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Session ordinaire de 1999-2000 - 22ème jour de séance, 54ème séance

1ÈRE SÉANCE DU MARDI 9 NOVEMBRE 1999

PRÉSIDENCE de M. Philippe HOUILLON

vice-président

Sommaire

          LOI DE FINANCES POUR 2000 -deuxième partie- (suite) 2

          SOLIDARITÉ ET SANTÉ 2

          FIXATION DE L'ORDRE DU JOUR 27

          ANNEXE ORDRE DU JOUR 28

La séance est ouverte à neuf heures.

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LOI DE FINANCES POUR 2000 -deuxième partie- (suite)

L'ordre du jour appelle la suite de la discussion de la deuxième partie du projet de loi de finances pour 2000.

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SOLIDARITÉ ET SANTÉ

M. Pierre Forgues, rapporteur spécial de la commission des finances pour les affaires sociales - Le budget de la solidarité va augmenter de 14,4 %, ce qui est nettement supérieur à la progression moyenne des dépenses de l'Etat, pour s'élever à plus de 81 milliards. Mais l'évolution de certains chapitres appelle quelques réserves.

En 1999, 411 millions ont été consacrés à la mise en _uvre de la loi d'orientation contre les exclusions. L'effort est poursuivi, puisque 244 millions sont prévus à cet effet pour 2000, dont 100 millions pour l'appui social individualisé, 60 millions pour l'accueil d'urgence et le dispositif de veille sociale.

C'est en l'an 2000 que va entrer en vigueur la couverture maladie universelle. Une nouvelle fois, le Gouvernement respecte ses engagements, puisqu'il a prévu 7 milliards pour alimenter le fonds de financement de la protection complémentaire.

Ce fonds est également alimenté par une contribution sur le chiffre d'affaires santé des organismes de protection complémentaire, dont le produit est évalué à 1,8 milliard.

L'inscription de ces 7 milliards conduit d'ailleurs à relativiser la croissance apparemment très forte des crédits de la solidarité pour 2000. Toutefois, même si l'on considère l'apport net de l'Etat au titre de la CMU, d'environ 1 milliard, l'augmentation des crédits demeure de 5,9 % à structure constante.

Le RMI, l'allocation pour adulte handicapé et l'allocation de parent isolé représentent à eux seuls 72 % de ce budget, c'est-à-dire 58,6 milliards, dont 28,7 milliards pour le RMI. Les crédits qui lui sont consacrés augmentent en apparence de 8,7 %, mais je vous rappelle que le décret d'avance du 2 septembre dernier a relevé de 1,8 milliard la dotation de 1998 et de 1,7 milliard celle de 1999. Dès lors, l'augmentation pour 2000 ne sera que de 2,1 %, résultant de l'évolution prévue du nombre des allocataires et du montant de l'allocation.

On compte 1 100 000 bénéficiaires du RMI. Les effectifs continuent donc de croître, alors que la situation économique s'améliore. Ceci tient à l'inertie du dispositif : il y a certes un flux d'entrées et de sorties important, mais il faut compter avec les incidences des mesures d'intéressement et de cumul mises en _uvre depuis peu. Un phénomène positif, cependant : le nombre des allocataires de moins de 29 ans diminue, pour la première fois depuis 1989. En revanche, c'est le nombre des bénéficiaires âgés de 50 à 54 ans qui augmente désormais.

Pour conclure sur le RMI, je rappellerai quelques données encourageantes, qui contredisent les critiques sommaires qu'on entend trop souvent : 33 % des allocataires sortent du dispositif après six mois, la moitié après un an et demi. Surtout, plus de 60 % des sorties s'expliquent par un retour à l'emploi.

L'effort d'insertion doit être poursuivi. La collectivité s'en donne les moyens, puisque les dépenses liées au RMI, y compris les autres aides de l'Etat et la contribution des départements, dépasseront sans doute 50 milliards.

L'évolution de l'AAH reste soutenue : la dotation atteindra 25,5 milliards en 2000, progression de 4 %, ce qui correspond à la revalorisation de l'allocation et à l'augmentation du nombre des bénéficiaires, qui s'élève aujourd'hui à 650 000. Il est à craindre que cette progression se poursuive au cours des prochaines années.

Le montant de l'AAH est de 3 540 F. Comparée à l'évolution du SMIC brut, la progression de l'AAH est indéniablement plus lente, puisqu'elle ne représente plus aujourd'hui que 51,45 % du SMIC brut, contre 54,29 % en 1980. Toutefois, compte tenu des exonérations fiscales et sociales dont bénéficient les allocataires, une comparaison par rapport au SMIC net est plus pertinente ; l'AAH représente aujourd'hui 65,13 % du SMIC net contre 62,26 % en 1980.

Cette allocation n'est qu'une des nombreuses interventions du budget de la solidarité en faveur des personnes handicapées. L'effort total du ministère atteint 34,6 milliards et celui de l'Etat, 40,7 milliards. Si on ajoute l'effort des départements et des différentes branches de la Sécurité sociale, la solidarité nationale consacre donc, toutes institutions publiques confondues, plus de 80 milliards aux handicapés.

Force est pourtant de constater que de nombreux besoins restent à satisfaire. Le problème est particulièrement douloureux pour les 14 000 autistes qui, en 1997, restaient à la charge de leur famille. Au cours d'une mission en Haute-Garonne, j'ai pu constater que les établissements avaient les plus grandes difficultés à faire face au surcoût, de l'ordre de 20 %, lié à l'hébergement de ces personnes qui ont besoin d'un encadrement plus important.

Il est urgent de réviser la loi du 30 juin 1975 relative aux institutions sociales et médico-sociales. Je me félicite donc que notre collègue Pascal Terrasse ait été chargé d'une mission sur ce point. J'estime qu'il conviendra de trouver, dans ce cadre, un équilibre satisfaisant entre le contrôle exercé par la tutelle, garantie indispensable du bon emploi des fonds publics, et la responsabilisation des établissements. Dans cet esprit, la contractualisation des relations entre les associations et les financeurs publics constitue une piste intéressante, à l'image de celle qui a été suivie pour réformer le secteur sanitaire.

Par ailleurs, la coordination entre les services déconcentrés des affaires sociales et les agences régionales de l'hospitalisation devra être améliorée dans le secteur médico-social. Il suffit de penser aux excédents actuels en psychiatrie, alors qu'il existe des besoins immenses dans les MAS. Enfin, il conviendra que la loi fixe des impératifs de qualité, afin d'aboutir, comme dans le secteur sanitaire, à des normes qui serviront à mettre au point une procédure d'accréditation.

L'allocation de parent isolé n'est inscrite au budget des affaires sociales que depuis cette année. La charge pour l'Etat progressera de 3,1 % en 2000.

S'agissant de la CMU, hormis l'inscription de la contribution de l'Etat au fonds de financement de la protection complémentaire, une autre conséquence pour le budget de la solidarité est la diminution des crédits de l'aide médicale. Comme l'Etat n'interviendra plus désormais qu'au titre des étrangers en situation irrégulière et des personnes soignées sur notre territoire pour des motifs humanitaires, la dotation est réduite à 495 millions, dont 95 millions pour rattraper les arriérés de remboursement.

Les interventions habituelles en faveur des politiques sociales sont poursuivies. D'abord, l'effort se poursuit en matière de créations de places, qu'il s'agisse des CHRS, avec à nouveau 500 places, des centres pour les réfugiés, avec 120 places, ou des CAT, avec 2 000 places.

Ensuite, les crédits d'aide sociale de l'Etat sont maintenus aux montants de 1998 et de 1999, supérieurs aux besoins effectifs, ce qui permettra de résorber les retards de paiement. Les crédits de l'intégration demeureront également à leur niveau de 1998 et de 1999.

Par ailleurs, les crédits en faveur des droits des femmes augmentent de 23,9 % après une progression de 11,5 % en 1999. Les 20,3 millions de francs de moyens nouveaux seront consacrés à des actions très diverses.

Enfin, deux chapitres continuent d'avoir des évolutions quelque peu atypiques.

Il s'agit, d'une part, des crédits destinés aux objecteurs de conscience qui, pour la première fois depuis 1996, ne diminuent pas en loi de finances initiale. Grâce aux montants apportés par le décret d'avance du 2 septembre, l'Etat pourra donc continuer à rattraper son retard dans les versements aux organismes d'accueil. Il s'agit, d'autre part, des crédits consacrés à la formation des travailleurs sociaux, dont la baisse ne laisse pas de surprendre.

Certes, en augmentant de 10 % les effectifs fournis, le Gouvernement respecte les engagements pris dans le cadre du programme de lutte contre les exclusions et certes, une partie de cette baisse s'explique par la récente réforme de la formation des travailleuses familiales. Mais il n'est pas normal que les bourses d'Etat en travail social, dont les modalités d'attribution diffèrent de celles en vigueur dans l'enseignement supérieur, soient soumises à un quota national, qui n'a pas augmenté depuis dix ans. Comme il est ensuite réparti entre les régions, le fait de remplir les conditions nécessaires à l'octroi d'une bourse n'entraîne pas le versement de l'aide dans les régions dont le quota est saturé. Faute de progression du quota national et afin de remédier à ces injustices, les DRASS sont contraintes, sur instruction ministérielle, de recourir à des bourses à mi-taux. J'espère donc que le quota de bourses à taux plein sera enfin augmenté pour la prochaine rentrée.

En conclusion, je dirai que le budget de la solidarité, si remarquable que soit sa progression, ne pourra apporter qu'une réponse partielle aux problèmes posés. Mais certains des textes adoptés depuis 1997 contribuent aussi à faire reculer le chômage et l'exclusion, qu'il s'agisse des emplois-jeunes ou de la réduction du temps de travail. Surtout, ce budget vient à l'appui de deux textes législatifs essentiels, adoptés par la nouvelle majorité : la loi d'orientation sur l'exclusion et celle instituant la couverture maladie universelle.

Dans ces conditions, la commission des finances a adopté les crédits des affaires sociales et invite l'Assemblée à en faire autant (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

M. Francis Hammel, rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles, pour l'action sociale - En passant de 80,18 milliards à 90,8 le budget de l'action sociale augmente de 13,3 %. L'ampleur de cette progression illustre donc la priorité donnée par le Gouvernement à la lutte contre les exclusions et à la solidarité envers les populations les plus fragiles.

Certes, cette progression s'explique largement par l'inscription, pour la première année, de la contribution de l'Etat au fonds de financement de la protection complémentaire de la couverture maladie universelle, contribution qui consiste pour une grande part en un transfert de moyens au sein du budget général. L'apport net de l'Etat n'en demeure pas moins important puisqu'il se situe à hauteur de 1,4 milliard. Et qui peut légitimement contester aujourd'hui que la mise en _uvre de la CMU constitue un progrès social majeur ?

S'agissant de la lutte contre les exclusions, les engagements pris lors du vote de la loi du 29 juillet 1998 sont honorés et les mesures nouvelles suivantes sont inscrites au budget : 220 millions supplémentaires pour l'accompagnement social individualisé, l'hébergement d'urgence et les fonds d'aide aux jeunes ; 73,4 millions supplémentaires pour le financement des centres d'hébergement et de réinsertion sociale, dont 42 millions pour la création de 500 places nouvelles, ce qui porte le budget des CHRS à 2,564 milliards ; 20,4 millions supplémentaires pour accroître la capacité d'accueil des centres de formation des travailleurs sociaux.

Ces moyens nouveaux garantissent une amélioration du sort des plus démunis et ne peuvent donc que nous satisfaire. Mais je voudrais dire un mot sur le fonds d'aide aux jeunes, et plus généralement sur l'insertion. Certes, grâce aux emplois-jeunes, aux contrats de travail en alternance et à la montée en puissance du dispositif TRACE, le nombre de jeunes au chômage diminue. Mais une frange encore importante de jeunes reste dans une situation sociale souvent dramatique. Sans s'inscrire dans la perspective du SMIC jeune, il me semble toutefois nécessaire de trouver une solution pour ces jeunes en détresse.

Permettez-moi aussi une remarque sur les CHRS. Conçus à l'origine pour des personnes seules, ces centres accueillent de plus en plus souvent des familles, ce qui renvoie aux insuffisances du logement social et très social et renforce notre conviction de la nécessité d'une action de fond dans ce domaine.

Les crédits du RMI augmentent fortement par rapport à 1999 puisqu'ils passent de 26,4 milliards à 28,7, soit une progression de 8,7 %.

Toutefois, cette progression s'explique en partie par la revalorisation de 3 % du montant intervenue le 1er janvier 1999 et par l'effet des cumuls autorisés par la loi sur l'exclusion.

Le nombre total de bénéficiaires du RMI s'établit pour 1998 à 1 112 108 contre 1 067 901 en 1997, soit une progression de 4,1 %. La tendance au ralentissement, amorcée depuis 1996, se confirme donc.

L'amélioration de la conjoncture a produit des effets visibles sur le nombre d'entrées au RMI, qui est en baisse pour la première fois depuis quatre ans. Cette amélioration a bénéficié en premier lieu aux plus jeunes, dont le nombre, en effet, diminue pour la première fois depuis 1989. Espérons que cette évolution se poursuivra.

Les crédits destinés à l'allocation adultes handicapés et à son complément s'élèvent pour l'année 2000 à 25,5 milliards conte 24,6 milliards en 1999, soit une progression de 3 %, qui résulte notamment de la revalorisation de l'allocation de 2 % opérée au 1er janvier 1999. Mais j'appelle votre attention, Madame la ministre, sur le fait que le montant de l'AAH et de son complément est réduit en cas d'hospitalisation, d'hébergement en MAS ou en cas d'incarcération. Ainsi, en cas d'hospitalisation de plus de 60 jours, la réduction applicable à l'allocataire célibataire, veuf ou divorcé est de 35 %, le minimum disponible garanti après paiement du forfait journalier est égal à 17 % du montant de l'allocation. C'est peu dans la mesure où les dépenses liées au logement et les autres frais de la personne hospitalisée continuent à courir. Celle-ci assume finalement deux fois le coût de son hébergement.

