis un vote conforme. Une loi de finances rectificative a ensuite balayé ces dispositions...

La particularité, cette année, c'est qu'il s'agit de frais d'assiette et de recouvrement sur la TGAP et la CSB qui ne pourront pas figurer dans la loi de finances rectificative.

M. François Goulard - Raison de plus !

M. Alfred Recours, rapporteur - A titre personnel, je ne peux pas me dédire, mais cet amendement n'a pas été examiné par la commission. Je m'en remets à la sagesse d'une assemblée qui fut un moment unanime sur ce point.

Mme la Ministre - Le Gouvernement n'a pas changé d'avis depuis l'année dernière et l'Assemblée s'honorerait à confirmer le vote final qu'elle avait eu... Il est tout à fait logique qu'un service qui intervient pour percevoir un prélèvement soit rémunéré. Avis défavorable.

L'amendement 559, mis aux voix, est adopté.

M. Jérôme Cahuzac, rapporteur pour avis - L'amendement 3 a pour objet de relever le seuil de mise en recouvrement de la CSG sur les revenus du patrimoine de 160 à 400 F Cela évitera des complications aux retraités non imposables. J'espère que l'opposition nous suivra.

M. Alfred Recours, rapporteur - L'amendement 108 a le même objet.

Mme la Ministre - Avis favorable, d'autant que le seuil de recouvrement sera ainsi le même que pour l'impôt sur le revenu.

M. Charles de Courson - Nous avions longuement débattu, l'an dernier, d'un problème plus large : celui des personnes à faibles revenus dont une partie est constituée de revenus patrimoniaux, lesquels n'en sont pas moins taxés au premier franc. L'amendement que j'avais déposé s'était vu opposer son coût. Ceux dont nous discutons achoppent sur une difficulté technique : comment l'appliquer lorsque les revenus du patrimoine ont plusieurs origines ? Je proposerai, tout à l'heure, de résoudre cette difficulté en procédant au remboursement a posteriori.

M. Alfred Recours, rapporteur - La règle est simple : c'est la même que pour l'impôt sur le revenu.

M. Jean-Luc Préel - Nous avions bien compris, mais cela ne règle pas le problème.

M. le Président - Le Gouvernement lève-t-il le gage ?

Mme la Ministre - Oui, finalement... (Sourires)

Les amendements 3 et 108, mis aux voix, sont adoptés.

M. Maxime Gremetz - Le recouvrement des dettes patronales est comme l'Arlésienne de Daudet : on en parle toujours, on ne le voit jamais ! Sur quelque 100 milliards de dettes non recouvrées, une quarantaine sont pourtant recouvrables, et il n'y aurait rien que de normal à ce que chacun paie à la sécurité sociale ce qu'il lui doit, qu'il s'agisse d'un patron privé ou de l'Etat-patron. Notre amendement 109 rectifié est somme toute modéré : nous ne proposons pas de mettre en _uvre des moyens expéditifs, mais de créer un fonds de mutualisation des dettes patronales, afin que cessent de s'accumuler des impayés qui font défaut au développement de l'économie et de la société.

M. Alfred Recours, rapporteur - J'avais manifesté en commission, laquelle l'a d'ailleurs accepté, une certaine sympathie pour cet amendement, sous réserve, cependant, d'un examen technique plus approfondi. Pour la seule année 1998, le montant des sommes qui n'ont pu être recouvrées s'élève à 15 milliards, soit le double de ce sur quoi porte notre débat relatif au fonds d'allégement des charges sociales ! Reste qu'une grande partie des 92 milliards de dettes accumulées sont irrécouvrables, pour la simple raison que les entreprises débitrices n'existent plus. Par ailleurs, j'appelle l'attention de M. Gremetz sur le fait que la cotisation mutualisée qu'il préconise est assise sur la masse salariale, que nous étions convenus de ne pas taxer davantage. Je lui suggère donc de retirer son amendement, afin que nous réabordions la question ultérieurement.

M. Gérard Bapt - Ce serait sage !

M. Maxime Gremetz - S'il s'agit d'élaborer ensemble, d'ici la seconde lecture, un autre amendement qui irait dans le même sens tout en évitant les effets pervers que vous prêtez à celui-ci, je puis l'envisager, mais si vous me proposez simplement d'en rediscuter plus tard, c'est trop vague pour que je retire mon amendement.

Mme la Ministre - Il faut savoir que le taux de non-versement spontané va en diminuant : 1,93 % en 1996, 1,24 % en 1998, et même 0,72 % après intervention des URSSAF -que je félicite au passage pour leur efficacité. Le système proposé par M. Gremetz ne me satisfait pas, car la nouvelle cotisation sur laquelle il repose tend à renchérir le coût du travail et, surtout, à favoriser les mauvais payeurs au détriment des bons. Je souhaite donc que l'amendement soit retiré.

M. Charles de Courson - Cet amendement est le type même de la fausse bonne idée. Le taux de non-recouvrement des cotisations URSSAF est l'un des plus faibles de tout notre système de prélèvements, et je crois qu'il serait très difficile d'aller au-delà. Il est bien inférieur, en particulier, à celui de l'impôt sur le revenu, qui frôle les 5 % -pour ne pas parler de la Corse, où il atteint 20 %... Quelles seraient les conséquences, mon cher Maxime (Sourires), de la mesure que vous prônez : tout simplement de pénaliser ceux qui paient rubis sur l'ongle. Ce n'est pas l'idée que je me fais de la justice.

M. François Goulard - Je comprends que l'on défende le point de vue des organismes chargés du recouvrement, mais il ne faut pas négliger celui des entreprises assujetties, dont les charges seraient aggravées par une cotisation supplémentaire, ni oublier que l'URSSAF a parfois la main lourde. Nombre d'entreprises sont mortes de s'être vu couper tout accès au crédit parce qu'elle avait inscrit ses créances en première ligne !

L'amendement 109 rectifié, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. François Goulard - Les amendements identiques 560 et 593 proposent l'exonération totale des charges sociales au bénéfice des personnes qui emploient des aides à domicile, si ces personnes ont plus de 75 ans.

Ce serait conforme à la qualité de vie de ces personnes ; mais leur maintien à domicile est en outre dans l'intérêt de la collectivité, qui éviterait de financer de coûteuses structures d'accueil.

Pour le cas où l'Assemblée n'aurait pas la sagesse de les adopter, nous proposons un amendement 592 de repli qui institue cette exonération pour les personnes de plus de 75 ans atteintes d'une affection longue et coûteuse au sens du code de la Sécurité sociale.

M. Alfred Recours, rapporteur - Ces amendements remettent en cause le plafonnement que nous avons adopté l'an dernier. Ainsi, si M. Jaffré avait plus de 75 ans, il pourrait bénéficier de votre proposition... N'oublions pas que les emplois dont il s'agit peuvent aussi donner lieu à déduction fiscale, quand l'employeur paie l'impôt sur le revenu. Je ne vois donc pas l'intérêt de revenir sur le débat que nous avons eu l'an dernier sur ce point : par cohérence avec son travail passé, la commission a émis un avis défavorable.

Mme la Ministre - Même avis.

M. Pascal Terrasse - Le problème de l'aide à domicile est réel et le 23 décembre dernier nous avons voté une exonération de charge pour l'emploi de ces aides. L'amendement de repli faisant référence aux affections longues et coûteuses est intéressant aussi. A cet égard, la PSD vient aujourd'hui en complément de l'aide à domicile.

Par ailleurs, dans le DMOS annoncé par Mme la ministre, je pense que nous devrons prendre en compte certaines maladies de longue durée, notamment la maladie d'Alzheimer. Ce débat, vous l'ouvrez aujourd'hui ; ce n'est pas l'occasion de le clore, mais il faudra le poursuivre.

Les amendements 560 et 593, mis aux voix, ne sont pas adoptés, non plus que l'amendement 592.

Mme Jacqueline Fraysse - Les amendements 75 et 76 tendent à réformer l'assiette des cotisations patronales, pour rééquilibrer les contributions assises respectivement sur les revenus du capital et du travail. Nous proposons donc de moduler le taux de la cotisation pour chaque entreprise selon la variation de sa masse salariale dans la valeur ajoutée globale. Le comité d'entreprise, ou à défaut, les délégués du personnel seraient associés au contrôle de ce ratio. En effet, la part des salaires dans la valeur ajoutée globale a beaucoup diminué depuis la création de la sécurité sociale. Il faut donc élargir l'assiette des cotisations patronales à l'ensemble des richesses produites. Mais, pour favoriser l'emploi, nous proposons de moduler cette cotisation en fonction de la part des salaires dans la valeur ajoutée globale. Cette mesure aurait plusieurs vertus. Elle rapporterait de l'argent aux caisses. Elle favoriserait les entreprises à fort taux de main-d'_uvre ou créatrices d'emploi, et pénaliserait celles qui licencient ou développent le travail précaire ; elle serait donc un frein à la spéculation. Elle permettait, enfin, d'accroître les prélèvements sur les revenus du capital et de les alléger sur ceux du travail. Telle est la démarche que proposent nos deux amendements, l'un pour l'assurance maladie, l'autre pour l'assurance vieillesse.

