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Session ordinaire de 1999-2000 - 22ème jour de séance, 55ème séance

2ÈME SÉANCE DU MARDI 9 NOVEMBRE 1999

PRÉSIDENCE de M. Laurent FABIUS

Sommaire

QUESTIONS AU GOUVERNEMENT 2

FUSION ABD-ALSTOM 2

DÉCLARATIONS DU MINISTRE DE L'INTÉRIEUR SUR L'AFFAIRE DE LA MNEF 2

MUTUELLES ÉTUDIANTES 3

PARITÉ 4

TCHÉTCHÉNIE 4

MAISON D'ARRÊT DE SAINT-DENIS DE LA RÉUNION 5

RELATIONS FRANCO-ALLEMANDES 6

BANQUE CENTRALE EUROPÉENNE 6

TCHÉTCHÉNIE 7

AFFAIRE DE LA MNEF 8

PRÉSOMPTION D'INNOCENCE 9

RECONDUITE À LA FRONTIÈRE 11

LOI DE FINANCES POUR 2000 -deuxième partie- (suite) 11

JUSTICE -vote sur les crédits- 12

LÉGION D'HONNEUR ET ORDRE DE LA LIBÉRATION 22

SOLIDARITÉ ET SANTÉ (suite) 25

QUESTIONS 35

La séance est ouverte à quinze heures.

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QUESTIONS AU GOUVERNEMENT

L'ordre du jour appelle les questions au Gouvernement.

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FUSION ABD-ALSTOM

Mme Muguette Jacquaint - En raison des informations diffusées dans la presse et de la teneur de certains documents de la direction sur la fusion ABD-ALSTOM, les salariés, de l'ouvrier au cadre, s'inquiètent pour l'avenir de l'emploi et de certains sites. Aussi leurs représentants ont-ils déclenché la procédure d'alerte. De la fusion est issu le premier groupe mondial du secteur : 6 milliards de chiffre d'affaires et 58 000 ouvriers. Devant l'ampleur de cette restructuration, le PDG d'ALSTOM a provisionné 4,6 milliards. De fait, il s'agirait d'une transformation totale de la filière électromécanique et énergétique en France et en Europe avec redéploiement des sites et abandon de la technologie des turbines à action développée à La Courneuve et à Belfort. Le Gouvernement ne peut se désintéresser d'une telle restructuration. Quelles sont ses intentions pour maintenir l'emploi, l'activité des sites de La Courneuve et de Belfort et la synergie de la filière énergétique ? (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste)

M. Christian Sautter, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie - M. Pierret assistant au conseil industrie à Bruxelles, j'ai plaisir à vous répondre. Le Gouvernement est extrêmement attentif à la situation de l'emploi dans le groupe ABD-ALSTOM. Ce matin même Christian Pierret a reçu le PDG de l'entreprise, M. Darmon, et lui a fait part du souci du Gouvernement en ce qui concerne l'emploi.

Dans le cadre de la procédure d'alerte, les salariés de l'entreprise ont été reçus au cabinet de M. Pierret la semaine dernière, après les rumeurs de diminution des effectifs à La Courneuve et à Belfort. Même si ces rumeurs ne sont pas confirmées par la direction, il faut rester vigilants et le Gouvernement entend qu'il y ait des discussions approfondies avec les salariés avant toute décision. Des mesures, annoncées par le Premier ministre à Strasbourg, ont été décidées pour renforcer la protection des salariés en cas de plan social. Si la question se posait, ABD-ALSTOM devrait s'y conformer (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

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DÉCLARATIONS DU MINISTRE DE L'INTÉRIEUR SUR L'AFFAIRE DE LA MNEF

M. Maurice Leroy - Monsieur le ministre de l'intérieur, vous avez déclaré sur TF1 n'accorder «aucune espèce de réalité» aux informations fournies par la presse sur l'analyse de la police scientifique au sujet du document concernant le travail de Dominique Strauss-Kahn, dans l'affaire de la MNEF. Textuellement, vous avez dit : «Un certain nombre d'informations publiées dans la presse sur la rame de papier, les polices de caractère, tout cela ne répond à aucune espèce de réalité».

Le code de procédure pénale ne prévoit pas l'information du ministre de l'Intérieur sur le déroulement d'une instruction. Celle-ci est sous l'autorité des magistrats. Aussi sur quels éléments fondez-vous vos propos et faites-vous procéder à une enquête parallèle ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF et du groupe du DL)

M. Jean-Pierre Chevènement, ministre de l'intérieur - Dominique Strauss-Kahn a été conduit à démissionner par une sorte de tempête médiatique avant même d'être mis en examen, sur la base d'informations publiées par la presse, dont j'ai dit qu'elles ne répondaient à aucune réalité.

Monsieur le député, vous devriez bien vous interroger sur le système dans lequel nous vivons et, au lieu de hurler avec les loups (Interruptions sur les bancs du groupe UDF, du groupe DL et du groupe du RPR), vous demander si le vent qui souffle aujourd'hui dans un sens ne pourrait pas, demain, sembler aller dans un autre (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

N'étant inspiré que par le souci de l'équité et de l'objectivité, je n'ai aucune raison d'accorder la moindre réalité aux informations parues dans la presse sur la rame de papier ou les polices de caractère afin d'accabler Dominique Strauss-Kahn, et ce d'autant moins que Le Monde a dénoncé lui-même dans son édition de mercredi l'information qu'il donnait dans son titre du lundi, repris de celui de Libération.

Je regrette aussi que vous n'ayez pas cité la suite de mes propos : «Je ne connais pas le dossier (Rires et exclamations sur les bancs du groupe UDF, du groupe DL et du groupe du RPR), je ne peux pas me prononcer sur un dossier que je ne connais pas (Mêmes mouvements) et que Dominique Strauss-Kahn ne connaît pas non plus». Si Le Monde a démenti les informations qu'il avait données lui-même, c'est qu'il ne les avait pas données à bon escient (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe RCV).

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MUTUELLES ÉTUDIANTES

M. Pierre Albertini - Je savais M. le ministre de l'intérieur doué d'une intelligence souple et flexible. Mais à ce point, je suis impressionné ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF, du groupe DL et du groupe du RPR)

Au-delà des péripéties judiciaires, le devenir des neuf mutuelles étudiantes, auxquelles 1,5 million d'étudiants sont affiliés, provoque l'inquiétude. Ce régime de protection sociale a été créé en 1948 et rattaché au régime général. En 1998, un rapport de la Cour des comptes s'interrogeait sur l'intérêt de réexaminer la gestion de la mutualité étudiante et sur l'opportunité de renouveler la délégation de gestion. Coïncidence ou heureux hasard, il y a quelques jours la commission de contrôle a nommé deux administrateurs provisoires à la tête d'une de ces mutuelles, la MNEF.

L'UDF est favorable à la transparence, à la démocratie interne et aux contrôles. Mais comme les étudiants, nous sommes très attachés au régime de la mutualité étudiante. Madame la ministre des affaires sociales, vous exercez la tutelle sur les mutuelles. Que comptez-vous faire pour dissiper rapidement l'inquiétude des étudiants et pour réaffirmer l'attachement de l'Etat au régime de sécurité sociale étudiante ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF, du groupe DL et du groupe du RPR)

Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité - Je suis heureuse que nous puissions nous retrouver sur cette question. Je l'ai dit lors de l'anniversaire de la Mutualité il y a deux ans, le Premier ministre l'a dit en confiant un rapport à Michel Rocard, nous sommes tout à fait favorables à ce que la mutualité étudiante se développe dans la transparence et retrouve les valeurs de la mutualité que nous avons, à gauche en tout cas, toujours soutenues (Protestations sur les bancs du groupe UDF, du groupe DL et du groupe du RPR). Je suis ravie de voir que nous sommes unanimes aujourd'hui.

Le Gouvernement est donc attaché à un régime de sécurité sociale étudiante mutualiste. Mon ministère en a la tutelle, mais seulement pour ce qui concerne l'assurance maladie. Pour le reste, ce régime est soumis à la commission de contrôle des mutuelles et des institutions de prévoyance, qui est indépendante. Suite au rapport de la Cour des comptes, la mission de contrôle s'est intéressée en 1997 et 1998 à la gestion de la MNEF. Le commissaire du Gouvernement dans cette commission, qui n'a pas voix délibérative, a demandé il y a un an qu'un administrateur provisoire soit nommé. La commission de contrôle ne l'a pas souhaité. Je le regrette car cela aurait permis de remettre à flot la mutuelle avant les élections et l'arrivée d'une nouvelle direction qui fait ce qu'elle peut mais n'a pu en quelques mois satisfaire les exigences prudentielles du code de la mutualité. Mieux vaut tard que jamais, il y a quelques jours la mission de contrôle a décidé de nommer des administrateurs provisoires. Dommage, encore une fois, que la nouvelle direction en fasse les frais. Le Gouvernement est décidé à aider la MNEF et l'ensemble des mutuelles à se consolider. Plus généralement, les textes que nous préparons à la suite de la mission Rocard devraient répondre à notre souci de transparence. C'est ainsi qu'ensemble nous défendrons le mieux la mutualité (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe RCV).

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PARITÉ

Mme Danièle Bousquet - Monsieur le Premier ministre, vous avez souvent affirmé votre souhait de faire progresser la démocratie, notamment par une meilleure représentation des femmes dans les lieux de décision. Concernant la place des femmes dans les prochains scrutins, quelle démarche est envisagée ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe RCV)

M. Lionel Jospin, Premier ministre - (Exclamations sur les bancs du groupe UDF, du groupe DL et du groupe du RPR). Vous ne vous intéressez pas à la parité, en faveur de laquelle vous vous êtes prononcés Le Congrès a en effet voté le 28 juin dernier un texte destiné à marquer une nouvelle étape vers l'égalité, l'égal accès des femmes et des hommes aux fonctions électives. Le Parlement a ainsi donné une impulsion décisive au combat pour l'égalité ; cinquante-cinq ans après le droit de vote des femmes, la parité s'inscrit enfin dans notre Constitution.

Mais, s'en tenir au principe ne peut suffire ; il faut que la loi inscrive notre volonté dans les faits. Les chiffres mesurant la présence des femmes dans la vie publique française montrent que notre démocratie est incomplète. C'est ce que nous voulons changer. Un projet de loi sera présenté le 8 décembre au Conseil des ministres, et déposé le lendemain même au Parlement, qui en débattra dès janvier.

Ce projet affirme clairement le principe de parité. Pour tous les scrutins de liste -élections régionales, européennes, sénatoriales pour les départements concernés, et municipales dans les communes de plus de 3 500 habitants, la parité sera exigée comme condition de recevabilité des listes (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe RCV). Ce principe s'appliquera dès les prochaines élections, c'est-à-dire les municipales de 2001.

M. Lucien Degauchy - Démagogue !

M. le Premier ministre - Pour les élections législatives, où existe un scrutin uninominal, ce principe trouvera aussi une application : une modulation de l'aide publique viendra pénaliser financièrement les partis politiques qui ne respecteraient pas le principe de parité.

Grâce à ce projet les femmes trouveront dans notre vie publique la place qu'elles devraient y occuper depuis longtemps. Le Gouvernement proposera une démarche qui traduira un changement profond de notre vie publique : ce sera une chance nouvelle pour la démocratie. Je souhaite que toutes les formations politiques se saisissent de cette occasion historique (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe RCV).

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TCHÉTCHÉNIE

M. Jean-Louis Bianco - Certes, la Tchétchénie n'est pas un Etat souverain, mais fait partie de la Russie. Certes, celle-ci a été victime d'attentats terroristes face auxquels nous Français, qui fûmes aussi frappés, devons exprimer notre solidarité à nos amis russes. Certes, pour reprendre le terme de la langue de bois, il y a des bandits en Tchétchénie, et chacun se souvient qu'un Français y a été enlevé. Mais rien ne démontre que la Tchétchénie tout entière soit devenue la base arrière du terrorisme. Pourtant, d'après un journal tchèque, le Premier ministre russe a déclaré qu'il voulait détruire tout ce qui a l'âge de porter une arme -alors que chacun se rappelle les déportations dont les Tchétchènes furent victimes en 1944. Pour venir à bout du terrorisme, faut-il bombarder une maternité ou un marché ? Est-ce en refusant de négocier avec le président tchétchène modéré Mashkadov qu'on prépare une solution politique ? La presse fait aujourd'hui état de quelque 200 000 réfugiés. Au regard de la morale, ce qui se passe en Tchétchénie diffère-t-il tellement de ce qui se passait au Kosovo avant l'intervention de l'OTAN ? Est-ce l'absence d'images télévisées qui explique la mollesse et la lenteur de réaction des démocraties ?

Monsieur le ministre des affaires étrangères, pensez-vous comme votre homologue allemand M. Fischer que l'offensive russe en Tchétchénie est une terrible erreur ? La France partage-t-elle l'indignation de la porte-parole du HCR en France, qui parle d'un régime de terreur contre les civils ? La France condamne-t-elle l'intervention russe comme l'a fait le Parlement européen ? Quelles mesures envisage-t-elle, avec ses partenaires européens, pour imposer d'urgence une intervention humanitaire, en garantissant un libre accès aux ONG et au HCR ? Même si nous sommes tous d'accord pour ne pas déstabiliser la Russie, nous attendons que s'exprime clairement la voix de la France (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste, du groupe socialiste, du groupe RCV et plusieurs bancs du groupe UDF et du groupe DL).

M. Hubert Védrine, ministre des affaires étrangères - Depuis déjà plusieurs semaines, d'abord avec mes homologues allemand et italien, puis à quinze, nous avons dit clairement que même si l'intégrité territoriale de la Russie n'est contestée par personne, et si le terrorisme sévit depuis des années dans cette région, cela ne justifie pas l'escalade à laquelle procède l'armée russe en Tchétchénie. Nous avons dit qu'il était intolérable que les victimes civiles soient frappées par une action militaire à grande échelle, qui semble en outre aveugle, et que nous ne croyions pas à une solution purement militaire. Nous avons demandé depuis des semaines que soit repris le dialogue politique, tel qu'il avait été envisagé en 1996, puis abandonné -par les uns et les autres il est vrai, mais ce n'est pas une raison. Nous avons fait tout ce que nous pouvions pour que soient rouverts des couloirs humanitaires et pour que l'aide humanitaire parvienne, à partir de l'Ingouchie. Nous pensons que les Russes se fourvoient : ils doivent reconnaître qu'il y a un problème tchétchène, et un problème du Caucase du nord qui dépasse de loin la question du terrorisme -il existe- et qui doit être traité sur des bases politiques. C'est ce que j'ai dit sans ambiguïté à mon homologue russe, et que nous allons dire au sommet d'Istambul. La Russie va faire l'objet des pressions de tous les pays qui veulent que prévale en Tchétchénie une solution d'une autre nature (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

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MAISON D'ARRÊT DE SAINT-DENIS DE LA RÉUNION

M. Michel Tamaya - Vous connaissez bien, Madame le Garde des Sceaux, la situation des établissements pénitentiaires réunionnais, qui subissent un taux d'occupation de près de 200 %, avec une population pénale en augmentation constante. La situation de la maison d'arrêt de Saint-Denis, construite en 1876, est particulièrement préoccupante. Une mission parlementaire l'a récemment visitée. Face à ses conclusions alarmantes, vous avez diligenté une mission technique qui a confirmé la nécessité de fermer cet établissement et que vous avez chargée d'étudier des sites possibles pour la construction d'une nouvelle maison d'arrêt. Cette mission doit rendre prochainement son rapport : les détenus, le personnel et toute la population attendent une réponse forte et rapide de l'Etat (Applaudissements sur quelques bancs du groupe socialiste).

Mme Elisabeth Guigou, garde des sceaux, ministre de la justice - Vous avez en effet accueilli une mission parlementaire, que dirigeait Mme la présidente Tasca, et qui a constaté en septembre la vétusté et l'encombrement de la prison de Saint-Denis. J'ai dit que je mobiliserais tous les moyens pour traiter ce problème. J'ai envoyé une mission technique, comme vous l'avez dit, et elle ma proposé trois sites possibles. Reste à lancer la construction, et surtout à dégager les crédits nécessaires. Je suis heureuse de pouvoir vous dire que j'ai obtenu, avec l'appui du Premier ministre (Exclamations sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL) et du ministre des finances, que ces crédits soient prévus dans la prochaine loi de finances rectificative, pour 200 millions. Ils permettront dès 2000 l'acquisition du terrain et le lancement des études ; le coût total du projet est évalué à 450 millions pour un établissement de 600 places.

Le lancement de ce nouvel établissement s'ajoutera à la construction de six autres en métropole et à la rénovation de cinq grandes maisons d'arrêt. Il montrera que ce gouvernement veut améliorer la situation des personnels de la justice et des justiciables ; et j'aurai l'occasion dans quelques instants, en présentant mon budget, d'annoncer une autre décision qui traduit le même souci dans le domaine des services judiciaires (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe RCV).

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RELATIONS FRANCO-ALLEMANDES

M. Jean-Marie Bockel - Dix ans jour pour jour après la chute du Mur de Berlin, nous avons encore présent à l'esprit l'émotion ressentie alors devant cet événement de dimension planétaire. L'heure n'en est pas moins à dresser le bilan de la réunification allemande et à en analyser les conséquences sur la construction européenne.

La fin d'un monde bipolaire a ouvert une nouvelle voie à l'Europe. La page de la nécessaire réconciliation entre la France et l'Allemagne a également été tournée. Nous avons aujourd'hui affaire à un partenaire décomplexé, fort de 80 millions d'habitants et assuré de sa puissance. Si cela ne va pas sans provoquer quelques tensions, notre dialogue avec l'Allemagne y a gagné en franchise.

A l'approche de la présidence française de l'Union et à quelques jours de la visite du chancelier Schröder à l'Assemblée nationale, pourriez-vous, Monsieur le ministre des affaires étrangères, nous donner votre vision du rôle de la France et de l'Allemagne dans la construction européenne, qu'il s'agisse de la réforme des institutions ou de l'élargissement ? Vous avez par exemple déclaré il y a peu avec votre homologue Joschka Fischer que les premiers pays d'Europe centrale et orientale avaient vocation à adhérer à l'Union dès 2003 (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

M. Jacques Myard - Non !

M. Hubert Védrine, ministre des affaires étrangères - La réunification allemande a été permise, il faut le rappeler, par la décision prise par M. Gorbatchev vers 1987 de ne plus recourir à la force pour maintenir en place des régimes rejetés par la population.

Que peut-on dire aujourd'hui avec le recul ? Tout d'abord, que la question allemande, qui avait inquiété l'Europe pendant des décennies et dont certains pensaient qu'elle était le seul casus belli dans l'Europe moderne, a été admirablement gérée par les responsables de l'époque, dans l'intérêt de l'Europe, de ses peuples et de la paix dans le monde. On peut même parler de véritable prouesse de la concertation et de la démocratie.

Pour le présent, oui, la relation entre la France et l'Allemagne reste l'un des moteurs irremplaçables de la construction européenne, même si le dialogue s'est renforcé avec d'autres pays de l'Union. A cet égard, l'étroitesse des relations entre le chancelier Schröder et le Président de la République, ainsi qu'entre le chancelier et le Premier ministre, le travail conduit au niveau des ministères compétents pour parvenir à une vision convergente entre les deux pays sur la réforme des institutions préalable à l'élargissement, sur la nécessaire maîtrise de celui-ci pour qu'il profite aux pays candidats et à l'Union ou bien encore sur le développement de coopérations dans de nouveaux domaines, tout cela ne peut qu'inciter à l'optimisme : oui, le couple franco-allemand fonctionne bien et continuera de bien fonctionner (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et sur plusieurs bancs du groupe RCV).

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BANQUE CENTRALE EUROPÉENNE

M. Georges Sarre - Ma question s'adresse au ministre de l'économie et des finances.

Dans l'indifférence médiatique la plus totale, la Banque centrale européenne a relevé jeudi dernier son taux directeur, démontrant ainsi, une fois de plus, que la lutte contre l'inflation, qui n'existe plus et de toute façon ne menacerait pas, constitue sa seule préoccupation. Cette décision créera d'ailleurs davantage de difficultés à l'Allemagne, où la politique de rigueur conduite par le chancelier Schröder étouffe la croissance, qu'à la France où cette dernière est soutenue. Mais l'Allemagne est notre premier partenaire commercial et le renchérissement de l'argent peut remettre en question la croissance dans tous les pays de la zone euro.

Mes questions sont simples. Les responsables politiques ont-ils encore leur mot à dire sur la politique monétaire conduite dans les pays où ils ont été élus ? Ne faudrait-il pas réformer les statuts de la BCE pour lui imposer d'intégrer la croissance et l'emploi dans ses préoccupations et assurer un contrôle démocratique sur un instrument essentiel de la politique économique ? (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste, sur plusieurs bancs du groupe RCV, du groupe du RPR, et sur quelques bancs du groupe socialiste) Comment espérer peser sur la mondialisation si les instruments monétaires, budgétaires et commerciaux échappent aux élus du peuple ?