J'en viens à une population qui appelle solidarité et mobilisation de tous les partenaires, Etat, caisses de sécurité sociale et collectivités territoriales, je veux parler des handicapés. Les crédits d'Etat qui leur sont consacrés s'élèvent en 2000 à 32,946 milliards, soit une augmentation par rapport à 1999 de 1,272 milliard qui va permettre entre autres de poursuivre le plan pluriannuel de création de places nouvelles dans les établissements spécialisés -2000 en CAT et 500 en ateliers protégés. A quoi s'ajoutent les crédits inscrits dans l'ONDAM qui, eu aussi, progressent de manière significative et qui permettront de financer 1 100 places en maison d'accueil spécialisé et en foyer. 190 millions de francs seront affectés au profit des autistes, des traumatisés crâniens et des enfants lourdement handicapés ainsi qu'à la création de nouveaux CAMSP et SESSAD.

Malgré la création de toutes ces places, la demande de placement en établissement spécialisé reste supérieure à l'offre. L'allongement de la durée de vie des personnes handicapées est l'un des facteurs qui expliquent cette situation.

Un des principaux indicateurs de l'inadéquation de l'offre et de la demande, que le plan pluriannuel vise à résorber, est le nombre important de jeunes adultes maintenus dans les IME au titre de l'amendement Creton. Certes, l'admission en établissement est un choix qui doit être proposé aux personnes handicapées et elle est indispensable pour les plus lourdement handicapées d'entre elles. Cependant, la demande est entretenue par l'insuffisance d'alternatives. Celles-ci doivent parallèlement être développées.

Je sais que vous y travaillez, et je salue votre détermination à promouvoir l'intégration des personnes handicapées, à tous les âges et dans toutes les situations, mais le chemin à parcourir est encore long. Je pense notamment à la nécessaire clarification du financement des foyers à double tarification, ainsi qu'à la rénovation des COTOREP. J'estime également que la loi de 1975 n'est plus adaptée, qu'elle peut même constituer, dans certains cas, un obstacle à l'innovation, et qu'une révision s'impose, notamment pour améliorer la continuité entre travail en milieu protégé et en milieu ordinaire. Quant à la loi du 10 juillet 1987, elle ne se traduit qu'imparfaitement dans les faits, et l'objectif d'intégration professionnelle de 6 % est loin d'être atteint.

Par ailleurs, seul le tiers des enfants et adolescents handicapés sont scolarisés dans des établissements ordinaires, alors même que cela accroîtrait fortement leurs chances d'insertion sociale et professionnelle, et aiderait leurs camarades à apprendre à respecter la différence. Je souhaite que les vingt mesures arrêtées en faveur de l'intégration scolaire des enfants et adolescents handicapés entrent en application le plus rapidement possible.

L'adaptation des structures d'hébergement au vieillissement des handicapés, mentaux en particulier, a été étudiée par le Conseil économique et social, qui préconise le développement de structures telles que des centres d'accueil de jour ou des chambres temporaires. Pour répondre à la demande croissante d'autonomie et de maintien à domicile, une expérimentation a été lancée sur quatre sites-pilotes, sera étendue à onze autres l'an prochain et devra être généralisée ensuite.

Je partage, Madame la Secrétaire d'Etat, votre détermination à mener une politique cohérente, globale et de longue haleine, et je recommande à l'Assemblée d'adopter votre budget, auquel la commission des affaires culturelles, familiales et sociales a donné un avis favorable (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

M. Gilbert Mitterrand, rapporteur spécial de la commission des finances, pour la santé - Je tiens à vous dire, Madame la Secrétaire d'Etat, le plaisir que j'ai à rapporter devant vous ce budget que nous partageons pour la première fois, du moins à ces places respectives, et je salue également l'action de votre prédécesseur, que nos pensées accompagnent dans la difficile mission qui lui a été confiée.

Le budget de la santé, comme son nom ne l'indique pas, ne recense pas l'ensemble des 750 milliards consacrés à la santé : c'est l'objet de la loi de financement de la Sécurité sociale, dont l'Assemblée a récemment débattu. Il indique, en revanche, les priorités de santé publique et de sécurité sanitaire, et finance les outils qui leur sont nécessaires. Il ne se substitue pas au budget de la CNAM, ni ne le supplée, mais il lui est indispensable.

Sur un plan strictement comptable, il s'élève à 9,5 milliards de francs, soit une augmentation de 4,8 % par rapport à l'an dernier, de cinq fois supérieure à celle du budget général de l'Etat. Cette progression vaut aussi bien pour l'agrégat «administration générale» que pour les agrégats «politique de santé publique et offre de soins». Dans la précédente loi de finances, l'augmentation du budget de la santé avait été de 3 %, c'est-à-dire de 4,5 % à structure constante, les CHAA ayant été transférés à l'assurance maladie. De même, cette année, la hausse apparente de 4,8 % cache une progression de 7 %, compte tenu du transfert du sevrage des toxicomanes et des centres de dépistage anonyme et gratuit ; quant aux agrégats «politique de santé publique et offre de soins», ils augmentent en fait de 9 %. D'aucuns diront que c'est encore trop peu, mais sans doute disent-ils la même chose de tous les budgets ; ce sont souvent les mêmes qui plaident par ailleurs pour que les dépenses publiques diminuent...

Mme Christine Boutin - Mais non !

M. Gilbert Mitterrand, rapporteur spécial - Cela peut arriver... (Sourires)

Reste que l'augmentation de crédits n'est pas une fin en soi : un bon budget se juge aussi à l'usage qui en est fait. Chaque année, il est de bon ton de déplorer que le préventif soit sacrifié au curatif et l'investissement au fonctionnement, qu'il n'y ait ni priorités, ni coordination, ni lisibilité ni moyens ni, partant, santé publique, mais il devient chaque année plus difficile de le prétendre, à mesure que se poursuit l'effort de clarification entrepris depuis trois ans.

La priorité accordée aux outils de veille et de contrôle sanitaire apparaît ainsi de plus en plus clairement : 109 millions sont alloués à l'AFSSAPS, à l'AFSSA et à l'IVS, et 48 millions supplémentaires aux organismes préexistants à ces agences nouvelles - OPRI, ANAES, Etablissement français des greffes. Cet effort est à poursuivre jusqu'à ce que soit atteint le niveau minimum indispensable à l'accomplissement des missions de ces établissements.

La lutte contre les toxicomanies, les pratiques addictives, les maladies infectieuses et l'hépatite C bénéficie de moyens nouveaux du même ordre : 149 millions, portant le total des crédits à 1,278 milliard. Une inflexion forte est donnée en faveur de la recherche, de la connaissance des produits et surtout des comportements, de l'éducation, de l'information, de la coordination des acteurs à tous les niveaux. Des inquiétudes se font jour, toutefois, quant au retard pris par la constitution des groupes de travail multipartites : comment conjuguer les efforts de tous, comment dissiper les suspicions réciproques, s'il n'y a pas au moins la recherche d'un vocabulaire commun, si l'on continue, comme le fait souvent la presse, de désigner du mot «drogue» des phénomènes qui n'ont pas grand-chose à voir les uns avec les autres ?

Treize millions de mesures nouvelles sont prévus pour la prévention des risques liés à l'amiante, le dépistage du saturnisme et le contrôle sanitaire des eaux. Le programme national de dépistage systématique du cancer du sein bénéficiera de 16 millions. Un crédit supplémentaire de 0,5 million doublera les moyens accordés pour la prévention du suicide.

La dotation des observatoires régionaux de la santé progresse de 2 millions tandis que les politiques régionales de santé bénéficieront, elles, de 3,2 millions supplémentaires.

On le voit, priorité est donnée à la prévention et à la dimension régionale de la politique de santé publique.

Si les crédits de fonctionnement des services centraux des administrations sanitaires et sociales demeurent stables, ceux des DDASS augmentent de 8,4 millions et ceux des DRASS de 3,5 millions. Les autorisations de programme et les crédits de paiement pour les services centraux seront respectivement multipliés par cinq et par deux. Ceux qui critiquaient l'an passé la hausse des dépenses de fonctionnement au détriment des investissements devraient donc être satisfaits cette année. Les autorisations de programme des services déconcentrés diminuent toutefois de manière significative, après une année, il est vrai, exceptionnelle, leurs crédits de paiement progressant, eux, de 7 millions.

Pour la troisième année consécutive, les effectifs augmentent avec la création nette de 102 emplois. 550 emplois seront par ailleurs transformés et le plan de résorption de l'emploi précaire se poursuivra.

Madame la secrétaire d'Etat, si nous ne pouvons qu'être très satisfaits d'un budget qui réaffirme les priorités, recentre les efforts et renforce les moyens humains, quelques préoccupations demeurent.

Tout d'abord, au sujet du Fonds d'investissement pour la modernisation des hôpitaux, dont les crédits ne sont pas consommés au rythme où ils devraient l'être. La Cour des comptes s'est inquiétée de la situation et le projet de budget pour 2000 comporte 200 millions d'autorisations de programme et 265 millions de crédits de paiement pour combler le retard pris. Mais cela sera-t-il possible ? Si oui, à quelles conditions ? Les crédits du Fonds d'action sociale des hôpitaux, quant à eux, semblent n'avoir fait l'objet d'aucune demande d'utilisation. Si tel est bien le cas, l'adaptation du système hospitalier ne pourrait qu'en pâtir.

Autre sujet de préoccupation : l'Agence nationale d'accréditation et d'évaluation en santé, l'ANAES -même si ni les crédits de l'Etat ni ceux de l'assurance maladie ne sont en cause. Où en sont les procédures d'accréditation ? Le collège d'accréditation est-il opérationnel ? Les recrutements autorisés ont-ils été effectués ? Le calendrier pourra-t-il être tenu ?

Ces quelques incertitudes ne sauraient masquer les avancées majeures détaillées dans mon rapport, que comporte ce projet de budget. Il répond aux préoccupations européennes et ouvre des perspectives de nature à répondre aux attentes de l'opinion. Pour toutes ces raisons, je vous invite, au nom de la commission des finances, à le voter (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

M. Jean-Pierre Foucher, rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales, pour la santé - Le budget de la santé pour 2000 ne s'établit qu'à 4 milliards, ce qui est fort modeste, malgré une progression de 4,9 % par rapport à 1999. Il est vrai que le financement de la santé relève maintenant, pour la plus grande part, de la loi de financement de la Sécurité sociale. Alors que la santé devrait être un objectif prioritaire du Gouvernement, seuls, ou presque, les crédits des agences augmentent. Les programmes de lutte contre les fléaux classiques sont à la portion congrue, alors que l'exclusion renforce les effets de ces fléaux.

Je m'attacherai à l'étude des moyens consacrés à la sécurité sanitaire et au renforcement des politiques de santé. Votre principale priorité, Madame la ministre, concerne la sécurité sanitaire. Enfin ! dirai-je, car la loi relative au renforcement de la veille sanitaire et au contrôle de la sécurité sanitaire des produits destinés à l'homme a été publiée le 1er juillet 1998, mais les décrets d'application ne sont parus qu'en mars et avril 1999. Un effort budgétaire est fait en 2000 pour permettre aux trois nouveaux organismes de veille de fonctionner. On peut donc espérer une avancée notable après le retard pris depuis la publication de la loi.

L`agence française de sécurité sanitaire des produits de santé, née de la transformation de l'agence du médicament, a vu ses missions élargies. Elles s'étendent maintenant à tous les produits de santé : médicaments, dispositifs médicaux, cosmétiques, etc. Une dotation supplémentaire de 55,4 millions devrait lui permettre de gérer efficacement les 722 emplois dont elle a induit la création.

L'agence française de sécurité sanitaire des aliments assume désormais les anciennes missions de l'agence du médicament vétérinaire et du centre national des études vétérinaires et alimentaires. Elle a aussi reçu une mission supplémentaire d'expertise des risques sanitaires et nutritionnels de tous les aliments, depuis la production jusqu'à la distribution. Ce vaste programme est conduit sous la tutelle de trois ministères et le budget de la santé y contribue pour 2000 à hauteur de 22,8 millions. On attend avec impatience que l'Agence dispose de tous ses moyens d'autant que tout récemment encore des problèmes sanitaires se sont posés pour le secteur alimentaire, avec par exemple la viande bovine d'origine britannique.

Enfin, l'institut de veille sanitaire, qui a remplacé le réseau national de santé publique et en assume les missions de surveillance, d'observation, d'alerte et d'animation, voit ses crédits progresser de 61,6 % par rapport à 1999, pour s'établir à 101,1 millions. Ainsi doté pour assumer les 115 emplois qu'il propose, l'Institut pourra continuer à recruter des agents de l'ancien Réseau national et accueillir des personnels du Centre européen pour la surveillance épidémiologique du sida.

L'office de protection contre les rayons ionisants, quant à lui, bénéficie pour 2000 d'une subvention «travail» de 25,3 millions et d'une subvention «santé» de 84,6 millions. Cette dotation, qui progresse de 52,5 %, devrait lui permettre de remplir son rôle. Le budget de l'établissement français des greffes n'augmente, pour sa part, que de 9,9 %, celui de l'agence française du sang stagne à un peu plus de 26 millions ; celui de l'ANAES progresse de 43,3 %.

