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Session ordinaire de 1999-2000 - 20ème jour de séance, 50ème séance

2ème SÉANCE DU VENDREDI 5 NOVEMBRE 1999

PRÉSIDENCE de M. Philippe HOUILLON

vice-président

Sommaire

          DOTATIONS AUX COLLECTIVITÉS LOCALES 2

          ARTICLE PREMIER 11

          APRÈS L'ART. 2 15

          ART. 4 15

          APRÈS L'ART. 4 15

          LOI DE FINANCES POUR 2000 -deuxième partie- (suite) 16

          INTÉRIEUR 16

          DÉSIGNATION DE CANDIDATS
          À UN ORGANISME EXTRAPARLEMENTAIRE 32

La séance est ouverte à quinze heures.

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DOTATIONS AUX COLLECTIVITÉS LOCALES

L'ordre du jour appelle la discussion, après déclaration d'urgence, du projet de loi modifiant le code général des collectivités territoriales et relatif à la prise en compte du recensement général de population de 1999 pour la répartition des dotations de l'Etat aux collectivités locales.

M. Jean-Pierre Chevènement, ministre de l'intérieur - Par le projet qui vous est présenté aujourd'hui, le Gouvernement vous propose de limiter l'impact négatif qu'aurait, à enveloppe constante, le résultat du dernier recensement général sur les dotations aux collectivités locales et plus particulièrement sur les dotations d'aménagement. La raison en est simple : la prise en compte de quelque deux millions d'habitants supplémentaires que compte notre pays aurait pour conséquence un effondrement de 20 à 25 % des dotations de solidarité. Le Gouvernement ne pouvait, sans réagir, laisser s'effondrer la péréquation entre les communes les plus riches et les plus importantes, celles qui sont susceptibles d'attirer de nouveaux habitants, et les collectivités moins bien pourvues.

Je vous rappelle que, lors de l'examen de la première partie du projet de loi de finances pour 2000, votre assemblée a adopté des mesures qui donneront aux collectivités locales des moyens nouveaux en faveur de l'investissement et de l'emploi, mesures d'autant plus importantes que les collectivités locales assurent plus de 70 % de l'investissement public civil.

Je ne souhaite pas anticiper la discussion du budget de l'intérieur qui aura lieu tout à l'heure, mais simplement rappeler que les concours de l'Etat aux collectivités locales augmentent de 2,4 milliards. En plus, l'Etat leur garantira un bonus supplémentaire de près de 2 milliards.

La DSU augmentera de 500 millions, et l'effort consenti en sa faveur en 1999 sera reconduit. Cinq cent millions seront réservés à la création de communautés d'agglomération ; 200 millions grossiront la dotation d'aménagement au profit de la DSU et de la DSR et, hors DGF, 250 millions contribueront à compenser la suppression de la part salariale de la taxe professionnelle. L'index sera de 2,05 % et non pas de 0,82 % après la prise en compte de la régularisation négative.

M. René Dosière , rapporteur de la commission des lois - Hélas !

M. le Ministre - Non, heureusement ! Mieux vaut être indexé sur 2,05 % avant régularisation négative, que sur 0,82 % après !

A cet effort substantiel s'ajoutera l'augmentation de la DSR au profit des bourgs-centres, pour 150 millions, et la réduction de la surcompensation imposée à la CNRACL à hauteur d'un milliard en 2000 et d'un autre milliard en 2001. Collectivités locales et hôpitaux devant, eux, acquitter une cotisation augmentée de 0,5 %.

Le Gouvernement a préféré augmenter les conséquences de la péréquation plutôt que de laisser se développer une croissance indifférenciée. C'est pourquoi il vous propose de lisser, sur trois ans, à la hausse comme à la baisse, les effets du recensement général de la population sur les dotations de l'Etat aux collectivités locales. Dans le même temps, afin de protéger les communes qui perdent une partie de leur population, il propose de maintenir pendant trois ans leur dotation forfaitaire au niveau atteint en 1995, estimant que leurs charges ne diminuent pas avec leur population.

Le Gouvernement a retenu une durée d'étalement un peu plus importante que celle que préconisait le comité des finances locales, jugeant préférable de demander des efforts financiers aux communes qui en ont les moyens qu'à celles dont les ressources sont moindres et les charges plus élevées.

Certains élus caressent, paraît-il, l'idée de ramener cette période à deux ans. Ce serait, à mon sens, une erreur dommageable pour les communes éligibles aux dotations de solidarité : une telle mesure profiterait en effet à l'ensemble des communes françaises, mais de manière indifférenciée, ce qui aggraverait les handicaps des collectivités les moins riches. C'est pourquoi je ne pourrais donner un avis favorable à une telle suggestion.

C'est dans le même esprit de préservation de la péréquation que je vous propose d'adopter également une mesure tendant à corriger le potentiel fiscal retenu pour le prélèvement effectué en Ile-de-France au profit du fonds de solidarité des communes.

Telles sont les dispositions, qu'au nom du Gouvernement, je vous demande d'adopter (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe RCV).

M. René Dosière, rapporteur de la commission des lois - Au début de votre exposé, Monsieur le ministre, vous avez parlé de « l'impact négatif » que pourraient avoir les variations de population révélées par le dernier recensement général. Or nombreux sont les élus des collectivités locales, et plus particulièrement les maires, pour qui toute augmentation de population est pain béni. Ils s'imaginent en effet que tout accroissement de la population s'accompagnera d'une dotation supplémentaire de l'Etat. La réalité est malheureusement un peu plus grise et, pour bien comprendre le sens du texte que vous nous soumettez, il faut se rappeler que l'augmentation de la population n'est prise en compte que pour moitié dans le calcul de la partie forfaitaire de la dotation globale de fonctionnement. Quant aux communes dont la population baisse, elles ne perdent rien. On voit que ces fluctuations n'ont qu'une incidence relativement faible sur la DGF, ce qui a été oublié, mais qu'elle n'ont, en tout cas, pas de conséquences négatives.

Il en va autrement de l'éligibilité à la DSU et à la DSR ou du calcul du potentiel fiscal. En ces domaines, le facteur « population » joue davantage, mais de manière difficile à apprécier. De surcroît, la population considérée, dite « DGF » est virtuelle, en ce qu'elle n'est pas uniquement composée de la population municipale mais aussi de la population « comptée à part » et que l'on ajoute à ce nombre un habitant par résidence secondaire. Le chiffre ainsi obtenu est donc « gonflé », et peut varier. Les élus doivent le garder en mémoire.

Que propose le Gouvernement dans ce texte ? De lisser, sur trois ans, à la hausse comme à la baisse, la prise en compte de la population DGF pour l'ensemble des dotations.

Sur ce lissage, qui joue à la hausse comme à la baisse, je n'ai pas entendu de critique car si on n'étalait pas la prise en compte de la « population DGF » nouvelle, on aurait des effets de seuil très préjudiciables pour les communes.

En revanche, le calcul de la dotation forfaitaire de la DGF pose problème puisque le Gouvernement propose que la moitié de la population ne soit prise en compte que sur trois ans et que la dotation soit gelée pour les communes dont la population diminue. Nos réserves initiales sur ce point ont été levées après discussion avec le Gouvernement. En effet, le Gouvernement pouvait choisir d'appliquer strictement la loi et faire en sorte que les augmentations de population soient prises en compte en une seule année. Toutes les communes auraient alors bénéficié d'un peu plus de dotation forfaitaire, à hauteur d'1,5 milliard pour l'ensemble de la France mais, de façon mécanique, les communes défavorisées, qui bénéficient de la DSU ou de la DSR, auraient subi une baisse de la dotation forfaitaire de l'ordre de 30 %. Cela revenait à pénaliser les communes qui ont plus de difficultés. Le Gouvernement a choisi au contraire de faire en sorte que dans la répartition de la DGF, les communes qui ont besoin de recevoir davantage puissent continuer de le faire et que la progression de la dotation forfaitaire soit plus faible pour les autres.

Le résultat de ce choix, c'est que la DSU va augmenter de 500 millions -soit 16 % de plus d'une année sur l'autre et une progression de 61 % en deux ans puisqu'elle est passée de 2,3 à 3,7 milliards. Quant à la DSR « numéro un » qui concerne les bourgs-centres, elle augmente de 26 % soit 150 millions de plus, cependant que la DSR « numéro deux » dite improprement de péréquation progresse de 1,3 %. En conséquence, les communes DSU connaîtront une augmentation de leur DGF quelle que soit l'évolution de leur population. Or, elles sont au nombre de 680 et représentent 80 % des communes françaises de plus de dix mille habitants. Quant aux 4 077 communes qui bénéficient de la DSR1, elles représentent plus de la moitié des communes de 1 000 à 3 000 habitants. C'est dire que les communes qui resteraient « pénalisées » par le projet du Gouvernement sont en principe des communes favorisées, à une ou deux exceptions près.

Je souligne au passage que ces communes DSU et DSR ne connaîtront pas de diminution de leur dotation de compensation de la taxe professionnelle et bénéficieront pour la suppression de leur contribution à l'aide sociale d'un écrêtement.

Le Gouvernement a donc adopté une position cohérente sous l'angle de la solidarité. Il reste bien entendu quelques difficultés à régler lorsque le pacte de croissance sera terminé. A ce moment-là, on pourra progresser dans le sens d'une meilleure liaison entre l'attribution de la DGF et la population, résoudre la difficulté que représente cette année la croissance faible de la DGF, imputable à des dispositions complexes votées par l'opposition qui conduisent à une hausse de la DGF de 0,80 au lieu de 2 %. On pourra revoir également la DSR2, qui profite à toutes les communes, ou la place donnée aux impôts ménages des départements.

Le texte de loi comporte également la correction du potentiel fiscal des communes d'Ile-de-France. Celui-ci sert en effet de base de calcul pour le fonds de solidarité des communes de l'Ile-de-France. Or, la réforme des bases de la taxe professionnelle entraîne une diminution mécanique du potentiel fiscal. Sans cette correction, la ressource qui alimente la solidarité des communes de cette région allait baisser de 100 millions sur un total de 700. Le Gouvernement propose donc d'inclure dans le calcul du potentiel fiscal le montant de la compensation. Cette disposition pourrait d'ailleurs être étendue à l'ensemble des communes car la réforme de la taxe professionnelle entraîne des distorsions en matière d'éligibilité des communes à certaines dotations, compte tenu du rôle que joue le potentiel fiscal.

Il substituera le problème du mode de calcul du potentiel fiscal des communes qui appartiennent à des groupements à taxe professionnelle unique, mais nous en parlerons au cours de la discussion.

Voilà les principales dispositions d'un texte d'apparence technique mais très sensible du point de vue politique car il intéresse l'ensemble des collectivités locales, qui assurent les trois quarts de nos équipements publics et créent environ 20 000 emplois nets chaque année depuis dix ans. Il est important qu'elles puissent bénéficier de moyens financiers suffisants pour poursuivre leur tâche. Tel est l'objet de ce texte sur lequel la commission des lois a, vous l'aurez compris, donné un avis favorable (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe communiste).

M. Franck Dhersin - Je ne partage pas, Monsieur le ministre, l'optimisme de M. le rapporteur car le projet de loi que nous examinons aujourd'hui est le reflet du peu de cas que le Gouvernement fait de la situation des collectivités locales et ne fait que confirmer les dérives que connaît aujourd'hui la décentralisation.

Durant les deux dernières années, vous n'avez pas jugé prioritaire d'engager une réflexion sur le nouvel élan à donner à la décentralisation, en dépit des appels répétés des associations d'élus de tous bords. En septembre dernier, M. Jospin s'est, enfin, interrogé sur cette question et a proposé la mise en place d'une commission. Selon ses propres termes, « de nouvelles étapes doivent être franchies afin que la décentralisation soit plus légitime, plus efficace, plus solidaire ». Le Premier ministre a ainsi reconnu la nécessité de clarifier les relations entre l'Etat et les collectivités territoriales et de revoir la question des transferts de compétences.

Je me féliciterais de cette profession de foi, si elle n'était révélatrice des pratiques intolérables de l'Etat en la matière.

En effet, l'inquiétude est grande chez les élus locaux. Comme l'a rappelé le Président du Sénat, l'autonomie fiscale est le fondement du principe constitutionnel de libre administration des collectivités locales. Or, la fiscalité locale est vieillotte, qu'il s'agisse de la taxe professionnelle, malgré sa réforme, de la taxe d'habitation ou de la taxe foncière. Ces élus s'inquiètent également du fait que les contrats de plan soient devenus de véritables alibis pour l'Etat, lui permettant de se décharger financièrement sur les collectivités.

Or, si les inquiétudes se font plus vives, les espoirs des élus locaux restent déçus. Votre projet de loi se situe en effet dans la continuité directe du volet du budget pour 2000 concernant les collectivités locales, qui est jugé particulièrement « pingre » par les responsables locaux et nettement en deçà de l'acceptable.

Votre projet, Monsieur le ministre, renforce le sentiment que l'Etat, toujours enthousiaste pour collaborer avec les collectivités territoriales lorsque cela lui permet de se défausser sur elles, devient particulièrement frileux quand il s'agit de leur fournir des moyens à la hauteur de leurs charges.

L'évolution des principales dotations reste très en-deça de ce que le Gouvernement doit faire. Selon le dernier recensement, la population DGF atteint désormais 65 millions, soit 1,863 million de plus que l'an dernier. Cet accroissement devrait se traduire, aux termes de la loi du 31 décembre 1993, par une augmentation de la dotation forfaitaire des communes à hauteur de 1,5 milliard. Compte tenu des sommes en jeu, il est nécessaire d'étaler les effets du recensement. Mais si le projet de loi prévoit que les commune subissant une perte de population ne connaîtront pas de baisse de leur dotation forfaitaire -principal élément de la DGF- celles dont la population a augmenté verront cette évolution prise en compte sur trois ans, et seulement pour la moitié des nouveaux habitants. Comment, dans ces conditions, ces communes pourront-elles faire face ?

On serait en droit d'attendre d'un projet de loi qui prend prétendument en compte le recensement de 1999 pour la répartition des dotations de l'Etat aux collectivités locales qu'il permette d'appliquer la loi du 31 décembre 1993. Or, le lissage proposé risque de paralyser l'action des communes concernées. Il ne faut pas qu'il excède deux ans, sous peine d'asphyxier les collectivités et de mettre gravement en péril la décentralisation.