M. Alfred Recours, rapporteur - Ces amendements ne sont simples, ni dans leur compréhension immédiate, ni dans leur application aux entreprises. Celles-ci auraient in fine des taux tous différents : bonjour la transparence ! J'ai certes défendu la valeur ajoutée comme base pour la réforme des cotisations patronales, mais je précise que les propositions de l'article 2 me conviennent. En effet, dans la valeur ajoutée d'une entreprise figure déjà toute la masse salariale. Les propositions du Gouvernement y ajoutent une taxe sur les activités polluantes, et une contribution sur les bénéfices des entreprises qui réalisent plus de 50 millions de chiffre d'affaires. De la sorte, on se rapproche de la notion de valeur ajoutée comme base. En revanche, une modulation sur les ratios entreprise par entreprise ne peut offrir une perspective. C'est pourquoi la commission est défavorable à ces amendements.

Mme la Ministre - M. Recours a tout dit. Dans le financement des 25 milliards complémentaires d'allégement de charges, le Gouvernement utilise le TGAP et une taxe sur les bénéfices qui vont toucher les entreprises très capitalistiques plus que les autres, ce qui est dans l'esprit de ces amendements qui avancent un ratio masse salariale sur valeur ajoutée. L'objectif est le même : mieux vaut attendre l'examen de l'article 2. Avis défavorable.

M. Gérard Bapt - Ayant remis à l'Office parlementaire d'évaluation des dépenses publiques un rapport sur les aides à l'entreprise, j'envisage avec sympathie l'intention qui inspire les amendements de Mme Fraysse, même si leur rédaction est un peu courte face à l'ampleur du problème. Mme la ministre a indiqué que la cotisation sur les bénéfices se rapproche d'une taxation sur la valeur ajoutée. Au-delà de cet aspect, je crois très possible que ce chantier soit rouvert dans les années qui viennent et que parallèlement la perspective d'une discrimination entreprise par entreprise selon la politique d'emploi de chacune puisse être abordée plus largement que sous l'angle d'une simple cotisation sur l'IS. Je pense notamment à la proposition, avancée après quelques événements sociaux récents qui ont ému l'opinion, d'un système de bonus-malus pour les entreprises selon qu'elles licencient ou non. Or les entreprises qui licencient sont souvent les entreprises de main-d'_uvre, alors que les entreprises hautement capitalisées, qui ont moins l'occasion de licencier, ne subiraient guère cette taxation. Une référence au rapport de la masse salariale à la valeur ajoutée serait plus opérante qu'un système de bonus-malus. Le Gouvernement est d'ailleurs allé dans le sens que nous souhaitons, celui de la prise en compte d'une référence valeur ajoutée dans les prélèvements sociaux sur l'entreprise. Je crois donc comme M. Recours qu'il serait opportun de retirer ces amendements, sachant que nous y reviendrons ces prochaines années.

M. François Goulard - Ce débat démontre une chose : c'est que nos collègues, qui parlent de valeur ajoutée, ne savent pas ce que c'est (Murmures sur les bancs du groupe socialiste et du groupe communiste). C'est une donnée économique, mais aussi comptable. Je fais observer à Mme Fraysse que, dans le cas d'une entreprise qui réduit l'emploi pour sous-traiter, la valeur ajoutée diminuera en même temps que la masse salariale, de sorte que son ratio sera inopérant. Ce que M. Recours a dit des cotisations sociales, désormais assises sur la valeur ajoutée plutôt que sur la masse salariale, est également absurde. La TGAP est un impôt spécifique qui ne frappera que quelques activités particulières ; elle ne changera rien au fait que, dans la grande masse des entreprises, les cotisations restent assises sur la masse salariale -car celle-ci représente la plus grande part de la valeur ajoutée dans la plupart des entreprises. Tous les propos qui viennent d'être tenus sont des propos de circonstance, sans aucune réalité économique ou comptable.

Mme Jacqueline Fraysse - Ainsi je ne connais rien à la valeur ajoutée, mais M. Goulard, qui s'y connaît, a remarqué qu'il ne fallait surtout pas soutenir la démarche que je propose : cela suffit à confirmer que ma représentation de la valeur ajoutée est la bonne... Nous ne sommes pas attachés à un mécanisme particulier. En revanche, je pense comme M. Bapt, qu'il est impératif d'avancer vers une prise en compte de l'ensemble des profits, et là je pense que l'opposition comprend mieux. Nous cherchons un système qui incite à créer des emplois et dissuade des placements spéculatifs. Nous tenons à ce qu'un pas soit accompli dans ce sens. C'est pourquoi je ne retire pas les amendements.

L'amendement 75, mis aux voix, n'est pas adopté, non plus que l'amendement 76.

M. Gérard Bapt - L'amendement 19 et l'amendement 20 qui est de repli, font suite à l'examen par la mission d'évaluation et de contrôle du budget du travail et de l'emploi. Nous avons entendu à cette occasion les représentants du MEDEF et de l'UPA souhaiter des allégements de charges stables et substantiels plutôt que des aides ciblées et temporaires. C'est pourquoi nous avons proposé de réduire de moitié la durée d'exonération pour l'embauche d'un premier salarié. Mais cette proposition a été faite avant que nous connaissions la réforme des charges sur les bas et moyens salaires, que nous allons examiner tout à l'heure, et qui limite la portée de notre amendement 19. Au reste, la commission l'a rejeté et je vais le retirer.

Mme la Ministre - Je vous en remercie.

Les amendements 19 et 20 sont retirés.

M. Maxime Gremetz - Notre amendement 73 va de soi, puisqu'il tend à mettre en _uvre une décision prise par l'Assemblée il y a deux ans. J'avais alors proposé et obtenu que nous abrogions la loi Thomas, puisque tout le monde considérait que les fonds de pension n'étaient pas une solution acceptable. Le Gouvernement s'était alors engagé à procéder à cette abrogation dès qu'un texte législatif le permettrait. Mme la ministre nous l'a confirmé en commission. Elle va pouvoir maintenant nous préciser quand et comment.

M. Jérôme Cahuzac, rapporteur pour avis - Rendons à César ce qui est à César.

M. François Goulard - Ici, il s'agit de Maxime !

M. Jérôme Cahuzac, rapporteur pour avis - C'est vous qui l'an dernier aviez présenté un amendement tendant à abroger la loi Thomas. J'ai déposé cette année l'amendement 1er rectifié, que la commission a adopté, car j'estime que la loi Thomas n'atteindrait pas les objectifs que son auteur lui avait assignés pour les salariés du privé. Cependant un article de cette loi tend à réserver préférentiellement aux retraités de France Télécom l'éventuelle ouverture d'une partie du capital, et un autre article visait à mettre de l'ordre dans la durée des mandats des personnes désignées pour contrôler le secteur des assurances. J'ai souhaité épargner ces deux articles.

Mais comme le prochain DMOS se prêtera parfaitement à la proposition d'abroger la loi Thomas, comme Mme la ministre s'y est engagée, je retire l'amendement 1 rectifié.

M. Alfred Recours, rapporteur - Avis défavorable aux amendements de MM. Gremetz et Cahuzac. L'an dernier, par un trait de l'humour qui a cours ici, l'opposition a repris l'amendement de M. Gremetz et l'a fait soumettre à un scrutin public, ce qui n'était pas indispensable. Va-t-elle recommencer ? Nous allons bien voir.

Mme la Ministre - La loi Thomas bénéficie aux revenus les plus élevés et fragilise la protection sociale ; de plus elle ignore les partenaires sociaux. L'an dernier, à la demande de M. Gremetz, le Gouvernement a donné un accord de principe à l'abrogation de la loi Thomas, que je confirme aujourd'hui. Le DMOS viendra au printemps prochain. Il comportera l'abrogation de la loi Thomas.

M. Maxime Gremetz - Dans ces conditions, je retire l'amendement 783.

M. Charles de Courson - Je le reprends !

M. Bernard Accoyer - Et j'y reporte mon sous-amendement 407. Il se passe quelque chose de grave.

En 1997, nous avons adopté la loi sur les fonds de pension. C'est que l'avenir des retraites n'est pas assuré, malgré des tentatives symboliques ou concrètes. En 1989 M. Teulade a commencé à s'inquiéter. En 1991 M. Rocard a commandé un livre blanc, qui a fait apparaître que le système par répartition ne couvrirait pas les pensions de vieillesse dès 2005. En 1993 M. Balladur a eu le courage d'engager une réforme des régimes de retraite des salariés du privé.

Les treize millions de salariés du secteur privé qui travaillent en France sont actuellement couverts par un système de retraite nettement moins favorable que celui dont bénéficient, pour ne citer qu'eux, les salariés de la fonction publique et ceux qui dépendent des régimes spéciaux. On connaît les raisons de cette situation : le passage de 37,5 à 40 années de cotisations, et des pensions calculées sur une période d'activité moins bien rémunérée.

En 1995, M. Juppé a décidé, par souci d'équité, de faire évaluer l'ensemble du système de retraite en vigueur dans le secteur public. Il en a été empêché par la gauche tout entière coalisée, dont certains des représentants sont aujourd'hui au pouvoir.

En 1997, l'ancienne majorité a voté la loi Thomas qui donnait un moyen d'accéder à une complément de retraite conçu sur le modèle de celui de tous les pays industrialisés modernes, qui favorisait l'épargne salariale et qui permettait aussi d'éviter que le capital des entreprises françaises ne soit la proie de fonds de pension anglo-saxons, au risque de les voir délocalisées.