M. Jacques Myard - Bravo !

M. Christian Sautter, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie - Vous oubliez de dire qu'avant de relever en effet ses taux d'intérêt de 0,5 % le 4 novembre, la BCE les avait abaissés d'un même montant le 8 avril dernier pour soutenir la croissance, alors en difficulté en Europe. Je vois donc dans sa récente décision la confirmation que la croissance est repartie de façon solide en Europe. La fourchette estimée pour 2000 est de 2,6 % à 3 % et tout laisse à penser que nous serons dans la partie haute.

Vous avez évoqué l'indifférence médiatique. En effet, les médias n'ont pas souligné que les taux d'intérêt à long terme avaient, eux, été diminués de 0,3 %. Or ce sont eux qui sont essentiels au regard des investissements.

M. Jacques Myard - Non.

M. le Ministre - Enfin, fort heureusement le Parlement garde sa pleine souveraineté en matière budgétaire. Je vous remercie d'ailleurs d'avoir voté en première lecture un budget pour 2000 qui servira la croissance, l'emploi et la solidarité (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, sur plusieurs bancs du groupe communiste et sur plusieurs bancs du groupe RCV).

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TCHÉTCHÉNIE

M. Noël Mamère - Ma question s'adresse au ministre des affaires étrangères et fait suite à celle posée par M. Bianco sur la Tchétchénie. «Il y avait au Goulag un peuple qui jamais ne s'est plié, jamais n'a accepté l'idée de la soumission» a écrit Alexandre Soljénitsyne dans L'archipel du Goulag.

Hier, au nom des députés Verts, j'ai eu l'honneur de recevoir ici même Ilias Akhmadov, ministre tchétchène des affaires étrangères. A notre demande, il est revenu aujourd'hui et se trouve actuellement dans les tribunes. Je lui demande de bien vouloir se lever pour écouter la réponse que va faire M. Védrine au nom du Gouvernement français (Protestations sur de nombreux bancs).

M. Akhmadov, qui représente son peuple, actuellement massacré par l'armée russe, n'a pas obtenu de visa de la part du Gouvernement français (Protestations sur les bancs du groupe socialiste) qui s'est pourtant indigné de la situation au Kosovo. Pourquoi ne recevez-vous pas, Monsieur le ministre, votre homologue ? (Mêmes mouvements) Attendez-vous que la Tchétchénie ne soit plus qu'un champ de ruines, au risque d'ailleurs d'embraser tout le Caucase ? Quelle sera la position du Gouvernement français lors de la prochaine réunion de l'OSCE à Istanbul ? Comment la France, qui a fait preuve de courage politique lors du conflit du Kosovo en invoquant le droit d'ingérence, ou bien encore au Timor oriental en gelant les aides à l'Indonésie, pourrait-elle rester silencieuse face aux événements actuels de Tchétchénie ? Ce n'est pas une affaire intérieure. Si nous restons silencieux, nous serons complices de ce qui est déjà un crime de guerre, et peut être demain un crime d'humanité (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF, du groupe DL et sur plusieurs bancs du groupe du RPR).

M. Hubert Védrine, ministre des affaires étrangères - La question de la Tchétchénie, qui est une question grave, doit être traitée avec sérieux. Si nous devons faire preuve de compassion pour le calvaire des populations civiles tchétchènes qui subissent les conséquences d'une escalade militaire dont j'ai dit tout à l'heure ce qu'il fallait penser (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste et du groupe communiste), une intervention militaire, à supposer qu'elle puisse être justifiée pour des raisons de terrorisme, une intervention militaire, n'apportera aucune solution, ni juste ni durable.

M. Akhmadov, actuellement en visite en Europe, devait être invité par les instances du Conseil de l'Europe, auquel cas la France, pays hôte, lui aurait immédiatement délivré toutes les autorisations nécessaires. Cette invitation n'a pas été confirmée. Nous avons toutefois fait savoir à M. Akhmadov qu'il pouvait venir en France et qu'il serait reçu, comme il est normal, car le point de vue tchétchène doit être entendu.

Il n'est pas de solution en Tchétchénie hors du dialogue. Il existait il y a quelques années ; nous demandons à la Russie de le renouer, dans son intérêt et dans celui de l'Europe tout entière. Soyez assuré que nous recherchons tous la meilleure solution possible (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et sur plusieurs bancs du groupe communiste).

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AFFAIRE DE LA MNEF

M. François d'Aubert - Je souhaite interroger le Premier ministre sur le comportement singulier de son Gouvernement dans l'affaire, tentaculaire, de la MNEF, qui le touche de si près.

Tout d'abord, nous n'avons toujours pas obtenu d'explications convaincantes sur l'éviction de Mme Fulgéras, chef de la section financière du Parquet de Paris, chargée de plusieurs dossiers sensibles, dont celui de la MNEF.

Mme Fulgéras l'a dit à la presse, elle ne comprend pas les raisons de sa mise à l'écart -n'assiste-t-on pas à une reprise en mains insidieuse de la justice par le Garde des Sceaux ? (Protestations sur les bancs du groupe socialiste) Au même moment est projetée la suppression de la sous-direction des affaires économiques et financières de la Chancellerie, celle-là même qui doit aider les magistrats à lutter contre la délinquance financière : est-ce un hasard ?

Décidément l'affaire de la MNEF amène votre gouvernement à des comportements bizarres... Dernier en date, la prestation sur TF1, dimanche soir, de M. le ministre de l'intérieur (Interruptions sur les bancs du groupe socialiste), qui n'a pas hésité à intervenir dans la procédure en cours concernant M. Strauss-Kahn en donnant à l'opinion publique des informations de police judiciaire couvertes par le secret de l'instruction (Rires sur les bancs du groupe socialiste) et en se hasardant même à un pronostic sur l'issue de la procédure, comme pour faire pression sur les magistrats ("Lamentable !" sur les bancs du groupe socialiste)

Monsieur le Premier ministre, quelle est donc votre conception de la séparation des pouvoirs, de l'indépendance de la magistrature et du respect de la loi, en particulier du code de procédure pénale ?

Cette affaire a encore une autre dimension, la dimension «pouponnière» (Interruptions sur les bancs du groupe socialiste). Monsieur le Premier ministre, lorsque vous étiez Premier secrétaire du PS entre 1981 et 1987, puis de 1995 à 1997, pouviez-vous ignorer que la MNEF servait, comme l'a déclaré M. Le Guen, député de Paris et président de la fédération du parti socialiste de Paris, de «pouponnière» aux socialistes ? La MNEF remplissait donc une fonction politique éminente dans le dispositif de votre parti, surtout quand on sait qu'elle «employait» des responsables du PS, dont certains vous sont très proches (Interruptions sur les bancs du groupe socialiste). L'agence de publicité de la Mutuelle serait même intervenue au profit de candidats socialistes parisiens aux élections législatives de 1997 (Vives protestations sur les bancs du groupe socialiste). N'y a-t-il pas, contrairement à ce que vous avez dit la semaine dernière, des liens politiques fonctionnels voire personnels, entre certains dirigeants de la MNEF et la direction du PS ?

Un mot sur la dimension «commerce extérieur» de la MNEF (Mêmes mouvements) : nous savons maintenant qu'il y avait une sorte de filiale taïwanaise de la MNEF sur le rôle de laquelle nous aimerions avoir quelques explications.

N'oublions pas l'essentiel : la Sécurité sociale et des milliers d'étudiants ont été escroqués pendant des années (Interruptions sur les bancs du groupe socialiste), sans doute pour des centaines de millions de francs, par des dirigeants socialistes de la MNEF. Quelles mesures comptez-vous prendre pour indemniser les victimes de ces turpitudes ? (Applaudissements sur les bancs du groupe DL, sur plusieurs bancs du groupe du RPR et sur quelques bancs du groupe UDF ; protestations sur les bancs du groupe socialiste)

Mme Elisabeth Guigou, garde des sceaux, ministre de la justice - Sur la réorganisation interne du Parquet de Paris, j'ai répondu longuement la semaine dernière. Il est important que le Parquet de Paris se donne les moyens de lutter plus efficacement contre la délinquance quotidienne et par conséquent calque son organisation sur celle de la police judiciaire.

S'agissant de Mme Fulgéras, si elle ne souhaite pas rester au Parquet de Paris (Exclamations sur les bancs du groupe DL), où elle est toujours premier substitut et où elle a reçu des offres de postes, naturellement elle se verra proposer des postes à l'extérieur correspondant à ses desiderata (Interruptions sur les bancs du groupe DL, du groupe UDF et du groupe du RPR).

En ce qui concerne la réorganisation de la direction des affaires criminelles et des grâces, elle a pour seul but de faire correspondre les directions à l'action menée par le Gouvernement. Depuis deux ans et demi, cette direction ne donne plus aucune espèce d'instruction au Parquet (Protestations sur les bancs du groupe DL, du groupe du RPR et du groupe UDF) et son travail consiste désormais à préparer des textes législatifs et à envoyer des circulaires de politique pénale.

Vous vous êtes étonné des informations diffusées sur des dossiers judiciaires. Je vous rappelle que deux informations judiciaires ont été ouvertes à la suite des rapports remis au Gouvernement par la Cour des comptes et par l'IGAS. Ces deux rapports ont été immédiatement transmis à la justice et le jour même où nous avons reçu, transmis par les juges d'instruction, des réquisitoires supplétifs, nous les avons renvoyés, ce qui montre que ce gouvernement assume toutes ses responsabilités (Interruptions sur les bancs du groupe DL, du groupe UDF et du groupe du RPR).

Quant au contenu des dossiers, c'est à la justice de l'apprécier (Mêmes mouvements) et je n'ai pas à me prononcer là-dessus. Ce n'est pas parce que vous parlez dans votre question de tout et n'importe quoi (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste) que je dois me prononcer sur tout et n'importe quoi ! (Vives exclamations sur les bancs du groupe DL, du groupe du RPR et du groupe UDF ; applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe RCV)

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PRÉSOMPTION D'INNOCENCE

M. Edouard Balladur - Ma question s'adresse au Premier ministre et croyez bien que je la pose spontanément (Sourires).

Monsieur le Premier ministre, votre gouvernement a traversé la semaine dernière une épreuve. Celui que je dirigeais l'a connue, lui, à trois reprises. Un ministre concerné par une procédure pénale doit-il quitter le Gouvernement ? Pour les uns, oui : aucun doute ne doit planer sur un homme public et la morale qui s'applique à lui est plus exigeante. Pour d'autres, non : la composition du Gouvernement ne peut dépendre d'une mesure d'instruction, ce serait confier un pouvoir exorbitant aux juges et détruire la présomption d'innocence par une atteinte à la réputation irrémédiable.

Mon gouvernement a retenu la première solution. Je n'en ai été ni fier ni heureux : elle consistait à infliger une épreuve cruelle à des hommes qui n'étaient pas encore jugés et dont, d'ailleurs, deux ont bénéficié d'un non-lieu.

Est-il impossible d'imaginer une autre solution ? Je ne le crois pas. Il faut prendre acte de la société médiatique dans laquelle nous vivons : il n'y a plus de secret de l'instruction, plus de présomption d'innocence, plus de respect absolu des droits de l'homme (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe du RPR, du groupe UDF, du groupe DL, du groupe socialiste, du groupe RCV et sur quelques bancs du groupe communiste), pas seulement pour les hommes politiques, mais pour tous les citoyens.

On a proposé qu'une commission comprenant des parlementaires éclaire le juge d'instruction lorsqu'un ministre est en cause. Ce serait, à mes yeux, une mauvaise solution que de soustraire un homme public au droit commun. S'il faut changer quelque chose, c'est au profit de tous les citoyens.

La réforme de la procédure pénale que vous avez entreprise en ce sens a des mérites, mais elle est insuffisante. Il faudrait remplacer la mise en examen décidée par un seul juge et sans appel par une procédure de mise en accusation pouvant faire l'objet d'un appel devant un tribunal de la liberté. Sans régler tous les problèmes, cette procédure offrirait des garanties plus solides. Un ministre ne pourrait être contraint à la démission qu'après la décision du juge d'appel.

Si vous vous ralliez à cette procédure, vous reprocherait-on de vouloir protéger votre gouvernement ? Ce serait injuste puisque depuis huit jours le problème est déjà réglé par la démission du ministre de l'économie et des finances.

La réforme de la procédure pénale ne vise pas à défendre les seuls hommes politiques, mais tous les citoyens, car tous sont atteints par la disparition de fait du secret de l'instruction et de la présomption d'innocence.

Monsieur le Premier ministre, êtes-vous prêt à inviter le Parlement à légiférer en ce sens, ou considérez-vous que la situation actuelle est satisfaisante ? (Applaudissements sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF, du groupe DL, sur plusieurs bancs du groupe socialiste et quelques bancs du groupe communiste)

M. Lionel Jospin, Premier ministre - Je ne me prononcerai pas sur les épreuves gouvernementales. Chacun décide en conscience face à des événements de ce type. Vous avez agi d'une certaine façon, le ministre de mon gouvernement et moi-même avons agi à notre manière et l'opinion se prononce.

Je ne veux pas improviser ici, en réponse à votre question -bien qu'elle tranche beaucoup par le ton et le contenu sur la précédente ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe RCV)- sur le problème des rapports entre les membres du Gouvernement et la justice.

Vous posez plus généralement la question de la portée effective du principe de présomption d'innocence. C'est bien parce qu'il a estimé que la situation n'était pas satisfaisante, pour reprendre votre formule, que le Gouvernement a présenté un projet de loi visant à renforcer la présomption d'innocence au bénéfice de tous les citoyens. Ce texte a fait l'objet d'un examen en première lecture à l'Assemblée et au Sénat. Sa discussion va se poursuivre ; conduisez-la !

De nombreuses préoccupations s'expriment par ailleurs au sujet de la mise en jeu croissante de la responsabilité pénale pour faute non intentionnelle des élus qui dirigent des exécutifs locaux. Le Gouvernement a chargé une commission présidée par un membre du Conseil d'Etat, M. Jean Massot, de réfléchir à ce problème ; son rapport sera remis très prochainement au Garde des Sceaux. J'ai la ferme intention de le traduire rapidement en proposition.

Comme vous, Monsieur le Premier ministre, je considère que la mission de la justice, son indépendance, sa responsabilité, sa fonction de protection impartiale de la liberté individuelle sont fondamentales. C'est pourquoi le Gouvernement a fait un chantier prioritaire de la réforme de la justice, dans ses différents aspects. Ces textes sont nécessaires et doivent aboutir (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe RCV et sur plusieurs bancs du groupe communiste).

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RECONDUITE À LA FRONTIÈRE

M. Serge Poignant - Monsieur le ministre de l'intérieur, vous avez adressé récemment aux préfets une circulaire demandant une action méthodique pour interpeller et reconduire à la frontière les immigrés en situation irrégulière. Vous y constatez que les mesures d'éloignement ne sont prises que dans la proportion de 20 %. Que se passe-t-il donc sur le terrain ?

Un cas parmi d'autres a été récemment relaté dans la presse. Il concerne un ressortissant étranger dont un maire socialiste de l'agglomération nantaise a refusé en octobre de célébrer le mariage -refus justifié puisqu'il est apparu après enquête que l'intéressé, en situation irrégulière, avait déposé en même temps deux demandes de mariage avec deux femmes françaises différentes (Murmures sur les bancs du groupe du RPR, du groupe DL et du groupe UDF). Un arrêté d'expulsion avait été pris en février, mais l'expulsion n'a pas eu lieu parce que la préfecture, selon ses propres dires, ne disposait pas des moyens nécessaires à la reconduite à la frontière.

Dès lors, Monsieur le ministre, comment votre circulaire pourrait-elle être appliquée ? En réalité, vous subissez des pressions contradictoires en provenance des différentes composantes de votre majorité plurielle et du ministère de la justice. Le Gouvernement maîtrise parfaitement la politique du «ni-ni» : ni expulsion, ni régularisation. Mais les Français en ont assez des décisions de justice non appliquées, des dossiers classés sans suite, des délinquants non poursuivis, des plaintes non enregistrées. D'après l'INSEE, seulement un fait de délinquance sur cinq est enregistré par les services de police.

Quand aurez-vous réellement la volonté de faire appliquer les lois de la République ? En donnerez-vous les moyens sur le terrain ? Vous en donnera-t-on le pouvoir au sein du Gouvernement ? (Applaudissements sur les bancs du groupe du RPR)

M. Jean-Pierre Chevènement, ministre de l'intérieur - J'ai pris une quinzaine de circulaires au sujet de l'entrée et du séjour des étrangers. La loi RESEDA a permis des régularisations sur la base de différents critères ; il est tout à fait normal que ceux qui ne sont pas régularisés fassent l'objet d'une reconduite. Or j'ai constaté que dans certains départements, la moitié des étrangers déboutés n'avaient pas fait l'objet d'arrêtés préfectoraux de reconduite.

Le sujet est difficile car les intervenants sont nombreux -police, gendarmerie, justice, consulats étrangers, transporteurs...- et même du temps de M. Jean-Louis Debré, on a rarement dépassé 10 000 éloignements par an. J'ai adressé cette circulaire aux préfets afin de résister à la démagogie de ceux qui confondent la liberté de circulation et la liberté d'installation des étrangers sur notre sol, comme à la vôtre, qui consiste à faire croire que cette loi n'est pas appliquée. Elle l'est, j'y veille, et je fais en sorte qu'elle le soit aussi humainement que possible. Il n'y a pas de contrôle au faciès. En revanche, j'ai demandé qu'on renforce les contrôles là où se concentrent les irréguliers, par exemple dans le train Vintimille-Strasbourg.

La loi votée par le Parlement s'impose à tous. Ma volonté est qu'elle soit appliquée (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe RCV et sur de nombreux bancs du groupe socialiste).

La séance, suspendue à 16 heures 5 est reprise à 16 heures 20, sous la présidence de M. Cochet.

PRÉSIDENCE de M. Yves COCHET

vice-président

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LOI DE FINANCES POUR 2000 -deuxième partie- (suite)

L'ordre du jour appelle la suite de la discussion de la deuxième partie du projet de loi de finances pour 2000.

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JUSTICE
-vote sur les crédits-

M. le Président - Nous allons procéder au vote des crédits du ministère de la justice à l'occasion duquel nous allons mettre en _uvre, en séance publique, la nouvelle procédure budgétaire définie par la Conférence des présidents.

Je rappelle que, suivant cette procédure, la commission des lois, saisie pour avis de ces crédits, leur a consacré une réunion publique, ouverte à tous les députés, et que ses travaux seront publiés en annexe au compte rendu de la présente séance. Par ailleurs, chaque groupe a pu adresser au Gouvernement des questions écrites concernant ces crédits. Les réponses à ces questions seront elles aussi annexées au compte rendu de la présente séance.

Avant les votes, je donnerai donc la parole aux rapporteurs des commissions, à Mme la Garde des sceaux et à un orateur par groupe. Chaque intervenant disposera de cinq minutes.

M. Christian Cabal, suppléant M. Patrick Devedjian, rapporteur spécial de la commission des finances - La nouvelle procédure d'examen en commission a déjà permis un large débat dans un cadre qualifié par M. Devedjian -dont je vous prie d'excuser l'absence- de plus transparent et plus ouvert.

Le budget de la justice est quantitativement un bon budget mais la qualité n'est pas au rendez-vous.

Depuis 1988, ce budget a augmenté de 84 %. Cette année encore il augmente de 3,91 % pour atteindre 27,29 milliards. Les créations de postes, en hausse elles aussi, étaient inévitables, compte tenu de la pyramide des âges et des activités qui sont créées : juge de la détention provisoire, réforme des tribunaux de commerce... Sont ainsi créés 1 237 emplois, dont 212 postes de magistrats judiciaires, 145 postes de greffiers et 100 assistants de justice.

Mais à quoi bon des crédits en augmentation s'ils ne sont pas utilisés ? Or le taux de consommation tombe de 79 à 64 % pour les crédits de paiement et de 81 à 51 % pour les autorisations de programme, qui d'ailleurs baissent aussi en volume -de 9,27 %.

En réalité, la justice a besoin d'une réforme profonde. Alors que la première revendication des Français est de bénéficier d'une justice plus rapide, les délais de jugement se sont encore allongés pour atteindre 17,4 mois en cours d'appel et 9,3 mois devant les tribunaux de grande instance. A ce propos, l'ancien président de la Cour de cassation disait que la justice apporte des solutions mortes à des questions mortes.

Et il ne sert à rien d'augmenter le nombre des magistrats s'ils n'ont pas de bureau pour travailler. A Paris, 200 magistrats travaillent chez eux, car il n'y a pas de place au Palais. Beaucoup sont en surnombre dans des bureaux étriqués. Il faut à l'évidence un nouveau tribunal de grande instance à Paris. Pour cela, il faut que les réservations foncières aient lieu, que le ministre des finances accepte de programmer l'investissement. Rien n'est prévu.