L'Etat devrait donc consentir cette année un effort de 400 millions, et non de 200 seulement. Cette somme devrait être intégrée définitivement à la DGF et complétée l'an prochain pour achever la prise en compte des résultats du recensement. Cet abondement se justifie par la nature même de la DGF inscrite au budget de l'Etat comme prélèvements sur recettes. Il serait la preuve que l'Etat et les collectivités locales se partagent les recettes fiscales induites par la consommation et la production de la population nouvelle.

Si la DGF augmente de 0,82 %, l'enveloppe de la DSU est insuffisante. Il résulte de la loi du 12 juillet 1999 relative à la coopération intercommunale que la dotation par habitant est de 250 F par habitant pour les communautés d'agglomération. Vous prévoyez à ce titre un prélèvement sur recettes de l'Etat de 500 millions dans le projet de loi de finances pour 2000. Il faudrait au moins un milliard !

M. Jospin aspire à une décentralisation plus efficace, n'empêchant pas la solidarité entre territoires. Ce n'est pas moi qui le contredirai sur ce point. Mais qu'il faille rappeler ces objectifs qui tiennent à l'essence même de la décentralisation montre combien il est difficile de la mettre en _uvre effectivement. Derrière les déclarations d'intentions, il y a les actes et ceux-ci exigent de délier les cordons de la bourse. C'est d'ailleurs souvent lorsqu'il faut mettre la main à la poche que l'on teste la volonté politique. A la vue de ce projet de loi, la décentralisation ne fait décidément pas partie de vos priorités.

Les mouvements de population ayant des effets directs non négligeables sur les charges mais aussi les recettes des collectivités locales calculées en fonction de critères de population, il conviendrait de réfléchir à une nouvelle méthode de recensement. L'objectif devrait être d'alléger la charge qui pèse sur les collectivités ou sur l'INSEE lors de chaque recensement. Une réactualisation plus régulière des données permettrait de gagner en fiabilité. L'intégration la plus rapide possible des variations de population dans les critères permettrait de mieux coller à la réalité.

Votre projet de loi ne répond pas aux attentes des collectivités locales, se contentant, sans enthousiasme, du strict minimum, sans donner à la décentralisation le souffle dont elle a besoin. Pour toutes ces raisons, le groupe Démocratie libérale votera contre.

M. Laurent Dominati - Très bien !

M. Jean-Yves Caullet - Je ne résiste pas à la tentation de vous lire l'extrait du rapport de la Cour des comptes que le rapporteur cite au début de son rapport : « La mise en _uvre des principes qui fondent les dotations, la recherche d'une distribution moins inégalitaire et la volonté de maintenir les avantages antérieurs s'associent difficilement (...) Il faut sans cesse réformer substantiellement telle dotation ou apporter les contrepoids nécessaires aux dispositions précédemment votées (...). La durée de vie des dispositions est brève et, de régimes temporaires en dispositions transitoires, les dotations globales restent du domaine du provisoire. L'édifice est, dès lors, d'une extrême technicité. Les textes sont d'un abord ardu et rares sont les spécialistes qui peuvent traduire à simple lecture l'ensemble des dispositions. » Cela étant, je remercie tout particulièrement le ministre et le rapporteur d'avoir su présenter en quelques mots clairs un problème qui eût pu l'être de façon éminemment complexe.

Voilà que dans un dispositif déjà bien compliqué, il faut tenir compte des résultats du recensement, phénomène qui resurgit selon un cycle d'une dizaine d'années. Imaginez un carillon sophistiqué que l'on voudrait remettre à l'heure en lui appliquant un violent coup de marteau ! Chacun s'accorde sur la nécessité d'un lissage pour une prise en compte progressive des résultats du recensement, compte tenu des incidences multiples qu'ont les critères de population sur le calcul des dotations.

Comme on ne peut prétendre sans caricaturer le texte qu'il faille défendre contre lui, certaines collectivités territoriales, le débat porte essentiellement sur la durée de ce lissage, qui est affaire de choix politique. Celui du Gouvernement est de renforcer l'intercommunalité et la solidarité entre collectivités ; il me convient parfaitement.

Pour comprendre l'équilibre du dispositif, il faut se reporter aussi aux mesures prévues dans le projet de loi de finances. Ainsi les dotations d'aménagement seront-elles abondées de 850 millions, ce qui permettra, comme l'a souligné le rapporteur, de garantir les ressources des communes qui en ont le plus besoin.

Réduire la durée du lissage reviendrait à réduire les marges de man_uvre et, partant, l'impact de l'effort consenti : les priorités n'apparaîtraient plus. A moins que l'on ne se lance dans toujours plus de dépenses... C'est d'ailleurs le souhait que j'ai cru déceler dans les propos de M. Dhersin qui, soit dit au passage, contraste singulièrement avec ceux que tiennent, en général, ses collègues de l'opposition qui appellent à la rigueur budgétaire, à la compression des dépenses, à la lutte contre les gaspillages et à l'allégement des impôts.

Le dispositif proposé dans ce projet de loi, complété par les mesures prévues dans le projet de loi de finances, permettra de lisser les effets mécaniques des variations de population sur les critères d'éligibilité, en évitant les effets de seuil tout en préservant les ressources des collectivités qui en ont le plus besoin.

L'équilibre ainsi trouvé devra être maintenu. Les dotations d'aménagement notamment ne devront pas être revues à la baisse à l'avenir. Pouvez-vous, Monsieur le ministre, nous donner des assurances sur ce point ?

La complexité du dispositif, la périodicité très longue de la révision de ses bases qui n'a lieu que tous les dix ans, la multiplication des zonages et des dotations spécifiques font que nos communes se demandent, souvent avec inquiétude, si elles seront ou non éligibles à telle ou telle dotation, à tel ou tel dispositif européen. Peut-être pourrait-on envisager de ne pas attendre le rencensement général -qui, coûteux, ne peut pas être organisé plus fréquemment- pour estimer les variations de population et évaluer leurs incidences.

M. Alain Clary - Tout à fait !

M. Jean-Yves Caullet - Enfin, le dispositif de la DGF ne pourrait-il pas être simplifié de façon que chaque collectivité puisse orienter ses politiques en connaissance de cause et que les dotations de l'Etat deviennent plus faciles à prévoir ? C'est fort difficile, car l'équité s'accommode mal du simplisme, j'en conviens.

Le dispositif proposé aujourd'hui est équilibré et je ne doute pas sur tous les bancs, au-delà de critiques certes compréhensibles mais parfois caricaturales, on conviendra qu'il a au moins le mérite d'exister. Tout retard serait en effet préjudiciable (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe communiste).

M. Gilles Carrez - Le ministre et le rapporteur nous ont expliqué qu'il n'y avait que deux manières de procéder à l'augmentation des dotations au collectivités locales rendue nécessaire par l'accroissement de deux millions du nombre d'habitants. Soit augmenter la dotation forfaitaire et donc réduire la dotation de solidarité urbaine et la dotation de solidarité rurale, ce qui est injuste, je vous l'accorde. Soit maintenir ces deux dernières à leur niveau actuel et geler la dotation forfaitaire, ce qui n'est pas plus juste. En bref, vous nous faites tomber de Charybde en Scylla. Pourtant, il existe une troisième solution, pour laquelle je voudrais plaider. Elle consiste pour l'Etat à abonder la dotation globale de fonctionnement d'un montant correspondant à l'augmentation de la population.

M. Alain Clary - C'est l'inverse de ce qu'a fait M. Juppé dans le pacte de stabilité !

M. Gilles Carrez - Cela n'a rien à voir !

La DGF, créée en 1979, était l'héritière du VRTS, lequel avait remplacé en 1967 la taxe locale. Celle-ci était une taxe sur la consommation, dont l'évolution était déjà étroitement liée à celle de la population.

Au-delà de cet aspect historique, le principe qui fonde les relations financières entre l'Etat et les collectivités locales est le partage loyal des ressources et des dépenses en fonction de la répartition des compétences ; or 2 millions d'habitants nouveaux engendrent bien sûr des charges, mais aussi des recettes car ils produisent et consomment. Il serait tout à fait inéquitable que les ressources fiscales nouvelles, notamment de TVA, soient en totalité accaparées par l'Etat, et que celui-ci n'accepte pas de partager avec les collectivités locales les charges nouvelles. La DGF constitue d'abord une garantie de ressources, destinée à faire face à des dépenses permanentes, notamment des dépenses de personnel, qui elles-mêmes sont étroitement liées à la population.

Un troisième argument relève de la technique budgétaire. La DGF n'est pas traitée dans le budget de l'Etat comme une dépense, mais comme un prélèvement sur recettes ; autrement dit, l'Etat accepte de partager ses recettes -et donc ses surcroîts de recettes- avec les collectivités locales. D'ailleurs, la DGF a été pendant longtemps indexée sur l'évolution des recettes de TVA.

Il me paraît donc tout à fait légitime que l'Etat accroisse la DGF d'une commune lorsque sa population augmente. C'est ce qu'a reconnu explicitement la loi de 1993, selon laquelle l'augmentation de la population est prise en compte dès l'année qui suit le recensement -complémentaire ou général-, pour la moitié. En revanche, la DGF des communes dont la population diminue est maintenue, ce qui est la sagesse car diminuer leur DGF aurait revenu à ajouter pour elles les difficultés aux difficultés.

Ce dispositif était inspiré par un grand souci d'équilibre, mais vous souhaitez le bouleverser, Monsieur le ministre, et cela pour quelques centaines de millions, pas plus. Vous qui êtes le défenseur et l'ami des collectivités locales, je voudrais vous convaincre de renoncer à ce projet et d'accepter ce que nous ont demandé les élus locaux à peu près unanimes.

Ceux-ci ont fait preuve de sagesse et d'esprit de responsabilité. Dès avant l'été, quand il est apparu que la prise en compte dès 2000 des effets du recensement conduirait à augmenter de 1,5 milliard la dotation forfaitaire, ils se sont rendu compte que c'était un effort sans doute insupportable pour l'Etat ; le comité des finances locales, l'association des maires de France et l'ensemble des associations d'élus ont donc plaidé pour un étalement sur deux ans.

Vous nous aviez, à l'époque, semblé réceptif. Or vous avez changé d'avis : vous nous proposez un étalement sur trois ans. C'est d'autant plus regrettable que le recensement, que nous attendions depuis longtemps, a été réalisé avec retard.

Vous nous avez bien défendus, Monsieur le ministre, dans le débat sur la première partie de la loi de finances : grâce à vous, nous avons obtenu 500 millions de plus sur la DSU, 150 millions de plus sur la DSR et la révision de la disposition sur l'indexation de la compensation de la taxe professionnelle.

M. le Rapporteur - Soit 200 millions.

M. Gilles Carrez - Pour réaliser le lissage sur deux ans au lieu de trois, il semble qu'il faudrait seulement 300 millions de plus -en 2000 et en 2001.

Ne me répondez pas que les communes qui ne perçoivent pas la DSU sont des communes riches. Une centaine de villes de plus de 10 000 habitants ne la perçoivent pas parce que le nombre officiel de leurs logements sociaux est faible, ce qui ne les empêche pas d'avoir un parc social de fait important. Il ne s'agit pas de Neuilly-sur-Seine ou de Boulogne-Billancourt, mais de communes dont le potentiel fiscal est inférieur à la moyenne de leur catégorie parce que ce sont des communes résidentielles, dépourvues d'entreprises. La solution que vous proposez pose un énorme problème à ces communes pauvres qui ne perçoivent que la dotation forfaitaire. Je ne sais pas si Belfort est dans ce cas.

M. le Rapporteur - Le ministre ne raisonne pas en fonction de cas particuliers.

M. Gilles Carrez - Je parle d'une centaine de communes de plus de 10 000 habitants...

Au cours des cinq dernières années, on constate qu'à structure constante, la dotation forfaitaire a progressé beaucoup moins vite que les dépenses de personnel : l'écart dans les taux d'évolution a été de plus de 10 %. Sans aucun esprit polémique, je vous demande donc de vous pencher sur ce problème.

Je salue le travail tout à fait remarquable du rapporteur, qui a formé des générations de spécialistes de finances locales et dont j'ai moi-même étudié les excellents manuels il y a une vingtaine d'années. Mais l'équité veut que l'Etat s'intéresse à l'ensemble de nos 36 000 communes, et donc notamment à celles qui ne perçoivent que la dotation forfaitaire (Applaudissements sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL).

M. Alain Clary - Il était d'autant plus nécessaire de légiférer pour tirer les conséquences du recensement de la population sur les finances locales des communes et des départements que le dernier recensement officiel remonte à 1990.

La répercussion d'un recul démographique dès la première année aurait pour conséquence un déséquilibre du budget et donc des difficultés inextricables pour nombre de collectivités. Nous souscrivons donc à la disposition du projet qui étale sur trois ans les effets du recensement car elle protège les collectivités d'une contraction trop rapide de leurs ressources.

Au demeurant, le coût de l'absorption des résultats du recensement s'élèverait à 1 milliard 545 millions. Mais l'essentiel, au-delà des délais, est bien de repenser les dotations de l'Etat aux collectivités locales, qui sont très largement insuffisantes pour répondre aux besoins des habitants et faire face aux transferts de charges.

Nous estimons qu'il faudrait prendre en compte la moitié de la croissance du PIB, plutôt que les 25 % retenus pour cette année, même si cela constitue une inversion de tendance par rapport au pacte de « stabilité » Juppé.

Des dispositions spécifiques sont prévues pour geler pendant trois ans la dotation forfaitaire des communes dont la population a baissé.

Cette mesure peut sembler généreuse, mais en fait il s'agit d'une économie de 127 millions de francs pour l'Etat alors que, selon la loi, cette dotation forfaitaire ne prend jamais en compte les baisses de population.

Par ailleurs, pour les communes dont la population a augmenté, la majoration sera étalée sur trois ans et ne tiendra compte que de la moitié de l'accroissement démographique.

En revanche, nous prenons acte avec satisfaction des majorations prévues pour la DSU et la DSR, qui permettront aux communes bénéficiaires de voir leur DGF globale augmenter même si leur population a baissé.

