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Session ordinaire de 1999-2000 - 20ème jour de séance, 51ème séance

3ème SÉANCE DU VENDREDI 5 NOVEMBRE 1999

PRÉSIDENCE de M. Philippe HOUILLON

vice-président

Sommaire

          LOI DE FINANCES POUR 2000 -deuxième partie- (suite) 2

          INTÉRIEUR (suite) 2

          QUESTIONS 15

          APRÈS L'ART. 70 24

La séance est ouverte à vingt et une heures quinze.

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LOI DE FINANCES POUR 2000 -deuxième partie- (suite)

L'ordre du jour appelle la suite de la discussion de la deuxième partie du projet de loi de finances pour 2000.

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INTÉRIEUR (suite)

M. Bernard Derosier - Avec ce projet pour 2000, nous entrons dans la deuxième année du contrat triennal de croissance et de solidarité proposé par le Gouvernement en remplacement du pacte de stabilité. Le partage des fruits de la croissance avec les collectivités est donc désormais inscrit dans les faits.

En 2000, l'indexation des concours de l'Etat prendra en compte, en plus de l'inflation, non plus 20 % mais 25 %de la croissance du PIB. Rappelons aussi qu'à l'initiative des députés socialistes, plusieurs amendements favorables aux collectivités locales ont été adoptés lors de l'examen de la première partie de la loi de finances. Ainsi, le maintien à 2,05 % -au lieu des 0,80 % initialement prévus- de l'indexation de la compensation versée par l'Etat au titre de la réforme de la taxe professionnelle représente un gain pour elles de 250 millions de francs. Citons ainsi la reconduction du dispositif de compensation mis en place en 1999 pour les communes éligibles à la DSU et à la DSR qui subissent les effets de « l'enveloppe normée », le maintien de la taxe communale sur les spectacles pour les manifestations sportives, la compensation par l'Etat de l'exonération de taxe d'habitation pendant un an pour les titulaires du RMI qui retrouvent un emploi.

Par ailleurs, ce budget 2000 correspond à la mise en _uvre d'une nouvelle dynamique territoriale. La décentralisation est à nouveau en mouvement, avec par exemple la loi relative à la constitution d'agglomérations. Le moment est d'autant plus opportun pour mener des réformes structurelles que la conjoncture économique n'a jamais été aussi favorable : la croissance est au rendez-vous, le désendettement se poursuit, l'emploi salarié affiche de nets progrès. Autant de signes de la réussite d'un gouvernement de gauche qui a su réconcilier l'économique et le social.

Les relations financières entre l'Etat et les collectivités territoriales doivent être pensées à l'aune de ces mouvements. Il est temps, Monsieur le ministre, que vous disiez clairement si l'on va vers un système de dotations de l'Etat aux collectivités, qui supprimerait peu à peu la responsabilité fiscale des élus locaux. Je serais inquiet si le Gouvernement n'était pas l'héritier des décentralisateurs du début des années 80.

En renouant avec l'autofinancement et la maîtrise des dépenses, tout en conduisant des politiques d'investissement courageuses, les collectivités locales ont démontré ces dernières années qu'elles avaient atteint leur maturité. Leurs rapports avec l'Etat doivent donc évoluer.

Or, les collectivités locales supportent toujours plus de charges nouvelles auxquelles elles ne peuvent faire face qu'en accroissant la pression fiscale. Les impôts locaux sont ainsi passés de 3,6 % à 5,2 % du revenu disponible des ménages, soit une augmentation de 40 %, alors que dans le même temps la taxe professionnelle n'augmentait, elle, que de 17 %. Il faut dire que les politiques décidées par l'Etat on très souvent des incidences financières pour les collectivités locales, qui ne peuvent être compensées par de nouvelles ressources. L'exemple des financements croisés, dans le cadre ou en dehors des contrats de plan, sur des compétences et des politiques nationales -routes, gros équipements, universités, hôpitaux- en est la meilleure illustration. La multiplication des normes de sécurité et des contraintes environnementales, au demeurant tout à fait justifiée, crée elle aussi des charges nouvelles.

Par ailleurs, la maîtrise des masses salariales échappe aux collectivités locales : les accords Durafour, la CNRACL, les emplois-jeunes, les 35 heures sont autant de paramètres qu'elles ne déterminent pas. Il en est de même du nécessaire effort de solidarité en matière d'action sociale, qu'il s'agisse du RMI ou de la CMU.

Au nombre des charges nouvelles, je n'oublie pas les contributions dues par les départements, les communes et les établissements publics de coopération intercommunale pour le financement des services départementaux d'incendie et de secours. Au congrès de l'Association des départements de France, qui s'est tenu en octobre à Toulouse, j'ai demandé que le Gouvernement engage une concertation avec les représentants des collectivités territoriales afin de permettre la bonne application d'une loi qui n'a pas prévu la participation de l'Etat au financement de ces services. Dans une lettre que vous m'avez adressée en mai 1999, Monsieur le ministre, vous annonciez une « évaluation précise » des conséquences de la réforme pour les collectivités intéressées et vous envisagiez des ressources complémentaires pour accompagner celle-ci. Six mois plus tard, en réponse à une question de Mme Robin-Rodrigo, vous avez à nouveau annoncé une évaluation. Celle-ci jouerait-elle l'Arlésienne ?

Assurément, la départementalisation des services d'incendie et de secours est nécessaire. Mais la réforme de son financement l'est tout autant. A cet égard, la loi de 1996 montre ses limites : il eût fallu l'abroger dès l'automne 1997 ou en tout cas en reporter l'application après la nécessaire clarification du financement. Les députés communistes proposent à cet égard une taxe additionnelle à la taxe sur les conventions d'assurances. Je crains que le coût en soit plus supporté par l'usager que par les compagnies. Il faudra en tout cas trouver une solution.

Le paysage institutionnel territorial change, notamment par l'essor de l'intercommunalité.

L'émergence des agglomérations et des pays suppose une nouvelle répartition des moyens financiers et des charges contributives, car en dépit du pacte de croissance et de solidarité, vraiment bienvenu après le pacte de stabilité du gouvernement Juppé, les collectivités territoriales estiment que l'Etat maîtrise seul les clefs de la répartition des concours financiers qu'il accorde aux collectivités locales.

Nous devons élaborer ensemble de nouvelles solutions pour aller vers davantage d'équité et de péréquation, davantage d'autonomie pour les collectivités soucieuses de maîtriser la dépense publique, davantage de responsabilités pour les élus dans la gestion des prélèvements obligatoires. Tout cela est nécessaire à une politique de gauche moderne et décentralisatrice, qu'exige aussi une réforme de la taxe d'habitation et la mise en application de la révision des valeurs locatives.

La récente mise en place d'une « commission décentralisation » pluraliste et présidée par Pierre Mauroy constitue un signe fort de la volonté de l'Etat d'inscrire son action dans le cadre d'un partenariat renouvelé.

En conclusion, ce projet de budget va dans le sens d'une plus juste prise en compte des besoins des collectivités locales. Comme le disait le Premier ministre lors du congrès de l'association des départements de France : « Il est de notre responsabilité commune de préparer l'avenir de notre organisation territoriale, de notre démocratie locale ». Pour ce qui nous concerne, nous y sommes prêts (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe communiste).

M. Rudy Salles - La présentation du budget étant l'acte majeur de l'action gouvernementale, nous avons le devoir de rendre cet exercice aussi concret et transparent que possible, afin qu'il soit intelligible à nos concitoyens. Nous devons donc comparer les ambitions affichées et les moyens réellement affectés. Le Gouvernement affirme que la sécurité, notamment de proximité, bénéficie d'un budget prioritaire. C'est un budget en trompe-l'_il. Vous ne manquez pas une occasion d'affirmer, Monsieur le ministre, votre volonté de recruter des agents nouveaux. Mais vos efforts portent presque exclusivement sur les adjoints de sécurité, c'est-à-dire les emplois jeunes : 8 250 en 1998, 15 850 en 1999, et 20 000 seront en fonction en 2000. Les policiers auxiliaires quant à eux disparaissent en même temps que le service national.

Le recrutement de jeunes chômeurs dans la police est une démarche intéressante, mais qui ne doit pas faire croire que vous recrutez des policiers à part entière. Les ADS ne sont pas des fonctionnaires de police, mais des agents contractuels de droit public embauchés pour une durée maximum de cinq ans. Ils ont une formation très limitée, alors qu'une arme leur sera confiée. Et si cette année le budget de la formation augmente de 10 %, cela ne suffit pas pour rattraper le retard accumulé dans ce domaine depuis deux ans.

Vous mettez en avant le recrutement massif des ADS comme s'il s'agissait de créations de postes de policiers professionnels. Or ils ne sauraient jouer le même rôle, ou alors on pourrait se demander si la profession de fonctionnaire de police existe encore. Mon respect pour la mission assurée par nos policiers m'interdit de penser que leur rôle peut se confondre avec celui d'apprentis policiers ayant une formation des plus limitées. Ainsi faute de l'effort nécessaire pour recruter des policiers professionnels, vous dotez nos quartiers de policiers amateurs, et vous communiquez sur le nombre, non sur les compétences et les capacités, laissant croire à la population que les effectifs augmentent et qu'ainsi la sécurité est renforcée. Elle peut même vous croire, car un fonctionnaire de police et un ADS ne diffèrent que par la couleur de la bande sur leur casquette. Mais les délinquants savent parfaitement faire la différence, et connaissent les prérogatives de chacun. On ne peut s'étonner que la délinquance augmente, notamment dans les quartiers difficiles.

Il y a un an, dans son rapport, M. Mermaz se réjouissait du recrutement des ADS, mais ajoutait aussitôt qu'ils ne sauraient se substituer à des policiers. Or leur nombre augmente de 4 150 dans ce budget, alors que celui des personnels actifs de la police a diminué en deux ans. Est-ce un progrès pour la sécurité dans nos villes ? Ce n'est pas ce que disent les syndicats de police, ni ce que ressent la population, ni ce que montrent les statistiques.

Pour mémoire, la ville de Nice compte moins de policiers qu'en 1945, alors que la population a doublé, que la surface du bâti a triplé, que les horaires de travail des policiers ont diminué et qu'ils ne vont plus à leur travail en tenue mais en civil... Mais voyons les chiffres nationaux. La délinquance a augmenté de 4,27 % en 1989, 6,93 % en 1990, 7,20 % en 1991, 2,32 % en 1992, le tout sous des gouvernements de gauche (Murmures sur les bancs du groupe socialiste). En 1993 et 1994 elle s'est stabilisée, avec une décélération. Puis elle a baissé en 1995, 1996 et 1997, sous les gouvernements de droite. Cette baisse se ralentit toutefois en 1997, année où vous arrivez au pouvoir. Et en 1998 elle augmente de 2,06 %, signe incontestable que la gauche est aux affaires... (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe communiste)

Il nous est malheureusement difficile de vous citer les statistiques pour les premiers mois de 1999, car vos services ne nous les communiquent pas. La rétention d'information est le meilleur moyen d'éviter qu'elles interviennent dans la discussion budgétaire pour illustrer nos propos. C'est là une mauvaise habitude instaurée depuis 1997. Elle est d'autant plus déplorable que les préfets vous transmettent mois par mois les statistiques de la délinquance, que vous pourriez donc les communiquer à la représentation nationale, comme le faisait votre prédécesseur. Il est inadmissible que l'Assemblée soit tenue à l'écart d'informations aussi essentielles pour le bon déroulement de ses travaux. Le Parlement d'un grand pays démocratique peut-il se satisfaire de travailler dans une opacité totale quand il est chargé de contrôler l'exécutif ? Et comment peut-on accepter le rôle auquel est réduite la commission des lois ? L'audition du ministre de l'intérieur se résume en un long monologue du ministre lui-même, et des rapporteurs pour avis, puis, les questions des députés sont escamotées en cinq minutes.