Et c'est ce texte que vous voulez abroger ! Le sous-amendement 407 rectifié n'est donc rien d'autre qu'une mesure d'équité, puisqu'il vise à permettre à tous les salariés, qu'ils travaillent dans le secteur public ou dans le secteur privé, de bénéficier dans les mêmes conditions d'un régime de retraite complémentaire par capitalisation. Un tel dispositif existe depuis 1967 dans la fonction publique mais la situation générale a beaucoup évolué, et ce qui était, à l'époque, considéré comme une contrepartie à des salaires faibles ne se justifie plus : non seulement la fonction publique assure la garantie de l'emploi, mais les traitements y sont désormais plus élevés en moyenne que ne le sont les salaires dans le secteur privé !

Je ne doute donc pas que la commission et le Gouvernement accepteront un sous-amendement qui reflète un souci d'équité et qui traduit, vous l'aurez compris, une position de repli. Il aurait en effet été fort dommage que ce débat n'ait pas lieu, mais nous avons dû nous résoudre à cet artifice de procédure après que l'amendement commun aux groupes de l'opposition eut été jugé irrecevable par le président de la commission.

M. Alfred Recours, rapporteur - Avis défavorable.

Mme la Ministre - Avis défavorable. Le souci d'équité qui se manifeste avec une telle force aurait aussi pu conduire M. Accoyer à demander que la retraite des fonctionnaires soit calculée sur l'intégralité de leur salaire ! Quant au sous-amendement, il est anticonstitutionnel, en raison même de la rédaction des ordonnances Juppé.

M. le Président - Sur ce sous-amendement, je suis saisi par le groupe RPR d'une demande de scrutin public.

M. Charles de Courson - Je rappelle que l'UDF a été à l'origine de la loi Thomas. J'étais, à l'époque, le bras droit de M. Thomas, et j'en suis fier. L'archaïsme de la majorité actuelle est, en cette matière, avéré. Vous trouvez parfaitement normal que les salariés de la fonction publique ou les salariés agricoles bénéficient de fonds de pension, et parfaitement anormal que les salariés du secteur privé puissent, eux aussi, en profiter ! Vous êtes bien les individus les plus anti-sociaux que je connaisse ! (Protestations sur les bancs du groupe communiste, du groupe socialiste et du groupe RCV) La France est le seul des pays développés qui n'a pas créé un tel dispositif, et c'est M. Gremetz, le dernier des staliniens, celui dont le parti communiste dit qu'il faudra l'empailler (Huées sur les bancs du groupe communiste, du groupe socialiste et du groupe RCV), qui propose de poursuivre ce qui n'est rien d'autre qu'une régression sociale !

Nous sommes, nous, favorables au progrès, aux fonds de pension, au dialogue social. Et, une fois encore, la société civile nous donne raison, comme on vient de le voir, puisqu'elle a contraint le Gouvernement à la reculade ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF, du groupe du RPR et du groupe DL ; protestations sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe RCV)

M. François Goulard - Je constate que ce qui concerne la loi Thomas conduit toujours à de surprenants bouleversements. Cette fois, un amendement déposé par M. Gremetz est repris par M. de Courson, et le même chassé-croisé avait eu lieu l'année dernière, pendant que M. Strauss-Kahn et Mme Aubry estimaient nécessaires de siéger côte à côte au banc du Gouvernement pour démontrer leur parfaite entente sur le sujet...

La vérité est que ces fonds de pension existent bel et bien, puisque tous les contribuables qui disposent d'un certain niveau de revenu utilisent des systèmes défiscalisés pour se constituer une épargne de précaution.

M. Maxime Gremetz - Mais quelle est la valeur du SMIC ? Vous l'ignorez !

M. François Goulard - Des dispositifs de retraite supplémentaire ont aussi été mis en place dans de nombreuses entreprises, si bien que ceux qui se trouveront défavorisés au moment où les retraites par répartition baisseront inéluctablement seront les salariés les plus modestes, ceux qui sont employés dans les PME où de tels dispositifs n'existent pas. C'est à eux qu'il faut penser, c'est pour eux qu'il faut imaginer un système suffisamment incitatif pour que la collecte des fonds se fasse, sous le contrôle des partenaires sociaux. Le problème majeur continuera de se poser, qui est de savoir par quels moyens sauver les retraites par répartition.

M. Maxime Gremetz - Personne, sur vos bancs, n'a su répondre à ma question. Je la répète donc : quelle est le montant du SMIC ?

M. Charles de Courson - 5 800 F nets.

M. Maxime Gremetz - Vous vous trompez : c'est 5 436 F nets, soit moins encore que vous ne le dites. Comment, dans ces conditions, pouvez-vous prétendre que ceux qui le touchent achèteront des parts de fonds de pension ? Commencez par augmenter les salaires !

A la majorité de 87 voix contre 28 sur 115 votants et 115 suffrages exprimés, le sous-amendement 407 rectifié n'est pas adopté.

A la majorité de 111 voix contre 4 sur 115 votants et 115 suffrages exprimés, l'amendement 73 n'est pas adopté.

M. Germain Gengenwin - L'amendement 494 rectifié vise à exonérer de CSG et de la CRDS les ménages à faibles revenus. Est-il normal, en effet, qu'un ménage avec 50 à 60 000 F de revenus annuels, dont 15 000 F de loyers du logement acheté pour ses vieux jours, soit obligé de verser 1 500 F de CSG tout en n'étant pas imposable ? M. Sautter nous avait semblé l'an passé prêt à quelques avancées en la matière.

M. Charles de Courson - Si les revenus de remplacement sont exonérés de CSG pourvu qu'ils équivalent aux minima sociaux, une veuve dont le revenu global n'excède pas 3 500 F mais se compose de 2 500 F de pension de réversion et de 1 000 F de revenus du patrimoine constitué, avec son défunt mari, au cours de 40 ans de labeur, elle sera contrainte de payer 10 % de CSG sur cette dernière somme.

L'année dernière, plusieurs membres de la majorité, dont le rapporteur, m'avaient paru convaincus par mes arguments sur l'iniquité d'une CSG au premier franc sur tous les revenus du patrimoine sans tenir compte du revenu global. Je les invite donc à adopter l'amendement 495 rectifié qui prévoit le remboursement de la CSG et de la CRDS quand le revenu par part est inférieur au minimum vieillesse, soit 3 500 F.

M. Alfred Recours, rapporteur - Nous avons déjà eu cette discussion. Avis défavorable aux deux amendements.

Mme la Ministre - Défavorable.

L'amendement 494 rectifié, mis aux voix, n'est pas adopté, non plus que l'amendement 495 rectifié.

ART. 2

M. Jean-Luc Préel - Par cet article, le Gouvernement propose de créer un fonds de financement des 35 heures. Il adore imaginer de la sorte des machins administratifs avec conseil d'administration et conseil de surveillance où les postes sont réservés aux représentants de l'Etat... Il serait pourtant tellement plus simple de s'en tenir au principe fixé par la loi de 1994 : l'Etat doit compenser les exonérations de charges qu'il décide, à défaut, il mettrait en péril l'équilibre du financement de la protection sociale.

Après avoir réduit la ristourne dégressive instituée par Alain Juppé, vous voilà convertie, Madame la ministre, même si cela ne rapportera rien de plus aux entreprises.

Ce nouveau fonds est doté de 39,5 milliards provenant de la taxe sur les tabacs -dont nous avions la faiblesse de penser qu'elle devait être affectée aux soins des fumeurs et, surtout, à la prévention- de 4,3 milliards provenant d'un nouvel impôt sur le bénéfices des entreprises -sans compter la taxe sur les heures supplémentaires, de 3,2 milliards provenant de la TGAP, qui ne serviront donc pas, n'en déplaise à Mme Voynet et à notre président de séance, à financer la protection de l'environnement.

Vous aviez aussi prévu un hold-up sur les organismes sociaux mais vous avez dû reculer devant le front uni des syndicats, nous nous en réjouissons. Mais du coup, vous bricolez un nouveau montage, faisant basculer vers le FSV la taxe sur les alcools, de même que 5,6 milliards de prélèvements sur la protection sociale, malgré l'hostilité du conseil d'administration de la CNAM.

Et les 35 heures ne sont toujours pas financées de manière pérenne puisqu'il manquera quelques dizaines de milliards...

Mme la Ministre - Pourquoi pas quelques centaines ?

M. Jean-Luc Préel - Il manquera 20 milliards en 2001.

Mme la Ministre - Non, 5 milliards dans cinq ans.

M. Jean-Luc Préel - Vous ne tenez pas compte de l'application des 35 heures.

Pour toutes ces raisons, nous nous opposerons à cet article.

M. Yves Bur - Nous sommes favorables à la réduction des charges pesant sur le coût du travail et nous nous réjouissons donc qu'après avoir réduit la ristourne dégressive instituée par Jacques Barrot de 1,33 fois le SMIC, vous la portiez maintenant à 1,8 fois. Cela est bon pour l'emploi, en particulier pour les secteurs à forte main-d'_uvre peu qualifiée.

Mais, à la différence du dispositif Juppé, votre mécanisme d'accompagnement des 35 heures n'est pas compensé par le Gouvernement mais par de nouveaux prélèvements que vous entendiez d'abord faire porter sur la Sécurité sociale avant de reculer devant l'union des organisations professionnelles et de vous reporter sur le FSV.