Nous approuvons aussi les mesures de sauvegarde proposées pour garantir l'enveloppe du fonds de solidarité de la région Ile-de-France, même si nous pensons qu'il faudrait prendre mieux en compte, pour sa répartition, les efforts entrepris par certaines municipalités dans le domaine social -logement, hôpitaux etc.

En conclusion, le recensement de 1999, qui a mis en évidence une augmentation du nombre des habitants et une évolution de leur répartition géographique aurait dû permettre d'aller au-delà des mesures proposées, tant les enjeux financiers et humains sont cruciaux.

Les collectivités locales doivent bénéficier davantage des fruits de la croissance.

Nous nous prononçons pour une grande réforme de la fiscalité locale, en particulier de la taxe professionnelle et de la taxe d'habitation, mais pas dans le sens ultra-libéral proposé par certains.

La course sauvage à la rentabilité financière et les gâchis économiques et humains qu'elle entraîne suscitent de plus en plus d'indignation. Or les actifs financiers des entreprises ne contribuent nullement à abonder la fiscalité locale. J'aurai l'occasion d'y revenir.

Le groupe communiste, en votant ce projet, tient à vous exprimer, Monsieur le ministre, sa disponibilité pour faire avancer ces propositions (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste et du groupe socialiste).

M. Rudy Salles - Derrière les apparences techniques, les modalités de prise en compte du recensement de 1999 sont un élément essentiel du budget pour 2000 et de la politique de recentralisation menée par le Gouvernement.

Il était indispensable de prévoir un mécanisme d'ajustement pour absorber le choc démographique. Mais celui prévu par le Gouvernement a le défaut, outre sa complexité, de remettre en cause l'autonomie financière des collectivités locales et leur sécurité juridique.

Les résultats du recensement ne seront arrêtés qu'à la fin de l'année. Les données disponibles font apparaître une augmentation de 2 millions de la population. A droit constant, l'impact des variations, souvent considérables, du nombre d'habitants des communes pourrait entraîner une modification des dotations affectant leur équilibre financier. Mais la complexité du projet gouvernemental accroît encore l'opacité du dispositif. La Cour des comptes, dans son rapport pour 1998, avait déjà déploré la modification trop fréquente des textes régissant la répartition des dotations de l'Etat et leur extrême technicité.

Certes, M. Dosière a souligné que l'objet du projet n'était pas de réformer les structures de cet édifice ; pourtant un effort de rationalisation n'aurait pas été superflu. Le rapporteur a d'ailleurs reconnu lui-même l'extrême sophistication du mécanisme de prise en compte de la population, au point qu'il s'agit plus d'une population virtuelle que réelle.

Le lissage opéré sur trois ans ne permet pas aux collectivités locales d'absorber le choc démographique de façon satisfaisante. Les communes dont la population a diminué verront leur dotation forfaitaire figée pendant trois ans au niveau de 1999, ce qui abolit la garantie minimale de progression et va les mettre dans une situation d'autant plus difficile que s'y ajoute la suppression des contingents communaux d'aide sociale. Les élus du comité des finances locales ont, le 14 septembre dernier, demandé que le gel de cette dotation soit limité à deux ans.

Ce projet ne suffit pas à pallier le risque de paralysie des mécanismes de péréquation : les variations de population risquent de modifier trop brutalement l'éligibilité des communes à la DSU, à la DSR et au fonds national de péréquation. Comme le recensement est intervenu en même temps que la réforme de la taxe professionnelle, l'addition des deux éléments risque de mettre en péril certains mécanismes de péréquation. Or seul le fonds de solidarité des communes de l'Ile-de-France fait l'objet de dispositions particulières : il est prévu de compenser, dans la définition du potentiel fiscal, la suppression progressive de la part de la taxe professionnelle assise sur les salaires. La commission des lois a voté un amendement étendant ce dispositif à toutes les collectivités territoriales -communes, départements, établissements publics de coopération intercommunale.

Simultanément le projet gelait la DSU et la DSR versées aux communes les plus défavorisées. Le Gouvernement a dû finalement mieux prendre en compte les besoins des collectivités locales lors de la discussion de la première partie du budget : ainsi la DSU augmentera de 16 % et la DSR de 8 %. Mais ces mesures restent insuffisantes et aucune assurance n'est donnée quant à l'avenir.

Les collectivités locales apparaissent donc comme la variable d'ajustement du budget de l'Etat et sont laissées en dehors du partage des fruits de la croissance, en raison notamment du remplacement progressif des impôts locaux par des dotations de l'Etat dont la progression est insuffisante.

Cette situation est d'autant plus préoccupante que les collectivités locales font face à des charges croissantes de soutien à l'activité économique. Il y a donc un mouvement de recentralisation insidieux, mais réel.

A moins que nos amendements ne soient adoptés, le groupe UDF votera contre ce texte (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF, du groupe du RPR et du groupe DL).

M. le Ministre - Je remercie votre rapporteur M. Dosière pour son excellent travail et son soutien.

M. Dhersin s'est exprimé contre le projet au nom du groupe DL, chiffrant à 400 millions l'effort supplémentaire qu'il faudrait faire. Je lui rappelle que 1,85 milliard de francs viennent abonder la DGF, qui s'élève elle-même à 2,4 milliards. On ne peut donc vraiment pas dire que l'Etat ne prenne pas la mesure des besoins des collectivités locales ! Et je souris en entendant M. Salles parler à leur sujet de variable d'ajustement.

M. Rudy Salles - Ce n'est pas leur avis !

M. le Ministre - Monsieur Caullet, l'INSEE réfléchit à la possibilité d'organiser un recensement annuel. Dans ce cas, l'Assemblée aurait à se prononcer. Pour le prochain contrat de croissance et de solidarité, nous avons encore le temps. L'indexation est fixée à 25 % pour 2000 et à 33 % pour 2001, Monsieur Clary.

M. Carrez a déploré qu'il faille attendre 10 ans pour réaliser un nouveau recensement. La loi, actuellement, est ainsi faite.

S'agissant de la péréquation, je connais le problème du Perreux...

M. Gilles Carrez - Et de bien d'autres communes !

M. le Ministre - La Commission de décentralisation, présidée par Pierre Mauroy et dont vous faites partie, en parlera. Vous-même êtes un bon connaisseur de la péréquation.

M. Salles se plaint de la complexité du dispositif. Mais puisqu'il a admis le principe de l'étalement sur deux ans, en quoi l'étalement sur trois ans serait-il plus complexe ? La divergence qu'il a exprimée porte sur un petit abondement de 200 ou 300 millions.

En vérité, l'Etat consent un gros effort, comme l'a souligné le rapporteur. Je suis favorable, Monsieur Carrez, à l'étude des problèmes propres aux communes à habitat pavillonnaire. Ce sera la tâche de la commission Mauroy. Vous pourrez dans ce cadre mettre à plat la DGF et la fiscalité locale, que l'Etat ne cherche nullement à mettre à mal.

Le Gouvernement a entendu les élus locaux. La réunion du comité des finances locales, en juillet, à laquelle M. Carrez participait, a permis de constater que le bébé ne se porte pas trop mal. Outre l'abondement de la DGF, des mesures ont été prises au sujet de la CNRACL, ou de la dotation aux communautés d'agglomération (Applaudissements sur les bancs du groupe RCV et du groupe socialiste).

M. le Président - J'appelle, dans les conditions prévues à l'article 91-9 du Règlement, les articles du projet dans le texte du Gouvernement.

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ARTICLE PREMIER

M. Michel Bouvard - Je plaide à nouveau le dossier de la dotation touristique. Depuis 1993, la distribution de plus de 1,1 milliard s'effectue sans tenir compte des évolutions des capacités touristiques. Chaque année, de nombreuses communes, théoriquement éligibles, demeurent exclues du système. Tout se passe comme si l'image de la France touristique s'était figée depuis le début de la décennie, comme si le versement de la dotation n'était qu'un héritage avec le risque que cette dotation, à terme, disparaisse.

Je souhaite rappeler, comme rapporteur du budget du tourisme, que la somme de 1,1 milliard qui représente le premier poste de dépense touristique du budget de l'Etat, correspond à une nécessité. En effet, les charges induites par les variations saisonnières de population appellent une réponse dans le cadre des dotations de fonctionnement, et non d'investissement. Notre priorité immédiate est de s'assurer que la répartition des fonds ne soit pas plus longtemps déconnectée des contraintes liées à la fréquentation de populations non résidentes.

Un rapport, remis en avril, fait le point sur la répartition de la dotation touristique. Nous avons eu bien du mal à l'obtenir. Je vous remercie d'avoir fait en sorte qu'il voie le jour.

Le rapport établit que la réalité des charges supportées par les communes touristiques légitime l'existence de l'enveloppe de dotation touristique. Il suggère de rechercher des solutions concertées avec les élus des communes touristiques.

La loi d'intercommunalité dispose, c'est un premier geste, que la dotation touristique est versée directement à une communauté de communes qui s'est substituée à un Sivom éligible à la dotation touristique. Cet amendement que j'avais déposé, a permis de mettre fin à une anomalie. Reste à traiter le fond du problème. Pour cela nous avons déposé des amendements tendant à créer, dans le cadre de l'enveloppe affectée, aux communes touristiques un préciput financé par l'accroissement de la dotation destiné à corriger les injustices les plus criantes dans l'attente d'une réforme complète de la dotation. Merci de l'attention que vous porterez à ces propositions.

Il est indispensable de conforter les maires de nos stations, véritables gestionnaires d'entreprises dont les indemnités sont sans rapport avec le travail accompli au service de la collectivité, et qui risquent de plus en plus d'être traduits devant les tribunaux pour un accident sur une piste ou sur la plage.

La commission Mauroy ne doit pas, du fait de sa composition, rester sourde aux demandes des communes de montagne (Applaudissements sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL).

M. Gilles Carrez - L'amendement 9 tend à maintenir applicables les dispositions de la loi de 1993, en y ajoutant la correction du potentiel fiscal.

Nous sommes bien conscients qu'appliquer en l'état la loi de 1993 conduirait à diminuer sensiblement la DSU et la DSR. Aussi notre amendement 9 doit-il être relié à notre amendement après l'article 4 qui tend à abonder de 400 millions la DGF. Vous avez remonté cette dernière, depuis l'été, de près d'un milliard ; alors, encore un petit effort ! Ne restent que 300 à 400 millions à trouver. Si 400 millions vous semblent un peu trop, et que vous ne croyez pouvoir obtenir que 300 millions, nous sommes prêts à retirer l'amendement 9 au profit du 10 qui propose un étalement sur deux ans.

M. le Rapporteur - L'amendement 9 tend à ce que l'application du recensement soit immédiate. Il contredit les propos de M. Carrez, qui a admis qu'il fallait étaler. Adopter l'amendement conduirait à réduire de 20 % à 30 % la DSU et de la DSR. C'est pourquoi la commission l'a repoussé.

M. le Ministre - Le Gouvernement n'est évidemment pas favorable à un amendement qui, en supprimant le lissage sur trois ans des conséquences sur la DGF du recensement général de la population vide de sa substance le projet que je vous soumets !

M. Carrez sait bien, par ailleurs, que le Gouvernement a déjà consenti un effort considérable en faveur des collectivités locales, et il comprendra que je ne puisse aller plus loin.

L'amendement 9, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Claude Billard - Par l'amendement 14, nous visons à faire reconnaître que les charges accrues pèsent sur les communes dans lesquelles sont implantés plusieurs établissements hospitaliers : charges de voirie et d'assainissement bien sûr, mais aussi charges liées aux logements et aux équipements nécessaires aux salariés de ces hôpitaux et à leurs enfants. Avant la modification de la législation, les communes bénéficiaient de la taxe sur les salaires due par ces établissements. Ce n'est plus le cas. Ils sont, de surcroît, exonérés de la taxe professionnelle. Ce manque à gagner doit être compensé, comme il pourrait l'être pour les communes où sont situés des établissements pénitentiaires, ou pour celles qui accueillent, en nombre, des gens du voyage.

M. le Rapporteur - L'amendement est indiscutablement intéressant mais, comme vous l'indiquez vous-même, son adoption susciterait immédiatement d'autres demandes, qui paraîtraient aussi justifiées et, de fil en aiguille, la population DGF irait toujours croissant.

Je pense donc que cette proposition n'a pas sa place dans un texte qui traite des conséquences du recensement général sur la dotation aux collectivités locales, et qu'elle devrait plutôt être reprise au cours du débat qui ne manquera pas d'avoir lieu sur la réforme globale de la DGF. La commission a exprimé un avis défavorable, et il serait préférable que l'amendement soit retiré.

M. Claude Billard - Je le maintiens.

M. le Ministre - Je rappelle que la DGF est libre d'emplois et qu'elle n'est pas destinée à remplacer tel ou tel «manque à gagner». En outre, comme l'a observé le rapporteur, s'engager dans la voie que vous recommandez serait aussi périlleux que contreproductif pour les communes éligibles à la DSU. La question devrait être débattue par la commission de la décentralisation. Je préférerais, moi aussi, que vous retiriez l'amendement, mais je ne me fais d'illusion excessive sur ma force de conviction (Sourires).

L'amendement 14, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Gilles Carrez - Les amendements 10 et 11 sont des amendements de repli, qui visent à limiter à deux ans le «lissage» prévu dans le projet. Je rappelle que le comité des finances locales et les associations d'élus locaux avaient, cet été, formulé une proposition en ce sens. Elle pouvait, à l'époque, sembler trop coûteuse. Cependant, les efforts que vous avez déployés, Monsieur le ministre, ayant été couronnés de succès, nous avons obtenu l'augmentation de la DSU et de la DSR.

Les crédits manquants sont à présent très faibles, et je ne doute pas que vous réussirez à arracher les 200 à 300 millions nécessaires. Aussi l'Assemblée pourrait-elle faire sienne, dès aujourd'hui, cette proposition.

M. le Rapporteur - Je constate que les amendements 10 et 11 affectent le potentiel fiscal plutôt que la dotation forfaitaire. Ils auraient des conséquences imprévisibles et, pour certaines, défavorables. Aussi la commission les a-t-elle rejetés.

M. le Ministre - Vous me prêtez une efficacité quasi surnaturelle en me demandant -et en me croyant capable- d'augmenter encore la manne dont les collectivités locales ont déjà bénéficié. Mais je ne suis qu'un homme ! Et cet homme n'obtiendra rien de plus. Considérez, je vous prie, l'effort fait, et ce qui a été obtenu !