L'augmentation de la délinquance est réelle et préoccupante. Le taux d'élucidation des infractions n'est que de 28 %, ce qui décourage un nombre croissant de victimes de porter plainte. Pourquoi ce mauvais taux ? Parce que le manque de formation des personnels rend la plupart des plaintes inexploitables. En outre, selon une enquête de l'Institut de la sécurité intérieure, la police n'enregistre qu'un acte de délinquance sur cinq. L'enquête porte sur 11 000 personnes de plus de quinze ans, interrogées en 1999 sur les infractions dont elles ont été victimes en 1997 et 1999. Il en ressort que le nombre de crimes et délits n'est pas de 3 408 000, c'est-à-dire le nombre enregistré par la police, mais de 16 805 000, relevant de délits sur la voie publique, de coups et blessures volontaires, de menaces ou de chantage. Des chiffres qui font froid dans le dos. Comment s'étonner que le sentiment d'insécurité grandisse ?

En 1998, les vols et recels augmentent de 2,10 %, les crimes et délits contre les personnes de 2,78 % et les autres infractions, dont celles concernant les stupéfiants de 3,67 %. Les vols violents sans arme à feu augmentent de 5,52 %, les vols simples de 6,15 %. On assiste à une augmentation de la délinquance sur la voie publique, celle qui crée ce climat d'insécurité permanent ressenti par nos concitoyens, et qui représente près de 55 % du total des crimes et délits enregistrés en métropole. Or cette délinquance avait baissé sans discontinuer entre 1994 et 1997.

J'observe en outre que sept des onze grandes circonscriptions de sécurité publique de plus de 250 000 habitants ont enregistré une hausse de leur criminalité globale ; c'est le cas de Marseille, Strasbourg, Lens, Lille, Nantes, Nice et Toulouse. Même chose au niveau régional où 13 régions sur 22 connaissent une augmentation de la délinquance. Quatre régions, Ile-de-France, Provence-Alpes-Côte d'Azur, Rhône-Alpes et Nord-Pas-de-Calais concentrent à elles seules plus de 55 % des crimes et délits constatés en France métropolitaine. La région Ile-de-France est de loin celle qui en compte le plus.

Paris intra muros enregistre une progression de 3,65 % sur les huit premiers mois de 1999, confirmant la hausse de 4,70 % en 1998, mais rompant avec la baisse de 1,09 % de 1997. Ces chiffres émanent officieusement de vos services ; ils sont bien connus des syndicats de police et des journalistes, mais, pour une raison qui m'échappe, les députés devraient les ignorer... Ils sont inquiétants. Voyez plutôt la hausse de la délinquance à Paris : elle est de 2 % dans les 7ème et 15ème arrondissements, 3,79 % dans le 18ème, 4,07 % dans le 9ème, 8,56 % dans la 19ème, 9,06 % dans le 5ème, 10,62 % dans le 2ème, 13,65 % dans le 11ème, 13,69 % dans le 6ème, 16,11 % dans le 20ème, 23,74 % dans le 3ème et 24,50 % dans le 13ème...

En outre, la réforme de la police parisienne connaît quelques dérapages. En effet, on a posé le principe de l'étanchéité entre l'ordre public et la police de proximité, mais il n'est pas appliqué ; par exemple, quand vous manquez d'effectifs pour le maintien de l'ordre en cas de manifestation, vous faites appel aux effectifs de la police de proximité. Et quand le président chinois ou le président iranien viennent à Paris, vous mobilisez le premier secteur -8ème, 16ème et 17ème arrondissements- de sorte que toutes les brigades anti-criminelles se trouvent dépourvues dans ce secteur. Sans compter les gardes statiques prises sur le contingent des effectifs de sécurisation pour assurer la garde d'un parti politique rue de Solférino ou pour surveiller le domicile de quelques ministres (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste). Enfin, la police mondaine, qui contrôle désormais les jeux, a perdu un tiers de ses effectifs, et la Brigade des mineurs ne compte que vingt fonctionnaires.

Le phénomène est aussi perceptible au niveau départemental puisque 49 départements sur 88 connaissent une augmentation de la délinquance. Le département des Alpes Maritimes avec 4,8 % de hausse de la délinquance, après cinq ans de baisse continue, est devenu le premier département criminogène de France.

M. Jean-Pierre Chevènement, ministre de l'intérieur - Permettez-moi de vous interrompre. Ne m'en veuillez pas de vous le dire franchement : la plupart des statistiques dont vous venez d'égrener la litanie sont fausses. En octobre 1999, la délinquance de voie publique, dont vous rappelez à juste titre qu'elle constitue plus de la moitié de la délinquance globale, a régressé de 1,39 %. Et je pourrais continuer...

M. Rudy Salles - Nous aurions des chiffres plus précis si vous nous les aviez transmis, comme faisait votre prédécesseur. Les chiffres que j'ai cités ont d'ailleurs été publiés dans le Journal du Dimanche, et je ne sache pas que vous les ayez démentis.

M. le Président - Il faut maintenant conclure ; vous avez dépassé votre temps de parole.

M. Rudy Salles - Il est très difficile de mener ce débat, compte tenu de nos moyens de travail. Si nos chiffres sont inexacts -ce qui reste à vérifier- c'en est un signe de plus. Je conclurai en citant notre collègue Bruno Le Roux, dans Libération du 27 octobre : « Il n'y a pas de police de proximité sans un débat national sur la sécurité ». Mais c'est là un v_u pieux, une proposition entérinée d'avance. Je n'entrerai pas dans les débats internes à la majorité plurielle qui, en matière de sécurité, ne sait pas ce qu'elle veut (Exclamations sur les bancs du groupe communiste). C'est dommage, car les Français, eux, ont les idées claires à ce sujet. Vous menez une politique en trompe-l'_il. Le groupe UDF votera contre ce budget.

M. Laurent Dominati - Très bien !

M. Salles a bien fait d'interrompre le ronron de cette discussion budgétaire car, derrière les chiffres et les félicitations chaleureuses de vos amis, il y a la réalité de ce que vivent chaque jour les Français, Monsieur le ministre !

Nous pensions que la gauche avait évolué et cessé de considérer qu'il suffisait de dissiper un simple « sentiment » d'insécurité. Nous pensions qu'elle avait enfin découvert les vertus de la police de proximité en même temps que la réalité de la délinquance qui touche d'abord les plus faibles. Vous voici, hélas, revenus à vos vieux faux-semblants et, alors que nous ne devrions pas diverger sur le constat dans ces matières, nous sommes, nous contraints de relever de graves désaccords.

La hausse des chiffres de la délinquance serait due, dites-vous, à l'amélioration de l'accueil dans les commissariats : thèse étrange ! Est-ce à dire qu'auparavant, les policiers ne recueillaient pas les plaintes et ne faisaient pas leur travail -y compris lorsque vous étiez au pouvoir- ? Que les Français craignaient de se rendre dans les commissariats ? Qui peut croire cela ?

Les statistiques sont toujours dressées plus ou moins de la même façon et, si les chiffres peuvent être corrigés, notamment par le ministre, s'ils sont parfois mythifiés...

M. Jacques Brunhes - Vous pouvez parler, vous qui habitez les beaux quartiers !

M. Laurent Dominati - Justement, parce que ce ne sont pas les Rolls qui brûlent mais les voitures des gens modestes, je croyais que vous seriez plus regardants... et que vous feriez comme M. Mermaz qui cite ces chiffres. Je relève dans son rapport, page 8, qu'en 1998, la criminalité globale a progressé de 2,1 % et qu'il y avait alors 6,7 crimes ou délits pour cent habitants : un record qui n'égale que ceux de 1992 à 1994, avant la baisse intervenue de 1995 à 1997. Lisez donc le « Mermaz » !

Or, toujours selon votre rapporteur, cette hausse intervient alors que la criminalité financière continue à décroître : « sur quatre ans, la contraction aura été spectaculaire, le nombre de faits passant de 440 000 à 280 000, soit une diminution de près de 35 %... »

Plus grave : le nombre de personnes mises en cause diminue, alors que, je le répète, la délinquance augmente. Mais peut-être ceci explique-t-il cela ?

Continuons cette intéressante lecture : vous battez aussi le record du plus faible taux d'élucidation : 28,7 %, contre 32,5 % en 1995 !

Notre désaccord sur le constat vient certainement de ce que nous ne voyons pas les choses de la même façon. Nous pensons, nous, que la délinquance a changé de nature. Vous pouvez satisfaire M. Dreyfus en accroissant de 4,5 millions les crédits pour l'immobilier mais comment oublier que la délinquance, de plus en plus violente, est aussi plus souvent le fait de mineurs ? C'est encore vous, Monsieur Mermaz, qui l'écrivez : ceux-ci, qui ne représentaient que 17 % des délinquants, en représentent aujourd'hui 21 %. Et cette délinquance des mineurs ne touche pas que la banlieue : on la constate aussi en plein c_ur de Paris, au Palais-Royal, devant les fenêtres de Mme Trautmann, où des bandes d'enfants attaquent d'autres enfants !

Lorsqu'on sait cela -et vous connaissez la vérité !-, comment peut-on lancer des fleurs au ministre et nier la réalité du problème ?

M. Alain Clary - Quelles solutions proposez-vous ?

M. Laurent Dominati - Je vais vous le dire : il faut d'abord réformer l'ordonnance de 1945 relative aux mineurs, comme nous l'avons proposé -mais vous avez purement et simplement refusé d'en discuter ! En second lieu, il faut assurer une meilleure coordination entre la police et la justice. Est-il normal que les policiers qui instruisent ces affaires ne soient pas tenus informés des suites données par le Parquet ?

M. Bruno Le Roux - Que c'est long !

M. Laurent Dominati - Parce que je vous mets devant vos contradictions, cela vous agace ! Mais c'est encore plus long pour les Parisiens...

M. le Président - Je vous prie de conclure mais je demande à M. Le Roux de me laisser apprécier le respect du temps de parole !

M. Laurent Dominati - Ce budget organise la paupérisation de la police : le nombre de commissaires diminue -et le gonflement des chiffres, à mesure qu'on descend dans la hiérarchie jusqu'aux adjoints de sécurité, ne parvient pas à masquer cette paupérisation.

