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Session ordinaire de 1999-2000 - 25ème jour de séance, 60ème séance

2ème SÉANCE DU MARDI 16 NOVEMBRE 1999

PRÉSIDENCE de M. Laurent FABIUS

Sommaire

SOUHAITS DE BIENVENUE
À UNE DÉLÉGATION PARLEMENTAIRE ÉTRANGÈRE 2

HOMMAGE AUX VICTIMES
DES INONDATIONS 2

QUESTIONS AU GOUVERNEMENT 2

INONDATIONS DANS LE SUD DE LA FRANCE 2

CONSÉQUENCES ÉCONOMIQUES DES INONDATIONS 4

CONSÉQUENCES DES INONDATIONS
SUR LES AGRICULTEURS 4

VIANDE BOVINE BRITANNIQUE 5

SOLIDARITÉ NATIONALE 5

CONFÉRENCE DE SEATTLE 6

CORSE 7

INONDATIONS DANS LE SUD DE LA FRANCE 8

RÉDUCTION DU TEMPS DE TRAVAIL 9

MNEF 10

SOUHAITS DE BIENVENUE
AU ROI ABDALLAH DE JORDANIE 10


QUESTIONS AU GOUVERNEMENT (suite) 10

PRÉVENTION DES CATASTROPHES NATURELLES 10

IVG ET CONTRACEPTION 12

LUTTE CONTRE LES EXCLUSIONS 13

SAISINE POUR AVIS D'UNE COMMISSION 13

LOI DE FINANCES POUR 2000
-deuxième partie- (suite) 14

LOGEMENT 14

ENSEIGNEMENT SCOLAIRE 23

La séance est ouverte à quinze heures.

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SOUHAITS DE BIENVENUE À UNE DÉLÉGATION PARLEMENTAIRE ÉTRANGÈRE

M. le Président - Je suis heureux de saluer, en votre nom, la présence dans les tribunes de députés du Bundestag, invités par notre Bureau, pour une visite de contact auprès de douze de nos collègues. (Mmes et MM. les députés et les membres du Gouvernement se lèvent et applaudissent)

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HOMMAGE AUX VICTIMES DES INONDATIONS

(Mmes et MM. les députés et les membres du Gouvernement se lèvent)

M. le Président - Il y a quelques jours plusieurs départements du Midi ont été frappés par des intempéries et des inondations gravissimes. Des habitants sont morts, des villages ont été dévastés, des milliers de nos compatriotes ont vu leur habitation ou leur exploitation dévastée, le travail de toute leur vie détruit par de véritables bombes de boue.

Au nom de tous les députés, je veux dire aux habitants de ces départements notre soutien et notre amitié. Je salue la compétence et la rapidité des sauveteurs. Je sais que les services publics et les élus qui ont immédiatement réagi, mettent tout en _uvre pour atténuer autant qu'il est possible les conséquences de ce drame. Beaucoup, en quelques heures, ont tout perdu. La gravité exceptionnelle de la catastrophe appelle une solidarité concrète de la Nation exceptionnelle. En hommage aux victimes, je vous invite à vous recueillir quelques instants.

(Mmes et MM. les députés et les membres du Gouvernement observent une minute de silence)

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      QUESTIONS AU GOUVERNEMENT

L'ordre du jour appelle les questions au Gouvernement.

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INONDATIONS DANS LE SUD DE LA FRANCE

M. Jean-Claude Perez - Merci, Monsieur le Président, pour votre message de solidarité, de soutien et d'amitié.

Ma question, à laquelle s'associe MM. Bascou et Dupré, s'adresse à M. le Premier ministre et concerne le drame qui vient de frapper trois départements du sud de la France. Au moins 28 personnes ont péri, à la suite des pluies diluviennes qui se sont abattues dans la nuit de vendredi à samedi derniers, sur l'Aude, les Pyrénées orientales et le Tarn. Les pluies ont semé tristesse et souffrance car il est tombé en une nuit l'équivalent d'une année. La solidarité entre les villageois, le remarquable travail des sauveteurs civils et militaires, qui ont agi sans relâche, ont permis d'éviter un bilan plus lourd encore. Le Président de la République et le ministre de l'intérieur sont venus dire la solidarité de la Nation à l'égard des victimes. Vous-même, Monsieur le Premier ministre, accompagné de M. le ministre des transports, avez prévu de vous rendre dans l'Aude jeudi et je vous en remercie bien vivement au nom de ses populations. L'heure est maintenant venue d'un premier bilan : eau non potable, digues effondrées, lignes téléphoniques coupées, réseau ferroviaire hors d'usage, chaussées impraticables, édifices publics anéantis... l'ensemble des infrastructures publiques est à reconstruire et les agents des services publics y travaillent jour et nuit.

Ce bilan s'alourdit encore lorsqu'on évoque le devenir du domaine économique. Nombre d'entreprises et de commerces sont durement touchés. Quant aux secteurs agricole en général et viticole en particulier, ils ont payé un lourd tribut qui a mis à bas des années d'effort.

Les scènes de désolation qui se sont multipliées se sont accompagnées de ce cri déchirant : « Aidez-nous ! » Face à cette douleur, la solidarité nationale doit s'exprimer pleinement et sans réserve. Voilà des vies entières qu'il va falloir reconstruire. Au-delà des procédures habituelles d'indemnisation, envisagez-vous de prendre dans ce cas exceptionnel des mesures exceptionnelles, vu l'importance de ces événements qui marqueront à jamais ceux qui les ont vécus ? A vous-même, Monsieur le Premier ministre, et à tous les députés de tous les bancs, j'adresse la demande de nos administrés : « Aidez-nous, du fond du c_ur, aidez-nous » (Applaudissements sur tous les bancs).

M. Lionel Jospin, Premier ministre - Après vous, Monsieur le Président, je veux au nom du Gouvernement m'incliner devant la douleur des familles des victimes de cette catastrophe naturelle particulièrement tragique. A cette heure, nous déplorons 29 morts et 4 disparus. Je veux exprimer la solidarité de la Nation envers ces familles et envers les habitants des départements de l'Aude, du Tarn, des Pyrénées orientales, et de l'Hérault, qui on souffert de ces inondations et parfois perdu leur maison et leurs biens.

Je tiens, devant la représentation nationale, à saluer l'engagement total des élus de ces départements et le grand mouvement de solidarité qui s'exprime à travers tout le pays, notamment de la part d'autres collectivités locales. Je rends hommage au courage et au travail exemplaire des sauveteurs et des bénévoles. Quant aux agents des services publics, de France Télécom, d'EDF, de l'Equipement, de la SNCF et de Réseau ferré de France, ils ne ménagent pas leurs efforts pour rétablir le fonctionnement des services les plus essentiels. Dès le début de la catastrophe, le Gouvernement a mobilisé l'ensemble des moyens disponibles. Les plans ORSEC ont été déclenchés dans la nuit de vendredi à samedi ; ce week-end 1 700 sapeurs-pompiers ont été mobilisés, ainsi que 800 gendarmes. Ils ont reçu le renfort de 400 militaires de la sécurité civile et de 700 militaires des forces armées. Ils ont effectué près de 5 000 interventions, dont 1 000 évacuations et 500 hélitreuillages. Après cette phase de secours d'urgence, le Gouvernement maintient une forte mobilisation pour rétablir les services publics et pour venir en aide à ceux qui se trouvent démunis après la catastrophe.

Les sapeurs-pompiers et les forces armées apportent leur aide aux collectivités locales pour procéder aux déblaiements et nettoyages indispensables. Les compagnies du génie s'apprêtent à installer des ponts mobiles afin de rétablir le franchissement de certains cours d'eau. Au-delà des premiers secours d'urgence aux personnes les plus démunies qui ont été mis en place par la ministre de l'emploi et de la solidarité et par le ministre de l'intérieur, le Gouvernement a décidé, compte tenu de l'ampleur exceptionnelle des dégâts, d'apporter une aide rapide et importante aux collectivités locales pour la remise en état des voiries et ouvrages hydrauliques. Un important travail interministériel d'évaluation des concours nécessaires a été entrepris. Il devrait aboutir d'ici quarante-huit heures. L'arrêté constatant l'état de catastrophe naturelle sera publié sans délai, après la réunion dès demain de la commission compétente. Ainsi, particuliers, entreprises et collectivités seront en mesure d'être couverts par leurs assurances.

Dès à présent, des instructions ont été données aux services fiscaux et aux trésoriers payeurs généraux pour que la situation des personnes et des entreprises les plus touchées soit bien prise en considération.

S'agissant des exploitations agricoles, les directeurs départementaux de l'agriculture sont mobilisés pour évaluer dans les meilleurs délais les dégâts causés en vue d'un examen rapide par la commission nationale des calamités agricoles.

Je me rendrai dans l'Aude jeudi. Je rencontrerai les élus, les responsables économiques et les autorités administratives de l'ensemble des départements concernés. J'indiquerai les mesures exceptionnelles qui auront été décidées au vu de l'évaluation de la situation. D'ici là, les populations touchées peuvent compter sur la mobilisation sans faille du Gouvernement et sur la solidarité de la Nation (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe RCV).

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CONSÉQUENCES ÉCONOMIQUES DES INONDATIONS

Mme Monique Collange - Je tiens d'abord à remercier Jean-Pierre Chevènement pour sa visite dans le Tarn dimanche dernier et lui transmettre la reconnaissance de la population locale.

Mes remerciements vont aussi aux services de l'Etat, aux gendarmes, aux pompiers, ainsi qu'aux bénévoles et aux élus pour la solidarité exemplaire qu'ils ont manifestée dès les premières heures de cette nuit épouvantable.

Je rejoins M. Perez qui a parfaitement exprimé la souffrance des populations sinistrées, la souffrance de ceux qui ont vu en quelques minutes leur vie dévastée, la douleur des familles endeuillées.

A ce drame humain, s'ajoutent de graves répercussions sociales et économiques. Dans ma circonscription, plus de cinquante entreprises ont été directement touchées et plus de 1 500 personnes ont perdu leur emploi.

Le sud du département du Tarn, déjà touché de plein fouet par la crise économique et l'ensemble des départements concernés doivent recevoir le soutien fort et rapide de toute la Nation solidaire. Monsieur le ministre de l'économie, quelles mesures exceptionnelles le Gouvernement entend-il prendre pour venir en aide aux acteurs économiques locaux, pour reconstruire l'outil de travail et sauvegarder l'emploi ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe RCV)

M. Christian Sautter, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie - Comme M. le Premier ministre vient de l'exprimer, tout le Gouvernement est mobilisé pour apporter les solutions les plus rapides au drame qui a frappé les habitants et les entreprises des quatre départements.

Dès lundi, un arrêté a été pris en vue de dégager plus d'un million pour les secours d'extrême urgence aux victimes. Comme l'a indiqué M. le Premier ministre, la déclaration d'état de catastrophe naturelle doit intervenir dans des délais records. S'agissant de la situation des entreprises, notamment artisanales et familiales, le soutien de l'Etat leur est acquis pour les dommages qui ne seraient pas assurés.

Le fonds de secours aux victimes des calamités, géré par un comité de coordination sous l'autorité du Premier ministre, procédera à des indemnisations rapides. Les salariés des entreprises touchées pourront bénéficier du chômage partiel. Le fonds national des calamités agricoles interviendra également. Enfin les services examineront avec un soin particulier le cas des contribuables en difficulté (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

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CONSÉQUENCES DES INONDATIONS SUR LES AGRICULTEURS

M. Christian Bourquin - Le cataclysme climatique qui nous a frappés vendredi, avec 600 mm d'eau en une nuit, soit autant qu'en une année, a arrêté des vies humaines, et dévasté des infrastructures. A cette occasion les pompiers, les agents de l'Etat et des collectivités, les gendarmes et les policiers, les élus, tous ceux qui assurent le service public parfois décrié ont montré son efficacité.

En particulier dans ces départements, dont les Pyrénées-Orientales que je représente, arboriculteurs, vignerons et maraîchers ont tout perdu en une nuit alors qu'ils avaient déjà été sinistrés en raison de gel, de la grêle, de la sécheresse.

Quelles mesures concrètes allez-vous prendre pour leur venir en aide immédiatement et à moyen terme, c'est-à-dire sur le plan structurel également ? En rentrant dans mon département, je souhaite pouvoir me faire le porte-parole du Gouvernement sur ce point (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe communiste).

M. Jean Glavany, ministre de l'agriculture et de la pêche - Les lignes directrices de l'action que le Premier ministre et M. Sautter viennent d'exposer s'appliqueront évidemment pour les agriculteurs. Je sais combien ceux de votre région ont déjà souffert, du gel dans l'Aude, de la grêle dans les Pyrénées orientales. Je peux vous assurer de l'intervention rapide du fonds d'allégement des charges et du fonds de calamités agricoles. Le Gouvernement s'emploiera dans les tous prochains jours à mettre en place des dispositifs d'urgence ciblés à la hauteur des dégâts. Vous pouvez assurer vos administrés de la volonté d'action du Gouvernement (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

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VIANDE BOVINE BRITANNIQUE

M. François Patriat - Cet après-midi même la Commission européenne examine le problème de l'embargo sur la viande bovine britannique. Notre groupe salue la fermeté du Gouvernement sur ce dossier sensible (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe socialiste et du groupe RCV). La France n'est d'ailleurs pas seule. L'Allemagne et 34 autres pays dont les Etats-Unis se sont réclamés avec la même fermeté du principe de précaution. Les négociations menées hier entre experts français et britanniques ont permis que les deux ministres mettent au point un accord. Les deux données essentielles pour le consommateur sont l'identification et la traçabilité. Pouvez-vous assurer les Français que toutes les mesures seront prises pour qu'ils soient protégés du risque ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe RCV)

M. Jean Glavany, ministre de l'agriculture et de la pêche - Le groupe de travail composé d'experts de la France, de la Grande-Bretagne et de la Commission européenne s'est réuni trois fois, et il a avancé sur les points essentiels pour lesquels la France avait demandé des garanties supplémentaires : les produits dérivés, les contrôles, les tests et l'étiquetage.

Sur l'une des questions les plus sensibles, la traçabilité, les Français demandaient que lorsqu'un animal est atteint, tout le troupeau soit abattu. Nous aurons obtenu des Britanniques que dans un tel cas, toute la cohorte -c'est-à-dire la même classe d'âge du troupeau- soit placée hors commercialisation.

S'agissant de l'étiquetage, la Commission va édicter une instruction interprétative du dispositif de levée de l'embargo autorisant chaque pays à demander que l'étiquetage complet soit assuré jusqu'au consommateur et l'autorisant, faute de traçabilité suffisante, à refuser certaines viandes.

Nous sommes parvenus à un quasi-accord. La Commission s'est engagée à faire pratiquer des tests dans l'ensemble de l'Union. Les Britanniques se sont également engagés à en pratiquer. C'est sur ce dernier point que nous attendons des précisions : quel sera l'échantillon, quel sera le délai ?

Lorsque nous les aurons dans les prochains jours ou même les prochaines heures, nous demanderons l'avis de l'AFSA -puisque nous avons décidé de nous fonder sur des avis scientifiques- avant que le Gouvernement ne prenne ses responsabilités dans cette question de la levée de l'embargo.

Je tiens à rendre hommage aux fonctionnaires des ministères de la santé, de la consommation et de l'agriculture qui ont beaucoup travaillé sur ce sujet difficile pour atteindre ce résultat (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe RCV).