L'institution des assistants de justice est une bonne chose ; encore faut-il les doter d'un statut et mettre un peu d'ordre dans un système qui devient anarchique et n'offre aucune garantie aux intéressés.

La réforme de la carte judiciaire est la condition première de toute autre réforme. La dilution actuelle des moyens est un obstacle sérieux à toute réorganisation.

On s'est contenté de supprimer 36 tribunaux de commerce, en épargnant d'ailleurs les villes dont les élus sont bien en cour. Par contre, les conseils de prud'hommes sont mystérieusement oubliés, alors que les dysfonctionnements y sont plus graves et les besoins plus aigus. L'informatisation de la justice avance très lentement ! Fragmentaire au plan pénal, en retard au plan civil, seul le programme de la détention fonctionne convenablement.

La plupart des grandes réformes sont en panne. Celle de la détention provisoire est un faux-semblant, celle des cours d'assises n'avance pas et celle de la responsabilité des magistrats, réclamée par le Président de la République, est oubliée. Quant à la réforme des relations entre le Gouvernement et le Parquet, c'est une hypocrisie comme l'actualité récente nous le démontre.

Mme Odette Grzegrzulka - Quel culot !

M. Christian Cabal, rapporteur suppléant - Elle empêche ce qui serait seul un progrès : la séparation rigoureuse entre le siège et le parquet, seule de nature à garantir l'indépendance du juge.

Les projets du Gouvernement sont d'abord corporatistes. Dans ces conditions, la réforme du Conseil supérieur de la magistrature aura le plus grand mal à réunir une majorité des deux tiers (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste).

En résumé, il ne suffit pas de mettre un peu d'argent pour faire une bonne politique pénale, il faut surtout un véritable esprit de réforme.

C'est pourquoi M. Devedjian propose de voter non à ce budget, étant entendu qu'il est favorable au vote de l'article 71 tendant à la revalorisation annuelle de l'unité de valeur de l'aide juridictionnelle qui passe de 132 à 134 F (Applaudissements sur les bancs du groupe du RPR et du groupe UDF).

M. Jacques Brunhes - Quel est l'avis de la commission ? Vous êtes le rapporteur de la commission, non celui de M. Devedjian !

M. Jean-Luc Warsmann - La parole est libre.

M. Jacques Brunhes - Non, le rapporteur rapporte au nom de la commission !

M. Jacques Floch, rapporteur pour avis de la commission des lois, pour l'administration centrale et les services judiciaires -

Ce budget est un bon, voire un très bon budget. D'ailleurs, j'ai cru entendre M. Devedjian le qualifier d'excellent en commission. En effet, il augmente de 3,9 %, ce qui fait une hausse de 14 % depuis le début de cette législature. Nous atteindrons sans doute 30 milliards à la fin de celle-ci, c'est-à-dire en 2002. Et nous en sommes déjà à 63 000 emplois créés, contre 60 000 en 1997.

Toutes les réformes annoncées sont financées, comme promis : 30 millions en plus pour la loi sur la présomption d'innocence, 19 millions pour celle sur la sécurité routière, 110 créations de postes de juges pour la réforme de la détention, 47 millions pour l'aide juridictionnelle, 30 millions pour l'indemnisation des personnes indûment mises en cause.

Les autorisations de programme s'élèvent à 805 millions, au lieu de 673 l'an dernier, pour les services judiciaires et à 50 millions pour les juridictions administratives.

Mais l'important est que la justice, cette éminente fonction régalienne, réponde aux attentes de nos concitoyens, qui la veulent régulatrice de la vie en société, accessible, compréhensible, respectant des délais raisonnables, proche des gens. Si demain, comme on nous l'annonce déjà, sa réforme était retardée voire compromise, un bon budget comme celui-ci perdrait son sens. J'espère donc que d'ici janvier, raison sera gardée et que nous pourrons ensemble faire de la justice un grand service de la nation, en nous appuyant, Madame la Garde des Sceaux, sur vos propositions.

Tout à l'heure, vous avez répondu à ma question d'actualité sur la prison de Saint-Denis. La délégation de la commission des lois qui s'est rendue à La Réunion en septembre souhaite que des crédits de fonctionnement supplémentaires soient accordés à cet établissement pénitentiaire en attendant la réalisation d'un nouvel établissement. Il y a en effet urgence.

Au nom de la commission des lois, je vous invite à voter cet excellent budget, étant entendu que beaucoup de tâches restent à accomplir pour que la justice soit vraiment au service de nos concitoyens (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

M. Patrick Braouezec, suppléant M. André Gerin, rapporteur pour avis de la commission des lois, pour les services pénitentiaires et la protection judiciaire de la jeunesse - L'effort substantiel en faveur de la justice pour la troisième année consécutive est encore plus sensible pour les crédits consacrés aux services pénitentiaires et à la protection judiciaire de la jeunesse qui s'accroissent respectivement de 5,85 % et de 14,7 % ; ces deux secteurs sont bien la priorité des priorités. En outre, sur les 1 237 emplois supplémentaires pour 2000, 386 seront affectés aux services pénitentiaires et 380 à la protection judiciaire de la jeunesse.

Il faudra poursuivre dans cette voie face à l'immensité des besoins et aux retards accumulés depuis vingt ans. La part du budget de la justice dans celui de l'Etat progresse, mais ne représente encore que 1,63 %.

La surpopulation carcérale s'atténue, mais de façon insuffisante. Le taux d'occupation des prisons est passé de 114 % en 1998 à 107 % en 1999. La situation demeure préoccupante dans les maisons d'arrêt et les centres de semi-liberté pour des prévenus bénéficiant de la présomption d'innocence et des condamnés à de très courtes peines retourneront rapidement à l'extérieur. La réforme de la détention provisoire devrait apporter une partie de la solution.

La politique de prévention du suicide doit être renforcée. Une réforme est en cours pour mieux préparer la sortie de prison. Il faut se soucier en particulier des unités de vie familiale et de la liberté conditionnelle qui diminue fortement la récidive.

En ce qui concerne le personnel pénitentiaire, l'action est sensible même si elle reste incomplète, avec des créations d'emplois, des mesures statutaires et indemnitaires et un effort de formation. L'élaboration d'un code de déontologie contribue également à un meilleur contrôle de l'administration pénitentiaire. Enfin, un effort de rénovation et de construction d'établissements est engagé avec le programme 4000.

Comme André Gerin que je supplée, je rends hommage à votre effort. Mais j'insiste sur l'importance fondamentale du dialogue social. Ainsi la création des unités de vie familiale ne semble pas vraiment comprise par le personnel concerné. Des mesures sont en cours pour mieux gérer les longs séjours mais il faudrait aussi lutter contre leur caractère criminogène. S'agissant du personnel de surveillance, il faut tenir compte des départs en retraite. On a rattrapé une partie du retard en 1999. Qu'en sera-t-il en 2000 ? D'autre part, 5 400 mesures judiciaires concernant les mineurs sont en attente d'exécution.

S'agissant de la protection judiciaire de la jeunesse, le Gouvernement a fixé trois objectifs : se donner les moyens de répondre systématiquement aux actes de primo-délinquance, renforcer les dispositifs d'hébergement et développer les mesures de réparation.

L'augmentation des moyens en personnel est sans précédent. Cet effort devra être complété par des mesures de revalorisation statutaire et indemnitaire, par le recrutement et la formation des délégués du procureur, par la pérennisation des emplois-jeunes et une meilleure coordination dans les situations d'urgence. La prise en charge immédiate qui est une réelle innovation n'est effective que dans 9 des 26 départements prioritaires.

Vous voulez diversifier les réponses judiciaires, ce qui est difficile. Le nombre de mesures de réparation augmente, mais beaucoup sont en attente d'application. Il faudrait que d'autres administrations, des collectivités et associations s'impliquent davantage. Pour être respectées par la jeunesse, les règles doivent être assumées par l'ensemble du monde adulte. Les centres d'éducation renforcée se développent, pour un coût certes élevé. Leur bilan est positif même si le retard accumulé a conduit à des créations dans l'urgence, déplorées par certaines organisations syndicales. Des moyens sont également débloqués pour un meilleur suivi des mineurs incarcérés, mais l'augmentation des incarcérations risque de compromettre leur efficacité.

Ces crédits augurent d'une politique ambitieuse. L'effort devra encore être amplifié et poursuivi dans la durée. Le décalage trop fréquent entre les décisions et leur mise en _uvre s'explique par le fonctionnement de l'administration et les réticences du personnel, souvent dues à l'insuffisance de la concertation.

Enfin, les retards accumulés ces vingt dernières années absorbent une bonne partie de l'effort et ne permettent pas encore de mesurer tous les effets que nous attendons des réformes entreprises. Cependant, la priorité claire affichée par le Gouvernement et la conscience qu'il a de l'urgence justifient pleinement l'avis favorable de votre rapporteur (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste et du groupe socialiste).

Mme Elisabeth Guigou, garde des sceaux, ministre de la justice - Je remercie d'abord les rapporteurs pour leur précieux concours, ainsi que la présidente de la commission des lois et le président de la commission des finances, qui ont organisé la séance publique du 20 octobre. J'ai pu avoir avec de nombreux parlementaires un dialogue direct de grande qualité.

Je ne reviendrai donc que sur les grandes lignes du budget.

Le budget 2000 de la justice, avec un milliard de francs d'augmentation des crédits et 1 237 créations de postes, connaît la plus forte hausse, et de très loin, de tous les ministères.

Cet effort s'inscrit dans la durée puisque sur les trois premiers budgets de la législature, les crédits du ministère ont progressé de 3,4 milliards, soit 14 % et ses effectifs de 2 930 postes.

Chaque direction reçoit les moyens nécessaires aux réformes et à son fonctionnement quotidien.

382 emplois, et 450 millions de francs de crédits de fonctionnement supplémentaires, 805 millions de francs d'autorisations de programme nouvelles, voilà la mesure de l'effort pour les juridictions. On a créé 422 postes de magistrats en trois ans, soit autant que dans les dix ans qui ont précédé.

La protection judiciaire de la jeunesse enregistre une augmentation historique de ses moyens, soit 16 % en plus de crédits de fonctionnement et 380 emplois. Avec les concours exceptionnels c'est 680 recrutements qui seront opérés en 2000. Pour un corps qui compte 6000 personnes et où l'on en a déjà recruté 150 et 100 les deux années précédents, c'est un véritable changement d'échelle.

Un effort important est également fait pour l'administration pénitentiaire qui reçoit 434 millions de francs de crédits de fonctionnement supplémentaires et 386 emplois dont les trois quarts en personnel de surveillance alors que nous n'ouvrons aucun établissement nouveau cette année.

Je viens de lancer un programme de 2 milliards pour la construction de six établissements nouveaux et on consacrera un milliard sur les quatre prochaines années à un programme de rénovation lourde des cinq plus grandes maisons d'arrêt.

Pour la construction d'un nouvel établissement à Saint-Denis-de-la-Réunion, le Gouvernement a décidé d'inscrire les crédits au projet de loi de finances rectificative pour 1999. Evidemment, ces crédits s'ajoutent aux crédits de fonctionnement supplémentaires que j'avais décidé d'affecter aux établissements de la Réunion.

En attendant la nouvelle construction, des travaux au centre de détention du Port et la réhabilitation d'un quartier de la maison d'arrêt de Saint-Pierre procurent 95 places pour désengorger la prison de Saint-Denis.

Nous avons acheté toute une série de constructions de grands palais de justice à Lyon, Montpellier, Grasse, Bordeaux, d'autres sont en voie d'achèvement, à Nantes, Grenoble, Avignon, Fort-de-France. Des rénovations importantes ont été réalisées à Rennes, Nice, Epinal, Marseille, Rouen.

Paris ne doit pas rester à l'écart de ce mouvement de modernisation des équipements. Sur ma demande, le Premier ministre a donné son accord pour lancer l'opération de construction d'un nouveau tribunal de grande instance à Paris. Le Gouvernement inscrira une première tranche d'autorisations de programme dans le projet de loi de finances rectificative pour 1999 à hauteur de 300 millions («Très bien !» sur les bancs du groupe socialiste). Cette opération de très grande ampleur, et très attendue sera l'occasion d'une réflexion approfondie sur le fonctionnement du Palais de justice parisien. Le défi à relever concerne autant l'organisation du travail que l'architecture. Après de nombreuses consultations, un consensus s'est dégagé ; le financement est désormais acquis, et il faut lancer l'opération rapidement. Je souhaite que les études techniques d'implantation soient engagées avant la fin de 1999 afin que le choix du site puisse intervenir au premier semestre 2000. Une longue concertation sera menée avec les futurs utilisateurs, magistrats et fonctionnaires. Les avocats bénéficieront d'un service nouveau qui leur posera aussi certains problèmes. Nous en discuterons de façon approfondie. Ce grand projet doit être symbole de la rénovation de notre justice.

Nous essayons d'atteindre deux objectifs, l'amélioration des moyens des juridictions et la poursuite des réformes. Pour améliorer le fonctionnement des juridictions, il faut aussi améliorer le dialogue et la gestion. Quand nous le faisons, les résultats sont spectaculaires. Ainsi la stabilisation des frais de justice permettra de faire 100 millions d'économies sur les crédits inscrits pour 1999. J'ai aussi lancé le chantier de l'évaluation car la justice doit rendre compte de son action aux citoyens.

La création de 9 postes d'inspecteur en deux ans a doublé les capacités de contrôle de l'inspection générale.

Ces mesures répondent au souci d'améliorer la qualité du service public et l'égalité de tous devant la justice. Il faut aussi améliorer encore son impartialité, qui repose sur l'indépendance et la responsabilité (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste). L'indépendance, ce sera l'objet du projet sur la Chancellerie et le Parquet. Quant à la responsabilité, c'est une question essentielle. Mais gardons-nous de toute confusion en ce domaine : il ne s'agit pas de mettre en cause à tout propos et dans n'importe quelles conditions l'action et les décisions des magistrats. La contestation des décisions juridictionnelles passe par les recours juridictionnels. Et que ce soit dans le projet Chancellerie-Parquet ou dans celui sur la présomption d'innocence, nous avons introduit des dispositions pour que cette action juridictionnelle puisse être menée avec le souci de faire mieux comprendre les décisions à nos concitoyens. En revanche, les recours contre les fautes professionnelles et les mauvais fonctionnements du service public de la justice relèvent d'une autre logique, celle des procédures disciplinaires. Dans ce domaine aussi, une action résolue sera entreprise. La sanction de comportements professionnels fautifs relève de procédures spécifiques. Sur ce plan, la rénovation du Conseil supérieur de la magistrature, qui le dotera d'une majorité de membres non magistrats et de pouvoirs disciplinaires réaffirmés, sera un élément décisif d'une résponsabilité accrue des magistrats. M. Devedjian parle de corporatisme : il me semble au contraire que la réforme constitutionnelle que vous avez votée, et qui sera présentée le 24 janvier au Congrès, marque un pas important dans la mise en _uvre de la responsabilité des magistrats.

Quant aux dispositions statutaires concernant cette responsabilité, je vous les présenterai avant la fin du mois, même si d'autres dispositions de la loi organique demandent plus de temps. Sur ce point comme sur les autres, les engagements pris seront respectés.

Nous avons décidé d'inscrire notre action dans la durée. Beaucoup reste à faire, mais déjà l'institution judiciaire a repris confiance en elle, et surtout elle retrouve la confiance des Français.

Soyez attentifs, au cours de vos débats et lors de votre vote au Congrès, à ne pas donner le signal d'un retour en arrière. En effet, cette réforme est voulue par nos concitoyens, car elle doit garantir à la fois l'indépendance et la responsabilité. Le projet qui sera soumis au Congrès est essentiel à cet égard. Il protège les nominations du soupçon, puisque les procureurs généraux et les procureurs seront nommés après avis conforme du CSM, dont plus de la moitié de ses membres ne seront plus des magistrats. Il facilite, enfin, le pouvoir disciplinaire. Je trouverais curieux que ceux-là même qui réclament un renforcement de la responsabilité des magistrats puissent ne pas assez réfléchir à leur vote du 24 janvier, alors que la réforme a été votée il y a un an à une écrasante majorité (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe RCV).

M. Jacques Brunhes - Je m'en tiendrai aux cinq minutes imparties à chacun dans la nouvelle procédure expérimentale d'examen de ce budget. Mais nous pensons que cette procédure mériterait de sensibles améliorations.

Madame la Garde des sceaux, vous avez engagé, après la déclaration politique du Premier ministre en juin 1997, une réforme d'ampleur de la justice dont chacun admettait l'urgence. Nous avons apprécié votre méthode et nous avons dit notre volonté de vous accompagner de manière constructive. Nous voterons les crédits qui nous sont proposés, en progression de 3,9 %. Depuis trois ans que vous dirigez ce ministère, ils ont augmenté de 14 %. Nous mesurons bien les efforts engagés. En cet instant, permettez-moi de vous transmettre de la part des élus de la Réunion l'expression de leur satisfaction face aux propositions que vous venez de leur faire, qu'il s'agisse de l'investissement ou du fonctionnement. Elles répondent aussi aux observations faites par la mission d'enquête de la commission des lois.

Si nous mesurons vos efforts, nous savons aussi combien notre justice a été sinistrée. Nous connaissons également la hausse exponentielle du contentieux, liée pour une part à l'évolution de notre société. Malgré vos efforts, la justice ne représente que 1,62 % du budget de la nation. Cela ne nous place pas à un bon rang parmi les pays européens, et peut être un handicap pour la mise en _uvre de votre réforme. Nous souhaitons donc que les efforts se poursuivent car vingt millions de nos concitoyens ont, à un moment ou à un autre, affaire à la justice, ce qui témoigne du besoin grandissant qu'ils en ont dans leur vie quotidienne. C'est vrai de la justice civile et je pense notamment à l'augmentation de 11,2 % entre 1997 et 1998 du nombre d'affaires soumises aux prud'hommes. C'est vrai aussi de la justice pénale. L'une des premières inquiétudes des justiciables tient à la lenteur. Qu'en est-il du stock des affaires en instance ?

La présomption d'innocence se porte mal en France, comme le montre le nombre de détenus provisoires ; elle se porte encore plus mal pour les «politiques», qui paraissent victimes d'une présomption permanente de culpabilité dangereuse pour la démocratie. Quant à la réforme du Conseil supérieur de la magistrature, nous avons déploré le retard pris par le Président de la République pour la révision constitutionnelle qui s'impose, et la campagne que conduisent maintenant les conservateurs pour faire échouer la réforme. Celle-ci évite pourtant le «gouvernement des juges» et permet à la Chancellerie de mener une politique publique en matière pénale sans intervenir dans les affaires individuelles. D'autres réformes nous paraissent urgentes : celle des assises, ou la collégialité des décisions prises par les juges.

Lors de la réunion de la commission, le 20 octobre, Georges Hage s'est fait l'écho des préoccupations de notre groupe sur la précarité des personnels, la définition et la formation des agents de justice, la protection judiciaire de la jeunesse, les conditions de détention, notamment dans les DOM, la réinsertion des détenus libérés, l'aide juridictionnelle, le renforcement du dialogue social avec les personnels. Ayant confiance dans la continuité de votre politique, ayant la volonté d'être constructifs, nous voterons le budget de l'an 2000 (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste, du groupe socialiste et du groupe RCV).

M. Jean-Antoine Leonetti - L'état de notre justice est préoccupant, et ce constat n'est pas récent. Le Président de la République a déclaré récemment que notre appareil judiciaire devait enfin sortir de la misère et de la vétusté. Nous subissons l'effet de retards accumulés : les magistrats sont trop peu nombreux, les greffes manquent de moyens, les prisons sont surpeuplées, la détention ne réinsère pas, le tiers des prisonniers sont des personnes présumées innocentes... Les délais s'allongent, atteignant un an et demi dans les cours d'appel.

Parallèlement nos concitoyens consomment de plus en plus de justice. Vous vous félicitez d'une progression de 3,9 % de vos crédits, trois fois plus rapide que celle du budget de l'Etat, et nous ne pouvons que nous en féliciter aussi. Mais il faut relativiser ce chiffre : la justice ne reçoit que 1,6 % du budget de l'Etat. En outre, certains dysfonctionnements nuisent à la crédibilité de votre politique. Tout récemment, il y avait 480 millions pour Avignon et zéro franc pour Saint-Denis. Je me réjouis que vous ayez décidé de compenser ce déséquilibre. Ces inégalités territoriales n'en existent pas moins.