M. Gilles Carrez - Je vous prie d'excuser ma méprise : nous souhaitons, en effet, réduire à deux ans la durée proposée, mais il convient en effet de distinguer nettement dotation forfaitaire et potentiel fiscal.

Les amendements 10 et 11, successivement mis aux voix, ne sont pas adoptés.

M. le Rapporteur - Par l'amendement 1, la commission souhaite introduire dans la définition du potentiel fiscal la compensation de la suppression de la part « salaires » dans la base de la taxe professionnelle pour éviter le bouleversement soudain des budgets communaux.

M. le Ministre - Avis favorable.

M. Gilles Carrez - Je suis tout à fait favorable à l'amendement, mais je m'interroge sur l'intérêt de maintenir le potentiel fiscal si l'on renonce à réviser les valeurs locatives. A quoi servent des calculs fondés sur des données obsolètes ?

M. le Rapporteur - Sauf en Ile-de-France, les valeurs utilisées sont des valeurs relatives : ce sont les écarts qui comptent. L'obsolescence est de fait, mais son incidence est minimisée sur les calculs effectués. Cependant, le sujet est d'importance, et nous aurons l'occasion d'y revenir.

L'amendement 1, mis aux voix, est adopté.

M. le Rapporteur - L'amendement 16 vise à étendre aux communes membres d'un EPCI à taxe professionnelle unique la disposition visant à réintégrer dans le potentiel fiscal la compensation de la suppression de la part « salaires » des bases de taxe professionnelle.

L'amendement 16, accepté par le Gouvernement, mis aux voix, est adopté.

Mme Martine Aurillac - Notre amendement 8 tend à prendre en compte à hauteur de 50 % une baisse de la population dans le calcul de la dotation forfaitaire des communes. S'il paraît cohérent de prendre en compte les nouvelles données démographiques pour l'établissement des dotations aux collectivités, les modalités de calcul ne doivent pas être défavorables en cas de perte de population. L'exposé des motifs du projet de loi considère justement qu'une « perte de population n'entraîne pas corrélativement une perte des charges ». La réalité montre que les dépenses sociales des collectivités ne cessent de croître du fait de besoins nouveaux des populations concernées. Par ailleurs, le gel proposé à l'article 1.II du projet de loi s'applique de manière indifférenciée sans tenir compte de l'ampleur réelle de la perte de population. La mesure de gel de la dotation forfaitaire, présentée par le Gouvernement comme une mesure de clémence, se révèle à l'analyse très défavorable à la quasi totalité des communes connaissant un fléchissement démographique. Il serait plus avantageux que soit appliqué en cas de baisse, le mécanisme prévu à l'article L. 2334-9 pour les augmentations de population, à savoir un montant de dotation affecté de 50 % de la variation démographique, lissée sur trois ans, et auquel s'applique l'indice de progression de la dotation forfaitaire.

M. le Rapporteur - La commission a repoussé cet amendement qui serait défavorable à la très grande majorité des communes dont la population diminue, à l'exception peut-être de sa capitale. De plus, le dispositif deviendrait incompréhensible si l'on s'engageait dans la voie d'une modulation de la dotation forfaitaire en fonction de l'amplitude des évolutions de population.

M. le Ministre - Le Gouvernement rejoint l'avis de la commission car le dispositif proposé serait très défavorable aux treize mille communes qui connaissent une baisse de population et je pense tout particulièrement à celles qui appartiennent au monde rural. Défavorable, donc.

L'amendement 8, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Gilles Carrez - L'amendement 12 est défendu.

M. le Rapporteur - Défavorable. Il représente un coût de 350 millions.

M. Gilles Carrez - Nous restons dans l'ordre du possible !

M. le Rapporteur - Pour autant, la DSU ne progresserait que de 9 % et la DSR de péréquation qui touche 30 000 communes rurales diminuerait de 8 %. Je ne pense pas que M. Carrez le souhaite !

M. le Ministre - Défavorable pour les raisons que j'ai précédemment exposées.

L'amendement 12, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. le Rapporteur - L'amendement 17 corrige un oubli du texte et tend à permettre aux syndicats d'agglomérations nouvelles de prendre en compte les recensements complémentaires qui ont pu avoir lieu en 1999.

M. le Ministre - Favorable.

L'amendement 17, mis aux voix, est adopté.

M. Michel Bouvard - Je défends les amendements 7 et 18 qui sont identiques. Ces amendements visent à créer un préciput financé par la croissance annuelle des dotations touristiques à compter de l'année 2000 jusqu'en 2004. Ce prélèvement permettrait de corriger progressivement les injustices que subissent les communes écrêtées, qui sont justement celles dont le développement de l'activité génère le plus de charges induites par l'afflux de population saisonnière. Il s'agit notamment des stations de sports d'hiver créées dans la dernière décennie auxquelles incombent des charges sans cesse accrues. Il s'agit d'un simple amendement d'ajustement, en attente d'une réflexion sur la dotation de fonctionnement touristique figée en 1993.

M. le Rapporteur - M. Bouvard défend avec conviction la situation dramatique des communes touristiques et thermales...

M. Michel Bouvard - Disons qu'il s'agit d'une situation tendue.

M. le Rapporteur - Je rappelle cependant que la population DGF est virtuelle puisqu'elle inclut un habitant par résidence secondaire. Cette disposition est favorable aux communes touristiques dont les surcroîts de charges se trouvent ainsi compensés pour partie. De plus, Monsieur Bouvard, n'est-ce pas votre majorité qui avait voté la réforme de la DGF ?

M. Michel Bouvard - Je l'avais en son temps combattue !

M. le Rapporteur - La loi de 1993 a gelé la dotation aux communes touristiques et thermales. La commission n'a pas jugé opportun de rouvrir ce débat et repousse donc les deux amendements.

M. le Ministre - J'invite Monsieur Bouvard à retirer ces amendements car la suppression par la loi du 31 décembre 1993 des concours particuliers versés aux communes, en vue de redonner du sens à la notion de péréquation, crée une situation qui mérite une réflexion d'ensemble. Je souhaite donc qu'une réflexion soit organisée sous l'égide de la direction générale des collectivités locales sur l'ensemble des mécanismes de péréquation. Le Gouvernement est prêt à examiner dans les meilleurs délais avec les communes touristiques, mais aussi hospitalières ou minières, les problèmes spécifiques qu'elles rencontrent en matière de dotation forfaitaire.

M. Michel Bouvard - Je remercie M. le ministre de cette avancée qui me conduit à retirer les amendements 7 et 18.

Pour répondre à Monsieur le rapporteur, je dirais cependant qu'il peut subsister une certaine injustice entre les communes touristiques qui ont amorti leurs investissements et qui avaient bénéficié de dotations spécifiques et celles, plus récentes, qui n'ont profité d'aucune mesure d'accompagnement. Mais sous bénéfice des propositions du ministre, je retire les deux amendements.

L'article premier, modifié, mis aux voix, est adopté.

L'article 2, mis aux voix, est adopté.

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APRÈS L'ART. 2

M. le Rapporteur - L'amendement 2 tend à compléter la définition du potentiel fiscal des départements, selon le même argumentaire que celui qui a conduit à modifier le calcul du potentiel fiscal pour le fonds de solidarité des communes de l'Ile-de-France.

M. le Ministre - Favorable.

L'amendement 2, mis aux voix, est adopté.

L'article 3, mis aux voix, est adopté.

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ART. 4

M. le Rapporteur - L'amendement 3 s'applique aux groupements et à la même justification que les amendements précédents concernant la définition du potentiel fiscal.

M. le Ministre - Favorable.

L'amendement 3, mis aux voix, est adopté.

L'article 4, ainsi modifié, mis aux voix, est adopté.

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APRÈS L'ART. 4

M. Jean-Yves Caullet - Les amendements 5 et 6 sont défendus.

M. le Rapporteur - Les amendements 5 et 6 tendent tous deux à proposer de nouvelles modalités de calcul du potentiel fiscal des communes appartenant à des structures intercommunales à taxe professionnelle unique. Les modalités actuelles pénalisent en effet les communes.

La commission, d'accord sur le principe, a toutefois repoussé ces amendements, le dispositif technique à mettre en place étant assez compliqué. Le ministre réfléchit aux moyens d'améliorer les règles actuelles : nous pouvons escompter une proposition satisfaisante d'ici à la deuxième lecture.

M. le Ministre - L'auteur de ces amendements propose de retenir le critère de population pour calculer le potentiel fiscal des communes faisant partie d'un groupement intercommunal à taxe professionnelle unique. C'est une piste à explorer mais, avant toute décision, une expertise complémentaire est nécessaire. La mesure aboutirait en effet à majorer le potentiel fiscal des villes-centres, les plus peuplées. Le Gouvernement est disposé à fournir à la représentation nationale toutes les simulations nécessaires d'ici à la deuxième lecture. Pour l'heure, il demande le retrait de ces amendements.

L'amendement 5, mis aux voix, n'est pas adopté non plus que l'amendement 6.

M. Gilles Carrez - L'amendement 13 est défendu.

L'amendement 13, repoussé par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Michel Bouvard - En vertu d'une convention franco-italienne de 1951, les ressortissants italiens résidant à Modane sont exonérés d'impôts locaux -les ressortissants français résidant à Vintimille bénéficiant d'une exonération comparable. Ce manque à gagner de 400 000 à 500 000 F par an, soit environ un quart de son budget d'investissement pose des problèmes à la commune de Modane. Il faut réparer cette injustice qui n'a que trop duré. Modane, titulaire de la Croix de guerre de la Résistance, a été détruite par un bombardement en 1944 puis, une seconde fois, en 1957, à la suite d'une crue de l'Arve. L'ouverture des frontières européennes le 31 décembre 1992 l'a sinistrée, un grand nombre d'activités ayant été délocalisées en Italie. Seule l'aide conjointe du département de la Savoie et de l'Etat lui ont permis de faire face aux graves difficultés financières qu'elle rencontre depuis lors. Il faut compenser la perte de recettes qu'elle subit du fait de la convention de 1951 : c'est l'objet de mon amendement 4.

M. le Rapporteur - M. Bouvard ne manque jamais d'à-propos. Il le prouve encore, à la fin de cette discussion, avec cet amendement « terminus » (Sourires). Mais la loi règle des situations d'ordre général, non des cas particuliers. La solution en l'espèce résiderait plutôt dans la renégociation de la convention internationale.

M. le Ministre - En effet. Ce qu'il faut, c'est supprimer cette anomalie plutôt que la compenser. Le ministère des finances a engagé des discussions avec le gouvernement italien qui devraient pouvoir aboutir rapidement. Je vous suggère donc de retirer cet amendement.

M. Michel Bouvard - Je ne suis pas sûr qu'une solution puisse être trouvée rapidement. Il y a fort longtemps qu'on nous le promet, et ce sous tous les gouvernements. En vain. Modane supporte la quasi-totalité du trafic de poids lourds vers l'Italie depuis la fermeture du tunnel du Mont-Blanc et va devoir investir huit millions pour des dispositifs de sécurité incendie dans le tunnel de Fréjus. On ne peut pas demander toujours aux mêmes de faire l'effort !

L'amendement 4, mis aux voix, n'est pas adopté.

L'ensemble du projet de loi, mis aux voix, est adopté.

La séance, suspendue à 17 heures 10, est reprise à 17 heures 20.

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LOI DE FINANCES POUR 2000 -deuxième partie- (suite)

L'ordre du jour appelle la suite de la discussion de la deuxième partie du projet de loi de finances pour 2000.

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INTÉRIEUR

M. Tony Dreyfus, rapporteur spécial de la commission des finances pour la sécurité - Ce projet de budget traduit bien la réforme entreprise par le Gouvernement pour faire évoluer la notion de police. Alors que pendant longtemps l'idée centrale a été l'ordre public, il s'agit désormais d'assurer à tous les citoyens, en tous lieux, un droit à la sécurité.

Ce changement devait-il entraîner une augmentation sensible du budget du ministère ? Personne, sauf à être irresponsable, ne pouvait répondre par l'affirmative. Il fallait donc envisager des modifications internes du budget. La MEC -mission d'évaluation et de contrôle- de la commission des finances a laissé entrevoir des « gisements de productivité », expression qui m'a toujours laissé sceptique. A la vérité, le budget de la police étant à plus de 80 % un budget de rémunération, il est difficile de le faire évoluer très rapidement.

Etant élu de Paris, je ne suis pas mal placé pour parler de la mise en place de la police de proximité. Je constate tous les jours que le sentiment d'insécurité existe -quelle que soit la réalité de l'insécurité elle-même ; et l'élargissement des obligations de chaque policier, qui se transforme un peu en juge de paix, un peu en médiateur, est une très bonne chose.

A Paris, une transformation de l'organisation de la préfecture de police s'en est suivie depuis le 18 avril dernier. Il est trop tôt pour en dresser un bilan, mais ce que l'on peut constater est assez favorable. Il y a eu d'une part regroupement local, et d'autre part attribution à chaque secteur d'une tâche spécifique -action judiciaire, sécurité, ordre public. Cette réforme passe bien dans les esprits (Exclamations sur les bancs du groupe UDF et du groupe du RPR), même s'il y a un très gros effort de communication à faire. La formation et l'état d'esprit des policiers doivent aussi évoluer.

M. Rudy Salles - Tout cela est extrêmement théorique !

M. Tony Dreyfus, rapporteur spécial - Justement, j'en arrive aux chiffres !

Le budget de la police nationale s'établira en 2000 à près de 30 milliards, en hausse de 880 millions, soit de 3,02 %. Sa rigidité résulte du poids des dépenses de personnel, qui représentent plus de 82 % des crédits. Cependant, pour la première fois, l'augmentation des crédits de fonctionnement -4 %- est supérieure à celle des crédits de personnel -2,26 %.

C'est un fait important et très apprécié de l'encadrement des policiers. Mais il ne faudrait pas que ce soit une simple parenthèse : l'effort devra être poursuivi pendant plusieurs années.

L'accroissement des crédits de personnel résulte de l'application de l'accord salarial de 1998 et de l'augmentation des effectifs de 2 166 hommes, soit 1,1 %. Il est regrettable cependant que le recrutement de 5 000 fonctionnaires administratifs, techniques et scientifiques prévu par la loi d'orientation n'ait pas eu lieu.