Les interventions de l'Etat en matière de santé publique visent tout d'abord à lutter contre les fléaux sanitaires, en privilégiant la prévention, la veille et l'alerte. Les programmes des politiques régionales de santé ont été abondés de 3,2 millions et de nombreux regroupements et transferts de crédits ont eu lieu. Une action particulière est prévue pour la prévention du suicide. 12 millions seront consacrés à la gestion des risques liés à l'amiante et 1,4 million au contrôle sanitaire des eaux. Les crédits concernant le sida et les maladies transmissibles n'augmentent que faiblement, mais il est vrai que la plupart des actions sont transférées à l'assurance maladie. C'est le cas des dépenses de dépistage anonyme et gratuit du sida et des moyens alloués aux centres de planification et d'éducation familiale. Enfin, pour la lutte contre les pratiques addictives, les crédits augmentent de 6,3 %, dont 2 millions pour la formation au sevrage tabagique et 5 millions pour la prévention de l'alcoolisme. La mission interministérielle de lutte contre la drogue et la toxicomanie reçoit une subvention nouvelle d'un montant de 81,6 millions.

Deuxième axe d'intervention de l'Etat : l'organisation du système de soins. En diminution de 4,6 %, les crédits bénéficient en priorité aux ARH qui financent les schémas régionaux d'organisation sanitaire de deuxième génération. Ces crédits seront doublés. Les autorisations de programme augmentent également et un effort louable est fait pour faire progresser les crédits de paiement. Mais le problème des restructurations hospitalières demeure entier et mériterait qu'une étude de fond soit engagée rapidement.

Le président de la commission des affaires sociales a souhaité que je m'attache à un sujet particulier, je le remercie de cette initiative. J'ai donc décidé d'étudier la situation de l'agence nationale d'accréditation et d'évaluation en santé, l'ANAES.

La mise en place par l'ordonnance du 24 avril 1996 de cet établissement public à caractère administratif, placé sous la tutelle du ministère de la santé, a malheureusement pris beaucoup de retard. Or les 3 700 établissements hospitaliers doivent être accrédités avant avril 2001 et, pour l'instant, seuls 40 ont été expertisés.

Deux problèmes expliquent en partie ce retard. Tout d'abord, alors que l'ANAES a remplacé l'ANDEM, ses missions d'évaluation ont été beaucoup élargies par rapport à cet organisme. D'autre part, sans doute n'a-t-on pas, de part et d'autre, mesuré le temps nécessaire à l'expertise de chaque établissement hospitalier.

L'ANDEM avait permis au monde médical de se familiariser de 1990 à 1997 avec la pratique de l'évaluation, jusqu'ici inconnue en France. Si le sillon était tracé, il n'a pu être approfondi par l'Agence faute de temps. L'ANAES doit en effet rendre un avis sur la liste des actes professionnels, ainsi que sur les prestations et les fournitures prises en charge ou donnant lieu à remboursement, à l'exclusion des médicaments. Ce champ trop vaste l'a empêchée de remplir certaines de ses missions concernant notamment les actes et produits de santé. Sans doute faudrait-il clarifier son rôle dans l'évaluation pour lui permettre d'agir plus efficacement.

L'accréditation, quant à elle, est une idée assez neuve en France, alors qu'elle est pratiquée depuis longtemps par les pays anglo-saxons. On peut la définir comme une procédure externe à l'établissement de santé, effectuée par des professionnels, indépendante de l'établissement et de ses organismes de tutelle et évaluant l'ensemble du fonctionnement et des pratiques de l'établissement. Son lent démarrage est dû au fait que l'arrêté de nomination des membres du collège d'accréditation n'a paru au Journal officiel qu'à la fin d'octobre 1999. Heureusement, le recrutement des experts a démarré l'année dernière. Sur un effectif prévu de 800, seulement 150 ont pu être recrutés, pour des raisons de disponibilité notamment. Et encore faudra-t-il, après les avoir recrutés, les former. Par ailleurs, la rédaction du manuel d'accréditation a, à elle seule, mobilisé l'Agence pendant près d'une année.

Les recettes de l'ANAES proviennent pour deux tiers d'une dotation de la CNAMTS et pour un tiers d'une subvention de l'Etat. Cet organisme a commencé à fonctionner officiellement le 1er mai 1997 avec au départ plus de 86 millions de francs pour huit mois. Mais, compte tenu du retard avec lequel l'Agence s'est installée et de la sous-consommation des crédits, les versements ont été minorés en 1999. L'ANAES devant maintenant monter en puissance, le budget de la santé l'abonde de 53,5 millions. Au cours de l'année qui vient, l'idée d'une participation financière des établissements sera étudiée.

Etant donné le retard pris, on peut se demander comment l'ANAES réussira à tenir son objectif qui est de procéder à 200 accréditations au cours du dernier trimestre 1999. La procédure exige plusieurs mois car il faut l'avis du collège d'accréditation qui comporte quatre niveaux, puis l'avis de l'ARH, qui tire les conséquences budgétaires de cette accréditation. Nous ne doutons pas du sérieux de la procédure mais de la possibilité matérielle de réaliser dans les temps les objectifs annoncés. Lors de sa création, l'ANAES avait pour missions principales l'évaluation, l'accréditation et la mise au point des références médicales opposables, les RMO. La loi de financement de la Sécurité sociale y a ajouté l'évaluation des pratiques professionnelles en milieu libéral.

Il faut donc faire un choix dans les priorités, faute de quoi l'ANAES ne pourra répondre à la demande. Par exemple, au printemps 1999, la CNAMTS lui a demandé d'examiner 7 500 actes dans le cadre de la révision de la nomenclature ! Les RMO ont posé un problème identique.

L'ANAES doit assumer des missions sans doute trop larges dans des délais trop réduits, sous la tutelle de deux organismes dont les intérêts peuvent diverger, le ministère de la santé et la CNAMTS, et avec des partenaires très divers.

L'accréditation, idée neuve mais bien perçue en général par les établissements expertisés, est un instrument précieux de la rationalisation des dépenses de soins. Un choix plus clair dans le calendrier des travaux et un allongement des délais impartis devraient lui permettre de se développer.

Sur l'ensemble du budget de la santé, votre rapporteur pour avis a émis un avis réservé, compte tenu de la part réduite des programmes d'action de lutte contre les fléaux ; néanmoins, la commission des affaires culturelles, familiales et sociales a émis un avis favorable (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF et du groupe du RPR).

M. Francis Delattre, rapporteur spécial de la commission des finances, pour les rapatriés - Le montant global des crédits pour les rapatriés, répartis sur sept fascicules budgétaires, n'est pas facile à identifier. On constate cependant qu'il baisse de 17 %, ce qui est normal car les lois d'indemnisation de 1987 et 1994 ont maintenant produit la plupart de leurs effets.

Les crédits d'intervention passent de 135 à 100 millions de francs mais, compte tenu de leur consommation, cette baisse ne semble pas un problème.

Je salue l'action importante du délégué aux rapatriés, qui a réglé de façon satisfaisante un certain nombre de problèmes qui traînaient depuis des années.

C'est le cas de l'endettement des rapatriés non salariés, qui avaient des difficultés d'accès à la SORAVIE. Ce point a été réglé, de même qu'ont été levés les obstacles rencontrés au niveau des CODAIR. Il restait 400 dossiers d'indemnisation importants et compliqués, ce qui a justifié la mise en place d'une commission nationale pour ces cas. En outre les délais ont été assouplis, ce qui a ouvert de nouveaux droits : actuellement 1 800 dossiers restent pendants.

La levée de la forclusion pour l'accès aux allocations spéciales complétant la retraite des rapatriés a concerné 2 436 dossiers. C'était, là encore, une revendication ancienne.

En ce qui concerne les Harkis, en revanche, le bât blesse encore. Vous avez eu raison, Madame la ministre, de prolonger d'une année les mesures prises en 1994 en leur faveur.

Mais plusieurs problèmes restent à régler. La question du logement nécessite une intervention du législateur.

Pour faciliter l'accès à l'emploi des fils et petits-fils de Harkis, il avait été décidé de créer des cellules spéciales dans les préfectures. Mais sur la vingtaine qui se sont créées, seule une dizaine fonctionnent, et c'est regrettable.

Pour régler le problème des retraites des Harkis, on s'achemine vers la mise en place d'une rente viagère, ce qui serait une bonne chose. Mais les associations de Harkis insistent pour qu'elle ne soit pas soumise à condition de ressources ; ils estiment que cette retraite est un droit, comme pour les autres anciens combattants, et cette revendication paraît légitime («Très bien !» sur les bancs du groupe du RPR et du groupe UDF).

Autre difficulté qui concerne, elle, l'ensemble des rapatriés, la reconstitution des carrières pour le calcul de la retraite. Les crédits sont suffisants mais les caisses refusent souvent de valider les attestations sur l'honneur, pourtant prévues par la loi. Les médecins se heurtent à des difficultés particulières pour faire reconnaître leurs périodes d'exercice en Algérie, alors qu'ils étaient déjà conventionnés. L'an dernier, M. Bernard Kouchner avait promis de mettre fin à cette injustice, qui touche 200 médecins, mais la CARMF continue à faire des difficultés, bien qu'elle ait été condamnée par la cour d'appel d'Aix-en-Provence.

J'ai déposé deux amendements concernant deux autres problèmes.

La loi de 1987 avait prévu une dépense d'indemnisation de 30 milliards. Aujourd'hui 28 milliards ont été dépensés. Mais il reste des situations choquantes. Les lois d'indemnisation de 1970 et de 1987 et la loi de finances rectificative de 1986 ont prévu des traitements différents selon la date d'indemnisation. Ainsi l'article 46 de la loi de 1970 prévoit le remboursement des dettes sur l'indemnisation accordée, alors que la loi du 31 décembre 1986, qui concerne une autre catégorie, éteint purement et simplement les dettes fiscales. Les rapatriés souhaitent que tout le monde soit traité de la même façon. Ils demandent à bénéficier, comme certains, d'abandons de créance, l'Etat compensant le manque à gagner du prêteur. Toutes ces mesures représentent 1,8 milliard et permettraient de régler le problème.

Il n'est pas très glorieux que, trente-sept ans après, nous en soyons encore à discuter de l'indemnisation. Les rapatriés ont touché environ 50 milliards ; or le coût actualisé de leur spoliation atteint 100 milliards. Ils ont porté ce dossier devant la Cour de justice européenne.

Je profite de la présence d'un député de Marseille pour évoquer le mémorial. Il fait l'objet depuis des années de l'inscription au budget de 50 millions ; je souhaite qu'il trouve enfin en 2000 un lieu d'implantation. Il semble que ce soit le cas.

M. Guy Teissier - Oui, à Euro-Méditerranée.

M. Francis Delattre, rapporteur spécial - En conclusion, il n'y a pas de problèmes strictement budgétaires, mais il reste des problèmes d'application des textes. Je rends hommage à la délégation aux rapatriés ; le délégué fait tout ce qu'il peut mais il a bien des difficultés dans les réunions interministérielles, notamment pour parvenir à régler les problèmes fiscaux. C'est néanmoins bien volontiers que, dans un souci _cuménique, j'émets un avis favorable à l'adoption des crédits (Applaudissements sur divers bancs).

M. Bernard Perrut - Le budget que nous examinons paraît bien dérisoire au regard des enjeux de la santé et de la solidarité et en comparaison des quelque 1 850 milliards du projet de loi de financement de la Sécurité sociale. En outre, compte tenu des financements croisés entre l'Etat et la Sécurité sociale, il serait intéressant d'avoir une présentation consolidée des comptes.

Le budget de la solidarité n'est lui-même pas très lisible, du fait de la mise en place de la CMU. J'aimerais savoir si la circulaire générale d'application et les décrets-cadres sont prêts. Avez-vous réévalué le nombre des bénéficiaires potentiels, sur lequel beaucoup ont un doute, comme sur le coût prévisionnel ? La CMU peut, en raison des effets de seuil, créer de nouvelles inégalités : les bénéficiaires pourront jouir d'une gratuité illimitée, dont des assurés qui cotisent seront exclus.

Le RMI va entrer dans sa onzième année de fonctionnement, avec plus d'un million d'allocataires. Il ne doit pas être, en cette période de croissance, un mode de subsistance durable, mais une étape sur le chemin de l'emploi. Trop souvent, ce qui pourrait être considéré comme une avancée sociale tourne à l'échec...

Les efforts faits en direction des plus démunis et des sans-abri à travers les centres d'hébergement et de réadaptation sociale sont encore insuffisants. Le Dr Emmanuelli, président du SAMU social de Paris, a été conduit à mettre en place le réseau national «souffrance psychique et précarité» ; il nous faut l'aider.

S'agissant de l'accès à l'emploi, le dispositif TRACE en faveur des jeunes connaît un grand retard d'application, les moyens n'étant pas à la hauteur de ce qui avait été annoncé. Il convient, par ailleurs, de simplifier les procédures administratives.

L'insertion concerne aussi les handicapés, dont vous connaissez les difficultés et les attentes. La révision de la loi de 1975, promise en 1997, a été encore repoussée. Vous avez donné la priorité , Madame la ministre, au Pacs et aux 35 heures...

Mme Dominique Gillot, secrétaire d'Etat à la santé et à l'action sociale - Mauvaise foi !

M. Bernard Perrut - Votre volonté de créer des places en établissements spécialisés mérite d'être soulignée, mais la participation de l'Etat au financement des investissements reste largement insuffisante.

J'insiste sur la nécessité de développer le maintien à domicile, qui suppose un appel à des auxiliaires de vie et aux services de soins à domicile.

M. Francis Hammel, rapporteur pour avis - C'est ce qu'on fait !

M. Bernard Perrut - Le vieillissement des handicapés rend également nécessaire l'adaptation des structures d'hébergement.