La perte de dossiers sensibles est-elle une coïncidence ou une faute ? Vous avez suggéré de marquer d'une pastille rouge les dossiers qu'il ne faut pas perdre. Ce n'est guère sérieux, et cela montre aussi que l'insuffisance des effectifs empêche de traiter les dossiers avec le respect qu'ils méritent. Et est-ce une coïncidence si l'on propose à un juge une mutation au moment même où il s'occupe d'une affaire sensible ? C'est à tout le moins le signe d'une mauvaise gestion des carrières. Je pourrais multiplier les coïncidences ; mais je sais qu'elles ne constituent pas des preuves.

Il est clair, en revanche, que nous n'avons pas les mêmes priorités. Les postes créés dans les tribunaux de commerce auraient servi plus utilement à réduire les délais.

La protection des mineurs mériterait une priorité plus affirmée. La qualité de la justice exige des professionnels, et le recours accru aux emplois-jeunes et aux assistants de justice ne va pas dans ce sens. Enfin, la réforme de la carte judiciaire est au point mort (Protestations sur les bancs du groupe socialiste). Vous avez préféré entamer des réformes médiatiques et saupoudrer quelques crédits de-ci, de-là, plutôt que de vous attaquer au fonctionnement de la justice au quotidien. Je note qu'aujourd'hui vous avez moins défendu votre budget que la réforme qu'examinera le Congrès le 24 janvier prochain.

Mme la Garde des Sceaux - J'ai fait les deux à la fois.

M. Jean-Antoine Leonetti - Si nous refusons le gouvernement des juges et des médias, nous voulons l'indépendance et la responsabilité des magistrats. Vous n'avez malheureusement pas prouvé jusqu'à présent que vous étiez capable de les garantir.

Vous n'avez rien fait pour que les Français retrouvent confiance dans la justice de leur pays. En dépit de l'augmentation des moyens de votre ministère, vous n'avez rien fait non plus pour que cette justice soit à la fois plus égale et plus rapide. Pour ces raisons, le groupe UDF votera contre votre budget (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF et du groupe du RPR).

M. Gérard Gouzes - Le groupe socialiste votera ce bon budget de la justice. Contrairement à ce qui se passait en 1996 ou 1997, il correspond à une des priorités du Gouvernement. Ses crédits progressent de 3,9 % pour atteindre 27,3 milliards. Cette troisième année consécutive de hausse témoigne de la priorité donnée à la modernisation de la justice et à l'amélioration de son fonctionnement au quotidien.

Vous rattrapez l'immense retard accumulé depuis trop longtemps. Vous dégagez également les moyens nécessaires à la mise en _uvre de nouvelles réformes, comme celle de l'accès au droit ou du règlement alternatif des conflits.

Vous anticipez même les moyens qui seront nécessaires au renforcement de la présomption d'innocence et à la réforme, indispensable, des tribunaux de commerce.

Alors qu'à votre arrivée, les mesures nouvelles du budget de la justice régressaient de 30 % et ses autorisations de programme de 20 %, ce budget verra en 2000 ses crédits de paiement progresser de 4 % et ses autorisations de programmes de 16,4 %. 212 postes de magistrats seront créés, dont 100 affectés aux tribunaux de commerce, 100 postes d'assistants de justice et 155 postes de fonctionnaires des greffes.

805 millions seront consacrés aux constructions et aux travaux de sécurité, à Grenoble, Fort-de-France, Avignon («Ah !» sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL), Nanterre, Pontoise et Cahors.

Plus de 50 millions sont prévus pour les travaux d'aménagement et de sécurité du Palais de justice de Paris, sans oublier les agrandissements et les mises à niveau des établissements de Roanne, Versailles, Lisieux, Saint-Etienne, Rouen et Belfort, non plus que les études pour ceux de Niort, Laval, Bobigny et Versailles.

Les juridictions administratives n'ont pas non plus été oubliées puisque 83 postes seront créés, dont 40 de magistrats.

Votre budget permet également de répondre de façon satisfaisante aux problèmes posés par la délinquance des mineurs. Les crédits de la protection judiciaire de la jeunesse progressent de 9,1 % en crédits de paiement et de 16 % en autorisations de programme. Le groupe socialiste préconisait dès mars 1999 cette option.

Les crédits des services pénitentiaires augmentent, quant à eux, de 5,85 % en mesures nouvelles.

Recevant plus du quart du total des crédits de la justice, l'administration pénitentiaire bénéficie de 386 créations nettes d'emplois. La prime de surveillance des gardiens pour les nuits des samedis, des dimanches, des jours fériés et veilles de jours fériés sera légitimement doublée.

Beaucoup reste à faire dans ce secteur trop longtemps délaissé. Je pense notamment au respect de la dignité des détenus, trop nombreux à se suicider.

La justice est devenue l'une des questions les plus sensibles de l'actualité. Chacun peut aujourd'hui y avoir affaire. La demande de droit ne cesse de croître. L'Etat se doit d'y répondre dans des délais raisonnables et avec une impartialité rigoureuse. Les efforts faits méritent d'être soulignés. Il faut poursuivre dans cette voie et ne pas faiblir, même si certains veulent vous soumettre au régime de la douche écossaise.

L'indépendance des magistrats ne doit signifier ni abandon du pouvoir régalien de l'Etat en matière de justice, ni de l'autorité judiciaire, ni laxisme dans le contrôle de l'application de la loi, ni négligence dans le travail quotidien de tous les acteurs de justice. L'indépendance des magistrats doit aller de pair avec une responsabilité accrue. Je vous remercie d'avoir annoncé que le projet de loi serait examiné fin novembre. Chacun devra prendre ses responsabilités sur la réforme du Conseil supérieur de la magistrature. Jacques Chirac formulait le souhait, lors de la mise en place de la commission Truche en 1996, que l'on examine les possibilités de rendre le Parquet indépendant du Garde des Sceaux. Alors, que cessent les atermoiements et les volte-faces ! Que ceux qui souhaitent que continuent l'interventionnisme et le copinage...

M. Jean-Antoine Leonetti - Pas vous !

M. Gérard Gouzes - ...aient le courage de s'opposer à la réforme du CSM. Que ceux qui, au contraire, souhaitent plus d'impartialité de la justice se prononcent favorablement le 24 janvier prochain.

M. Jean-Luc Warsmann - Honteux !

M. Gérard Gouzes - Plus que jamais aujourd'hui, la justice a besoin d'impartialité et d'efficacité. Alors que la coopération judiciaire se met en place entre les pays de l'Union européenne, la lutte contre la criminalité organisée nous contraint à faire progresser plus rapidement encore la coopération internationale.

Vous avez devant vous, Madame la Garde des Sceaux, un chantier vaste et passionnant. Le Gouvernement a décidé d'y consacrer des moyens, comme nul ne l'avait encore jamais fait avant lui.

Le groupe socialiste votera sans état d'âme le budget de la justice pour 2000, comme il sera unanime, je n'en doute pas, à voter la réforme constitutionnelle le 24 janvier prochain (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

M. Alain Tourret - Ce budget est excellent et traduit une volonté de réformer en profondeur la justice.

L'équilibre des pouvoirs est au fondement même de la République. L'incompréhension grandissante entre la justice et la presse, alliées aujourd'hui avant des lendemains qui déchanteront, sans doute, comme entre la justice et les élus risquent de saper les bases mêmes de la démocratie.

N'est-il pas hypocrite de prétendre que le secret de l'instruction est une garantie des libertés alors que jamais le Parquet ni la Chancellerie ne déposent plainte lorsqu'il est violé, ce qui est de plus en plus systématique ? («Très bien !» sur les bancs du groupe du RPR et du groupe UDF)

De même, que devient la présomption d'innocence quand des procédures peuvent durer dix ans et transforment le justiciable, élu ou non, en paria durant cette période ? Le rapporteur de la commission des lois ne me démentira pas.

Ne faudrait-il pas réformer les modalités de saisine de la Cour de justice de la République, institué par une loi bâclée, votée dans la peur de l'affaire du sang contaminé ? Cette saisine devrait être limitée aux infractions volontaires. En revanche, il serait nécessaire que les parties civiles puissent s'exprimer devant la Cour. Si nous ne faisons rien, dix ministres au moins risquent d'être renvoyés devant cette Cour pour l'affaire de l'amiante, aussi grave que celle du sang contaminé, puisque ce matériau, reconnu mortifère dès 1972, n'a été interdit qu'en 1999.

Les propositions formulées tout à l'heure par un ancien Premier ministre doivent être examinées avec un sérieux digne de la hauteur de vues de leur auteur. Il faut s'interroger sur le pouvoir des tribunaux qui ont aujourd'hui toute latitude pour prononcer l'inéligibilité et la privation des droits civiques. Pourquoi celles-ci ne pourraient-elles pas être prononcées seulement en cas d'atteinte à l'honneur, à la probité ou aux bonnes m_urs ? Pourquoi, enfin, la privation des droits civiques ne serait-elle pas soumise au Conseil constitutionnel ? Une utile harmonisation de la jurisprudence s'ensuivrait sans doute. En effet, Henri Emmanuelli s'était vu retirer ses droits civiques par la cour d'appel de Rennes alors que, pour les mêmes faits, la cour d'appel de Lyon se prononçait en sens inverse, sans le moindre contrôle de la chambre criminelle de la Cour de cassation.

Certains semblent croire que la seule solution au renforcement des pouvoirs de la justice est de mettre en question la responsabilité des magistrats. Mais si c'est l'esprit de vengeance qui prévaut, les magistrats feront tout pour s'opposer à la réforme. Ce n'est pas en s'opposant aux magistrats qu'on restaurera la confiance dans la justice mais bien en restaurant entre les pouvoirs cet équilibre essentiel à la démocratie. Je vous sais sensible, Madame la Garde des Sceaux, à ces questions. Nous soutiendrons votre effort. Les élus sont aujourd'hui sur la sellette mais il importe que chacun, humble ou puissant, puisse retrouver confiance en la justice de ce pays (Applaudissements sur les bancs du groupe RCV, sur plusieurs bancs du groupe socialiste et sur quelques bancs du groupe UDF).

M. Pascal Clément - Le budget de la justice pour 2000 augmente de 3,9 %, ce qui peut paraître satisfaisant mais depuis 1981, le nombre des magistrats n'est passé que de 5 000 à 6 000.

Tous, nous constatons que beaucoup de modes de régulation sociale sont tombés, que la justice s'y est substituée, et que les Français ont d'elle la même opinion que des partis politiques...

Le problème est donc considérable et le groupe DL ne pourra pas vous donner quitus de ce budget, sous prétexte qu'il serait moins mauvais que d'autres.

Depuis quelques jours, des affaires touchant tantôt les uns, tantôt les autres, prouvent que le malaise est partagé. Je ferai, après M. Balladur, une proposition simple. Pourquoi inventer ce «témoin assisté» qui, très vite, serait, comme les personnes mises en examen, considéré comme coupable ? Il suffirait de permettre à l'intéressé d'être auditionné, d'avoir ainsi accès au dossier et de n'être mis en accusation que juste avant le jugement. Cela résoudrait les problèmes liés à la lenteur excessive de la justice.

On constate, Madame la ministre, que les réformes que vous avez opérées sont contournées.

Je ne mets pas en doute le fait que vous ne donniez pas de directives au Parquet. Mais à partir du moment où on «terrorise» les procureurs, où, en tout cas, on les tient bien et nomme des gens proches...

M. Arnaud Montebourg - C'est inacceptable ! Vous, vous avez violé les avis du CSM. Nous, nous les respectons !

M. Pascal Clément - Jusqu'à présent les avis du CSM étaient de simples avis et c'est bien l'objet de la révision de la Constitution que de changer cela.

Nous sommes tous convaincus qu'il faudrait aller vers une plus grande indépendance de la magistrature, qu'elle soit du siège -ce fut la réforme opérée par M. Balladur- et du Parquet -c'est l'objet de la vôtre. Mais nous assistons plutôt à une reprise en main des magistrats et le «loupé» du Parquet de Paris a choqué tout le monde... (Protestations sur les bancs du groupe socialiste)

M. Arnaud Montebourg - Sauf Mme Fulgéras elle-même, lisez Le Figaro !

M. Pascal Clément - M. Pierre Méhaignerie avait créé, à la direction des affaires criminelles et des grâces, la sous-direction des affaires économiques et financières. Si vous supprimez ce poste de sous-directeur dans le cadre de la réorganisation projetée, on ne manquera pas de faire le rapprochement avec ce qui s'est passé au Parquet de Paris.

Il ne peut pas y avoir de réforme si une suspicion pèse sur la gestion des magistrats par la Chancellerie. Personnellement je n'étais pas contre votre réforme. Je serais même prêt à la voter si vous ne m'en empêchiez par votre manière de gérer les magistrats. Je demande donc que les «réorganisations» ne viennent pas contredire l'objectif d'indépendance de la justice que vous assignez à votre action.

Nous déplorons de ne pas voter ce budget (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF, du groupe DL et du groupe du RPR).

Mme la Garde des Sceaux - On peut critiquer le budget, mais on ne peut pas travestir la réalité. Sur les 35 procureurs généraux en poste, 22 ont été nommés de 1993 à 1997, dont 16 n'étaient pas procureurs généraux auparavant. Pour ma part, j'ai proposé 7 nominations seulement en deux ans et demi.

Sur les 181 procureurs en fonction, 100 ont été nommés entre 1993 et 1997, dont plusieurs contre l'avis du CSM. Tous ceux que j'ai nommés l'on été avec l'avis conforme du CSM, à commencer par le procureur de Paris. Voilà la réalité (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe RCV).

M. Jean-Luc Warsmann - Je suis surpris de voir que, lorsqu'un collègue de l'opposition dénonce certains faits, votre seule réaction, Madame le Garde des Sceaux, est d'enclencher une polémique sur la période précédente.

Les faits sont là. Mme Fulgéras n'a jamais demandé à partir et il y a vraiment des coïncidences bizarres. Au moment même où elle s'occupe d'une affaire très médiatisée, elle est déplacée contre sa volonté, cela mérite quelques explications.

Sur le fond, j'ai été surpris par les discours d'autosatisfaction. Pourtant il ressort des statistiques présentées par Mme la Garde des Sceaux elle-même que jamais les délais de jugement n'ont été aussi longs : 9,3 mois en moyenne devant les tribunaux de grande instance, 9,7 mois devant les conseils des prud'hommes, 16,6 mois devant les cours d'appel. Pourtant devant les conseils des prud'hommes il est clair que le report des jugements nuit beaucoup plus aux salariés qu'aux entreprises : or, avec l'appel, la décision prend plus de deux ans.

Devant les cours d'assises, le délai dépasse même quatre ans et la détention provisoire en matière criminelle dure en moyenne plus de deux ans !

Face à cette situation, vous proposez des créations d'emplois, mais avec quelles priorités ? Sur les 212 postes de magistrats, 100 sont affectés aux tribunaux de commerce suite à la réforme que vous avez déclenchée et 48 seront juges de la détention, création voulue par vous. Restent seulement 34 postes pour la résorption des retards et 25 pour la lutte contre la délinquance des mineurs, qui devraient être des priorités.

Pour les dépenses, vous affichez des chiffres flatteurs : mais le taux de consommation des crédits n'a jamais été aussi bas : 64 % pour les CP et 51 % seulement pour les AP !

Pour toutes ces raisons, le groupe RPR ne votera pas ce budget.

Je voudrais terminer par un appel, auquel beaucoup, sur tous les bancs, s'associent. Il y a quelques instants, une dépêche de l'AFP annonçait que quatre suicides avaient eu lieu à la prison de Fresnes en quelques semaines. Depuis le début de l'année, 111 suicides ont été enregistrés dans les prisons de France. Parallèlement les agressions contre le personnel pénitentiaire augmentent : 278 en 1998 contre 127 en 1996.

Avec l'arrivée de l'an 2000, tous les pays formulent de nouvelles ambitions. La démocratie française n'a pas des établissements pénitentiaires dignes de ses principes. Ce serait à l'honneur des parlementaires et du Gouvernement que de mobiliser les moyens pour mettre fin à cette situation (Applaudissements sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF, du groupe DL, et sur quelques bancs du groupe socialiste).

Les crédits inscrits à l'état B, titre III, mis aux voix, sont adoptés, ainsi que les crédits inscrits à l'état B, titre IV et les crédits inscrits à l'état C, titres V et VI.

L'article 71, mis aux voix, est adopté, à l'unanimité.

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LÉGION D'HONNEUR ET ORDRE DE LA LIBÉRATION

M. le Président - Je suis heureux au nom de l'Assemblée, de saluer la présence aux côtés de Mme la Garde des Sceaux du général Douin, grand chancelier de l'ordre de la Légion d'honneur (Applaudissements).

M. Christian Cabal, rapporteur spécial de la commission des finances- Le 9 novembre n'est pas le meilleur jour pour examiner les crédits du budget annexe de l'ordre de la Libération. En effet, la chancellerie de l'ordre de la Libération est chargée d'organiser, chaque année, les cérémonies commémoratives de la mort du général de Gaulle. Or le plus légitime des hommages veut que la discussion des crédits des deux budgets annexes ait lieu en présence des chanceliers des deux ordres. Tel n'est pas le cas cette année ; j'espère qu'on veillera à l'avenir à fixer un calendrier plus judicieux. J'ai plaisir à saluer la présence de M. le secrétaire général de l'ordre de la Libération.

Les crédits du budget annexe de l'ordre national de la Légion d'honneur passent de 113 millions en 1999 à 124 millions en 2000, soit une hausse de 9,42 %.

Cette progression provient principalement des opérations en capital, pour lesquelles les crédits de paiement augmentent de 9,5 millions. La dernière tranche de la rénovation du troisième dortoir de la maison d'éducation de Saint-Denis ayant été entièrement soldée l'année passée, les efforts sont désormais concentrés sur le cloître, dont la restauration est estimée à 37 millions ; 17 millions y avaient déjà été affectés ; 10 millions supplémentaires sont inscrits en autorisations de programme et en crédits de paiement.

Parmi les dépenses de fonctionnement, les charges de personnel constituent le principal facteur de progression en raison, d'une part, des accords salariaux conclus dans la fonction publique, d'autre part, de la création nette de trois postes, consécutive à l'intégration du musée national de la Légion d'honneur au budget annexe. Jusqu'à présent, le musée était un établissement public à caractère administratif, auquel le budget annexe versait une subvention de 1,5 million. A la suite des observations de la Cour des comptes, l'établissement public va être dissous, ce qui permettra de tirer partie des réserves financières. Les travaux qu'appelle la vétusté du musée pourraient ainsi être achevés pour le bicentenaire de l'ordre, en 2002. La charge nette de l'intégration du musée pour le budget annexe ne s'élèvera qu'à 15 000 F en 2000.

S'agissant des autres dépenses de fonctionnement, il faut mentionner la stabilité des crédits destinés à secourir les membres des ordres nationaux et les médaillés militaires. Les montants inscrits pour les traitements des membres de la Légion d'honneur et des médaillés militaires se stabilisent également, à 8,2 millions.

Corrélativement aux dépenses, les ressources de l'ordre progressent de 9,42 %, la subvention inscrite au budget de la justice augmentant de 0,26 % et les recettes propres de 134 %. Ce dernier chiffre recouvre une stabilité des droits de chancellerie, un accroissement de 3 % des prix des pensions et trousseaux et, surtout, une reprise sur provisions à hauteur de 10 millions, afin de financer une partie des travaux du cloître. Pour l'exercice 2000, les crédits d'investissement sont donc inscrits dès la loi de finances initiale, conformément au souhait que j'avais exprimé l'année passée.

Néanmoins l'hommage dû à l'ordre national de la Légion d'honneur n'interdit pas la lucidité, bien au contraire. Non seulement les crédits pour 2000 résultent en grande partie d'une reprise sur provisions pour risques et charges, mais à moins d'une improbable ouverture en loi de finances rectificative, le niveau des opérations en capital est anormalement bas en 1999, compte tenu des 7 millions de dotation en loi de finances initiale. Par ailleurs, je souhaiterais qu'il soit rapidement remédié à une anomalie que la Cour des comptes a mise en lumière : le grand chancelier de l'ordre de la Légion d'honneur, à la différence du chancelier de l'ordre de la Libération, n'a pas la qualité d'ordonnateur principal de son propre budget. La question relevant du pouvoir réglementaire, les modifications qu'on envisage d'apporter prochainement au code de la Légion d'honneur pourraient être l'occasion de mettre fin à cette situation.

Les crédits de l'ordre de la Libération diminuent de 1,1 %.

En effet, à partir de l'année prochaine, la réalisation et la diffusion des documents budgétaires seront centralisées au ministère chargé du budget, auquel les crédits correspondants seront transférés.

En ce qui concerne les opérations en capital, une inscription de 850 000 F, comme en 1999, permettra de mettre en _uvre une deuxième tranche de travaux de réfection de l'installation électrique de la chancellerie. Le coût des travaux, étalés sur 1999, 2000 et 2001, est de 2,6 millions.