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SOLIDARITÉ NATIONALE

M. Jacques Godfrain - Au nom du groupe RPR et en particulier de Jacques Limouzy, député du Tarn, je m'associe à l'émotion que nous ressentons tous et que d'autres collègues ont si bien exprimée devant le spectacle de mort et de désolation, et les pertes irréparables qu'ont connu les départements du sud.

Nous nous associons aux remerciements au chef de l'Etat et au Gouvernement, en particulier au ministre de l'intérieur, ainsi qu'à tous les services de sécurité et aux bénévoles qui, spontanément ont tendu la main à ceux qui étaient dans la détresse.

Mais cette solidarité fut hélas assombrie, entachée d'une faute. En effet, l'une des collègues du ministre de l'intérieur a cru bon de mettre en cause les élus locaux. Mise en cause malheureuse dans ces circonstances où nous avons vu ce que fut le comportement des élus, malheureux aussi alors que leur responsabilité est souvent engagée et peut conduire à des actions judiciaires.

Aussi, Monsieur le ministre de l'intérieur, je ne vous demande qu'une chose, c'est de dire devant tous les Français, comme l'a fait le président du groupe socialiste ce matin, à quel point il est regrettable que des propos aussi irresponsables aient été tenus (Applaudissements sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL).

M. Jean-Pierre Chevènement, ministre de l'intérieur - Je rends hommage à mon tour à l'ensemble des sauveteurs, les pompiers, la sécurité civile, les militaires du quatrième régiment étranger et de deux régiments de parachutistes et d'infanterie de marine, gendarmes et policiers ainsi qu'aux élus locaux et tous ceux qui dans le service public, à la Croix Rouge, dans les associations, ont participé à cet exceptionnel élan de solidarité, comme j'ai pu le constater sur place dimanche.

Le phénomène est exceptionnel puisque la pluviométrie a atteint jusqu'à six cents millimètres en un jour, soit autant qu'en une année habituelle. A cela s'est ajoutée la tempête dans le golfe du Lion qui a empêché l'écoulement des fleuves côtiers.

L'urbanisation, certes, n'explique pas tout, c'est néanmoins un élément. Il faut donc être attentif aux plans d'occupation des sols et aux plans d'exposition aux risques dans les communes qui en sont dépourvues.

J'ai été impressionné par le courage des élus locaux que j'ai rencontrés, en particulier le maire héroïque de Lézignan-Corbières qui a perdu son père et sa mère dans la catastrophe. Tous ont fait front avec beaucoup de courage, donnant l'élan nécessaire au service public pour que toutes les mesures soient prises et pour que le retour à la normale s'effectue rapidement (Applaudissements sur les sur tous les bancs ; Monsieur le Président applaudit également).

Le Premier ministre a annoncé les mesures qui seront prises. Outre les crédits d'urgence mis en place par le ministère de l'emploi et par celui de l'intérieur, des arrêts constatant l'état de catastrophe naturelle seront pris dès demain pour toutes les communes qui en auront formulé la demande. Les dommages non assurés seront indemnisés sur les crédits du chapitre 37-64 du ministère de l'intérieur.

Bref, tout sera fait pour que ce qui peut être réparé le soit aussi vite que possible (Applaudissements sur les bancs du groupe RCV, du groupe socialiste et du groupe communiste).

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CONFÉRENCE DE SEATTLE

Mme Martine Aurillac - Nul ne peut contester, Monsieur le Premier ministre, en raison notamment de votre expérience de la diplomatie, une bonne connaissance des réalités planétaires, en particulier du commerce international.

Dans quelques jours s'ouvrira la Conférence de Seattle à laquelle le Gouvernement, selon les propos de M. Moscovici, entend se rendre en restant intransigeant, mais intelligemment intransigeant...

Alors que, le 20 novembre, sera commémorée la journée des droits de l'enfant, quelles initiatives entendez-vous prendre pour lutter contre les formes les plus intolérables du travail des enfants ? Comment envisagez-vous faire partager les positions de la France alors que le mandat non écrit de la Commission européenne résulte d'un compromis entre les positions majoritairement libérales des Etats membres de l'Union ?

N'est-il pas imprudent de laisser croire aux agriculteurs, aux intellectuels, aux travailleurs -mais non à ceux qui auraient la capacité de créer des emplois, car ceux-là ne sont pas dupes !- que le Gouvernement a trouvé une issue pour échapper à la compétition entre les nations et les continents ? Quelle place reste-t-il à l'exception française alors que les prélèvements obligatoires exorbitants et des charges sociales écrasantes incitent nos élites à s'expatrier ? (Applaudissements sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL)

M. Pierre Moscovici, ministre délégué chargé des affaires européennes - Dans deux semaines s'ouvriront à Seattle des négociations commerciales dites cycle du millénaire qui seront longues -elles dureront au moins trois ans- et difficiles en raison de la confrontation des intérêts dans une économie mondialisée. Mais n'oublions pas que l'économie française a bénéficié de son ouverture sur le monde. Nous devons nous rendre à Seattle en étant intransigeants sur nos valeurs, mais intelligemment.

Le mandat que nous avons confié à la Commission européenne est précis. Il consacre nos conceptions pour une vision globale de la mondialisation et des négociations. Nous voulons que s'imposent des normes sociales et environnementales. Nous avons obtenu que la Commission européenne prenne en compte l'exception culturelle et nous voulons préserver notre modèle agricole.

Dans ces négociations, nous avons un atout : l'Union européenne est plus unie que jamais. Le commissaire français, M. Lamy, sait sur quoi il doit négocier.

Nous ne serons à Seattle ni demandeurs, ni quémandeurs. Nous irons pour y faire des propositions et pour organiser la mondialisation, non pour la subir. Notre intelligence sera offensive (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe RCV).

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CORSE

M. Roland Francisci - La Corse vient de connaître une nouvelle vague d'attentats commis par des commandos armés et cagoulés, qui ont plastiqué des résidences appartenant à des continentaux ou à des étrangers. Ils ont séquestré trois membres d'une même famille, dont deux octogénaires.

Je tiens à exprimer une profonde solidarité aux victimes de ces lâches attentats, qui relèvent d'un racisme primaire, d'un fascisme qui n'est pas sans rappeler les heures les plus sombres de l'histoire de France. De tels actes font honte à la Corse.

L'honneur de la Corse et de ses habitants est d'avoir accueilli, pendant la deuxième guerre mondiale, des ressortissants juifs poursuivis par la barbarie nazie. Aujourd'hui, j'ai honte d'entendre certains affirmer, sous la cagoule, que les « allogènes » ; comme ils les appellent, ne seraient pas chez eux en Corse et je m'étonne du silence du Gouvernement sur ce sujet.

Ces propos scandaleux sont condamnés par nos compatriotes. La Corse a toujours été une terre d'accueil, hospitalière, une terre française à part entière. Les continentaux y sont chez eux comme le sont les Corses sur n'importe quelle partie du territoire national. Seuls quelques égarés irresponsables semblent penser autrement.

Face à la recrudescence des attentats, chacun doit assumer ses responsabilités, comme je l'ai toujours fait. Les Corses, qui ont droit à la sécurité, sont inquiets et déçus. Ils souhaitent que l'Etat retrouve son rôle de garant de la sécurité des personnes et des biens, qu'il semble avoir abandonné.

Que compte faire le Gouvernement pour assurer aux habitants de l'île, qu'ils soient ou non corses, la sécurité et la paix auxquelles ils ont droit ? Répondez à leur attente, Monsieur le ministre de l'intérieur : il en va de la crédibilité du Gouvernement (Applaudissements sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL).

M. Jean-Pierre Chevènement, ministre de l'intérieur - En effet, « Corsica Nazione » a rendu public, le 10 novembre, un communiqué s'élevant contre la politique de « substitution ethnique » menée par la France en Corse. Entre le 10 et le 15 novembre, plus de dix attentats ont été dirigés contre des biens appartenant à des étrangers ou à des continentaux habitant la Corse.

Nous sommes donc en présence d'une opposition entre la République et un groupement qui se réclame ouvertement d'une idéologie ethniciste, qui rappelle les heures les plus sombres de notre histoire.

Je salue les élus corses qui ont condamné ces agissements : M. Zuccarelli, vous-même, Monsieur le député, ou encore le responsable de la CGT. C'est grâce à la mobilisation des élus et des responsables corses que nous pouvons progresser.

D'ores et déjà, le nombre d'affaires résolues en Corse ne cesse d'augmenter, qu'il s'agisse d'homicides volontaires, de vols à main armée ou d'extorsion de fonds. 37 affaires ont été résolues depuis le début de cette année, au lieu de 34 en 1998 et de 29 en 1997. Pour les vols à main armée, les chiffres sont de 9 en 1997, de 6 en 1998 et de 18 depuis le début de 1999. Neuf affaires d'homicides ont été résolues dans l'année, dont certaines remontaient à 1994, grâce à l'action des forces de police et de gendarmerie.

Nous ne relâcherons nos efforts à aucun moment (Applaudissements sur les bancs du groupe RCV, du groupe socialiste et du groupe communiste).

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INONDATIONS DANS LE SUD DE LA FRANCE

M. Christian Kert - Le groupe UDF s'associe à l'hommage qui a été rendu aux populations touchées par la catastrophe du 12 novembre, ainsi qu'aux sauveteurs.

Madame la ministre de l'aménagement du territoire, comme M. Godfrain, nous déplorons que la presse ait retenu certains de vos propos que nous jugeons regrettables. La question qui se pose désormais est celle de la responsabilité de la politique de prévention. Certes les élus locaux y ont leur part, mais c'est aussi l'affaire de l'Etat.

N'est-il pas temps d'établir une cartographie précise de toutes les zones à risque de notre territoire ? N'est-il pas temps que les 10 000 communes exposées aux aléas naturels puissent voter des plans d'exposition aux risques, qui sont trop souvent subis plutôt que voulus faute d'un dialogue démocratique entre l'Etat, les élus locaux et nos concitoyens ?

Bien entendu, cette politique de prévention a un coût. Ne pourrait-on en appeler à la solidarité des compagnies d'assurance qui gèrent le fonds des catastrophes naturelles, lequel sert à indemniser plutôt qu'à prévenir ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF, du groupe du RPR et du groupe DL)

Mme Dominique Voynet, ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement - Je m'associe à la douleur des familles frappées par ce drame et des populations qui ont tout perdu. Je salue d'autre part le courage dont on fait preuve les sauveteurs.

Votre question me donne l'occasion, Monsieur le député, de faire une mise au point. Interrogée, immédiatement après la catastrophe, sur l'action de mon ministère, j'ai souligné que l'urgence consistait à sauver les vies et à apporter les secours indispensables, ce qui relève au premier chef des services du ministère de l'intérieur. Cela ne signifie en rien que les autres administrations ne sont pas concernées. Je salue d'ailleurs l'action menée par les agents de mon ministère.

Ensuite vient le temps du bilan, qui permet de mettre l'accent sur les causes déclenchantes ou aggravantes de tels drames et, par ricochet, de mieux cerner encore les nécessaires actions de prévention. Quelles sont-elles ? D'abord, l'équipement du réseau d'alerte des crues, qui a bien fonctionné : Météo France a d'ailleurs annoncé ce qui se préparait. Le ministère de l'environnement finance déjà un réseau de radar d'observation qui sera complété dans les prochaines semaines.

La prévention consiste aussi à multiplier les plans de prévention des risques, que la loi a rendu obligatoires en 1995. Les crédits qui leur sont consacrés ont triplé depuis lors, et ils seront de 75 millions en 2000. Ces plans, qui visent à remplacer les plans de surfaces submersibles, obsolètes, sont prescrits et élaborés par les préfets, après concertation, et ils ne sont validés qu'au terme d'une enquête publique. Mais, comme vous l'avez indiqué, ils devront être établis pour 10 000 communes et leur élaboration suppose, comme le souligne M. Dauge dans son rapport, que la mémoire des risques ait été préservée.

La prévention, c'est enfin la protection des lieux habités, à laquelle 1,5 milliard a été consacré en cinq ans. Cet effort se poursuivra notamment dans le cadre des contrats de plan, mais l'on ne peut tout protéger. Ainsi, la commune de Cuxac-d'Aude est-elle construite à 95 % en zone inondable, son développement futur suppose une coopération intercommunale accrue dans de fortes proportions. Chacun devra donc, à la place qui lui revient, assumer ses responsabilités propres : assurances, certes, mais aussi Etat et collectivités locales. Après les catastrophes qui ont successivement frappé Nîmes, la vallée de l'Ouvèze et maintenant le sud-ouest de la France, je suis certaine que les élus se mobiliseront. L'Etat sera tout aussi présent, et l'élaboration des plans de prévention des risques sera accélérée. Sachez que l'objectif a été atteint des 2000 plans qui devaient être définis au terme de 1999 dès le mois d'août 1999 (Applaudissements sur les bancs du groupe RCV, du groupe socialiste et du groupe communiste).

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RÉDUCTION DU TEMPS DE TRAVAIL

M. Pierre Méhaignerie - La commission mixte paritaire réunie pour traiter de la deuxième loi sur les 35 heures s'étant séparée sur un constat d'échec, vous allez devoir procéder à des arbitrages, Monsieur le Premier ministre et, pour cela, écouter différents avis. Entendrez-vous, alors, une personnalité qui n'appartient ni au MEDEF ni à l'opposition, qui est partisan de la réduction du temps de travail ? Entendrez-vous Edmond Maire, qui déclare, dans Le Nouvel Observateur que « la gauche voulait un acte symbolique » mais qu'elle s'est montrée « jacobine, centralisatrice et étatique, y compris dans la vie des entreprises, dont elle ignore les ressorts internes... » ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF, du groupe du RPR et du groupe DL ; protestations sur les bancs du groupe socialiste, du groupe RCV et du groupe communiste) L'entendrez-vous quand il ajoute que « l'on en arrive ainsi à une caricature, avec une loi élaborée à coups d'amendements par des groupes politiques », ce qui donne un texte « complexe, difficile à lire et, surtout, inadapté à la vie des entreprises » ? (Mêmes mouvements)

Cette déclaration vous heurte ? Mais ce n'est pas tout ! M. Maire ajoute que « la loi va gâcher les effets de la réduction du temps de travail » et que « la façon dont les choses se déroulent est une caricature de la vie française »...

Que pensez-vous de cet article ? Vous aidera-t-il à réaliser une synthèse mieux appréciée des Français, des salariés et des entreprises ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF, du groupe du RPR et du groupe DL)

Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité - Je vous suis reconnaissante de citer M. Edmond Maire, l'un de mes pères spirituels, c'est en travaillant auprès de lui que j'ai compris qu'il fallait passer aux 35 heures, c'est auprès de lui aussi que j'ai compris qu'une loi était nécessaire parce que les syndicats n'étaient pas assez forts, parce que les entreprises n'anticipaient pas et parce que le pays comptait trois millions de chômeurs.

Je ne m'attarderai pas sur une question qui devient rituelle alors que, chaque semaine, entre 500 et 1 000 accords sont signés et, lecture pour lecture, je vous renverrai à celle du New York Times du 11 novembre qui explique non sans stupéfaction que le passage aux 35 heures entraîne la réduction du chômage et l'amélioration de l'organisation des entreprises. Ou, si vous préférez, aux déclarations récentes d'un responsable de la banque britannique JP Morgan constatant que l'on ne pouvait expliquer la très significative baisse du chômage en France sans tenir compte des emplois-jeunes et du passage aux 35 heures.