Cependant, Monsieur le ministre, vous aurez l'opposition avec vous, prête à discuter, si vous proposez enfin un plan d'urgence qui réunisse contre la délinquance les efforts de l'éducation nationale, de la police, de la justice -qui est bien plus que la police responsable de la situation-, des éducateurs sociaux et des pouvoirs publics... (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe communiste)

M. Bruno Le Roux - Verbiage !

M. Laurent Dominati - Si vous démontrez ainsi votre volonté d'agir, nous prendrons ce tournant avec vous !

Ce budget ne vous donne aucun moyen réel. Surmontons les clivages politiques : je vous engage à suivre ce que dit M. Mermaz dans la première partie de son rapport et j'engage mes collègues à ne pas se soumettre à l'obligation majoritaire disciplinaire. Ils savent en effet fort bien quelle est la réalité vécue par nos concitoyens ! (Applaudissements sur les bancs du groupe DL, du groupe du RPR et du groupe UDF)

M. Alain Clary - Le groupe communiste votera le budget des collectivités locales et de la décentralisation. Cependant, ce soutien appelle des commentaires critiques et ne va pas sans réserves d'importance sur le fond.

Les collectivités territoriales, doivent aujourd'hui répondre aux besoins exprimés par les familles, avec des ressources financières de plus en plus insuffisantes. Dans le même temps, il leur faut contribuer au développement économique et financer 75 % des investissements publics. La décentralisation leur a transféré des compétences nombreuses sans que les moyens aient suivi et la crise financière mondiale, la politique monétaire européenne et le carcan du pacte de stabilité de la droite ont encore creusé le fossé. Un rattrapage est donc indispensable d'autant que de nouveaux transferts de compétences accompagnent chaque réforme, chaque extension de la politique contractuelle. Les élus communistes sont favorables aux contrats éducatifs locaux, aux contrats locaux de sécurité, aux contrats de plan Etat-région, au contrat enfance, aux contrats de ville ou d'agglomération, mais ils regrettent que cette politique partenariale se traduise par un alourdissement de leurs charges.

Les élus locaux ont fait des efforts importants pour l'équilibre de leur budget en réduisant investissements et endettement, en adoptant une gestion plus rigoureuse et en développant la coopération. Rien ne sert ! Les moyens financiers des collectivités demeurent insuffisants.

Comment dans ces conditions simplement envisager l'application des réformes adoptées ? Comment répondre aux besoins croissants des habitants ? Comment assurer la progression normale des salaires de la fonction publique ? Comment pérenniser les emplois-jeunes ? Comment étendre les 35 heures à la fonction publique, en créant les emplois indispensables ?

Nous nous prononçons en faveur d'une loi-cadre sur la réduction du temps de travail dans les collectivités locales. Les agents ne sont nulle part trop nombreux et le soutien financier que donnerait l'Etat pour le passage aux 35 heures serait un investissement utile pour moderniser les services et satisfaire les attentes des personnels et des administrés. Pourquoi le secteur public n'aurait-il pas droit à ce qu'on consent sans hésiter au secteur privé ?

Les élus sont dans leur très grande majorité des gestionnaires rigoureux des deniers publics et font le maximum pour animer des politiques ambitieuses, novatrices, solidaires. Mais ils veulent faire plus encore, en prenant en compte les aspirations et les demandes des citoyens. Pour cela il faut accroître les ressources des collectivités. Comment un élu pourrait-il se satisfaire d'être placé en permanence devant le dilemme : rogner sur les services ou accroître les impôts locaux ?

Nous avons approuvé la mise en place en 1999 d'un contrat de croissance et de solidarité, venant remplacer le pacte dit « de stabilité » -ou de régression- imposé par le gouvernement de droite, qui s'est traduit pour les collectivités locales par une perte de recettes de quelque 7 milliards. Si rien n'avait été modifié, leurs recettes auraient encore été amputées de 3,7 milliards.

Le nouveau dispositif permet aux collectivités de bénéficier d'une partie de la croissance, mais encore insuffisamment. Il serait nécessaire de faire bénéficier l'enveloppe destinée aux collectivités de 50 % de la progression du PIB au lieu de 25 %, car elle subit l'impact d'une régularisation négative de la DGF d'un montant de 680 millions. Le mécanisme pervers du pacte de stabilité n'a pas été remis en cause.

Faire mieux profiter les collectivités locales de la croissance, c'est reconnaître leur rôle économique et social, dans l'esprit de la décentralisation.

Lors de l'examen du volet recettes de la loi de finances pour 2000, un certain nombre d'avancées ont été acquises, grâce au vote de plusieurs amendements du groupe communiste. Nous apprécions ainsi la décision de pérenniser l'augmentation de la DSU et de l'abonder de 500 millions. L'augmentation de 200 millions des dotations de solidarité et de 150 millions de la DSR au titre des bourgs-centres va également dans le bon sens, comme la décision de ne pas pénaliser les communes éligibles aux dotations de solidarité par la baisse de la dotation de compensation de taxe professionnelle qui, au sein de l'enveloppe normée, joue le rôle de variable d'ajustement.

Ces mesures permettent une progression des crédits de l'ordre d'1,3 milliard. Si elles corrigent des injustices, ne sauraient occulter la nécessité de réformes structurelles.

Si un geste est fait en faveur de la CNRACL, les collectivités locales devront mettre une nouvelle fois la main à la poche, avec l'augmentation de la cotisation employeur de 0,5 %, soit 500 millions. C'est donc le mécanisme de surcompensation qu'il devient urgent de supprimer.

La réévaluation du taux d'actualisation de la compensation accordée aux collectivités dans le calcul de la taxe professionnelle, simple correction d'une erreur manifeste, laisse entière la nécessité de mener à son terme la réforme de la taxe professionnelle.

Cette taxe, seul impôt sur le capital, est aujourd'hui en sursis. Or la simple suppression de l'élément salaires peut produire des effets contraires à ceux recherchés. Le surplus de profits induit par cette suppression risque en effet d'être affecté en priorité à des placements financiers. Nombre de collectivités locales vont être pénalisées par le choix du Gouvernement de retenir le mécanisme de la compensation et non celui du dégrèvement.

Les actifs financiers que nous proposons de prendre en compte dans le calcul de la taxe professionnelle n'entrent pas dans la fiscalité locale. Gonflant continûment aux dépens de l'investissement utile, ils n'apportent aucune contribution à l'équipement des collectivités. Leur mise à contribution inciterait les entreprises à des choix de gestion plus favorables à l'emploi.

Un taux de taxation de 0,3 % dégagerait 60 milliards de recettes. Nous proposerons un amendement dans la deuxième partie de la loi de finances tendant à alourdir la taxe payée par les entreprises bénéficiaires qui continuent à licencier ou qui ont recours de manière abusive au travail précaire.

Les élus communistes agissent depuis longtemps pour corriger l'injustice du mode de calcul de la taxe d'habitation. Nous approuvons donc la réduction de 1 500 à 1 200 francs du montant maximum acquitté par les ménages les plus démunis, ainsi que le maintien du dégrèvement pour les érémistes venant de retrouver un emploi.

Dès cette année, des mesures concernant le foncier bâti doivent être prises. Les titulaires d'un revenu minimal doivent pouvoir bénéficier d'un dégrèvement. Car le fait d'être propriétaire peut aujourd'hui se conjuguer avec la plus profonde détresse.

Toutes ces mesures tendent à alléger les impôts des familles aux revenus les plus modestes et doivent être encore amplifiées, afin de proposer un contrat de croissance et de solidarité qui rompe définitivement avec le pacte de stabilité, qui a coûté si cher aux collectivités locales et aux contribuables.

L'application de la mauvaise loi du 3 mai 1996 relative à la départementalisation des services d'incendie et de secours suscite beaucoup d'inquiétudes et entraîne des surcoûts. Il est manifeste que le transfert ne peut se faire à budget constant. Les communes et les conseils généraux seront-ils les seuls à faire des efforts pour améliorer l'efficacité des services de secours ? Ne peut-on envisager que l'Etat et les entreprises qui bénéficient de cette amélioration soient mis à contribution pour accompagner ce mouvement ? Les sapeurs-pompiers professionnels militent pour que la profession soit reconnue comme dangereuse et insalubre pour la retraite à 50 ans, la réduction du temps de travail et l'octroi de moyens supplémentaires.

Nous prenons acte, Monsieur le ministre, de votre récent engagement d'attribuer une dotation globale d'équipement spécifique aux SDIS.

Ces observations étant faites, je confirme que le groupe communiste se prononcera favorablement sur ce budget (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste et du groupe socialiste).

Mme Catherine Picard - Cette année encore, le budget du ministère de l'intérieur est prioritaire et permet de tenir les engagements pris. L'accent mis sur la police de proximité porte ses fruits et, contrairement à ce qui a été dit, les résolutions du colloque de Villepinte ont été suivies d'effets. Trois cents contrats locaux de sécurité ont été conclu et leur nombre sera rapidement porté à quatre cent cinquante. Cette dynamique permet de faire baisser certaines formes de délinquance, même s'il ne faut pas tomber dans l'angélisme. Il est vrai que le sentiment d'insécurité lié à la petite délinquance, qui est le fait d'auteurs de plus en plus jeunes, demeure. Il ne s'agit pas de pinailler sur les pourcentages mais d'apporter des réponse adaptées, en termes de prévention et de suivi éducatif, en partenariat avec les collectivités locales.

Il ne me semble pas davantage raisonnable d'opposer les agents de sécurité et les fonctionnaires de police expérimentés. Leurs rôles respectifs sont complémentaires et les redéploiements de personnels qui sont envisagés doivent tenir compte de l'expérience des uns et des autres. Le Gouvernement a déjà fait beaucoup pour apporter des réponses aux préoccupations des citoyens en matière de sécurité. Il est habituel que ces questions donnent lieu à une surenchère démagogique tendant à nier l'utilité du dialogue et de la prévention. Il reste que la sécurité constitue un droit républicain fondamental qui, pour être garanti, exige des moyens sans cesse accrus (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe communiste)

M. le Président - Je vous félicite d'avoir respecté votre temps de parole, vous êtes la première.

M. le Ministre - Je voudrais d'abord remercier les rapporteurs, MM. Dreyfus, Mermaz, Dutreil, Dosière et Saumade, dont les interventions facilitent ma tâche.

Les crédits du ministère de l'intérieur augmentent de 3 %, soit trois fois plus que le budget général de l'Etat, dont la hausse est limitée à 0,9 %. En affectant 1 600 millions supplémentaires à la sécurité et à l'administration du territoire, le Gouvernement montre sa volonté de répondre aux attentes de nos concitoyens.

M. Tony Dreyfus et M. Mermaz ont abordé le grand sujet de la police de proximité, qui fait évoluer en profondeur le métier. Le policier tend à devenir de plus en plus un généraliste de la sécurité, ayant à dissuader par sa présence, à informer, accueillir, écouter, assister, à procéder aux rappels à la loi et aux verbalisations. Les modes de travail doivent évoluer en conséquence : il faut territorialiser l'action de la police -au niveau de l'îlot, du quartier, du secteur-, et introduire la gestion par objectifs. Les fonctionnaires doivent être responsabilisés et valorisés : le succès de cette politique en dépend.

La préfecture de police de Paris a anticipé la réforme depuis avril dernier : 36 commissariats sont ouverts 24 heures sur 24. Il en est résulté, à partir du mois de mai, une forte augmentation des dépôts de plainte, mais les policiers ont appris à mieux distinguer ce qui relevait des crimes et délits et ce qui relevait des contraventions.

