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Session ordinaire de 1999-2000 - 16ème jour de séance, 40ème séance

1ÈRE SÉANCE DU VENDREDI 29 OCTOBRE 1999

PRÉSIDENCE DE M. Philippe HOUILLON

vice-président

Sommaire

          FINANCEMENT DE LA SÉCURITÉ SOCIALE
          POUR 2000 (suite) 2

          ART. 5 2

          APRÈS L'ART. 5 6

          ART. 7 10

          ART. 8 15

          ART. 9 20

          APRÈS L'ART. 9 22

La séance est ouverte à neuf heures vingt-cinq.

FINANCEMENT DE LA SÉCURITÉ SOCIALE POUR 2000 (suite)

L'ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi de financement de la Sécurité sociale pour 2000.

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ART. 5

M. Jean-Luc Préel - Je salue le retour de Mme Martine Aubry, après l'intermède, au demeurant sympathique, qu'a représenté la présence de M. Sautter. J'espère que nous allons pouvoir parler enfin de la santé, de la famille, de la retraite : c'est pour cela que nous sommes ici, depuis trois jours et trois nuits...

La Cour des comptes a constaté un regrettable manque de précision dans les comptes des régimes de Sécurité sociale, en particulier dans les transferts entre les différentes branches. L'ACOSS est obligée de procéder à des régularisations qui peuvent porter sur 4 à 5 milliards de francs ! Les règles actuelles sont si complexes et si rigides qu'elles ne sont guère appliquées.

La Cour des comptes a donc demandé une simplification de ces règles d'affectation. Or le projet du Gouvernement ne prend pas en compte les évolutions démographiques et perpétue les défauts de l'actuel système. Les paragraphes 2, 3 et 4 prévoient de «toiletter» les droits sur les alcools, qui sont aujourd'hui de 12 milliards, et d'en affecter 45 % à la CNAM. Cela semble logique puisque l'alcoolisme est la cause de pathologies lourdes au coût financier et social -répercussions sur les familles, accidents du travail, accidents de la route- considérable. Avec le tabac, l'alcoolisme est une des premières causes de mortalité prématurée : 60 000 décès par an lui sont imputables.

L'affectation d'une partie des droits sur les alcools à la CNAM, pour les soins ou l'éducation à la santé, paraît donc justifiée.

Cependant, nous avons cru comprendre que 55 % des droits sur les alcools seront désormais affectés à la réduction du temps de travail, ce qui diminuera dans la même proportion les recettes du FSV. Nous ne pouvons que rejeter une proposition aussi illogique. L'intégralité des 12 milliards attendus de la perception de ces droits doit revenir à la CNAM. Elle pourra ainsi mener la politique de prévention qui permettra d'éviter les si nombreux décès dus à l'alcool et engager enfin la politique coordonnée et pluriannuelle qui n'existe toujours pas.

Par ailleurs, une réforme globale de l'affectation entre les branches est indispensable. A cet égard, les timides propositions qui figurent dans le texte sont largement insuffisantes.

M. Bernard Accoyer - Cet article, d'ordre technique, n'aurait appelé aucun commentaire particulier si le Gouvernement n'avait estimé nécessaire de modifier les affectations budgétaires pour financer partiellement le coût de passage aux 35 heures. Mais, en installant une tuyauterie pour relier organismes sociaux et réduction du temps de travail, vous nous conduisez à nous pencher sur le financement du FSV.

C'est que le FSV, qui devait initialement être doté de 12 milliards, se verra finalement privé de 5,6 milliards de recettes pour aider au financement de la réduction du temps de travail, et aussi de sommes nécessaires à la mise en place de la CMU. Et c'est ainsi que ne lui sera finalement affecté qu'un milliard ! C'est pourtant la branche vieillesse qui devrait vous préoccuper en tout premier lieu, puisqu'il vous faudrait anticiper les graves difficultés prévues pour 2005. Or vos choix vont à l'encontre de cet impératif.

Vous procédez, en effet, à un siphonnage masqué mais bien réel du FSV. Plus grave encore, les dispositions que vous vous apprêtez à prendre feront que vous assurerez au fonds de financement des 35 heures des ressources sûres -celles qui allaient jusqu'à présent au FSV-, et que vous réserverez à la Sécurité sociale des recettes qui le sont beaucoup moins. C'est particulièrement vrai du fonds de réserve des retraites par répartition, auquel vous allouez des excédents hypothétiques.

Là est la plus grande mystification d'un projet qui voudrait faire croire aux Français que nous traitons de famille, de santé, de vieillesse, comme nous le devrions, alors que nous n'avons encore parlé que du financement des 35 heures. De manière caricaturale, le projet déshabille les régimes sociaux pour habiller les 35 heures !

Nous nous opposerons donc à un article qui, même modifié, est inacceptable.

M. François Goulard - L'article 5 ne devrait appeler que bien peu d'observations, puisqu'il tire les conséquences d'autres dispositions du projet. Mais, comme l'ont souligné mes collègues Préel et Accoyer, les modifications de dernière heure apportées au mode de financement de l'article 2 ont des conséquences sur le financement de la Sécurité sociale. Car, pour être devenu indirect, le prélèvement opéré demeure un prélèvement, si bien que le fonds de réserve qui devait bénéficier des excédents du FSV sera mathématiquement privé de recettes ; les chiffres du solde prévisionnel le montrent.

Tout cela nuit au financement de la Sécurité sociale, et je ne parle même pas du financement de la compensation des prétendues allégements de cotisations sociales.

D'autre part, la répartition à laquelle vous allez procéder est d'une telle complexité qu'il faut être un spécialiste des comptes de la Sécurité sociale pour en comprendre toutes les subtilités. Qui peut prétendre l'être dans cette assemblée ? Améliorer la clarté des comptes de la Sécurité sociale devrait pourtant être un objectif prioritaire, afin de renforcer le caractère démocratique du contrôle parlementaire. Bien des progrès techniques restent à accomplir en ce domaine et je serais, en particulier, curieux de savoir à quel stade d'avancement en est la comptabilité en droits constatés. D'après ce que je sais, il y a encore beaucoup à faire pour que la Sécurité sociale soit enfin dotée d'une comptabilité digne de ce nom, celle qui est requise de tout artisan et de tout commerçant ! Une telle démarche est pourtant indispensable si l'on veut véritablement parvenir à la transparence que tous disent appeler de leurs v_ux.

Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité - Je tiens à souligner, contrairement à ce qui a été dit, l'article 5 n'a rigoureusement rien à voir avec le financement de la baisse des charges : il aurait existé même si nous n'avions rien changé au financement des charges sociales et des 35 heures.

La vraie question est celle qu'a évoquée M. Préel : la complexité du dispositif, épinglée par la Cour des compte. Cette complexité due à une multiplicité de facteurs et notamment aux règles qui avaient été fixées par le gouvernement Juppé lors d'une opération de substitution entre les caisses, en décidant d'affecter à ce fonds les droits sur l'alcool.

La Sécurité sociale ayant différentes sources de financement, la complexité des mécanismes s'explique, mais une simplification s'impose. Aussi le Gouvernement a-t-il défini un système conforme aux v_ux de la Cour des comptes et qui a recueilli l'accord des caisses concernées. Dorénavant, chaque régime recevra ce qu'il a reçu en 1998, avec les corrections nécessaires, majoré de la croissance des recettes de la CSG. Le solde ira à la CNAM, ainsi qu'une fraction des droits sur l'alcool. Ainsi il ne sera plus besoin ni de régulariser, ni de répartir le droit sur l'alcool entre les caisses. Cela va donc dans le sens souhaité par M. Préel. Si, par ailleurs, une partie de ces droits est aujourd'hui affectée au FSV, c'est le gouvernement Balladur qui l'a voulu ainsi. Mais, de par la réaffectation du droit sur l'alcool au fonds d'allégement des charges sociales, la moitié ira à la caisse d'assurance maladie. Nous progressons donc vers l'objectif que vous visez.

Afin d'éviter toute contestation, le secrétaire général de la commission des comptes de la Sécurité sociale, personnalité indépendante et membre de la Cour des comptes, vérifiera les calculs.

Je n'ai pas compris l'intervention de M. Accoyer. Le fonds de réserve des retraites n'a rien à voir avec cet article 5. Quant au caractère prétendument virtuel des ressources destinées au fonds, je vous confirme qu'il y aura très certainement 22 milliards dans ce fonds d'ici la fin de l'an 2000, dont 4 milliards : 2 milliards déjà versés, 2 milliards provenant des caisses d'épargne, 4,4 milliards d'excédents de la CNAF, 3 milliards d'excédents de la CNAVTS, 5,5 milliards des sommes réservées pour le fonds de baisse des charges sociales, et 3 milliards d'excédents de la Caisse des dépôts et consignations. C'est encore insuffisant, certes, mais les promesses faites ont été tenues.

M. Goulard a eu raison de dire qu'une comptabilité moderne doit se fonder sur les droits constatés. Mais rien n'avait été fait en ce sens avant notre arrivée au Gouvernement. Nous avons demandé aux caisses de procéder désormais ainsi et, l'an prochain, nous pourrons vous présenter le projet de loi de financement avec à la fois la présentation ancienne et la présentation en droits constatés, ce qui permettra une grande clarification.

M. le Président - Sur cet article, je suis saisi de quatre amendements de suppression.

M. Jean-Luc Préel - Je défends le 587. A notre sens, les mesures proposées par le Gouvernement ne répondent pas aux demandes de la Cour des comptes, car elles ne simplifient pas réellement les transferts entre caisses. S'il est vrai que 45 % des droits sur les alcools vont être versés à la CNAM, vous allez les reprendre par l'intermédiaire du FSV pour financer les allégements de charges prévus par la loi sur les 35 heures.

Nous aurions préféré que ces droits soient versés intégralement à la CNAM pour qu'elle puisse améliorer la politique de traitement et surtout de prévention de l'alcoolisme.

M. Bernard Accoyer - Madame la ministre a annoncé qu'il y aurait 22 milliards dans le fonds de réserve des retraites par répartition d'ici fin 2000. Mais vous savez qu'il faudrait des centaines de milliards dans ce fonds pour préserver l'avenir de ces retraites par répartition, auxquelles nous sommes tous très attachés.