A chacun ses lectures ! Le Gouvernement continuera pour sa part dans la voie qu'il s'est fixé en s'appuyant, comme le dit Edmond Maire, sur la négociation, qui est au c_ur de la loi.

M. le Président - Je signale, dans le même numéro du Nouvel Observateur, un extraordinaire entretien avec Julien Gracq qui porte sur la littérature et la musique (Applaudissements et sourires).

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MNEF

M. Yves Nicolin - Au nom du groupe Démocratie libérale, je tiens à dire notre peine aux familles des victimes, et notre reconnaissance aux sauveteurs.

Monsieur le Premier ministre, ne venez-vous ici que pour répondre à des questions de complaisance ou pour répondre sur le fond à des questions d'actualité, comme la Constitution vous en fait l'obligation ? Pas un jour ne se passe sans que se multiplient les révélations accablantes sur un sujet qui touche de près votre gouvernement : la MNEF. Aujourd'hui même, voyez la une du Monde.

La semaine dernière, vous avez répondu par le mépris à l'un de mes collègues que vous n'aviez rien à ajouter à vos propos de la semaine précédente. Cette désinvolture n'est pas acceptable, au moment où la démission de M. Dominique Strauss-Kahn, ministre de l'économie, a fait de cette affaire une affaire d'Etat. A présent, ce n'est plus seulement le parti socialiste qui est mis en cause, mais une de vos proches collaboratrices du temps que vous étiez ministre de l'éducation nationale.

Monsieur le Premier ministre, vous devez répondre à ma question solennelle : saviez-vous, ou ne saviez-vous pas que Mme Lavarini percevait, à l'époque, une rémunération injustifiée de la MNEF ? (Applaudissements sur les bancs du groupe DL, du groupe du RPR et du groupe UDF)

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SOUHAITS DE BIENVENUE AU ROI ABDALLAH DE JORDANIE

M. le Président - Majesté, dans la continuité de l'action de votre père, vous contribuez avec détermination à la poursuite du processus de paix au Proche-Orient. A travers vous, c'est le courage du peuple jordanien que nous saluons. Je souhaite une chaleureuse bienvenue au roi Abdallah II de Jordanie. (Mmes et MM. les députés et les membres du Gouvernement se lèvent et applaudissent longuement)

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    QUESTIONS AU GOUVERNEMENT (suite)

M. le Président - Majesté, la démocratie veut que la parole soit maintenant à Mme la Garde des Sceaux.

Mme Elisabeth Guigou, garde des sceaux, ministre de la justice - Je vous rappelle que deux informations judiciaires sont ouvertes qui concernent la MNEF. L'une porte sur ses liens avec ses fournisseurs, l'autre sur ses relations avec ses filiales. Elles font suite à la transmission immédiate au Parquet, par le Gouvernement, du rapport de la Cour des comptes et de celui de l'IGAS. Dans le respect de la séparation des pouvoirs, je vous suggère donc de laisser la justice procéder en toute sérénité et en toute indépendance (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe RCV et du groupe communiste ; huées sur les bancs du groupe DL, du groupe du RPR et du groupe UDF).

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PRÉVENTION DES CATASTROPHES NATURELLES

M. Jean Vila - Devant le drame qui a frappé quatre de nos départements, notre première pensée va aux victimes et à leurs familles auxquelles, au nom du groupe communiste et apparentés, je dis notre peine et notre soutien. Je salue le courage des sauveteurs, professionnels et bénévoles, sans lesquels le bilan aurait été encore plus lourd. Je tiens également à saluer le formidable élan de solidarité manifesté par les habitants, les associations caritatives et les collectivités. Il semble bien s'agir d'une catastrophe naturelle imputable à la seule fatalité. Cependant, les conséquences auraient pu en être limitées. Les plans de prévention des risques, pourtant obligatoires, n'existent que dans deux mille communes sur les dix mille exposées à un risque de catastrophe naturelle et sur les 85 plans prescrits dans les départements concernés par ces inondations, seuls sept auraient été mis en _uvre dans les Pyrénées-Orientales.

L'Etat doit, avec l'ensemble de ses services déconcentrés, assumer toutes ses responsabilités. Il est temps de prendre la vraie mesure de la prévention, d'autant que la DATAR prévoit que la population de ces départements augmentera de 30 % d'ici à 2010 : il faut pouvoir l'accueillir en toute sécurité. Le groupe communiste avait déposé en 1995 une proposition de loi relative à la prévention des risques et à l'indemnisation des victimes. L'actualité montre malheureusement combien elle était justifiée.

Si ces inondations avaient eu lieu en pleine saison touristique, nous déplorerions aujourd'hui des centaines de morts dans les campings dévastés. Dans mon département, cette catastrophe aura des conséquences terribles, comme a pu le constater le ministre de l'intérieur. Les récoltes maraîchères ont été anéanties : je vous en laisse apprécier les conséquences dans un département qui compte déjà le plus fort taux national de chômage et le plus grand nombre d'allocataires du RMI, d'autant que ces inondations suivent une très grave crise des fruits et légumes cet été. L'Etat doit venir sans retard en aide à tous les sinistrés et débloquer des fonds pour la reconstruction des infrastructures routières et ferroviaires.

Que compte faire le Gouvernement pour renforcer la prévention de façon que l'on ne puisse pas dire à la prochaine catastrophe de ce type que les événements de novembre 1999 auraient dû servir de leçon ?

L'indemnisation des victimes doit être juste, estimée à la valeur d'usage des biens perdus. Une aide est nécessaire en faveur des PME-PMI, des salariés et des agriculteurs. Mais les fonds que le Gouvernement va débloquer ne doivent pas amputer d'autant les sommes allouées dans le cadre des prochains contrats de plan Etat-région (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste, du groupe socialiste et du groupe RCV).

Mme Dominique Voynet, ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement - L'aide aux sinistrés est en effet indispensable. Le Premier ministre en annoncera l'ampleur à l'occasion d'un déplacement dans l'Aude jeudi.

J'insisterai, pour ma part, sur la prévention. Elle exige la mobilisation de tous les services de l'Etat, centraux et déconcentrés, mais aussi la coopération sans faille des élus locaux -dont je salue l'engagement- et des acteurs économiques.

La politique de prévention des risques naturels est assez récente en France : ses moyens augmentent mais restent encore trop modestes. Dix mille communes françaises sont exposées à des risques naturels, au premier rang desquelles les inondations. Il est donc grand temps de passer à la vitesse supérieure.

Mais l'élaboration de plans de prévention efficaces exige du temps. A Cuxac-d'Aude, on a pris conscience du danger dès les inondations de 1996 : mais il a fallu trois ans pour mettre au point un programme intégrant toutes les contraintes économiques. Sur la Loire, le programme décennal de prévention des inondations entre à peine dans sa deuxième phase. Encore faut-il définir le niveau de risque acceptable. Nous convenons tous qu'il faut privilégier la vie des personnes. Au-delà, devons-nous viser le « zéro inondation » ou pouvons-nous en tolérer certaines, dès lors qu'elles restent compatibles avec l'activité économique ? L'ampleur des plans sera dans les deux cas très différente.

M. le Président - Veuillez conclure, je vous prie.

Mme la Ministre - Je me tiens en tout cas à la disposition des parlementaires pour poursuivre les discussions sur le sujet. La prévention des risques naturels est en effet l'une des priorités de mon ministère (Applaudissements sur les bancs du groupe RCV, sur de nombreux bancs du groupe socialiste et du groupe communiste).

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IVG ET CONTRACEPTION

Mme Muguette Jacquaint - Les dernières décennies de ce siècle auront été marquées pour les femmes par l'accès à la contraception et à l'IVG. Ces acquis fondamentaux, obtenus grâce à l'action des femmes et des mouvements féministes, ont aujourd'hui besoin d'être consolidés et actualisés, le rapport du professeur Nisan mais aussi le constat dressé sur le terrain par de nombreuses associations en ont souligné la nécessité. Sensibilisation des jeunes générations à la contraception, remboursement des pilules de troisième génération par la Sécurité sociale, résorption des inégalités d'accès à l'IVG, droit que d'aucuns tentent aujourd'hui de remettre en cause, prévention des grossesses non désirées chez les adolescentes, en nombre croissant : autant de chantiers qui restent ouverts et qui vous ont amenée, Madame la ministre de l'emploi et de la solidarité à annoncer en juillet dernier le lancement d'une vaste campagne d'information sur la contraception. Pouvez-vous nous donner des informations plus précises sur cette campagne ? Quelles mesures envisage le Gouvernement pour remédier à toutes ces difficultés ? (Applaudissements sur bancs du groupe communiste, du groupe socialiste et du groupe RCV)

Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité - Il appartient en effet aux pouvoirs publics de garantir le droit à la contraception et à l'IVG. Dès mon arrivée au ministère, j'ai souhaité qu'on lance une grande campagne d'information sur la contraception, aucune ne l'ayant été depuis 1982. Mais j'ai aussi souhaité résoudre plusieurs problèmes en suspens.

La pilule du lendemain, qui n'existait pas dans notre pays, est désormais en vente libre en pharmacie : c'est grâce à notre appui que des laboratoires ont pu mettre au point le Norlevo et le Tetragynon.

J'ai demandé au professeur Spira d'étudier si le prix proposé par les laboratoires pour les pilules de troisième génération, dix fois supérieur à celui d'une pilule classique, se justifiait par des progrès en matière de contraception ou une réduction des effets indésirables. Dans la mesure où il apparaît que non, nous avons entamé des discussions avec les laboratoires qui, pour l'instant, se sont montrés intransigeants. Mais l'une de ces pilules peut faire l'objet d'un générique dès 2000 et un laboratoire est d'ores et déjà prêt à l'exploiter.

Pour ce qui est de la pilule abortive RU 486, alors que notre pays était en rupture d'approvisionnement en 1997, grâce à l'appui que nous avons apporté au propriétaire du brevet, il en produit aujourd'hui en quantité suffisante pour en exporter. J'ai demandé aussi aux hôpitaux de laisser aux femmes, dans tous les cas où cela est possible, le choix entre le recours au RU 486 et l'intervention chirurgicale.

J'en viens à la prochaine campagne d'information sur la contraception. Le comité de pilotage est en place depuis quatorze mois. Nous avons eu du mal à trouver la meilleure manière de nous adresser à l'ensemble des publics, notamment chez les jeunes qui ont tendance à confondre contraception et préservatifs, et dans les milieux modestes. Mais nous avons enfin abouti et la campagne sera lancée en janvier prochain, au moment où nous fêterons le 25ème anniversaire de la loi Veil. D'ici là, je réunirai, avec Mme Royal et M. Allègre, les infirmières et les médecins scolaires, avec Mme Buffet, les responsables d'associations sportives et de jeunesse, avec Mme Péry, les responsables des missions locales pour conduire une campagne en direction des jeunes de tous les milieux.

Sur l'IVG, j'ai demandé un rapport au professeur Nisan. Nous nous donnons encore quelques mois pour en exploiter les conclusions, et notamment porter de dix à douze semaines le délai légal pour l'IVG -délai en vigueur dans la plupart des pays européens. Nous réfléchissons de même avec un comité d'association à la façon dont les mineurs, qui ne disposent pas de l'autorisation parentale, pourraient tout de même recourir à l'IVG, encadrées par un adulte -tuteur, par exemple du planning familial. Nous nous donnons au plus un an pour aboutir (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe RCV).

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LUTTE CONTRE LES EXCLUSIONS

M. Jean-Pierre Michel - La majorité plurielle a voté au printemps dernier la loi contre les exclusions. Sa mise en _uvre tarde cependant sur le terrain et les associations sont inquiètes. Les dispositions relatives à la fourniture en eau et en électricité, notamment celles permettant de réduire la facture des RMistes et des chômeurs en fin de droits ne sont toujours pas appliqués. Le décret pris en mars 1999 réduisant de moitié l'abonnement téléphonique de ces publics n'est toujours pas suivi d'effet. Qu'en est-il du fonds destiné à couvrir les impayés de téléphone ? Enfin, qu'en est-il de l'accès à des services bancaires de base ?

Dans le domaine des transports, de nombreux conseils régionaux traînent les pieds pour appliquer l'article 133, qui prévoit une tarification spéciale pour les chômeurs en fin de droits, les RMistes et les jeunes au chômage. Enfin, le dispositif des chèques alimentaires a aussi du mal à se mettre en place.

A l'approche de l'hiver, que compte donc faire le Gouvernement pour que la loi contre l'exclusion s'applique complètement et vite ? (Applaudissements sur les bancs du groupe RCV, du groupe socialiste et du groupe communiste)

M. Claude Bartolone, ministre délégué à la ville - Cette loi, qui adresse un signal fort aux personnes les plus en souffrance, était voulue et attendue par la majorité. Malgré la complexité de ce texte qui comprend 159 articles et qui concerne 19 ministères, l'ensemble des décrets d'application sont parus. Il s'agit d'abord d'assurer le droit au logement. A cette fin, le FSL a été sensiblement augmenté, passant de 275 millions en 1997 à 490 millions en 1999. Et M. Louis Besson travaille sans cesse à accroître l'offre de logements.

Mais en cette fin de siècle, le droit au logement ne se résume pas à celui d'avoir un toit. Il faut aussi pouvoir s'éclairer et se chauffer. Un accord a donc été passé avec EDF afin qu'il n'y ait plus de coupures d'électricité sans que les services sociaux soient alertés et sans qu'intervienne le fonds d'urgence mis en place par l'Etat et l'entreprise publique. L'accès à l'eau est tout aussi important. Dans le cas de logements collectifs où les factures d'eau sont répercutées sur les charges, le FSL peut être mobilisé. Dans le cas de compteurs individuels, la procédure des abondements de créances s'est révélée longue et inefficace ; nous avons donc créé un fonds spécial alimenté par l'Etat et les fournisseurs d'eau et, là aussi, passé des accords afin qu'aucune coupure ne soit décidée sans que les services sociaux soient alertés. Pouvoir téléphoner est également essentiel. Un fonds a donc été créé pour alimenter les tarifs sociaux et lutter contre les impayés.

Quant à l'ouverture d'un compte bancaire, elle est désormais possible à tous. En cas de refus opposé par un établissement, la personne doit saisir la Banque de France qui lui en indiquera un autre.

L'Etat a donc fait son travail. Je souhaite maintenant que les associations et l'ensemble des collectivités locales se mobilisent pour faire reculer une bonne fois l'exclusion dans notre pays (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe RCV et du groupe communiste).

M. le Président - Nous avons terminé les questions au Gouvernement.

La séance, suspendue à 16 heures 15, est reprise à 16 heures 35, sous la présidence de M.  Wiltzer.

PRÉSIDENCE de M. Pierre-André WILTZER

vice-président

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SAISINE POUR AVIS D'UNE COMMISSION

M. le Président - J'informe l'Assemblée que la commission de la défense a décidé de se saisir pour avis du projet de loi autorisant l'approbation de la convention entre le Gouvernement de la République française, le Gouvernement de la République fédérale d'Allemagne, le Gouvernement de la République italienne, le Gouvernement du Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d'Irlande du Nord, portant création de l'Organisation conjointe de coopération en matière d'armement.