Sur les neuf premiers mois de 1999, la délinquance a régressé de 0,8 % à Paris, pendant qu'au niveau national sa hausse a été contenue à 1,3 %. Quant à la délinquance sur la voie publique, elle a baissé au niveau national de 1,39 % ; à Paris, elle n'a augmenté que de 0,49 % sur dix mois (Interruptions sur les bancs du groupe UDF et du groupe du RPR). Enfin, les destructions et dégradations qui étaient en baisse au premier trimestre, ont fait un bond à partir de mai, mais on observe un ralentissement dans la période récente.

Mme Françoise de Panafieu - Ce ne sont pas les chiffres que nous a communiqués la préfecture de police...

M. le Ministre - Les luttes au sein de la majorité municipale ne justifient en aucune manière, Madame de Panafieu et Monsieur Dominati, la surenchère en matière de sécurité ! (Protestations sur les bancs du groupe DL et du groupe du RPR) Il faut se garder aussi bien du catastrophisme que de l'angélisme.

Mme Françoise de Panafieu - Venez assister à nos comités de quartier !

M. le Ministre - Je le fais à Belfort, mais je n'en tire pas de conclusions trop générales.

Pour les crimes et délits, sur une base 100 en 1990, nous étions en 1998 à l'indice 102,08. Les délits contre les personnes sont passés de 134 000 à 220 000, mais le nombre de vols de 2 305 000 à 2 291 000. Dans le même temps, la population française a augmenté de 2 millions d'habitants.

M. Didier Quentin - Tout va bien, donc !

M. le Ministre - Non ! Je ne prétends pas que l'insécurité soit un fantasme.

M. Laurent Dominati - Les chiffres figurant dans le rapport de M. Mermaz sont-ils faux, Monsieur le ministre ?

M. le Ministre - J'aimerais que chacun garde son sang-froid et fasse preuve d'objectivité... Cela me permettrait de poursuivre mon exposé.

La police de proximité est actuellement expérimentée dans 62 sites ; le bilan en sera dressé à partir de la fin de l'année. Des assises nationales se tiendront le 30 mars 2000 pour permettre la confrontation d'expériences. La généralisation suivra en trois vagues, à partir du 1er juin 2000.

Inséparable du développement de la police de proximité est celui des contrats locaux de sécurité. 300 ont été signés à ce jour, dont 89 intercommunaux et 8 spécifiques aux transports publics. 420 sont en préparation. L'ensemble couvrira 80 % des secteurs du territoire où la police nationale est en charge de la sécurité publique. C'est dans le cadre des CLS que s'effectue le recrutement des agents locaux de médiation sociale ; près de 6 000 jeunes ont été recrutés dans ces emplois, sur un total de 8 000 prévus à ce jour.

Les CLS ne contiennent pas de prévisions d'effectifs de la police nationale, car les prévisions sont faites au niveau national en distinguant trois catégories de départements -très sensibles, sensibles et moins sensibles. Plus des trois quarts des moyens dont nous disposons par redéploiement ou par création d'emplois sont affectés aux départements très sensibles, qui concentrent 80 % de la délinquance. Cela vaut pour les Alpes-Maritimes, où il n'est pas exact, Monsieur Salles, que les effectifs aient baissé : en 1995, il y avait 810 actifs, aujourd'hui 822 ; 73 administratifs, aujourd'hui 84 ; 40 policiers auxiliaires, aujourd'hui seulement 22, mais il y a en contrepartie 162 adjoints de sécurité. Au total, l'effectif est donc très supérieur à ce qu'il était il y a quatre ans.

La réforme que nous réalisons, qui touche à la doctrine d'emploi de la police nationale -moins police d'ordre et davantage police au service des citoyens-, ne réussira que si nous pouvons mobiliser les personnels.

7 000 policiers et gendarmes vont être affectés d'ici à 2002 dans les départements les plus sensibles. Dès cette année, 1 200 gardiens de la paix y ont été redéployés. Dans le même temps, 3 000 CRS et gendarmes mobiles seront fidélisés. 10 000 agents supplémentaires exerceront donc des missions de sécurité dans les départements très sensibles.

S'agissant de la répartition territoriale des forces de police et de gendarmerie, le Gouvernement a décidé de procéder de façon concertée et progressive. Les préfets ont engagé des discussions dans six circonscriptions pour examiner si elles peuvent passer en zone de gendarmerie ; plusieurs communes devraient à l'inverse passer de zone de gendarmerie en zone de police nationale. Nous devrions dégager un solde d'environ 150 policiers supplémentaires.

La réorganisation est également fondée sur une diminution des effectifs en administration centrale, une externalisation des tâches d'entretien et de réparation des véhicules, et une réduction des gardes statiques. L'externalisation des tâches est coûteuse puisque la remise sur le terrain d'un gardien de la paix revient de 100 à 150 000 F ; elle suppose en conséquence des moyens et donc quelques délais.

Pour augmenter la disponibilité opérationnelle des forces de police, il est nécessaire de diminuer le poids des récupérations horaires. Une expérimentation va être engagée pour augmenter la présence sur le terrain des effectifs de police, en début de soirée et les dimanches, au moyen d'une indemnisation de repos compensateur et d'heures supplémentaires pour les agents volontaires. Si cette expérimentation est un succès, elle sera généralisée.

S'agissant des départs à la retraite, il faut éviter tout malentendu. La diminution des effectifs opérationnels ne résulte pas de l'impossibilité de replacer les policiers qui partent à la retraite, mais de la nécessité de les former. Le départ en retraite de classes nombreuses nous oblige donc à recruter des policiers en surnombre : 250 en 1998, 1 664 en 1999 et je compte pouvoir poursuivre l'an prochain. Nos écoles comptent 6 131 élèves gardiens de la paix, chiffre qui n'avait pas été atteint depuis 1982. Nous avons également pris des mesures pour améliorer les fins de carrière, et inciter ainsi les policiers à rester dans les cadres jusqu'à 55 ans.

Nous conduisons un effort considérable de formation. Le schéma directeur de la police nationale tend ainsi à développer la formation initiale et continue et à refondre le contenu des programmes et des stages.

De surcroît, nous mettons en _uvre une véritable et indispensable gestion prévisionnelle des effectifs. Pour renforcer les personnels administratifs, nous créons cent nouveaux emplois scientifiques. L'affectation des adjoints de sécurité se poursuit, en particulier à l'îlotage et à l'accueil dans les commissariats. Pour répondre à d'injustes critiques, je rappelle que les ADS sont formés en huit semaines, de la même façon que l'étaient les policiers auxiliaires, qui, depuis 12 ans, ont donné toute satisfaction. 13 000 ADS ont été recrutés, et nous disposons de crédits pour 4 150 autres l'an prochain.

Monsieur Quentin, le nombre des ADS correspond à moins de 10 % des effectifs de police, et le budget de l'intérieur ne prend en charge qu'un cinquième de leur coût, le reste étant financé par le ministère de l'emploi. Nous passerons à 20 000 ADS à la fin de l'an prochain, ce qui compensera le disparition progressive des policiers auxiliaires.

Avec la réforme qui entre en vigueur, nous demandons beaucoup aux policiers. Dans leurs fonctions, ils doivent concilier tact, pondération, fermeté et résolution. Les conditions d'exercice de leur métier font l'objet de critiques injustes. Flaubert écrivait déjà dans le dictionnaire des idées reçues : «Policier : a toujours tort». En réalité, les sondages le montrent, les Français apprécient leurs policiers. Rappelons qu'en 1998, 20 fonctionnaires de la police nationale sont morts dans l'exercice de leurs fonctions, et 8 000 ont été blessés. Je tiens à rendre hommage à leur dévouement.

La mise en place d'une police de proximité implique une concertation avec les syndicats, et des mesures en faveur des personnels, comme le versement par anticipation de la prime de fidélisation et d'autres mesures indemnitaires, le tout s'élevant à près de 100 millions, ce qui est beaucoup. Parallèlement nous poursuivons l'action prioritaire dans le domaine social, suivant les recommandations du rapport Alexandre. Nous mettons à la disposition des policiers 14 000 logements, mais l'accent doit être surtout mis sur la qualité, en particulier dans les grandes agglomérations.

M. Mermaz a raison, nos services devront être mieux dotés en véhicules, en locaux, en moyens informatiques et de transmission. Les crédits de fonctionnement de la police nationale augmentent de 5 %, soit 183 millions supplémentaires. Cette progression est très significative mais, comme l'a relevé M. Dreyfus, celle des besoins à satisfaire l'est encore davantage. La généralisation de la réforme de la police de proximité nous permettra, je l'espère, d'obtenir des moyens supplémentaires.

Le réseau de télécommunications numérique crypté Acropol couvre actuellement huit départements. Toute l'Ile-de-France et la Corse seront couvertes l'an prochain. L'effort financier atteindra 400 millions en AP et autant en CP, soit une hausse de 800 millions, auxquels s'ajouteront les 23 millions du prochain collectif.

Le cadrage pluriannuel de la dépense garantit en 2002 la couverture des zones qui concentrent 80 % de la délinquance. Acropol a désormais trouvé son rythme de montée en charge, plus rapide que prévu à l'origine.

Pour les crédits immobiliers, les AP restent stables à 600 millions, mais les CP bondissent de 417 millions à 571 millions, ce qui permettra de mener à bien tous les travaux immobiliers rendus nécessaires par la réforme de la police de proximité. Le collectif ouvrira une enveloppe consacrée aux grands hôtels de police, à hauteur de 500 millions en AP et 250 millions en CP. L'an prochain nous pourrons ainsi financer les nouveaux hôtels de police de Bobigny, de Bordeaux et de Montpelleir, en attendant ceux de Nantes, Lyon et Lille.

On le voit, la police nationale s'engage dans une mutation considérable. Pour lui donner une plus grande visibilité, je m'attacherai à définir un cadre de modernisation pluriannuel à l'horizon 2004. Nous manquerions, indique M. Mermaz, de personnels administratifs dans les commissariats. Par rapport à l'Allemagne par exemple, il a raison.

M. Le Roux a relevé les succès des contrats locaux de sécurité, qui permettent à la police d'agir en partenariat avec les collectivités locales et d'autres administrations. J'attends de cette action partenariale des résultats significatifs. Les polices municipales ont reçu leur statut, et c'en est fini de vaines polémiques à leur sujet. Comme M. Le Roux, je pense que le traitement systématique des infractions peut provisoirement gonfler les statistiques, mais il n'est pas juste de dire, comme M. Quentin, que les incivilités sont des délits amnistiés. Il existe des comportements agressifs, des injures, qui relèvent au plus de la contravention, mais qui pourrissent la vie des habitants de beaucoup de quartiers. Je suis sensible à la détresse qui s'exprime dans ces quartiers. Répondre aux besoins de sécurité, c'est lutter contre la «fracture sociale» et la ghettoïsation dont ont parlé MM. Clary et Brunhes.