Vous avez mis en place une tuyauterie très complexe qui aboutit à ce que les droits sur l'alcool prévus pour alimenter le FSV soient détournés de leur objet et servent, pour 5,6 milliards, à financer la loi sur les 35 heures. Ces 5,6 milliards ne pourront plus aller au fonds de réserve des retraites. Il y a donc bien un siphonage des fonds prévus pour la protection sociale au profit de la réduction du temps de travail.

Mme la Ministre - Je répète que tout cela n'a rien à voir avec l'article 5, que je vous aurais proposé de toute façon pour suivre les recommandations de la Cour des comptes.

Les 5,6 milliards qui devaient être versés par le FSV au fonds de réserve des retraites le seront par le fonds de baisse des charges sociales. Il y a donc simple permutation, non réduction.

M. Jean-Luc Préel - L'amendement 377 est défendu.

M. François Goulard - Je défends l'amendement 605. Comme mon collègue Accoyer, cette application du principe de Lavoisier en matière financière m'inquiète.

Vous aviez prévu initialement un prélèvement sur la sécurité sociale pour alimenter le fonds d'allégement des charges : comme il n'y a pas de recettes nouvelles, il faudra bien opérer ce prélèvement sous une forme ou une autre.

En ce qui concerne l'article 5 qui, c'est vrai, est un autre sujet, je voudrais en souligner la complexité. Même vous, Madame la ministre, qui faites preuve d'une maîtrise impressionnante des dossiers (Sourires), vous avez dû vous référer à une note écrite pour nous expliquer le mécanisme prévu ! Pour nous, qui n'avons pas des collaborateurs derrière nous pour nous aider, il est très difficile de se faire une idée exacte des mouvements de fonds opérés, bien que cela relève de notre compétence de législateur.

Vous avez évoqué l'indépendance du secrétaire de la commission des comptes de la Sécurité sociale. Mais quand on voit le ton politique, voire polémique, du dossier de presse publié récemment sur ces comptes, on peut douter que ce soit là le ton d'un organisme indépendant.

Il faudrait que la responsabilité de ceux qui produisent les comptes de la Sécurité sociale puisse être engagée et qu'en cas d'inexactitude des sanctions soient éventuellement prises.

M. Claude Evin, rapporteur de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales, pour l'assurance maladie et les accidents du travail - La commission des affaires sociales a rejeté les quatre amendements de suppression. Je conteste votre appréciation du travail du secrétaire de la commission des comptes de la Sécurité sociale. Le dossier de presse que vous avez évoqué n'a pas été fait sous sa responsabilité. Il est chargé de faire un rapport sur les comptes et de le présenter à la commission des comptes, qui en tire des conclusions.

Mme la Ministre - Le Gouvernement est défavorable aux amendements de suppression. Il n'est pas de bon ton de critiquer dans cette enceinte le travail des fonctionnaires, et particulièrement de ceux de la Cour des comptes. Le secrétaire de la commission des comptes de la Sécurité sociale présente son rapport en toute indépendance.

En revanche, le dossier de presse émane du ministre ; je ne crois d'ailleurs pas qu'il était très polémique, à moins que vous ne jugiez tel le fait de rappeler que nous sommes passés de 54 milliards de déficit à 2 milliards d'excédent ?

M. François Goulard - Mes propos ne constituaient pas une critique envers les fonctionnaires et les magistrats. J'ai simplement rappelé que le terme d'indépendance était inadéquat, s'agissant d'un fonctionnaire nommé par le Gouvernement, et qu'on pouvait difficilement parler de l'indépendance d'un secrétariat général de commission de la même façon qu'on parle de celle d'une juridiction.

Les amendements 587, 605, 329 et 377, mis aux voix, ne sont pas adoptés.

M. le Président - L'amendement 725 de M. Cahuzac n'est pas défendu.

M. François Goulard - Le rapporteur pour avis de la commission des finances, est une personnalité éminente de notre assemblée. Il a déposé un amendement de nature technique. Il n'est pas présent, mais je m'étonne qu'aucun représentant de la commission des affaires sociales ne nous explique pourquoi elle n'a pas retenu cet amendement.

M. le Président - Je précise qu'il s'agit d'un amendement personnel de M. Cahuzac.

M. Claude Evin, rapporteur - L'amendement 120 de la commission est rédactionnel.

L'amendement 120, accepté par le Gouvernement, mis aux voix, est adopté.

M. Claude Evin, rapporteur - L'amendement 121 a été adopté par la commission à l'initiative de M. Accoyer.

M. François Goulard - Il montre que je ne suis pas le seul, non pas à critiquer les fonctionnaires, mais à considérer que le système actuel n'est pas parfait. En effet, M. Recours a repris une suggestion de M. Accoyer tendant à faire présider la commission chargée de la répartition de la CSG par le président de notre commission des affaires culturelles. Laissez-moi vous lire l'exposé sommaire rédigé, je le souligne, par M. Recours : «Il n'est pas sain que la commission chargée de la répartition de la contribution sociale généralisée soit présidée par un fonctionnaire. Cette responsabilité incombe à un représentant de la nation». Ce qui prouve qu'il peut y avoir débat sur la question que je m'étais permis de soulever il y a un instant.

M. Claude Evin, rapporteur - Cet amendement a été voté à l'unanimité par la commission dans un moment d'allégresse, et de révérence envers notre président bien-aimé (Sourires). Mais je ne pense pas qu'il doive être retenu par notre assemblée, et à titre personnel, je voterai contre.

M. Bernard Accoyer - Le rapporteur doit rapporter !

Mme la Ministre - Nous avons vu combien ce travail est technique : il n'est pas à la hauteur des capacités politiques du président Le Garrec (Sourires), qui sera ravi d'en être déchargé. Mieux vaut qu'une commission comme celle-ci soit présidée par un magistrat de la Cour des comptes, dont c'est le métier.

M. Jean Le Garrec, président de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales - Tout à fait !

M. Denis Jacquat, rapporteur de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales, pour l'assurance vieillesse- Hier nous avons longuement parlé de la «jurisprudence Séguin». Cet amendement a été adopté à l'unanimité par la commission : l'avis de celle-ci est donc favorable, et je voulais le rappeler.

M. François Goulard - Les propos de M. Evin me navrent. J'y vois un double désaveu, envers le président Le Garrec et envers notre collègue Recours, qui me choque au plus haut point (Sourires).

L'amendement 121, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Claude Evin, rapporteur - Les amendements 122, 123 et 124 de la commission sont rédactionnels ou de précision.

Mme la Ministre - Favorable. Je lève le gage du 124.

M. Bernard Accoyer - Nous voterons contre le 124. La CSG est devenue en effet une source majeure du financement de la protection sociale. Or c'est une recette de nature fiscale. L'amendement qui voulait qu'un représentant de la nation préside à sa répartition a pourtant été rejeté à l'instant. Il est malsain de laisser la technocratie à la tête de telles commissions, qui ont vocation à veiller à une application fidèle des décisions de la représentation nationale.

L'amendement 122, mis aux voix, est adopté, de même que les amendements 123 et 124 rectifié.

L'article 5, modifié, mis aux voix, est adopté.

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APRÈS L'ART. 5

M. Claude Evin, rapporteur - M. Recours aurait été heureux de pouvoir présenter l'amendement 127. Il est en effet attaché à la lutte contre le tabagisme, notamment par la hausse du prix du tabac, ce que peut permettre une hausse globale de 10 % de la fiscalité à défaut d'accord entre les fournisseurs, et à l'idée d'affecter l'intégralité des recettes des droits de consommation sur le tabac à la CNAM, notamment pour rembourser le patch et renforcer les moyens du fonds de prévention contre le tabagisme. M. Recours estime par ailleurs que la remise accordée aux détaillants de tabac doit être augmentée au moins à 8,5 % pour la métropole, pour conforter le monopole de vente au détail, facteur d'aménagement du territoire et de lutte contre la contrebande, et pour associer plus étroitement le réseau à l'interdiction de la vente aux mois de seize ans. En l'absence d'encadrement communautaire des remises, il s'agit également d'une arme dissuasive contre les producteurs dans le cas où ils se livreraient à une guerre des prix face à une augmentation de la fiscalité. Pour ces raisons M. Recours a souhaité que cette question soit posée à nouveau dans le présent débat. Il m'a informé hier qu'il ne pourrait être présent, mais serait attentif aux réponses du Gouvernement pour apprécier la suite à donner à cet amendement.

Mme Dominique Gillot, secrétaire d'Etat à la santé et à l'action sociale - Nous avons beaucoup travaillé sur l'excellent rapport, remis par M. Recours au Premier ministre, où il présente un programme complet de lutte contre le tabagisme. Cette lutte, notamment pour les jeunes et les femmes, reste une priorité du Gouvernement, afin d'éviter l'hécatombe annoncée : car si les choses continuent, on passera des 60 000 ou 70 000 décès annuels attribués au tabac à 150 000 dans une génération... Le Gouvernement a donc fermement engagé l'action, en quintuplant les crédits qui lui sont consacrés, et qui sont passés de 26 millions en 1997 à 130 en 1999. Il s'agit d'abord d'informer les populations à risque, les jeunes, les femmes, particulièrement les femmes enceintes, qui reçoivent une information dès leur première visite de grossesse. De nombreux médecins se mobilisent. Nous renforçons la protection des non-fumeurs, en veillant à l'application de la loi Evin dans les lieux publics et les lieux qui accueillent des jeunes.

Vous comprenez donc notre intérêt pour le rapport de M. Recours, qui présente de nombreuses propositions. A la suite de celles-ci, le Gouvernement a déposé un amendement à l'article premier -que nous examinerons ultérieurement- pour renforcer la lutte contre le tabagisme, en cherchant à obtenir sur la période 2000-2002 une hausse des prix de 20 %, solution que nous préférons à une hausse de la fiscalité. Nous envisageons, d'autre part, d'augmenter progressivement les minima de perception des taxes ; d'uniformiser les taxes entre les différents types de cigarettes ; de proposer à nos partenaires européens, à l'occasion de la présidence française, un réexamen de la fiscalité du tabac, de renforcer les moyens destinés à la prévention du tabagisme, de faciliter l'accès aux substituts nicotiniques, d'organiser une large concertation sur l'intérêt, en termes de santé publique, d'une interdiction de vente aux moins de seize ans, enfin, de renforcer le nombre et les moyens des centres de cure ambulatoire. Je vous demande donc, Monsieur le rapporteur, de bien vouloir retirer votre amendement ; nous en reparlerons à l'article 1.