Le chiffre de 2 166 fonctionnaires supplémentaires, qui porte l'effectif global à 148 000 personnes, résulte de l'addition de plusieurs mouvements : création de 4 150 emplois d'adjoints de sécurité -qui s'ajouteront aux 15 850 déjà créés, permettant d'atteindre l'objectif annoncé de 20 000 emplois- création de 100 emplois de personnel scientifique, suppression de 2 075 emplois de policiers auxiliaires, transformation d'emplois de commissaires et d'officiers en emplois de gardiens de la paix, etc.

L'évolution prévisionnelle des effectifs en service actif est cependant un peu inquiétante du fait de la pyramide des âges. Beaucoup de recrutements remontent aux années 1960-1970, de sorte que le nombre annuel des départs en retraite augmente et devrait atteindre un maximum de 4 896 en 2001. Ces départs sont dus à l'âge, au cumul de droits à récupération mais aussi à des causes moins prévisibles. On peut remercier le ministre de l'intérieur d'avoir anticipé ces évolutions par le recrutement de gardiens de la paix en surnombre car il faut tenir compte de l'année de formation obligatoire qui précède l'entrée en service...

M. Jean-Antoine Léonetti - Et les adjoints de sécurité ?

M. Tony Dreyfus, rapporteur spécial - Ils ont une formation de six semaines. C'est insuffisant certes, mais il fallait bien compenser les départs anticipés. C'est la première fois que les recrutements tiennent compte de ce facteur et qu'on forme les policiers à l'avance.

En outre, on essaie d'inciter les fonctionnaires de police à rester plus longtemps par un certain nombre d'avantages. A ce sujet, les syndicats de police que nous avons reçus demandent la revalorisation de l'échelon exceptionnel de capitaine, ce qui inciterait les bénéficiaires à ne pas demander une retraite anticipée. Le coût de cette mesure, qui concernerait 200 personnes par an, s'élèveraient à 1,7 million, ce qui n'est pas considérable.

On constate donc une amélioration sensible de la part du budget de l'intérieur au sein du budget de l'Etat, ceci dans le but de faciliter l'indispensable évolution de la police vers une police de proximité. Il nous faut des médiateurs, des juges de paix et des policiers de terrain plutôt que de superbes bâtiments. On revient donc de loin...

Cette évolution implique une réorganisation de la police et celle-ci est en cours. La mission d'évaluation et de contrôle avait proposé diverses mesures telles que l'externalisation de certaines tâches et le paiement des heures supplémentaires plutôt que leur récupération. Mais elles s'avèrent trop onéreuses. Le préfet de police de Paris a ainsi calculé que si on confiait l'entretien du parc automobile à des entreprises extérieures, ce poste absorberait 25 % des crédits de fonctionnement. Le paiement des heures supplémentaires coûterait également très cher. Et la police, comme les autres administrations, a ses traditions...

En conclusion, je ne dirai pas que ce budget est admirable (« Il ne faut pas exagérer ! » sur les bancs du groupe UDF) mais il colle bien à la réalité. Il est la traduction des réformes que vous voulez mener. Ce n'est qu'un début, mais si nous poursuivons le combat encore quelques années, nous pourrons atteindre l'objectif (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe communiste).

M. Louis Mermaz, rapporteur pour avis de la commission des lois pour la police - Ce budget est en progression plus marquée que le précédent. Sans négliger les missions traditionnelles de la police, il lui donne des moyens nouveaux pour faire face à des situations nouvelles, dues à la crise qui s'est installée dans nos sociétés.

Il est centré sur le développement de la police de proximité : davantage de policiers dans la rue, à pied et pas seulement en voiture, à l'écoute des habitants, des commissariats ouverts 24 heures sur 24 (Interruptions sur les bancs du groupe UDF) -ce serait le paradis ! Mais ce budget permet précisément d'avancer dans ce sens.

La police de proximité est une doctrine innovante qui semble au point aujourd'hui et qui requiert des moyens d'action spécifiques. Expérimentée déjà sur 67 sites, elle doit être généralisée d'ici 2002.

Le budget veut répondre à trois exigences : un plus grand nombre de fonctionnaires, une meilleure qualité, plus de disponibilité.

Il prévoit des moyens en personnel supplémentaires. Comme il faut parer aux 25 000 départs en retraite prévus dans les cinq ans à venir, un effort exceptionnel de recrutement est opéré, qu'il faudra poursuivre jusqu'en 2001.

Pour améliorer l'encadrement, vous augmentez le nombre de brigadiers et de brigadiers-majors, et vous poursuivez la qualification de gardiens et de gradés en officiers de police judiciaire. Des mesures catégorielles sont destinées à maintenir les gardiens dans les zones sensibles et à renforcer la présence policière aux heures les plus difficiles.

Vous achèverez l'an prochain le recrutement de 20 000 adjoints de sécurité, dont la formation commence à s'améliorer. Vous vous êtes attaqué au difficile dossier de la redéfinition des zones respectives de police et de gendarmerie, mais le manque de personnel administratif se fait sentir dans beaucoup de commissariats.

Les moyens matériels augmentent, qu'il s'agisse de l'immobilier dans les zones sensibles, du parc automobile vétuste, qui commence à s'améliorer. Votre démarche d'externalisation, dont a parlé Tony Dreyfus, devrait se traduire dans le prochain collectif. Le système Acropol se développe de façon satisfaisante : en 2002, 80 % des faits de délinquance constatés devraient être traités.

Le caractère original de votre budget tient à l'accent mis sur la police de proximité. Se dessine un nouveau métier, destiné à établir de nouvelles relations entre la police et la société. C'est à quoi tendent les contrats locaux de sécurité, dont le nombre s'accroît, même si leur mise en _uvre est inégale.

En fait vous vous attachez à transformer l'exercice du métier de policier, vers davantage d'autonomie et de responsabilité. Il s'agit aussi de développer la communication interne et externe, et de mieux coordonner l'action de la justice, de la gendarmerie et des polices municipales.

Voici qu'arrive une nouvelle génération de policiers. C'est une chance pour la police. Et vous renouez avec raison avec la tradition créée par Gaston Defferre, celle d'une attention particulière portée à la formation, dépendant d'une nouvelle direction confiée à un inspecteur général de l'Education nationale M. Antonmattéi. Cette démarche s'inscrit dans la suite des assises de la formation tenues à La Villette le 1er février dernier, qui ont ouvert la voie à une doctrine nouvelle. Vous avez ainsi à c_ur de recruter dans les milieux populaires et les quartiers sensibles si bien que les adjoints de sécurité constitueront un vivier de nouveaux policiers.

Ma visite dans les différentes écoles m'a permis d'y constater la qualité de l'enseignement. Leur volonté d'ouverture, déjà à l'_uvre, mérite d'être renforcée. Pourquoi ne pas y enseigner la sociologie, l'histoire, voire la géographie d'autant que les élèves de l'école des gardiens de la paix sont pour la quasi totalité bacheliers voire titulaires de bac + 2. Le programme de l'école de Saint-Cyr au Mont-Dore est remarquable. Là comme ailleurs, la présence d'intervenants extérieurs est très appréciée. Nous devons nous préoccuper aussi des formateurs, et de la suite de leur carrière, tout comme des conditions de travail, de logement et d'entraînement physique des élèves que ce soit à l'école de la Redoute de Gravelle ou à celle de Cannes-Ecluse, dont l'amphithéâtre est trop petit.

Vous avez raison d'insister sur la formation continue des policiers et d'organiser des stages pour accéder aux grades supérieurs.

Voilà, au total, un budget innovant, un bon budget de la police, que la commission des lois invite l'Assemblée à adopter (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe communiste).

M. Renaud Dutreil, rapporteur pour avis de la commission des lois pour la sécurité civile - Avec 1,2 milliard, le budget de la sécurité civile n'est représentatif ni du coût de ce service, ni de son large champ d'intervention. En effet, les crédits consacrés à la sécurité civile, soit 1,5 % du budget du ministère de l'intérieur, correspondent pour une large part au financement des moyens opérationnels de l'Etat, les collectivités territoriales supportant la charge des services d'incendie et de secours.

Si ce budget augmente de 3,8 %, cette évolution est largement imputable à la réforme des armées. Ainsi, l'augmentation de 13 % des crédits correspond à la poursuite de la professionnalisation des unités militaires de la sécurité civile, la création de 365 emplois venant compenser la suppression de 435 emplois d'appelés. De même, la participation de l'Etat aux dépenses des services de secours de la ville de Paris croît de 6 %.

Les crédits de fonctionnement bénéficient de 3 millions supplémentaires, destinés à la modernisation du service de déminage et à la location d'un avion Hercule C130 pour lutter contre les feux de forêt. Le déminage nécessite toujours d'importants moyens ; ce sont ainsi 650 000 bombes, 13,5 millions de mines et 23 millions d'obus qui ont été neutralisés depuis 1945, donnant lieu au décès de 596 démineurs.

Les crédits alloués à l'Institut national de la sécurité civile sont reconduits et les crédits d'intervention progressent très légèrement.

Les crédits destinés à l'équipement immobilier augmentent nettement, et les crédits de maintenance devraient, pour une fois, s'avérer suffisants.

En revanche, aucun crédit n'est inscrit au titre de l'acquisition et de la modernisation des moyens aériens : le remplacement des Canadair est achevé, tandis que la poursuite du programme d'achat à Eurocopter de 32 nouveaux hélicoptères sera financée par les dotations antérieures. On regrettera que la remotorisation des avions Trackers ne soit pas achevée.

Si ce budget s'efforce de maintenir la capacité opérationnelle de la direction de la défense et de la sécurité civiles, il faut bien constater que ce sont les collectivités locales qui supportent l'essentiel du coût de ce service.

La loi du 3 mai 1996 relative aux services d'incendie et de secours se met progressivement en place, mais elle s'applique à des structures locales très hétérogènes. L'adoption concomitante de dispositions concernant les personnels de la sécurité civile s'est traduite par une forte croissance des budgets départementaux...

Le volume des dépenses engagées conduit à s'interroger sur le financement de ce service. Vous avez été saisi de diverses propositions, et une réflexion est indispensable. On a parlé d'une contribution des compagnies d'assurance, d'une taxe particulière par capitation...

Les interventions de la sécurité civile ont considérablement évolué. On en compte 8 800 chaque jour pour les secours aux personnes, et l'on constate une diversification des risques. Quelque 200 000 volontaires, 28 000 professionnels et des militaires viennent ainsi sans relâche au secours de leurs concitoyens, jusqu'à y perdre la vie : cela a été le cas, depuis le début de l'année, pour sept de ces sapeurs-pompiers dont on a pu constater, lors de la catastrophe du tunnel du Mont-Blanc, le courage et l'abnégation. Cette tragédie a aussi illustré les difficultés de la coopération transfrontalière en matière de sécurité des personnes.

On le sait, la maîtrise des sinistres doit beaucoup à la qualité de la prévention. Il est donc satisfaisant que les plans de prévention des risques se multiplient, mais des moyens suffisants doivent être débloqués pour doter toutes les installations de dispositifs appropriés.

Je tiens à souligner l'importance des missions d'assistance menées par les services de la sécurité civile à la demande de pays victimes de catastrophe. Il y en a eu en Albanie, en Macédoine, en Turquie, en Amérique centrale, à Taïwan... A chaque fois, les équipes françaises ont été très chaleureusement félicitées et remerciées. L'envoi de ces hommes et l'aide qu'ils apportent à des populations très durement éprouvées témoignent de la solidarité de la France.

Le projet de budget ne permettra pas aux collectivités territoriales de régler tous les problèmes qui se posent à elles. Je sais qu'au travers de la DGE une aide supplémentaire sera octroyée, mais elle ne suffira pas à couvrir le coût considérable de l'informatisation des services de lutte contre l'incendie et des services de secours, estimé à plusieurs milliards. La question se pose de savoir si l'Etat ne devrait pas participer à ces investissements.

Après avoir proposé à la commission de voter les crédits de la sécurité civile, ce qu'elle a fait, j'invite l'Assemblée à le faire à son tour (Applaudissements sur tous les bancs).

M. Gérard Saumade, rapporteur spécial de la commission des finances pour les collectivités locales - En application du contrat de croissance et de stabilité et à structure constante, le montant total des ressources attribuées par l'Etat aux collectivités locales s'élèvera, en 2000, hors fiscalité transférée, à 291,14 milliards. Ce budget connaît une augmentation de 2,67 %, largement supérieure au taux d'inflation prévu. Un effort important a donc été consenti.

L'examen détaillé de ces dotations suppose toutefois que l'on distingue l'évolution du périmètre normé, qui progresse de 1,475 % à structure constante, des crédits hors enveloppe. C'est peu dire que l'opacité règne ! Aussi formulerai-je diverses propositions de modifications visant à rendre une dimension politique à l'attribution de ces fonds.

La progression de l'enveloppe normée sera de 1,475 %, et le montant total des dotations sous enveloppe devrait ainsi s'élever à 160,5 milliards. La DGF, qui représente un tiers de l'effort de l'Etat en faveur des collectivités locales, aurait dû progresser, selon l'index de référence, de 2,05 % en 2000. Mais, pour tenir compte, comme le prévoit la réglementation, des derniers indices connus d'une part, de la régularisation négative de la DGF pour 1998 d'autre part, sa progression sera limitée à 0,82 %.

M. René Dosière, rapporteur pour avis de la commission des lois - Encore un amendement Auberger !

M. Gérard Saumade, rapporteur spécial - Certes, ces mécanismes ont été vivement critiqués, mais l'on peut difficilement prétendre qu'il est anormal de calculer la DGF en fonction de l'évolution de l'inflation et du PIB. De plus, toute progression de la DGF se traduirait par la diminution corrélative de la DCTP.

Cela dit, cette progression de 0,82 % seulement créera diverses difficultés, auxquels divers ajustements devraient permettre de remédier pour partie. Je citerai en premier lieu les dispositions du projet de lissage sur trois ans des effets du recensement que l'Assemblée vient de voter. Je rappelle encore que le projet de loi de finances prévoit, dans son article 34, de maintenir à leur niveau de 1999 la DSU et la DSR. De plus, un amendement du Gouvernement et deux amendements de la commission auront pour effet de majorer la DSU, dont le montant total pourrait de la sorte progresser de 16 %, et la DSR, dans de fortes proportions. Enfin, la loi du 12 juillet prévoit un fonds de 500 millions destiné à financer les nouvelles communautés d'agglomération.