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LOI DE FINANCES POUR 2000 -deuxième partie- (suite)

L'ordre du jour appelle la suite de la discussion de la deuxième partie du projet de loi de finances pour 2000.

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LOGEMENT

M. le Président - Nous allons procéder au vote des crédits du ministère de l'équipement, des transports et du logement concernant le logement, à l'occasion duquel nous allons mettre en _uvre, en séance publique, la nouvelle procédure budgétaire définie par la Conférence des présidents.

Je rappelle que, suivant cette procédure, la commission de la production et des échanges, saisie pour avis de ces crédits, leur a consacré une réunion publique, ouverte à tous les députés, et que ses travaux seront publiés en annexe au compte rendu de la présente séance. Par ailleurs, chaque groupe a pu adresser au Gouvernement des questions écrites concernant ces crédits. Les réponses à ces questions seront elles aussi annexées au compte rendu intégral de la présente séance.

Avant les votes, je donnerai donc la parole aux rapporteurs des commissions, à M. le Secrétaire d'Etat au logement et à un orateur par groupe. Chaque intervenant disposera de cinq minutes.

M. Jean-Louis Dumont, rapporteur spécial de la commission des finances pour le logement - Exprimés en moyens d'engagement, afin de retracer les actions nouvelles pour l'année 2000 en faveur du seul logement, les crédits atteignent 48,078 milliards au lieu de 48,691 milliards en 1999, soit une baisse de 1,26 %. Cette légère diminution des dotations ne reflète pas un affaiblissement de l'effort gouvernemental mais le fait qu'il s'insère dans une meilleure conjoncture. Il faut en effet tenir compte des mesures fiscales très favorables qui se multiplient depuis deux ans et peuvent donc être qualifiées de structurelles.

Le budget du logement est une fois de plus un bon budget. En matière d'aides à la personne, les allocations de logement ont été actualisées depuis 1997, comme s'y était engagé M. le Premier ministre. Ce sont 34,345 milliards qui sont inscrits au budget pour 2000 contre 34,628 l'an passé, soit une baisse de 0,82 % qui tient à la meilleure santé financière des bénéficiaires et à la réalité des crédits consommés ces dernières années. Les crédits destinés au Fonds de solidarité logement sont pour leur part en progression de 5,11 %, à 720 millions, répondant ainsi aux objectifs de M. Bartolone, qui précisait tout à l'heure dans quelles conditions le Gouvernement entend cet hiver jouer pleinement la carte de solidarité.

Ce budget confirme également la place accordée par le Gouvernement aux organismes du logement social et son souci de trouver les solutions indispensables pour relancer la construction. Nul ne conteste le fait qu'un nombre insuffisant de logements locatifs sociaux sorte de terre depuis plusieurs années. Au cours de l'été, le Gouvernement a annoncé la création du PLUS. Le prêt locatif à usage social doit répondre aux souhaits des organismes et contribuer à une meilleure mixité du parc social. En contrepartie de ces mesures, le mouvement HLM s'est engagé à geler les loyers en 1999 et 2000. Il est indispensable que cet engagement soit tenu et nous comptons sur l'intervention de vos services pour y veiller.

Le mouvement HLM a aussi annoncé la négociation de contrats locaux de relance. Nous verrons si ces mesures ont la capacité de redynamiser la construction du locatif social.

Je m'inquiète en revanche de l'évolution du 1 %. Les investisseurs privés vont bénéficier dans les années qui viennent d'une forte intervention du 1 %. On peut s'inquiéter de cette dérive qui peut apparaître comme contraire à l'esprit qui avait prévalu à sa création il y a cinquante ans.

Le budget 2000 fixe à 70 000 le nombre de logements locatifs sociaux à financer. Cet objectif risquant de n'être pas tenu, je ferai part de quelques pistes permettant une meilleur consommation de ces crédits.

Tout d'abord, on ne peut continuer à gérer localement les autorisations, les agréments, voire les subventions sous le régime des quotas départementaux qui prévalait au temps de la pénurie de logements. Il est temps de réformer l'accès au crédit et d'instituer un droit de tirage accompagné d'un contrôle a posteriori, mieux adapté pour dynamiser le renouvellement urbain.

Deuxième piste, l'acquisition-amélioration, qui correspond à la demande des ménages et des collectivités locales pour « re-densifier » les centre-villes.

Troisième point, améliorer la politique foncière des collectivités. Le Gouvernement a beaucoup fait pour le logement social et en peu de temps. Le mouvement HLM doit se montrer à la hauteur de la mission qui lui a été confiée. Le parc privé bénéficie pour sa part de mesures fiscales et, au-delà, le redressement des dotations mis en _uvre dès 1997 se poursuit. Il en est ainsi de la dotation à l'ANAH, qui progresse de 2,8 % pour atteindre 2,2 milliards ou de la prime d'amélioration à l'habitat, qui augmente de 4,5 %. L'élan ainsi suscité doit être conforté par une simplification des procédures en allant à brève échéance vers un système de guichet unique.

La rebudgétisation, qui devient intégrale, du prêt à taux zéro confirme votre attachement à l'accession sociale à la propriété. Nous vous en félicitons car celle-ci est un puissant facteur d'intégration sociale- les crédits pour 2000 en autorisations de programme s'élèvent à 5,810 milliards et correspondent à 120 000 prêts en accession.

Vous me permettrez néanmoins de vous interpeller sur le sort du solde de la contribution des collecteurs du 1 %, au compte d'affectation spéciale 902-30 qui vient d'être supprimé. Nous souhaitons que le montant correspondant de 3,5 milliards reste affecté à votre ministère et soit consacré à l'accession à la propriété. Le Gouvernement serait aussi bien inspiré de permettre aux organismes du logement social de construire des logements en tant que maître d'ouvrage dans le cadre du statut de bailleur privé et de les gérer sous ce mode. En effet, ces logements à loyer plafonné, accessibles sous conditions de ressources, ressemblent à s'y méprendre aux produits du mouvement HLM. Pourquoi donc refuser d'intervenir dans ce champ parfaitement balisé ?

Enfin le logement a besoin d'un environnement stable. Chaque réforme met un certain temps à produire les effets escomptés. De ce point de vue, la politique du Gouvernement a le mérite d'être cohérente, compréhensible, et de s'inscrire dans la continuité.

La commission des finances a adopté ce budget et je souhaite que l'Assemblée fasse de même.

M. Alain Cacheux rapporteur pour avis de la commission de la production pour le logement et l'urbanisme - Le contexte actuel est très favorable pour le secteur du logement et du bâtiment. Pour l'année qui s'achève, la meilleure de la décennie pour ce secteur, le taux de croissance sera égal ou supérieur à 5 % à prix constants, 300 000 à 320 000 mises en chantier seront réalisées et le secteur créera plusieurs milliers d'emplois alors qu'il en avait perdu plusieurs dizaines de milliers les années précédentes.

Cette situation très favorable, s'explique pour partie par les décisions prises par la majorité précédente que le gouvernement actuel a eu la sagesse de consolider et de moraliser. Il a consolidé l'accession sociale à la propriété mais rebudgétisé le prêt à taux 0 % et pérennisé son financement que le gouvernement précédent avait fait supporter par le 1 % logement.

Il a moralisé l'amortissement Périssol, dont les avantages fiscaux ont été limités et assortis de contreparties sociales, sur les niveaux de loyer pratiqués et les ressources des locataires, donnant ainsi naissance au dispositif Besson et au statut de bailleur privé.

Depuis deux ans et demi, de très nombreuses mesures complémentaires sont venues confirmer la priorité que le Gouvernement accorde à ce secteur.

Il a consenti un effort soutenu en faveur du logement social que la majorité précédente avait complètement délaissé : actualisation régulière du barème APL, généralisation de la TVA à taux réduit, relèvement des plafonds de ressources et depuis juillet, relance de la construction sociale avec le PLUS.

Il a pris des mesures fiscales favorables au logement et aux locataires : TVA à taux réduit sur les travaux d'entretien, suppression du droit de bail dès janvier 2000, pour tous les loyers égaux ou inférieurs à 3 000 francs, forte diminution des droits de mutation.

Enfin, en cohérence avec la loi du 29 juillet 1998, le budget 2000 donne des moyens renforcés pour lutter contre les exclusions que ce soit pour réaliser des opérations très sociales, lutter contre le saturnisme ou renforcer les enveloppes destinées au FSL.

Cependant, le logement social demeure fragile et l'équilibre du PLUS pourrait être amélioré ; la paupérisation croissante d'une fraction des locataires n'a pas été stoppée ; la situation financière de certains organismes reste tendue, notamment ceux qui ont une proportion élevée de leur parc dans les quartiers difficiles.

En conclusion, le projet de loi de finances pour l'an 2000 pour le logement vient appuyer une politique globale du logement équilibrée. La commission de la production a donné un avis favorable à l'adoption de ses crédits.

M. Louis Besson, secrétaire d'Etat au logement - Je remercie les rapporteurs pour leurs encouragements -les suggestions du rapporteur spécial seront attentivement étudiées- ainsi que M. Lajoinie, le Président de la commission qui a organisé la réunion de la commission élargie selon la nouvelle procédure. J'ai apprécié la qualité du dialogue que nous avons eu alors et j'ai pu répondre à de nombreuses questions. En annexe au compte rendu intégral de la séance d'aujourd'hui, vous trouverez aussi les réponses aux 21 questions écrites que vous m'avez adressées.

Depuis deux ans et demi nous avons procédé à une refondation de la politique du logement, dans un souci de justice et de stabilité. Le budget 2000 confirme ces orientations et y ajoute un volet fiscal.

Nous avons ainsi rendu sa place au logement social grâce au nouveau prêt locatif, le PLUS, qui est déjà opérationnel et se conjugue à un passage à la TVA de 5,5 % sur les travaux. Nous en attendons une forte mobilisation des collectivités, des organismes HLM et du 1 % logement dont les capacités ont été reconstituées. J'ai indiqué en commission comment nous avions levé les obstacles à la sous-consommation des crédits. Reste à mobiliser la volonté politique.

Le logement des plus démunis est une priorité et beaucoup attendent avec impatience les résultats de la loi contre les exclusions sur le terrain. Des outils existent désormais et le Gouvernement s'emploie à les mettre en _uvre.

Ces orientations ne sacrifient pas le parc privé, au contraire. Pour les travaux, la diminution de TVA représente un effort fiscal de 20 milliards ; pour l'accession à la propriété le prêt à taux zéro, le prêt d'accession sociale sécurisé, le statut du bailleur sont autant d'outils dynamiques.

Au début de l'an prochain nous vous présenterons le projet de loi sur l'urbanisme, l'habitat et les déplacements auquel je travaille avec M. Gayssot, pour inscrire notre politique du logement dans un cadre urbain rénové et la mettre en cohérence avec les lois sur l'aménagement du territoire et l'intercommunalité.

Nous avons déjà beaucoup travaillé. Il reste beaucoup à faire, mais le budget 2000 confirme les avancées. Je vous demande de l'adopter (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

M. Jean-Michel Marchand - La procédure expérimentale en commission a permis des débats approfondis. Nous regrettons simplement de n'avoir pu y consacrer un temps plus long.

Le budget 2000 s'inscrit dans la continuité et confirme les efforts engagés avec de nouveaux mécanismes de financement du logement social, de nouvelles interventions du 1 % logement -auquel nous voulons conserver son caractère social. La mise en _uvre de cette politique passe par la baisse des taux de prêts aux HLM, le réaménagement des anciens prêts, la création et la montée en puissance du PLUS, les aides à la pierre. Les locataires profitent en outre du gel des loyers pendant deux ans, en accord avec l'Union des fédérations d'organismes HLM.

En dehors du parc social, le statut du bailleur privé, les mesures d'amélioration du parc privé et le financement de l'accession sociale à la propriété, avec le financement de 110 000 prêts à taux zéro, s'inscrivent dans ce que vous avez nommé « réformes durables du logement et de l'urbanisme »,

En réhabilitant le parc, en construisant de nouveaux logements, en diversifiant l'habitat, vous relevez le défi de la mixité sociale. Grâce à l'actualisation des plafonds de revenus et au surloyer, la part des ménages éligibles au logement social a augmenté. Il faut faire un effort pour les foyers qui ne peuvent y prétendre sans avoir pour autant les moyens d'accéder aux logements en loyer libre.

Ce budget s'inscrit bien dans la lutte contre les exclusions, notamment avec le renforcement des moyens de FSL qui passent à 507 millions. Pour les travaux d'urgence, le préfet pourra se substituer aux propriétaires défaillants. C'est un peu ce que j'appellerai la méthode Besson. De même, le texte sur les gens du voyage est en discussion mais vous prévoyez des moyens accrus pour améliorer le fonctionnement des aires existantes. Cela aussi, c'est la méthode Besson.

Votre budget, ce sont aussi des mesures fiscales en faveur du logement. D'abord, la suppression du droit de bail en deux ans, qui représentera une baisse de 2,5 % sur les quittances des locataires du parc HLM comme du parc privé. Ensuite, la nouvelle baisse des droits de mutation qui seront limités à 4,8 %.

Le taux de TVA, quant à lui, a été ramené à 5,5 % pour les travaux d'amélioration, de transformation, d'aménagement et d'entretien sur des logements achevés depuis plus de deux ans. Cette mesure est de nature à accélérer la rénovation du parc existant, à créer des emplois et à décourager le travail clandestin.

Enfin, vous nous avez assuré de votre volonté que soient construits des logements adaptés et adaptables pour les personnes âgées et handicapées.

En conclusion, en attendant avec intérêt le futur projet de loi « urbanisme, habitat et déplacements », les députés Verts et le groupe RCV voteront ce budget.

Mme Janine Jambu - « Le logement est un bien de première nécessité, ce qui légitime la baisse de TVA qui lui est appliquée » indiquait le rapporteur pour avis en commission. C'est une conception que nous partageons. Avoir un toit est une nécessité première.

C'est aussi une responsabilité publique première que de contribuer à satisfaire les attentes et les besoins en ce domaine, à réduire le poste le plus lourd dans le budget de la plupart des ménages.

Le présent budget répond-il à ces exigences ? Il comporte indéniablement des mesures nouvelles et positives.

Ainsi, pour la construction sociale qui est au c_ur de nos préoccupations, nous apprécions la création du PLUS -Prêt Locatif à Usage Social- assortie d'un rétablissement de l'aide à la pierre.

Quant à la baisse des taux et à la renégociation des prêts, elles accèdent à une demande ancienne des organismes gestionnaires de logements sociaux. Nous regrettons qu'elles se fassent pour partie au détriment de l'épargne populaire. Il faudra veiller à la situation des organismes les plus en difficulté parce qu'ils ont souvent mené la politique la plus sociale.

Enfin, subsiste le poids de la TFPB -taxe foncière sur la propriété bâtie-. Des correctifs pourraient être étudiés. Nous souhaitons qu'une réforme équitable aboutisse.

La construction sociale reste le maillon le plus fragile. L'objectif des 70 000 logements sera difficilement atteint. Sans doute faut-il approfondir la réflexion et les décisions sur le rapport aide à la pierre/aide à la personne, sur la mixité sociale et géographique. Le projet de loi «Urbanisme, Habitat, Déplacement» qui doit être examiné au premier semestre 2000 en sera l'occasion.

Les dispositions relatives aux réhabilitations et à l'accession sociale sont reconduites.