M. Claude Evin, rapporteur- M. Recours m'a donc autorisé à retirer son amendement, en fonction des réponses du Gouvernement ; c'est ce que je fais.

M. Bernard Accoyer - Je le reprends.

M. François Goulard - Je comprends que cet amendement mette le Gouvernement dans l'embarras. Il mériterait sans nul doute un beaucoup plus long débat ; mon collègue Accoyer me pardonnera de vouloir m'exprimer contre.

Je suis favorable à une interdiction de vente aux moins de seize ans, mais je ne crois pas qu'une nouvelle augmentation des droits sur le tabac soit une bonne voie. La décision de fumer ou de ne pas fumer étant éminemment personnelle, il serait abusif de porter les prix à des niveaux prohibitifs.

M. Denis Jacquat, rapporteur - Ayant exercé comme médecin ORL, je ne peux qu'être sensible au problème du tabagisme. Cependant, comme député d'une région frontalière, je puis assurer que l'augmentation des taxes sur le tabac a deux conséquences inévitables : la contrebande, notamment en provenance des pays de l'Est, augmente ; les fumeurs vont acheter leurs cigarettes dans les pays limitrophes.

Evitons donc d'aborder cette question à l'occasion d'amendements divers ; il nous faut prendre le temps de peser les différents arguments et de définir une politique claire.

M. Bernard Accoyer - Je suis particulièrement heureux qu'après trois jours de travail, nous commençions à parler de santé...

Mme la Ministre - Nous aussi !

M. Bernard Accoyer - Hélas, nous sommes déjà vendredi, à la veille d'un long week-end.

Sur l'amendement qu'avait déposé notre collègue Recours, dont nous regrettons que d'autres tâches le retiennent loin de nous, je voudrais réagir en médecin. Le tabagisme est un phénomène qui s'aggrave, qui touche de plus en plus les jeunes, les femmes, et n'est pas sans conséquences sur les enfants à naître dont la mère est fumeuse.

Les substituts nicotiniques sont un bon moyen pour aider les fumeurs qui décident de s'arrêter, mais leur utilisation est freinée par la nécessité d'une prescription médicale. En commission, certains ont proposé leur remboursement ; à mon avis, ce n'est pas une bonne solution car cela rendrait la prescription encore plus indispensable.

Mieux vaudrait utiliser le produit des taxes sur le tabac à mener les actions de prévention et soigner, au lieu de s'en servir pour financer les 35 heures. Il faudrait notamment consacrer des moyens aux thérapies de groupe.

Cela dit, mes collègues Goulard et Jacquat m'ayant convaincu des inconvénients de cet amendement, je le retire.

M. Jean-Luc Préel - Je le reprends car je souhaite m'exprimer sur ce sujet important. Enfin nous parlons de santé publique, après avoir pendant trois jours et trois nuits discuté du financement des 35 heures... Nous sommes d'ailleurs à votre disposition pour en parler jusqu'à lundi matin s'il le faut.

Dans son excellent rapport, M. Recours montre l'importance de la pathologie liée au tabac, qui entraîne aujourd'hui 60 000 décès par an. Il montre aussi, très clairement que lorsqu'on augmente le prix du tabac, la consommation diminue, ce que M. Evin avait d'ailleurs compris.

Son idée d'interdire la vente aux jeunes paraît bonne, mais on a pu constater à propos de l'alcool la difficulté d'appliquer de telles mesures.

Les taxes devraient être utilisées à la prévention du tabagisme. Il serait également essentiel de donner de vrais moyens aux centre de traitement et de sevrage.

Mme la Secrétaire d'Etat - Ce n'est pas la peine de jouer les maniaques de la répétition pour le Journal officiel (Protestations sur les bancs du groupe UDF, du groupe du RPR et du groupe DL). Nous avons eu l'occasion de nous exprimer à de nombreuses reprises sur la politique de prévention que nous menons.

M. Jean-Luc Préel - Elle est nulle !

Mme la Secrétaire d'Etat - Vous, vous n'aviez rien fait ! (Exclamations sur les bancs du groupe UDF, du groupe du RPR et du groupe DL). Nous avons multiplié par cinq les crédits consacrés à la prévention du tabagisme et nous allons amplifier notre action. Cette question mérite autre chose qu'une paraphrase de l'excellent rapport de M. Recours.

M. Bernard Accoyer - Madame la secrétaire d'Etat, il faut se calmer. C'est pathétique : nous avons passé trois jours à discuter du financement des 35 heures et on nous reproche de vouloir enfin parler des crédits de la santé avec le Gouvernement, dans un pays où le budget de la santé ne représente que 0,5 % des dépenses de l'assurance maladie !

Le tabac est la première cause de morbidité en France. Je viens d'évoquer les substituts nicotiniques, dont je n'ai jamais entendu parler dans cet hémicycle. Leur remboursement est une exigence de santé publique.

Madame la secrétaire d'Etat, ne vous laissez pas contaminer, ne contractez pas les habitudes regrettables de certains membres du Gouvernement à l'égard de l'opposition !

L'amendement 127, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Claude Evin, rapporteur - L'amendement 125 de M. Recours, approuvé par la commission, vise à ramener du 30 novembre au 30 septembre le versement par les organismes bancaires de la CSG sur les revenus de placement.

Je comprendrais cependant que le Gouvernement souhaite discuter avec les banques avant l'adoption de cette mesure, qui serait bénéfique pour la trésorerie de l'ACOSS.

Je souhaite donc que le Gouvernement négocie rapidement. Je serais même satisfait s'il pouvait parvenir au résultat souhaité sans que cette disposition ait besoin de figurer dans la loi.

Mme la Ministre - Vous proposez d'anticiper de deux mois un versement qui a représenté cette année 9 milliards : c'est dire l'importance de cette mesure pour la trésorerie de l'ACOSS. Je souhaite toutefois en discuter avec les organismes bancaires, par courtoisie mais aussi pour m'assurer qu'il est possible de modifier ainsi cette date. Je vous propose de revoir ce point en deuxième lecture.

M. Claude Evin, rapporteur - Je retire cet amendement, tout en souhaitant que le Parlement prenne une décision si la négociation n'aboutit pas avant l'examen de ce texte par le Sénat.

S'agissant de l'amendement 126 de M. Recours, adopté par la commission, il vise à autoriser l'organisme chargé de recouvrer la contribution sociale de solidarité sur les sociétés à accorder des remises amiables de majoration pour retard. Actuellement, seuls les tribunaux des affaires de sécurité sociale peuvent le faire.

M. Bernard Accoyer - Je m'interroge sur l'opportunité de cet amendement, car un recours hiérarchique doit être possible avant le recours contentieux.

J'ai malgré tout déposé un sous-amendement 824 visant à exclure de ce dispositif d'arrangement amiable les entreprises de la grande distribution. N'oublions pas, en effet, la finalité originelle de la CSSS : consolider le régime des artisans et des commerçants, mis à mal par l'explosion de la grande distribution. Il faut s'en souvenir, même si la gauche a détourné ce dispositif, se rendant coupable d'un véritable hold-up sur ce régime.

Mme la Ministre - Encore un hold-up !

M. Bernard Accoyer - Par ailleurs, nous connaissons les pratiques de la grande distribution qui n'hésite pas à tenter de corrompre. Il serait malsain d'offrir à ce secteur la possibilité de négocier des remises à l'amiable.

M. Claude Evin, rapporteur- La commission n'a pas examiné ce sous-amendement, auquel je suis personnellement défavorable. Il n'y a aucune raison d'exclure tel ou tel secteur du dispositif.

J'ajoute que cet amendement de M. Recours fait suite aux rapports du Médiateur de la République et de l'IGAS.

Mme la Ministre - Le Gouvernement est favorable à cet amendement qui évitera de nombreuses procédures judiciaires, puisque le prélèvement en cause concerne un grand nombre d'entreprises. Il reprend en effet une suggestion du Médiateur et de l'IGAS.

Je souhaite cependant une rectification pour préciser qu'un décret fixera les modalités d'application de cette disposition.

Je suis en revanche défavorable au sous-amendement car il n'y a aucune raison d'exclure certains redevables. Le principe de l'égalité devant les contributions publiques rend même cet amendement inconstitutionnel.

Par ailleurs, Monsieur le Président, je demande, comme l'an dernier, la réserve de l'article 6. Celui-ci comportant le tableau des recettes, il vaudrait mieux l'examiner plus tard, afin d'y intégrer les effets des amendements adoptés. Je souhaite donc que cet article vienne en discussion à la fin, juste avant l'article premier, lui aussi réservé.

M. Claude Evin, rapporteur - J'accepte la rectification du Gouvernement. Le gage est-il levé, Madame la ministre ?

Mme la Ministre - Bien sûr.

M. François Goulard - Une fois n'est pas coutume, je suis d'accord avec Mme le ministre sur le caractère inconstitutionnel du sous-amendement défendu par mon collègue Accoyer.

J'approuve l'amendement 126. Il est anormal que l'autorité hiérarchique ne puisse pas accorder de remises gracieuses. Les organismes de recouvrement doivent se montrer plus souples, plus compréhensifs, car les retards de versement sont généralement dus à des situations douloureuses.

S'agissant de l'amendement relatif au paiement anticipé de la CSG par les banques, je veux appeler votre attention sur un point : ce ne sont pas les banques qui supporteront le coût de cette mesure, mais leurs clients.

J'en viens à la réserve de l'article 6. L'adoption d'amendements étant tout de même prévisible, je souhaite qu'à l'avenir le tableau des recettes figure à la fin du projet initial.

Mme la Ministre - Vous avez raison.

Le sous-amendement 824, mis aux voix, n'est pas adopté.

L'amendement 126 rectifié, mis aux voix, est adopté.