Par ailleurs, Madame la ministre, que pensez-vous faire pour les plus de 60 ans qui perdent les droits attachés au statut de la personne handicapée ? Quelles sont vos intentions concernant le maintien de l'AAH en cas d'hospitalisation ? Quid de la prise en charge de l'assurance vieillesse du conjoint de handicapé qui est tierce personne ? Comment comptez-vous mettre fin à la lenteur des COTOREP ? Quid de la prise en charge des affections de longue durée et de l'amélioration du remboursement du matériel médical, notamment des fauteurs roulants ?

Chacun sait combien la scolarisation des enfants et adolescents handicapés est difficile. Il convient de développer les dispositifs d'intégration. Les besoins sont immenses, mais les mesures que vous avez déjà prises sont encore insuffisantes.

M. Francis Hammel, rapporteur pour avis - Mais elles sont là !

M. Bernard Perrut - Dans le département du Rhône, 744 enfants attendaient à la rentrée de pouvoir être scolarisés.

S'agissant de la santé, nous sommes incontestablement médiocres en matière de prévention et d'éducation à la santé. L'Etat, les départements, les communes y participent mais nous n'avons ni politique coordonnée ni plan pluriannuel.

Une véritable politique de prévention passe par une réforme de la médecine du travail et de la médecine scolaire.

La lutte contre la toxicomanie, le tabagisme et l'alcoolisme est essentielle. Cependant je ne suis pas convaincu, concernant le tabac, que la limitation de la vente aux mineurs soit efficace car elle risque d'avoir des effets pervers. C'est plutôt sur les jeunes de 18 à 25 ans qu'il faut porter les efforts.

Mme la Secrétaire d'Etat - Ils sont déjà fumeurs...

M. Bernard Perrut - Le professeur Tubiana a lui-même indiqué qu'il fallait passer des mesures symboliques à une politique cohérente et ambitieuse.

La MILT entretient un amalgame entre des produits dont la dangerosité n'est pas comparable, en assimilant alcool et drogue. En outre, il faut faire une distinction concernant l'alcool et les vins, entre l'usage, l'usage nocif et la dépendance.

M. le Secrétaire d'Etat - C'est ce que nous faisons.

M. Bernard Perrut - D'où l'intérêt de la prévention et de l'éducation à l'école ; j'avais moi-même déposé, il y a quelques mois, une proposition de loi pour la mise en place d'un enseignement général relatif à l'éducation sanitaire et alimentaire.

Quelques mots, enfin, sur les soins palliatifs. Quelle place tiennent-ils dans les SROS qui ont été élaborés ? Avez-vous pris des mesures concernant la formation des personnels médicaux, sur lesquelles M. Bernard Kouchner s'était engagé ? Par ailleurs, quelles mesures avez-vous prises pour faciliter l'hospitalisation à domicile ?

En ce qui concerne les personnes âgées, où en est-on de la réforme de la PSD, de l'humanisation des hospices et de l'accueil des personnes âgées dépendantes ?

Pour reprendre le mot d'Alexis Carrel, «il ne suffit pas de donner des années à la vie, il faut donner de la vie aux années». Je ne doute pas de votre volonté personnelle d'agir, Madame la ministre, mais je regrette, d'une part, que vous ne soyez pas venue devant notre commission, d'autre part, que vous passiez à côté des grandes réformes nécessaires. Sans doute faudrait-il un ministre de la santé à part entière et une grande loi-cadre sur la santé publique. Votre Gouvernement ne le souhaitant pas, le groupe DL ne pourra pas voter votre budget (Applaudissements sur les bancs du groupe DL, du groupe UDF et du groupe du RPR).

Mme Catherine Génisson - Nous examinons votre premier budget santé, Madame la ministre : bravo !

Avec près de 91 milliards, le budget santé-solidarité progresse de 13,3 %. Celui de la santé augmente de 4,9 %.

Ces chiffres traduisent nos priorités : la lutte contre les exclusions, la protection des populations les plus fragiles et la sécurité sanitaire.

Après une longue période de gel, des moyens accordés au ministère de la santé, le Gouvernement fait un effort de rattrapage, en termes d'effectifs, au sein des services centraux comme des services déconcentrés, afin de résorber l'emploi précaire. Cette volonté se manifeste par une augmentation de 5 % des crédits de rémunération et par l'ouverture des postes budgétaires correspondants.

Les agences de sécurité sanitaire se renforcent et l'actualité nous a montré à quel point elles vont être utiles. En sus de ses ressources propres, l'agence française de sécurité sanitaire des produits de santé recevra 120 millions. En outre, 62,5 millions sont affectés à l'institut de veille sanitaire et 40 millions à l'agence française de sécurité sanitaire des aliments. Les moyens des agences plus anciennes, eux aussi, progressent, s'élevant au total à 47,8 millions.

Toutes ces agences sont déjà au travail et elles ont prouvé leur efficacité. Nous connaissons votre détermination à renforcer leur rôle.

La lutte contre les pratiques addictives est renforcée. Son organisation est rationalisée dans le chapitre 47-15 et des moyens nouveaux sont dégagés : 7 millions pour la lutte contre le tabagisme, autant pour la formation au sevrage tabagique et pour la prévention de l'alcoolisme. Toujours jugées insuffisantes, ces progressions sont bien réelles.

Les moyens de la mission interministérielle de lutte contre la drogue et la toxicomanie augmentent de 4,77 %. Il faut en particulier accentuer l'information et la prévention. La cocaïne arrive en force. Il reste beaucoup à faire pour coordonner l'action des différents intervenants.

Mme Nicole Bricq - C'est vrai.

Mme Catherine Génisson - La subvention de l'agence nationale d'accréditation et d'évaluation en santé progresse de 43,3 %. Nous nous en félicitons, mais l'ANAES devra améliorer son fonctionnement et convaincre les professionnels.

Le fonds de solidarité thérapeutique international concrétise la proposition faite par la France lors de la Xème conférence internationale sur le sida. Il s'agit de mettre en place des programmes pilotes en vue de prévenir la transmission mère-enfant. Chacun, pendant ces grand-messes internationales, se dit prêt à tout faire, mais les engagements pris sont rarement respectés. La France, quant à elle, a décidé de s'engager financièrement dans la lutte contre le sida : elle y a consacré 25 millions en 1999, y consacrera 21 millions pour 2000 et des programmes sont déjà engagés en Côte-d'Ivoire et au Maroc. Nous devons nous réjouir de cette initiative.

Le professeur Nisand ayant formulé dans son rapport une série de propositions relatives à l'interruption volontaire de grossesse, le groupe socialiste souhaite qu'elles soient rapidement prises en compte par le Gouvernement.

Au sein du service public hospitalier, un bilan est en cours : ses résultats permettront d'identifier les besoins sur l'ensemble du territoire.

En outre, la campagne -tant attendue- sur la contraception devrait commencer dès le début 2000. Il nous faut informer les filles et les jeunes filles, non seulement dans le milieu éducatif, mais aussi en nous appuyant sur les professions de santé et le monde associatif. Nous devons améliorer les conditions de remboursement de la contraception et garantir à toutes un égal accès aux différentes méthodes contraceptives.

L'IVG est un droit fondamental, qui doit être assuré sur l'ensemble du territoire. Ce n'est pas le cas aujourd'hui, puisque la moitié des hôpitaux publics ne se sont pas engagés dans cette démarche.

S'agissant de la gynécologie médicale, je souhaite connaître les mesures que vous comptez prendre pour garantir sa qualité.

Les débats parlementaires sur le financement de la sécurité, l'examen de la loi relative au renforcement de la veille sanitaire, les états généraux de la santé et la mise en place de la CMU ont permis au Gouvernement et à sa majorité de montrer leur volonté de moderniser notre système de santé. Mais les attentes de la population restent importantes et c'est pourquoi nous attendons avec impatience l'examen du projet qui nous sera présenté au début de l'an 2000. Son examen constituera un moment fort de cette législature.

Le groupe socialiste votera votre budget, Madame la secrétaire d'Etat. Nous savons pouvoir compter sur vous pour que nos concitoyens soient mieux soignés et que notre pays retrouve une pleine confiance en son système de soins (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

Mme Jacqueline Fraysse - Madame la secrétaire d'Etat, vous nous présentez un budget en progression réelle de 5 %. Nous notons avec satisfaction cette évolution, car il s'agit de financer des actions aussi utiles qu'importantes et nous approuvons le choix de vos priorités, comme le recentrage des actions en faveur des agences de sécurité sanitaire et des politiques de santé publique. Il ne faudrait pas, cependant, délaisser les actions de solidarité envers les plus démunis, qui ont besoin, plus que d'autres encore, de bénéficier des fruits de la croissance. Des événements récents ont confirmé la nécessité de renforcer la vigilance en matière de sécurité alimentaire et environnementale. Le rapport de nos collègues Odette Grzegrzulka et André Aschieri montre tous les progrès à réaliser en matière de prévention, d'évaluation et de gestion des risques. Dans leurs recommandations, ils demandent l'augmentation des ressources dont disposent les différents acteurs que sont les scientifiques, les experts et les services de l'Etat, mais également une meilleure coordination des actions engagées. Echanger les informations, agir en synergie, promouvoir les principes de précaution et de transparence, tels sont les meilleurs moyens de rendre plus efficace notre dispositif.

Nous accueillons donc avec satisfaction les 110 millions de moyens nouveaux accordés aux établissements, dont 38,6 millions pour l'institut de veille sanitaire, 56,4 millions pour l'agence française de sécurité sanitaire des produits de santé et 14,8 millions pour l'agence française de sécurité sanitaire des aliments. La création de 22 emplois de médecins inspecteurs de santé publique est évidemment un progrès. Compte tenu du retard, il conviendra de poursuivre en ce sens.

La question de la sécurité sanitaire est intimement liée à celle de la prévention, dont le budget augmente également. Il importe d'intensifier la lutte contre le tabagisme, l'alcoolisme ou la toxicomanie. Un crédit supplémentaire de 93 millions est prévu pour prévenir et combattre les pratiques addictives. L'augmentation du nombre de centres départementaux de prévention de l'alcoolisme, qui passe de 92 à 96, et la création de 53 nouvelles structures de lutte contre la toxicomanie y contribueront de manière certaine.

Néanmoins, dans le volet prévention, les crédits prévus pour lutter contre le sida et les maladies transmissibles, n'augmentent que d'un million, ce qui nous semble faible au regard des besoins. Le nombre des cas de sida déclarés cette année a progressé de 3 %. Il est indispensable de rendre la prise en charge plus précoce, d'encourager la recherche et de développer l'information. En outre, il faut prévoir la formation de professionnels en nombre suffisant. Le rapport de nos collègues souligne que, d'ici à cinq ans, il manquera 2 000 médecins du travail.

S'ajoutent à cela les insuffisances de la médecine scolaire et universitaire, qui pourtant devraient jouer un rôle essentiel en matière de prévention.

L'amélioration sensible des moyens de l'éducation à la santé, des programmes régionaux de santé, de la formation de médecins, en particulier dans le traitement des délinquants sexuels, ou encore pour la prévention du suicide, vont dans le bon sens.

S'agissant de la lutte contre les exclusions, les associations nous ont fait part de leurs préoccupations quant à l'application concrète de la loi contre l'exclusion, votée il y a plus d'un an. Faute de moyens suffisants, les associations rencontrent de réelles difficultés. La quasi-totalité de l'augmentation des crédits sociaux servira à financer la CMU.

Vous créez 500 places en centres d'hébergement et de réinsertion sociale, ce qui est appréciable, mais insuffisant au regard des besoins que les associations estiment à 15 000, tant pour répondre à la demande des publics en difficulté que pour assurer les missions nouvelles. Nous nous inquiétons aussi du retard de parution des décrets d'application et nous espérons vivement qu'il n'en sera pas de même pour la loi sur la CMU.

Autres sujets d'inquiétude : le programme TRACE qui tarde à trouver toute sa dimension, l'absence de réponse adaptée aux problèmes d'analphabétisme ou d'illettrisme, l'insuffisance d'offre de logements à un coût accessible pour les jeunes et les personnes en situation précaire.

L'augmentation des crédits destinés à l'appui social individualisé, et au fonds d'aide aux jeunes ainsi que l'augmentation du budget pour les CHRS permettront sans doute de lever certains obstacles.

Il faudra cependant accentuer les efforts pour que cette loi réponde aux espérances qu'elle a suscitées.

Les situations insurmontables que décrivent les associations tiennent au chômage et à la précarité de l'emploi, mais aussi aux faibles niveaux des minima sociaux.

Près de 8 millions de personnes vivent aujourd'hui sous le seuil de pauvreté. S'il est important de ne pas les installer dans une position d'assistées, il convient cependant de leur apporter les ressources nécessaires pour vivre dignement et leur permettre de retrouver un emploi.

Mme Christine Boutin - Très bien !

Mme Jacqueline Fraysse - Trop limitées, les revalorisations des minima sociaux ne permettront pas de répondre à ces objectifs, et ce d'autant moins que les personnes percevant l'allocation adulte handicapé ne bénéficieront pas de la CMU. Notre pays a pourtant les moyens de revaloriser de façon sensible ces minima et de ne plus les indexer sur l'évolution des prix mais sur celle des salaires. Nous pouvons aussi envisager une allocation pour les jeunes adultes de moins de 25 ans à la recherche d'un emploi. Nous faciliterons ainsi le retour à l'insertion des personnes les plus fragilisées.

Pour conclure, ce budget en progression est encourageant, même s'il ne permet pas encore de mener une politique de santé publique à la hauteur des besoins. Il nous conforte dans notre volonté de poursuivre nos efforts selon les orientations que nous partageons. C'est essentiel pour assurer une réelle complémentarité entre les pratiques préventives et curatives. Nous voterons ce budget (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste et du groupe socialiste).