Je ne cherche pas à dissimuler la gravité des problèmes d'insécurité. C'est à la demande de l'IHESI que les questions sur ce sujet ont été introduites dans le questionnaire de l'INSEE. Ne nous trompons pas sur ses résultats. Ce n'est pas le nombre de délits réels qui est cinq fois supérieur à ceux déclarés à la police. C'est le sentiment d'avoir fait l'objet d'agressions qui est très supérieur au nombre de délits comptabilisés par la police.

Le nombre de gens qui se sentent menacés est 55 fois plus élevé dans l'enquête IHESI-INSEE que celui qui résulte des statistiques de la police. Le nombre de gens qui se sentent injuriés ou atteints dans leur dignité est 115 fois supérieur. Cela reflète un climat, et permet de relativiser les chiffres de l'insécurité, que nous travaillons à établir précisément. J'ai demandé au directeur général de la police nationale de mettre au point de nouveaux indicateurs qui permettent de faire la distinction entre la délinquance constatée grâce aux dépôts de plaintes et celle mise à jour par l'activité des services, c'est-à-dire de mesurer ce qui, dans l'augmentation des chiffres, tient au fait que nos services sont plus performants.

J'en viens aux problèmes d'administration territoriale. La réforme de l'Etat se traduira par l'élaboration, au niveau de chaque région et de chaque département, d'un projet territorial qui, à la fois outil de gestion et document de référence, traduira l'interministérialité en plans d'action sur le terrain et donnera à chacun une vue d'ensemble des objectifs poursuivis. L'expérience est déjà menée dans quatre départements et courant 2000, elle se généralisera à l'ensemble du territoire.

Parallèlement, nous nous sommes engagés avec le ministère du budget dans la voie d'une contractualisation -sur trois ans- et d'une globalisation des crédits. L'expérience sera menée dans quelques départements, où les préfets disposeront ainsi d'une souplesse de gestion sans précédent, qui leur permettra de réaliser des réformes de structure et de procédure. Cette expérience, qui a vocation à être généralisée, constitue une étape capitale du processus de déconcentration.

Les nouvelles technologies vont aussi faire évoluer l'administration locale. Les services Internet, déjà en place dans 25 préfectures, seront généralisés. Et le développement des téléprocédures fera gagner beaucoup de temps. Grâce à elles, les cartes grises des véhicules neufs sont dès cette année délivrées par les concessionnaires des deux groupes automobiles français. Cette manière de faire sera étendue l'an prochain aux importateurs et aux véhicules d'occasion.

L'informatique autorise le développement des échanges et le partage des données entre les services de l'Etat au sein de systèmes d'information territoriaux, réseaux qui existent déjà dans vingt départements et qui seront généralisés avant la fin 2000.

Pour assurer ces nouvelles missions, les crédits informatiques augmenteront, après prise en compte des ouvertures de crédits en collectif de fin d'année. Le programme de câblage de toutes les préfectures s'achèvera à la fin de l'an prochain, la priorité se portant à partir de cette date sur les sous-préfectures. L'objectif est la mise en réseau de toutes les administrations de l'Etat.

Les moyens réservés à l'investissement immobilier sont stables en autorisations de programme et progressent de 20 % en crédits de paiement. Les projets retenus correspondent aux priorités du ministère, telles que l'amélioration de l'accueil du public et le renforcement de la sécurité.

Je crois qu'en modernisant les préfectures, qui sont la colonne vertébrale de l'Etat, nous faisons en sorte que celui-ci soit à la hauteur de ses responsabilités.

Dans le domaine de la sécurité civile, l'action de l`Etat vient en renfort de celle des servies locaux pour la lutte contre les incendies et pour les secours. Les Français savent qu'ils peuvent compter sur les 240 000 sapeurs-pompiers, dont 80 % sont des volontaires. Ces femmes et ces hommes, qu'ils soient militaires, professionnels ou volontaires, paient chaque année un lourd tribut. Huit ont trouvé la mort en service depuis le début de l'année, dont six sapeurs-pompiers et deux démineurs. Je rends ici hommage à leur conscience et à leur dévouement.

Plusieurs d'entre vous ont émis un jugement peu élogieux sur les lois de mai 1996 concernant les SDIS. Certes, elles n'ont pas fait l'objet d'une étude d'impact financier, mais je crois cependant qu'elles donnent à notre pays les moyens de constituer un grand service public moderne d'incendie et de secours. Simplement, nous sommes dans une période de transition. D'ores et déjà, les conseils d'administration ont été installés et les instances du personnel constituées. Les schémas départementaux d'analyse et de couverture des risques ont été arrêtés par les préfets dans près de la moitié des départements. Plus de 60 % des personnels professionnels ont été transférés et 40 % des volontaires.

Le régime indemnitaire des sapeurs-pompiers professionnels a été harmonisé et simplifié. Deux récents décrets du 15 septembre 1999 améliorent leur situation. Les modalités de calcul des vacations horaires des sapeurs-pompiers volontaires ont été précisées, leur protection sociale a été renforcée, notamment en ce qui concerne l'octroi de l'allocation de vétérance. Un décret destiné à moderniser leur statut et à rendre l'exercice de leurs fonctions plus attractif doit être publié très prochainement.

Beaucoup d'entre vous sont préoccupés par le coût de cette réforme pour les finances locales. Il est clair que le regroupement, au sein d'une même entité, de personnels aux conditions de rémunération initialement différenciées et d'équipements disparates peut susciter une coûteuse remise à niveau. Je rappelle que le financement des SDIS -13 à 15 milliards- relève traditionnellement de la compétence des seules collectivités locales. Toutefois, l'hypothèse de ressources nouvelles pour accompagner la réforme est examinée. S'agissant de l'Etat, j'ai indiqué qu'une piste intéressante serait l'attribution d'une dotation globale d'équipement spécifique pluriannuelle, pour la période de remise à niveau. J'ai également demandé que l'on étudie la possibilité de prêts de la Caisse des dépôts et consignations, de très longue durée -32 ans- et à des taux inférieurs à ceux du marché.

M. Derosier s'est étonné que la commission de suivie et d'évaluation ne se soit pas encore réunie. Cela se fera avant un mois.

Il appartient à l'Etat de prendre en charge les renforts nationaux, de faire face à des risques particuliers, chimiques, nucléaires, bactériologiques ou explosifs et de projeter des moyens outre-mer ou à l'étranger pour venir en aide à des populations en détresse. A ce titre, la France a en 1999 apporté son assistance aux réfugiés kosovars dans les Balkans. Plusieurs détachements de la sécurité civile ont été engagés en Turquie, en Grèce et à Taïwan.

La professionnalisation des unités sera achevée en 2001. Pour l'exercice 2000, 367 engagés et volontaires seront recrutés en contrepartie de la suppression du service d'appelés. La professionnalisation de la brigade des sapeurs-pompiers de Paris conduit, elle, à la création de 442 emplois d'engagés et de volontaires.

Un important effort d'équipement est parallèlement mis en _uvre. Un Hercules C 130 de grande capacité sera loué l'an prochain pendant la saison des feux. Un nouvel avion de liaison sera acquis en remplacement d'un des deux Beechcrafts. Nous disposerons de 32 hélicoptères biturbines BK 117. Un plan de revalorisation indemnitaire est mis en _uvre en 1999 pour les pilotes d'avions et sera étendu en 2000 aux pilotes d'hélicoptères.

Concernant l'importante mission de déminage, un ambitieux programme de modernisation est en cours. Le dépôt de Laon-Couvron, mis en service en 1998 après l'arrêt des destructions en baie de Somme et la fermeture du dépôt du Crotoy, sera agrandi. Un site de destruction des munitions classiques a été aménagé à Sisonne. De nouveaux centres sont prévus à Colmar et Amiens, de même qu'un nouveau site de stockage et de démantèlement militaire des munitions chimiques.

J'en arrive aux dotations aux collectivités locales.

Le Gouvernement a fait un effort considérable puisque le contrat de croissance et de solidarité indexe pour la première fois l'enveloppe normée sur la croissance -25 % l'an prochain, 33 % en 2001, ce qui se traduit par l'attribution de 2,4 milliards supplémentaires. A quoi s'ajoute un « bonus » de 1,85 milliard sur la DGF. Il faut bien dire que si nous avions intégré à droit constant les résultats du recensement général de la population dans la DGF, il aurait manqué 1,5 milliard de francs sur les dotations DSU et DSR. Il n'en sera rien puisqu'elles augmentent au contraire sensiblement : aux 500 millions consolidés de l'an dernier s'ajouteront ainsi 500 millions pour la DSU et 200 millions au titre des autres dotations de solidarité. Je rappelle que vous avez aussi ajouté 150 millions pour les bourgs-centres. A quoi il faut encore ajouter la compensation de la part salariale de taxe professionnelle dans la DGF, qui se traduit par un effort supplémentaire de 150 millions.

Surtout, le Gouvernement a décidé d'abaisser de 38 à 34 %, puis à 30 % le taux de la surcompensation sur les salaires des fonctionnaires territoriaux, ce qui représente au total un effort de 2 milliards. En contrepartie, les cotisations des collectivités locales seront majorées au 1er janvier prochain de 0,5 point, soit un effort d'environ 550 millions.

C'est la première fois qu'un gouvernement renverse ainsi la tendance de ces dernières années.

J'ai été sensible à certaines réflexions. Il n'est pas juste de dire, Monsieur Derosier, que l'Etat maîtrise seul la répartition des dotations aux collectivités locales. Si nous avions simplement suivi la loi, nous aurions ajouté 2,4 milliards à ces dotations. Nous avons ajouté 1,85 milliard de plus, pour qu'une vraie péréquation puisse exister. La commission de décentralisation, que préside Pierre Mauroy, devra se pencher sur ces problèmes de péréquation, qui portent sur quelque 15 milliards, alors que, selon les calculs de M. Dosière, les compensations en matière de finances locales pénaliseraient les plus pauvres. Tout cela mérite d'être mis sur la table, pour que s'exerce une vraie péréquation. Car autant je suis partisan de la décentralisation, comme outil démocratique, facteur de responsabilisation et de prise en compte des besoins de nos concitoyens, autant je suis circonspect face à une logique qui, abandonnée à elle-même, conduirait à creuser les inégalités. Il est donc nécessaire que ce système fasse l'objet d'une régulation centrale, dont vous devez débattre, et dont la commission de décentralisation doit se préoccuper.

Je suis favorable au maintien d'un système de fiscalité locale. La responsabilité fiscale des collectivités territoriales est une bonne chose à tous égard. C'est une école de responsabilité, et nous aurions tort de nous priver de cette heureuse « exception française ».

Je conclurai simplement que ce budget me semble mériter d'être considéré comme significatif. Le Gouvernement a fait un effort. Il y a certes du pain sur la planche ; mais j'espère que vous jugerez que nous n'avons pas été de trop mauvais mitrons (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe communiste).

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QUESTIONS

Mme Nicole Bricq - Vous avez dit, Monsieur le ministre, que ce budget poursuivait l'indispensable mutation du parc immobilier. En réponse à mes questions, votre ministère m'indiquait l'an dernier que les deux critères présidant à ses choix étaient le caractère sensible des circonscriptions, au regard des statistiques de la délinquance et de la violence urbaine, et d'autre part la vétusté du patrimoine et son degré d'adéquation aux besoins opérationnels de la police. J'ai cru comprendre que les opérations engagées devaient tendre à améliorer l'implantation de la police nationale dans les départements les plus sensibles. Or je prendrai l'exemple de Meaux, en Seine-et-Marne.