Globalement, la subvention du budget de la Justice, qui couvre l'intégralité du financement du budget annexe de l'ordre de la Libération, atteindra 4 960 000 F, contre 5 millions en 1999.

Vous renvoyant pour plus de détails à mon rapport écrit, je voudrais maintenant faire le point sur l'évolution récente de chacun des deux ordres.

Outre la gestion et la conservation de son patrimoine immobilier, l'ordre de la Légion d'honneur exerce deux fonctions essentielles.

En premier lieu, il met en _uvre, dans le cadre du code de la Légion d'honneur et de la médaille militaire, les orientations générales définies par le grand maître en matière de nominations et de promotions. Ces orientions prennent traditionnellement la forme de décrets qui fixent, pour une période de trois ans, les différents contingents de médaillés. Ainsi, les décrets du 4 décembre 1996 ont sensiblement accru les contingents dans l'ordre de la Légion d'honneur. En même temps, le Président de la République a souhaité que soit mieux assuré le caractère universel des ordres.

Les effets de ces nouveaux principes se sont confirmés en 1999. La proportion de femmes dans l'ordre de la Légion d'honneur atteint aujourd'hui plus de 22 %, soit le double de ce qu'elle était en 1995. Après Mme Geneviève de Gaulle-Anthonioz en 1997, Mme Germaine Tillion a été cette année élevée à la dignité de grand croix.

L'ordre de la Légion d'honneur remplit une seconde mission, l'éducation des filles et des petites-filles des membres français de l'ordre, des filles des membres de l'ordre du Mérite et, bientôt, des arrière-petites-filles des membres de la Légion d'honneur ainsi que des petites-filles des membres de l'ordre du Mérite.

Les maison d'éducation de Saint-Denis et des Loges accueillent chaque année près de 1 000 jeunes filles dans des classes qui vont désormais de la sixième à la Khâgne, en passant par les deux années de BTS de commerce international. La haute qualité de l'enseignement est attestée par les taux de réussite aux examens -97,97 % au brevet des collèges, 91,26 % au baccalauréat et 88,24 % au BTS.

En ce qui concerne l'ordre de la Libération, le projet de loi tendant à créer un Conseil national des communes «compagnon de la Libération», déposé sous une forme identique, par deux gouvernements successifs, a fait l'objet d'un remarquable consensus lors de sa discussion au Parlement. Je me félicite que le dispositif adopté à l'unanimité soit à même d'assurer la pérennité de l'esprit de l'ordre, en démentant ainsi la crainte qu'exprimait André Malraux en 1971 : «Vous savez, dans cinquante ans, l'ordre aura disparu, puisque nous serons tous morts».

Votre commission des finances, sur ma proposition et conformément à la tradition, a adopté à l'unanimité les crédits des budgets annexes de la Légion d'honneur et de l'ordre de la Libération et vous demande, mes chers collègues, de faire de même (Applaudissements).

Mme Elisabeth Guigou, garde des sceaux, ministre de la justice - Le budget annexe de la Légion d'honneur atteindra 123,9 millions l'an prochain, soit une augmentation de 9,4 %. La subvention budgétaire s'élèvera à 105 millions, comme en 1999. Les recettes propres, d'un montant de 8,16 millions, seront en augmentation de 5,16 %.

Les crédits de fonctionnement qui atteindront 107,5 millions, seront en augmentation de 1 %. Ils permettront d'assurer le paiement des traitements des membres de la Légion d'honneur et des médaillés militaires, le fonctionnement des services et l'action sociale menée par la grande chancellerie.

Les nominations et promotions dans la Légion d'honneur et l'ordre national du Mérite ont concerné en 1998, 10 600 citoyens français. 3 600 médailles militaires ont été concédées pendant la même période.

Au 30 septembre dernier, la Légion d'honneur comptait 115 765 membres. Le premier ordre national s'est ouvert davantage, en cette période de paix, aux civils de toutes catégories, mais aussi aux femmes, qui représentent désormais plus de 20 % des promotions.

Le musée national de la Légion d'honneur va être intégré dans le budget annexe, l'établissement public administratif étant donc supprimé. Cette opération, réalisée à coût nul, nécessite la transformation de quatre emplois. Les dépenses en capital prévues en 2000 représentent 16,44 millions en AP et en CP.

Le financement partiel des travaux de restauration du cloître de l'abbaye de Saint-Denis, dont le coût est estimé à 37 millions, fait l'objet d'une dotation de 10 millions.

Dans ses deux maisons d'éducation, la grande chancellerie de la Légion d'honneur a pour mission d'assurer l'éducation de près de 1 000 élèves. J'ai plaisir à souligner l'excellence des résultats obtenus aux examens de la fin de l'année scolaire 1998-1999.

98 % des élèves ont obtenu le brevet des collèges, alors que le taux de réussite national est de 76,2 % ; 91 % ont réussi au baccalauréat, contre 78,4 % en taux de réussite national ; et leur taux de réussite au BTS est de 88 %, contre 58,5 % en moyenne nationale. Les résultats sont fondés non sur la sélection des meilleurs, mais bien sur la qualité de l'enseignement, gage de pérennité de l'institution.

Le rapporteur m'a demandé si le grand chancelier pouvait être ordonnateur principal. Je pense que oui dans la mesure où il y a déjà un vote séparé sur un fascicule budgétaire séparé, mais il faudra que j'en parle avec le ministre du budget.

Le budget annexe de la Légion d'honneur doit permettre à l'Ordre d'assurer les missions qui sont les siennes depuis sa fondation et de s'adapter à l'évolution de notre société, à l'approche du bicentenaire de la Légion d'honneur qui sera célébré en mai 2002 (Applaudissements).

M. le Président - J'appelle maintenant les crédits ouverts au budget annexe de la Légion d'honneur.

Les crédits ouverts aux articles 42 et 43, successivement mis aux voix, sont adoptés.

M. le Président - J'appelle maintenant les crédits ouverts au budget annexe de l'ordre de la Libération.

Les crédits ouverts aux articles 42 et 43, successivement mis aux voix, sont adoptés.

M. le Président - Nous avons terminé l'examen des crédits du budget annexe de la Légion d'honneur et du budget annexe de l'ordre de la Libération.

La séance, suspendue à 17 heures 45, est reprise à 17 heures 50.

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      SOLIDARITÉ ET SANTÉ (suite)

L'ordre du jour appelle la suite de l'examen des crédits du ministère de l'emploi et de la solidarité, concernant la solidarité et la santé.

Mme Dominique Gillot, secrétaire d'Etat à la santé et à l'action sociale - Je tiens d'abord à remercier les rapporteurs d'avoir mis en valeur les lignes de force de ce budget complexe, qui porte l'action de l'Etat dans les domaines de la lutte contre l'exclusion, de la protection des populations les plus fragiles, de la santé publique et de la sécurité sanitaire.

L'ampleur de sa progression -de 13,3 %, ce qui le porte en 2000 à 90 milliards 815- illustre avec force le caractère prioritaire de ces domaines d'action même s'il faut faire la part de l'extension de périmètre résultant de l'inscription, pour 7 milliards, de la subvention de l'Etat au fonds de financement de la CMU.

A ce propos, je rappelle que le financement de la CMU se traduit par trois mouvements : une dépense de 7 milliards, inscrite au budget de la solidarité ; un apport à la CNAM d'une fraction des recettes du tabac, estimée à 3,5 milliards, pour compenser la suppression de l'assurance personnelle et des cotisations correspondantes ; une réduction de 9 milliards de la dotation globale de décentralisation versée aux départements. Reste donc à la charge de l'Etat un coût net de l'ordre de 1,4 milliard.

Au-delà de cette dépense, le budget de la santé et de la solidarité enregistre une hausse de 3 milliards 638 millions, soit un taux de progression 4,5 %, ce qui porte à 9,7 % en deux ans la croissance à structure constante. Cela nous permet de financer les dispositifs de la lutte contre les exclusions conformément aux engagements pris en 1998 ; d'assurer la montée en charge des agences de sécurité sanitaire et d'améliorer l'efficacité des politiques de santé publique ; de renforcer les moyens du ministère. L'effort consacré à ces objectifs est d'autant plus remarquable que le propre de ce budget est qu'il n'offre pas de marges de redéploiement. En effet, si le budget de l'emploi permet de réinvestir sur les grandes politiques structurelles de développement de l'emploi les dividendes de la croissance et les fruits heureux de la politique de l'emploi, il n'est pas possible ni imaginable de faire des économies sur la solidarité. Au contraire, un contexte économique favorable renforce les attentes de ceux qui restent sur le bord du chemin. Ainsi, sur les crédits supplémentaires -hors CMU- que j'évoquais tout à l'heure, 3,2 milliards sont en quelque sorte «préemptés» par l'évolution des trois minima sociaux inscrits au budget de la solidarité : RMI, allocation de parent isolé et allocation adulte handicapé. J'en profite pour dire à Mme Fraysse que les minima sociaux ont été sensiblement revalorisés depuis notre arrivée : l'ASS a ainsi augmenté de 8 % dès juillet 1997, puis de 3 % en 1998 et encore de 3 % en 1999, soit une hausse très supérieure à celle de la hausse des prix dans la même période.

La marge nécessaire au financement des priorités nouvelles est donc étroite. Elle a cependant été conquise, sans rien sacrifier. Deux chiffres pour vous en convaincre : hors CMU et minima sociaux, la somme des progressions par chapitre est de 860 millions, la somme des économies de 136 millions seulement.

Le budget de la solidarité s'établit à 81,3 milliards, dont 58,6 pour le RMI, l'API et l'AAH. Il tient tous les engagements du programme de lutte contre les exclusions associé à la loi du 29 juillet 1998, qu'il s'agisse de l'accompagnement social individualisé, du renforcement des dispositifs de veille sociale et d'hébergement, de l'extension des capacités des centres de formation de travailleurs sociaux ou de l'abondement des fonds d'aide aux jeunes. Mme Mignon et M. Hamel ont souligné la lenteur du démarrage du programme TRACE. Ils ont raison mais le repérage de ces jeunes en grande difficulté qui ne figurent dans aucun parcours d'insertion réclamait du temps. La coordination de tous les acteurs susceptibles de les accompagner aussi. L'expérience relatée par M. Mitterrand montre que les collectivités territoriales ont en ce domaine la possibilité de prendre des initiatives utiles.

Tous ces dispositifs se situent en amont du retour à l'emploi, cette démarche à la fois personnelle et accompagnée qui est au c_ur des dispositifs pour l'emploi issus de la loi contre les exclusions. En effet, les personnes les plus démunies, comme les jeunes très désocialisés, doivent s'acquitter de bien des préalables avant de pouvoir s'engager dans un parcours de retour ou d'accès à l'emploi durable.

C'est en amont qu'il faut agir, pour éviter l'exclusion. Nous consacrons donc 3,2 millions à renforcer les réseaux d'écoute des parents, 12 millions en 2000 à mieux former les travailleurs sociaux. Sur trois ans, c'est 167 millions que nous aurons consacrés à cette tâche.

La solidarité consiste aussi à lever les obstacles sociaux, familiaux, individuels à l'insertion.

Nous voulons accroître, et diversifier l'accueil des personnes sans domicile fixe, dans la perspective de les réorienter vers un logement autonome. Tel est bien l'esprit de la loi de lutte contre les exclusions. M. Besson et moi-même venons de faire une communication sur le réseau social et l'hébergement d'urgence à la veille de l'hiver.

Après 30 millions en 1998 et 120 millions en 1999, ce sont 60 millions qui sont inscrits à ce budget pour l'accueil d'urgence et l'accompagnement en résidences sociales. S'y ajoutent 42 millions pour créer 500 places nouvelles en CHRS. En 1999 nous avions déjà consacré 50 millions à leur rénovation.

Je salue le travail remarquable des associations qui se consacrent à l'accompagnement social individualisé des personnes en difficulté. Nous y avions affecté 120 millions en 1999, nous y affectons 220 millions de plus dans ce budget.

60 millions sont consacrés aux fonds d'aide aux jeunes qui pourront soutenir les jeunes en grande difficulté entre un stage et un contrat d'insertion.

Pour favoriser l'insertion des érémistes, dont l'Etat est responsable avec les départements, la loi contre les exclusions permet de cumuler la prestation et les revenus d'activité pendant un an, intégralement puis partiellement. 16 % des allocataires bénéficieraient de la mesure en métropole.

Depuis 1995, les charges du RMI continuaient à augmenter de 5 % par an. En 1998, la tendance s'est ralentie avec une hausse de 3,8 % en métropole et de 4,1 % DOM compris. Le facteur essentiel en est la baisse du chômage de longue durée. En métropole, les entrées dans le RMI augmentaient encore de 6 % en 1997, elles ont baissé de 4,4 % en 1998, et cette amélioration profite d'abord aux jeunes allocataires. En revanche, les sorties en métropole se maintiennent à un tiers des effectifs. Ces évolutions se confirment au premier semestre 1999.

La dotation inscrite pour 2000 est de 28,7 milliards. Qu'on ne la compare pas aux 29,9 milliards de 1999, qui comprennent un abondement de 3,5 milliards en septembre, par décret d'avance pour couvrir la revalorisation exceptionnelle de 3 % en fin d'année. Déduction faite de 1,7 milliard d'un versement rétroactif pour 1998, la dotation réelle de 1999 est de 28,2 milliards. Les crédits de 2000 augmentent de 500 millions, ce qui est réaliste face aux charges attendues.

Lutter contre les exclusions, c'est aussi _uvrer à la protection et à l'intégration des étrangers. L'Etat consacrait en 1999, 807 millions à l'aide médicale des personnes sans domicile stable. La CMU a pris le relais. Mais ces crédits demeurent nécessaires pour la prise en charge médicale des étrangers en situation irrégulière, des Français non résidents, des personnes accueillies pour raisons humanitaires. Le besoin est évalué à 400 millions, mais nous avons maintenu une dotation de 495 millions pour apurer les dettes antérieures.

M. Forni remplace M. Cochet au fauteuil présidentiel.

PRÉSIDENCE de M. Raymond FORNI

vice-président

Mme la Secrétaire d'Etat - Le financement des soins dans les centres de rétention administrative est consolidé, avec 19,8 millions.

Nous créerons 120 places nouvelles dans les centres d'accueil des réfugiés et demandeurs d'asile, et nous augmenterons les crédits de l'allocation d'insertion versée aux demandeurs qui attendent la décision de l'OFPRA. Devant l'augmentation du nombre de demandeurs d'asile, nous avons dû abonder cette ligne en 1999. Il ne s'agissait pas d'une simple reconduction de crédits mais d'une augmentation de 7 millions.

Des crédits d'investissement sont également prévus pour aménager des aires de stationnement pour les gens du voyage.

La solidarité s'exerce aussi en faveur des rapatriés. Un plan d'action facilite l'emploi des Français rapatriés d'origine nord-africaine et leurs familles. Devant le chômage anormalement important de cette population -30 %- il est prolongé jusqu'au 31 décembre 2000. Les cellules pour l'emploi mises en place dans six départements en 1998 fonctionnent désormais dans 23 départements. Dans certains cas, Monsieur Delattre, nous nous efforcerons de les rendre plus efficaces. Du 1er janvier 1998 au 30 septembre 1999, ce sont 7 050 personnes qui ont trouvé un emploi, dont 4 141 en 1998, soit 75 % de plus qu'en 1997.

Les Harkis percevront une rente viagère avec effet rétroactif au 1er janvier 1999. Les conditions d'attribution en seront prochainement définies.

Par ailleurs, le décret du 4 juin 1999 a mis en place un nouveau dispositif d'aide aux rapatriés réinstallés dans une profession non salariée, placé sous la responsabilité d'une commission nationale de désendettement, présidée par un magistrat de la Cour des comptes et où les rapatriés sont représentés. 1 940 demandes sont en cours d'examen. Les pupilles de la nation, les orphelins en raison des événements ayant précédé le rapatriement et les personnes dont le parent est décédé dans les cinq ans suivant son rapatriement sans avoir pu se réinstaller sont désormais éligibles. La commission nationale a commencé ses travaux le mois dernier. Les crédits ouverts sur les lignes qui portent ces mesures sont reportables ; tel est le cas des 100 millions attribués au dispositif de désendettement dès la loi de finances rectificative pour 1998.

S'agissant des retraites des rapatriés, j'ai rappelé aux caisses que les attestations sur l'honneur concernant une activité avant l'indépendance étaient recevables. La direction de la Sécurité sociale et la délégation aux rapatriés étudient les revendications des médecins en ce qui concerne les prestations supplémentaires vieillesse. Il convient de vérifier si le rachat des points dans des conditions dérogatoires n'est pas contraire au principe d'égalité.

J'en viens à la politique en faveur des handicapés qui occupe une place centrale dans ce budget. Elles se veut cohérente et attentive à tous les aspects de leur vie -éducation, emploi, vie sociale. Il s'agit d'abord de favoriser leur insertion en milieu ordinaire. Cet objectif est constant depuis la loi de 1975. Mais la société a changé, les handicapés aspirent à une vie plus autonome. A nos yeux, l'intégration dans le milieu de vie ordinaire et la prise en charge dans des institutions spécialisées ne s'opposent nullement. Notre politique vise trois objectifs. Il s'agit d'abord de favoriser la socialisation et l'intégration des jeunes. 60 millions sont inscrits dans le PLFSS pour développer les structures qui permettent une meilleur intégration scolaire.

Les deux autres objectifs prioritaires sont l'accompagnement des personnes handicapées dans leur vie quotidienne, en milieu ordinaire ou en institution, et la formation et l'insertion professionnelles. Ces orientations s'inscrivent dans une politique dont M. Forgues a souligné la cohérence. Il faut viser la complémentarité et la continuité, diversifier les modes d'intervention des établissements et des services, coordonner et décloisonner les institutions entre elles et par rapport au milieu ordinaire. M. Hammel a rappelé la nécessité de cette coordination. Cette approche, déjà présente dans la loi contre les exclusions guidera la réforme de la loi de 1975, souhaitée par nombre d'entre vous et qui fait l'objet de la mission confiée à M. Pascal Terrasse.

Il faut regarder à la fois la loi de financement et la loi de finances pour prendre la mesure de cette action. Ainsi, les dotations prévues dans l'ONDAM 2000 pour les personnes handicapées augmentent de plus de 24 % avec des actions ciblées en faveur des enfants, des autistes et des traumatisés crâniens. C'est une préoccupation pour nombre d'entre vous, comme l'ont rappelé Mme Lazard et MM. les rapporteurs.

L'effort sur les structures ne doit pas nous faire oublier les problèmes que peuvent y rencontrer les personnes. Mme Boutin et M. Terrasse ont évoqué les mauvais traitements que certaines y ont subi. J'ai fait une communication à ce sujet au conseil des ministres du 22 septembre, afin de prendre la mesure de ces mauvais traitements et d'assurer la protection des salariés qui ont témoigné. Nous menons des consultations avec les professionnels à ce sujet.

Pour revenir au budget, je souligne l'effort particulier consacré au développement des aides techniques et, d'autre part, au renforcement des COTOREP. Les aides techniques ont pour but d'offrir aux personnes handicapées qui souhaitent et peuvent rester dans leur milieu de vie des moyens de compensation fonctionnelle de leur handicap. Sur quatre sites pilotes, on a mené des expérimentations de prescription et de délivrance des aides techniques dans un lieu unique de traitement médico-technique, administratif et financier. L'évaluation a montré l'intérêt de généraliser cette formule. Une mesure nouvelle de 15 millions a été dégagée dans ce but sur le nouveau chapitre 46-31 «développement social». Cet effort pourrait être amplifié par la contribution des caisses de sécurité sociale et des conseils généraux qui accepteraient de s'y associer. Votre rapporteur M. Hammel en a très bien analysé les enjeux.

Quant aux COTOREP, le rapport émis en 1998 par l'IGF et l'IGAS a confirmé l'existence de dysfonctionnements dans leur organisation et leur gestion, et il en a clairement pointé les causes : l'absence de pilotage réel des commissions et l'insuffisance de leurs moyens. Une remise à niveau s'imposait donc. L'AGEFIPH reprenant en charge le financement des équipes de préparation et de suites de reclassement, nous avons pu dégager 14 millions pour abonder les vacations des médecins des deux sections, dont 9 millions sur le budget solidarité et 5 sur le budget emploi. Nous créons dix postes de médecins contractuels et dix emplois de secrétaires administratifs pour renforcer l'expertise médicale et l'encadrement.

Nous ouvrons 2,5 millions de crédits pour refondre le système d'information, cependant que 2 millions de plus sont consacrés à la généralisation des plans départementaux d'insertion des travailleurs handicapés. Enfin, une enveloppe de 5,5 millions est ouverte à l'AFPA pour améliorer l'orientation des travailleurs handicapés.