M. Jean Bardet - Une semaine après le vote en première lecture du projet de loi de financement de la Sécurité sociale, nous examinons les crédits de la santé et de la solidarité qui s'élèvent respectivement à 1 800 et 90,8 milliards. Autant dire que ce budget ne représente qu'une petite partie des dépenses nationales en matière de soins et de solidarité, d'autant que s'y ajoutent celles payées par les communes et les départements.

Pour minime qu'il soit, il permet cependant de voir les priorités affichées par le Gouvernement en ces domaines. Et cet affichage ne résiste malheureusement pas à l'analyse.

Aussi, l'une des priorités affichées par le budget 2000 est la sécurité sanitaire. Certes, les crédits alloués aux différentes agences de sécurité et de veille sanitaire, à l'office de protection contre les rayons ionisants, ainsi qu'au contrôle sanitaire de l'environnement progressent. Mais où est la cohérence quand, parallèlement, la taxe sur les activités polluantes est affectée au financement des 35 heures, c'est-à-dire à un fonds dont les besoins, et donc les ressources, sont appelés à croître ?

Et je m'interroge sur le rôle de l'agence française de sécurité sanitaire des aliments, car si l'avis qu'elle a émis quant à une éventuelle levée de l'embargo sur le b_uf britannique était un avis d'experts reposant sur des critères scientifiques, le compromis que le Gouvernement va passer avec le gouvernement britannique va forcément mettre à mal sa crédibilité. De plus, le marquage de la provenance de la viande britannique est une fausse sécurité car totalement inapplicable pour les plats cuisinés. De deux choses l'une, ou cette viande est dangereuse, et il faut l'interdire, ou elle ne l'est pas et il faut le dire.

Je voudrais insister sur le désengagement croissant de l'Etat en matière de santé publique.

Alors que la loi de décentralisation de 1983 avait défini les compétences de chacun, depuis deux ans, l'Etat se décharge de certaines de ses missions et en transfère le coût sur la Sécurité sociale. L'année dernière était ainsi transférée la prise en charge des centres d'hygiène alimentaire et d'alcoologie ; cette année, ce sont les centres de dépistage anonyme et gratuit, les centres de planification familiale et les cures de désintoxication. Certes, une dotation de l'Etat est prévue mais on sait ce que deviennent à la longue de telles dotations, surtout lorsqu'elles sont incluses pour les hôpitaux dans le budget global.

En compensation, on pourrait imaginer que l'Etat assume des charges nouvelles dans le domaine de la prévention ou qu'il rembourse certains médicaments qui ne le sont pas par la Sécurité sociale. Je ne songe pas au Viagra ni même au Xenical, quoique l'obésité soit dans certains cas une véritable maladie, mais par exemple au nouveau médicament contre la grippe, le Zanamivir, qui n'est pas remboursé, alors que, par ailleurs, la Sécurité sociale fait une campagne coûteuse pour la vaccination, qui, elle non plus n'est pas remboursée, pour les populations considérées comme n'étant pas à risques. A-t-on comparé le prix du remboursement du vaccin contre la grippe au coût des arrêts de travail engendrés par cette maladie ?

Le désengagement de l'Etat s'agissant des cures de désintoxication...

Mme la Secrétaire d'Etat - C'est faux !

M. Jean Bardet - ...me paraît particulièrement grave.

Si l'on compare la dépense de soins par habitant au taux de mortalité due à quatre maladies -cancer, maladies cardio-vasculaires, maladies infectieuses et maladies respiratoires-, la France apparaît comme un pays cher et efficace, la Grande-Bretagne comme un pays peu cher mais peu efficace, et l'Espagne comme un pays peu cher et efficace. Par contre, si l'on compare la dépense de soins par habitant par rapport au taux de mortalité due aux causes extérieures -accidents, suicide-, la Grande-Bretagne est en bonne position, une ligne médiane regroupe l'Allemagne, l'Espagne, la Grèce, l'Italie, la Suède, mais la France est en très mauvaise position. Or les accidents comme l'action sur les causes du suicide relèvent en priorité des pouvoirs publics, de même que la lutte contre le tabagisme, la toxicomanie et l'alcoolisme. Certes, deux millions de francs supplémentaires sont alloués aux actions de formation au sevrage tabagique et cinq à la consolidation de structures de prévention de l'alcoolisme.

Mais parallèlement, le Gouvernement détourne une part de la taxe sur les tabacs et sur les alcools pour financer les 35 heures. Autant dire que son slogan pour ces deux produits est : «à consommer largement» ! (Protestations sur les bancs du groupe socialiste)

Créée par l'ordonnance du 24 avril 1996, l'agence nationale d'accréditation et d'évaluation en santé ne sera vraiment opérationnelle qu'en 2002. On peut s'interroger sur sa capacité à évaluer les quelque 3 700 établissements de soins français, sachant que seulement quelques dizaines d'entre eux se sont lancés dans cette procédure d'accréditation. Alors que le démarrage était plus lent et que des difficultés étaient apparues dès 1998, le Gouvernement a, l'an dernier encore, élargi ses compétences. J'avais alors dénoncé le risque que l'Agence ne soit pas opérationnelle. Les faits semblent, hélas, me donner raison.

Pour conclure avec la santé, j'évoquerai l'étranglement budgétaire des hôpitaux, dont certains sont dans une situation dramatique, et je rappellerai que l'enveloppe allouée à l'APHP ne lui permettra pas de maintenir le même niveau de qualité.

J'en arrive au budget de la solidarité.

Les crédits destinés au RMI augmentent de 8,7 %, ce qui s'explique par la revalorisation de son montant mais aussi par l'augmentation du nombre d'allocataires, qui signe l'échec du Gouvernement dans sa politique de lutte contre le chômage.

M. Pierre Forgues, rapporteur spécial - Mais non, la tendance est à la baisse !

M. Jean Bardet - Les 9 milliards annoncés pour le financement de la CMU sont tout à fait irréalistes. Qui peut croire en effet que ce dispositif coûtera 9 milliards plutôt que 24, comme le pense le président de la CNAF, voire bientôt 50, comme l'estiment les spécialistes de la fédération française des assurances ?

Par ailleurs, la création de la CMU a entraîné le démantèlement de l'aide médicale gratuite, ce qui est dommage car il s'agissait là d'une action sociale de proximité.

Nous avons donc d'un côté un budget de la santé qui progressivement est déshabillé des fonctions qui incombent normalement à l'Etat, au point que l'on se demande si le but à terme n'est pas de l'inclure totalement dans le projet de loi de financement de la Sécurité sociale, auquel cas il faudrait nous le dire. Cela pourrait se concevoir, maintenant que le PLFSS est voté par le Parlement, mais il faudrait que les transferts de charges soient complets et pérennes et que le Parlement puisse davantage intervenir sur la répartition des enveloppes.

De l'autre côté, nous sommes face à un budget solidarité qui augmente en partie parce que le nombre des plus démunis augmente, ce qui signe l'échec du Gouvernement (Protestations sur les bancs du groupe socialiste). Je sais que vous répétez que l'augmentation va en diminuant, mais dans cette logique, on peut dire que l'augmentation sera nulle quand il n'y aura plus en France que des pauvres !

Pour toutes ces raisons, le groupe RPR votera contre ce budget (Applaudissements sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL).

M. Bernard Charles - Avec ce projet de budget, les engagements pris en 1998 lors du vote de la loi contre les exclusions seront honorés. Des crédits supplémentaires sont en effet dégagés pour l'accompagnement social individualisé, l'hébergement d'urgence et les fonds d'aide aux jeunes, nous nous en réjouissons. Mais le programme TRACE ne touche pas assez les jeunes en grande difficulté et les fonds d'aide aux jeunes restent difficilement accessibles.

Selon le ministère lui-même, 100 000 jeunes demandeurs d'emploi de moins de 25 ans sont dépourvus de ressources personnelles, alors que 40 000 places seulement sont financées. Ne conviendrait-il pas de leur ouvrir le droit aux minima sociaux et de les faire tous bénéficier du programme TRACE, au lieu de limiter celui-ci en fonction des ressources disponibles ?

Dans le domaine de l'insertion par l'économique, nombre d'associations, notamment intermédiaires, risquent de ne pas survivre à l'application de la circulaire fiscale du 5 septembre 1998. Nous souhaitons donc qu'elle soit suspendue jusqu'au 15 janvier 2001, le temps d'examiner une solution alternative, au terme d'un large débat public. Il est également nécessaire de mieux reconnaître l'outil adapté et diversifié que sont les chantiers d'insertion, en les dotant d'un financement pluriannuel et en introduisant une clause de mieux-disant social dans les appels d'offres.

L'application de la CMU préoccupe certaines mutuelles, et en particulier celles qui couvrent les personnes handicapées. Elles s'interrogent, en effet, sur la situation particulière des affiliés à la Sécurité sociale percevant l'AAH et disposant de ressources légèrement supérieures à 3 500 F : comme ils ne bénéficieront plus de l'aide médicale gratuite, les mutuelles devront se substituer aux départements, en négociant avec eux la prise en charge de tout ou partie des cotisations. Comment accepter, par ailleurs, que les bénéficiaires de la CMU soient totalement pris en charge, y compris pour les lunettes et les prothèses dentaires, alors même que les cotisants, eux, ne le sont pas ?

M. Jean Bardet - Très juste !

M. Bernard Charles - Quant à la prestation spécifique de dépendance, appelée à remplacer l'allocation compensatrice pour tierce personne, elle permettra à certains départements de faire des économies substantielles, et ce au préjudice des attributaires potentiels, d'autant que les procédures seront longues et peu compatibles avec leur âge et leur état général. Nous demandons que cette prestation relève de la Sécurité sociale, ce qui permettrait notamment d'établir une péréquation nationale.

Après ces remarques sur un budget qui progresse tout de même de 13 % mais qui ne permet pas encore de répondre entièrement aux attentes des jeunes de moins de 25 ans, des personnes âgées dépendantes et des personnes non couvertes par l'assurance maladie, j'en viens au budget de la santé.

La sécurité sanitaire et la politique de santé publique sont l'une des priorités de ce budget, et je m'en réjouis, car je ne cessais, depuis dix-sept ans, de le réclamer. La progression sensible des crédits traduit la montée en charge des agences nouvellement créées, mais aussi le renforcement de celles qui existaient déjà. Je plaide cependant pour que l'AFSSA adopte le même type de fonctionnement que l'agence du médicament et, surtout, pour que soit constituée une banque de données tirant sa crédibilité de son indépendance à l'égard des firmes pharmaceutiques. Votre prédécesseur s'y était engagé, et j'espère que vous le ferez. Nous voudrions savoir, par ailleurs, quand sortira le décret sur l'ensemble des dispositifs médicaux. Enfin, nous souhaitons que le Gouvernement fasse chaque année devant la représentation nationale, avant l'examen du budget et de la loi de financement de la Sécurité sociale, le point de la mise en marche des agences de veille et de contrôle sanitaire. Il nous semble, en particulier, que celle de l'ANAES a été lente, l'évaluation comme l'accréditation se heurtant à certains aspects de la culture hospitalière.

L'intervention de l'Etat dans le champ de la santé publique se trouve clarifiée et ses moyens renforcés : d'un montant de 149 millions, soit l'équivalent de ceux alloués aux agences, ils financent à la fois des actions générales et d'autres, plus ciblées sur les besoins propres à certaines régions ou à certains publics. Nous nous réjouissons de l'abondement des crédits du fonds de solidarité thérapeutique internationale, ainsi que du niveau élevé de ceux consacrés à la coopération internationale en matière de lutte contre la toxicomanie, mais nous demandons qu'un premier bilan de celle-ci soit dressé. En revanche, nous regrettons que la lutte contre la douleur, priorité affichée par les pouvoirs publics, ne soit pas reconnue comme telle par toutes les ARH : c'est le cas, en particulier, dans le Lot.

L'agrégat «offre de soins» regroupe les crédits de fonctionnement des ARH, ceux des formations paramédicales et les subventions d'investissement des hôpitaux. Le FIMHO, dont nous avions soutenu la création en 1998, poursuit sa montée en charge, et si nous avons attendu plus d'un an, du fait des pesanteurs du système, la création d'un GIP, on peut espérer que la consommation des crédits va s'accélérer au cours de l'année prochaine.

Le renforcement des moyens humains du ministère est une bonne chose, qu'il s'agisse de la création, cette année encore, de postes supplémentaires, des mesures catégorielles ou de la résorption de l'emploi précaire. Il faut donner à la direction des hôpitaux les moyens d'assurer une coordination efficace des ARH. Nous avons accepté les ARH depuis que leur coordination a été prévue par une circulaire. Mais pour qu'elles cessent d'être ces «proconsuls sanitaires», que j'avais dénoncés il y a quelques années, il faut encore et toujours des moyens.

Enfin, comment la direction générale de la santé sera-t-elle organisée ? Ses missions doivent être clairement définies et ses moyens suffisants. Face à la multiplication des agences, l'Etat doit conserver sa capacité de coordination.

Le groupe RCV votera le budget de la santé pour 2000 et suivra avec attention l'élaboration du projet de loi relatif à la modernisation de la santé (Applaudissements sur les bancs du groupe RCV et du groupe socialiste).

M. Jean-Luc Préel - Nous avons voté dans le cadre de la loi de financement de la protection sociale un budget total de 2 000 milliards. En regard, le budget du ministère de la santé est bien modeste avec seulement 4,8 milliards de francs.

Les multiples changements d'affectation le rendent très difficile à comprendre. Les comparaisons deviennent en outre très délicates.

Quelle est la place exacte du ministère de la santé dans le paysage sanitaire français ? Je pose la question après Bernard Charles. Tout serait plus clair si, après le vote de l'ONDAM par le Parlement, le Gouvernement en confiait la gestion à la CNAM par un contrat de délégation définissant clairement les responsabilités. Or si le Gouvernement semble lui confier la gestion de la médecine de ville, il garde la main et décide en dernier ressort. De plus, l'Etat se réservant la gestion de l'hospitalisation, vous renforcez les frontières avec la médecine de ville, alors que les enveloppes devraient pouvoir être unifiées.