Chacun aura constaté la complexité du dispositif de la DGF. Chacun aura constaté, aussi, que les orientations prises visent à favoriser l'intercommunalité et la péréquation.

La dotation spéciale instituteurs continue de baisser à mesure que les personnels concernés intègrent le corps des professeurs d'école. Elle s'établira à 2,35 milliards en 2000, en diminution de 10 %.

Le fonds national de péréquation de la taxe professionnelle progressera de 9,98 %, grâce au fort abondement provenant de la fiscalité locale de La Poste et de France Télécom.

Les dotations d'équipement, indexées sur la formation brute de capital fixe des administrations progresse de 3,6 % ; elles s'élèvent pour les départements à 2,840 milliards et pour les communes à 2,650 milliards.

Le financement des transferts de compétences concernent les dotations régionales et départementales d'équipement scolaire -indexées sur la FBCF des administrations, elle s'élèvent respectivement à 3,567 milliards et à 1,777 milliard.

La dotation générale de décentralisation évolue comme la DGF de 0,821 % et s'élève à 28,19 milliards. La dotation de compensation de la taxe professionnelle joue le rôle de variable d'ajustement et dépend donc du montant des autres dotations. Elle devrait donc diminuer en 2000 d'environ 3 %, avec des adaptations pour les communes les plus démunies.

Les concours hors enveloppe progressent. La dotation au titre du fonds de compensation de la TVA est fixée à 21,82 milliards. Comme ce fonds est un prélèvement sur recettes, il varie sur présentation de pièces justificatives. Le montant des investissements des collectivités locales en 1998 étant marqué par une nette progression, le montant du fonds pourra connaître une marge de progression.

Les subventions de fonctionnement des différents ministères progressent de 5,6 %. La compensation des exonérations et des dégrèvements concernant la fiscalité locale dépasse 62 milliards.

La suppression progressive de la part salaires des bases de la taxe professionnelle sera compensée à hauteur de 22,6 milliards.

Enfin, la compensation de la part régionale des droits de mutation s'élèvera à plus de 5 milliards et la part départementale à près de 6.

Les dotations de l'Etat augmentent donc dans l'ensemble des ressources des collectivités locales, mais aussi la complexité du système s'accroît, pour ne pas dire son illisibilité. Les recettes des collectivités, qui s'élèvent en 1999 à près de 820 milliards, sont constituées pour l'essentiel par les recettes fiscales et par les dotations de l'Etat.

Or les recettes fiscales sont assises sur des stocks dont la valeur est difficile à apprécier dans une société technologiquement évolutive. Il en résulte des injustices qui conduisent l'Etat à prendre en charge une part croissante de la fiscalité locale par le jeu des exonérations et des dégrèvements.

Les interventions croissantes de l'Etat viennent donc compliquer un système qui ne l'est déjà que trop, et ne remplissent qu'imparfaitement leur fonction de péréquation. Toute modification ponctuelle du dispositif, fut-elle fondée, affecte la lisibilité des finances locales, qui est pourtant une condition de la démocratie. C'est pourquoi j'aurai l'outrecuidance, Monsieur le ministre, de proposer une mise à plat de l'ensemble du système.

Les différents amendements adoptés lors de l'examen de la première partie du projet de loi de finances pour 2000 montrent bien l'obsolescence de l'architecture actuelle. Les dotations de l'Etat sont justifiées en règle générale par la volonté de péréquation des ressources mais les critères retenus reflètent de moins en moins bien la situation réelle des collectivités ; en l'absence de révision des valeurs cadastrales, le potentiel fiscal est par exemple de plus en plus virtuel. D'autre part, les cotisations étatiques consacrées à la péréquation sont insuffisantes.

Une part croissante de la fiscalité locale est assurée par l'Etat. L'Etat prend à sa charge 20,4 % de la taxe d'habitation et 32,3 % de la taxe professionnelle -les deux tiers avec la réforme.

Devant de tels enjeux, les différentes réformes envisagées sont insuffisantes. Il semble ainsi impossible de mettre en _uvre la réforme des valeurs locatives pour des raisons d'ordre politique.

Il est nécessaire d'engager une réforme considérable de façon à ce que les ressources des collectivités soit, comme en Allemagne, une part des grands impôts de l'Etat. (M. Laurent Dominati applaudit)

Une discussion devrait s'engager sur la part qui devrait revenir aux collectivités locales. Il y aurait là, Monsieur le ministre, la base d'une véritable politique d'aménagement du territoire.

M. Laurent Dominati - Très bien !

M. Gérard Saumade, rapporteur spécial - Je m'oppose à ceux qui dénoncent un recul de la décentralisation. Je crois à la nécessité pour que la République maintienne son unité, qu'elle mène une véritable politique d'aménagement du territoire, claire et compréhensible.

Les taxes foncières pourront être maintenues car elles seules portent sur le capital. Pour tout le reste, il y aurait intérêt, comme l'ont fait l'Allemagne et les Pays Bas, à asseoir la fiscalité locale sur des éléments qui ne soient pas essentiellement locaux.

Il ne faut pas que la décentralisation tende à réintroduire une forme de féodalité. Je connais, Monsieur le ministre, votre attachement personnel à l'unité de la République. Une réforme de la fiscalité locale permettrait de rappeler que l'intérêt local ne doit jamais prendre le pas sur l'intérêt national (Applaudissements sur les bancs du groupe RCV et du groupe socialiste).

M. René Dosière, rapporteur pour avis de la commission des lois pour les collectivités locales - La commission des lois a estimé que ce budget était un très bon budget, puisque les crédits normés augmentent de 1,48 % à périmètre comparable. Les collectivités défavorisées ne verront pas de diminution de la dotation de compensation de la taxe professionnelle grâce à un amendement de la commission des finances. Dans les crédits hors enveloppe, on trouve un certain nombre de dispositions nouvelles comme la compensation de la taxe professionnelle amenée à 2,15 % d'indexation, soit 250 millions supplémentaires, ainsi que deux mesures en matière d'exonération de taxe d'habitation, pour un coût vraisemblable de près d'un milliard.

Pour 2000, deux dispositions vont bénéficier aux collectivités locales : la suppression du contingent d'aide sociale pour les communes -pour un coût de 14 milliards- et la baisse de la surcompensation qui affecte la CNRACL.

Comme l'a rappelé notre collègue de la commission des finances le problème central des collectivités locales est celui du système fiscal. Je pose dans mon rapport la question de son maintien au regard de l'importance du prélèvement que l'Etat opère en matière de fiscalité locale : 120 milliards soit un quart de la fiscalité locale est actuellement pris en charge par l'Etat et l'on s'oriente à brève échéance vers un tiers. Il y a quelques années, la proportion n'était que de dix pour cent ; en vingt ans, l'Etat a multiplié par dix sa prise en charge de la fiscalité locale. Or, depuis des décennies, toutes les majorités qui se sont succédé ont choisi, à chaque réforme de la fiscalité locale, de diminuer l'impôt au profit du contribuable et d'augmenter les prélèvements obligatoires pour compenser -mal d'ailleurs- la baisse de recettes.

Il existe incontestablement une exception française en matière de fiscalité locale puisque notre pays est en Europe, juste après la Suède, celui où la liberté des collectivités de fixer le niveau de leurs ressources est la plus grande. Et cette exception française -il en est d'autres, comme la laïcité, peu prisée en Europe- doit être préservée. On n'a pas toujours intérêt à copier ce qui se fait dans les autres pays européens, sans compter qu'en l'espèce, les systèmes qu'ils ont adoptés ne sont pas aussi simples qu'on le dit. Mais il faut ouvrir le débat, vous avez raison, Monsieur Saumade.

Je verse moi-même quelques éléments dans mon rapport. Grâce au concours très actif de la direction générale des impôts, j'ai pu évaluer certaines conséquences de la prise en charge de l'impôt local par l'Etat, pour le moins paradoxales. Il apparaît ainsi que les zones où la taxe professionnelle rapporte peu paient pour celles où cette taxe rapporte beaucoup, en un mot que les pauvres paient pour les riches. De même les zones où la taxe d'habitation est la plus faible paient pour celles où la taxe est la plus élevée. Il est temps de corriger ces effets pervers et d'en finir avec une situation ubuesque. Cette masse financière de près de 100 milliards annule purement et simplement tous les efforts consentis par ailleurs en faveur de la péréquation : 100 milliards d'un côté, 15 de l'autre !

Dans le débat dont je souhaite moi aussi l'ouverture, je défends, pour ma part, le maintien de la fiscalité locale, au moins au niveau communal ou intercommunal (« Très bien ! » sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL).

D'abord, pour une raison économique. Les communes réalisent aujourd'hui les trois quarts des investissements dans notre pays et créent de 15 000 à 20 000 emplois nets par an. Si elles ne disposaient plus que de dotations, vu l'évolution probable de celles-ci, elles ne pourraient certainement plus maintenir ni ce niveau d'investissement ni ce rythme de créations d'emplois.

Ensuite, pour une raison politique : toute dissociation de l'électeur et du contribuable aboutit à l'exclusion civique et, favorisant les comportements populistes, affaiblit la démocratie (Applaudissements sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL). 4,5 millions de foyers fiscaux ne paient pas la taxe d'habitation et 6,5 millions n'acquittent qu'une taxe réduite. Ces contribuables ont pourtant le droit de vote alors que des immigrés qui, eux, paient la taxe d'habitation s'en voient privés.

M. Alain Clary - Il fallait attendre avant d'applaudir !

M. René Dosière, rapporteur pour avis - N'est-ce pas absurde ? Je plaide donc pour le rétablissement du lien entre le contribuable et l'électeur. La commune est au fondement de la citoyenneté et c'est au niveau communal que ce lien peut être le plus facilement maintenu, plus qu'au niveau départemental ou régional.

Je ne plaide pas pour autant pour le maintien du système fiscal actuel. En d'autres temps, je me suis battu pour la taxe départementale sur le revenu que vous combattiez, Messieurs de l'opposition. Je défends aujourd'hui l'idée d'une taxe d'habitation exclusivement communale ou intercommunale, assise sur les capacités contributives réelles de chacun à savoir le revenu.

M. Alain Clary - Très bien !

M. René Dosière, rapporteur pour avis - La commission de la décentralisation, qui sera prochainement installée, devra évoquer la question de la fiscalité locale. Il faut en effet que nous changions de cap : il y faut une volonté politique. J'en terminerai là, vous renvoyant à mon rapport pour plus de détails (Applaudissements sur tous les bancs).

M. Bruno Le Roux - Le budget du ministère de l'intérieur pour 2000 traduit la priorité que le Gouvernement accorde à la sécurité de nos concitoyens. Jetons un _il trois ans en arrière. La majorité d'alors fait adopter une ambitieuse loi d'orientation et de programmation relative à la sécurité et, patatras...

M. Laurent Dominati - Les socialistes arrivent !

M. Bruno Le Roux - Les engagements pris partent en quenouille et les crédits alloués à la police dans le budget 1997 régressent de 0,35 %.

M. Laurent Dominati - La délinquance avait diminué.

M. Bruno Le Roux - Bien que ne disposant que d'étroites marges de man_uvre, dès l'automne 1997, notre majorité marque le changement de cap...

M. Laurent Dominati - Et la délinquance repart à la hausse !

M. Bruno Le Roux - Vous avez été battus sur un tout, dont la délinquance faisait partie.

Les crédits de l'Intérieur augmentent dès le budget pour 1998, tendance confirmée en 1999 et 2000.

Face à la montée du sentiment d'insécurité, nos concitoyens se tournent évidemment vers l'Etat. Notre majorité, quant à elle, a profondément repensé ses objectifs et son action en matière de sécurité. La sécurité est un droit, indispensable à l'exercice de tous les autres.

Le Premier ministre, dès son discours de politique générale, a annoncé la mise en _uvre prioritaire d'une politique de sécurité rénovée. Le colloque de Villepinte en a tracé les grandes lignes : transversalité, car la sécurité n'est pas seulement l'affaire de la police, et proximité car le travail au plus près des citoyens est l'une des conditions de la réussite.

Monsieur le ministre, vote budget est un bon budget, j'y reviendrai.

Depuis le colloque de Villepinte et la circulaire interministérielle relative aux contrats locaux de sécurité, l'ensemble des partenaires publics et privés de la sécurité partagent une démarche commune (Rires sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL).

A cet égard, il serait peut-être bon de présenter un budget global de la sécurité intérieure, regroupant tous les efforts consentis par les différents ministères en faveur de la sécurité. Ainsi pourrait-on au mieux mesurer la convergence de ces efforts (Marques d'approbation sur les bancs du groupe socialiste et du groupe communiste ; exclamations sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL).

Avec une augmentation de 3 % de ses crédits portés à 1,6 milliard, ce budget est bien un budget prioritaire. Et la priorité est plus particulièrement donnée à la police de proximité.

Il faut saluer la mise en place du conseil de sécurité intérieure, qui, autour du Premier ministre, réunit les ministres concernés par les problèmes de sécurité. Symbole au plus haut niveau de l'Etat de l'approche transversale que nous revendiquons, il permet de prendre des décisions concrètes et unifiées...

M. Laurent Dominati - Qu'est-ce qu'une décision unifiée ?

M. Bruno Le Roux - Les contrats locaux de sécurité sont, pour leur part, l'expression d'une approche partenariale. Etablis au plus près des citoyens, ils sont un outil essentiel à la réussite de notre politique de sécurité. Toutes les villes, de droite ou de gauche, veulent en signer...

M. Laurent Dominati - Et combien n'en signent pas ?

M. Bruno Le Roux - Certains contrats ont peut-être été bouclés trop vite...

M. Laurent Dominati - Bâclés !

M. Bruno Le Roux - ...Les premiers résultats sont néanmoins encourageants. Les élus s'impliquent de plus en plus. Cependant, le contrat local de sécurité est un outil vivant, destiné à être évalué, amélioré et recadré si besoin. Ce n'est pas seulement une occasion pour le maire de faire parler de lui dans le journal local !

L'autre réussite est la législation sur les polices municipales. Depuis plus de dix ans, tous les gouvernements promettaient de les doter d'un statut unifié, organisant leur complémentarité avec la police nationale ; c'est à l'honneur de note majorité d'avoir mené à bien cette réforme, sans aucunement remettre en question le rôle de la police nationale et de la gendarmerie nationale, que je tiens à saluer ici.