Nous nous félicitons de l'impact positif que devraient avoir pour les locataires la suppression du droit au bail, le gel des loyers sur deux ans et la baisse de TVA sur les travaux.

Mais, pour favoriser la mixité sociale, ne faudrait-il pas aller plus loin en abrogeant le surloyer et en revalorisant les plafonds d'accès ?

En ce qui concerne l'APL, nous souhaitons sa revalorisation et le réexamen de ses modalités de paiement.

J'ouvre une parenthèse, Monsieur le secrétaire d'Etat, pour vous féliciter et pour vous remercier de la précision des réponses que j'ai obtenues aux questions écrites et orales que je vous ai adressées.

Cela dit, pour améliorer l'aide apportée aux bénéficiaires de l'APL, en particulier aux chômeurs et aux travailleurs précaires, nous vous soumettons quatre propositions : suppression de la CRDS sur l'APL, extension de l'abattement de 30 % sur les indemnités chômage, alignement de la réglementation de l'AL sur l'APL en cas de stage, prise en compte prolongée de la réduction des ressources pour les titulaires de CES.

Quant à la baisse de la TVA sur les travaux, nous souhaitons vivement qu'elle permette de créer des emplois stables et qualifiés et que soit évité tout effet d'aubaine ou de «surchauffe» sur les prix.

Enfin, s'agissant des mesures en faveur du secteur privé -baisse des droits de mutation, amortissement Besson- nous ne négligeons pas ce qui peut aider nos concitoyens désireux d'accéder à la propriété privée. Mais lorsqu'il s'agit de patrimoines immobiliers très importants, les contreparties sociales aux avantages fiscaux consentis devraient être plus conséquentes sous peine de laisser perdurer le déséquilibre entre le secteur public et le secteur privé.

Pour toutes ces raisons, nous portons une appréciation équilibrée sur ce budget que nous voterons avec la volonté de continuer à progresser (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste et du groupe socialiste).

M. Jean-Claude Lenoir - Le présent budget est pour le moins contrasté.

Il s'y trouve de bonnes dispositions, notamment fiscales : baisse des droits de mutation et de la TVA sur les travaux d'amélioration et d'entretien courants, extension du dispositif du micro-foncier aux petits bailleurs.

En revanche, les orientations relatives au parc locatif privé et à l'accession à la propriété nous paraissent plus contestables. Nous doutons que ce budget permette de relancer le logement social et nous craignons une sous-consommation des crédits par des collectivités peu désireuses d'alourdir leurs charges. En tant que maire d'une commune de 5 000 habitants, j'observe qu'il est difficile d'accéder aux demandes des organismes HLM, tant l'effort financier consenti par la commune est important.

Quant à la création du prêt locatif à usage social -PLUS- c'est une bonne initiative et les moyens qui y seront consacrés devraient permettre de construire 70 000 logements par an. Mais, là encore, nous redoutons une sous-consommation de ces crédits. En 1998, seuls 51 500 logements PLA ont pu être construits sur les 80 000 ou 90 000 prévus. En 1999, le bilan ne sera pas meilleur.

Or, le PLUS ne couvrira que 90 % du coût du neuf, 5 % étant couverts par la subvention. Où les organismes HLM trouveront-ils les 5 % restants ?

Certes, le PLUS permettra d'attribuer 10 % des logements à des locataires dépassant de 20 % le plafond de ressources exigé pour l'attribution d'un logement HLM. Cette mesure, propre à favoriser une plus grande mixité sociale, contribuera aussi à l'équilibre financier des organismes.

L'aide personnelle bénéficie à un ménage sur quatre. Cela traduit les difficultés des ménages française. Mais peut-on aller plus loin sans porter préjudice au parc privé ?

Je reconnais que les arbitrages sont délicats. Vous avez annoncé le 28 octobre dernier, Monsieur le secrétaire d'Etat, la création de 10 000 logements en résidence sociale pour les personnes en grande difficulté. Mais la mesure ne concerne que la région parisienne et il restera à trouver les terrains. En outre, les organismes ayant déjà bien du mal à remplir leurs missions traditionnelles, risquent de se montrer réticents si on leur demande de construire des logements dits d'insertion.

S'agissant du parc locatif privé, l'amortissement Périssol qui a efficacement soutenu l'investissement immobilier a été remplacé par un dispositif moins avantageux et plus contraignant.

Vous remplacez aussi la taxe additionnelle au droit de bail par une contribution annuelle sur le revenu locatif. Les bailleurs y trouveront leur compte, mais pas les investisseurs. Or, tous ne sont pas de riches privilégiés ! Nombre d'entre eux sont de bons pères de famille qui cherchent à se constituer un capital en vue de leur retraite.

D'autre part, c'est la construction privée qui a le plus contribué à la relance du bâtiment. Déjà, les directions départementales de l'équipement ont le plus grand mal à placer les PLA. Dans ces conditions, ne peut-on parler de l'échec de votre Gouvernement en matière de logement social ?

En fait, il faudrait créer un régime favorable aux bailleurs privés et instituer un statut de propriétaires-bailleur qui mettrait la location à la portée de tous. Or, la rareté du logement dans le secteur privé est due aux nombreuses contraintes qui pèsent sur les propriétaires et aux difficultés qu'ils rencontrent en cas d'impayés et en l'absence d'expulsion.

Bref, le logement n'est pas la priorité de ce gouvernement. Votre bonne volonté et votre connaissance des dossiers ne sont pas en cause, Monsieur le ministre. Mais d'autres mesures s'imposeraient. Le groupe Démocratie Libérale ne votera donc pas votre budget.

M. Jean-Marie Morisset - Ce budget pour 2000 augmente de 5,3 % en moyens de paiement.

Vous confirmez l'effort de votre gouvernement par de nouvelles mesures fiscales.

Vous souhaitez donner la priorité au logement social. Vous annoncez des moyens budgétaires pour lutter contre les exclusions.

Vous pérennisez le soutien à l`effort d'investissement privé en maintenant le dispositif créé par votre prédécesseur.

Nous ne pouvons qu'approuver ces orientations et vous nous avez donné quelques gages lors de votre audition pour la réalisation de ce programme.

Mais des incertitudes subsistent, et des incohérences sont parfois constatées entre vos bonnes intentions et les réalisations effectives.

Première réserve : il faut relativiser la progression de votre budget compte tenu de la re-budgétisation du prêt à taux zéro qui a permis de mobiliser des crédits non négligeables du 1 % logement -30 milliards sur 6 ans-. Si l'effort de l'Etat pour le logement ne peut être contesté, celui des entreprises en faveur du logement doit également être rappelé.

Deuxième réserve : l'effort ne peut s'apprécier qu'en fonction des crédits réellement consommés et l'écart est souvent important entre les prévisions et les réalisations.

Par exemple, l'objectif ambitieux affiché l'année dernière pour le logement social n'a pas été atteint. 10 000 logements PLAI étaient inscrits au budget 1998. 3 500 étaient consommés.

Nous retrouvons le même décalage pour les PLA traditionnels et l'objectif ne sera non plus pas atteint en 1999.

Déjà, l'année dernière, nous vous indiquions que l'investissement locatif social se trouvait dans une situation alarmante. Vous nous avez entendus et vous avez créé un nouveau produit financier pour relancer ce secteur, qui conjugue la baisse des taux de prêts, l'allongement de la durée de l'emprunt et la possibilité de retenir des locataires jusqu'à 120 % des plafonds PLA. Toutefois, des incertitudes subsistent. Ainsi, le gel de deux ans des loyers ne sera pas sans conséquence sur la gestion des organismes d'HLM. De surcroît, l'absence de crédits de paiement pour le financement des premiers PLUS inquiète les opérateurs. En outre, l'application du taux réduit de TVA à 5,5 % risque d'être fort complexe. Enfin, ce nouveau financement n'est pas accessible aux communes, mais vous nous avez rassurés sur ce point.

J'ai admiré l'assurance avec laquelle votre collègue, le ministre de la ville, a répondu à votre place sur le volet logement des dispositions contenues dans la loi sur l'exclusion.

On peut certes se féliciter des moyens complémentaires alloués aux fonds de solidarité logement. Toutefois, nous ne retrouvons pas dans la pratique les bonnes intentions énoncées, car l'effort en faveur du logement des plus défavorisés est trop modeste.

Ma quatrième réserve porte sur les moyens en faveur du parc privé.

Le dispositif mis en place par votre prédécesseur a permis d'orienter l'investissement privé vers le logement, et de développer l'accession à la propriété des familles à revenu moyen et modeste. Il est dommage que vous ayez imposé un certain nombre de contraintes réglementaires qui risquent d'entraver son efficacité. Et pourquoi ne pas avoir prévu d'étendre le dispositif au propriétaire qui loue son logement à un ascendant ou un descendant, comme cela existait avec l'amortissement Périssol ?

On constate d'autre part que la PAH est cette année encore un dossier oublié, avec la même dotation qu'en 1997, des aides inchangées depuis 1975 et des plafonds de revenus qui font toujours référence aux plafonds des PAP, disparus depuis 3 ans... La rumeur court de plus que les dotations annoncées au début d'année allaient être réduites. Est-ce le cas ?

Quant aux aides de l'ANAH, elles sont simplement maintenues au niveau de 2,2 milliards de francs, pour la deuxième année consécutive. Cette dotation est notoirement insuffisante d'autant que les crédits de l'ANAH sont indispensables pour accompagner les opérations programmées d'amélioration de l'habitat dans les zones rurales.

Vous avez justifié le maintien de l'enveloppe au motif qu'elle ne serait pas entièrement consommée. Mais il faut parfois attendre plusieurs années pour qu'un territoire soit autorisé à lancer une OPAH puis plusieurs mois avant que les crédits de paiement soient débloqués.

En conclusion, je formulerai une proposition et un souhait.

Ma proposition viserait à simplifier les procédures d'instruction des dossiers.

Mon souhait serait de retrouver une cohérence entre les moyens alloués et les bonnes intentions de la loi d'aménagement du territoire.

Certaines des mesures que vous avez annoncées ont été appréciées par les professionnels du bâtiment et par les bailleurs sociaux. C'est pourquoi le groupe UDF s'abstiendra lors du vote. Il souhaite cependant que vous apportiez des réponses précises aux questions en suspens.

M. Gilbert Meyer - Si le projet confirme l'effort du Gouvernement en faveur du logement, je n'en demeure pas moins pessimiste. Certes, les crédits progressent d'environ 5 % par rapport à 1999 mais les moyens d'engagement restent presque stables.

Cela dit, il n'est guère difficile de prévoir une augmentation de crédits ; encore faut-il les utiliser. C'est ce que le rapporteur spécial a dit, avec d'autres mots. Malheureusement, depuis 1997, si les crédits progressent sensiblement, les engagements régressent beaucoup.

Ainsi le nombre de logements sociaux mis en chantiers en 1998 a été de 44 000 pour un programme affiché de 80 000, ce qui est une proportion particulièrement faible et les résultats pour 1999 seront encore plus décevants, je le crains.

Nous devons nous interroger sur les raisons de cet échec de la politique du logement social. Si les collectivités se détournent de l'habitat social, c'est qu'elles ne disposent pas des moyens leur permettant de gérer « l'après ».

L'Etat aide certes à construire ce qui n'a rien d'exceptionnel puisque le logement est de son ressort. Mais les communes demeurent les seuls partenaires des opérateurs sociaux face aux difficultés que suscitent des locataires en mauvaise situation. Là est le point d'achoppement de la politique du logement, à quoi s'ajoute le problème foncier.

Pour l'an 2000, vous nous avez annoncé un programme « d'environ » 70 000 logements PLA. Par rapport à 1999, les prévisions sont donc revues à la baisse. Dans ce contexte, il est judicieux de privilégier les outils dont l'efficacité est prouvée. Le prêt à taux zéro en fait partie et il importe donc d'encourager beaucoup plus vivement le recours à cette formule.

De même, les moyens consacrés aux opérations programmées d'amélioration de l'habitat sont beaucoup trop modestes et des projets nouveaux auraient pu être engagés, surtout en zones rurales, avec des critères assouplis. D'autre part, une série de mesures inopportunes ont été introduites en cours d'année et d'autres le seront dans la loi de finances.

Celle qui me vient à l'esprit en premier est la nouvelle réforme du droit de bail. Cette mesure provoque un sentiment d'incompréhension et d'injustice. Après la double imposition de cette année, il est en effet prévu de supprimer le droit de bail. Ne subsisterait que la taxe additionnelle, sous la forme d'une contribution annuelle sur les revenus locatifs qui deviendra ainsi une nouvelle CSG, payée uniquement par les propriétaires privés.

Apparemment, le scandale provoqué par la double imposition au droit de bail n'a pas servi de leçon et ce projet de budget propose une disposition tout aussi discriminatoire.

La deuxième mesure n'est pas contestable en soi, bien au contraire, mais ses effets indirects vont provoquer des difficultés. Je parle bien sûr, de la réduction à 5,5 % du taux de TVA sur les travaux de rénovation dans l'habitat. Des ajustements fiscaux doivent être trouvés très rapidement sans lesquels nombre de petites entreprises se trouveront en position difficile. Elles devraient en effet financer le différentiel de TVA sur les fournitures qu'elles achètent ; or nos artisans n'ont pas les moyens de se faire le banquier et le percepteur de l'Etat.

Monsieur le ministre, pas davantage que celui de 1999, votre budget pour 2000 n'apporte les correctifs nécessaires. Pourtant, la conjoncture est favorable. Il aurait donc fallu trancher et donner l'impulsion nécessaire. Malheureusement, -et vous n'êtes pas en cause- les arbitrages rendus ont bloqué toute innovation. Les crédits proposés auraient pourtant permis davantage de dynamisme. Ce constat étant fait, le groupe RPR ne votera pas ce budget (Applaudissements sur les bancs du groupe du RPR, du groupe DL et du groupe UDF).

M. Philippe Decaudin - C'est la troisième fois, Monsieur le ministre, que je suis conduit à vous donner l'avis du groupe socialiste sur votre budget.

En 1998 et 1999, déjà, nous avions noté un changement très positif par rapport aux budgets de la précédente majorité avec la contractualisation de l'APL. Nous ne pouvons que nous féliciter encore des dispositions présentées aujourd'hui.

Hier, vous avez su éviter les pièges que constituait la gestion du 1 % logement et de l'amortissement dit Périssol. En particulier, l'amortissement Besson a conservé les éléments positifs de l'amortissement Périssol, mais il favorise l'investissement locatif de plus grands logements à l'usage des familles, plutôt que les produits purement spéculatifs.

Aujourd'hui, votre projet de budget pour l'année 2000 consolide les progrès déjà accomplis.

Il progresse de 5,3 % en moyens de paiement par rapport à 1999, en dépit d'une dotation pour les aides à la personne en diminution.

Ce budget vaut aussi par les très importantes mesures qui l'accompagnent et qui prouvent l'intérêt que le Gouvernement porte au logement : la réduction à 5,5 % de la TVA sur les travaux de rénovation, la suppression en deux ans du droit au bail et la réduction des frais de mutation. L'ensemble de ces allégements fiscaux représentant 25 milliards, on mesure l'effort accompli. Ces dispositions auront pour effet d'alléger sensiblement le poids du logements dans le budget des ménages. Elles présentent aussi un intérêt évident pour les entreprises du bâtiment. Enfin, elles réduisent les avantages financiers offerts par le travail au noir, ce qui incite à la vertu.