Quelle est la place des agences, qui se multiplient, par rapport à la direction générale de la santé ? Il y a là une ambiguïté qui n'est pas étrangère à la démission du directeur général de la santé.

Par ailleurs, l'Etat se désengagera en 2000 de trois domaines importants qu'il confiera à la CNAM : le dépistage du sida, le traitement des toxicomanies, les centres de planification et d'éducation familiale. Dans le domaine des toxicomanies, la fonction régalienne est pourtant concernée puisque des décisions de justice sont souvent prises parallèlement.

Vous naviguez à vue, en fonction des moyens limités dont dispose votre ministère en état de sous-administration chronique, au niveau national comme sur le terrain.

L'Etat devrait pourtant définir les grandes orientations de santé publique en s'appuyant sur les travaux des conférences régionales et de la conférence nationale de la santé. Il devrait aussi déléguer vraiment la gestion de l'ONDAM à la CNAM en s'appuyant sur les observatoires régionaux de la santé, comme l'a souligné M. Gilbert Mitterrand dans son rapport. Seule cette régionalisation permet de conduire une politique de santé de proximité, d'adapter l'offre aux besoins et de responsabiliser les gestionnaires comme les acteurs de terrain.

Seconde grande question : quelle place accordez-vous à la prévention et à l'éducation à la santé ? Madame la secrétaire d'Etat, avez-vous conscience de l'acuité du problème ?

Si notre pays se classe bien pour les soins, comme en témoignent de nombreux indicateurs objectifs, ses résultats en matière de prévention sont médiocres. En effet, nous n'avons aucune politique coordonnée pluriannuelle en ce domaine, auquel nous consacrons des sommes dérisoires : 17 F par an et par habitant pour la prévention, 250 F pour la médecine préventive... contre 12 500 F pour les soins !

M. Pierre Forgues, rapporteur spécial - Non.

M. Jean-Luc Préel - Ce sont des chiffres, Monsieur le rapporteur. La multiplicité des intervenants, souvent jaloux de leurs prérogatives, explique cette situation. Plusieurs ministères, plusieurs délégations interministérielles sont concernés. De même, chaque caisse d'assurance maladie, chaque mutuelle, chaque association conduit sa propre politique, chacune avec un tout petit budget. Le comité français d'éducation à la santé a peu de moyens, consistant pour l'essentiel en un transfert de crédits du ministère pour les campagnes décidées par l'Etat.

Il conviendrait de créer de toute urgence une agence de prévention et d'éducation à la santé qui pourrait ensuite être régionalisée dans le cadre d'agences régionales de santé intégrant URCAM et ARH. Une enveloppe spécifiquement consacrée à la prévention devrait de même être votée conjointement à l'ONDAM.

Les conférences régionales de santé devraient jouer un rôle primordial dans la définition des politiques de santé. Or vous ne leur donnez pas les moyens de fonctionner tout au long de l'année. Est-ce volontaire ? Si oui, c'est regrettable.

Qui ne verrait pourtant quelles sont les priorités de santé publique ? Tant de morts prématurées sont évitables ! Votre effort reste malheureusement très en deçà des besoins, comme le remarque encore Gilbert Mitterrand dans son rapport.

M. Gilbert Mitterrand, rapporteur spécial - Je n'ai pas dit cela. J'ai au contraire noté un effort significatif.

M. Jean-Luc Préel - Cinq millions de nos concitoyens ont un problème médical lié à l'alcool, 200 000 sont dépendants, 50 000 décès et 190 000 séjours hospitaliers sont dus chaque année à l'alcool. Je ne parle même pas du coût social, considérable, de l'alcoolisme. Que proposez-vous de nouveau en 2000 pour la prévention, le traitement et le suivi ?

De même, 60 000 décès sont dus chaque année au tabac, et bientôt 120 000. Face à cela, vous proposez seulement d'augmenter les prix de 5 %. Cela ne saurait se substituer à une réelle politique de prévention, même si cela fait un peu baisser la consommation.

Où en est le programme national de dépistage systématique des cancers du sein, première cause de mortalité prématurée évitable chez les femmes ? Dans combien de départements le dépistage est-il effectif ?

Autre préoccupation : les investissements dans les établissements de santé, et là encore je rejoins M. Mitterrand. Alors que les SROS de deuxième génération sont publiés, que des restructurations importantes sont nécessaires pour que les établissements répondent aux besoins, notamment pour l'accueil des urgences ou l'hébergement en chambre à un lit, pour que la mise aux normes de sécurité soit partout effectuée, l'Etat se désengage. Seul le fonds voté avec l'ONDAM est prévu, sans que ses critères d'utilisation n'aient d'ailleurs été définis ni ses crédits jamais consommés. Or l'Etat perçoit bien la TVA sur les travaux. Sa subvention est donc globalement négative. Qu'en pensez-vous ?

Bien d'autres points mériteraient que je m'y attarde.

Une réforme de la formation médicale, initiale et continue, est urgente. Elle devra favoriser le contact précoce des étudiants avec les malades et mettre l'accent sur leurs capacités d'écoute, d'analyse et de synthèse.

Une réforme du statut du praticien hospitalier est aussi nécessaire, allant au-delà des timides mesures prévues. Elle devra prendre en compte la pénibilité de la tâche et la responsabilité réelle de chaque praticien. Elle est indispensable pour recruter de nouveau dans les spécialités sinistrées comme la pédiatrie, l'obstétrique, l'anesthésie.

Une grande partie du coût réel de la formation des infirmières est laissée à la charge des hôpitaux. Ce désengagement de l'Etat crée des difficultés aux centres de formation non adossés à un hôpital.

Le rôle de la médecine du travail doit être redéfini, notamment en matière de prévention. Les effectifs de médecins, d'infirmières et de psychologues scolaires devraient augmenter substantiellement. Il serait aussi nécessaire de créer une médecine du travail à l'Éducation nationale, dans l'intérêt des enseignants et des élèves.

Où en est l'utilisation de la carte Vitale 1 ? Quel en a été le coût ? Comment éviter le fiasco annoncé de Vitale 2 ? Les informations médicales seront-elles utiles si le malade peut demander qu'elles soient sélectives ? Quelle confiance le médecin leur accordera-t-il ? Avez-vous pris en compte les possibilités offertes par Internet ?

La transformation des hospices devrait être achevée. A quelle date le sera-t-elle ? Poursuivrez-vous ce programme pour permettre l'adaptation des maisons de retraite à l'accueil des personnes dépendantes ?

Allez-vous passer à la deuxième étape de la PSD, pour instaurer une prestation autonomie réelle ? Allez-vous réformer la tarification des établissements, aujourd'hui trop complexe ? Elle aboutit, semble-t-il à mettre à la charge des familles ne pouvant bénéficier de la PSD un surcoût de 60 à 70 F par jour.

Allez-vous harmoniser la tarification des heures d'aide ménagère ?

Toutes ces questions appellent des réponses urgentes. L'UDF regrette que vous n'ayez pas une réelle politique de santé et votera contre votre budget (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF, du groupe du RPR et du groupe DL).

M. Georges Colombier - Plusieurs points du budget de la solidarité ont retenu mon attention. Tout d'abord, la mise en place de la CMU. La nouvelle ligne budgétaire exige une certaine gymnastique pour lire correctement le budget solidarité. La progression des crédits, à structure constante, hors CMU, doit être ramenée à 5,9 %. Certaines actions comme la CMU comportent des financements croisés du budget de la santé et de celui de la Sécurité sociale. Peut-être serait-il nécessaire de présenter des comptes consolidés ?

Je souhaite maintenant relayer les vives inquiétudes des acteurs de terrain sur les délais et les conditions de mise en _uvre de la CMU. Alors que le dispositif doit être opérationnel au 1er janvier 2000, aucune information sur la protection complémentaire n'a été donnée aux professionnels de santé et aux travailleurs sociaux.

D'autres questions restent en suspens : quelle sera la place dans ce dispositif des CCAS, qui assurent une réponse de proximité ? Est-il prévu des conventionnements entre les CCAS et les CPAM ? Existe-t-il des simulations sur la dotation de solidarité urbaine et rurale, en liaison avec la réforme des contingents communaux d'aide sociale opérée à l'occasion de la création de la CMU ? Si oui, je vous remercierai de me les communiquer. Enfin, je dénonce l'effet couperet généré par le barème de la CMU ; ainsi les bénéficiaires de l'AAH se trouveront-ils exclus du dispositif parce que cette allocation dépasse de 50 F le plafond.

Quelques mots sur la politique du handicap. Compte tenu du délai excessivement long de traitement des dossiers COTOREP, je me réjouis des crédits complémentaires inscrits dans la loi de finances mais, en même temps, je m'interroge sur votre politique du handicap : les objectifs du Gouvernement ont-ils été clairement définis ? Quelle place est prévue pour les conseils généraux, partenaires essentiels ?

Tout le monde s'accorde à reconnaître les carences de la loi de 1975 et sa réforme est très attendue.

La ligne budgétaire de 50 millions en faveur des personnes autistes s'ajoute à d'autres destinées à répondre à la demande très forte de placement en établissements spécialisés. Ces efforts méritent d'être soulignés ; néanmoins, je rappelle que la loi relative à l'autisme avait suscité de nombreux espoirs, qu'il convient de ne pas trahir.

La prise en charge thérapeutique des adolescents confiés à l'aide sociale à l'enfance manque de solutions adaptées. Une enquête approfondie conduite pas les services sociaux en Isère sur les mineurs relevant de la psychiatrie infanto-juvénile prouve, si besoin était, l'insuffisance chronique de structures thérapeutiques et l'absence de moyens financiers pour les relais, comme l'hôpital de jour, ou pour l'hospitalisation en cas de crise. Cette prise en charge thérapeutique fait pourtant partie des orientations des schémas régionaux d'organisation sanitaire. Pourrait-on envisager la mise en _uvre de structures expérimentales cofinancées par plusieurs partenaires -conseil général, assurance maladie, justice, éducation nationale ?

Les 4 milliards consacrés à la santé publique semblent bien modestes si on les compare aux 90 milliards du budget de la santé et de la solidarité et aux quelques 750 milliards constituant l'ensemble des dépenses de santé en France.

En ce qui concerne la politique de prévention, je regrette l'absence de mesures concrètes de prévention de la dépendance des personnes âgées. Des moyens doivent être dégagés pour orienter les projets de recherche, améliorer la formation des médecins à la gérontologie et prévenir le vieillissement pathologique.

Certes, le rapport de Mme Paulette Guinchard-Kunstler, rendu public en octobre dernier, préconise la mise en place de bureaux d'information et d'aide à la décision, afin de renforcer la coordination gérontologique. Mais rien n'a été dit concernant le chef de file de cette coordination, ni sur les moyens financiers consacrés par l'Etat.

Je note avec satisfaction la progression des moyens accordés à la sécurité sanitaire. C'est d'ailleurs à la mise en place des agences de sécurité et de veille sanitaire, créées par la loi du 1er juillet 1998 de lutte contre les exclusions, qu'est due l'augmentation des crédits de santé.

Je suis très inquiet, cependant, des projets de transfert de compétences en matière de prévention sanitaire. En effet, l'article 77 de la loi du 29 juillet 1998 prévoit que le Gouvernement présentera au Parlement un rapport sur l'opportunité et les modalités d'un transfert de compétence des départements vers l'Etat en matière de lutte contre la tuberculose. La lettre de mission adressée à l'IGAS, chargée d'élaborer ce rapport, y ajoute la lutte contre les maladies sexuellement transmissibles et le cancer, ainsi que la contraception. J'appelle votre attention sur les effets négatifs d'une réforme qui écarterait les conseils généraux. En effet, la prise en compte des problèmes sanitaires des personnes les plus défavorisées requiert des solutions de proximité, associant les approches médicales et sociales.

M. le Président - Pour tenir compte de souhaits concordants, je suspends la séance pour dix minutes.

La séance, suspendue à 11 heures 35, est reprise à 11 heures 45.

Mme Hélène Mignon - Je m'en teindrai à quelques réflexions sur la mise en application de la loi de prévention et de lutte contre les exclusions.

Le programme TRACE, qui s'adresse aux jeunes de 16 à 26 ans, a démarré lentement en 1998. En juin 1999, j'étais encore assez pessimiste, mais les chiffres attendus devraient être atteints à la fin de l'année.

Les crédits inscrits à ce titre dans le projet de loi de finances dépassent 102 millions ; on ne peut que s'en féliciter. Néanmoins ne proposons pas systématiquement aux jeunes le CES, qui n'est pas toujours la meilleure voie d'insertion.

Les missions locales et les PAIO se sont d'abord intéressées à un public bien connu d'elles, qui n'était pas forcément celui des plus exclus. Les associations, la protection judiciaire de la jeunesse, les CCAS sont sans doute mieux placés pour les repérer. Pour que TRACE réponde vraiment à l'objectif du législateur, il faudrait que s'organise un travail en réseau.

En tout cas, les bonnes volontés sont là pour faire en sorte que la loi contre les exclusions soit efficace, mais il nous faut surmonter les obstacles à l'insertion, à commencer par le problème du logement.

La dotation du fonds d'aide aux jeunes, qui avait été abondée de 30 millions en 1998 puis de 90 millions en 1999, l'est à nouveau de 60 millions pour 2000. Je souligne l'importance de cet effort mais je regrette que certains départements n'abondent pas les crédits d'Etat ou tardent à le faire ; comment pourrait-on les inciter à participer ? Par ailleurs, pourrait-il y avoir un quota réservé aux interventions d'urgence ?