Un quartier de cette ville, regroupant plus de 20 000 habitants, a été retenu comme site expérimental de police de proximité. Votre prédécesseur, en 1996, y a fait acquérir à ses services un terrain qui, quatre ans plus tard, est toujours sans affectation. L'engagement financer qui a été fait est important, et ce n'est peut-être pas un exemple de bonne utilisation des fonds publics.

A votre demande, un rapport conjoint de l'Inspection générale de l'administration et de l'Inspection générale de la police nationale a été établi, pour préfigurer ce que pourrait être l'utilisation de ce terrain. Des propositions existent, mais nous n'avons toujours pas de réponse. Ce terrain se situe pourtant dans un département prioritaire, et pourrait utilement servir à renforcer les moyens de la police. Il serait temps de faire des choix budgétaires sur tout le Nord de la Seine-et-Marne.

M. le Ministre - Sur le quartier Beauval à Meaux se déroule en effet une expérience de police de proximité. Ce quartier a un bureau de police découpé en trois secteurs, comptant chacun trois fonctionnaires et trois ADS. S'y ajoute une équipe portée de trois fonctionnaires et trois ADS. Cela permet une couverture policière jusqu'à 22 heures. Ces mesures feront l'objet d'une évaluation à la fin de l'année. La circonscription fera partie de la première vague de généralisation à partir du 1er juin prochain.

Vous vous souciez par ailleurs du remploi d'un terrain. Il était initialement prévu d'y faire un cantonnement de passage pour les CRS. Mais la fidélisation d'un certain nombre de CRS a remis en cause cette destination. Un nouveau concours de concepteurs va être lancé pour regrouper sur ce site des unités de sécurité publique. Nous travaillons à définir un nouveau programme immobilier. C'est sur la base de ce document que seront lancées les études préalables d'un nouveau projet, qui tiendra compte de l'évolution des effectifs de police en Seine-et-Marne.

M. René Dosière - Le comité interministériel de la réforme de l'Etat, en juillet 1999, a décidé l'élaboration dans chaque département d'un projet territorial de l'Etat pour une période de trois ans. C'est une initiative originale, qui demande à être explicitée. Comment ces projets seront-ils élaborés ? Quels en sont les objectifs ? Quels en seront les conséquences pour le fonctionnement des services déconcentrés de l'Etat ?

M. le Ministre - Ce projet territorial, qui s'appuie sur l'expérience du Doubs, de l'Indre-et-Loire et du Cantal, doit être élaboré avant juillet 2000. Il a pour but de décliner les politiques nationales de l'Etat en tenant compte des particularités des territoires. C'est à la fois un outil organisationnel et un document de référence, qui valorisera les politiques gouvernementales en plans d'action élaborés en fonction des contingences locales. Il sera élaboré, pour au moins trois ans, par les chefs des services déconcentrés, et arrêté par le préfet. En organisant un partage clair des responsabilités et des moyens, il favorisera l'efficacité des services et accroîtra la cohérence de l'action de l'administration. Bien sûr nous ne sommes qu'au début du processus : il faut qu'il se rode, et que nous ayons des retours. Mais j'en attends un décloisonnement utile, et une capacité de projection qui fait parfois défaut.

Mme Nicole Bricq - Je vous remercie, Monsieur le ministre, d'avoir répondu par avance à ma seconde question sur le site de police de proximité de Meaux. Sa mise en place pose toutefois certains problèmes d'adaptation. L'encadrement des ADS est plus complexe ; le travail est réorganisé par brigades, ce qui brise les habitudes. Se pose aussi le problème de locaux adaptés au concept de police de proximité. Les locaux dont disposait la police dans ces quartiers ne convenaient pas forcément à l'accueil des victimes, et le concept de police de proximité implique certains besoins d'équipement. Je dois d'ailleurs dire que la police nationale, à ce que j'observe, fait effort pour s'adapter à cette politique, que j'approuve pleinement. Mais la coordination de la police nationale avec les agents de médiation mis en place par les collectivités et la police municipale pose problème. Je le constate sur le terrain, l'intégration de la police nationale dans cette organisation est difficile quand il n'y a pas de contrat local de sécurité.

M. le Ministre - Si je vous ai répondu par anticipation, c'est que vous aviez fait allusion à l'ensemble des problèmes du Nord de la Seine-et-Marne.

L'absence de contrat local de sécurité à Meaux est en effet un vrai handicap pour la mise en place d'une police de proximité. J'aimerais que Meaux puisse faire partie de la première vague de généralisation, mais en l'absence de contrat il manque une dimension essentielle de la police de proximité : l'action en partenariat. A bon entendeur, salut...

M. René Dosière - Où en est le redéploiement des forces de police et de gendarmerie, particulièrement là où, après les concertations menées par les préfets, il y a eu accord des élus sur les propositions de redéploiement ? J'aimerais notamment connaître le calendrier envisagé pour la circonscription où se trouve le commissariat d'Hirson, dans l'Aisne ?

M. le Ministre - Avec M. Alain Richard, sur la réorganisation, j'ai demandé au préfet de l'Aisne de mener une concertation approfondie avec les élus, les administrations et les personnels concernés. La circonscription s'étend sur Hirson et deux autres communes, regroupant 15 316 habitants. Le préfet a saisi les élus début octobre et les recevra la semaine prochaine. Puis il présentera la réforme, avant la fin de l'année, aux trois conseils municipaux. Dans le même temps, le directeur de la sécurité publique s'est entretenu avec les trente-sept fonctionnaires de police de la circonscription, pour prendre en compte leur situation familiale, personnelle et professionnelle. La diversité des v_ux exprimés semble permettre de leur donner globalement satisfaction. Quant à la gendarmerie, elle prépare les conditions pratiques de son arrivée. A court terme, la brigade sera accueillie dans l'immeuble du commissariat. Quant au peloton de surveillance et d'intervention, dont la création est concomitante au transfert, il prendra place dans les locaux de l'escadron de gendarmerie mobile d'Hirson.

M. Jacques Guyard - Ma question a trait aux mécanismes d'éligibilité au FSU et au fonds de solidarité de l'Ile-de-France sous l'empire de la taxe professionnelle unique. Les cas de passage à la TPU sont encore rares, mais ils vont se multiplier à mesure que se créeront les communautés d'agglomération. Or ils posent des problèmes particuliers. Actuellement, l'attribution du fonds de solidarité de l'Ile-de-France se fait en fonction de quatre critères : le nombre de logements sociaux, la proportion de la population bénéficiant de l'aide au logement, le revenu moyen et, surtout, le potentiel fiscal, qui compte à lui seul pour 55 %. Dans les cas de taxe professionnelle unique, le potentiel fiscal-taxe professionnelle de l'agglomération est réparti entre les communes pour l'essentiel en fonction de leur population. A propos de l'amendement déposé tout à l'heure par M. Chouat, vous avez signalé que cette disposition desservait les villes-centres. Je le confirme pour l'avoir constaté pour Cergy et pour Evry. De fait, les communes environnantes disposent de l'essentiel des bases de taxe professionnelle tandis que les villes-centres concentrent les équipements publics qui ne procurent ni impôt foncier bâti ni taxe professionnelle. Des corrections apparaissent donc indispensables : il serait sans doute prématuré de les adopter aujourd'hui mais que prévoyez-vous pour l'an prochain ?

M. le Ministre - Le problème est complexe. Le potentiel fiscal des SAN, en particulier de leurs villes les plus peuplées, est en effet calculé selon des modalités spécifiques : sont pris en compte les reversements de taxe professionnelle effectués par le SAN au profit des communes ainsi que la population de celles-ci.

Les reversements de taxe professionnelle, sous forme de dotations de coopération, se font selon des critères péréquateurs. Nous n'envisageons pas de modifier le mode de calcul du potentiel fiscal des communes membres d'agglomérations nouvelles, puisqu'il prend déjà en compte la mutualisation de la taxe professionnelle et un critère de population qui semble apte à refléter les dépenses réelles des communes.

S'agissant des effets de ce calcul sur les dotations de péréquation que l'Etat verse aux communes, je rappelle que le potentiel fiscal des communes membres de SAN résulte déjà d'une péréquation.Cependant, il conviendra de réexaminer la question au sein de la commission de la décentralisation, présidée par M. Mauroy.

Vous souhaitez certainement que je dise un mot d'Evry ? Je précise donc que, si cette commune est exclue cette année du bénéfice de la dotation, la loi du 12 juillet dernier lui permettra de devenir éligible dès l'an prochain.

Mme Martine Aurillac - Le 24 septembre, devant le conseil régional d'Ile-de-France, a été levé le voile sur les chiffres de la délinquance au cours des huit premiers mois de l'année -et je n'imagine pas que le préfet de police les ait ainsi publiés sans votre accord. Nous avons ainsi appris que les crimes et délits avaient augmenté de 3,08 %, le nombre des vols avec violence explosant littéralement : ils ont crû de 30,8 % !

Cependant, aucun chiffre propre à la capitale ne nous a été donné : tout au plus a-t-on précisé que Paris concentrait près d'un tiers de la délinquance régionale. Il semble bien, toutefois, que ces statistiques traduisent une nouvelle aggravation de la délinquance à Paris, de l'ordre de 3,85 %, avec un pic de 8,8 % en août. Dans quinze arrondissements, l'augmentation du nombre des crimes et délits dépasserait 10 % : elle a été de 23 % dans les IIIème, de 16 % dans le XXème, de 15 % dans le XIIème et de 13,5 % dans le XIème. Les agressions dans le bus et le métro auraient crû, quant à elles, de 28 %. Or vous conviendrez qu'il ne s'agit pas de ce qu'on appelle pudiquement de «petites incivilités» !

Autre élément très inquiétant : plusieurs sorties d'écoles ne sont plus surveillées et la liste des «points d'école» n'est plus donnée. A titre d'exemple, pour la matinée du jeudi 11 mars, seuls 20 points d'école sur 40 ont été assurés dans le XVIIème et 25 sur 50 dans le XIXème. Est-ce un effet du développement de la police de proximité ? Confirmez-vous les chiffes que je viens de citer ? Qu'allez-vous faire pour remédier à cette situation, au moment où plusieurs élus socialistes parlent d'une réforme «nuancée» de la préfecture de police ? (Applaudissements sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL)

M. le Ministre - J'ai déjà partiellement répondu à votre question dans mon intervention générale (Exclamations sur les bancs du groupe DL).

Le taux des crimes et délits est certes particulièrement élevé à Paris, mais cela tient notamment au nombre des touristes -25 millions- ainsi que des Franciliens venant y travailler chaque jour. Les centres des agglomérations concentrent toujours la délinquance.

Je ne sous-estime pas la gravité de la situation dans certains arrondissements. Cependant, je vous inviterai à faire preuve d'une certaine retenue dans votre jugement : les chiffres n'ont de sens que sur une période relativement longue. Ainsi, il se trouve qu'en octobre, la délinquance générale a décru de 0,89 % mais je ne triompherai pas pour autant car, si les statistiques pour les trois premiers mois de l'année étaient bonnes, les plaintes se sont multipliées quand nous avons généralisé la police de proximité, que 36 commissariats au lieu de vingt ont été ouverts 24 heures sur 24 et que s'est développé le traitement judiciaire en temps réel. Les Parisiens ont utilisé les possibilités nouvelles qui leur étaient offertes, en signalant des préjudices légers qu'ils n'auraient pas signalés auparavant.