Pour ce qui concerne le logement social, la renégociation des emprunts consentis par la Caisse des dépôts, en lien avec la baisse du livret A, permet de remettre à niveau les comptes de la plupart des bailleurs sociaux. En outre, cette mesure doit avoir pour contrepartie un gel des loyers pendant deux ans, ce qui profitera directement aux locataires. L'Union nationale HLM s'est engagée à faire appliquer ce gel des loyers, mais la décision revient aux conseils d'administration des bailleurs sociaux. C'est pourquoi je souhaite que les préfets utilisent leur droit de regard et qu'ils n'hésitent pas à demander une nouvelle délibération si une augmentation de loyer leur paraît abusive.

La création du PLUS favorisera la construction des logements sociaux et la mixité sociale. Le PLUS renoue aussi, et c'est heureux, avec le principe du subventionnement à hauteur de 5 % : un meilleur équilibre est ainsi obtenu entre l'aide à la pierre et l'aide à la personne. Les collectivités locales participeront à son financement, comme à celui des PLALM, et les récents appels d'offres dénotant une certaine modération des prix, cela est de bon augure pour l'équilibre d'exploitation des programmes.

Autre élément très positif : grâce à un financement spécifique, les pouvoirs publics encouragent les démolitions-reconstructions, propres à redynamiser les quartiers d'habitat social et à y restaurer une certaine mixité.

Cette nouvelle politique de l'habitat se caractérise par un souci d'équilibre entre le secteur privé et le secteur public, entre le social et l'économique. Après la loi contre l'exclusion, dont le volet logement s'efforçait de donner un contenu concret au droit au logement, ce budget en renforcera les conditions d'exercice. Pour toutes ces raisons, le groupe socialiste le soutiendra sans réserve (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe RCV).

M. le Secrétaire d'Etat - Ce n'est pas par manque de courtoisie que je ne reprends pas ici les questions auxquelles nous avons consacré plus de quatre heures en commission la semaine dernière. Le compte rendu des débats de la commission sera annexé au Journal officiel, j'invite les orateurs à s'y reporter.

Je me limiterai ici à quelques observations. Monsieur Marchand, je suis un partisan convaincu du partenariat mais pour qu'un partenariat fonctionne, l'accord des deux partenaires est nécessaire. Lorsqu'il n'existe pas, il est du rôle de l'Etat d'être le garant de la solidarité. Mais rassurez-vous, je préfère, comme vous, que l'Etat puisse être un partenaire.

Mme Jambu a regretté la mise à contribution des petits épargnants avec la baisse du taux du livret A. Mais on dénombre aujourd'hui 47 millions de livrets A dans notre pays alors que le nombre de livrets d'épargne populaire, ouverts sous conditions de ressources et eux, véritables instruments d'épargne populaire, plafonne à huit millions. Leur rémunération est pourtant encore de 4 % nets d'impôts, leur plafond a récemment été relevé et plus de 15 % de nos concitoyens pourraient en ouvrir un. Pour encourager l'épargne populaire, il faut donc d'abord populariser le livret d'épargne populaire.

M. Lenoir a regretté certains aspects du PLUS. Je lui confirme que le régime est bien le même pour le PLUS et pour le PLA. Simplement, comme les taux d'intérêt ont été abaissés, et comme la durée d'amortissement des acquisitions foncières a été portée à cinquante ans, on exige que le loyer des logements financés par un PLUS ne dépasse pas 90 % des anciens plafonds, c'est-à-dire celui retenu pour le calcul de l'APL.

S'agissant de la consommation des crédits, évoqué par MM. Morisset et Lenoir, l'Etat ne doit certes pas baisser la garde mais sans la mobilisation conjointe des organismes et sans une volonté politique des collectivités, rien ne sera possible. La clé de la réussite est là. Or, trop de projets de construction sont aujourd'hui bloqués pour les raisons que l'on sait...

M. Meyer a estimé que nous aurions dû tirer parti de la croissance retrouvée pour révolutionner certains principes. Mais s'il y a bien quelque chose de révolutionnaire dans le budget pour 2000, ce sont bien les mesures fiscales prises en faveur du bâtiment et de l'immobilier. L'abaissement à 5,5 % de la TVA sur les travaux d'entretien dans les logements représente 20 milliards, celui des droits de mutation 4 milliards et la suppression du droit de bail, qui dès 2000 profitera à 80 % des locataires, 4 milliards. Voilà 28 milliards qu'il convient d'ajouter aux 40 milliards du budget du logement proprement dit, pour apprécier l'effort consenti par le Gouvernement en ce domaine (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

M. le Président - J'appelle maintenant les crédits inscrits à la ligne Equipement, transports et logement.

Les crédits des titres III et IV de l'état B, successivement mis aux voix, sont adoptés de même que les crédits des titres V, VI et VII de l'état C.

M. le Président - Nous en avons terminé avec l'examen des crédits du logement.

La séance, suspendue à 17 heures 40, est reprise à 17 heures 50.

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ENSEIGNEMENT SCOLAIRE

M. le Président - Nous abordons maintenant l'examen des crédits du ministère de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie, concernant l'enseignement scolaire.

M. Jacques Guyard, rapporteur spécial de la commission des finances - Nous sommes au milieu de la législature et face au troisième budget de l'enseignement scolaire. Il est donc temps de dresser un bilan d'étape. Beaucoup de réformes avaient été annoncées -certains vous l'avaient même reproché, Monsieur le ministre. Beaucoup sont maintenant réalisées ou en tout cas bien avancées, même si certaines se heurtent encore à quelques difficultés.

Cette action a été favorisée par l'évolution démographique : 300 000 élèves de moins depuis 1990 dans les écoles élémentaires, 100 000 de moins dans les lycées depuis 1994. Cela a permis une baisse des effectifs par classe : on est ainsi passé, en cinq ou six ans, de 27 élèves par classe, en moyenne, dans les maternelles à 25. Mais l'opinion publique n'est pas toujours très consciente de cette amélioration de l'encadrement.

Autre facteur favorable : la volonté politique de privilégier l'éducation nationale. Prioritaire pour la troisième fois, le budget des enseignements scolaires augmente de 3,5 %, alors que l'ensemble des crédits d'Etat n'augmentent en moyenne que de 0,9 %. Rappelons qu'en 1997, le budget de votre prédécesseur, Madame la ministre, n'augmentait que de 1,49 %. Compte tenu de la baisse démographique dont j'ai parlé, c'est de 4 % que progresseront les crédits par élève. Notre dépense intérieure d'éducation nous situe sensiblement au même niveau que les Etats-Unis et n'est dépassée que par les pays scandinaves. Les résultats sont là : baisse du nombre d'élèves par classe, accélération des transformations de postes d'instituteurs en postes de professeurs des écoles, succès des emplois jeunes au point qu'aujourd'hui aucune équipe enseignante ne voudrait s'en passer, équipement informatique se faisant à une vitesse que personne n'aurait imaginée au début.

Mais il reste encore à faire. Ainsi il faut développer l'accueil des enfants de deux ans, en particulier dans les quartiers en difficulté ; poursuivre l'effort de formation des professeurs des écoles ; améliorer le statut des directeurs d'écoles en continuant d'abaisser le seuil de décharge afin de leur permettre de faire face à des tâches de plus en plus lourdes ; renforcer les moyens de remplacement en n'hésitant pas à affecter un maître supplémentaire dans les écoles les plus importantes.

Dans le second degré, la situation est plus complexe. C'est pourtant à ce niveau que la dépense d'éducation est la plus élevée, situant la France au sommet mondial de la dépense par élève. Néanmoins, la crise est toujours latente : montée de la violence, démotivation des élèves et parfois des enseignants. Il faut continuer à tirer les leçons d'une démocratisation qui fait qu'il n'y a plus de sélection à l'entrée des collèges et quasiment plus à l'entrée des lycées. Elle se fait seulement par le choix des matières et des filières.

L'aide individualisée, à laquelle sont consacrés 300 millions de crédits, constitue un élément de réponse à cette crise mais peut-on la financer seulement à coups d'heures supplémentaires alors que de plus en plus d'enseignants les refusent qu'on ne peut plus leur en imposer qu'une seule ?

Ce constat nous conduit à poser la question de l'organisation du service des enseignants du second degré. Les remplacements courts devraient pouvoir être assurés par l'équipe enseignante mais ce qui est guère facile si le service est défini en heures de cours hebdomadaires. Il serait intéressant d'expérimenter une présence plus longe partagée entre cours, soutien en petits groupes, remplacements de courte durée, entretiens individuels, concertation pédagogique. Même avec une forte prime, cela coûterait moins cher que de créer des postes et de multiplier les heures supplémentaires alors que le nombre d'élèves diminue.

Quant aux remplacements longs, ils ne peuvent reposer sur les seuls titulaires remplaçants car le nombre des absences varie fortement selon les régions, les disciplines et les saisons. Pour les pics d'absence, il faudrait faire appel à des recrutements temporaires ou à une utilisation renforcée des stagiaires des IUFM.

Une concertation renforcée entre enseignants permettrait peut-être aussi de combattre une dérive inquiétante : le recul des études scientifiques. En 1995, les scientifiques représentaient 28,4 % des bacheliers ; en 1999, plus que 25,7 %. Plus grave, de moins en moins d'études secondaires scientifiques débouchent sur des études supérieures scientifiques. En somme, la filière sciences est choisie pour le bon environnement pédagogique qu'elle garantit, mais ensuite les goûts de chacun reprennent le dessus. Les sciences apparaissent désormais plus comme une base de sélection que comme des disciplines attractives.

Les lycéens français ont en moyenne 1 000 heures d'enseignement par an. Seuls les Pays-Bas et l'Espagne atteignent un chiffre comparable, les autres pays européens se contentant de 800 à 900 heures de cours. Cela justifie tout à fait votre décision, Monsieur le ministre, de réformer les lycées sans création de postes : il y a en effet de la marge dans le volume horaire. Les créations de postes -1 000- sont à juste titre réservés aux personnels ATOS et médico-sociaux, ce qui rompt heureusement avec un long passé d'abandon matériel (Protestations sur les bancs du groupe du RPR et du groupe UDF).

Il faut y ajouter 1 000 postes de maîtres d'internat et surveillants d'externat, 5 000 emplois-jeunes apportés au titre des actions contre la violence et 1 500 assistants étrangers, soit plus de 8 000 personnels supplémentaires dans les établissements du second degré, ce qui constitue une amélioration de l'encadrement tout à fait remarquable.

Le souci du cadre de travail, de l'ambiance éclaire ce budget. C'était indispensable car l'enseignement n'est pas seulement la délivrance de contenus disciplinaires, c'est aussi un cadre de travail pour les élèves et pour les personnels. Cela suppose de progresser dans la gestion des ressources humaines, notion dont je constate qu'elle était inconnue rue de Grenelle jusqu'en 1998 ! Mais il faut aller plus loin en ce domaine. Il faut notamment mettre en place des procédures de reconversion pour les enseignants qui ne souhaitent plus enseigner, soit qu'ils aient fait à l'origine un mauvais choix, soit qu'ils se trouvent littéralement épuisés devant les conditions actuelles d'enseignement. Jusqu'à présent, la seule reconversion possible, hors l'entrée à l'Assemblée nationale qui reste malheureusement très limitée, est de devenir chef d'établissement. Or, cette fonction essentielle doit être choisie par vocation et non parce qu'elle constitue un moyen d'échapper à l'enseignement.

Ce budget traduit également un très gros effort en matière de promotion individuelle et de gestion des carrières : plus de 24 000 transformations de postes d'instituteurs en professeurs des écoles, l'accès à la « hors classe » de 15 % des enseignants du second degré, l'amélioration des perspectives de carrière du personnel de l'inspection. Vous tenez vos engagements et il y a là une vraie rupture dans l'histoire de l'Education nationale. Je pense aussi à l'ouverture d'une perspective de carrière aux personnels ouvriers et de service, jusqu'à présent condamnés à la catégorie C. A côté d'une amélioration de leur indemnisation, vous ouvrez pour les meilleurs une perspective de promotion en catégorie B. Cette évolution était nécessaire au bon fonctionnement des établissements.

Je salue avec un peu d'émotion, due à une très longue fréquentation de ce monde, la transformation des 5 000 ouvriers PLP1 en PLP2. Nous voyons ainsi disparaître « par le haut » une catégorie qui a très fortement marqué l'enseignement professionnel.

Nous saluons enfin la titularisation de 3 300 professeurs du second degré. Vous atteignez ce résultat tout en créant 1 000 emplois administratifs et médico-sociaux car 4 270 postes de maîtres d'internat et surveillants d'externat sont supprimés. Il est légitime d'agir ainsi s'agissant d'emplois transitoires, l'essentiel étant que les personnels restent en nombre suffisant pour encadrer les élèves.

Je terminerai par deux v_ux. Il convient d'abord de prolonger les annonces que vous avez faites à propos de la formation initiale et continue des personnels. Aujourd'hui encore, ceux-ci ne sont pas assez préparés au travail en équipe, à la compréhension de la situation des élèves, ni à une gestion déconcentrée qui renforce leurs responsabilités.

Le deuxième v_u porte sur la réforme des enseignements technologiques et professionnels, qui ont été à la base de la démocratisation du second degré. Il existe aujourd'hui 21 baccalauréats technologiques ; il faut réduire leur nombre de moitié. Il convient aussi de donner aux méthodes pédagogiques une réalité technologique plus affirmée. Enfin, il faut résoudre le problème crucial du recrutement de professeurs des disciplines professionnels dans les filières qui embauchent le plus en passant des accords avec elles afin d'assurer à nos lycéens professionnels une formation de qualité (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

M. Yves Durand, rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles - Le budget de l'éducation nationale dépasse pour la première fois les 300 milliards et atteint cette année 308,7 milliards. Il se confirme ainsi comme le premier budget de la nation, et sa progression est remarquable dans un contexte de tassement de la démographie scolaire, plus particulièrement sensible dans le premier degré. Dans ces conditions, l'augmentation des crédits doit mécaniquement permettre une amélioration du service public de l'éducation.

Dans le second degré, malgré la baisse des effectifs, 3 300 emplois nouveaux d'enseignants sont créés. Un plan de résorption de l'emploi précaire -même si celui-ci demeure- est également en cours d'application. 850 emplois de personnels non enseignants, 150 de personnels médico-sociaux, 7 500 emplois non budgétaires permettront d'améliorer l'ensemble du service public de l'éducation. Je note également la création de 1 000 postes de maîtres d'internat et surveillants d'externat, de 1 500 assistants de langue étrangère et les 5 000 emplois-jeunes supplémentaires, qui viendront épauler le personnel enseignant. Ces crédits nouveaux permettront aussi de financer les réformes pédagogiques qui ont été engagées, notamment, dans le second degré, le renforcement de la liaison entre les classes de CM2 et de sixième, l'introduction du tutorat et de l'aide personnalisée pour les élèves de 6ème et de 5ème, la diversification des méthodes d'enseignement en renforçant l'interdisciplinarité. Un programme peu connu mais également très important doit être cité car il permet à l'élève de se sentir chez lui dans la « maison collège ». Il s'agit de la partition des collèges de plus de mille élèves.

S'agissant de la réforme des lycées, les mesures annoncées l'année dernière trouvent leur application dans le budget pour 2000.