M. le Président - L'article 6 est réservé. Il viendra en discussion avant l'article premier.

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ART. 7

M. Jean-Luc Préel - Après trois jours et trois nuits passés à discuter de la création de nouveaux impôts et de nouvelles bases destinés à financer les 35 heures, nous abordons enfin les sujets qui sont la raison d'être de cette loi de financement de la Sécurité sociale : la famille, la retraite, la santé.

L'article 7 est un des deux seuls articles consacrés à la famille. Avez-vous réellement une politique familiale, indispensable à l'avenir du pays ? Tandis que d'autres, la Suède par exemple, donnent l'exemple, depuis 1997 vous menez une politique fluctuante. Une de vos premières mesures «phares» -elle était en effet très éclairante- a été de soumettre les allocations familiales à condition de ressources. Si, devant le tollé, vous avez dû renoncer, vous avez entrepris de diminuer l'AGED et le quotient familial. Depuis 1981 -je ne remonte pas à 1995, comme vous-, les allocations familiales ont beaucoup diminué. Vous parlez d'un coup de pouce de 0,3 %. Mais les familles ont bien compris que l'augmentation reçue en 1999 correspondait en fait à un rattrapage et à une compensation, bien partielle, des prélèvements supplémentaires liés à la diminution du quotient familial.

Vous ne proposez qu'une augmentation de 0,5 % alors que l'inflation prévue pour 2000 sera de 0,9 % et, mieux, que le PIB -qui intègre le loyer- augmentera de 1,2 %. C'est donc une baisse du pouvoir d'achat des familles que vous programmez. Merci pour elles !

M. Bernard Accoyer - Enfin, nous parlons, autrement qu'au détour d'un amendement, de la famille, sujet principal de cette loi de financement. Mais le Gouvernement choisit d'en parler pour continuer à s'acharner sur elle (Mme la ministre proteste). Depuis 1997, avec l'AGED, la déduction d'impôt pour frais de garde d'enfant, les manipulations du quotient familial, vous avez multiplié les mesures antifamille.

Cette année, avec cet article 7, vous ralentissez une nouvelle fois la hausse des prestations auxquelles les familles ont droit depuis plus de 55 ans. En 1954, les prestations familiales d'une famille de deux enfants, rapportées au revenu moyen de l'époque étaient de 2 886 F par mois. Elles ne sont plus aujourd'hui que de 683 F ! Cette dégringolade tient au fait qu'elles sont indexées sur les prix et non sur la richesse nationale. Nous demandons donc une indexation sur le salaire moyen ou le PIB par tête. Cette dernière formule serait cohérente avec la garantie de ressources figurant à l'article 9. En commission des affaires sociales, Mme Jacquaint s'est d'ailleurs opposée au mécanisme d'indexation nocif que vous perpétuez et a dénoncé les besoins croissants des familles.

Le Gouvernement s'obstine puisque, le 2 décembre...

Un député UDF - Encore un coup d'Etat !

M. Bernard Accoyer - ...le 2 décembre 1997, vous avez fait voter un amendement qui annule la dette -de plusieurs milliards !- qu'avait l'Etat envers la branche famille conformément à une décision de justice. La loi de 1994 prévoyait pourtant l'indépendance des branches. Cette spoliation des familles témoigne bien de l'idéologie antifamille d'une majorité qui en affecte le produit, presque franc pour franc, au Pacs !

Pour nous, la branche famille est le creuset de la solidarité entre les générations ; c'est elle qui doit notamment permettre aux femmes qui le veulent de s'occuper de leurs enfants. Nous sommes les vrais défenseurs de la retraite par répartition puisque celle-ci sera financée par les familles, par leurs enfants.

Année après année, vous réduisez davantage les droits des familles. C'est pourquoi nous voterons contre cet article 7 (Applaudissements sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL).

M. Pascal Terrasse - La politique familiale ne s'arrête pas aux allocations ! Vous dites aimer la famille : en 1997, nous avons trouvé un déficit de 14 milliards pour cette branche !

M. Bernard Accoyer - En 1993, le déficit des régimes sociaux était de 170 milliards ! Et vous détournez l'argent des retraites pour payer les 35 heures !

M. Pascal Terrasse - Depuis deux ans, le Gouvernement a entrepris de rénover la politique familiale, avec notamment une meilleure prise en charge des jeunes adultes, pérennisation de la majoration de l'allocation de rentrée scolaire, le gel des loyers sociaux.

Le taux de revalorisation de la BMAF sera de 0,5 %. Il aurait dû être de 0,2 %. Le coup de pouce est donc bien de 0,3 %.

M. Jean-Luc Préel - L'inflation est de 0,9 %, la croissance du PIB de 1,2 % !

M. Pascal Terrasse - Cela apportera 340 millions de complément à la branche famille, qui est maintenant excédentaire, ce qui n'était pas le cas en 1997 !

M. Bernard Accoyer - Vous la dévalisez pour financer le Pacs !

M. Patrick Delnatte - A l'époque, pas si lointaine, où nous étions dans la majorité, chaque fois que nous faisions référence aux politiques précédentes, l'opposition se permettait un geste d'impatience. On ne regarde pas l'avenir dans un rétroviseur ! Nous aussi, nous pourrions remonter dans le temps, et jusqu'aux années 80 : on verrait quel en est le bilan ! (Applaudissements sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL)

Cet article 7 pérennise l'indexation des allocations familiales sur l'indice INSEE des prix qui, pourtant, a peu de choses à voir avec un budget familial. Il serait temps de faire en sorte qu'il en soit plus proche. En outre, on prive les familles des fruits de la croissance. Mieux vaudrait donc choisir d'indexer sur les salaires ou sur le PIB. Une hausse de salaire, en effet a un effet négatif pour un ménage lorsqu'il a pour conséquence de lui faire dépasser le plafond des prestations familiales sous condition de ressources. En tout état de cause, cet écart entre l'indice des prix et l'évolution du PIB est un manque à gagner pour les familles et la revalorisation proposée est une tromperie.

Deux mesures qui n'ont pu être présentées pourraient aider à concilier vies professionnelle et familiale. Je proposerai d'abord, la création d'un congé de solidarité familiale, conformément à une idée du Président de la République qui a souligné que nous devions soutenir la solidarité qui est au c_ur de l'institution familiale.

Ma deuxième proposition, qui visait à valoriser le rôle des pères en augmentant leurs droits aux congés familiaux, allait dans le même sens. Tout cela devrait figurer dans la nouvelle loi sur la famille ou dans un prochain DDOS.

Pour en revenir à l'article 7, il n'est, dans sa rédaction actuelle, pas votable.

M. François Goulard - Je saurais gré à Madame la ministre de nous épargner la ritournelle sur le manque de financement de la branche famille dont elle aurait pris connaissance à son arrivée au ministère, à l'été 1997. Chacun d'entre nous dispose de chiffres contradictoires, les propos de M. Delnatte ont été suffisamment éloquents pour qu'il n'y ait pas lieu d'y revenir, et les polémiques stériles sont inutiles quand des problèmes autrement plus graves se posent.

Ce devrait en effet être le souci premier de tout gouvernement que de freiner la dénatalité qui, si elle persiste, condamnera notre pays à un déclin inexorable. Il faut donc mettre un terme à des débats de bas étage, et nous soucier enfin de l'avenir de notre pays.

Mme la Ministre - En effet !

M. François Goulard - Le taux actuel de la natalité en France n'assure pas le renouvellement des générations, alors que plus de la moitié des 45 ou 46 % de prélèvements obligatoires servent à redistribuer des revenus, -30 % des revenus des ménages proviennent des allocations de toute sorte versées par la puissance publique-, les grandes perdantes, dans cet immense mouvement redistributif, sont les familles, quel que soit leur niveau de revenu, et tout particulièrement les familles nombreuses, infiniment plus pauvres que les autres à revenus initiaux égaux.

Dans ces conditions, une véritable politique familiale s'impose. Que des divergences nous opposent sur les modalités de sa mise en oeuvre, soit. Que vous critiquiez l'AGED et que vous réduisiez le montant de manière radicale, c'est votre droit. De même, la baisse du quotient familial reflète votre conception de la société. Mais pourquoi, au-delà de divergences naturelles en démocratie, ne prenez-vous pas d'autres dispositions, dans l'intérêt des familles et, donc, de notre pays ?

Ce que vous nous présentez, ce sont des mesures minuscules qui ne compensent pas la réduction continue du pouvoir d'achat des allocations familiales depuis quarante ans. Quel gouvernement a élaboré et fait voter une grande loi en faveur de la famille ? C'est ce rendez-vous là que vous avez manqué !

M. Pascal Terrasse - Discours !

Mme la Ministre - Les incantations ne suffisent pas, il faut rappeler les faits. Pour commencer, M. Accoyer, qui se plaint d'un «débat de bas étage», n'aide pas au débat démocratique en utilisant de manière répétitive des termes tels que «racket», «hold up» ou «détournement de fonds», qui tendent, en vain, à dissimuler la faible valeur des arguments.

Je suis de ceux qui considèrent la famille comme un lieu essentiel de socialisation, où les enfants trouvent leurs repères, et je me réjouis donc qu'après la suppression, dans un premier temps, des allocations familiales, nous soyons parvenus, après concertation avec les associations familiales, à une politique plus ambitieuse et plus équitable de la famille.

Que devions-nous faire lorsque, arrivant au pouvoir, nous avons été confrontés au déficit de 14 milliards de la branche famille ? Voter une loi, c'est bien, mais si elle n'est pas financée, comment l'appliquer ? Nous avons donc préféré commencer par rétablir l'équilibre et parvenir, ensuite, à l'excédent. Ce qui fut fait.

Depuis deux ans, les associations familiales participent à nos travaux. Vous en avez cité une, mais les autres acceptent les orientations du Gouvernement, pour les avoir définies avec lui. Quelles sont-elles ?

Il s'agit, en premier lieu, de conforter les parents dans leur irremplaçable rôle éducatif. A cette fin nous avons créé un réseau d'aide aux parents en difficulté et nous avons aussi inclus dans la loi relative à la réduction du temps de travail nombre des propositions de Mme Génisson, qui visent à permettre une meilleure articulation entre vie familiale et vie professionnelle.