Les homicides et viols diminuent. De même les délits de voie publique -de 10,25 % le mois dernier. En revanche, le nombre de vols à l'arraché de téléphones portables augmente, jusqu'à représenter 40 % des vols avec violence : cela tient évidemment à l'évolution technologique, comme le fait que plus de la moitié des vols et des dégradations s'effectuent sur des automobiles (Exclamations sur les bancs du groupe DL).

Il faut donc prendre un peu de recul pour apprécier les statistiques...

M. Laurent Dominati - Circulez, il n'y a rien à voir !

M. le Ministre - Les moyens déployés à Paris à la fin de l'année seront supérieurs à ce qu'ils étaient le 1er janvier mais la sécurité, je le vois bien, fait l'objet d'une surenchère permanente dans l'entourage de M. Tiberi : il faut bien que la majorité municipale masque des problèmes sur lesquels j'aurai l'élégance de ne pas épiloguer !

M. Laurent Dominati - Vous manquez d'élégance autant que de sincérité !

M. Didier Quentin - Je souhaite des précisions sur les conséquences financières de la création de communauté d'agglomération. La dotation de 250 F par habitant apparaît attractive, mais sera-t-elle pérenne ? Les 250 F seront-ils versés en complément de la DGF ou s'y substitueront-ils ? La constitution d'une communauté d'agglomération fera-t-elle perdre le bénéfice de la dotation de développement rural ? Si oui, comment la perte sera-t-elle compensée, selon quels critères et pour combien de temps ?

Les communes perçoivent, venant de l'Etat et du conseil général, des crédits du fonds de péréquation de la taxe professionnelle : sera-ce encore le cas avec la taxe professionnelle unique ou ces sommes seront-elles perçues par la communauté, quitte à ce que celles-ci les reversent aux communes ?

Enfin, est-ce que, pour une commune apportant à une communauté de communes préexistante, le fait de ne pas adhérer à la communauté d'agglomération entraînera des pénalisations lors de l'attribution de la DGF, des fonds européens ou des fonds de contrat de plan ?

M. le Ministre - Les communautés d'agglomération créées par la loi du 12 juillet dernier vont, je crois, se développer à un rythme assez soutenu : on en comptera une quinzaine le 1er janvier prochain et près d'une trentaine en juillet.

Elles bénéficieront pendant cinq ans d'une DGF de 250 F par habitant -et la mesure sera sans doute reconduite par la suite. Bien entendu, cette dotation ne s'ajoute pas à l'actuelle, qui n'est que de 10 francs, mais s'y substitue. Compte tenu des montants respectifs, elle aura certainement un caractère très incitatif.

En revanche, cette dotation vient en complément de la DGF sur recettes nettes de l'Etat. Elle fera l'objet d'une enveloppe spécifique de 500 millions -dont une partie seulement sera consommée en 2000.

Elle n'a aucun lien avec la dotation de développement rural, qui sera maintenue. En tout état de cause, le préfet a les moyens d'apporter toutes les corrections nécessaires.

Enfin, la communauté d'agglomération exerce un effet de neutralisation sur le fonds départemental de la taxe professionnelle puisque va s'y substituer un versement forfaitaire indexé.

Le fait de ne pas adhérer à un contrat d'agglomération n'entraînera aucune pénalité pour telle ou telle commune qui gardera la DGF dont elle bénéficiait. J'ajoute que la dotation de 250 francs par habitant dépendra ensuite de la réalité de l'intercommunalité de façon à faire obstacle à une intercommunalité d'aubaine. En tout état de cause, l'incitation est puissante et a des effets positifs. Les districts devront d'ici le 1er janvier 2002 se transformer soit en communauté de communes, soit en communauté d'agglomération. Quant aux fonds FEDER, ils sont disponibles sur toute l'étendue de la zone FEDER, quels que soient les types de communes qui continueront d'avoir accès aux fonds européens.

Mme Françoise de Panafieu - La manière dont vous avez, Monsieur le ministre, répondu à l'instant à certains élus parisiens est difficilement acceptable. Nous ne sommes pas ici pour polémiquer mais pour nous faire l'écho des préoccupations de nos concitoyens et je ne doute pas que M. Dreyfus, qui est assis près de vous et qui est un élu de l'est parisien, ne vous tiendrait pas un discours très différent du nôtre. Dans une interview du 8 octobre dernier, vous avez déclaré que la délinquance générale était contenue. Sans volonté de ma part de dramatiser, je voudrais revenir sur les chiffres cités par Mme Aurillac.

Au cours des neuf premiers mois de 1999, la délinquance a connu une hausse de 4 %, les vols avec violence ont augmenté de 40 % et les hold-up de 30 %. Lorsque l'on regarde les résultats obtenus à New York par M. Giuliani, comment accepter que la situation parisienne empire encore ? L'Etat n'assure plus la sécurité journalière de nombre de Français et notamment des Parisiens.

Nous constatons par exemple l'augmentation dans nos quartiers de la prostitution liée à la toxicomanie, face à laquelle la police ne dispose pas de moyens d'intervention suffisants. Avec un groupe d'élus, nous allons déposer une proposition de loi pour y remédier, car il est temps de permettre à la police d'agir au-delà de la répression de l'atteinte aux bonnes m_urs, qui est le plus souvent largement dépassée.

Entendez-vous enfin, Monsieur le ministre, faire de Paris une priorité, sachant qu'il nous manque 1 500 hommes et des moyens matériels pour pouvoir intervenir dans de bonnes conditions partout et à tout moment ?

Enfin, n'est-il pas temps d'engager une réflexion sur la « municipalisation » de la police de proximité ?

La qualité de la vie quotidienne de nos concitoyens dépend des réponses apportées à ces deux questions (Applaudissements sur les bancs du groupe du RPR et du groupe UDF).

M. le Ministre - Loin de moi, Madame la députée, l'idée de ramener les problèmes de sécurité de la ville de Paris aux difficultés de la municipalité parisienne ! J'ai répondu à Mme Aurillac que le VIIème arrondissement n'était sans doute pas le plus touché par la délinquance...

Mme Martine Aurillac - Mais je n'ai pas parlé de mon arrondissement !

M. le Ministre - Sur l'ensemble de Paris, les séries statistiques ont divergé à partir du mois de mai du fait de l'élargissement des heures d'ouverture des commissariats, du traitement des problèmes en temps réel et de la plus grande disponibilité des fonctionnaires.

S'agissant de la prostitution, la police dispose à ma connaissance de moyens suffisants pour la réprimer et, d'autre part, je ne nie pas le lien avec la toxicomanie.

En ce qui concerne la priorité donnée à Paris, 950 agents de sécurité y sont affectés et cent fonctionnaires actifs de plus seront en fonction le 1er janvier 2000  par rapport à l'année précédente. Dans le cadre d'une nouvelle étape, 1 800 recrutements d'agents de sécurité sont d'ores et déjà autorisés.

Mais ne comparons pas Paris et New York où la chute du nombre d'homicides est certes spectaculaire mais où les niveaux de violence restent incomparablement plus élevés. Pour la seule ville de New York, le nombre d'homicides est passé de 2 300 à environ 800 mais il faut rapprocher ce chiffre du nombre total d'homicides sur le territoire français qui n'excède guère 900, alors qu'il était de 1 300 en 1990.

Mme Françoise de Panafieu - Il reste que les propositions de la mission parlementaire effectuée à New York n'ont pas été retenues !

M. le Ministre - Nous nous sommes efforcés d'en tirer parti pour le meilleur.

M. Marc Reymann - Depuis plusieurs années, les fêtes de fin d'année sont l'occasion de nombreux incendies de voitures, en particulier dans les quartiers d'habitat social de Strasbourg. La presse étrangère dépêche de manière systématique des équipes de télévision et de radio pour relater ces incidents fortement préjudiciables à l'image de notre ville.

Pour ce qui concerne le déploiement des forces de police, je viens d'apprendre qu'elles seront moins nombreuses cette année, compte tenu d'une nouvelle répartition en fonction de l'événement de l'an 2000.

Ma question est simple ; allez-vous poursuivre la stratégie qui consiste à ne faire intervenir les forces de police qu'une fois les voitures incendiées, ou allez-vous intervenir en amont ? La municipalité de Strasbourg essaie en vain depuis plusieurs années d'acheter la paix sociale par des concerts pour calmer ces jeunes gens, à l'affût d'une publicité néfaste pour la capitale européenne.

Je sais, Monsieur le ministre, que vos services auront à s'investir dans de nombreux foyers à risque sur tout le territoire. Il n'en reste pas moins que le cas de Strasbourg sera un test de votre volonté politique et de votre efficacité.

M. le Ministre - Il est probable que la présence à Strasbourg, capitale européenne, d'un grand nombre de télévisions soit un facteur amplificateur de ces événements et de leur médiatisation. Mais nous ne disposons pas sur ce sujet des mêmes chiffres. Je puis vous assurer qu'il y aura à Strasbourg une forte mobilisation de moyens, fondée sur une étroite collaboration entre les différents services -SRPI, renseignements généraux, police municipale. Trois cents policiers seront en service du 31 décembre au 1er janvier 2000.

L'idée d'une intervention en amont est au c_ur du projet de la police de proximité, qui est expérimentée dans certains quartiers de Strasbourg. La mobilisation des différents services, l'information en temps réel du Parquet, la présence d'une équipe de procéduriers chargée des constatations en renfort du service de quart doivent permettre d'éviter la répétition des incidents dont je regrette avec vous que Strasbourg ait été le théâtre. Je vous remercie par avance de l'effort de prévention auquel vous voudrez bien vous associer pour empêcher de tels débordements.

M. Claude Billard - Je ne poserai pas ma deuxième question, ayant eu une réponse cet après-midi sur la première.

Assurer aux citoyens leur droit à la sécurité fait partie des missions régaliennes de l'Etat. Néanmoins les collectivités locales entendent prendre toutes leurs responsabilités ; de nombreuses villes signent ainsi des contrats locaux de sécurité.

Mais la sécurité, la prévention, la dissuasion ont un coût qui ne saurait être à la seule charge des collectivités : les dotations doivent donc être adaptées aux efforts accomplis.

Villejuif, dont je suis l'élu, vient de signer un contrat local de sécurité et sera amenée à signer un contrat intercommunal. Or cette ville de près de 50 000 habitants ne compte toujours pas de commissariat de plein exercice, malgré les promesses faites par les gouvernements successifs, et en dépit du fait que la municipalité a construit le commissariat.

Par ailleurs, l'engagement financier de l'Etat en matière de CLS reste insuffisamment lisible pour les collectivités. Serait-il possible d'établir un bilan financier de la participation de l'Etat -moyens supplémentaires apportés et distribution entre les communes ?