Les ATOS étaient jusqu'à présent les grands oubliés de la politique d'éducation et les premières victimes des économies budgétaires. Nous assistons à une rupture avec la tendance des années passées : 854 créations nettes d'emplois d'ATOS sont ainsi autorisées par ce projet de budget, même si ces créations restent insuffisantes au regard des besoins. Il serait souhaitable que puisse être envisagé un plan pluriannuel portant sur l'emploi et les carrières des personnels ATOS.

La deuxième partie de mon rapport porte sur les réflexions du groupe de travail constitué au sein de la commission sur la déconcentration du mouvement des personnels enseignants du second degré. Il s'agissait, pour être exact, d'étudier les incidences du « mouvement national à gestion déconcentrée ».

Le « mouvement » désigne, au sein du ministère de l'éducation nationale, l'ensemble des procédures administratives qui organisent les mutations du personnel enseignant, d'éducation et d'administration sur l'ensemble du territoire. Outre les mutations au sens strict, il prend en compte les premières affectations des stagiaires et les réintégrations.

La réforme de cette procédure était un élément essentiel de la politique de déconcentration voulue par M. le ministre. Elle a été mise en _uvre pour la première fois à la dernière rentrée scolaire et il est possible d'en dresser aujourd'hui un premier bilan. Le groupe de travail mis en place au sein de notre commission s'est intéressé plus particulièrement à trois académies, qui ont paru représentatives ou significatives : celle de Lille, qui se caractérise par un taux élevé de départs, celle de Montpellier pour la raison exactement inverse, et celle de Créteil qui pose des problèmes spécifiques.

Quelles conclusions tirer de cette première expérience de déconcentration ? Jusqu'en 1998, alors que les mutations dans le primaire étaient déjà déconcentrées, celles des enseignants du second degré se faisaient au niveau national par discipline avec un mouvement général portant sur l'ensemble des demandes et des postes vacants, selon un barème, et un mouvement particulier quelque peu opaque. Ce système était critiqué en particulier en raison de l'éloignement entre l'administration et l'enseignant. Pourquoi, disait-on, passer par Paris, pour aller de Roubaix à Tourcoing ? En outre ce mouvement, qui n'avait de national que le nom était peu efficace. La nouvelle procédure déconcentrée a effectivement rapproché administration et enseignants et permis des progrès sensibles dans la gestion du personnel. Le groupe de travail juge donc qu'il faut le poursuivre. Certaines craintes se sont révélées vaines : la déconcentration n'a pas freiné le mouvement, et le paritarisme a parfaitement fonctionné.

Le système est bon, donc, et nos réflexions ont eu pour objet de l'améliorer encore.

D'abord les chefs d'établissement ont pu avoir le sentiment d'être spectateur. Cela ne vaut pas que pour le mouvement. C'est tout le rôle du chef d'établissement en général qu'il faut revoir.

Nous suggérons par ailleurs d'avancer la procédure d'une quinzaine de jours pour que le mouvement soit terminé avant les vacances, ce qui éviterait des problèmes comme il s'en est posé à Créteil et ailleurs.

Avec la déconcentration, les problèmes se règlent en grande partie au niveau des rectorats. Il faut donc renforcer leurs moyens en personnels, par transfert de l'administration centrale, afin de permettre une meilleure écoute des enseignants. Cette année elle n'a pas été à la hauteur des exigences.

Enfin, la déconcentration doit aussi permettre d'affecter les enseignants là où ils répondront le mieux aux besoins. Trop de jeunes enseignants ont pour première affectation les postes les plus difficiles. Ils les refusent et partent rapidement. Sur ce point, nous n'allons pas au bout de la logique du système. Néanmoins, la première expérience de déconcentration est réussie. La commission des affaires sociales l'apprécie et a émis un avis favorable sur ce budget (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe communiste).

M. Jean-Pierre Baeumler - Ce budget augmente de 3,56 % et dépasse pour la première fois les 300 milliards. Il confirme la priorité donnée par le Gouvernement à l'éducation, à la jeunesse, donc à l'avenir. Dans un contexte de maîtrise des dépenses publiques et de baisse du nombre des élèves, cela mérite d'être souligné.

A titre de comparaison, en 1996 les crédits de l'enseignement scolaire avaient été réduits de 1,47 % et en 1997, 5 212 postes supprimés. Le Gouvernement a relevé le défi de l'école de la République. Cela supposait de courageux arbitrages politiques. On les retrouve dans les priorités de ce budget.

D'abord, le taux d'encadrement des élèves s'améliore. Dans le primaire, les effectifs ont diminué de 300 000 élèves en dix ans, et aucun poste n'est supprimé. On peut donc réduire les effectifs par classe. Dans le Nord, ils sont passés à 25 par maternelle de ZEP, tous les enfants de deux ans sont accueillis à l'école, le taux d'encadrement est maintenu en primaire.

Dans le secondaire la création de 3 300 postes permettra de titulariser de nouveaux maîtres-auxiliaires.

Pour autant, il faut inscrire votre politique de recrutement dans une perspective pluriannuelle afin de satisfaire les besoins et de faire face aux départs massifs en retraite sans avoir à recourir à des contractuels.

Ce budget programme également la transformation de 10 000 CES en CEC et la création de 850 postes de personnels ou enseignants. Il permettra de recruter 1 000 MI-SE, 1 500 assistants de langue, 5 000 emplois-jeunes. L'utilisation des aides éducateurs est un succès. Mais il faut mieux les former, les orienter, veiller à leur insertion professionnelle. Les conventions signées avec de grands groupes industriels sont à cet égard une démarche exemplaire.

La deuxième priorité est de mettre en place les réformes indispensables pour moderniser notre système éducatif. La réforme de l'enseignement primaire est engagée, sur la base du volontariat. Il faudra la coordonner avec les contrats éducatifs locaux. L'accent est mis sur une meilleure organisation du temps et des rythmes scolaires, le développement des activités sportives et culturelles, l'accès aux nouvelles technologies et aux langues étrangères, mais surtout l'apprentissage des savoirs fondamentaux dont l'acquisition constitue un atout déterminant.

On renforce aussi la lutte contre l'illettrisme et le dépistage systématique des difficultés. On privilégie l'aide individuelle. Aucun talent ne doit être négligé, disait Condorcet.

La réforme attendue des collèges et lycées est également mise en _uvre. Nous regrettons qu'elle figure au budget sous forme de crédits d'heures supplémentaires, l'année où l'on réduit le nombre d'heures supplémentaires obligatoires. Nous aurions préféré développer le tutorat sur le temps de service des enseignants.

Reste à confirmer, au-delà de la remarquable campagne menée avec Aimé Jacquet, les engagements pris en faveur de l'enseignement professionnel. Enfin, il faudra se soucier de l'évaluation de ces réformes, établissement par établissement.

La troisième priorité est d'améliorer les carrières car on ne peut bâtir l'école de la qualité sur le découragement et l'incertitude professionnelle.

C'est en nouant un dialogue fructueux avec le personnel de l'éducation nationale et avec ses organisations syndicales que nous construirons l'école moderne et ouverte dont notre société a besoin.

Nous nous félicitons que ce budget accélère l'intégration des instituteurs dans le corps des professeurs des écoles, revalorise le taux de la première HSA, pour ne citer que ces mesures, mais j'appelle votre attention sur certaines revendications urgentes. Je pense aux directeurs d'école qui attendent la décharge de service indispensable pour remplir pleinement leur mission et pour rendre ces postes attrayants, 4 000 sont actuellement vacants. Il faut aussi réfléchir au statut juridique de nos écoles primaires.

Je pense aussi aux personnels d'inspection et surtout de direction du second degré. Les chefs d'établissement voient leurs tâches s'accroître sans que leurs moyens aient augmenté de manière significative.

Je pense enfin aux personnels ATOS et à la formation continue des personnels qui doit être développée et diversifiée.

Quatrième priorité : la solidarité. Elle suppose une relance de la politique des ZEP et la mise en place des REP. Il s'agit, comme le rappelait le Premier ministre en juin 1997 « de donner plus de moyens lorsque la tâche est plus difficile, d'encadrer davantage lorsque la contrainte sociale est grande ».

La solidarité, ce sont aussi des décisions audacieuses en faveur des bourses.

Toutes ces mesures traduisent une volonté d'assurer le mieux possible la gratuité de notre enseignement.

La solidarité impose aussi de poursuivre l'application du plan de lutte contre la violence, qui commence à porter des fruits grâce à une coopération plus étroite entre l'école, la justice, les forces de police et de gendarmerie. Des mesures nouvelles sont également prises pour améliorer l'encadrement humain des établissements sensibles, et le régime indemnitaire des personnels affectés dans les unités pédagogiques d'intégration et les classes relais

La solidarité, ce sont également les nouvelles mesures annoncées pour l'intégration des élèves handicapés dans les établissements scolaires, les efforts poursuivis en matière de santé scolaire avec la création de 150 postes de personnels médicaux-sociaux.

Il reste la question difficile des médecins scolaires : la création de 10 postes supplémentaires ne suffit pas pour satisfaire les besoins.

La solidarité, c'est enfin le Plan national d'action pour l'emploi et le programme « Nouvelles chances » qui permettront de prendre en charge des élèves sortis sans qualification du système scolaire.

Nous approuvons l'analyse et les propositions de notre rapporteur Yves Durand sur la déconcentration du mouvement des personnels du second degré qui a été techniquement réussie. Les avantages de la réforme sont largement reconnus : amélioration du taux de satisfaction des enseignants mutés, stabilisation des titulaires académiques, meilleure adéquation des enseignants et des établissements, dialogue accru entre les personnels et les services rectoraux... Le système peut cependant encore être amélioré, notamment en ce qui concerne la première affectation des nouveaux titulaires. 23 % ont été nommés dans l'Académie de Créteil, souvent sur des postes difficiles. Ne peut-on instituer un barème spécifique ? L'implication plus grande des chefs d'établissements dans le mouvement mérite également d'être étudiée.

En conclusion, ce budget traduit une volonté forte de poursuivre la rénovation du système éducatif engagée depuis juin 1997. Outre la priorité accordée à l'éducation et à la formation, il témoigne du souci constant de placer l'enfant au c_ur du système éducatif.

Oui, l'école est un des ciments de la République garantissant à tous un égal droit d'accès au savoir, avec une attention aux talents, mais aussi aux difficultés et aux handicaps de chacun. C'est cet idéal de la République que nous retrouvons dans ce budget que le groupe socialiste votera (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe RCV).

M. André Schneider - L'instruction et l'éducation de nos enfants sont déterminants pour l'avenir de notre pays. L'école de la République, telle que nous la concevons, doit être le lieu d'intégration le plus efficace, le creuset où l'égalité des chances doit propulser chaque enfant vers un avenir meilleur.

Dans cette noble perspective, que nous proposez-vous, Madame la ministre ?

Un budget en augmentation de 3,5 % qui, dépassant les 300 milliards, est le premier budget de la nation. C'est bien ; je le reconnais volontiers. Je vous accorde aussi une apparente augmentation du taux d'encadrement, résultant de la stabilité des moyens en personnel et de la baisse du nombre d'élèves accueillis. Tout est-il donc pour le mieux dans le meilleur des mondes ? Hélas, loin s'en faut !

L'article premier de la loi d'orientation de 1989 à laquelle, Monsieur le ministre, vous n'êtes pas tout à fait étranger, affirme que si l'éducation est la première priorité nationale, il y a lieu d'éviter les effets d'annonce pour se recentrer sur l'élève et les moyens nécessaires pour atteindre cet objectif ambitieux. Avez-vous respecté cet impératif ? Le volume de ce budget pourrait le laisser croire, mais c'est en réalité un budget de reconduction. Sur les 10,75 milliards de crédits supplémentaires, 47 % financent l'augmentation du volume des retraites, 19 % les accords salariaux, 11 % l'extension des mesures prises en 1999, 3 % l'aide individualisée en 6ème, 5ème, seconde, 3 % le rétablissement du taux de la 1ère HSA et de l'indemnité CPGE, 17 % seulement sont des moyens nouveaux, soit 1,851 milliard ! Autrement dit, si l'on tient compte de l'augmentation du PIB, votre budget est proportionnellement en régression (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste).

Prenons l'exemple des aides éducateurs : votre effort pour lutter contre le chômage des jeunes est certes louable. Mais vous créez ainsi une nouvelle forme de précarité et vous demandez aux 65 000 jeunes qui ont été embauchés depuis 1997 d'accomplir des tâches éducatives pour lesquelles ils ne sont pas formés. En outre, cela coûte plus d'un milliard, ce qui obère l'augmentation de votre budget et fait obstacle à la création d'emplois budgétaires, lesquels pourraient être occupés par des fonctionnaires titulaires bien formés. Enfin, vous avez signé un accord cadre avec sept entreprises qui s'engagent à embaucher 3 600 de vos aides éducateurs au cours des deux ou trois ans à venir. 3 000 ou 4 000 autres devraient être intégrés dans la fonction publique. Mais que deviendront les 57 000 restants ? Comment paierez-vous leurs indemnités de chômage ?

D'autre part, vous annoncez la création de 3 300 emplois d'enseignants du second degré, 1 000 postes de non enseignants et 1 000 postes de surveillants. En réalité, il s'agit, non pas de création de postes mais d'un redéploiement interne, notamment de 4 300 postes de MISE. Bref, la progression est nulle. Seuls augmentent les postes de vacataires, c'est-à-dire la précarité, contrairement à vos engagements. Selon notre rapporteur, 12 millions d'élèves et 1,1 million d'agents, soit plus de 20 % de la population sont concernés par ce budget. Que leur devons-nous ? Du bonheur. Rendez agents et usagers d'un service public heureux et ils deviendront équilibrés, performants et efficaces.

Or les élèves sont inquiets, comme l'attestent les manifestations lycéennes. Les professeurs dépriment car leurs conditions de travail sont de plus en plus difficiles. Les personnels ATOS sont en grève, notamment dans les restaurants scolaires. Les personnels de direction sont les grands oubliés du système, fusibles bon marché d'une République ingrate. Enfin, les parents sont mécontents. S'agissant des lycéens, statistiquement, le pourcentage d'encadrement est meilleur que l'an passé, mais les disparités sont très grandes selon les établissements. Leurs horaires : 1 000 heures en moyenne au lieu de 900 dans les autres pays. Certaines options ne sont plus assurées. L'enseignement technique est le parent pauvre du système. Le personnel enseignant, ce corps de fonctionnaires remarquable auquel nous sommes nombreux sur ces bancs à être fiers d'appartenir, est déprimé. Tous les syndicats sont unanimes sur ce point.

Les personnels ATOS sont en nombre insuffisant. Vous en créez 853 alors qu'il en manque 8000. Certes, cette situation n'est pas nouvelle, mais à l'heure où violence et insécurité règnent dans nos collèges et lycées, leur rôle et leur présence en nombre suffisant sont déterminants.

Quant aux personnels de direction, ce sont les grands oubliés. Dans le premier degré, leurs responsabilités sans cesse croissantes s'accompagnent de compensations ridicules. En conséquence, des milliers de postes sont vacants ! Dans le second degré, la détérioration des conditions de travail des personnels de direction alliée à l'augmentation de leur responsabilité civile et pénale, leur rôle évident de « fusible » du service éducatif, entraînent un désintérêt compréhensible pour ces fonctions. Quant aux parents d'élèves, ils revendiquent la gratuité, la baisse des effectifs par classe, l'éradication de la violence à l'école, et des services sociaux et de santé de qualité, sans parler de la scolarisation des enfants handicapés.