Enfin, l'engagement de proximité se traduit par le recrutement des adjoints de sécurité, dont la présence est appréciée tant des habitants que des forces de l'ordre.

Au regard de cette politique volontariste et ambitieuse, les chiffres de la délinquance peuvent sembler décevants. Pourtant, sur le terrain, les premiers résultats sont encourageants. Pourquoi ce paradoxe apparent entre les statistiques et la réalité vécue ?

MM. Franck Dhersin, Laurent Dominati, Jean-Antoine Léonetti - Bonne question !

M. Bruno Le Roux - D'abord, parce que notre action s'inscrit dans la durée. Ensuite, parce que la politique de traitement systématique de l'infraction (Exclamations sur les bancs du groupe UDF) provoque une augmentation mécanique des chiffres. Dans un quartier de ma circonscription, qui a été choisi comme site pilote en matière de police de proximité, nous avons cherché avant tout à redonner confiance à la population, en faisant en sorte qu'elle puisse aller porter plainte pour toute atteinte aux personnes ou aux biens. Bien sûr, lorsque les gens retrouvent le chemin du commissariat parce qu'ils savent qu'ils y seront bien accueillis, les chiffres augmentent ! Bien sûr, mais aussi le sentiment d'insécurité diminue et la confiance revient dans l'action de l'Etat. Evitons de fonder sur les statistiques un débat politicien ! (Exclamations sur les bancs du groupe UDF)

Le budget que vous nous présentez, Monsieur le ministre, est de nature à répondre aux attentes des Français. Sa progression est trois fois plus importante que celle de l'ensemble des dépenses de l'Etat. C'est le budget de la maturité et de la réflexion : il est solide, cohérent, transparent, en parfait accord avec nos engagements (Exclamations sur les bancs du groupe UDF, du groupe DL et du groupe du RPR). Il va permettre d'accélérer la mise en place de la police de proximité ainsi que d'anticiper les prochaines étapes, alors que beaucoup des difficultés actuelles résultent d'un manque d'anticipation au cours de la dernière législature (Interruptions sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL).

La progression de 5 % des crédits de fonctionnement de la police nationale va permettre d'améliorer le parc de véhicules, de mettre en place le programme Acropol, nécessaire au bon fonctionnement des forces de police en Ile-de-France, ainsi que d'assurer l'encadrement des adjoints de sécurité. 759 d'entre eux ont d'ailleurs été admis au concours de gardien de la paix : il s'agit donc d'une bonne voie d'accès aux emplois de fonctionnaire de sécurité.

Il reste que les effectifs permanents évoluent à la baisse car les recrutements ne permettront pas dans les années à venir de combler les déficits provoqués par les départs en retraite. L'effort de votre administration, Monsieur le ministre, est remarquable, mais les délais d'organisation des concours et le manque d'anticipation en 1995 vont empêcher le renouvellement normal des effectifs.

La police nationale doit tout à la fois procéder à des redéploiements géographiques et techniques, former les adjoints de sécurité, renforcer la police de proximité, accueillir le public, alors que les effectifs des corps chargés de l'encadrement diminuent. Bref, on vous demande l'impossible ; pourtant, le budget que vous présentez va permettre de le faire !

M. Jean-Antoine Léonetti - Encore du cirage !

M. Bruno Le Roux - Les métiers de la police sont difficiles. Ce budget rompt avec la dévalorisation dont ils ont été victimes ces dernières années ; votre politique, Monsieur le ministre, redonne crédibilité à l'action de l'Etat. Et pour terminer, je voudrais vous féliciter.

M. Laurent Dominati - Parce que jusqu'à présent, cette intervention était très critique !

M. Bruno Le Roux - Je n'ai aucune raison d'être critique !

Je voudrais vous féliciter, Monsieur le ministre, à propos des chiffres publiés ces derniers jours par l'IHESI et par l'INSEE. Ils ont été commentés au premier degré par ceux qui s'en tiennent à la polémique politicienne (Rires et exclamations sur les bancs du groupe UDF, du groupe DL et du groupe du RPR). En réalité, les « faits d'insécurité » ne relèvent pas toujours de la compétence de l'Etat, et l'action menée en matière de sécurité est bien plus complexe que ce qui apparaît dans le budget de la police nationale.

Au groupe socialiste, nous sommes prenneurs d'un débat sur la répartition des compétences dans notre pays en matière de sécurité. En tout cas, la sécurité est une priorité qui est aujourd'hui financée (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

M. Didier Quentin - L'insécurité est devenue, à égalité avec le chômage, la première préoccupation des Français. Vous accentuez ce phénomène, Monsieur le ministre, par votre tendance à minimiser l'insécurité en la qualifiant souvent d' « incivilité ». Malgré vos accents républicains, vous n'arrivez pas à obtenir les moyens de lutter efficacement contre ce fléau ; les mesures que vous proposez ne sont que des palliatifs.

Les victimes de l'insécurité sont d'abord les plus faibles et les plus pauvres. Certes, vous préférez parler de « sentiment d'insécurité », mais ce sentiment s'appuie sur des faits -ou plutôt sur des méfaits- têtus ! Une tradition bien établie voulait que nous ayons chaque mois communication des tribunaux correctionnels, des contraventions, qui relevaient des tribunaux de police. Vous avez inventé le mot politiquement correct d' « incivilités », pour qualifier ce que vous appelez assez curieusement une « petite délinquance de masse ». Petit phénomène, je ne le crois pas, mais de masse à coup sûr !

Des méfaits en tous genres sont ainsi, en quelque sorte, amnistiés par avance. Le plus souvent, la justice n'est même pas saisie ! Voilà qui concourt à une exaspération croissante de la population et provoque une progression fulgurante des sociétés de gardiennage et de protection, qui aujourd'hui comptent plus de 110 000 salariés. Mais les plus humbles ne peuvent pas s'offrir cette sécurité privée... La responsabilité première de la protection des personnes et des biens incombe à l'Etat.

Comment ne pas être sérieusement inquiet pour l'avenir, Monsieur le ministre ? D'ici 2004, 25 000 policiers vont partir, dont près de 70 % par anticipation. De plus, l'application de la loi sur les 35 heures va entraîner une baisse de 8 % des effectifs, sans parler des charges indues qui auraient dû être supprimer, ni des gardes statiques, qu'on réduit à un rythme trop timide. 30 à 35 % des effectifs n'effectuent pas de missions de police active, mais se consacrent à l'assistance, au conseil et au soutien opérationnel ; pourtant, les fonctionnaires théoriquement affectés à des tâches administratives ou techniques ne représentent que 10 % des effectifs.

Le 17 juin dernier, vous avez annoncé le recrutement de 700 agents administratifs en 2000, et d'autant en 2001. Or d'après votre projet de budget, une centaine seulement seront recrutés en 2000, de surcroît par des transformations d'emplois internes.

Pendant que des fonctionnaires effectuent des tâches administratives, les adjoints de sécurité effectuent à leur place des missions de terrain.

En 1995, contrairement à ce qui a été dit ici, le Gouvernement avait pris à bras le corps ce problème : la loi de programmation lancée par Charles Pasqua et poursuivie par Jean-Louis Debré, prévoyait le recrutement de 5 000 agents administratifs, afin de remettre sur la voie publique autant de policiers actifs détournés de leurs missions opérationnelles. Les gouvernements d'Edouard Balladur et d'Alain Juppé avaient créé 1 250 postes. Qu'avez-vous fait depuis ?

Vous ne donnez pas aux policiers les moyens de leurs missions. Vous annoncez un effort particulier, mais les départs à la retraite ne sont que très partiellement compensés, et le plus souvent par l'embauche d'adjoints de sécurité. Or ceux-ci ne peuvent rendre les mêmes services. Recrutés de façon peu rigoureuse, ils reçoivent une formation très sommaire et n'ont pas, selon les syndicats de police, « l'indispensable connaissance du droit et de la psychologie ». Leur encadrement est déficient et leur statut précaire : pas de sécurité de l'emploi et aucune protection juridique en cas d'accident. Ils sont manifestement sous-payés : ils représentent près de 20 % des effectifs, mais seulement 2,5 % du coût de personnel ! Et que deviendront-ils au bout de cinq ans ? Seront-ils titularisés, et si oui, seront-ils exonérés de passer les examens, ce qui serait une entorse aux règles d'accès à la fonction publique ?

Vous ne donnez pas non plus aux policiers les moyens de se faire respecter et ceux-ci ont souvent un sentiment d'inutilité : 86 % des affaires sont classées sans suite... Certes, vous partagez la responsabilité de la montée de la violence urbaine avec vos collègues, en particulier avec Mme la ministre de la justice, qui a refusé de modifier l'ordonnance de 1945 sur la délinquance des mineurs, pourtant totalement inadaptée au cas des multirécidivistes (Applaudissements sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL).

Or, la délinquance des mineurs ne cesse de progresser. Un rapport de l'Inspection générale de l'Education nationale vient de faire un point tristement édifiant sur la situation en milieu scolaire.

Où en est la redéfinition des zones de gendarmerie et de police ? Vous aviez annoncé la fermeture de huit commissariats de police : pouvez-vous nous préciser lesquels ? Qu'en est-il du reclassement des policiers ? Où en est la rénovation des commissariats ? Comment évoluent les crédits de lutte contre la drogue ? Où en est la plan Vigipirate ?

Quels sont les chiffres des reconduites à la frontière ? Votre circulaire du 11 octobre sur ce sujet apparaît comme un hommage tardif à votre prédécesseur : vous fixez comme objectif 28 % de reconduites effectives, taux que Jean-Louis Debré avait atteint dès 1996 ! (« Eh oui ! » sur les bancs du groupe du RPR et du groupe UDF) Alors que les crédits affectés à ces opérations atteignaient 87 millions sous le gouvernement d'Alain Juppé, ils ne sont plus cette année que de 84,7 millions...

Monsieur le ministre, nos concitoyens attendent un peu moins de colloques et d'effets d'annonce et beaucoup plus d'efficacité sur le terrain. C'est pourquoi le groupe RPR votera contre ce budget (Applaudissements sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL).

M. Jean-Antoine Léonetti - Avec près de 3 % d'augmentation, le budget de l'intérieur semble présenter une progression satisfaisante, il semble même coïncider avec la volonté affichée par le Gouvernement de faire de la sécurité une priorité ("Très bien !" sur les bancs du groupe socialiste). Et pourtant, après trois ans de votre gestion les chiffres de la délinquance ne cessent d'augmenter, particulièrement les délits avec violence. Près de 40 % des délits de la voie publique sont commis par des mineurs. La délinquance dite « quotidienne » -vols avec violence, vols à la tire, coups et blessures, cambriolages- a augmenté de 22,4 %.

Pourquoi ce contraste entre la volonté affichée et l'augmentation des moyens d'une part, et les résultats obtenus, d'autre part ? (Interruptions sur les bancs du groupe socialiste)

Les effectifs de police sont-ils suffisants ? Depuis 1997, les effectifs de police ont augmenté seulement de 0,15 %. Or, près d'un quart des policiers va partir en retraite entre 1999 et 2004.

M. Bruno Le Roux - C'est dû à votre mauvaise gestion ! (Protestations sur les bancs du groupe du RPR)

M. Jean-Antoine Léonetti - Les redéploiements ne combleront pas la baisse réelle des effectifs et la situation sera aggravée par l'application des 35 heures.

Les effectifs des adjoints de sécurité augmentent mais leur sélection sommaire et leur formation insuffisante ne leur permettent pas de se substituer réellement aux forces de l'ordre -la police est un vrai métier.

Ces adjoints de sécurité sont souvent confrontés à des situations difficiles. A titre d'exemple, un seul îlot régulier de trois policiers en tenue fonctionne sur Antibes, ville de 73 000 habitants, et il ne compte qu'un fonctionnaire de police, assisté de deux adjoints de sécurité. Les quartiers nord de Vallauris, considérés comme une zone très sensible, ne bénéficient toujours pas de police de proximité.

La police n'est pas en nombre suffisant sur le terrain, et en outre son efficacité est limitée par un environnement médiatique souvent défavorable et par la faillite de notre système éducatif et judiciaire.

Les forces de l'ordre sont aujourd'hui accusées d'agir avec violence même dans des interventions dangereuses d'interpellation de malfaiteurs.

Les policiers sont las d'arrêter des multi-récidivistes pour lesquels la justice n'a pas trouvé de réponse adaptée, ils sont las d'interpeller des mineurs violents, certains de leur impunité. Le Gouvernement nous promet une justice adaptée, rapide, pédagogique, mais elle tarde à se mettre en place, faute de moyens.

Restent les contrats locaux de sécurité, présentés comme une panacée. Signés souvent à la hâte, ils ont déçu beaucoup de maires de toutes tendances. Comment signer un tel contrat quand l'étape de diagnostic met en lumière la faiblesse des moyens sur le terrain et qu'aucun effectif supplémentaire ne vient corriger cette situation ?

C'est l'Etat qui doit assurer une égale sécurité aux citoyens mais ce n'est pas le cas.

Si une réponse urgente n'est pas apportée aux problèmes de sécurité, des quartiers entiers s'installeront dans le non-droit. Il faut démanteler les bandes qui font la loi, leur loi, dans les banlieues.

Il faut, comme le dit Pascal, faire que ce qui est juste, soit fort ou ce qui est fort soit juste. Aujourd'hui, si la force est injuste, ce n'est pas, contrairement à ce que disait le président Mitterrand, à cause de la loi, mais parce que la loi n'est pas appliquée.

Le débat entre « laxistes » et « répressifs » est dépassé. Il faut simplement en revenir à l'obéissance à la loi...

M. Bruno Le Roux - Vous êtes long et creux !

M. Jean-Antoine Léonetti - L'obéissance à la loi qu'on s'est prescrite, selon Rousseau, cela s'appelle la liberté ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF, du groupe du RPR et du groupe DL)

M. Franck Dhersin - La première réflexion qui me vient à l'esprit à l'examen de ce budget, c'est «Beaucoup de bruit pour rien !».