Certains ont songé à un programme pré-TRACE. Les associations que j'ai rencontrées y sont opposées : le programme TRACE doit convenir à tous, il ne faut pas instituer de sas. En revanche, il faudrait éviter que les missions locales et les PAIO se heurtent à une fin de non-recevoir quand elles demandent des mesures d'accompagnement.

Je me réjouis de l'annonce des ordonnances qui vont être prises concernant le statut des agences d'insertion dans les départements et territoires d'outre-mer.

Avec son budget d'action sociale pour 2000, le Gouvernement tient ses promesses. Dans la mise en application de la loi contre les exclusions, il cherche non seulement à répondre aux situations d'urgence, mais à prévenir. Sachons éviter les lourdeurs administratives et trouver l'énergie de donner à chaque jeune une place dans la société. C'est le prix à payer pour assurer la cohésion sociale (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

M. André Aschieri - Comme le disait le bon docteur Knock, la santé est un état d'équilibre instable et non garanti (Sourires). Nous ne pouvons nous contenter d'une approche strictement sanitaire et curative de la médecine ; nous revendiquons une approche «éco-sanitaire» qui s'intéresse à la santé de l'homme de façon globale, et l'élaboration d'une éco-éthique.

Comme l'a rappelé à plusieurs reprises l'Organisation mondiale de la santé, la qualité de l'environnement physique, chimique et biologique est l'un des quatre déterminants de la santé des populations, à côté des facteurs génétiques, des comportements individuels et de la qualité des soins. Sa détérioration contribue largement à la montée des maladies dites «de civilisation».

Les maladies infectieuses ont été maîtrisées par Pasteur et l'hygiénisme, mais l'exposition sur longue période à de faibles doses de polluants contenus dans l'air, l'eau ou le sol risque de provoquer de graves crises de santé publique. Une deuxième révolution s'impose donc. Il serait urgent de mettre en place dans les études médicales une spécialité de médecine environnementale. La grande loi sanitaire du printemps prochain pourrait en être l'occasion, comme celle de développer l'épidémiologie et la toxicologie.

La mission parlementaire que j'ai conduite avec Mme Grzegrzulka m'a convaincu de la nécessité d'instituer une agence de sécurité sanitaire de l'environnement, et je me suis réjoui d'entendre le Premier ministre annoncer sa création lors des états généraux de la santé, le 30 juin dernier. Je ne doute pas, Madame la ministre, que comme votre prédécesseur Bernard Kouchner, auquel je rends hommage, vous êtes convaincue de l'importance de l'enjeu. Les députés Verts considèrent comme un devoir d'aller jusqu'au bout du processus engagé par la loi du 1er juillet 1998 sur la sécurité sanitaire.

Prévenir, c'est aussi permettre le développement du pluralisme thérapeutique. Le «tout-allopathique» ne répond pas aux besoins : il existe des médecines alternatives, qui ne considèrent pas seulement la maladie à éliminer et replacent l'élément pathologique dans l'histoire du patient. Il est indispensable de lutter contre les pressions à une surconsommation des médicaments allopathiques. Au nom des députés Verts, je vous demande de réexaminer les décisions prises concernant l'homéopathie et le lancement d'une concertation sur les médecines alternatives.

Enfin, j'insiste sur la nécessité de maintenir une médecine de proximité. Les nouveaux schémas d'organisation sanitaire améliorent souvent la cohérence du dispositif existant. Mais en fusionnant ici et là des services au motif de garantir la sécurité des patients, on oublie qu'un hôpital ultra-performant mais situé à 80 kilomètres ne répond pas forcément aux besoins de malades qui ont des difficultés à se déplacer... La démocratie sanitaire exige que les revendications locales soient écoutées.

Les économies que l'on recherche dans les restructurations pourraient plus sérieusement être le fruit d'une nouvelle approche de la politique sanitaire, axée sur la prévention.

Les députés écologistes attendent de ce débat des réponses et des engagements. Pour encourager vos efforts, Madame la ministre, ils s'associeront par leur vote aux réformes engagées (Applaudissements sur les bancs du groupe RCV et du groupe socialiste).

M. Philippe Nauche - Votre budget augmente de 4,9 %, ce qui montre la volonté du Gouvernement d'améliorer nos politiques de santé publique.

La loi du 1er juillet 1998 relative au renforcement de la veille sanitaire trouve cette année sa traduction budgétaire. L'institut de veille sanitaire, qui a succédé au réseau national de santé publique, voit sont budget progresser de 61,6 %. L'agence française de sécurité sanitaire des produits de santé, qui remplace, avec des compétences élargies, l'agence du médicament, gagne 55 millions de crédits et 70 agents. L'agence française de sécurité sanitaire des aliments gagne quant à elle 40 millions et 49 emplois.

La mise en place, en juin 1999, du comité national de sécurité alimentaire a donné une instance de coordination à ce dispositif, qui a vocation à être complété par une «agence santé-environnement».

Le budget de l'ANAES progresse de 43 %. Il faut encore renforcer cette agence, qui constitue un des piliers de notre système de santé, afin qu'elle puisse assurer ses missions accréditation auprès des 3 700 établissements de son ressort.

L'élaboration des recommandations de bonne pratique permettra à l'ANAES de faire la synthèse entre les exigences des professionnels, les attentes des patients et les résultats de l'évaluation de notre système de soins. Il faut que les services adoptent une véritable «démarche qualité», au moment où le fonds d'aide à l'adaptation des établissements voit ses crédits portés à 200 millions en autorisations de programme et à 265 millions en crédits de paiement, soit une augmentation de 32,5 %.

Enfin, je veux saluer l'effort en faveur du fonds de solidarité thérapeutique international, créé à l'issue de la Xème conférence internationale du sida, qui s'est tenue à Abidjan en décembre 1997. Il s'agit à la fois de développer la prévention et d'élargir l'accès aux thérapies pour les quarante millions de personnes contaminées par le virus du sida, qui vivent en majorité dans les pays pauvres. Je souhaiterais, Madame la secrétaire d'Etat, que vous nous dressiez un bilan des actions déjà engagées en Côte-d'Ivoire et au Maroc.

Protection de nos concitoyens, préservation de l'avenir par des réformes structurelles et affirmation de la solidarité universelle, nous approuvons les grandes lignes de votre action (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe communiste).

M. Yves Bur - Comme je l'ai déjà indiqué pendant l'examen du projet de loi de financement de la Sécurité sociale, nous manquons d'une vision claire de la politique de santé publique menée par l'Etat. Nous aurions besoin d'une loi d'orientation pour définir, à partir des besoins sanitaires constatés, les priorités, les objectifs et les moyens à mettre en _uvre. La discussion du budget de la santé n'est que la caricature de ce débat essentiel que j'appelle de mes v_ux, même si la séance budgétaire demeure un passage obligé.

Un large débat serait nécessaire pour étudier les conséquences du vieillissement de la population et la prise en charge de la dépendance. Je me contenterai aujourd'hui de souligner les difficultés que va causer la réforme de la tarification des établissements d'hébergement pour personnes âgées dépendantes. Conformément à la loi du 24 janvier 1997, en effet, la nouvelle tarification doit substituer au mécanisme de tarification fondé sur le statut juridique de l'établissement une tarification établie en fonction du degré de dépendance des personnes âgées accueillies, ce qui est une bonne chose.

Par ailleurs, la loi insistait sur l'exigence de qualité dans l'accueil et la prise en charge des personnes âgées ; exigence que vos services rappellent à juste titre régulièrement dans les circulaires.

Les aspects qualitatifs du projet constituent, pour les départements, un préalable à la signature des conventions tripartites pluriannuelles. Or cet objectif de qualité semble incompatible avec l'exigence de neutralité financière à l'égard de l'assurance maladie.

En outre, la circulaire Marthe du 14 octobre 1999 ne répond pas aux multiples interrogations des responsables d'établissement et nous n'avons aucune précision sur la redéfinition des unités de soins de longue durée.

Les conséquences de ces choix politiques sont très lourdes dans les départements où la médicalisation est importante et le nombre d'aides-soignants pris en charge par les prix d'hébergement, limité.

Dans ces établissements, la réforme va entraîner une diminution des «forfaits soins» et une augmentation des coûts. D`après les premières simulations réalisées dans mon département du Bas-Rhin, il en résulterait en moyenne une augmentation de 50 à 70 F par jour, soit 1 500 à 2 100 F par mois, de la charge pour les personnes en GIR 1, c'est-à-dire les plus dépendantes.

Certes, la PSD en établissement payée par les départements prendra en charge, pour les personnes à faibles ressources, l'impact du forfait. Cependant, pour les autres personnes, la répercussion sera intégrale. L'assurance maladie, elle, sera gagnante, malgré l'application du «cliquet anti-retour», pour les établissements ayant un GIR moyen pondéré supérieur à 700.

Les hausses seront imputées aux personnes âgées et à leurs familles sans que soit apporté un service supplémentaire aux personnes hébergées.

Les chefs d'établissement sont très inquiets. Les personnes âgées et leurs familles ne le sont pas encore, car elles ignorent encore ce qui va leur arriver.

Madame le secrétaire d'Etat, je vais vous remettre la motion adoptée à l'unanimité par le CODERPA du Bas-Rhin, lors de son comité plénier du 3 novembre dernier.

Cette réforme inacceptable va susciter la colère des familles. Face à des coûts prohibitifs, beaucoup de personnes âgées renonceront à aller en établissement, même si leur état de dépendance ne pourra être dignement pris en charge à domicile. Cette réforme sera-t-elle remise en chantier ? Comptez-vous apporter des modifications au projet de nouvelle tarification, afin d'atténuer le surcoût ?

A défaut, il appartiendra au Gouvernement de dire clairement aux familles qu'elles devront payer plus. Il n'est pas possible de faire supporter aux responsables locaux des établissements l'annonce et les conséquences d'un tel changement.

Mme Jacqueline Lazard - Je constate avec plaisir que vous confirmez l'orientation pluriannuelle du plan de création de places d'accueil, qui concerne les maisons d'accueil spécialisé, les centres d'aide par le travail et les ateliers protégés. Mais les retards accumulés ne se combleront pas du jour au lendemain.

Nous avons tous reçu, dans nos permanences, un de ces parents inquiets, se plaignant des listes d'attente ou de l'incapacité des institutions à prendre en charge un handicap comme l'autisme. C'est pourquoi, je voudrais saluer, Madame, l'effort entrepris depuis plusieurs années.

Toutefois, les diverses associations du Finistère ont le sentiment, que je sais partagé ici par de nombreux collègues, que les bénéfices de ce plan ne sont pas également répartis sur le territoire, en fonction des besoins réels et des retards accumulés. Cette impression de disparité dans l'application de votre plan, confirmée par les chiffres communiqués par la direction départementale de l'action sanitaire et sociale, constitue un écueil pour la réussite de votre politique.

Les associations, en effet, n'y voient que poudre aux yeux. Je ne peux donc que m'inquiéter de ce que semble écrire notre rapporteur, Pierre Forgues, sur la création de places dans les CAT. Le fait que la circulaire du 10 août 1999 prévoie un nombre de places inférieur de 10 % aux chiffres annoncés ne doit pas être, selon lui, interprété comme une mesure d'économie budgétaire, puisque les places manquantes seront affectées en fin de programmation, afin, dit-il, de «mieux prendre en compte les disparités régionales en termes de taux d'équipement». Je crois pour ma part, Madame la secrétaire d'Etat, que cette stratégie n'est pas la bonne. C'est dès maintenant qu'il faut s'attaquer à ces disparités, sans attendre le bilan de l'application et de la mise en _uvre du plan prévue pour 2003.

Je veux également dire quelques mots d'un problème d'actualité qui touche le secteur social et médico-social. Je vous sais attentive, Madame la secrétaire d'Etat, à la situation de ce secteur et je sais gré à la ministre de l'emploi d'avoir, il y a près de deux ans, accepté l'un des premiers accords de réduction du temps de travail du secteur, conclu par une importante association de mon département. Cette question se pose aujourd'hui avec une grande acuité et je ne peux, sur ce point, qu'approuver ce qu'en dit notre rapporteur. Si de nombreuses négociations menées dans les établissements dépendant de la convention collective de 1966 ont abouti, les accords conclus restent aujourd'hui dans l'attente d'agréments qui tardent à venir. Les services compétents semblent ne pas pouvoir répondre dans des délais satisfaisants et les retards s'accumulent. Il faut sans doute voir le signe d'une réussite. Toutefois, il convient de mettre au point rapidement une procédure plus souple, afin que les embauches puissent être effectuées et que les salariés puissent bénéficier de ce progrès.

A cet égard, le refus opposé à l'avenant à la convention collective pour les cadres du secteur social et médico-social par la commission nationale d'agrément, le 31 août dernier, et confirmé par le ministère de l'emploi le 6 septembre, soulève une vive et légitime émotion.

Les contreparties acceptées ne sont pas minces et ne conduisent pas à une explosion des coûts. Les cadres de ce secteur souhaitent, comme la majorité des cadres de notre pays, s'inscrire dans le mouvement d'aménagement et de partage du temps de travail. En outre, l'avenir du secteur médico-social constitue pour notre pays un enjeu majeur. Le Gouvernement doit réétudier cette question et dégager des perspectives satisfaisantes pour toutes les parties.

Enfin, et bien que cette question ne relève pas seulement de votre budget, je souhaite évoquer l'accueil des jeunes handicapés dans le cadre des sections d'enseignement général et professionnel adapté.