Nous voulons aussi, naturellement, aider les familles les plus modestes. Le système du quotient familial bénéficie, chacun le sait, bien plus aux familles aisées qu'aux familles pauvres. Pour davantage d'équité, l'allocation de rentrée scolaire a été étendue, sous condition de ressources, à 350 000 familles. Son montant a été augmenté, et le Premier ministre a indiqué que cette augmentation serait pérennisée. A cette fin, l'allocation sera reprise par la CNAM.

Nous avons, d'autre part, revu le seuil de l'ouverture du droit à l'allocation logement, mesure qui porte sur un montant de 1,3 milliard.

Le Gouvernement a encore souhaité amélioré l'accueil des jeunes enfants ! Car des naissances sont retardées ou refusées parce que les parents peinent à aménager la garde des nourrissons. Nous réexaminons les dispositifs existants, notre objectif étant que chacun puisse, à terme, choisir le mode de garde qui lui convient le mieux. Nous sommes en effet convaincus qu'il s'agit d'un facteur déclenchant de la natalité. Cela étant, la situation démographique de la France est, fort heureusement, plus favorable que celle de ses partenaires européens, et la politique que nous mettons progressivement en place contribuera à l'améliorer encore.

Dois-je, aussi, vous rappeler que nous avons porté à 21 ans la limite d'âge pour l'aide au logement et le complément familial. Le coût de ces mesures -un milliard et demi- n'est pas négligeable.

Alors, vraiment, ce gouvernement n'aurait pas de politique familiale ? J'assiste, tous les ans, avec le Premier ministre, à la conférence de la famille, et je vois le travail fait avec les associations familiales pour définir les services souhaitables -car les familles veulent non seulement des prestations, mais aussi des services.

Ce n'est pas ce gouvernement qui, en 1996, a gelé la BMAF ! Nous avons, au contraire, revalorisé chaque année les allocations familiales et donné, cette année, un coup de pouce à leur pouvoir d'achat. De plus, les ressources de la branche famille seront garanties : c'est l'une des mesures importantes du projet qui vous est présenté. Pour ce qui vous concerne, vous avez utilisé, en 1993, l'excédent de 66 milliards dont vous disposiez pour combler le déficit des branches maladie et vieillesse !

Evitez donc les contrevérités ! Ainsi, nous pourrons définir plus sereinement une politique de la famille, en coopération étroite avec les organisations familiales, que je remercie tout particulièrement (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

Mme Muguette Jacquaint - On a dit qu'il fallait cesser de voir la politique familiale dans un rétroviseur. Mais il faut constater que le pouvoir d'achat des familles est resté bloqué pendant des années ! Quand, hier, M. d'Aubert a parlé de réduire les dépenses publiques, j'ai réagi un peu passionnément : car si on réduit les dépenses publiques, comment répondre aux besoins des familles ?

Cet article 7 indexe les prestations familiales sur l'évolution prévisionnelle des prix et prévoit un mécanisme correctif, après coup, pour tenir compte de la hausse effective des prix. Mais il peut arriver comme cette année, que les prix augmentent moins que prévu. Il nous semble très injuste de rendre les familles responsables de cette erreur de prévision et de réajuster à la baisse l'évolution des prestations familiale. Cela a un effet perturbant sur la consommation des ménages. Tant mieux si la revalorisation de l'an dernier a été un peu trop élevée : n'oublions pas que pendant des années, le pouvoir d'achat des prestations familiales a été bloqué ! Ceux qui aujourd'hui pleurent sur les familles les ont eux-mêmes oubliées à l'époque !

Il serait souhaitable que le taux d'inflation de 0,9 % prévu pour 2000 n'aboutisse pas à priver les familles d'une légère augmentation de leur pouvoir d'achat. D'autant que les prestations familiales contribuent à la relance de la consommation, on l'a bien vu avec la majoration de l'allocation de rentrée scolaire. C'est pourquoi nous avons proposé un amendement indexant les prestations familiales, non pas sur l'évolution du prix, mais sur celle du salaire moyen. On nous a malheureusement opposé l'article 40. Nous continuons à plaider pour une revalorisation plus forte et nous ne pouvons donc pas être d'accord avec l'article7.

M. Patrick Delnatte - Nous avons déjà expliqué notre désaccord sur le mode de calcul de l'évolution des prestations familiales et c'est pourquoi, par l'amendement 330, nous proposons la suppression de l'article7.

Madame la ministre, vous faites état d'un consensus avec les associations familiales : vous les avez tellement secouées en voulant soumettre les allocations familiales à condition de ressources qu'elles se réjouissent sans doute d'en revenir à une politique plus stable, mais croyez bien qu'elles ont encore beaucoup de revendications à faire passer !

Mme Marie-Françoise Clergeau, rapporteur de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales, pour la famille - M. Accoyer et M. Delnatte n'en sont pas à une contradiction près, puisque c'est leur majorité qui, en 1994, avait voté ce mode de revalorisation !

Supprimer l'article, c'est supprimer tout mécanisme de revalorisation, y compris le coup de pouce proposé par le Gouvernement. On voit qui, ici, défend les familles !

Mme la Ministre - Même avis.

Monsieur Delnatte, je n'ai jamais dit que les familles n'avaient plus de revendications. Mais, justement, nous travaillons avec elles à fixer les priorités. Pour 2001 ce sera la remise à plat des allocations logement et l'amélioration des modes de garde des jeunes enfants.

L'amendement 330, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Bernard Accoyer - L'amendement 332 est évidemment un amendement de repli. Contrairement à ce que dit Mme le rapporteur, qui était censée défendre les intérêts des familles d'après la présentation qui a été faite d'elle, l'article 7 réduit la hausse des prestations auxquelles ont droit les familles. On peut toujours nous opposer des arguments techniques arides, mais nous sommes ici pour répondre aux attentes des familles qui constatent, année après année, que la solidarité à leur égard diminue. Vous ne devriez pas, Madame le rapporteur, entrer dans ce jeu pervers que nous infligent des comptables au c_ur aride.

Cet amendement permettrait un petit geste en faveur des familles.

Mme la Ministre - Mme le rapporteur a sans doute moins de mal à avoir un c_ur qui bat pour les familles que M. Accoyer, qui a voté le blocage des allocations.

Je crois que le débat mérite mieux que ce ton et ce type d'insultes permanentes -nous serions incompétents, nous aurions «le c_ur aride», nous ferions des «rackets», des détournements de fonds... Les faits et les chiffres prouvent que nous faisons avancer les choses. Alors sortons de ce discours, la démocratie y gagnerait ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste)

Mme Jacqueline Mathieu-Obadia - Madame la ministre, je suis d'accord avec vous : ayons du c_ur et faisons en sorte que, parmi les dépenses publiques, la priorité aille aux familles. Veillons ainsi à ce que les dépenses liées au Pacs ne viennent pas réduire celles qui leur sont consacrées (Applaudissements sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL)

M. Bernard Accoyer - Mme la ministre m'a interpellé de manière assez brutale et j'en suis encore traumatisé ! (Rires sur les bancs du groupe socialiste)

Vous comparez deux périodes très différentes : en 1993 il a fallu combler les déficits gigantesques que vous avez laissés derrière vous ! Nous avons dû assainir la situation pour remettre le pays sur les rails...

M. le Président - Monsieur Accoyer, je vous ai donné la parole parce que vous avez été mis en cause, mais ne revenez pas sur le débat de fond.

M. Bernard Accoyer - Grâce à notre action, le pays est reparti et vous bénéficiez maintenant d'une période de croissance !

M. François Goulard - Nous insistons sur ces mesures qui permettraient d'attribuer quelques milliards de plus à la politique familiale. C'est l'objet de notre amendement 609. Avec le vote de la proposition de loi sur le Pacs vous avez attribué plusieurs milliards d'avantages fiscaux à des couples qui, par définition n'auront pas d'enfants. Nous insistons donc pour que, sur des montants sans doute plus modestes, vous fassiez un geste pour les familles. Ce qu'elles apportent à leurs enfants, et par là à la société, mérite bien des sacrifices financiers du même ordre que ceux que vous avez consentis à l'occasion du Pacs (Applaudissements sur les bancs du groupe DL, du groupe UDF et du groupe du RPR).

Mme Marie-Françoise Clergeau, rapporteur - Je ne veux pas laisser se poursuivre l'amalgame entre le Pacs et la famille, qui n'ont rien à voir. Les électeurs que nous rencontrons ont eu beaucoup de soucis pendant quelque temps : gel des prestations familiales en 1996, gel des plafonds de ressources en 1996 et 1997, diminution de l'allocation de rentrée scolaire, gel des allocations logement en 1995 et 1996, soit près de deux milliards non redistribués aux familles, et j'en passe... Les familles sont une préoccupation pour nous tous, et pour notre part nous souhaitons continuer, comme depuis 1997, à tenir nos engagements, au lieu de voter des lois qu'ensuite on n'applique pas. Pour ce qui est des amendements, nous les rejetons : vous souhaitez supprimer 340 millions supplémentaires distribués aux familles.

Mme la Secrétaire d'Etat - Pour le Gouvernement il est exclu de supprimer pour 2000 le rattrapage de la majoration, qui permet une revalorisation des BMAF de 0,5 % au lieu de 0,2 %. Nous entendons, année après année, consolider les prestations, mais aussi élargir les réponses en fonction des besoins réels des familles. Ces besoins, aujourd'hui, concernent l'élévation de l'âge des enfants à charge, mais aussi la diversité des modes de garde et d'accueil des jeunes enfants : ces deux chantiers sont ouverts pour l'an prochain. Pour cette année nous répondons aux attentes des familles par cet article 7, d'une manière concertée avec le mouvement familial.

M. Patrick Delnatte - Il faut bien se comprendre : des amendements de suppression peuvent avoir pour but de remettre sur le chantier des éléments, afin de parvenir à de nouvelles bases d'indexation. Chacun connaît cette mécanique parlementaire et, à cet égard, la présentation de Mme le rapporteur était trompeuse.

Les amendements 332 et 609, mis aux voix, ne sont pas adoptés.

L'article 7, mis aux voix, est adopté.