Par le biais de la CSB, 4,3 milliards sont prélevés sur les entreprises et il y a fort à parier que cette taxe augmentera l'an prochain pour combler le déficit. Le prélèvement de 10 % sur les heures supplémentaires est un véritable scandale. Les salariés ont droit à la totalité de leur rémunération non seulement pour arrondir leurs fins de mois mais aussi pour s'adapter à la flexibilité dont les entreprises ont besoin.

L'écotaxe ne devrait pas être utilisée à soutenir l'emploi mais à encourager à lutter plus efficacement contre les activités polluantes. La ménagère sera ravie de contribuer au développement de l'emploi en faisant sa lessive...

Mme la Ministre - Et pourquoi pas le «ménager» ?

M. Yves Bur - Bref, buvez, fumez, polluez, par votre comportement citoyen vous aiderez le Gouvernement à équilibrer son budget.

Bien sûr, nous ne voterons pas cet article.

M. Jean-Claude Lemoine - Décidément, Madame la ministre, nous allons de surprise en surprise.

Il y a quelques jours, vous nous présentiez un texte sur la réduction du temps de travail sans inscrire les recettes correspondantes. L'élu local que je suis aimerait pouvoir utiliser de tels procédés... Les parlementaires seraient, de même, heureux de ne pas risquer de se voir opposer l'article 40 !

Vous avez ensuite présenté en commission un projet de financement de la Sécurité sociale qui, pour financer les 35 heures, rackettait les régimes sociaux.

Aujourd'hui, vous nous soumettez une nouvelle mouture, sortie du chapeau il y a vingt-quatre heures, à la suite du refus opposé à juste titre par les syndicats et le patronat et, sans doute, par peur du verdict du Conseil constitutionnel.

Avouez que la présentation d'un budget de plus de 1 800 milliards, supérieur à celui de l'Etat, mérite plus de sérieux et moins de mépris pour le législateur -qui a appris par la presse les nouvelles dispositions proposées.

La loi de financement de la Sécurité sociale est détournée de son objet, qui est de charger le Parlement de contrôler le financement de la Sécurité sociale et d'assurer la transparence de la gestion des différentes branches. Elle devient un instrument de gestion des finances publiques, à la discrétion de l'Etat. La création d'un fonds de financement de la réforme des cotisations patronales n'a rien à faire dans ce texte...

Qu'en est-il du financement des 35 heures ? Certains considèrent que, vu son extrême complexité, il deviendra un cas d'école des cours de finances publiques... L'estimation des dépenses est floue -60 à 65milliards en 2000, 110 à 150 milliards en régime de croisière... Peu importe : on pourra toujours créer de nouveaux impôts !

En 2000, les dépenses seront essentiellement financées par des impôts nouveaux ou détournées de leur objet. La contribution sur le bénéfice des sociétés ne fait que surcharger les entreprises, en pérennisant une surtaxe temporaire ; les 3,2 milliards prélevés sur les 4 milliards que doit rapporter la TGAP, qui devrait être utilisée à prévenir les pollutions, constituent un véritable racket ; les 5,6 milliards provenant des droits sur les alcools auraient dû alimenter, à travers l'excédent du fonds de solidarité-vieillesse, le fonds de réserve de retraites. De plus, la consommation excessive d'alcool coûtant chaque année 115 milliards à la collectivité, le produit de ces taxes devrait plutôt être consacré au financement de la branche maladie. Quant à la taxe sur les heures supplémentaires, elle revient à priver les salariés du fruit de leur travail.

Dans les années qui viennent, il vous manquera 15 à 20 milliards pour compenser les allégements de charges liés aux 35 heures. Où comptez-vous les trouver ? Allez-vous créer des impôts nouveaux, ou reprendre votre idée initiale de ponctionner les organismes sociaux ?

En conclusion, nous ne saurions accepter des dispositions qui risquent de déstabiliser le budget de l'Etat, mettent en cause la position européenne de la France et détournent la loi de financement de la sécurité sociale de son objet.

M. Jacques Barrot - Vous avez bien voulu, Madame la ministre, souligner l'intérêt d'un débat sur la loi de financement de la Sécurité sociale. Cependant, en mélangeant le financement de la Sécurité sociale et celui de la politique de l'emploi, nous risquons de compromettre l'exercice. J'en ai d'ailleurs fait reproche au ministre de l'économie et des finances et au ministre du budget, convaincu que je suis, que le financement de la politique de l'emploi doit figurer dans la loi de finances.

Nous avons approuvé le retrait de la mesure consistant à aller chercher 12 milliards dans les fonds gérés par les partenaires sociaux, mais vous êtes amenée pour cette année à réaliser un montage complexe. Les excédents du FSV -qui compensent un encaissement de CSSS normalement destiné au régime des non salariés non agricoles- pourront financer le coût de la réduction du temps de travail ; ils n'iront donc pas au fonds de réserve des retraites. Il faudra par conséquent que le régime général soit abondé, dans des conditions qui remettront en cause les affectations par branche ; comment, dès lors, pourrons-nous suivre le solde de chacune des branches ?

Dans les années qui viennent, lorsque la réduction du temps de travail aura atteint son régime de croisière, des financements beaucoup plus importants seront nécessaires. Il faudrait imaginer autre chose qu'un dispositif très complexe, fait de financements croisés et de transferts de recettes. Nous avons besoin d'un minimum de clarté pour être en mesure d'examiner les lois de financement de la Sécurité sociale et je ne comprends pas pourquoi le ministre de l'économie et des finances n'a pas voulu, dans l'affaire des 35 heures, consentir des efforts qui vous auraient simplifié la tâche...

M. Bernard Accoyer - Cet article n'a qu'un but, financer -partiellement- le surcoût résultant de la réduction du temps de travail. Le Gouvernement, en partant du postulat faux selon lequel on pourrait travailler moins en gardant le même salaire et le même niveau de protection sociale, ne peut aboutir qu'à de mauvaises mesures.

Sur les 65 milliards qui doivent couvrir le surcoût de la réduction du temps de travail en 2000, vous n'apportez en réalité que 25,5 milliards. En effet près des deux tiers du financement que vous évoquez existait déjà dans le budget de l'Etat, pour financer les réductions de charges sur les salaires jusqu'à 1,3 SMIC.

Dans l'improvisation, vous avez décidé de modifier le mécanisme que vous avez prévu. C'est finalement dommage : en mobilisant en toute clarté les fonds sociaux, vous étiez plus sincère, reconnaissant que votre postulat de départ n'était pas valable. Ce que vous avez imaginé depuis lundi revient à faire la même chose, mais de manière cachée, en recourant à une multitude de tuyaux et de reversements... Cet article fait payer le surcoût des 35 heures aux salariés et aux finances sociales. Nous ne pouvons l'accepter.

M. Jean Bardet - Le dénouement était prévisible : le Gouvernement pouvait d'autant moins prendre la responsabilité de faire sortir le MEDEF des organismes paritaires que les syndicats étaient sur la même longueur d'ondes -M. Blondel s'est d'ailleurs réjoui de la reculade de Mme Aubry. Inacceptable, par ailleurs, est la façon dont le débat s'est déroulé en commission : l'article nous a été soumis en l'état, alors même que chacun savait -par la presse- qu'il serait substantiellement modifié.

Mme la Ministre - Pas par la presse : par la commission !

M. Jean Bardet - Si ! J'y étais.

Mme la Ministre - Faux !

M. Jean Bardet - Le nouveau dispositif proposé n'est guère plus satisfaisant que l'ancien, car c'est encore un système de vases communicants. Il sera, paraît-il, pérenne, ce qui signifie que le Gouvernement n'espère pas faire baisser l'alcoolisme en France, puisqu'il a besoin de le taxer. Son slogan n'est plus «A consommer avec modération», mais «A consommer largement» (Sourires). La même remarque vaut pour le tabagisme et pour la pollution.

Pour couronner le tout, les amendements de suppression déposés par la commission ont été déclarés irrecevables par le président de la commission des finances, que l'on a connu moins sourcilleux. Si j'ajoute que nous débattons d'une mesure destinée à financer une loi qui n'en est qu'à sa première lecture dans notre Assemblée, on peut se demander ce que nous faisons ici, et si le Gouvernement n'obéit donc qu'à la pression de la rue ! (Protestations sur les bancs du groupe socialiste)

M. François Goulard - Il est difficile de ne consacrer que cinq minutes à un article aussi épouvantable (Exclamations et rires sur les bancs du groupe socialiste). L'appellation, passablement alambiquée, de «fonds de financement de la réforme des cotisations patronales de sécurité sociale» ne trompe personne : il s'agit bien de financer les 35 heures, et le Gouvernement a beau parler d'«allégements», ce sont bien les entreprises qui paieront.

Le présent article, qui plus est, n'a pas sa place dans une loi de financement de la Sécurité sociale, eu égard à son objet et à la nature, strictement fiscale, d'une bonne part des recettes qui l'alimentent. Notre Assemblée est une, mais elle compte en son sein plusieurs clubs, dont celui, très fermé, de la commission des finances (Sourires) et celui, un peu moins huppé, qui examine les questions sociales. Nous sommes donc flattés de la visite inhabituelle que plusieurs membres du premier nous ont rendue ce soir, mais j'y vois une preuve supplémentaire de l'existence d'interférences regrettables entre ce qui relève de la loi de finances et ce qui relève de la loi de financement de la Sécurité sociale. C'est une erreur que de s'engager dans cette voie, car la lisibilité des documents y perd.