M. Jean-Louis Debré - Très bien !

M. Franck Dhersin - A la formule « Aux grands maux les grands remèdes », votre Gouvernement préfère les déclarations d'intention, comme le désormais très célèbre discours prononcé à Villepinte (Interruptions sur les bancs du groupe socialiste) par M. Lionel Jospin qui, la main quasiment sur le c_ur, a déclaré : « La sécurité, garante de la liberté, est un droit fondamental de la personne humaine » (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste ; rires sur les bancs du groupe du RPR et du groupe UDF) et encore : « On ne peut accepter une société dans laquelle il y aurait d'un côté des quartiers protégés et de l'autre des zones de non-droit ». J'ai presque envie de prendre mon mouchoir... (Sourires sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL)

Toujours dans la même veine, Lionel Jospin déclarait, en janvier dernier, que les débats en matière de sécurité aboutiraient à de nouvelles propositions «dans la vision globale qui est la nôtre et qui n'ignore pas les causes sociales ou structurelles des problèmes».

M. Bruno Le Roux - Bravo !

M. Franck Dhersin - Les délinquants en tout genre peuvent trembler ! Hélas, comme souvent, ce sont ceux qui parlent le plus qui en font le moins (Applaudissements sur les bancs du groupe DL et du groupe du RPR).

A en juger par les dernières statistiques, vos engagements ne pèsent pas lourd face aux chiffres. On peut bien changer de langage, passer « d'auteurs d'incivilités » à « sauvageons », les directives ne suivent pas.

Avec plus de 3,5 millions de crimes et délits, la délinquance a augmenté de 12,1 % en 1998. En outre, cette violence est de plus en plus proche et précoce. En dix ans, les coups et blessures volontaires ont augmenté de 104 %, les vols avec violence de 75 %, les dégradations de 132 %.

A Paris, les crimes et délits ont progressé de 3,85 % au cours des huit premiers mois de 1999, après 4,6 % l'an dernier, soit plus du double de la moyenne nationale.

Plus grave, la délinquance des mineurs représente près de 25 % de la délinquance totale, 150 000 mineurs sont interpellés chaque année, dont 70 000 sont réellement sanctionnés.

Ces chiffres manifestent l'échec de votre politique. A l'envol de la délinquance répond un affaiblissement de la capacité de réponse de l'Etat. Or, le sentiment d'insécurité naît précisément de ce sentiment d'impunité.

Est-ce ce type de budget, que vous qualifiez de sérieux, qui permettra de répondre aux inquiétudes de nos concitoyens ?

La politique de sécurité est d'abord une affaire d'effectifs. Or, vos efforts ne sont pas suivis d'effet.

Ainsi, l'implantation des services de quart, bienvenue en soi, se heurte, de l'aveu même de votre ministère, à « la frilosité néfaste au volontariat, et à l'usure des premiers affectés, exposant certains sites à la défection de ces fonctionnaires ».

Il en va de même du traitement judiciaire en temps réel pour lequel les personnels sont très inégalement disponibles.

La sécurité est une affaire d'effectifs. dans certaines zones, les institutions policières et judiciaires ne parviennent pas à appliquer la loi commune. Là où la demande de sécurité est la plus forte, la réponse institutionnelle paraît la plus faible.

En vérité, les forces de l'ordre ont d'abord besoin de considération. Or, votre budget tend insidieusement à les transformer en main-d'_uvre temporaire et sous-qualifiée.

Au lieu de valoriser la fonction de policier, il met l'accent sur des emplois-jeunes, payés au SMIC, et dont l'avenir est incertain.

Pour 2000, les effectifs s'élèvent à 115 127 policiers, soit une diminution de 2 111 agents. La police nationale doit faire face à un pic de départs en retraite, pour un quart de ses effectifs entre 1999 et 2004. Or, les écoles de police ne peuvent former qu'environ 2 000 agents par an. Faites le calcul.

M. Bruno Le Roux - 6 000 recrutements ont été opérés à ce jour !

M. Franck Dhersin - Il est vrai que le recrutement d'adjoints de sécurité se poursuit en 2000, avec 4 150 emplois-jeunes supplémentaires, atteignant ainsi, à la fin de l'exercice, 20 000 recrutements dans la police.

Mais, ainsi, au lieu de crédibiliser la police, vous la précarisez un peu plus. Ces jeunes de 18 à 26 ans, recrutés sans condition de diplôme et assujettis à une formation de huit semaines seulement sont-ils en mesure de juguler la violence et la délinquance dans les zones sensibles ?

En principe, les adjoints de sécurité ne sont pas destinés à pallier les insuffisances d'effectifs sur le terrain, voire à contourner certaines rigidités organisationnelles de la police nationale. Pourtant, comme le souligne le rapporteur pour avis, il suffit de se promener dans les rues pour constater que les ADS sont omniprésents sur la voie publique, au point que l'on peut se demander où sont passés les policiers professionnels.

M. Bruno Le Roux - C'est scandaleux !

M. Franck Dhersin - Finalement, votre budget avalise la situation en se réfugiant derrière le recrutement d'adjoints de sécurité. Il ne faudrait pas que ces derniers constituent des caches misère (Approbation sur les bancs du groupe DL, du groupe UDF et du groupe du RPR). De plus, le taux minimum d'encadrement d'un fonctionnaire actif pour 3 ADS est loin d'être atteint. Prenez garde au risque d'apparition d'une police à deux vitesses.

Si je ne peux qu'approuver le développement de l'îlotage, la police de proximité que vous mettez en avant n'a de proximité que le nom.

Les contrats locaux de sécurité, louables en soi, ne suffisent pas à mettre en _uvre une véritable politique locale de sécurité. De même, le partenariat a parfois du mal à trouver son rythme, et la police va jusqu'à se plaindre de ne pas être directement associée à la signature des contrats. Succès quantitatif, les CLS sont qualitativement un échec, car ils sont pilotés par les préfets et non par les acteurs locaux. De plus, les moyens ne semblent pas à la hauteur des ambitions.

Mais surtout, ce que l'on attend d'une police de proximité, c'est qu'elle agisse. Face à des individus de plus en plus violents, qui agissent souvent en groupe, la seule présence ne peut suffire. La police communautaire américaine, par exemple, véritable police de proximité, fonctionne parallèlement à la police nationale.

M. le Ministre - Qu'appelez-vous police communautaire ?

M. Franck Dhersin - Une police qui agit au niveau des communes, une police municipale.

Pour les collectivités locales, l'évolution des principales dotations est très en-deçà de ce que le Gouvernement peut faire. Ainsi, l'enveloppe de DSU versée aux communes abritant des quartiers difficiles est d'une faiblesse insigne.

En effet, la loi du 12 juillet 1999 relative à l'intercommunalité modifie en profondeur la dotation d'intercommunalité des EPCI à fiscalité propre. Ainsi, la dotation par habitant des nouvelles communautés d'agglomération s'élève à 250 francs. A ce titre, vous prévoyez un prélèvement sur les recettes de l'Etat de 500 millions, qui paraît bien insuffisante.

M. le Président - Je vous prie de conclure.

M. Franck Dhersin - L'indexation de la compensation de la part salariale de la taxe professionnelle à 0,8 % au lieu des 2 % attendus est un autre sujet qui fâche (Interruptions sur les bancs du groupe socialiste).

Votre budget confirme donc la frilosité de l'Etat quand il s'agit de donner aux collectivités locales les moyens de supporter les charges qui leur incombent.

Pour l'ensemble de ces raisons, le groupe DL votera contre votre budget (Applaudissements sur les bancs du groupe DL, du groupe UDF et du groupe du RPR).

M. Jacques Brunhes - La sécurité des biens et des personnes est un droit fondamental, et aussi une préoccupation majeure de nos concitoyens, en particulier en Ile-de-France.

Les statistiques ne rendent qu'imparfaitement compte du sentiment d'insécurité. Les actes d'incivilité non comptabilisés tels que les insultes, les chiens menaçants, les rassemblements de bandes et le vandalisme génèrent un peu partout ce sentiment.

Sans doute la délinquance ne sera-t-elle jamais l'inéluctable réponse au sentiment de l'injustice sociale et de l'exclusion. Elle constitue même une inégalité supplémentaire pour les plus fragiles.

Cependant le chômage durable, la précarité, le creusement des inégalités, l'éclatement des structures familiales, l'urbanisme de relégation que nous a légué la droite...

M. Laurent Dominati - Que nous ont laissé les communistes, avec les cités de banlieue !

M. Jacques Brunhes -Voyez M. Balkany à Levallois, M. Sarkozy à Neuilly, qui ont refusé les logements sociaux et organisé l'apartheid social ! (Interruptions sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL ; applaudissements sur les bancs du groupe communiste et du groupe socialiste)

Cet urbanisme de relégation et l'affaiblissement des valeurs républicaines créent un terrain favorable à la délinquance, et génèrent des comportement qui battent en brèche le pacte républicain.

Le dernier recensement fait apparaître le risque de marginalisation des territoires en voie de paupérisation, notamment dans les banlieues de tradition.

L'apartheid social revêt de plus en plus la forme d'un apartheid spatial.

La petite couronne de Paris, avec ses quatre millions d'habitants, est globalement stable, mais le recul est parfois impressionnant dans ce qu'on appelle les secteurs stratégiques de redéveloppement. Beaucoup de villes à forte composante sociale se dépeuplent et se ghettoïsent, en particulier sous l'effet de l'insécurité.

La solution n'est pas de votre seul ressort, Monsieur le ministre. J'ai le sentiment que les banlieues pourraient devenir le support privilégié de la recomposition de la ville si une politique volontariste en décidait ainsi.

Le sentiment d'insécurité traduit aussi l'idée que se font nos concitoyens des capacités des forces de l'ordre et de la justice à traiter de la délinquance. Si l'on cumule les effectifs de la police nationale, de la gendarmerie, des sociétés de gardiennage, des polices municipales, des adjoints de sécurité, des agents locaux et des appelés volontaires, ce sont près de 350 000 salariés qui concourent à la sécurité des personnes et des biens. La population n'est-elle pas en droit de s'interroger sur leur efficacité ?

Il serait grave de s'en tenir aux seules solutions d'urgence ou à de nouveaux expédients sécuritaires pour contenter la partie de l'opinion obsédée par le retour à la politique du « tout répressif » qui ne règle rien.

Ne devons-nous pas plutôt revoir d'urgence l'organisation, les pratiques, les missions de la police publique, afin que l'Etat puisse assumer dans de bonnes conditions une de ses missions régaliennes ? Il y faut un partenariat entre institutions publiques, associations et citoyens, dans le respect des responsabilités de chacun.

Cette réflexion à laquelle nous sommes partie prenante, vous l'avez engagée au colloque de Villepinte, en octobre 1997, en souhaitant « des villes sûres pour des citoyens libres ». Il faut, pour cela, augmenter les effectifs de police dans les départements sensibles et transformer en profondeur l'exercice de la police nationale par l'introduction d'une véritable police de proximité. Je peux témoigner à titre personnel, de la qualité et de l'efficacité des services ainsi organisés. C'est dans cet esprit qu'ont été signés plus de 300 contrats locaux de sécurité, et 400 autres sont en passe de l'être. Mais force est de constater qu'ils sont inégaux et que l'Etat n'apporte pas toujours ce que l'on est en droit d'espérer de sa part.

Les prochaines assises nationales permettront de faire un bilan et, peut-être de généraliser les expériences en cours.

Pour en revenir à votre budget : est-il à la hauteur de vos ambitions, avez-vous les moyens de votre politique ? La gestion décentralisée que vous proposez ne suffit pas en elle-même.

Votre budget est en progression de 3  %, alors que l'ensemble des autres budgets « dépensiers » n'augmente que de 0,3 %. Malgré cela, cette augmentation ne nous satisfait pas pleinement.

En effet, les crédits proposés stabilisent, au mieux, à 113 000 le nombre d'agents titulaires actifs de la police nationale alors que 25 000 fonctionnaires vont partir à la retraite dans les cinq ans à venir et qu'aucun plan de recrutement n'est prévu pour combler ce vide.

Peut-on raisonnablement penser, Monsieur le ministre, que les jeunes ADS, qui n'ont ni véritable statut, ni véritable formation, pourront assumer une mission aussi difficile que la prévention ?

N'est-il pas temps de se préoccuper d'eux qui, pour la plupart, considèrent cet emploi précaire comme le préalable à un emploi statutaire ?

Aucune gestion prévisionnelle n'apparaît dans ce budget, et je m'interroge, comme les policiers, sur l'avenir du service public de sécurité. On peut craindre, en effet, que la police de proximité se résume à quelques CRS, gardes-mobiles, adjoints de sécurité encadrés par des tuteurs policiers, et membres des polices municipales. On peut craindre, donc, que la police nationale soit cantonnée au « tout judiciaire » qui privilégie la répression.

Nous nous félicitons de l'abandon du projet de redéploiement des forces de police nationale et de gendarmerie, mais nous ne pouvons accepter les fermetures prévues de commissariats dans des circonscriptions importantes, Villepinte par exemple. Peut-être pourriez-vous nous rassurer sur ce point, Monsieur le ministre ? Est-il acceptable que des villes importantes, qui connaissent de graves problèmes sociaux soient encore privées de commissariat ?

Enfin, la loi d'orientation et de programmation relative à la sécurité prévoyait 5 000 emplois administratifs supplémentaires. Or on s'est arrêté à 1 250 recrutements, ce qui traduit la difficulté de réformer en profondeur l'administrateur de la police nationale.

Nous voterons votre budget. Mais le moment nous paraît venu d'un nouveau débat sur la police de proximité, afin que la police républicaine ait les moyens d'assumer pleinement ses missions au sein d'un service public réorganisé et moderne (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste, du groupe socialiste et du groupe RCV).

La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.

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DÉSIGNATION DE CANDIDATS À UN ORGANISME EXTRAPARLEMENTAIRE

M. le Président - J'ai reçu de M. le Premier ministre une demande de remplacement de deux membres de l'Assemblée nationale au sein de la commission centrale de classement des débits de tabac. Conformément aux précédentes décisions, le soin de présenter les candidats a été confié à la commission des finances. Les candidatures devront être remises à la Présidence avant le mercredi 17 novembre 1999, à 18 heures.

Prochaine séance ce soir à 21 heures 45.

La séance est levée à 19 heures 40.

                      Le Directeur du service
                      des comptes rendus analytiques,

                      Jacques BOUFFIER


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