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ART. 8

M. Jean-Luc Préel - Cet article démontre, s'il en était besoin, l'indigence de votre politique familiale. A nos yeux, la France a besoin d'une grande politique familiale pour préparer l'avenir, car sans enfants il n'y a pas d'avenir. Je ne reviens pas sur les pertes de pouvoir d'achat que subissent les prestations familiales depuis des années. Les familles considèrent leur augmentation en 1999 comme un rattrapage partiel. Comme elles constatent que l'inflation prévue en 2000 est de 0,9 %, mais que l'augmentation du PIB est évaluée à 1,2 %, elles comprendront rapidement que l'augmentation de 0,5 % n'est pas un réel coup de pouce.

Je ne reviens pas non plus sur vos fluctuations, la mise sous conditions de ressources des allocations familiales puis le retour à l'universalité, la baisse de l'AGED, celle du quotient familial, avec ses conséquences pour l'impôt sur le revenu et la taxe d'habitation. Vous n'avez entrepris aucune simplification des 23 prestations et des 15 000 références existantes, ingérables et incompréhensibles pour les bénéficiaires, et qui dans certains cas engendrent des injustices, comme l'a montré une analyse de la CNAF.

Dans cet article, vous prolongez jusqu'à 21 ans le complément familial et l'aide au logement. Mais surtout, dans le paragraphe III, vous abrogez la loi du 25 juillet 1994, qui comportait notamment une mesure très attendue des familles : l'extension des prestations au-delà de 20 ans, c'est-à-dire à l'âge où les enfants coûtent le plus cher. Vous arguez du fait que cette loi n'avait pas été appliquée en 1997. Mais elle prévoyait comme date butoir le 31 décembre 1999. Aujourd'hui, la branche est excédentaire ; vous êtes là depuis deux ans et demi. Vous auriez parfaitement pu appliquer cette disposition. Vous pourriez même, si ce n'est pas possible cette année, repousser d'un an la date limite ; c'est ce que nous proposerons par amendement. En réalité, si vous voulez abroger la loi de 1994, c'est probablement que vous ne souhaitez pas prolonger les prestations après l'âge de 20 ans, et nous le regrettons.

M. Bernard Accoyer - Par cet article, le Gouvernement veut faire croire qu'il apporte un plus aux familles. Mais, s'il améliore les conditions d'âge pour certaines prestations, pour tout le reste cet article est défavorable aux familles, et nous nous y opposerons.

M. Pascal Terrasse - Cet article élève à 21 ans l'âge pris en compte pour le versement de certaines prestations, mesure annoncée par le Premier ministre à l'occasion de la Conférence de la famille du 7 juillet. Elle porte sur deux prestations, le complément familial et l'aide au logement. De fait, l'âge d'entrée dans la vie active s'élève, pour atteindre aujourd'hui 23 ans, même si les emplois jeunes peuvent aider à corriger cette tendance. L'allongement de la scolarité a aussi un poids financier pour les familles, notamment celles qui sont loin des universités, en particulier à la campagne. Enfin, le nombre des familles monoparentales s'accroît. Pour ces raisons, la mesure correspond bien aux attentes des familles.

M. Patrick Delnatte - Si cet article améliore quelques prestations, son contenu essentiel reste la suppression de la loi Veil de 1994, qui visait à améliorer la situation des familles en charge d'enfants adultes, mais aussi la garde des jeunes enfants. Sur ces deux points, vous allez à contresens. En effet, l'article 8 abroge le relèvement à 22 ans, avant le 31 décembre 1999, de l'âge limite pour l'ouverture du droit aux prestations familiales. Pour moi, une vraie politique familiale ne peut se contenter, comme vous le faites, d'augmenter l'âge limite pour trois prestations sur 24. Au besoin, prolongez d'un an la loi de 1994, si vous ne pouvez pas l'appliquer tout de suite : une chose est de geler, comme nous avons dû le faire en raison d'une conjoncture difficile, une autre est d'abroger, comme vous le faites alors que la conjoncture est redevenue favorable.

Je rappelle, d'autre part, que la mise sous conditions de ressources des allocations familiales en 1998 remettait en cause le principe fondamental de l'universalité de la politique familiale. Le Gouvernement avait alors affirmé que ce dispositif était transitoire, jusqu'à ce que soit décidée une réforme d'un ensemble des prestations et des aides fiscales aux familles. Mais devant l'ampleur des protestations -qu'elles émanent des mouvements familiaux, de l'opposition parlementaire, des syndicats ou même de membres de la majorité- le Gouvernement a dû, dès 1999, revenir sur cette décision, et à la place réduire le plafond du quotient familial. Nous sommes bien loin d'une réforme d'ensemble...

Sans doute le plafonnement du quotient familial est-il moins pénalisant pour les familles allocataires que la mise sous conditions de ressources. Cependant il touche particulièrement les familles nombreuses aisées qui, faut-il le rappeler, contribuent autant que les autres à l'avenir de la société. Sont également très pénalisées les 425 000 familles qui n'ont qu'un enfant à charge ou dont les enfants rattachés au foyer fiscal ont plus de 20 ans, puisqu'elles ne perçoivent pas d'allocations familiales mais subissent l'abaissement du plafond.

S'agissant de la petite enfance, vous ne faites qu'annoncer une remise à plat des prestations, après avoir réduit l'AGED et diminué de moitié la réduction fiscale pour emplois familiaux... Il aurait d'ailleurs fallu évaluer, au regard de l'économie réalisée, l'impact de cette mesure en termes de suppression d'emplois et d'augmentation de la part du travail au noir, sans compter les pertes de cotisations liées à ces emplois perdus.

M. François Goulard - Cet article vise en apparence à augmenter le nombre de bénéficiaires de certaines prestations, mais surtout il abroge l'article 22 de la loi de 1994. Je voudrais ajouter à tout ce qu'a fort bien dit notre collègue Delnatte que la diminution simultanée de l'AGED et de l'avantage fiscal a eu des conséquences particulièrement négatives pour les catégories moyennes -auxquelles le Premier ministre, curieusement, semble désormais s'intéresser de manière prioritaire... La réforme de l'AGED complique singulièrement la vie de nombreux jeunes couples dont les deux membres travaillent. En outre, elle a empêché des personnes d'être employées autrement qu'au noir.

Votre politique familiales n'est donc à pas à la hauteur des attentes des Français. Les propos mêmes de Mme Aubry, nous expliquant qu'elle était en train d'étudier avec certaines associations familiales les moyens de favoriser la garde des enfants, montrent bien qu'après deux ans et demi, le Gouvernement commence seulement à réfléchir à ce sujet fondamental...

Mme Muguette Jacquaint - Cet article issu des conclusions de la conférence de la famille, porte à 21 ans la limite d'âge pour le versement du complément familial de l'APL et de l'ALF. Ce n'est que justice car 75 % des jeunes vivent encore chez leurs parents à 20 ans et 55 % à 22 ans.

Le groupe communiste votera donc ces dispositions. Cependant il est indispensable d'engager une réflexion globale sur les moyens de vivre dont disposent les jeunes adultes et de prendre des mesures favorisant leur autonomie.

Mme la Secrétaire d'Etat - Qu'on me pardonne de dire que certains orateurs sont d'une mauvaise foi évidente (Protestations sur les bancs du groupe DL, du groupe UDF et du groupe du RPR).

M. Jean-Luc Préel - Utilisez d'autres termes ! Inspirez-vous de certains de vos prédécesseurs, soyez pondérée !

Mme la Secrétaire d'Etat - Je suis très pondérée, mais force est de constater que vos allégations sont fausses.

Le pouvoir d'achat des familles ne diminue pas, bien au contraire : nous proposons cette année de l'augmenter de 0,3 %

M. Jean-Luc Préel - Sans prendre en compte l'augmentation du PIB !

Mme la Secrétaire d'Etat - La prise en charge des jeunes adultes est l'une des priorités de la politique familiale du Gouvernement. 73 % des jeunes de 20 ans habitent encore chez leurs parents. L'âge limite pour l'attribution des prestations familiales a ainsi été porté à 19 ans en 1998 et à 20 ans en 1999 ; ces mesures, qui ont concerné 120 000 familles chaque année, ont coûté 1 milliard. Dans la même logique, le Gouvernement a décidé lors de la conférence de la famille de porter à 21 ans l'âge limite pour le versement du complément familial et des aides au logement. Ces mesures, d'un coût de 500 millions en 2000, bénéficieront à 175 000 familles.

Porter la limite d'âge à 22 ans pour l'ensemble des prestations familiales coûterait 7 milliards à la branche famille. Au demeurant, la meilleure façon d'aider les jeunes n'est pas de les maintenir dans le giron familial mais de leur permettre d'accéder à l'autonomie.

Quant à la loi de 1994, je répète qu'elle n'était pas financée. Elle ne correspondait d'ailleurs pas aux attentes des familles.

Mme Jacqueline Mathieu-Obadia et M. Patrick Delnatte - C'est faux !

Mme la Secrétaire d'Etat - Depuis deux ans, nous avons engagé une rénovation progressive de la politique familiale.

La mise sous conditions de ressources des allocations en 1997 a effectivement suscité des oppositions fortes ; nous les avons entendues. Il reste que dans la concertation qui a été engagée, le principe de solidarité avec les familles qui en ont le plus besoin n'a jamais été contesté. L'UNAF nous a dit elle-même que c'était sa priorité.

Petit à petit, nous construisons une politique familiale répondant aux attentes des familles, sans a priori, en travaillant en concertation avec le mouvement familial : c'est sans doute ce qui vous dérange (Exclamations sur les bancs du groupe UDF et du groupe du RPR).

Monsieur Delnatte, les familles qui ont « souffert » d'une diminution de l'AGED affichent des revenus annuels supérieurs à 300 000 francs. Peut-on considérer qu'il s'agit de familles moyennes ?

Monsieur Goulard, vous vous êtes plaint de l'abaissement du plafond du quotient familial ; mais les familles concernées ont à nouveau bénéficié de la totalité des allocations familiales. Celles qui ont perdu à ce changement dépassent 38 000 F de revenu mensuel pour deux enfants et 43 700 F pour trois enfants : nous n'avons pas la même conception de la famille moyenne...

Je donnerai donc un avis défavorable aux amendements qui mettent à mal cet article.

M. Patrick Delnatte - Au-delà de l'équité, il faut aussi aider les parents, les deux parents, à concilier vie familiale et vie professionnelle.