La mise en place d'une véritable politique d'accueil passe aussi par la possibilité d'intégrer des structures et des institutions classiques. Or les démarches engagées par l'éducation nationale se heurtent au manque de moyens et à des blocages administratifs. Il convient donc que votre ministère pèse de tout son poids pour favoriser la scolarisation, au collège notamment, des jeunes handicapés. C'est d'autant plus nécessaire que l'intégration des jeunes handicapés dans ces sections constitue le gage de leur insertion future, une condition de l'évolution du regard porté sur le handicap et un facteur de lutte contre l'exclusion (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

Mme Christine Boutin - Madame la secrétaire d'Etat, nous ne partageons pas les mêmes choix mais nous avions d'excellentes relations de travail avant votre accession au ministère et nous nous respectons, je crois. Je vous souhaite donc bonne chance dans vos nouvelles responsabilités («Très bien !» sur divers bancs)

Mme la Secrétaire d'Etat - Je vous remercie.

Mme Christine Boutin - Il est à la fois rassurant et inquiétant de voir que ce budget est en forte progression. Rassurant parce que cela atteste la volonté du Gouvernement de combattre l'exclusion. Inquiétant parce que cette hausse témoigne aussi de celle de l'exclusion.

Mais en observant plus en détail, on s'aperçoit que cette hausse est due principalement à la mise en place de la CMU. Par ailleurs, on constate que les minima sociaux seront fortement revalorisés. Ainsi, les crédits destinés au RMI augmentent de 8,7 %. La progression des crédits accordés à la prévention de la toxicomanie, de l'alcoolisme, du suicide ou à l'aide aux personnes handicapées est, elle, beaucoup moins spectaculaire. L'approche gouvernementale de la lutte contre l'exclusion est donc très ciblée.

Quel regard portons-nous sur la misère ? Celui de la bonne conscience qui prétend, parce qu'il existe des systèmes d'assistance, nous dédouaner de nos responsabilités personnelles. Cinq millions de personnes sont exclues. Où sont-elles ? Où les cachons-nous ? Où s'expriment-elles ? Je salue les bataillons de bénévoles qui, jour après jour, donnent leur temps aux personnes que nous laissons sur le bord de la route.

Permettez-moi d'insister sur la nécessité d'augmenter les crédits destinés à l'aide aux personnes handicapées et d'éviter une confusion entre personnes handicapées et personnes en situation précaire. Il semble en effet que de plus en plus de personnes marginalisées par une perte de revenu ou de logement soient reconnues comme «travailleurs handicapés» par la COTOREP ou bénéficient de l'allocation adulte handicapé, alors qu'elles ne souffrent pas d'un handicap physique ou mental. Une telle confusion a d'évidentes conséquences sur le budget de l'Etat. Il serait donc souhaitable d'éviter un tel amalgame en clarifiant l'attribution des aides destinées aux handicapés et en adoptant des mesures spécifiques pour les personnes en situation précaire.

M. Francis Hammel, rapporteur pour avis - C'est vrai.

Mme Christine Boutin - Enfin, les parents d'enfants handicapés ou malvoyants attendent la politique ambitieuse annoncée par Mme Royal concernant la scolarisation desdits enfants. Or les structures d'accueil, les moyens de transport et de locomotion restent insuffisants. Pouvez-vous donc nous donner des précisions sur le financement de ces projets en lien avec le ministère de l'éducation nationale ? Comptez-vous par ailleurs accorder un financement spécifique aux dispositifs d'intégration tels que les commissions locales d'insertion ?

Je terminerai en m'associant à une question d'un député Vert : quelle est, Madame le secrétaire d'Etat, votre politique à l'égard de l'homéopathie ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF et du groupe du RPR)

M. Pascal Terrasse - L'action sociale de l'Etat ne peut s'appréhender sans tenir compte des mesures inscrites dans le projet de loi de financement de la Sécurité sociale. Dans ce dernier comme dans le présent budget, il s'agit de répondre aux besoins des publics en difficulté mais aussi de former un projet global et cohérent. Le budget s'inscrit parfaitement dans la perspective dégagée par le Gouvernement de «nouvelles solidarités» et de «nouveaux droits». Dans ce cadre, nous nous attachons à favoriser l'intégration des personnes âgées, à mener des actions spécifiques en faveur des personnes les plus lourdement handicapées -polyhandicapés, autistes, traumatisés crâniens-, à travailler dans la durée en conjuguant contrats d'objectifs et de moyens.

Ce budget prévoit 1,1 milliard d'actions nouvelles en faveur des handicapés, ce qui est beaucoup, mais il nous faudra aller plus loin tant les besoins à satisfaire sont grands. Je pense au manque de places en SESSAD dans certains départements. Je pense aussi à certains projets de MAS -dont un dans mon département- qui auraient besoin d'un plus fort accompagnement de l'Etat en matière d'équipements. Je pense encore à ces dossiers en souffrance dans les COTOREP en raison de l'encombrement administratif de ces services.

Je voudrais aussi dire un mot de la maltraitance des personnes placées dans des établissements spécialisés. Il faut mieux protéger les salariés qui la dénoncent contre d'éventuelles poursuites, voire un renvoi.

Je conclurai en évoquant la nécessité d'actualiser la loi du 30 juin 1975 de façon à tenir compte des lois de décentralisation et des nouveaux besoins qui sont apparues. La commission des affaires sociales a mis en place sur ce sujet une mission d'information, que je préside. Je dois rendre un rapport fin janvier. Peut-être sera-t-il possible, sinon de présenter une nouvelle loi en 2000, du moins de procéder à certains correctifs dans un prochain DMOS ?

Les députés socialistes soutiennent ce projet de budget conforme aux engagements qu'ils ont pris (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe communiste).

La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.

FIXATION DE L'ORDRE DU JOUR

M. le Président - L'ordre du jour des séances que l'Assemblée tiendra jusqu'au vendredi 26 novembre 1999 inclus a été fixé ce matin en Conférence des présidents.

Cet ordre du jour sera annexé au compte rendu de la présente séance.

La Conférence des présidents a décidé, en application de l'article 65-1 du Règlement, que le vote sur l'ensemble du projet de loi de finances pour 2000 donnera lieu à un scrutin public le mardi 23 novembre après les questions au Gouvernement.

Par ailleurs, la procédure d'examen simplifiée a été engagée pour la discussion de 24 projets portant ratification ou approbation d'accords internationaux ainsi que pour celle du projet portant habilitation du Gouvernement à procéder, par ordonnances, à l'adoption de la partie législative de certains codes, inscrits à l'ordre du jour du mardi 23 novembre.

Enfin, la Conférence des présidents a décidé que la séance mensuelle réservée du mois de novembre aura lieu le mardi 30 novembre, à 9 heures, et se poursuivra à une date qui sera fixée ultérieurement.

Prochaine séance cet après-midi, à 15 heures.

La séance est levée à 12 heures 30.

                      Le Directeur du service
                      des comptes rendus analytiques,

                      Jacques BOUFFIER

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ANNEXE
ORDRE DU JOUR

M. le Président - L'ordre du jour des séances que l'Assemblée tiendra jusqu'au vendredi 26 novembre 1999 inclus a été fixé ce matin en Conférence des présidents.

CET APRES-MIDI, à 15 heures, après les questions au Gouvernement, et à 21 heures :

      _ Suite de la deuxième partie du projet de loi de finances pour 2000 :

          · Justice (procédure expérimentale) ;

          · Légion d'honneur et ordre de la Libération ;

          · Solidarité et santé (suite).

MERCREDI 10 NOVEMBRE, à 15 heures, après les questions au Gouvernement :

      _ Suite de la discussion de la deuxième partie du projet de loi de finances pour 2000 ;

          · Affaires étrangères (procédure expérimentale).

          · Défense (procédure expérimentale)

LUNDI 15 NOVEMBRE, à 10 heures, à 15 heures et à 21 heures :

      _ Suite de la discussion de la deuxième partie du projet de loi de finances pour 2000 ;

          · Tourisme .

          · Outre-mer.

MARDI 16 NOVEMBRE, à 9 heures :

      _ Suite de la discussion de la deuxième partie du projet de loi de finances pour 2000 :

          · Ville.

À 15 heures, après les questions au Gouvernement et à 21 heures :

          · Logement (procédure expérimentale) ;

          · Eventuellement, ville (suite) ;

          · Enseignement scolaire.

MERCREDI 17 NOVEMBRE, à 15 heures, après les questions au Gouvernement et à 21 heures :

      _ Suite de la discussion de la deuxième partie du projet de loi de finances pour 2000 :

          · Agriculture et pêche ; BAPSA.

JEUDI 18 NOVEMBRE, à 9 heures :

      _ Suite de la discussion de la deuxième partie du projet de loi de finances pour 2000 :

          · Communication ;

à 15 heures et à 21 heures :

      _ Suite de la discussion de la deuxième partie du projet de loi de finances pour 2000 :

          · Jeunesse et sports (procédure expérimentale) ;

          · Eventuellement, communication (suite) ;

          · Aménagement du territoire.

VENDREDI 19 NOVEMBRE, à 9 heures, à 15 heures et à 21 heures :

      _ Suite de la discussion de la deuxième partie du projet de loi de finances pour 2000 :

          · Petites et moyennes entreprises, commerce et artisanat ;

          · Economie et finances : charges communes, services financiers, monnaies et médailles, comptes spéciaux du Trésor, taxes parafiscales ; commerce extérieur ;

          · Industrie, poste et télécommunication.

LUNDI 22 NOVEMBRE, à 10 heures, à 15 heures et à 21 heures :

          · Suite de la deuxième partie du projet de loi de finances pour 2000 :

          · Articles non rattachés.

MARDI 23 NOVEMBRE, à 9 heures :

      _ Suite de la deuxième partie du projet de loi de finances pour 2000 :

          · Articles non rattachés (suite).

À 15 heures, après les questions au Gouvernement, et à 21 heures :

      _ Explications de vote et vote, par scrutin public, sur l'ensemble du projet de loi de finances pour 2000 ;

      _ Projet autorisant la ratification de l'accord euro-méditerranéen établissant une association entre les Communautés européennes et leurs États membres, d'une part, et l'Etat d'Israël, d'autre part ;

      _ 24 projets, adoptés par le Sénat, autorisant la ratification ou l'approbation d'accords internationaux relatifs :

          · à l'entraide judiciaire en matière civile, avec le Brésil ;

          · à l'encouragement et la protection réciproques des investissements, avec la Géorgie ;

          · à l'encouragement et la protection réciproques des investissements avec le Qatar (ensemble une annexe) ;

          · à l'extradition, avec le Brésil ;

          · à l'entraide judiciaire en matière pénale, avec le Brésil ;

          · aux personnels scientifiques de l'Institut Max-von-Laue-Paul-Langevin, avec l'Allemagne et le Royaume-Uni ;

          · au statut de leurs forces, entre les Etats parties au Traité de l'Atlantique-Nord et les autres Etats participants au partenariat pour la paix (ensemble un protocole additionnel) ;

          · à la rectification de la frontière franco-suisse au raccordement des autoroutes entre Saint-Julien-en-Genevois (département de la Haute-Savoie) et Bardonnex (canton de Genève), avec la Suisse ;

          · à la rectification de la frontière franco-suisse entre le département du Doubs et le canton de Vaud, avec la Suisse ;

          · à la convention européenne d'entraide judiciaire en matière pénale du 20 avril 1959, avec la Suisse ;

          · à la réadmission des personnes en situation irrégulière, avec la Suisse ;

          · à l'aménagement du titre premier de la convention de voisinage entre la France et la Principauté de Monaco du 18 mai 1963 ;

          · à l'application de la convention de voisinage entre la France et la Principauté de Monaco du 18 mai 1963 ;

          · à la Sécurité sociale, avec Monaco ;

          · à l'encouragement et la protection réciproques des investissements, avec le Guatemala ;

          · à l'encouragement et la protection réciproques des investissements, avec le Honduras ;

          · à l'encouragement et la protection réciproques des investissements, avec le Nicaragua ;

          · à l'encouragement et la protection réciproques des investissements, avec la Namibie (ensemble un protocole) ;

          · à l'encouragement et la protection réciproques des investissements, avec la Macédoine ;

          · à l'encouragement et la protection réciproques des investissements, avec l'Azerbaïdjan (ensemble un protocole) ;

          · aux amendements à la convention portant création de l'Organisation internationale de télécommunications maritimes par satellites (INMARSAT) relatifs à la création de l'Organisation internationale de télécommunications mobiles par satellites (ensemble une annexe) ;

          · à l'entraide judiciaire en matière pénale, avec la Colombie ;

          · à la coopération transfrontalière en matière policière et douanière, avec l'Italie ;

          · à la coopération dans leurs zones frontalières entre les autorités de police et les autorités douanières (ensemble une déclaration) avec l'Allemagne.

Ces 24 textes faisant l'objet de la procédure d'examen simplifiée.

      _ Projet, adopté par le Sénat, portant habilitation du Gouvernement à procéder, par ordonnances, à l'adoption de la partie législative de certains codes ;

Ce texte faisant l'objet de la procédure d'examen simplifiée.

      _ Deuxième lecture du projet relatif aux droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations.

MERCREDI 24 NOVEMBRE, à 15 heures, après les questions au Gouvernement, et à 21 heures,

JEUDI 25 NOVEMBRE, à 9 heures; à 15 heures et à 21 heures, et éventuellement,

VENDREDI 26 NOVEMBRE, à 9 heures, à 15 heures et à 21 heures :

      _ Texte de la commission mixte paritaire ou nouvelle lecture du projet de loi de financement de la Sécurité sociale pour 2000.

-----------------------------------------------------------------------------------------------------------------------ERRATUM

au compte rendu analytique de la 2ème séance du lundi 8 novembre 1999.

Page 32, lire ainsi la première phrase de la question de M. Michel Hunault :

«En 2000, 21 milliards, soit 53 % de plus qu'en 1999, seront consacrés à financer 100 000 emplois-jeunes supplémentaires».


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