Un certain nombre d'impositions prévues à cet article n'ont rien à voir avec les 35 heures. La TGAP, pour ne citer qu'elle, ne devrait pas être affectée à leur financement, mais plutôt, j'ai scrupule à énoncer une telle évidence, à la lutte contre la pollution -si tant est qu'il faille faire entorse au principe de non-affectation des recettes, qui remonte au siècle dernier.

Ce genre de dispositif est généralement qualifié d'«usine à gaz», non sans quelque injustice car une usine à gaz est, somme toute, une installation assez simple. Or ce qui nous est proposé égale en complexité les usines chimiques les plus élaborées, à cette différence près que les plans de celles-ci comportent des indications précises quant à la nature, au sens et à l'importance des transferts opérés.

Malgré le repli tactique opéré -curieusement annoncé par un représentant du parti socialiste, ce qui semble indiquer qu'il résulte d'un arbitrage rendu en haut lieu-, certaines déclarations et un amendement de M. Recours nous font craindre que l'idée de ponctionner les organismes de protection sociale ne resurgisse par des voies détournées.

M. Gérard Bapt - L'article 2 ne mérite pas ce déluge de critiques. Il tend à financer les aides incitatives à la réduction du temps de travail, la ristourne dégressive -qui existait déjà- et l'allégement des charges sur les moyens et bas salaires -qui supprime l'effet pervers de cette dernière. Si nous avons dû, il y a deux ans, abaisser le plafond de la ristourne, c'est parce que nous étions confrontés à un grave dérapage des finances publiques (Protestations sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL), et lorsque j'entends M. Préel regretter que l'allégement soit opéré à coût constant, je lui réponds qu'il est heureux qu'il ne se fasse pas sur le dos des ménages ! (Interruptions sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL)

M. Bernard Accoyer - Et la lessive ?

M. Gérard Bapt - De plus, la réforme est financée avant même d'être votée, contrairement à la ristourne Juppé, qui ne l'était pas (Protestations sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL). La preuve en est que nous avons dû majorer le budget des charges communes de 4,3 milliards dans le collectif 1997 -2,2 milliards pour la régulation des deux exercices précédents, 1,1 milliard pour la revalorisation du SMIC au 1er juillet 1997 et 1 milliard pour la montée en charge du dispositif- et de 5,6 milliards dans le collectif 1998 pour l'apurement de la dette résiduelle de l'Etat (Protestations sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL).

S'il y a une réforme qui n'était pas financée, c'est bien celle de M. Juppé sur l'allégement des charges sur les salaires inférieurs à 1,33 SMIC (Exclamations sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL). Et quand M. Bardet, surtout bardé de sa mauvaise foi (Mêmes mouvements), ironise sur une taxe qui viserait l'alcoolisme plutôt que l'alcool, c'est particulièrement inélégant. M. Barrot a, en revanche, parlé avec une autre élégance et une autre intelligence (Mêmes mouvements), en posant le problème du mélange entre Sécurité sociale et politique de l'emploi. Mais j'ai déposé, puis retiré un amendement, relatif à l'exonération de charges pour l'embauche du premier salarié, qui concernait une charge non compensée pour la Sécurité sociale : cette disposition mêlait donc déjà budget de la Sécurité sociale et politique de l'emploi.

M. Jacques Barrot - Ce n'est pas ce que nous avons fait de mieux...

M. Gérard Bapt - Mais je crois que l'évolution qui se dessine à travers cette loi de financement tend au contraire à séparer les choses : au budget de la Sécurité sociale, les charges sociales non compensées et non ciblées ; au budget de l'emploi les aides ciblées, qu'elles visent les publics en difficulté ou qu'il s'agisse d'aides aux entreprises avec une contrepartie emploi. C'est donc à une clarification que nous parviendrons dans les années qui viennent. L'article 2 ne mérite donc pas l'indignité dont l'ont affublé les orateurs précédents (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

M. François d'Aubert - Il y a longtemps qu'on n'avait un article aussi imbécile. Il déroge absolument à tous les principes du droit budgétaire, du droit de la Sécurité sociale, du droit tout court... On a parlé d'usine à gaz, mais une usine à gaz, cela marche ! Ici le risque est que cela ne marche pas. En outre, dans une usine à gaz, il y a généralement des voitures de pompiers : ici vous les avez omises... Vous créez un fonds de financement de la réforme des cotisations patronales de sécurité sociale. Un FDFDLRDCPDSS, si l'on veut un sigle. Or sa création est une vraie débudgétisation, nullement équilibrée par une rebudgétisation dans la loi de financement. Le Parlement est donc écarté du contrôle d'un fonds qui va selon vos pronostics -terme plus juste que celui de prévisions- avoisiner cent milliards. Ils seront gérés par un établissement public administratif, incluant un ou deux parlementaires comme alibi. En termes budgétaires stricts, cela signifie que le contrôle parlementaire ne s'exerce plus sur quelque cent milliards. Cela mérite d'être noté.

On observe, d'autre part, toujours sur le plan budgétaire, une invraisemblable confusion entre le droit budgétaire et le droit de la Sécurité sociale. On n'a jamais vu à ce point un système où se mélangent impôts et cotisations, pour financer une action dont nul ne sait si elle relève du budget de l'Etat ou de la Sécurité sociale. De deux choses l'une : ou bien on maintient la séparation entre loi de finances et loi de financement, mais ce n'est manifestement plus le cas, puisque ce fonds est un sas entre les deux ; ou bien on les fusionne, mais il faut le dire, et non pas rester dans un système bâtard !

Deuxième constatation : les dépenses de ce fonds ne sont pas évaluées, ou le sont à la louche, à 3 milliards près sur 60, ce qui fait tout de même 5 % d'approximation. Y a-t-il d'autres crédits budgétaires sur lesquels on se permette un tel degré d'approximation et d'amateurisme budgétaire ? Demandez à M. Strauss-Kahn ce qu'il en est. Et quant au futur régime de croisière, quand sera-t-il atteint ? Dans un an, trois ans, cinq ans ? Le Parlement l'ignore, et se trouve dépouillé de ses prérogatives. C'est scandaleux. On ne peut prétendre revaloriser le rôle du Parlement, et créer un outil parfaitement technocratique comme ce fonds. Il est en outre totalement déséquilibré, avec des dépenses en figure libre, sans doute appelées à une augmentation importante, en face de recettes qui iront de plus en plus mal : qui croira que les droits sur le tabac et l'alcool sont un bon financement pour un fonds dont les dépenses augmenteront de plus en plus ? (Applaudissements sur les bancs du groupe DL, du groupe du RPR et du groupe UDF)

M. Maxime Gremetz - L'article 2, qui crée un fonds destiné à financer le passage aux 35 heures, en établit aussi les financements, et pose par là la question du financement de notre protection sociale. Au-delà de nos remarques sur la nature de ce fonds, ce qui nous intéresse aujourd'hui est de savoir si les réformes que vos proposez répondent à nos objectifs. Or, tout d'abord, les besoins ne sont pas couverts. Des inégalités dans l'accès aux soins subsistent malgré la loi sur la CMU. Notre niveau de remboursement reste un des plus faibles d'Europe ; les prothèses dentaires et optiques sont très mal prises en charge. L'objectif premier d'une réforme est donc d'augmenter les ressources. Conserver une enveloppe constante pour développer l'offre de soins serait voué à l'échec.

Pour nous il faut éviter tout gaspillage, et nous voulons rétablir les comptes de la Sécurité sociale, mais en aucun cas en privant les assurés sociaux de possibilités de se soigner, d'élever une famille, de faire face aux aléas de la vie. Or d'immenses richesses existent en France. Nous avons les moyens de financer une politique ambitieuse de santé publique et de protection sociale.

C'est ce que ne fait pas le projet. Que constatons-nous ? Le financement des exonérations de cotisations patronales repose essentiellement sur les ménages. Les taxes sur le tabac et l'alcool sont supportées par les consommateurs ; la taxe sur les produits polluants est étendue aux lessives et assouplissants ; et une partie des heures supplémentaires des salariés ne leur sera plus payée. Certains salariés seront pénalisés deux fois : ils ne jouiront pas de la réduction du temps de travail, et ils subiront un prélèvement sur une partie de leurs heures supplémentaires. Cela ne s'est jamais vu dans notre pays !