Vous dites agir avec l'accord des associations familiales. Nous aussi, nous les rencontrons, et elles ne nous disent pas la même chose. Je ne crois pas, pour autant, qu'elles tiennent un double langage. Elles demandent que l'article 22 de la loi de 1994 soit respecté et qu'on verse bien l'allocation personnalisée au logement, l'allocation d'éducation spéciale et l'allocation de parent isolé pour les enfants âgés de 21 à 22 ans.

Le Gouvernement veut fixer la limite à 21 ans au motif que la porter à 22 ans coûterait 7 à 8 milliards. Vous ne m'empêcherez pas de rappeler que vous allez consacrer la même somme au financement du Pacs.

Il y a en France 1,5 million de jeunes de 20 à 22 ans. On sait, par ailleurs, que le coût d'un enfant pour une famille augmente avec son âge : il s'accroît de 28 % quand l'enfant entre dans la tranche des 15-19 ans et de 41 % entre 20 et 24 ans.

Vous prétendez agir en faveur de l'autonomie des jeunes. En réalité, l'Etat n'en a pas les moyens. Laissez donc jouer la solidarité familiale : elle est plus naturelle et coûtera moins cher.

M. Bernard Accoyer - Mes amendements 333, 334, 335 et 336 visent à maintenir, pour quatre prestations, le relèvement de l'âge limite d'attribution fixé par la loi de 1994, une grande loi sur la famille que le Gouvernement, fidèle à sa ligne, s'apprête à démanteler.

Je n'insisterai pas sur l'APL, l'allocation de soutien familial et l'allocation de parent isolé pour appeler plus particulièrement votre attention sur une prestation qui n'est pas comme les autres : l'allocation d'éducation spéciale, versée aux familles qui ont à la charge un enfant handicapé. On ne peut raisonner en termes strictement budgétaires. Vous devez faire un effort en faveur de ces familles et j'appelle tous mes collègues, en particulier Mme Jacquaint, si attentive à ce problème, à adopter au moins mon amendement 334. C'est d'autant plus nécessaire que les COTOREP attribuent cette allocation de manière très restrictive.

M. Alfred Recours, rapporteur de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales, pour les recettes et l'équilibre général - C'est vrai.

M. Bernard Accoyer - Je demande solennellement au Gouvernement de faire une exception pour l'allocation d'éducation spéciale. Vous connaissez les frais des familles concernées et l'insuffisance des dispositifs de prise en charge et d'intégration. Faites un geste en faveur des handicapés.

Mme Marie-Françoise Clergeau, rapporteur - Cet article tend à prolonger le bénéfice des allocations complémentaires, ce qui était nécessaire, puisque plus de 75 % des jeunes de 20 ans habitent encore chez leurs parents.

En 1998, l'âge limite a été porté à 19 ans et, au premier janvier 1999, à 20 ans. Nous allons le relever à 21 ans.

Cependant, la prise en charge des jeunes adultes ne peut se limiter au prolongement des prestations. Il faut favoriser l'autonomie des jeunes, ce que nous avons fait en créant les emplois-jeunes et le programme TRACE... (Interruptions sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL) ou en indemnisant le chômage précoce (Mêmes mouvements). Il faut aborder le problème dans son ensemble.

Dans un esprit de solidarité, nous avons d'abord voulu viser les familles nombreuses...

M. Bernard Accoyer - Non seulement vous les visez, mais vous les coulez !

Mme Marie-Françoise Clergeau, rapporteur - ...et relever les allocations logement, ce qui était indispensable pour rendre les ménages plus solvables.

La commission a repoussé tous ces amendements. Je ne comprends pas celui que M. Accoyer a déposé sur l'allocation de parent isolé, celle-ci n'étant versée que jusqu'à la troisième année de l'enfant (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste). Quant à l'APL, elle n'est pas visée par le présent projet.

M. Jean Le Garrec, président de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales - La politique familiale est une et Mme le rapporteur a eu raison de dire qu'elle devait reposer sur la solidarité. Le «parlement de la famille» est tout à fait d'accord pour prendre en considération en priorité les familles les plus en difficulté.

Il faut, en outre, raisonner globalement. On nous a annoncé ce matin que notre pays compte 83 600 chômeurs de moins. Le chômage des jeunes, en particulier, a reculé de 5,2 % en un mois et de 25 % en un an. Comme l'a dit Mme Clergeau, s'il est bien de prolonger les prestations, ce n'est pas une solution : le vrai remède, c'est l'emploi, et le Gouvernement fait tout pour favoriser l'insertion par le travail.

Malgré les dénégations de certains, nous mesurons les effets de la croissance, des emplois-jeunes et de la réduction du temps de travail. Les chiffres sont là : c'est la première fois depuis de nombreuses années que nous enregistrons une telle baisse du chômage (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

Mme la Secrétaire d'Etat - M. le Président de la commission vient de très bien recadrer la politique familiale dans la politique du Gouvernement.

S'agissant de l'allocation d'éducation spéciale, la prolonger ne servirait guère l'intérêt des familles, dans la mesure où un jeune handicapé, à partir de 20 ans, peut percevoir l'allocation pour adulte handicapé, ce qui est bien plus avantageux.

M. Pascal Terrasse - Très bien ! L'opposition ignore tout cela.

Mme la Secrétaire d'Etat - Quant à l'allocation de parent isolé, elle est versée pour les enfants de moins de trois ans ! Votre amendement n'a donc pas de sens. Avis défavorable.

M. Bernard Accoyer - Par essence, les allocations familiales sont fondées sur le principe de l'universalité. Or vous venez de nous expliquer que ces prestations, désormais, seront soumises à conditions de ressources (Protestations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe communiste). Nous avions cru comprendre que Mme Aubry avait été convaincue de la validité de ce principe de l'universalité lorsqu'elle avait reculé sur la mise sous condition des allocations. Nous constatons que vous persistez dans l'erreur et nous voulons vous en empêcher.

Les amendements 384 et 333, successivement mis aux voix, ne sont pas adoptés, non plus que les amendements 334, 335 et 336.

M. Patrick Delnatte - L'amendement 573, présenté par l'ensemble de l'opposition, affirme solennellement l'importance de la loi de 1994 qui avait prévu de prolonger jusqu'à 22 ans le versement de toutes les prestations familiales si la branche était excédentaire, comme c'est actuellement le cas. Il y avait là une voie à suivre, inscrite dans les tables de la loi. Vous remettez donc en cause un principe de fond de la politique familiale, l'universalité, laquelle n'est pas exclusive de la solidarité.

M. Jean-Luc Préel - Curieuse méthode que de supprimer cette disposition de la loi de 1994 alors que les familles souhaitent cette extension et que la branche est excédentaire -il est d'ailleurs facile de la rendre excédentaire en n'augmentant pas les prestations... Nous proposons par cet amendement 472 de supprimer le paragraphe III du texte, en attendant qu'un prochain amendement propose de proroger les dispositions de cette excellente loi de 1994 jusqu'à 2001, afin de laisser au Gouvernement le temps de les mettre en _uvre, grâce à l'excédent de la branche.

M. François Goulard - L'amendement 610 a, lui aussi, pour objectif d'obtenir l'application de la loi de 1994.

Comme le président Le Garrec, nous nous réjouissons tous que la croissance se confirme, en France comme ailleurs, apportant ainsi davantage de bien-être à nos concitoyens et facilitant, très largement, la tâche du Gouvernement. Mais peut-on comme il le fait mettre ces progrès au crédit de la réduction du temps de travail -qui, je le souligne, n'est pas encore entrée en vigueur- ou des emplois-jeunes ? De juin 1997 à juin 1999, la croissance a permis, dans à peu près tous les pays de l'OCDE, de créer massivement des emplois. Et sauf en Allemagne et en Italie, partout la réduction du chômage est plus forte qu'en France. Aux Pays-Bas et aux Etats-Unis, où, au départ il était déjà moitié moindre, il diminue plus rapidement que chez nous. Cessez donc d'imputer aux fleurons de votre politique que sont les emplois-jeunes et la réduction du temps de travail ce qui n'est dû qu'à la croissance, malheureusement un peu moins nette chez nous que chez nos voisins. N'imitez pas le coq de Rostand qui attribuait le lever du soleil à son chant matinal ! Ne vous parez pas des plumes du paon !

Mme Marie-Françoise Clergeau, rapporteur - Nous continuerons à mener une politique familiale globale, ne voyant pas l'intérêt de nous adosser à une loi, aux intentions certes généreuses, mais jamais financée. Avis défavorable à ces trois amendements.

Mme la Secrétaire d'Etat - Même avis.

Les amendements 573, 472 et 610, mis aux voix, ne sont pas adoptés.

M. Patrick Delnatte - L'amendement 574 vise à proroger les dispositions de la loi de 1994, que les fruits de la croissance permettront de mieux appliquer. Le besoin est réel...

M. Jean-Luc Préel - Et il y a un excédent !

M. Patrick Delnatte - Il serait bon de profiter de la croissance pour répondre à une légitime préoccupation. Pour cela, le terme du 31 décembre 2001 paraît très raisonnable.

Mme Marie-Françoise Clergeau, rapporteur - La commission a rejeté cet amendement. A une loi virtuelle nous préférons une véritable politique de la famille.

Mme la Secrétaire d'Etat - Avis défavorable.

L'amendement 574, mis aux voix, n'est pas adopté.

L'article 8, mis aux voix, est adopté.

ART. 9

M. Jean-Luc Préel - Cet article 9 garantit à la CNAF une ressource minimale jusqu'au 31 décembre 2002. On comprend certes que la Caisse redoute de mauvaises intentions de votre part, se souvenant que lors du vote de la CMU, vous lui avez retiré 28 % de la CSG du patrimoine pour les transférer à la CNAM. Vous promettez en quelque sorte aujourd'hui de ne plus recommencer. Mais c'est une fausse garantie. Puisque chaque année nous voterons la loi de financement de la Sécurité sociale, il serait préférable d'appliquer la garantie de ressources prévue à l'article 34 de la loi de 1994 et d'écrire que nous ferons le maximum pour financer une vraie politique familiale qui fasse profiter les familles des fruits de la croissance -au lieu de se contenter de cette garantie minimale que vous pourrez toujours abroger ou modifier ultérieurement, comme vous l'avez fait lors du vote de la CMU.