Le budget 2000 poursuit le programme pluriannuel de création de places pour adultes lourdement handicapés arrêté par le Premier ministre le 8 avril 1998 pour la période de 1999-2003. Il respecte la programmation prévue avec 2 000 places de CAT, pour 131 millions, et 500 places d'ateliers protégés sur le budget de l'emploi. Ce dernier retrace l'incidence de ces créations de places sur la garantie de ressources des travailleurs handicapés, avec 139 millions au total sur la section emploi. Quant à la création de places en maisons d'accueil spécialisées et en foyers à double tarification, elle est financée pour 230 millions dans la loi de financement.

J'indique à Mme Lazard et à M. Terrasse que nous entendons bien remédier aux disparités géographiques dans la répartition des places de MAS et de CAT, et résorber le nombre des personnes maintenues dans les établissements spécialisés au titre de l'amendement Creton. Une étude sera menée selon des critères chiffrés. Ce sont bien 2 000 places de CAT qui sont attribuées cette année : la différence que vous relevez vient de ce qu'une marge de man_uvre est conservée pour des ajustements en fin d'exercice. La circulaire du 18 août 1999 retrace les perspectives de créations d'ici 2002. L'année suivante permettra de faire les corrections que vous souhaitez, notamment entre départements d'une même région, sur la base d'une connaissance plus fine de la situation.

Les crédits du titre VI affectés aux subventions d'investissement social sont ciblés sur les priorités du volet social des contrats de plan Etat-régions en cours de négociation. Outre la rénovation des CHRS, entrent aussi dans le champ des contrats l'achèvement de l'humanisation des hospices, et la mise en sécurité des maisons de retraite et des établissements d'accueil des personnes lourdement handicapées. Ce sujet qui me tient à c_ur trouvera sa place, je l'espère, dans la «seconde enveloppe» par laquelle l'Etat accompagnera les priorités des régions et collectivités parties prenantes.

Il faut aussi mentionner la hausse de 781 millions des crédits de l'allocation aux adultes handicapés, qui porte la dotation à 25 milliards 550 millions, sur la base d'un taux de progression en volume et en valeur de 3 %. Plusieurs orateurs ont évoqué l'évolution de l'AAH en cas d'hospitalisation, et en regard de la CMU. En cas d'hospitalisation de plus de 60 jours, l'AAH est réduite de 20 % si le bénéficiaire est marié, de 35 % s'il est isolé. Il est en effet pris en charge par l'assurance maladie. Mais certaines dispositions viennent atténuer la portée de cette réduction et prendre en compte les situations particulières, enfants ou ascendants à charge, notamment. Des situations difficiles persistent toutefois : elles feront l'objet d'un examen approfondi.

Signalons, enfin, le transfert sur le budget de la solidarité des crédits du fonds spécial invalidité, soit 1 592 millions, jusqu'ici inscrits aux charges communes. Ce transfert est pratiquement compensé par le glissement inverse vers le budget des charges communes de la subvention à la branche vieillesse de la caisse des mines, soit 1 587 millions, dans un but de rationalisation.

Les dispositifs en faveur des personnes âgées sont peu concernés par ce budget. Néanmoins, à trois semaines de la clôture de l'année internationale des personnes âgées, je souhaite remercier Mme Guinchard-Kunstler de la qualité de ses propositions sur le maillage du territoire par des services polyvalents à domicile afin de permettre aux personnes âgées d'exercer leur libre choix de vie. J'en suis bien d'accord, même si c'est une tâche de longue haleine qui doit mobiliser l'ensemble des financeurs. Ces suggestions sont actuellement à l'étude.

M. Charles a évoqué l'évolution de la PSD. Je souligne les inconvénients qu'il y aurait à créer une cinquième branche, pour la prise en charge de la dépendance. Ce serait une incitation à se décharger sur la collectivité de la solidarité entre générations. En outre, la PSD doit rester gérée au plus près des besoins. Une prestation de type sécurité sociale, attribuée automatiquement sur critères, serait inadaptée et inutilement coûteuse. Cela ne veut pas dire que le dispositif n'évoluera pas, et le Gouvernement a déjà avancé des propositions en ce sens.

La très grande majorité des personnes âgées souhaitent rester chez elles, et de fait, 90,7 % des personnes de 75 ans le font. Mais parfois l'établissement est la meilleure solution. Or l'entrée en établissement pèse lourdement sur le budget des familles ; elle est aussi une source de souffrance psychique, comme le rappelle souvent Mme Guinchard-Kunstler. La loi de finances pour 1998 avait relevé la réduction d'impôt en cas d'accueil en long séjour ou en lits de section de cure pour les personnes de 70 ans et plus. Mais l'entrée en établissement n'est pas forcément une question d'âge. Ainsi, la maladie d'Alzheimer peut frapper des personnes relativement jeunes. C'est pourquoi nous devons nous féliciter de l'initiative prise par le rapporteur général, M. Migaud, de supprimer la condition d'âge de 70 ans. Cette mesure représentera une perte de recettes annuelle de 70 millions.

Je veux, enfin, évoquer deux sujets concernant la vie des associations qui concourent fortement à la conduite des politiques sociales de l'Etat : la réduction de la durée du travail dans le secteur sanitaire, social et médico-social et, d'autre part, les dettes de l'Etat envers les organismes d'accueil des objecteurs de conscience. Sur ce dernier point, nous nous sommes donné les moyens d'apurer complètement les dettes de l'Etat dans les plus brefs délais. En effet, une partie de ces dettes est en train d'être réglée grâce à l'ouverture de 86 millions dans le décret d'avance du 2 septembre dernier. D'autre part, la dotation du budget 2000 a été maintenue à son niveau de 1999, soit 106 millions, montant supérieur de 45 millions environ aux besoins prévisibles de l'exercice : cela permettra de solder totalement la dette de l'Etat. Je me réjouis avec M. Forgues de voir réglée une situation qui pesait gravement sur l'équilibre financier de certaines associations.

La question du temps de travail est importante pour un secteur associatif qui est clairement dans le champ de la nouvelle législation, mais qui, largement financé sur fonds publics et tenu à de hautes exigences de qualité de service, est confronté à des sujétions particulières. Ici même, Martine Aubry disait y voir une chance pour un secteur qui avait souvent donné la preuve de sa capacité d'adaptation. Et de fait, le secteur s'est fortement mobilisé. 1 400 accords sont aujourd'hui enregistrés, qui concernent une multiplicité d'établissements dans les secteurs du handicap, de l'aide sociale à l'enfance, des maisons de retraite, des établissements sanitaires.

Après avis favorable de la commission nationale d'agrément, Mme Aubry a validé plusieurs accords collectifs nationaux, notamment un accord de branche étendu au niveau de l'UNIFED, ou encore les accords concernant les centres de lutte contre le cancer et la Croix-Rouge. Les accords locaux sont en cours d'instruction ; ils sont soumis aux autorités qui, sur le terrain, financent les établissements. C'est à ce niveau que l'on pourra apprécier la réalité des efforts de solidarité financière et le souci de la qualité du service rendu qu'ont manifestés les partenaires sociaux dans les accords nationaux.

Le budget de la santé pour 2000 comporte plusieurs évolutions marquantes.

Tout d'abord, il augmente de 5 %, soit plus que le budget global santé-solidarité. Mais, à structure constante, il progresse de 10 %. Il n'est certes qu'un élément modeste de la politique de santé, dont les lois de financement pour la Sécurité sociale assurent l'essentiel du financement. Cette dichotomie suscite, je le sais, des frustrations. Comme certains d'entre vous l'ont souligné, un vaste débat sur les orientations de la santé publique nous fait défaut. Le projet de loi relatif à la modernisation du système de santé, qui sera examiné au printemps prochain, remédiera à ce manque.

Avec ses 4 milliards, le budget de la santé demeure essentiel, notamment parce qu'il permet de transformer les besoins de santé qui apparaissent sur le terrain en choix de santé publique. Depuis plusieurs années, les programmes régionaux de santé publique jouent un rôle clé dans l'évaluation des besoins de santé. Ils servent aussi de levier à des actions impliquant non seulement les administrations, les médecins de santé publique, les ARH, mais aussi tous les professionnels de santé, les associations, les usagers . Les états généraux de la santé, dont on connaît le succès, ont prolongé cette démarche et il faut se féliciter que la prise en compte des droits des malades, prévue dans le prochain projet de loi de modernisation du système de santé, devienne réalité, conformément au souhait exprimé lors de ces états.

La politique de santé publique participe de la lutte contre les exclusions.

Les programmes régionaux d'accès à la prévention et aux soins, les PRAPS, ne bénéficient d'aucune mesure nouvelle en 2000, car ils avaient reçu 194 millions à ce titre l'an passé. Leur mise en place aura duré toute l'année 1999 : tous seront opérationnels en décembre. En revanche, les programmes régionaux de santé bénéficient de moyens nouveaux et le financement du réseau des comités d'éducation pour la santé est lui aussi conforté. Des efforts sont également faits pour la prévention du suicide et le traitement des délinquants sexuels.

M. Perrut a fait part de ses inquiétudes sur les soins palliatifs. Je tiens à le rassurer, cela fait bien partie de nos préoccupations. Les décrets d'application de la loi votée cette année sont en cours de préparation.

Nous portons également une attention particulière à l'évaluation et à la gestion des risques sanitaires liés à l'environnement. Je citerai deux mesures nouvelles notables : l'augmentation de 2 millions des observatoires régionaux de santé, dont l'institut de veille sanitaire aura par ailleurs les moyens de financer plus amplement les prestations et l'octroi de 12 millions pour la gestion des risques liés à l'amiante. Je pense donc pouvoir rassurer M. Aschieri sur notre détermination dans le domaine de la santé environnementale. Il faut à cet égard se féliciter de la décision prise par le premier ministre de créer une agence sanitaire de l'environnement. Nous sommes aussi en train d'étudier comment améliorer la formation continue des professionnels de santé sur ces questions.

Je comprends, Monsieur Aschieri, votre intérêt pour les médecines alternatives. Mais on ne peut pas, me semble-t-il, plaider à la fois pour une sécurité sanitaire accrue et labéliser des théories n'ayant pas été scientifiquement validées.

Les enjeux de santé prenant une dimension internationale croissante, il importe que la France joue pleinement son rôle. Les crédits alloués à l'OMS ont été augmentés de 2 millions et le fonds de solidarité thérapeutique internationale abondé de 16 millions, ce qui lui permettra de lancer des programmes de prévention et de soins, notamment pour les femmes enceintes, dans les pays d'Afrique les plus touchés par le sida.

Des moyens supplémentaires considérables seront affectés à la lutte contre les pratiques addictives et les maladies infectieuses.

Les dispositifs de prévention et de prise en charge globale des comportements liés à la prise de drogues, licites ou illicites, reçoivent des moyens nouveaux importants.

Au-delà des 16 millions dont j'ai parlé pour le FSTI, le budget pour 2000 comporte 15 millions de crédits supplémentaires pour poursuivre le programme de lutte contre l'hépatite C ; un million pour la lutte contre la résistance aux antibiotiques ; deux millions pour la lutte contre le tabagisme ; cinq millions pour les centres de cure ambulatoire en alcoologie et 10,8 millions pour les actions de réduction des risques incluses dans le programme triennal de lutte contre les drogues et la toxicomanie.

L'évolution des crédits de la MILDT est quelque peu complexe, Mmes Génisson et Fraysse m'ont interpellée à ce sujet. Le chapitre 47-16 comporte en 2000 278,2 millions contre 236,6 en 1999. Mais la dotation initiale de 1999 a été complétée par 65 millions de crédits 1998 restés en attente. Le budget 2000 inclut ces reports dans la base de reconduction et comporte, au titre du plan triennal, 16,6 millions de crédits nouveaux. Ainsi le budget total a-t-il été porté à 318,2 millions avant transferts.

Un rapport de la Cour des comptes avait critiqué le financement par la MILDT d'actions ou d'équipements qui relevaient en réalité des crédits ordinaires de différents ministères. Le Gouvernement, tenant compte de ces remarques, a transféré définitivement vers ces ministères 40 millions, à charge bien sûr pour ces derniers de poursuivre les actions en question.

Ces crédits nouveaux ont pu être trouvés grâce à une rationalisation des financements apportés respectivement par l'Etat et l'assurance maladie. Les 15 % résiduels du financement de l'Etat pour les centres de dépistage anonyme et gratuit ont été transférés à l'assurance maladie. Le principe du remboursement aux hôpitaux de frais de sevrage des toxicomanes a par ailleurs été abandonné. Je confirme donc à M. Foucher que les actes de prévention secondaire, qui sont bien des actes médicaux, font désormais partie des charges de l'assurance maladie.

Le financement de la montée en puissance des agences de sécurité sanitaire était l'un des enjeux clés du budget 2000. Il est assuré. 495 millions, soit 156,6 millions de plus qu'en 1999, seront affectés aux sept agences de sécurité sanitaire.

M. Bardet s'est interrogé sur le rôle que l'on aurait ou non fait jouer à l'agence française de sécurité sanitaire des aliments lors d'une crise récente. Comme le préconise une recommandation du Conseil de l'Europe, rappelée dans son rapport par Gilbert Mitterrand, nous avons veillé à appliquer le principe de précaution et à nous entourer des conseils scientifiques nécessaires. Le travail des scientifiques sur lequel s'est fondée l'AFSSA pour rendre son avis a permis d'engager des discussions à Bruxelles sur certains points pour lesquels nous souhaitons des garanties supplémentaires. A cet égard, la France est plutôt en avance sur ses partenaires européens.

Les autres organismes créés en 1998 sont l'institut de veille sanitaire et l'agence du sang, appelée à devenir l'opérateur unique de la transfusion sanguine.

Les trois autres établissements, antérieurs à la loi de 1998, n'ont pas pour autant terminé leur montée en charge, notamment l'ANAES, l'agence nationale d'accréditation et d'évaluation en santé. La procédure d'accréditation étant totalement nouvelle dans notre pays, il a fallu un certain délai pour la mettre en place comme l'a souligné M. Foucher, mais elle est désormais clairement engagée. L'office de protection contre les rayonnements ionisants, l'OPRI, est aussi confronté à de lourdes adaptations imposées notamment par des directives communautaires.

Seul l'établissement français des greffes est aujourd'hui proche d'un niveau de croisière, si tant est que cette notion ait un sens dans ce secteur.

Au total 125 millions supplémentaires sont affectés aux quatre agences issues de la loi de 1998, soit une hausse de 55 % qui leur permettra de créer 180 emplois.

Je rappelle que nous avons fait le choix de ne pas multiplier les taxes prélevées sur les secteurs de production placés sous le contrôle des agences, d'où la nécessité d'inscrire des nouveaux crédits.

L'ensemble de ce dispositif est coordonné par le comité national de sécurité sanitaire, désormais opérationnel, que je réunis tous les trois mois.

Le dernier domaine couvert par le budget de la santé est celui de l'offre de soins, agrégat qui regroupe les crédits affectés au fonctionnement des ARH, à la formation des professions paramédicales, à l'organisation des systèmes de santé dans les territoires d'outre-mer, et aux investissements hospitaliers.

Les crédits de fonctionnement des ARH s'élèvent à 102,7 millions, soit le même niveau qu'en 1999, moins les 5 millions affectés alors aux études liées à l'élaboration des SROS. Ces derniers sont désormais presque tous opérationnels. Ils ont été élaborés avec un grand souci de concertation locale et je pense que les craintes exprimées par certains d'entre vous sont aujourd'hui infondées.

En réponse à Catherine Génisson, qui m'a interpellée sur la gynécologie médicale, je précise que nous arrivons au terme de cette longue réflexion et devrions obtenir dans les prochains jours l'accord du collège des gynécologues pour le renforcement de la gynécologie médicale et répondre ainsi aux craintes des femmes qui craignent sa disparition.

Pour la formation des professions médicales et paramédicales, heureusement regroupée avec les bourses d'études dans la nouvelle nomenclature, les dotations 1999 sont reconduites, tant pour les écoles de sages-femmes et d'infirmiers -256 millions- que pour la formation extra-hospitalière des étudiants -250 millions- et l'année recherche des internes. Comme M. Nauche l'a souligné, le financement des écoles de soins infirmiers, partagé entre l'Etat et l'assurance maladie, mériterait une analyse approfondie.

L'organisation des services de santé dans les TOM et à Mayotte représente un coût de 137 millions, sachant que les crédits affectés à la Nouvelle-Calédonie sont désormais intégrés à la DGF de ce territoire.

Un certain nombre de situations difficiles, concernant les TOM ont pu être réglées : revalorisation du minimum vieillesse et des crédits d'action sociale pour les personnes handicapées à Wallis-et-Futuna, apurement d'une tranche de dettes de 17,4 millions du système de santé de Wallis-et-Futuna, apport de 5 millions à la convention en cours avec la Polynésie française, enfin, abondement de 10 millions de la convention d'action sociale à Mayotte.

Les crédits pour les investissements hospitaliers se répartissent entre le chapitre 66-11 qui, à l'avenir, ne devrait plus comporter que les opérations non finançables dans le cadre de l'ONDAM et le chapitre 66-12, constitué par le fonds d'investissement pour la modernisation des hôpitaux, ou FIMHO.

Créé en 1998, le FIMHO applique des critères de sélection stricts des opérations afin d'appuyer la logique de restructuration de l'offre de soins. Le budget 2000 prévoit un supplément de 200 millions d'autorisations de programme, qui porte à 265 millions le besoin de crédits de paiement en 2000.

J'évoquerai, en conclusion, le renforcement des moyens en personnel de l'administration sanitaire et sociale.

Comme Martine Aubry, je suis convaincue de la nécessité absolue de donner à un ministère qui porte une part essentielle des grands projets du Gouvernement, les moyens nécessaires à l'accomplissement de ses missions.

Le Premier ministre l'a reconnu puisqu'il a exonéré ce ministère de la norme de stabilité des effectifs : le budget pour 2000 permet une augmentation «nette» de 101 emplois, dont 84 dans les services déconcentrés, notamment pour renforcer les corps techniques d'inspection, d'animation et d'expertise.

En outre, nous recherchons une meilleure adaptation des emplois aux métiers, par la requalification des emplois et la levée de certains blocages dans les déroulements de carrière, notamment pour les agents de catégorie B et C, grâce à un plan ambitieux de transformation d'emplois.

Pour résorber l'emploi précaire, une nouvelle série de concours sera organisée en 2000.

Enfin, 32,2 millions sont consacrés à l'amélioration des rémunérations pour tenir compte de la charge de travail supportée et des résultats accomplis.

Vos rapporteurs ont souligné l'effort accompli, et je sais que beaucoup d'entre vous, qui côtoyez fréquemment l'administration sanitaire et sociale, vous en réjouissez également (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe RCV).

Mme Nicole Péry, secrétaire d'Etat aux droits des femmes et à la formation professionnelle - Le projet de budget «Droits des femmes» avec 100 millions, augmente de 24,27 %, ce qui marque la volonté du Gouvernement de faire progresser l'égalité entre les hommes et les femmes.

Le budget 1999 avait déjà progressé fortement. En effet, aux 80 millions de la loi de finances se sont ajoutés 20 millions de crédits de communication du ministère de l'emploi pour financer la campagne contraception. Celle-ci a fait l'objet d'une longue préparation, conformément aux procédures relatives aux marchés publics. Les supports de communication seront présentés avant la fin de ce mois en comité de pilotage et, si vous le souhaitez, devant la délégation parlementaire à l'égalité des chances et aux droits des femmes, que vous venez de constituer.

Schématiquement, le budget droits des femmes finance des actions dans trois domaines principaux.

Le premier axe, l'accès aux droits, mobilise environ la moitié du budget. Il recouvre l'information des femmes, y compris en matière de santé et de contraception, la lutte contre les exclusions et la participation des femmes à tous les domaines de la vie sociale.

Le centre national d'information et de documentation des femmes et des familles et les CIDF, qui assurent cette mission pour le compte de l'Etat, font l'objet d'une évaluation par l'IGAS, ce qui permettra d'améliorer cette information.

Les actions en faveur de l'insertion dans l'emploi et de l'égalité professionnelle se sont amplifiées cette année dans le cadre du plan national d'action pour l'emploi.

Le deuxième axe est l'égalité professionnelle qui, comme le montre le rapport de Catherine Génisson, est loin d'être assurée : l'écart de rémunération est encore de 25 % et le taux de chômage des femmes atteint 13,2 %, contre 9,8 % pour les hommes.

L'augmentation des crédits permettra de développer les contrats d'égalité avec les entreprises les plus innovantes, d'accompagner les femmes créatrices d'entreprise ou d'aider celles qui ont des difficultés d'insertion importantes. Les crédits «emploi formation» représentent environ 40 % du budget total, et ils pourront être démultipliés par l'intervention du fonds social européen. En 1999, 4 millions du FSE avaient été utilisés à cette fin. En l'an 2000, ce sont 200 millions, ce qui triplera le budget d'intervention en faveur de l'égalité hommes-femmes, grâce aux partenariats avec les autres ministères et avec les collectivités territoriales.