M. le Ministre - Les contrats locaux de sécurité ne peuvent pas comporter d'engagements chiffrés concernant les personnels : cela rendrait la gestion de nos effectifs impossible. En revanche, le Val-de-Marne fait partie des départements très sensibles, auxquels sont affectés prioritairement les moyens.

Le commissariat subdivisionnaire de Villejuif est doté de 35 agents de sécurité publique. Ouvert en permanence au public, il réunit une partie des conditions de fonctionnement d'une structure de plein exercice, mais son rattachement à Gentilly lui économise des tâches administratives et de gestion. Il reçoit l'appui d'une brigade anti-criminalité du commissariat central de Gentilly ainsi que le soutien ponctuel des unités départementales de sécurité publique et de forces mobiles en mission de sécurisation. Il bénéficiera en outre l'an prochain de la fidélisation d'une compagnie républicaine de sécurité dans le Val-de-Marne.

Des expériences de police de proximité sont en cours au Kremlin-Bicêtre, à Fontenay-sous-Bois et à Gentilly. Il sera possible d'améliorer encore le service rendu au public dans la phase de généralisation.

Je réexaminerai les éléments que vous avez évoqués afin de vous faire, si besoin est, une meilleure réponse.

M. Claude Billard - Ce serait bien.

Mme Claudine Ledoux - La décentralisation est définitivement entrée dans la tradition administrative française et votre texte du 12 juillet 1999, relatif au renforcement et à la simplification de la coopération intercommunale, devrait lui donner un nouveau souffle.

Demeure cependant le problème de l'assistance administrative des élus dans les petites communes, où le maire est bien souvent obligé d'accomplir une part importante des tâches administratives et techniques, pour lesquelles il n'a pas reçu de formation et se trouve détourné de sa véritable mission. Il en arrive ainsi de bonne foi à commettre des irrégularités dans les domaines les plus difficiles -urbanisme, marchés, domanialité publique. Les services préfectoraux en charge du contrôle de légalité souffrent eux-mêmes d'une insuffisance chronique de leurs effectifs.

Engorgement des services, solitude des maires, instabilité juridique pour les usagers : comment comptez-vous répondre à ce problème dans votre budget ?

M. le Ministre - Il s'agit d'un problème bien réel mais la réponse n'est pas seulement d'ordre budgétaire. La codification des textes peut contribuer à améliorer la situation. Par ailleurs, la loi sur l'intercommunalité prévoit une dotation bonifiée pour les groupements de 3 500 habitants, lesquels pourront engager des cadres compétents. Enfin, les services des préfectures chargés du contrôle de légalité doivent mieux assurer leur mission de conseil auprès des élus locaux.

Une circulaire conjointe du ministère de l'intérieur et du ministère de l'économie, des finances et de l'industrie est en cours d'élaboration au sujet des commandes publiques. D'autres ministères peuvent de la même façon apporter leur concours aux préfectures.

Enfin, l'informatisation du contrôle de légalité devrait améliorer le suivi des dossiers. Il reste que pour nos 36 500 communes, il n'y a pas de solution vraiment simple...

M. Jacques Guyard - La loi du 12 juillet est suivie d'effets en Ile-de-France, où les discussions avancent au sujet de la constitution de communautés d'agglomération. La coopération intercommunale est cependant difficile dans une région de 8 millions d'habitants ; on constate une propension des plus riches à s'allier entre eux et à laisser les plus pauvres faire de même. Quelles sont les informations que vous transmettent les préfets à ce sujet ? Quelles instructions leur donnez-vous ?

M. le Ministre - Pour la première fois depuis 1992, naissent en Ile-de-France des projets de création d'établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre, communautés d'agglomération mais aussi communautés de communes. La détermination de périmètres pertinents est particulièrement ardue ; l'association de communes riches ou de communes pauvres entre elles est un risque. Je demande donc aux préfets de veiller à ce que s'opère une mutualisation de charges et de ressources ; mais il revient aux élus de faire les propositions.

Je ne saurais trop encourager l'intercommunalité, y compris en région parisienne, mais elle y est moins aisée que lorsqu'il y a une agglomération bien définie. Elle est relativement facile en grande couronne, plus difficile -mais pas impossible- dans la petite couronne. Il faut faire confiance aux préfets pour répondre au mieux à l'intérêt général.

M. Jean-Pierre Balduyck - Ma question concerne l'avenir des agents locaux de médiation sociale, dont plusieurs agglomérations expérimentent la présence dans les transports, les écoles, les entrées d'immeubles, les parkings, les stations-service... Les premiers résultats sont encourageants.

Très vite, le ministère a prévu, avec les associations d'élus, une aide à la définition des postes et une formation spécifique.

Ne pensez-vous pas que, comme pour les contrats locaux de sécurité, il serait utile d'établir un bilan national de l'action des médiateurs, de les soutenir, de préciser leurs missions et d'en organiser la pérennisation ?

M. le Ministre - Vous voulez intégrer et valoriser les agents locaux de médiation sociale dans la démarche de police de proximité. 6 000 ont été recrutés, moins que l'objectif fixé à 15 000. Mais les contrats locaux de sécurité prévoient d'en créer 8 000 ou 9 000. Parmi leurs missions figurent l'animation préventive, le dialogue et la médiation entre la population et les institutions, la présence dissuasive sur le terrain. Leur formation incombe aux organismes qui les emploient, mais les services de l'Etat peuvent y contribuer. Tel est le cas de la direction de la police urbaine de proximité de la préfecture de police de Paris. Cet exemple peut être suivi. N'hésitez pas à faire des propositions dans ce sens.

M. Didier Quentin - J'attire à nouveau l'attention sur les difficultés de financement des services d'incendie et de secours, la départementalisation résultant de la loi de mai 1996 conduisant à un désengagement croissant de l'Etat, alors que le coût de ce services atteint 15 milliards. Dès 2001 les collectivités locales auront totalement en charge les investissements et les capacités opérationnelles des sapeurs pompiers. Face aux inquiétudes des élus locaux, vous avez annoncé l'attribution d'une dotation globale d'équipement spécifique. Pourquoi ne pas la verser dès cette année ? Quelle part de financement allez-vous laisser à la charge des collectivités locales ? Comptez-vous organiser une concertation avec les présidents des conseils d'administration des SDIS ?

Par ailleurs, les sapeurs pompiers demandent la classification de leur profession en catégorie dangereuse et insalubre, qui leur permettrait de faire valoir leur droit à la retraite à 50 ans. Ils souhaitent aussi une revalorisation de leur déroulement de carrière et une harmonisation du temps de travail sur le plan national.. Que répondez-vous à ces personnes si dévouées ?

M. le Ministre - Le classement demandé pour une retraite à 50 ans est à relier à la réflexion plus générale sur les régimes de retraite de la fonction publique. Vous connaissez les conclusions du rapport Charpin, et les difficultés auxquelles nous aurons à faire face.

La refonte des dispositions relatives à l'aptitude des sapeurs-pompiers, notamment pour ceux qui rencontrent des problèmes physiques en fin de carrière, est une démarche plus réaliste. La direction de la défense et de la sécurité civiles tiendra bientôt une réunion avec tous les partenaires pour faire le point sur ces perspectives.

S'agissant du financement, je sais que le supplément de dépense peut atteindre 10 % dans certains départements. De plus, le transfert au SDIS de la compétence en matière d'investissement le prive des ressources de la deuxième part de la DGE des communes. Aussi ai-je proposé deux pistes pour une aide de l'Etat aux SDIS. Soit la création d'une DGE spécifique à hauteur d'environ 350 millions par an pendant 5 ans, comprenant 50 millions provenant de la part que perçoivent les SDIS de la DGE des départements, 100 millions représentant la part que les SDIS ne peuvent plus percevoir de la DGE des communes, et un abondement de 20 millions que j'ai réclamé pour le collectif. J'ai aussi pris l'attache de la Caisse des dépôts pour étudier l'attribution de prêts à très long terme et à faible taux.

Voilà mes propositions. Pour l'instant, je n'ai pas de retour, mais j'espère obtenir des avancées de nature à relancer l'investissement et à soulager le budget des SDIS.

Dans la dépense globale de 13 à 15 milliards, 1,5 milliard est consacré aux investissements. Le concours de l'Etat pourrait représenter un cinquième de l'investissement total. J'installerai prochainement une commission de suivi et d'évaluation de la mise en _uvre de la loi du 3 mai 1996...

M. Bernard Derosier - Très mauvaise loi !

M. le Ministre - ...qui n'avait été précédée d'aucune étude de faisabilité financière. Si cette loi n'était pas parfaite, essayons de la corriger, et tâchez de nous y aider.

M. le Président - J'appelle les crédits inscrits à la ligne Intérieur et Décentralisation.

Les crédits des titres III et IV de l'état B, successivement mis aux voix, sont adoptés, de même que les crédits des titres V et VI de l'état C.

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APRÈS L'ART. 70

M. le Président - En accord avec la commission des finances, j'appelle l'amendement 55 corrigé après l'article 70.

M. Alain Clary - La loi du 3 mai 1996 est une mauvaise loi dont nous devons assumer les conséquences financières.

M. Didier Quentin - Faites-en une autre !

M. Alain Clary - La droite n'a pas prévu de ressources financières spécifiques. Or le transfert est impossible à budget constant. Nous devons pallier cette carence.

Mardi dernier, nous avons écouté très attentivement votre réponse à Mme Robin-Rodrigo. Après avoir entendu vos précisions sur notre proposition de mettre à contribution les assurances, nous comprenons les limites de notre amendement. Nous sommes d'accord avec vous pour engager une concertation avec les élus, les professionnels et l'ensemble des partenaires concernés. Nous ne considérons pas que l'Etat doive être le seul à financer. Les entreprises, les compagnies d'assurances doivent s'associer à cet effort. Nous sommes prêts à retirer notre amendement, en souhaitant être informés davantage sur les mesures que vous envisagez.

M. Tony Dreyfus, rapporteur spécial de la commission des finances pour la sécurité - Notre commission n'a pas examiné l'amendement. Le ministre a fait des suggestions. Si une charge était imposée aux compagnies d'assurances, celles-ci la répercuteraient sur les assurés. Il m'est difficile de me prononcer en l'état.

M. le Ministre - Créer une taxe additionnelle à la taxe sur les conventions d'assurance renchérirait sensiblement le coût pour les ménages de la souscription de contrats d'assurance alors que beaucoup d'entre eux sont obligatoires et font déjà l'objet de surprimes. Cela pénaliserait particulièrement les ménages les plus modestes.

J'avais moi-même envisagé cette solution. Monsieur Clary, mais elle soulève beaucoup d'objections, la principale étant ce surcoût de 2,3 milliards pour les assurés.

M. Alain Clary - Dans un esprit de concertation, nous retirons cet amendement mais nous chercherons d'autres solutions, étant entendu qu'au-delà du problème de l'équipement se posera aussi celui du fonctionnement.

M. le Président - Nous avons terminé l'examen des crédits du ministère de l'intérieur.

La suite de la discussion de la deuxième partie du projet de loi de finances est renvoyée à la prochaine séance qui aura lieu, lundi 8 novembre, à 10 heures.

La séance est levée à 0 heure 15.

                      Le Directeur du service
                      des comptes rendus analytiques,

                      Jacques BOUFFIER


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