M. Yves Bur - Cette loi de financement se caractérise par son manque d'ambition et même par son inexistence. Les familles ne bénéficieront pas de fruits de la croissance. Le Gouvernement avait promis de reconduire la garantie de ressources créée en 1994 pour la branche famille. Au lieu de respecter cet engagement, il l'applique à la période 1998-2002, en ne prévoyant aucun versement de l'Etat au titre de cette garantie avant la fin de cette période raccourcie. De plus, l'essentiel de cette garantie sera absorbé par le transfert à la CNAF du paiement de l'allocation de rentrée scolaire : sept milliards de charges seront ainsi, à terme, transférés de l'Etat à la Sécurité sociale.

Ce texte ne crée donc aucune nouvelle marge de financement pour compenser les reculs enregistrés par la politique familiale des deux dernières années avec les restrictions apportées aux aides à la garde des jeunes enfants, l'abandon de la réforme de l'impôt sur le revenu votée en 1996, l'aggravation du plafonnement du quotient familial et sa répercussion sur la taxe d'habitation et, plus récemment, la suppression des aides au temps partiel prévue dans la loi sur les 35 heures.

Il n'y a pas davantage de marge de financement pour relancer la politique familiale selon les indications données par le Président de la République, et offrir à tous les couples les moyens d'avoir autant d'enfants qu'ils le souhaitent. Cela supposerait d'améliorer le régime de l'allocation parentale d'éducation, de développer les capacités d'accueil des jeunes enfants, en crèche comme au domicile, d'inciter les partenaires sociaux à conclure des accords d'entreprise et à améliorer l'articulation entre vie familiale et vie professionnelle.

Sur un tout autre plan, la question se pose de savoir si ce dispositif a sa place dans une loi de finances pour 2000 alors même qu'il ne devrait prendre effet qu'en 2002.

Quels que soient les effets d'annonce, votre politique familiale manque d'ambition, alors que les moyens existent.

M. Patrick Delnatte - C'est une bonne chose que de garantir à la CNAM des ressources revalorisées en fonction de l'évaluation du PIB. Cela permettra peut-être d'éviter quelques contentieux du type de ceux que nous avons connus il y a quelques années.

Cependant, la garantie est constatée en fin de période. Ce serait plus sage qu'elle le soit année après année. D'autre part, rien ne justifie le choix arbitraire de 2002.

Par ailleurs, l'augmentation de recettes ainsi espérée est déjà hypothéquée par l'accroissement, sans contrepartie, de l'ARS, ce qui vide le débat de beaucoup de sa substance mais qui conduit à s'interroger sur un problème de fond, celui des dépenses portées indûment à la charge de la branche famille et que certains estiment à 34 milliards. Disposer des précisions nécessaires permettrait d'affecter les excédents avec justesse. Si le Gouvernement adoptait une attitude plus pragmatique, il rendrait les comptes plus aisément compréhensibles et il renforcerait la confiance.

M. François Goulard - Le Gouvernement s'engage donc à garantir les ressources de la CNAF : c'est bien le moins ! Ce qui est, en revanche, vraiment anormal, c'est d'entendre Mme Gillot expliquer que les ménages qui disposent de revenus moyens ou élevés ne devraient pas bénéficier des avantages d'une politique familiale.

Je tiens à rappeler, une nouvelle fois, que la politique familiale n'est pas un outil de redistribution. Il existe pour cela d'autres instruments qui ont noms impôt sur le revenu et allocations diverses. Le véritable objet d'une politique familiale est d'organiser la redistribution à niveau de revenu équivalent, entre les familles, et notamment les familles nombreuses, d'une part, les ménages sans enfants d'autre part.

Lorsque les revenus des familles sont modestes, une telle redistribution ne peut se faire par le biais de l'impôt, et c'est pourquoi nous souhaitons l'augmentation des allocations familiales. Mais, dans tous les cas, il est légitime que des avantages soient accordés aux familles, dont toutes les statistiques montrent qu'à revenu initial égal, elles sont considérablement défavorisées si on les compare aux ménages sans enfants.

Une politique familiale équitable doit donc organiser la redistribution sans s'attacher au niveau de revenus des familles.

Mme Muguette Jacquaint - On se félicitera que la garantie des ressources dont bénéficiera la CNAF pour la période 1998-2002 soit fondée sur l'évolution du PIB. On se féliciterait aussi que l'augmentation de l'ARS, portée, on s'en souvient à 1 600 francs, soit, elle aussi pérennisée, comme le Premier ministre en a pris l'engagement. Il serait bon, pour cela que cette disposition soit inscrite dans le code de la Sécurité sociale. Nous avions déposé un amendement en ce sens, mais la commission l'a jugé irrecevable, en se fondant à l'article 40.

M. François Goulard - Ah ! L'article 40 !

Mme la Ministre - Je suis quelque peu surprise d'entendre MM. Préel et Bur remettre en cause le bien-fondé de la garantie de ressources donnée à la CNAF pour la période 1998-2002, et M. Delnatte, tant on nous a pourtant dit qu'il était un spécialiste de ces questions, la contester (Protestations sur les bancs du groupe du RPR, du groupe DL et du groupe UDF) après avoir voté cette disposition le 25 janvier 1994... pour ne jamais la respecter. En modifiant le périmètre des cotisations, vous avez en effet créé un manque à gagner de 1,3 milliard, sans compensation, ce qui explique le déficit que nous avons dû combler.

Que M. Bur se rassure : nous avons, pour notre part, prévu les compensations nécessaires. En outre, la garantie de ressources a été discutée avec l'UNAF, qui en a approuvé le principe. Je m'en félicite, car le Gouvernement souhaite continuer de mener une politique familiale dynamique sans diminuer les ressources de la CNAF et en consacrant ses excédents à des mesures nouvelles. Pour cela, il faut, en effet, distinguer les dépenses qui relèvent de l'Etat de celles qui relèvent de la Sécurité sociale.

L'ARS deviendra une vraie prestation familiale, le Premier ministre s'y est engagé, et elle demeurera d'un montant élevé -1 600 F aujourd'hui ; que Mme Jacquaint soit donc rassurée.

Monsieur Goulard, Mme Gillot n'a pas dit que les familles aisées ne devaient pas bénéficier de prestations familiales, elle a simplement relevé qu'il était choquant que les 70 000 familles bénéficiaires de l'AGED, qui ont un revenu moyen de 32 000 F par mois, coûtent chacune 112 000 F par an à la collectivité, alors que les familles plaçant leur enfant en crèche, dont le revenu moyen est de 17 000 F par mois, coûtent 71 000 F.

Rien ne justifie qu'on aide davantage les ménages aux revenus les plus élevés.

Nous sommes en train de revoir les modes de garde, avec le souci de permettre à chacun d'opter pour celui de son choix. Ce sera une des points essentiels de la conférence sur la famille de l'année prochaine.

M. Jean-Luc Préel - L'amendement 473 tend à supprimer l'article 9, nous avons déjà expliqué pourquoi.

Nous voulons une garantie de ressources réelle : il serait plus simple d'appliquer la loi de 1994 et d'indiquer, si on veut donner un coup de pouce réel, qu'à l'avenir on prendra en compte l'évolution du PIB.

M. Bernard Accoyer - L'amendement 611 est défendu.

Mme Marie-Françoise Clergeau, rapporteur - La commission a rejeté ces amendements. L'article 9 reconduit le principe d'une garantie des ressources de la CNAF. Il répond à une demande unanime des associations familiales.

Mme la Ministre - Avis défavorable.

Les amendements identiques 473 et 611, mis aux voix, ne sont pas adoptés.

L'article 9, mis aux voix, est adopté.

APRÈS L'ART. 9

M. Jean-Luc Préel - Je défends l'amendement 509 de M. Goulard. Il propose que le Gouvernement présente au Parlement, avant le 30 juin 2000 -la date de 1999 est une erreur et je me permets donc de sous-amender le texte sur ce point- un rapport sur les conséquences pour les familles de la réforme de l'AGED opérée dans la loi de financement de la Sécurité sociale pour 1998.

Mme Marie-Françoise Clergeau, rapporteur - Les prestations pour la petite enfance dépassent de loin l'AGED et la Conférence de la famille a décidé d'étudier l'ensemble de ces prestations, y compris l'allocation parentale d'éducation.

La commission n'a pas examiné cet amendement, mais je ne vois pas l'utilité d'un rapport de plus. Avis défavorable.

Mme la Ministre - Même avis.

M. Bernard Accoyer - Nous revenons, par cet amendement, sur le douloureux épisode de la réforme de l'AGED. Cela a été une des premières mesures que le Gouvernement a voulu prendre contre la famille, contre l'enfant, contre la femme...

Mme Marie-Françoise Clergeau, rapporteur - Quelles femmes ?

M. Bernard Accoyer - Toutes les femmes, car les femmes sont une, d'autant plus qu'elles sont toutes mères ou regrettent de n'avoir pas pu l'être ! (Rires sur les bancs du groupe socialiste)

Je suis très préoccupé du choix de la majorité de faire représenter les intérêts de la famille par un rapporteur qui n'est pas convaincu de la nécessité d'une universalité de l'action en ce domaine. A Paris, les femmes qui travaillent ont toutes besoin de l'AGED. La réforme a eu des conséquences considérables pour elles : nous avons rencontré beaucoup de mamans que cette décision a placées dans une situation très difficile.

Mme la Ministre - Et les papas ?

M. Bernard Accoyer - Pour les papas titulaires de l'allocation, c'est la même chose !

Mme Marie-Françoise Clergeau, rapporteur - Je voudrais réagir à l'attaque de M. Accoyer. Il devrait mesurer ses propos. Nous sommes tous ici à même de défendre la famille. Je suis moi-même mère de plusieurs enfants et grand-mère. J'ai eu le malheur de rester seule pour élever mes enfants et je sais bien où sont les difficultés ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste)

L'amendement 509, mis aux voix, n'est pas adopté.

La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance, qui aura lieu cet après-midi à 15 heures.

La séance est levée à 12 heures 55.

                      Le Directeur du service
                      des comptes rendus analytiques,

                      Jacques BOUFFIER


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