La troisième priorité est la lutte contre les violences dont sont victimes les femmes. Au-delà du budget d'intervention, les crédits d'études du ministère seront mobilisés pour financer une grande enquête auprès de 7 000 femmes qui permettra de mesurer l'ampleur des violences conjugales, des violences dans les lieux publics et sur les lieux de travail.

Afin de renforcer le service «droits des femmes», ses agents contractuels seront enfin reclassés dans la grille des contractuels des affaires sociales, ce qui contribuera à l'intégration du service au sein du ministère de l'emploi et de la solidarité et stabilisera la situation professionnelle des intéressés.

Je m'emploierai pendant l'année qui vient à consolider notre politique qui conjugue action globale et actions spécifiques. Peut-être l'an prochain un «jaune» budgétaire pourra-t-il présenter l'ensemble des crédits (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe communiste).

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QUESTIONS

M. Bernard Perrut - M. Guy Teissier, qui a dû s'absenter, m'a demandé de lire sa question.

M. le Président - Le Règlement l'interdit.

M. Georges Colombier - J'ai regretté ce matin l'insuffisance des mesures de prévention et d'accompagnement du vieillissement pathologique. Je voudrais revenir sur le financement de la médicalisation des établissements pour personnes âgées, au regard de la réforme de la triple tarification, dont les conséquences s'avèrent catastrophiques.

Une étude réalisée dans le département de l'Isère montre la progression, dans les établissements d'hébergement, des pathologies mentales, qui atteignent désormais 93 % de la population accueillie dans les unités de soins de longue durée. On peut considérer que 73 % des personnes hébergées répondent aux conditions d'attribution de la prestation spécifique dépendance. Hors unités de soins de longue durée, la capacité d'accueil en maison de retraite fait apparaître un déficit d'environ 1 400 lits médicalisés. Le forfait de cure médicale est parfois insuffisant pour couvrir les dépenses de soins.

La simulation de la nouvelle tarification sur un groupe d'établissements confirme l'augmentation des charges pour les résidents. Elle peut, pour les personnes les plus dépendantes, dépasser 25 %.

Comptez-vous, Madame la ministre, instituer une prestation autonomie, adaptée à tous les âges de la vie et intégrant le risque «handicap» dans le champ de la protection sociale ?

Mme Dominique Gillot, secrétaire d'Etat - La réforme de la tarification qui a été engagée le 26 avril dernier a pour but d'instaurer la vérité des coûts, de dire qui finance quoi et d'allouer les ressources en fonction des besoins. On ne peut pas tout prévoir d'emblée, étant donné la diversité des situations. C'est la raison pour laquelle une mission nationale d'appui a été confiée à M. Brunetière ; le bilan de ses six premiers mois d'activité est très positif. Elle remettra dans les jours qui viennent un rapport d'étape qui permettra d'envisager les ajustements nécessaires. Dans le même temps, la PSD sera révisée.

Martine Aubry et moi-même ne sommes pas favorables à la création d'une cinquième branche, correspondant au risque dépendance. Cela ne nous paraît pas la meilleure façon d'apporter une réponse individualisée aux besoins de chaque personne.

M. Jean Rouger - Ma question comporte trois volets. L'augmentation significative des dépenses de la lutte contre le sida et les maladies transmissibles, en particulier depuis le développement des trithérapies, s'accompagne d'un certain relâchement, de la part des patients et du personnel médical, dans la prévention de ces maladies. Que comptez-vous faire en ce domaine ?

Un effort significatif est consenti dans ce budget en faveur de la lutte contre l'alcoolisme et le tabagisme. Cependant, une politique de prévention, d'information et d'éducation à long terme est nécessaire. Quelles sont vos intentions ?

Enfin, quelles mesures envisagez-vous, soit dès ce budget, soit dans le futur projet de loi de modernisation sanitaire et du droit des malades, pour accueillir, écouter et aider les familles confrontées à l'autisme ?

Mme Dominique Gillot, secrétaire d'Etat - En ce qui concerne le sida, il semble en effet que la vigilance s'émousse. C'est la raison pour laquelle nous menons des actions de sensibilisation et des campagnes d'information. Nous venons d'aboutir, avec les associations, à un accord extrêmement important sur les déclarations obligatoires.

S'agissant de l'alcoolisme, des dispositions ont été prises dans le cadre du PLFSS, concernant notamment les centres d'hygiène alimentaire. 5 millions de mesures nouvelles nous permettront de développer le travail en réseau ; il est en effet souhaitable de développer la prévention globale des conduites à risques.

Enfin, il est nécessaire de prévoir, en effet, des structures d'accueil et de soutien des familles dont un membre est autiste. Les schémas départementaux d'équipement sont à cet égard utiles. Il faut en outre développer le dispositif d'information. L'effort entrepris sera poursuivi ; il suppose l'engagement de tous.

M. Gérard Bapt - Ma question concerne la situation des anciens Harkis et supplétifs de l'armée française ainsi que de leurs descendants. Leur insertion a été encore plus difficile que celle des autres rapatriés, car au déracinement se sont ajoutés des handicaps de formation, des problèmes de nature culturelle et, malheureusement, des discriminations à leur égard.

Un plan avait été voté en 1994 ; il est arrivé à son terme mais le Gouvernement a annoncé de nouvelles mesures. Certains de nos compatriotes issus de ces familles ont prévu une manifestation le 11 novembre. Je souhaite que vous puissiez les rassurer en rappelant vos intentions. Leurs choix d'une date aussi symbolique montre qu'ils attendent un geste de reconnaissance.

Mme Dominique Gillot, secrétaire d'Etat - En juin 1997, nous avons trouvé une situation caractérisée par le malaise d'une communauté harkie frappée par le chômage, confrontée à l'endettement immobilier et doutant de sa place dans l'histoire nationale. Pour remédier à ce malaise dont l'acuité n'avait pas été mesurée dans la période précédente, nous avons engagé un plan d'ensemble dont les premiers effets positifs se font déjà sentir. Les gouvernements qui nous avaient précédés avaient décidé d'arrêter au 31 décembre 1998 l'effort national en faveur des Harkis. Nous avons estimé indispensable de prolonger de deux ans ces aides qui concernent l'emploi, la formation et le logement.

L'emploi des anciens supplétifs et de leurs enfants est un devoir national. Pour faciliter leur insertion sur le marché du travail, des cellules pour l'emploi ont été créées. J'en ai déjà parlé.

Le régime antérieur de désendettement immobilier ne donnait pas tous les résultats espérés. Pour les années 1996 et 1997 cumulées, l'aide totale de l'Etat a été de 1,1 million seulement. En 1998, nous sommes passés à 13,2 millions et au premier semestre 1999, à 12,4 millions.

La création d'une rente viagère marquera la reconnaissance de la France pour les sacrifices consentis par les Harkis. Une disposition législative définissant ses conditions d'attribution vous sera prochainement soumise, avec effet rétroactif au 1er janvier 1999.

L'ensemble de ces mesures représente un coût pluriannuel de 2,5 milliards.

Mais il faut aussi assumer l'histoire et le passé commun, et donc créer des lieux rappelant le rôle et la souffrance des Harkis. Des stèles portant témoignage de toute une histoire occultée pourraient être édifiées sur des emplacements à forte valeur symbolique. Afin que ces initiatives soient conformes aux aspirations de la communauté, leur mise en _uvre dépendra des résultats d'une concertation avec ses représentants.

Il est temps de rompre le lourd silence qui écarte la France d'une partie de son peuple, il est temps de dire que la France n'a pas su protéger la dignité et parfois même l'existence de ceux qui l'avaient choisie, ni par la suite leur assurer une place reconnue dans notre société et notre histoire.

Mme Paulette Guinchard-Kunstler - La prise en charge des personnes âgées s'est appuyée dès le début, il y a trente ans, sur le maintien à domicile. Mais les besoins ont évolué et les gens souhaitent aussi maintenant des aides à l'adaptation de l'habitat, un accueil de jour temporaire, des gardes itinérantes de nuit. Or les financements ne sont pas assez souples, ni d'ailleurs suffisants pour satisfaire ces nouvelles demandes.

La prise en charge des handicapés est, elle, plus traditionnellement orientée vers l'hébergement. Mais là aussi, la demande évolue : les personnes handicapées veulent de plus en plus vivre à domicile. Les moyens pour cela manquent. Compte tenu de cette double évolution, ne pourrait-on mettre en place un réseau offrant une large palette de services à domicile aussi bien aux personnes âgées dépendantes qu'aux handicapés ?

Mme Dominique Gillot, secrétaire d'Etat - Je serai brève car votre question contient la réponse. Oui, les besoins des personnes âgées et des handicapés souhaitant rester à domicile se rejoignent et appellent donc les mêmes services.

Les rapports de l'inspection générale des finances et de l'inspection générale des affaires sociales ont été prolongés par le vôtre sur la coordination des aides. Les conclusions de ces travaux serviront de base à nos propositions, étant entendu que nous avons rendez-vous dans les mois qui viennent pour mettre au point un réseau de services permettant le maintien à domicile.

Mme Yvette Benayoun-Nakache - La loi sur la bioéthique du 29 juillet 1994 prévoit une révision tous les cinq ans. De fait, l'équilibre entre les aspirations des chercheurs, les intérêts des entreprises et les principes humains doit régulièrement être repensé. Nous devons donc réfléchir à nouveau sur les dons d'organes, l'embryon, le clonage... champs ouverts à toutes les folies si nous ne les cadrons pas. Quand cette révision aura-t-elle lieu ?

Ma deuxième question porte sur la lutte contre la toxicomanie. Depuis la loi de 1970, aucune réforme n'a été menée dans ce domaine. Aujourd'hui, nous ne pouvons faire l'économie d'un débat sur un phénomène qui mine la vie des quartiers et qui engendre toute une économie parallèle, orchestrée à l'échelle mondiale mais produisant ses effets au pied de chaque cité. La politique de la ville doit prendre en considération la souffrance sociale qui, pour beaucoup de jeunes, est à l'origine de l'usage des drogues. Or la prison est la seule réponse que notre pays apporte à des usagers trop vite assimilés à des délinquants. Quand réfléchirons-nous ensemble à des solutions justes et réalistes ?

Mme Dominique Gillot, secrétaire d'Etat - La révision de la loi sur la bioéthique votée en 1994 est nécessaire : d'abord, parce que la loi elle-même l'impose tous les cinq ans, ensuite, parce qu'il s'agit là d'un domaine où la science va très vite et parce que les années écoulées nous permettent de faire le tri entre les dispositions appropriées et celles qui ont besoin de correctifs, enfin, parce que nous devons tenir compte de l'évolution de la législation dans le reste du monde. Nous nous sommes engagés dans ce travail de réflexion et nous attendons le rapport du Conseil d'Etat pour enclencher le processus de révision.

Pour ce qui est de la lutte contre la toxicomanie. Je pense comme vous qu'il faut agir au plus près des personnes concernées. Nous voulons donc développer des équipes mobiles de proximité, capables de jouer un rôle de médiation dans les quartiers. L'information des habitants doit être aussi complète que possible afin d'empêcher que se développent toutes sortes d'idées fausses. A cette fin, des réunions doivent être régulièrement organisées avec les pouvoirs publics, les élus locaux, les associations et les habitants.

M. Claude Billard - En juin dernier, nous avons adopté un projet de loi portant création de la CMU, qui offre une couverture de base plus une protection complémentaire aux millions de personnes qui en étaient dépourvues. Le groupe communiste l'a voté. Mais nous nous inquiétons aujourd'hui de voir qu'aucun décret n'est encore paru. Dans ces conditions, l'échéance du 1er janvier sera-t-elle tenue ? Où en sont les concertations prévues, notamment pour la définition des soins pris en charge ?

Mme Dominique Gillot, secrétaire d'Etat - Je vous rassure, la loi prendra bien effet, comme prévu, au 1er janvier 2000 et les décrets seront prêts en temps voulu. Certains paraîtront courant novembre, d'autres sont encore à l'examen du Conseil d'Etat. Les concertations ont eu lieu avec les partenaires concernés. Bref, aucun retard n'est à ce jour enregistré.

M. Patrick Malavieille - On compte un peu plus d'un million d'allocataires du RMI. Ces personnes vivent dans une extrême précarité. Elles vont certes prochainement bénéficier de la CMU, ce qui est essentiel, mais elles continuent d'avoir du mal à se loger, à se nourrir, à élever des enfants et à chercher un emploi. Sans le travail des associations, leur situation serait plus dramatique encore. A l'approche des fêtes de fin d'année, une revalorisation du RMI ne serait donc ni un luxe ni un privilège mais un geste fort et apprécié. Il faudrait que cette prestation de solidarité soit au moins égale à 3 800 francs et que les minima sociaux soient indexés sur les salaires et non sur les prix.

Quelle sera la revalorisation du RMI en 1999 ? Quelles sont les intentions du Gouvernement en ce qui concerne les minima sociaux ? Que faire pour les jeunes de moins de 25 ans qui n'en bénéficient pas ?

Mme Dominique Gillot, secrétaire d'Etat - Vous trouverez toutes les réponses détaillées dans mon intervention. Je rappelle qu'en 1999 le RMI a été revalorisé de 3 %, soit 1,8 % de plus que l'obligation légale, avec effet rétroactif au 1er janvier 1998. D'autres dispositions ont permis le cumul du RMI avec l'APJE ou avec la majoration pour âge des allocations familiales. Sur les six derniers mois, le montant effectivement versé a augmenté de 5 %. Le projet de loi de finances comporte une augmentation de 0,8 % au 1er janvier 2000 conformément à notre obligation. Mais elle se cumule avec celles que je viens de rappeler.

En faveur des jeunes, nous avons augmenté considérablement l'enveloppe du FAJ et nous comptons activer le programme TRACE. Nous encourageons aussi les collectivités territoriales à prendre des initiatives pour faciliter une meilleure insertion des jeunes.

M. Ollier remplace M. Forni au fauteuil présidentiel.

PRÉSIDENCE de M. Patrick OLLIER

vice-président

Mme Muguette Jacquaint - Que de chemin parcouru depuis la légalisation de l'IVG par la loi de 1975 et son remboursement en 1982 ! Dans ce budget les crédits affectés à ce remboursement sont stables, à 182 millions, mais après un quart de siècle, un état des lieux est nécessaire. Les femmes éprouvent certaines difficultés à exercer le droit qu'elles ont acquis. On relève des carences dans les hôpitaux et les cliniques, et des centaines de femmes se rendent à l'étranger pour pratiquer une IVG. Le problème n'est pas réglé pour les mineures. Ne faudrait-il pas prolonger le délai légal au-delà de 10 semaines comme c'est le cas dans d'autres pays ? Comment le Gouvernement compte-t-il faire évoluer cette législation ?

Mme Dominique Gillot, secrétaire d'Etat - Nous serons ensemble, j'en suis sûre, le 17 janvier prochain pour fêter l'anniversaire de la loi Veil.

Le rapport Nizand confirme certaines de vos inquiétudes et présente des propositions d'amélioration. Notre politique repose sur deux grandes orientations. La première est de renforcer l'information sur la contraception et d'assurer l'accès des femmes à l'ensemble des moyens de contraception. L'IVG est, en effet, un échec de la contraception.

En second lieu, nous voulons que la loi de 1975 soit appliquée de façon plus efficace. Il faut qu'il y ait dans chaque région un lieu connu où les femmes puissent s'informer. Nous voulons aussi consolider les structures de l'hôpital public et ses moyens médicaux, rendre la pilule RU 486 disponible dans les pharmacies hospitalières. Dans un an nous ferons un nouvel état des lieux. Si la situation n'a pas évolué, il faudra envisager un large débat sur une éventuelle réforme de la loi de 1975. Il pourrait porter sur les propositions du rapport Nizand, l'autorisation parentale pour les mineures et le délai légal.

Le Gouvernement n'écarte donc pas l'idée de réviser la loi, mais il faut d'abord l'appliquer. En tout cas, il n'acceptera aucun recul en ce qui concerne le droit des femmes à maîtriser leur fécondité grâce à la contraception et à accéder à l'IVG. Je veillerai personnellement à ce qu'elles disposent de ces possibilités de façon adaptée à leur choix, à leurs moyens et à leurs conditions de vie.

M. Patrice Carvalho - Il faut traiter le handicap dans toutes ses dimensions, depuis le dépistage jusqu'à l'intégration sociale. Si c'est là une obligation nationale que nous fixe la loi de 1975, c'est un objectif qui reste à atteindre, pour ne pas dire une simple déclaration d'intention.

Répondre aux attentes des handicapés, c'est leur donner la liberté de choix en fonction de leur situation, c'est aussi leur consacrer des moyens financiers. Nous nous félicitons que les crédits en leur faveur augmentent de un milliard, en particulier pour améliorer le fonctionnement des COTOREP. L'effort doit aussi porter sur la prévention et le dépistage. Il faut donc attribuer les moyens nécessaires aux structures qui s'y consacrent.

Il faut également mieux prendre en charge le coût élevé des produits d'hygiène, des aides techniques et des appareillages.

Enfin, l'Etat doit améliorer l'accès à l'emploi en milieu protégé. La création de 2 000 places supplémentaires en CAT et de 500 places en ateliers protégés y contribuera.

On pourra débattre de tous ces aspects à l'occasion de la révision de la loi de 1975. Quand interviendra-t-elle et sur quels points en particulier le Gouvernement souhaite-t-il intensifier ses efforts ?

Mme Dominique Gillot, secrétaire d'Etat - La révision de la loi de 1975 est prévue. Une mission parlementaire a été confiée à M. Pascal Terrasse qui procède à des auditions et travaille avec mes services. Nous espérons pouvoir formuler des propositions début 2000 et les intégrer dans un projet de loi.

M. Jean-Luc Warsmann - En 1998 la CSG est passée de 3,4 % à 7,5 % et en 1999 elle rapporte plus que l'impôt sur le revenu. La CSG est entièrement proportionnelle au revenu. Simplement le seuil de perception a été porté à 400 F. Elle pèse très lourdement sur le budget des familles les plus modestes, sans allégement possible comme dans le cas de l'impôt sur le revenu. J'ai ainsi reçu une veuve de commerçant qui dispose d'une pension de réversion de 2 000 F et en louant le fonds de commerce qu'elle a conservé, d'un revenu global de 5 000 F par mois. Elle paye 4 000 F de CSG par an. C'est bien lourd.

En novembre 1998 un responsable politique écrivait dans Le Monde qu'il faudrait corriger l'effet de la CSG sur des contribuables non imposables à l'impôt sur le revenu et disposant d'un petit revenu immobilier ou foncier. C'était François Hollande -Dominique Strauss-Kahn lui-même s'était interrogé sur la nécessité d'une telle réforme. Rien n'est prévu au budget 2000. Envisagez-vous un allégement par la suite ?

Mme Dominique Gillot, secrétaire d'Etat - Je vais vous décevoir. La CSG est un impôt juste qui n'a jamais été contesté. L'opposition ne l'a-t-elle pas conservée ?

Le basculement des cotisations sur la CSG, en 1998, a permis une augmentation de 1 % du revenu net des salariés. Pour ces raisons, si nous entendons réduire cette année un certain nombre de prélèvements, ce n'est pas le cas de la CSG. Ce n'est d'ailleurs pas nous qui avons institué un RDS qui pèse sur les retraites... Nous sommes dans une logique qui tend à asseoir une recette fiscale sur tous les revenus.

M. François Guillaume - Les personnels des hôpitaux publics s'interrogent sur l'application des 35 heures. Interpellé à ce sujet, le Gouvernement a répondu que le problème trouverait sa solution quand on examinerait la réduction du temps de travail dans la fonction publique. Cette réponse est d'autant plus insatisfaisante pour les personnels de l'hôpital public que leurs collègues du privé connaîtront la réduction du temps de travail dès le 1er janvier 2000. Cette différence de traitement fait naître un sentiment d'injustice que pourraient seules dissiper des décisions rapides. Etes-vous décidée à les prendre ? A partir de quelle distinction entre personnels soignants et médecins hospitaliers ? A quel coût pour la Sécurité sociale ?

D'autre part, une directive européenne limite à 48 heures maximum, heures supplémentaires comprises, le temps de travail hebdomadaire des personnels de santé. Ce maximum inclut les temps de garde et d'astreinte, en vertu de la définition du temps de travail que retient la directive, et qui correspond au concept de travail effectif défini dans la deuxième loi sur les 35 heures. Comment concilierez-vous cette loi, et le contingent maximum d'heures supplémentaires qu'elle prévoit avec cette directive européenne ?