Vous avez renoncé avec raison à demander une contribution aux organismes paritaires. Comme les organisations syndicales, nous ne pouvions concevoir qu'on prélève 20 milliards sur l'UNEDIC et 5,6 sur la Sécurité sociale, alors que 41 % des chômeurs sont peu ou ne sont pas indemnisés et que les besoins sociaux ne sont pas couverts. Nous avons été entendus et nous nous en félicitons. Mais la part prise au Fonds de solidarité vieillesse ne pose-t-elle pas un problème pour la revalorisation du minimum vieillesse, de l'allocation mère de famille, des allocations spéciales et complémentaires ? A nouveau les entreprises ne sont pas mises à contribution comme il se devrait. Une taxe sur les bénéfices est prévue, avec un produit de 4,2 milliards seulement : il n'y a pas de quoi, Messieurs de la droite, crier au scandale. D'autant qu'on leur supprime la surtaxe de l'IS, pour 12,5 milliards, et qu'on réduit la TP de 2 milliards... La réforme n'alourdit pas la charge globale des entreprises, au contraire. Je rappelle que le montant annuel des profits atteint 2 136 milliards. En leur appliquant les 3,3 % proposés dans le rapport, on obtiendrait 70 milliards. J'ai ici la liste des trente plus grands groupes français : leurs profits ont augmenté de 32,8 %, et représentent 126,9 milliards. En leur appliquant les 3,3 %, on récolterait immédiatement 4 milliards. On pourrait largement augmenter les allocations familiales et les retraites. J'ai également ici les comptes de la nation. Ils indiquent que la part du travail dans la valeur ajoutée n'est plus que de 60,3 %, contre 71,7 % il y a cinq ans. Les profits augmentent, les revenus du travail diminuent : c'est cela qu'il faut changer. Et je ne parle pas des revenus financiers : 6 874 milliards de capitalisation boursière !

La question est bien celle-ci : va-t-on choisir de prendre un peu sur les revenus du capital et les revenus financiers pour mener une grande politique sociale, ou va-t-on continuer à jouer petit bras ?

M. Charles de Courson - Pourquoi créer un tel fonds et le doter de la personnalité morale ? Loin de favoriser la transparence, cette usine à gaz a pour rôle de masquer la réalité. Les 40 milliards dont il est doté figuraient dans le budget de l'Etat. Alors, pourquoi ce fonds ? Il sert en fait à dissimuler l'augmentation des dépenses de l'Etat. Présentant la loi de finances initiale, le ministre de l'économie a affirmé que la hausse était de 0,9 % mais ce résultat n'est atteint qu'au prix de débudgétisations, par l'intermédiaire de ce fonds, de celui de la CMU, de celui de l'amiante. Lorsqu'ils sont réintégrés comme il se doit dans le budget, la hausse des dépenses publiques atteint alors 3,5 %. Pourquoi le coût de la loi de 1998 est-il imputé sur un fonds, alors que celui de la loi de Robien demeure inscrit dans le budget de l'emploi ? C'est incohérent !

Surtout, et c'est en quoi l'article 2 pourrait bien être inconstitutionnel, vous portez atteinte aux droits du Parlement. Comment concevoir une estimation aussi folklorique des dépenses et des recettes du fonds ? C'est qu'il ne fait l'objet d'aucun budget prévisionnel. Lisons le stupéfiant exposé des motifs : «En 2000, les dépenses du fonds sont évaluées à un montant de l'ordre de 62 à 67 milliards» !

De plus le fonds est doté d'un conseil d'administration, qui décide, et d'un conseil de surveillance, où siègent «notamment» des parlementaires, mais sans réel pouvoir de contrôle. Autrement dit, on nous dessaisit de nos prérogatives.

Où ce fonds se trouve-t-il au juste ? Ni dans la loi de finances, ni non plus dans la LFSS, puisque les recettes du fonds ne figurent pas à l'article 6.

M. Cahuzac, dans son rapport, en est bien conscient mais, gêné, conclut qu'il est ailleurs. Or il n'y a pas d'ailleurs eu matière financière.

En vérité, Mme Aubry fait revivre une pratique d'Ancien régime, le don gratuit.

M. Alfred Recours, rapporteur - Vous nous l'avez déjà faite !

M. Charles de Courson - Pas à Mme Aubry !

Mme la Ministre - J'ai peur que si !

M. Charles de Courson - La reine, alias Mme Aubry, convoque donc les prélats de l'église de France, pour leur dire : «Les finances de l'Etat sont dans une situation désastreuse, donnez-moi de l'argent !» «Mieux vaudrait, répondent-ils, réduire les dépenses», et parfois les sages prélats refusent de donner. Alors la reine se fâche, les menace de l'exil. Mais une insurrection républicaine s'est dressée contre la reine. Ces républicains, ce sont les partenaires sociaux et les membres de l'opposition. Alors la reine a dû craquer, elle en a été malade, car elle n'aime pas avoir tort. Et elle est souvent plus dure avec ses amis qu'avec ses adversaires.

M. le Président - Veuillez achever votre conte !

M. Charles de Courson - Les 35 heures sont une véritable bombe budgétaire. Dans trois ans, nous dit-on, la réforme coûtera autour de 60 à 70 milliards. Volez, milliards ! Comment les financer ? Il manquerait 20 milliards. Mais qu'est-ce que 20 milliards ? Il suffit, cher Maxime Gremetz, de taxer le grand capital !

Prenez plutôt garde à la censure du Conseil constitutionnel. Ce fonds n'est pas équilibré, il n'est situé nulle part, ses recettes ne figurent pas à l'article 6. Il fournit l'exemple même du monstre juridique et budgétaire conçu par qui n'a pas réfléchi à ce qu'est une société moderne (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF, du groupe DL et du groupe du RPR).

M. Pascal Terrasse - Le Gouvernement a fait de l'emploi sa priorité. La création du fonds de financement s'intègre dans une démarche globale et cohérente. En 1997, nous avons réformé les cotisations salariales, cette année c'est le tour des cotisations patronales qui bénéficient d'exonérations. Je suis surpris que la droite paraisse s'y opposer. Serait-elle devenue hostile à la baisse des charges ? Il est vrai que les charges pèsent principalement sur les entreprises à forte main-d'_uvre.

Le mécanisme proposé est bien meilleur que celui de la ristourne dégressive, puisque la référence passe de 1,3 % à 1,8 % du SMIC.

Cette baisse de charges permettra de créer des emplois et en conséquence un surcroît de recettes sociales et fiscales. Quant aux partenaires sociaux, Mme Notat, dans un entretien publié dans Le Point du 30 janvier 1998 indiquait qu'à l'origine l'UNEDIC était disposée à participer au financement de la réduction de la durée du travail, alors que la loi de Robien était financée entièrement par l'Etat. Un changement s'est produit depuis lors. La sagesse du Gouvernement a permis d'aboutir à une solution. La réduction du temps de travail est votée, la réduction des charges sociales le sera aussi, pour le plus grand bien du pays (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

M. Gérard Terrier - J'ai l'impression d'halluciner ! Monsieur de Courson, vous n'êtes pas sérieux de traiter de la sorte une affaire si grave. Je vous croyais plus adroit, à moins que vous n'essayiez de tromper les parlementaires et les Français. Vous nous faites tout un pataquès pour 7,5 milliards, sur plus de 1 800 milliards que représente le budget de la sécurité sociale soit moins de 0,4 % (Interruptions sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL).

Que serait-ce, a dit M. Lemoine, si nous gérions nos finances locales avec un tel degré d'approximation ? En vérité, entre le budget primitif, le budget voté et les ajustements en cours d'exercice, la marge dépasse largement les 0,5 %. Monsieur de Courson, vous avez soutenu avec moins d'humour des budgets beaucoup moins équilibrés, comme le financement de la réforme Juppé qui a tourné à la catastrophe.

Le projet de Mme Aubry, et c'est ce qui énerve l'opposition est, lui, totalement financé pour cette année (Exclamations sur les bancs du groupe du RPR, du groupe DL et du groupe UDF). De plus, le Gouvernement a sagement décidé de ne pas passer en force, et d'engager les discussions qui permettront de réguler les relations entre l'UNEDIC et l'Etat.

Quant à vous, membres de l'opposition, vous rejetez à présent la réforme des cotisations patronales que vous appuyiez précédemment ! Vous vous contredisez ! Pour notre part, nous privilégions l'emploi, et nous souhaitons donc que les entreprises qui vont bénéficier des allégements de charges sociales soient celles qui contribuent à la lutte contre le chômage. Telle n'est pas votre démarche et je le regrette.

Je considère que l'article 2, excellent, a toute sa place dans le projet.

Mme la Ministre - Majorité et opposition peuvent être en désaccord, et vous pouvez regretter que nous soyons les auteurs d'une réforme que vous avez longuement annoncée. Mais cela n'autorise ni les incohérences ni les contrevérités, ni les approximations assorties de noms d'oiseaux. Après avoir entendu les contes de M. de Courson, assez machistes, comme on pouvait s'y attendre, nous abandonnerons l'ancien régime et nous en reviendrons aux faits.

Je peux en effet accepter la critique, mais difficilement les commentaires contraires à la vérité. Or, M. Barrot excepté, les représentants de l'opposition les ont multipliés.

Comment pouvez-vous prétendre, Messieurs, que mon souci de réduire les charges sur les bas salaires traduirait, pour moi, «une conversion récente» alors que je la souhaitais déjà -par écrit- en février 1993, de nouveau en 1994, encore en 1997, toujours le 30 juin 1998 ?

Pour la durée du travail, reportez-vous à la collection de CFDT-Magazine de 1991 : vous y lirez que je me prononçais déjà en faveur des 35 heures, certes, mais pas les 35 heures payées 39 !

Quant à dire que la réforme des cotisations patronales n'existe pas, c'est aller contre l'avis des fédérations patronales qui en bénéficient, le reconnaissent et s'en réjouissent ! L'opposition se croit toujours autorisée à nous donner des leçons ; qu'elle prête donc l'oreille à la récente déclaration du président de l'UPA qui représente 830 000 entreprises ; il se félicite d'une réforme des cotisations patronales qui répond «enfin» -car vous ne l'avez pas faite- aux besoins de ce secteur !