Mme Dominique Gillot, secrétaire d'Etat - L'application de la réduction du temps de travail dans la fonction publique doit intervenir au 1er janvier 2002, avec la définition d'un accord cadre pour le début 2000 sous la responsabilité du ministre de la fonction publique. Celui-ci doit définir un accord sur les objectifs, les principes d'élaboration de la nouvelle réglementation et législation, et la définition du contenu minimal de celle-ci. A la suite de ce travail la discussion s'engagera avec les partenaires, dans chacune des fonctions publiques. Elle examinera notamment l'impact de la réforme sur l'emploi, impliquant une réorganisation dans les établissements. La mise en place de la réduction du temps de travail doit en effet aller de pair avec l'optimisation des moyens existants, pour une meilleure qualité de service. Mme la ministre de l'emploi a prévu un dispositif d'envergure pour accompagner cette opération.

Quant à la directive, sa traduction législative est à l'étude, et le ministère organise à ce sujet une série de réunions avec les organisations représentatives des praticiens hospitaliers. Il est en effet nécessaire de mettre d'abord à plat toute l'organisation du travail médical. Il sera probablement utile de mettre à part les secteurs de prise en charge continue, comme les urgences ou l'anesthésie. Ce travail est indispensable pour envisager l'évolution législative et réglementaire qui interviendra après la concertation ; nous avons deux ans pour parvenir à un accord.

Mme Jacqueline Mathieu-Obadia - Vous avez dit, Madame la ministre, que l'agence française du sang devait devenir l'établissement français du sang. Il devrait logiquement y avoir un établissement par région ; or il semblerait que certaines régions aient obtenu des dérogations, non pas tant pour les centres de transfusion que pour les plateaux de qualification du don.

J'appelle votre attention sur le fait que pour certaines régions, que ce soit pour des raisons géographiques ou en raison de l'importance de leurs villes, il peut être important d'avoir plus d'un plateau de qualification.

Mme Dominique Gillot, secrétaire d'Etat - Il est exact que la loi oblige l'agence française du sang à se transformer en établissment français du sang à la fin de l'année. Le directeur de l'Agence a mené des concertations très approfondies.

Un certain nombre de commissions d'organisation de la transfusion ont rendu leurs avis : il n'apparaît pas de difficulté particulière, et il semble que le prélèvement, la qualification et la redistribution s'opèrent de façon satisfaisante avec un établissement pilote dans chaque région. Il y a certes trois régions où c'est différent. La négociation se poursuit, et nous n'avons aucune indication d'une rupture ou d'une différence de traitement. Laissons au directeur le souci de poursuivre la négociation aussi loin que possible, après quoi nous prendrons des arbitrages si c'est nécessaire. Mais j'ai bon espoir qu'on aboutisse partout à des accords garantissant la sécurité nécessaire.

M. André Aschieri - En juillet 1998 la loi de sécurité sanitaire votée créait un institut de veille sanitaire, et en son sein une unité santé travail, chargée de la surveillance épidémiologique des risques professionnels. C'est là une innovation très importante, au regard des crises sanitaires que nous avons connues par le passé, comme celle de l'amiante. Elle est nécessaire en raison des risques croissants auxquels sont exposés les travailleurs, et qui pourraient déclencher de prochaines crises sanitaires. Pour les cinq premières années de sa création, de 1999 à 2003, l'unité doit se consacrer au développement d'outils indispensables et à la réalisation de programmes prioritaires portant sur des pathologies spécifiques ou des nuisances particulières mal connues. Cette unité s'occupe également de développer des programmes de connaissance des conditions de travail et des expositions professionnelles.

L'UST a besoin pour accomplir ce programme d'environ cinquante personnes et de 50 millions de budget annuel, ce qui est modeste au regard de l'enjeu : le coût d'un seul mésothéliome dû à l'amiante est estimé à 4 millions... Or le budget prévu pour son fonctionnement est aujourd'hui insuffisant, pour ne pas dire inexistant. Prendra-t-on les décisions nécessaires pour que l'UST joue son rôle, ou attendra-t-on de nouvelles crises concernant la santé au travail ?

Mme Dominique Gillot, secrétaire d'Etat - Il fallait rattraper le retard accumulé dans ce domaine. L'institut de veille sanitaire est doté d'une nouvelle équipe de recherche épidémiologique. Les moyens nécessaires ont été apportés pour conduire la réflexion sur les liens entre santé et travail. C'est aujourd'hui une petite unité ; l'an prochain dix chercheurs doivent travailler dans le département des risques environnementaux et professionnels. Il faudra bien sûr aller plus loin. Nous avons demandé des programmes de recherche sur les expositions physiques et chimiques au travail.

Mme Gilberte Marin-Moskovitz - La protection de la santé et l'égalité d'accès aux soins sont des priorités de notre majorité. Elle l'a montré notamment avec la loi de lutte contre l'exclusion et la CMU. Mais je m'interroge sur l'arrêté du 30 septembre 1999 portant agrément d'une expérimentation qui met en place un réseau de santé public. La gestion de l'expérience est confiée à une curieuse association loi de 1901 constituée par le groupe d'assurances Groupama. Les participants sont des affiliés de la Mutualité sociale agricole, assurés par Groupama pour le régime complémentaire. Or, vous le savez, la démarche des compagnies d'assurances risque de mettre en cause les solidarités fondamentales, par la sélection des risques et des populations. Nous réaffirmons notre attachement à la démarche mutualiste, garante de l'égalité républicaine. Une majorité comme la nôtre doit faire valoir sa conception de la protection sociale. Si l'on considère certaines dispositions de la loi sur la CMU concernant la couverture complémentaire, les directives européennes sur l'assurance vie, et l'expérimentation que j'ai évoquée, n'y a-t-il pas un risque d'aller vers une privatisation de notre système de santé ? Comment envisagez-vous de tenir la représentation nationale informée des conclusions de cette expérimentation ?

Dans un autre domaine, quand les décrets d'application de la loi sur les soins palliatifs seront-ils opérationnels ? Ils ne le sont toujours pas, alors que la loi a été votée le 6 mai. Je précise au passage qu'elle ne s'appelle pas «loi Neuwirth», comme l'aurait dit le Président de la République d'après une dépêche de l'AFP. Elle porte les noms des parlementaires de tous les groupes de cette assemblée qui ont accepté de se saisir des textes discutés au Sénat pour gagner du temps, et pour que les soins palliatifs deviennent une réalité.

Mme Dominique Gillot, secrétaire d'Etat - L'expérience dont vous parlez est vraiment une expérience, conduite par Groupama et la MSA à l'initiative de cette dernière. Elle ne remet pas en cause la doctrine du Gouvernement, qui reste, clairement, le refus de toute mise en concurrence de la Sécurité sociale pour la couverture des soins. Trois départements -Côtes d'Armor, Allier, Pyrénées-Atlantiques- se sont engagés dans cette expérience, que le Gouvernement observera comme telle, et qui fait partie d'un ensemble de projets expérimentaux. Le dispositif a été agréé pour 18 mois. Il fera ensuite l'objet d'une évaluation au terme de laquelle il pourra être reconduit.

S'agissant des soins palliatifs, les décrets d'application de la loi adoptée à l'unanimité par l'Assemblée nationale, sont à la signature.

M. Jacques Desallangre - Nous avons adopté en mai dernier, à l'initiative des députés du Mouvement des citoyens, une proposition de loi visant à garantir le droit d'accès de nos concitoyens aux soins palliatifs.

Cette réforme, qui place la personne et non plus la pathologie au centre des préoccupations médicales, marque une avancée qualitative importante.

Mais pour que cette avancée législative se traduise dans les faits, il faut faire évoluer les m_urs et les pratiques médicales. Une des clefs de la réussite repose sur la formation initiale et continue du corps médical. Quels moyens mettrez-vous en _uvre, notamment dans le cadre du titre IV de votre budget, afin de sensibiliser et de former le corps médical à l'allégement des souffrances ? Une campagne d'information sur les soins palliatifs serait également opportune.

L'inscription dans votre budget d'un programme de prise en charge de la souffrance et d'un dispositif d'accompagnement des malades en fin de vie marquerait une volonté politique de placer l'individu au c_ur des actions de santé publique. Avec une ligne budgétaire propre, le Parlement et nos concitoyens pourraient suivre plus facilement les efforts entrepris.

La loi que nous avons votée deviendrait ainsi vraiment effective. En effet, si elle constitue un droit d'accès aux soins palliatifs, encore faut-il que nos concitoyens soient précisément informés de leur droit et que les moyens matériels et humains permettent de l'exercer.

Mme Dominique Gillot, secrétaire d'Etat - Les soins palliatifs sont une priorité du Gouvernement. 75 millions figurent à ce titre dans le projet de loi de financement de la Sécurité sociale pour financer la deuxième tranche du plan pluriannuel -ces crédits seront intégrés dans les enveloppes déléguées aux ARH. Nous soutiendrons par ailleurs diverses actions de formation continue à l'intention d'équipes pluridisciplinaire. Enfin, la CNAM vient de voter une enveloppe de 50 millions sur trois ans destinée au développement des soins palliatifs. Les moyens sont donc dégagés au rythme prévu par la loi.

M. François Rochebloine - J'évoquerai, encore une fois, la situation des personnes handicapées car force est de constater, malgré les efforts faits, l'insuffisance chronique des crédits publics dans ce domaine. Le manque de moyens est criant sur le terrain, en particulier pour l'accueil des enfants handicapés.

Ainsi, dans la Loire, 117 enfants seraient toujours en attente de placement en établissement spécialisé -ils seraient 850 en Rhône-Alpes-, parmi lesquels des enfants autistes ou polyhandicapés, maintenus au domicile de leur famille, mais aussi, en nombre croissant, des enfants ou des adolescents asociaux et violents. En outre, 61 enfants sont accueillis dans le dispositif Enfance handicapée alors qu'ils n'en relèvent pas. Il arrive notamment que des personnes y soient maintenues faute de places dans les établissements pour handicapés adultes. Cette situation est tout à fait préjudiciable.

Dans ce contexte, je souhaite vous faire part des très graves difficultés budgétaires que rencontre depuis plusieurs mois l'association départementale des amis et parents d'enfants handicapés de la Loire qui accueille 375 enfants et adolescents dans neuf établissements et 84 adultes dans deux autres. L'écart entre ses dépenses et les sommes que lui alloue l'Etat atteint aujourd'hui 5 millions. Il est urgent que l'Etat assume pleinement ses responsabilités. Au-delà des déclarations d'intention, ce qui compte, ce sont les engagements concrets. Je ne doute pas, Madame la secrétaire d'Etat, de votre souci d'améliorer la situation des personnes handicapées et que vous entendrez donc cet appel.

Mme Dominique Gillot, secrétaire d'Etat - Les associations ont bien compris le message que nous leur avons adressé lorsque nous les avons réunies avec Martine Aubry le 1er octobre dernier. L'enveloppe du secteur médico-social au sein de l'ONDAM progresse de 4,9 % en 2000, mais les crédits consacrés spécifiquement aux actions en faveur des handicapés augmentent, eux, de 24 %. Le plan pluriannuel se poursuivra et des moyens nouveaux seront dégagés pour répondre aux besoins les plus criants : 50 millions pour l'accueil des autistes, 30 millions pour celui des enfants gravement handicapés ou polyhandicapés, 50 millions pour celui des traumatisés crâniens, 60 millions enfin pour le développement des SESSAD et des centres d'action médico-sociale précoce. En effet, s'il convient de renforcer les moyens des établissements, il faut aussi donner aux enfants et adultes handicapés toutes leurs chances de s'épanouir dans le milieu ordinaire.

M. Claude Birraux - Depuis de nombreuses années, je me bats pour que soit créée une véritable autorité de radioprotection en France.

Si l'effort consenti en faveur de l'OPRI est réel, une réforme en profondeur de la radioprotection n'en est pas moins nécessaire.

Le dévouement des personnels de l'OPRI doit être salué. Mais cet organisme souffre d'absence d'une définition claire de ses missions. N'est-il qu'un laboratoire de météorologie, comme le dit la DGS ? Est-il l'appui technique d'une autorité ? Si oui, laquelle ? N'est-il qu'un service du ministère ? Dans aucune de ces trois hypothèses, il n'est une autorité de radioprotection.

Le second des maux dont souffre l'OPRI est sa centralisation et son manque d'indépendance. Deux exemples : il lui a fallu deux ans pour mettre en place une antenne décentralisée à La Hague, en raison de problèmes de locaux. De même, à Agen, l'antenne décentralisée a reçu du matériel qui reste dans les cartons, faute de place.

Enfin, l'OPRI manque de réactivité. Etablissement public, et non direction du ministère, il devrait pouvoir s'exprimer librement. Or, lors de l'incident de Tricastin où un travailleur a été irradié de façon importante, l'OPRI a été le dernier à s'exprimer, bien longtemps après la DSIN, autorité de sûreté. Le communiqué était, paraît-il, en cours de validation, vision optimiste. Votre cabinet n'était-il pas en train de le censurer, vision pessimiste ? Mais dans ce cas, il aurait dû émaner de la DGS, et non d'un établissement public.

Les investissements prévus en 1999 et non réalisés, seront-ils maintenus en 2000 ? Quelle est votre vision du rôle de l'OPRI et de celui d'une autorité de radioprotection ? Etes-vous associée à la démarche de votre collègue de l'environnement dans l'élaboration de la loi relative au nucléaire ?

Mme Dominique Gillot, secrétaire d'Etat - Si vous avez des accusations à porter, mieux vaudrait sortir des allusions et des insinuations.

S'agissant de l'incident de Tricastin, c'est à la demande du ministère de tutelle que l'OPRI a communiqué toutes les informations disponibles et a procédé à une inspection immédiate sur le site. Les constats de cette inspection ont été présentés publiquement. Si vous pensez qu'il y a eu rétention d'information, il faudrait que nous en discutions de façon plus précise car je ne dispose pas pour l'heure des éléments nécessaires pour vous répondre.

L'OPRI voit ses crédits progresser dans le budget pour 2000. Ses effectifs seront également renforcés. L'OPRI pourra prochainement recruter non seulement des ingénieurs et des chercheurs, mais aussi de nouveaux cadres administratifs et juridiques.

L'OPRI doit aussi se réorganiser pour faire face aux situations d'urgence. Il doit renforcer la surveillance des installations nucléaires industrielles et médicales ; développer les mesures et les analyses de radioactivité dans l'environnement ; communiquer en direction du grand public, notamment par le biais d'un réseau télématique accessible en temps réel. Il doit, enfin, poursuivre la mise en _uvre de son programme quinquennal d'investissements de 80 millions et renforcer ses divisions régionales. Le budget dont il disposera en 2000 le lui permettra.

M. François Rochebloine - Les nouvelles modalités d'exonération totale des cotisations patronales de sécurité sociale pour l'emploi d'aides à domicile instituées par l'article 5 de la loi de financement de la Sécurité sociale du 23 décembre 1998 ont suscité de nombreuses interrogations. Et le décret d'application du 9 juin 1999 n'a pas apporté aux collectivités les éclaircissements souhaités. Quant à la circulaire annoncée depuis plusieurs mois, elle n'a toujours pas été publiée. Pouvez-vous donc nous préciser ici l'étendue du régime d'exonération ?

Mme Dominique Gillot, secrétaire d'Etat - La circulaire dont vous parlez est parue le 29 octobre. Elle concerne le plafonnement de l'exonération pour certains particuliers, ainsi que les conditions d'exonération pour les personnes âgées hébergées en famille d'accueil et certaines structures d'aide à domicile, à savoir être exonérées des cotisations patronales pour leurs interventions chez les particuliers ayant droit à cette exonération.

Mme Muguette Jacquaint - L'avenir de la gynécologie médicale préoccupe les femmes. Elle est en voie d'extinction puisqu'on passerait de 2 000 spécialistes aujourd'hui à 500 en 2020.

Pourtant la gynécologie médicale joue un rôle essentiel, notamment en matière de prévention et de dépistage des cancers féminins et de traitement de la ménopause. Ces professionnels ont su instaurer un climat de confiance avec les patientes.

Votre projet de compléter la formation d'obstétricien par un enseignement optionnel en gynécologie médicale n'est pas satisfaisant. Pourquoi suivre une formation de chirurgien pour être médecin ?

400 000 femmes ont signé une pétition exigeant que soit dispensée une formation obligatoire, sanctionnée par un diplôme.

Car les femmes aux revenus modestes devront passer par un médecin généraliste référent pour bénéficier du tiers payant, alors que les autres s'adressent directement à leur gynécologue. Cette distinction nous paraît très injuste.

Quelles dispositions entendez-vous mettre en _uvre pour répondre à ces inquiétudes,

Mme Dominique Gillot, secrétaire d'Etat - Je réaffirme que la gynécologie médicale n'est pas menacée de disparition. On constate une désaffection des futurs médecins à l'égard de cette spécialité, comme d'autres d'ailleurs, telles que l'anesthésie, la pédiatrie, etc. C'est pourquoi Bernard Kouchner avait décidé d'ouvrir un plus grand nombre de postes d'internes pour former à terme 200 gynécologues obstétriques et médicaux. Depuis 1986 le diplôme de spécialité associe gynécologie médicale et obstétrique et environ la moitié des diplômés se dirigent vers la gynécologie médicale.

Aujourd'hui, suite à l'action de certains gynécologues médicaux qui ont alerté les femmes, une concertation s'est déroulée pour mettre au point un module de formation en gynécologie médicale de 200 heures dans le cadre des cinq ans de formation. Nous attendons que l'ensemble des collèges de gynécologues donnent leur accord, qui semble imminent.

La formation complémentaire de 200 heures sera valorisée par un diplôme.

En ce qui concerne la couverture sociale des patientes, rappelons que 60 % des femmes seulement consultent un gynécologue. Il est donc nécessaire que les médecins généralistes aient aussi une formation en ce domaine, ce que prévoit la réforme des études médicales.

Quant à l'obligation de passer par un médecin référent, je précise qu'aujourd'hui seulement 10 % des généralistes ont passé une convention de référent avec l'assurance maladie. Les femmes qui s'adressent à eux peuvent négocier avec eux l'adjonction d'un gynécologue ou d'un ophtalmologue dans la convention. Sinon, elles peuvent consulter directement un gynécologue et se faire rembourser ensuite.

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EMPLOI ET SOLIDARITÉ - II - SANTÉ ET SOLIDARITÉ

Les crédits inscrits à l'état B, titre III, mis aux voix, sont adoptés.

état B titre IV

M. Jean-Luc Préel - Mon amendement 110 vise à supprimer le fonds d'Etat devant financer la CMU. En effet, les décrets concernant la CMU ne sont pas parus, le «panier de soins» n'est pas défini, le coût de la CMU n'est donc pas connu mais estimé à 10 milliards. Les prothèses auditives et dentaires et les lunettes seront-elles prises en charge ? On ne le sait pas.

Surtout la CMU remet en cause la séparation claire entre régimes de base et régimes complémentaires. Une fédération de mutuelles a d'ailleurs introduit un recours à Bruxelles pour aide d'Etat non notifiée et abus de position dominante.

L'UDF, pour sa part, défend le principe d'une aide personnalisée dégressive en fonction du revenu, sur le modèle de l'aide au logement, pour aider à financer l'assurance complémentaire.

M. Gilbert Mitterrand, rapporteur spécial de la commission des finances, pour la santé - La commission n'a pas été saisie de cet amendement, qui remet en cause la CMU. Or cette réforme a fait l'objet d'une discussion approfondie et d'un vote de notre assemblée. Il ne me paraît donc pas opportun de rouvrir ce débat aujourd'hui. A titre personnel, je suis défavorable à l'amendement.

Mme Dominique Gillot, secrétaire d'Etat - La CMU est une priorité du Gouvernement. La loi a été votée. Avis défavorable.

L'amendement 110, mis aux voix, n'est pas adopté.

Les crédits inscrits à l'état B, titre IV, mis aux voix, sont adoptés, de même que les crédits de l'état C, titres V et VI.

M. le Président - En accord avec la commission des finances, j'appelle maintenant l'amendement 116 de M. Mitterrand, tendant à insérer un article additionnel après l'article 70.

M. Gilbert Mitterrand, rapporteur spécial - L'objet de cet amendement est de concrétiser l'intention annoncée par Mme Péry de déposer une annexe à la loi de finances récapitulant les crédits des actions en faveur des droits des femmes.

L'adoption de cet amendement inciterait les ministères concernés à préparer à l'avance leurs contributions à ce document, ce qui en permettrait un meilleur examen.

M. le Président - Je pense que la commission n'a pas eu le temps de donner son avis sur cet amendement ?

M. Gilbert Mitterrand, rapporteur spécial - La commission y est favorable par délégation (Rires et applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

Mme Dominique Gillot, secrétaire d'Etat - Avis favorable.

L'amendement 116, mis aux voix, est adopté.

La suite de la discussion de la loi de finances est renvoyée à la prochaine séance, qui aura lieu demain, mercredi 10 novembre, à 15 heures.

La séance est levée à 20 heures 30.

                      Le Directeur du service
                      des comptes rendus analytiques,

                      Jacques BOUFFIER


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