M. Charles de Courson - Dans les départements, ils disent l'inverse !

Mme la Ministre - Peut-être ! Mais cette déclaration est celle du Président de l'union !

Monsieur de Courson, vous trouvez scandaleux que nous ne soyons pas en mesure de définir le niveau exact du financement nécessaire au passage aux 35 heures. Mais que faisons-nous d'autre que de prévoir une fourchette, tout comme vous l'aviez fait dans la loi Robien ?

Nos prévisions sont comprises entre 62 et 67 milliards. La fluctuation est donc de 10 % alors qu'en 1997, première année d'application de la ristourne dégressive, 20 % de son financement manquaient, soit 7 milliards ! Voilà quelle est la réalité ! Ne soyez donc pas si acides et si impertinents, vous qui avez si bien su vous tromper !

Je ne sais pas précisément, en effet, combien d'accords seront signés -mais nos prévisions, l'année dernière, n'étaient pas fausses ! Et c'est tout à l'honneur du Gouvernement que d'afficher le coût, sur 5 ans, de la baisse des charges si toutes les entreprises décident de bénéficier du dispositif prévu !

Ce financement, quel est-il ? Nous estimons les besoins à 105 milliards, dont 65 correspondent à l'allégement des charges et 40 aux réformes structurelles. Je vous rappelle incidemment que ces chiffres n'ont jamais été contestés, et je m'étonne qu'ils le soient maintenant.

Comme vous le savez, 40 des 65 milliards sont déjà inscrits : il s'agit de la ristourne dégressive. Les 25 milliards complémentaires ne seront pas financés par une augmentation de TVA qui ponctionnerait les revenus des ménages, mais par un prélèvement sur les entreprises. Restent donc 40 milliards et non les centaines de milliards dont j'ai entendu parler. A supposer même que les montants réels fussent ceux-là, cela signifierait que le dispositif rencontre un succès total, ce dont nous ne pourrions que nous féliciter. Je pense, pour ma part, qu'il s'agira de 105 milliards seulement.

Le Gouvernement dans son ensemble a jugé que nous pourrions activer les dépenses passives, sentiment partagé aussi bien par M. Barrot que par le Président de la République. Il s'était donc félicité de l'instauration d'un système qui, non, n'était pas un racket sur l'UNEDIC, mais une contribution du patronat et des salariés à la lutte en faveur de l'emploi. Certains ne le voulant pas, j'ai, dès le 7 septembre devant votre commission des affaires sociales, et quelques jours plus tard devant votre commission des finances, exposé que nous trouverions d'autres solutions.

M. Jean Le Garrec, président de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales - Cela a été dit.

Mme la Ministre - Bien évidemment, nous n'avons pas attendu le dernier soir pour trouver d'autres solutions !

M. Jean Bardet - Quoi qu'il en soit, on ne savait toujours pas où on en était vendredi 19 octobre !

Mme la Ministre - Simplement parce que je n'étais pas entrée dans les détails ! Par ailleurs, vous vous êtes complus dans l'ironie à l'idée que nous puissions financer les nouvelles mesures par des taxes sur l'alcool et le tabac. J'aimerais vous ramener à davantage de modestie, en vous rappelant que, le 1er décembre 1998, M. Barrot déposait la proposition de loi 628 financée de la même manière (Protestations sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL).

M. Jean-Luc Préel - Quelle mauvaise foi !

Mme la Ministre - Si, donc, le dispositif est «imbécile», l'imbécillité est largement partagée puisque, le 29 juin 1998, le Sénat a accepté une proposition de M. Poncelet financée, elle aussi, par des taxes sur l'alcool et le tabac (Protestations sur les mêmes bancs).

Sur le fond, ces droits ont été multipliés par deux en dix ans, ce qui a permis de réduire la consommation mais ce qui vous a aussi servi à financer certaines dépenses.

M. Jean-Luc Préel - Et la pollution ?

Mme la Ministre - Parlons-en ! Vous savez bien qu'il s'agit en fait d'une directive européenne prévue pour l'an prochain et que bien d'autres pays ont déjà commencé à appliquer. M. Blair l'a utilisée comme nous, mais non pas, il est vrai, pour réduire les charges sociales des entreprises de main-d'_uvre, du commerce, de l'artisanat.

Vous avez beaucoup critiqué le fonds de financement de la réforme des cotisations patronales de Sécurité sociale. Il n'y a là, Monsieur de Courson, nulle volonté de dissimuler une débudgétisation puisque M. Strauss-Kahn vous a expliqué que le taux de croissance des dépenses de l'Etat avait été calculé à structure constante.

Pourquoi un fonds indépendant, Monsieur Préel ? Mais parce qu'il en existe déjà et que c'est le Gouvernement que vous souteniez qui a créé le premier, le FSV, qui est aussi un établissement public administratif à côté du budget de la Sécurité sociale.

Pour contrôler l'utilisation des diminutions de charges, car la gauche y tenait beaucoup, la loi de réduction du temps de travail prévoit que le Gouvernement remettra chaque année au conseil de surveillance du Fonds et au Parlement un rapport sur les effets des réductions de charges sur l'emploi. Est-ce ainsi, Monsieur d'Aubert, que l'on évite le contrôle du Parlement ?

M. Charles de Courson - Il aurait été meilleur qu'il figurât dans le budget.

Mme la Ministre - Nous souhaitions que le Fonds soit individualisé.

Certains ont parlé d'usine à gaz. Ont-ils en mémoire le dispositif d'une complication extrême imaginé par M. Barrot dans sa proposition sur la baisse des charges ?

M. Bernard Accoyer - Voulez-vous que nous vous lisions vos tableaux ?

Mme la Ministre - Nous, nous préférons monter une usine à emplois en combinant réduction du temps de travail et diminution des charges. Et c'est bien ce qui vous agace : nous réussissons là où vous avez échoué. Nous avons favorisé la croissance, relancé la consommation, développé les nouvelles technologies, encouragé la créations d'entreprises et le chômage continuera à décroître dans les mois qui viennent. Vraiment, vos résultats passés devraient vous inciter à plus de retenue dans la suite du débat ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste)

M. Jérôme Cahuzac, rapporteur pour avis - M. de Courson s'est interrogé sur la place du Fonds d'allégement : à l'intérieur ou à l'extérieur du projet de loi de financement. Il est à l'évidence en dehors mais je vous suggère, Madame la ministre, d'user de votre droit d'amendement pour l'y intégrer (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF). Il me semble en effet que, comme pour le FSV, autre établissement public administratif abondé par des recettes fiscales, devrait prévaloir l'article 111-3 du code de la Sécurité sociale, fondé sur la nomenclature habituelle de la commission des comptes. Cela serait en outre plus conforme à notre volonté de transparence et de cohérence.

M. Préel a laissé entendre que la création de tels fonds serait une maladie contagieuse. Il est vrai que j'en discerne les premiers symptômes avec la création fin 1993 du FSV, à l'initiative du gouvernement Balladur. Et que ce fonds ait été abondé de 70 à 80 milliards relativise quelque peu les critiques acerbes de M. d'Aubert sur de prétendus camouflages. Certes, le nouveau Fonds sera abondé de 105 milliards, mais la différence se retrouve avec les 25 milliards affectés à la CADES, autre établissement public administratif créé par le précédent gouvernement. Il n'y avait donc vraiment pas de quoi tenir des propos aussi odieux...

Nombreux sont ceux qui ont ironisé sur les modalités de financement du Fonds. Mais nous nous sommes inspirés des meilleurs auteurs puisque le FSV était abondé par la CSG, la CSSS et par une taxe sur les boissons... Souhaitiez-vous alors encourager l'alcoolisme pour permettre à certains de percevoir une retraite, Monsieur Bardet ? (Protestations sur les bancs du groupe du RPR) C'est aussi intelligent que ce que vous avez dit !

Le Fonds était aussi abondé par une taxe sur les entreprises participant à l'assurance de leurs salariés. Quand vous parlez d'usine à gaz, nous reprochez-vous de vous imiter ?

M. Georges Tron - Ce n'est pas très intelligent !

M. Jérôme Cahuzac, rapporteur pour avis - Est-ce parce que le FSV fut créé par le gouvernement Balladur que vous réagissez de la sorte ?

Il est abusif, Monsieur Bur, de prétendre que le Fonds finance les 35 heures. Cela frappe peut-être les esprits, mais la vérité, c'est que moins du tiers du total sera consacré à l'accompagnement des deux lois de réduction du temps de travail. En outre, 10 % des recettes du fonds proviendront de la Sécurité sociale.

MM. Lemoine et Bardet se sont beaucoup indignés que l'on utilise les droits sur les alcools pour financer les 35 heures car cela encouragerait l'alcoolisme. Mais j'imagine que lorsque le gouvernement Balladur a décidé de revenir sur des dispositions très contraignantes en matière de publicité pour les boissons alcoolisées, ils ont voté contre...

M. Jean Bardet - C'est indigne ! Je n'ai jamais bu une goutte d'alcool de ma vie !

M. Jérôme Cahuzac, rapporteur pour avis - Je regrette vraiment le ton que certains ont employé, qui me paraît indigne de notre Parlement. M. d'Aubert, en particulier m'a choqué. Pour ma part, je me réjouis qu'avec lui, nous ayons parmi nous le détenteur d'un authentique record, celui du nombre de prélèvements nouveaux rapportés au temps passé au ministère du budget : plus de 100 milliards en quelques semaines.

M. Alfred Recours, rapporteur - Si nous vivons sous le régime auquel M. de Courson se réfère avec délectation, Madame la ministre, cela ne nous dérangerait pas que vous fussiez notre reine... La reine de la réforme sociale : emplois-jeunes, couverture maladie universelle, loi contre l'exclusion, lois tendant à assurer un financement pérenne de la Sécurité sociale...

Vous avez commencé par réformer les cotisations salariales, vous poursuivez avec les cotisations patronales. A une diminution uniforme vous avez préféré une réduction ciblée, profitable à l'emploi, que le fait de réserver les baisses de charges aux entreprises passées aux 35 heures est un deuxième moyen de soutenir. Les emplois ainsi créés contribuent eux-mêmes à la relance de l'économie... Ce n'est pas un hasard si l'OCDE prévoit pour l'année prochaine une croissance de 3,5 % et la création de 400 000 emplois supplémentaires dans le secteur marchand. En trois ans, un million d'emplois auront été créés et contribué, dans un cercle vertueux, à la croissance et du même coup à l'emploi.

Qu'on ne nous rebatte donc pas les oreilles avec l'absence de financement de la réforme des 35 heures ! Le fonds créé aura de tels effets bénéfiques.

Quant aux 5,6 milliards prélevés sur les droits sur les alcools, ils sont compensés pour le FSV par l'intermédiaire de la taxation à 2 % sur les frais financiers. On pourra donc abonder à nouveau le fonds de réserve des retraites.

Avec la taxation des heures supplémentaires, il ne reste plus que 0,9 milliard à financer. Si j'en crois les prévisions de l'OCDE, la croissance y pourvoira... Elle permettra même, le moment venu, de diminuer les impôts supportés par les Français.

Dernière remarque : si nous étions sous l'ancien régime, nous aurions besoin d'un bouffon pour nous faire craindre les foudres divines ; aujourd'hui, on nous menace régulièrement des foudres du Conseil constitutionnel. Mais, loi après loi, la quasi-totalité des dispositions incriminées ne sont pas sanctionnées. N'est pas Cassandre qui veut !

M. Thierry Mariani - Rappel au Règlement, fondé sur les articles 58, 92 et 98.

Nous nous élevons avec force contre la manière dont la commission des finances apprécie la recevabilité des amendements de l'opposition. J'avais par exemple déposé, afin de mettre le Gouvernement face à ses responsabilités en matière de retraites, un amendement selon lequel le Gouvernement s'engageait à « déposer un projet de loi relatif à la mise en place d'un système de retraite par capitalisation » et un autre selon lequel il s'engageait à « déposer un projet de loi relatif à la mise en place d'un régime obligatoire de retraite complémentaire agricole avant le 1er octobre 2000 ». Ces amendements ne coûtaient pas un centime.

L'attitude de la commission des finances constitue donc une véritable atteinte au droit d'amendement. C'est pourquoi je demande solennellement l'application de l'article 98, cinquième alinéa, du Règlement, selon lequel dans les cas litigieux, la question de la recevabilité des amendements est soumise, avant leur discussion, à la décision de l'Assemblée. Ce n'est pas, en effet, en nous privant de notre droit d'amendement que vous résoudrez les difficultés qui nous attendent, notamment en matière de retraites.

M. François Goulard - Très bien !

M. Jean Bardet - Nous avions discuté en commission la version initiale de l'article 2. Nous avons ensuite appris par la presse que le Gouvernement renonçait à ponctionner l'UNEDIC, puisqu'il renonçait à ponctionner les autres organismes sociaux... M. de Courson a posé des questions très importantes concernant la création du fonds ; nous avons à en discuter en réunion de groupe. Je vous demande donc, Monsieur le Président, une interruption de séance d'une demi-heure.

M. le Président - Je vous accorde cinq minutes.

La séance, suspendue le jeudi 28 octobre à 0 heure 45, est reprise à 0 heure 50.

M. Jean-Luc Préel - Nous avons entendu de brillantes démonstrations, après quoi les rapporteurs se sont exprimés. M. Recours a fait allégeance à la reine, mais un élu de l'Eure peut-il être duc de Normandie sans offenser le président de notre Assemblée ? (Sourires sur quelques bancs)

Mme la Ministre - Quelle finesse !

M. Jean-Luc Préel - Je vois tout de même sourire M. Cahuzac, formé, il est vrai, à l'humour des salles de garde...

M. Jérôme Cahuzac, rapporteur pour avis - Ce n'est pas le même ! (Sourires)

M. Jean-Luc Préel - Nous en sommes, au bout de quatre heures, au vingt-quatrième amendement sur 800 et quelques. Je vous laisse imaginer combien d'heures, de jours et de nuits il nous reste à passer ensemble...

Je salue la compétence de M. Cahuzac, qui souhaite que le fonds soit intégré dans les dépenses sociales, et je ne doute pas que Mme la Ministre lui donne satisfaction d'ici la fin de la discussion du projet... Il a néanmoins oublié, dans la liste des fonds qu'il a cités, le fonds « veuvage », noyé dans la masse, il est vrai, depuis belle lurette. Au moins tous ces fonds ont-ils un objet social bien défini, ce qui n'est pas le cas de celui nouvellement créé.

M. Gérard Terrier - Pour vous, la baisse des charges sociales, ce n'est pas du social ?

M. Jean-Luc Préel - C'est lié au travail et à l'emploi, pas à la santé, à la famille et aux retraites !

J'observe, enfin, que Mme la Ministre a insisté sur le fait que les propositions de loi étaient presque toujours gagées sur le tabac et l'alcool. Sans doute ignore-t-elle que c'est le seul gage dont les parlementaires disposent ! (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste)

M. Robert Gaïa - Avec le chocolat !

M. Jean-Luc Préel - J'en terminerai là. Il convient de supprimer ce fonds bricolé, improvisé, et c'est à cela que tend notre amendement 352.

M. Jean Bardet - Nous sommes dans une situation surréaliste. Nous discutons depuis deux heures d'un article pour lequel la représentation nationale ne connaît toujours pas les intentions du Gouvernement.

Mme la Ministre - Vous plaisantez !

M. Jean Bardet - La commission en a eu connaissance, mais tous nos collègues qui participent à la séance publique n'en sont pas membres. Quel que soit, au demeurant, le contenu futur de l'article, son objet est bien de financer les 35 heures, et ce mélange des genres est, pour nous, totalement inadmissible -sans parler du non-respect de la loi de 1994, qui impose à l'Etat de compenser en totalité les exonérations qu'il décide. Pour toutes ces raisons, je propose, par l'amendement 28, de supprimer cet article.

M. François Goulard - Le Gouvernement et la majorité peuvent bien feindre la satisfaction sur cet article, cela n'abusera personne. Il a été fortement critiqué dans la presse et par tous les partenaires sociaux. Parmi les réponses qu'on nous a faites, la seule qui mérite qu'on s'y arrête est celle de M. Cahuzac. Il a eu raison de dire que, dans le passé, des fonds avec ressources affectées avaient déjà été crées dans le domaine social. C'est vrai, mais ce n'est pas pour autant une bonne méthode ; elle est génératrice de complexité. Mais il y a plus grave. La grande différence avec des fonds comme le FSV, c'est que l'objet de ce dernier est strictement social : il s'agit de financer des prestations sociales. L'objet du fonds que vous créez aujourd'hui est tout à fait différent : ce sont les conséquences d'une autre loi qu'il vient compenser. C'est pour cette raison de principe, au-delà des critiques techniques, que nous sommes résolument hostiles à cet article, dont l'amendement 510 propose la suppression.

M. Bernard Accoyer - C'est également l'objet de l'amendement 584, signé par les trois groupes de l'opposition. Cet article concentre tous les éléments les plus dangereux pour les entreprises, pour les salariés et pour la protection sociale. Il ne réforme pas les cotisations patronales, malgré son titre, mais tente simplement de combler une partie du surcoût résultant de la réduction du temps de travail. Comme il crée trois nouveaux impôts -la TGAP, la contribution sociale sur les bénéfices et une taxe particulièrement inique sur les heures supplémentaires- et comme chacun comprend qu'on ne peut à la fois travailler moins, gagner autant et conserver la même protection sociale, il est clair que le surcoût résultant de la réduction du temps de travail sera supporté par les salariés, par les finances sociales et par les entreprises.

M. Alfred Recours, rapporteur- Avec vous c'était un million de personnes dans la rue ; aujourd'hui nous n'avons eu l'opposition de quatre syndicats qu'à une certaine phase de la discussion, et c'est aujourd'hui terminé. Je serai aussi court que M. Préel l'a été, surtout dans l'argumentation : je vous propose de voter contre ces amendements.

Mme la Ministre - Même avis. J'indique à M. Bardet que j'avais pris la précaution lundi de faire envoyer les amendements du Gouvernement à tous les groupes du Parlement.

Les amendements 28, 352, 510 et 584, mis aux voix, ne sont pas adoptés.

La suite du débat est renvoyée à la prochaine séance, qui aura lieu ce matin, jeudi 28 octobre, à 9 heures.

La séance est levée à 1 heure 5.

                      Le Directeur du service
                      des comptes rendus analytiques,

                      Jacques BOUFFIER


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