Revenons un instant sur les services sociaux et de santé, domaine sinistré. Avec un médecin pour 7 000 élèves, la santé des enfants est-elle vraiment une priorité nationale ? Quid de « l'esprit sain dans un corps sain » ? Il y aurait encore beaucoup à dire, mais le temps manque, sinon pour souligner que l'école de la République va mal, et que ce système éducatif que le monde entier nous envie va mal. Il faut donc réagir pendant qu'il en est encore temps. Peut-on accepter encore longtemps qu'un enfant sur trois ne sache pas correctement lire à l'entrée en 6ème ? Peut-on encore longtemps accepter qu'une proportion croissante de nos élèves aille à l'école la peur au ventre ? Certes, les problèmes ne sont pas que de crédits, mais aussi de gestion. Alors, de grâce, donnez à notre école tous les moyens de préparer l'avenir de nos enfants, pour qu'elle redevienne l'école de la réussite ! Elle ne l'est pas, et c'est pourquoi le groupe RPR votera contre le budget que vous nous proposez (Applaudissements sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL).

M. René Couanau - A entendre les orateurs de la majorité plurielle, je me suis demandé d'où viennent ce désenchantement, cette atonie, ce peu d'enthousiasme. Le charme est manifestement rompu, parce qu'ils ont compris, comme la plupart des enseignants et des parents, qu'il y a deux ministères à l'éducation nationale : celui de la parole, des intentions, des coups de gueule parfois, des colloques, des plans et des chartes... Et le ministère de la routine, de l'inertie, du manque d'ambition, de l'anti-réforme.

Ce budget est un révélateur qui traduit bien la réalité, à savoir le calme plat, dont on comprend qu'il ne soit guère stimulant.

Voici bien, en effet, un budget de routine : la machine continue sur sa lancée, et l'augmentation de 3,5 % par an, permet des mesurettes d'ajustement qui donnent l'illusion d'innover alors qu'elles ne sont que rafistolages et expédients.

Sur les dix milliards de francs supplémentaires annoncées, huit milliards et demi traduisent l'incidence automatique de mesures décidées les années précédentes, ce qui laisse un milliard et demi de marge de man_uvre pour innover et réformer, soit 0,5 % de la masse budgétaire ! Encore la moitié de cette somme correspond-elle à des mesures indispensables à la bonne marche du système, mais insuffisantes. Voilà qui ne permet guère de susciter ou même d'accompagner le changement !

Passons sur les quelques créations de postes dans le second degré et sur l'inévitable recours à de nouveaux emplois jeunes, dont chacun sait que rien n'est fait pour leur donner une formation sérieuse.

M. Patrick Leroy - Ce n'est pas ce qu'a dit M. Schreiner !

M. René Couanau - Parlons plutôt de la fameuse équation budgétaire que vous nous opposez : « moins d'élèves, donc moins de professeurs », qui est le seul langage pédagogique parlé à Bercy, à moins que vous ne fassiez vôtre, vous aussi, cette idée reçue.

Certes, à l'école primaire, les effectifs baissent, au plan national et, certes, apparemment, le nombre d'enseignants reste sensiblement le même, toujours au plan national. Mais l'on ne peut oublier trois données essentielles, la première étant ce que vos inspecteurs d'académie appelle la « viscosité » du système. Gérés par départements, les postes du premier degré ne peuvent que pour une très faible part être transférés dans d'autres départements où les effectifs, pourtant, réclameraient des postes nouveaux. On le comprend bien pour les écoles rurales, qu'il faut maintenir, mais la règle vaut pour toutes les écoles.

D'autre part, l'ajustement se fait par la scolarisation à deux ans en maternelle. Si des moyens sont dégagés par la baisse d'effectifs dans certains départements, ils permettent d'accueillir dès deux ans davantage d'enfants en maternelle. Mais comme votre doctrine est floue, les redéploiements attendus ne se font pas.

Enfin, le ministère ne dispose pas de la marge de man_uvre destinée à faire face aux progressions d'effectifs, puisque les moyens ne peuvent être transférés. Il en résulte, dans les départements à forte progression démographique ou qui connaissent de forts mouvements de population, et j'en sais quelque chose en Ille-et-Vilaine, une situation absurde, car les fermetures de classes se font avec des effectifs moyens bien supérieurs à ceux qui sont retenus à quelques kilomètres de là, dans un département voisin.

Marie-Thérèse Boisseau et moi-même, nous avons appelé dix fois votre attention sur cette situation qui se traduit, pour nombre d'écoles du département, par des effectifs de 28 élèves en CP ou de 32 en CE2. Comment voulez-vous, dans ces conditions, que les enseignants puissent s'intéresser à chaque élève ?

J'ai également cité, Madame la ministre, l'exemple d'une école de ZEP, accueillant de surcroît des élèves handicapés, dont une enseignante, nommée à la rentrée, a été transférée d'urgence vers un poste de directrice dans une école voisine, faute de volontaire. Dans ce cas précis, l'inspecteur d'académie a encore préféré la gestion simpliste des personnels aux objectifs pédagogiques et au contrat dit «de réussite» passé avec les enseignants de cette école.

Une révision urgente des procédures et des critères de répartition des moyens s'impose pour rétablir l'équité et l'égalité des chances.

De même, dans le second degré, comme vous ne pouvez l'ignorer, les remplacements à assurer sont de plus en plus nombreux et ils le sont de moins en moins... Or, à ces lacunes, ce budget n'apporte aucune correction. Pourtant, les corps d'inspection n'ont pas manqué de vous alerter en soulignant, comme je le fais à nouveau, que la formation continue des enseignants pâtira aussi de ces manques, faute de remplacements possibles.

Budget de routine donc, et qui pousse l'inertie, ou l'incohérence jusqu'à ne faire financer le changement que par des heures supplémentaires.

C'est un comble que de lancer ce que vous appelez les grands chantiers de la réforme des lycées et des écoles alors que les seuls moyens dont vous disposez sont quelques centaines de millions destinés à financer des heures supplémentaires dans les lycées et dans les collèges !

Quelle pérennité pensez-vous pouvoir assurer à une réforme fondée sur le seul volontariat et les heures supplémentaires dont, heureusement, vous avez relevé le taux, corrigeant votre erreur antérieure ?

Le changement par la précarité : c'est décidément le nouveau principe qui régit l'Education nationale !

Ce budget ne permet de répondre à aucune des graves questions en suspens ; ainsi rien n'est dit de la poursuite de la déconcentration des mouvements des personnels du second degré. Avez-vous l'intention de régionaliser les postes mis au concours ? Une autre question est celle de la formation pratique des futurs enseignants dans les IUFM dont chacun s'accorde à reconnaître qu'elle n'est pas bonne. Que dire, encore, des quelques dix mille postes de direction d'écoles sans candidats, si bien qu'y sont affectés des enseignants sans expérience ? Comment, dans ces conditions, développerez-vous la pédagogie dans les écoles ?

Bien d'autres questions demeurent sans réponse, faute d'être traitées dans ce budget : celles des lycées professionnels, de la santé scolaire, de la sécurité des établissements, de l'enseignement des langues régionales alors que de plus en plus d'ouvertures de classes bilingues sont refusées par votre ministère, celle, enfin, des réseaux d'aide spécialisée.

Autant d'incertitudes qui provoquent le doute chez les personnels enseignants et chez les parents.

De quel avenir est donc porteur ce budget anodin ? A force de vouloir afficher une réforme à « moyens constants », prenez garde de ne pas faire de réforme du tout !

L'orientation pédagogique dominante est devenue celle de l'aide personnalisée et de la pédagogie différenciée. Fort bien ! Mais si les moyens n'y sont pas, cette pédagogie déclinera à son tour, malgré l'engagement de beaucoup d'enseignants. Elle deviendra une méthode supplétive appliquée à quelques cas difficiles et la pédagogie traditionnelle, qui n'a pas que des défauts, reprendra ses droits. Faute d'avoir dégagé les moyens de réformer, c'est la réforme elle-même qui deviendra suspecte et qui sera rejetée au profit d'une autre, encore et encore.

Combien de générations d'élèves, à la charnière de chaque réforme, verront les plus faibles d'entre eux, retrouver les chemins de l'échec que l'école, malgré ses succès, n'a pas su éviter, loin de là.

C'est aujourd'hui qu'il faut prendre parti. Ou vous optez pour le changement et alors vous ne pouvez vous contenter d'une simple continuité budgétaire, ou vous cherchez à concilier une politique budgétaire inchangée et une politique pédagogique de simple affichage. C'est ce dernier choix que vous semblez faire. C'est pourquoi le groupe UDF ne votera pas votre budget (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF, du groupe du RPR et du groupe DL).

M. Claude Goasguen - Le budget de l'éducation nationale a souvent été perturbé par des aléas de conjoncture qui ont sans doute retardé les nécessaires réformes de notre système éducatif. Ce n'est plus le cas aujourd'hui et le recul démographique constitue désormais un élément essentiel à prendre en compte.

Le budget de l'enseignement scolaire est en augmentation de 2,6 %, ce que je me garderai bien de vous reprocher car le système éducatif doit être traité comme une question prioritaire : c'est un investissement pour la nation. Sa part du PIB, qui est de 7 % est correcte au regard de la norme chez nos voisins européens.

Pour autant, notre système donne-t-il satisfaction ? Je ne souhaite pas verser dans le catastrophisme, car indéniablement, dans certains secteurs, la France a développé un modèle exemplaire. Cependant, il y a des points noirs comme la dualité de plus en plus marquée de notre système éducatif et l'accentuation des inégalités d'accès. L'illettrisme est le symptôme le plus manifeste de ce mal.

Ces nouvelles données imposent une réflexion qualitative plus que quantitative. Or, en la matière, votre budget nous laisse sur notre faim. Ainsi, la crise des lycées professionnels prend de l'ampleur car si « l'effet Jacquet » s'est traduit par l'augmentation du nombre d'inscrits, les établissements n'ont pas été dotés des moyens suffisants. A cet égard, les crédits ne trompent pas. Et si vos conférences de presse et vos discours, Monsieur le ministre, disent la nécessité de changements, la réalité budgétaire ne les traduit pas.

Point n'est besoin non plus d'insister sur les insuffisances de la médecine scolaire. De même, le manque de personnels de direction correctement formés est criant : en toute hypothèse, quatre mille au moins font défaut -on parle même de dix mille dans le primaire. Les chefs d'établissement seront pourtant appelés à jouer un rôle essentiel dans la déconcentration que vous appelez de vos v_ux et que nous approuvons, sinon dans le tour que vous lui avez donné, du moins dans son principe.

S'agissant des personnels de service, en dépit de ce que prétendent certains qui jugent exceptionnel l'effort consenti en leur faveur dans ce budget, la situation est mauvaise. Leur présence en nombre suffisant est pourtant essentielle à la qualité de vie dans les établissements. Malheureusement dans ces emplois, la précarité prévaut au détriment du statut et de la stabilité.

Monsieur le ministre, votre budget est statique. Ce n'est plus qu'une masse d'argent dont vous n'avez plus la maîtrise. Et la politique néfaste des emplois-jeunes a encore aggravé la situation, lestant le système pour des années. Votre décision d'y recourir nous a en outre privés d'un grand débat national sur le recrutement des aides éducateurs. Vous avez choisi de réduire les chiffres du chômage des jeunes, soit, mais ce choix vous a conduit à passer délibérément sous silence la question de la qualification de ces personnels chargés d'aider les professeurs. 

Je ne m'attarderai pas sur la violence. Mais votre budget ne comporte que 5 000 emplois-jeunes alors que, vous en aviez promis 10 000 à la sortie du Conseil de sécurité intérieure. Certes, le problème n'appelle pas seulement des réponses quantitatives. L'inspection générale de l'éducation nationale, qui n'est pas réputée pour l'exagération de ses propos, souligne que ce phénomène ne se limite pas aux zones sensibles et pose fondamentalement la question, au-delà de la discipline, de la citoyenneté.

Je terminerai en reprenant quelques-unes des conclusions de la commission d'enquête de nos collègues sénateurs. Celle-ci jugeait à juste titre, le budget de l'éducation nationale totalement obscur. En effet, les emplois n'y correspondent pas à des postes : j'en veux pour preuve les transferts opérés des MA sur les MI-SE et des MI-SE sur les emplois-jeunes. L'écart va croissant entre ce que croient voter les députés et la réalité sur le terrain. Qu'en est-il des emplois délégués ? Des créations sans contrôle d'emplois rectoraux grâce aux dotations globales horaires ? Des titulaires académiques ? Du contrôle national des emplois, dont on parle sans cesse mais qui jamais n'est institué ?

Le ministère de l'éducation nationale est devenu celui de la cavalerie budgétaire. Vous avez totalement ignoré les conclusions, tout à fait judicieuses, de la commission d'enquête sénatoriale qui recommandait l'élaboration d'une jaune budgétaire qui permettrait d'y voir plus clair s'agissant des détachements, des remplacements ou des statuts. Si je vous fais cette remarque, ce n'est pas dans un seul souci comptable mais bien parce que cette obscurité, qui coupe court à tout débat parlementaire, rend un mauvais service à l'éducation nationale. Le Parlement peut-il continuer plus longtemps d'être tenu à l'écart d'un sujet aussi essentiel que la pédagogie, pourtant aujourd'hui tabou ? Peut-on réserver la pédagogie aux seuls spécialistes et inviter les parlementaires à se reporter à l'immense fatras réglementaire la concernant ? La vision du Parlement ne peut pas se limiter au bleu budgétaire dont ni le ministre, ni aucun membre de son administration ne sait, et pour cause, ce qu'il contient exactement et ce qu'il signifie comme postes sur le terrain ! Comment, dans ces conditions envisager de réformer notre système éducatif ? Et s'étonner que les élèves et les parents d'élèves se conduisent à l'égard de l'école comme des consommateurs ? Il ne peut en être autrement dans un système que l'on veut garder opaque.

Un député socialiste - Il faut déconcentrer !

M. Claude Goasguen - Bien sûr, nous trouvons même que vous n'allez pas assez loin en ce domaine (Protestations sur les bancs du groupe socialiste : « vous ne l'avez pas fait ! ») Laissez-moi terminer, je vous prie. Je ne suis pas ici, comme d'autres, pour passer du cirage et entretenir la désinformation ! (Applaudissements sur les bancs du groupe DL, du groupe UDF et du groupe du RPR).

Monsieur le ministre, vous avez qualifié la rentrée 1999 d'exemplaire. Force est pourtant de constater, comme l'ont révélé les incidents qui se sont multipliés, que l'on était loin du zéro défaut et qu'au contraire les difficultés matérielles, que vous avez depuis reconnues, s'étaient accumulées dans les établissements. Vos services administratifs ont de surcroît tenté de retenir le plus possible l'information. Cette attitude dessert profondément l'Éducation nationale. Le débat sur ce sujet devrait être le plus ouvert dans la nation. Or, il est, depuis des décennies, réservé à des spécialistes et à des administrateurs qui masquent la réalité du système à ceux qui en sont les acteurs. Je souhaite donc que le bleu budgétaire, aujourd'hui totalement incompréhensible, soit profondément transformé l'an prochain et que l'on puisse tenir un véritable débat, chaque année, sur l'éducation nationale. Pour toutes ces raisons, le groupe Démocratie libérale votera contre ce budget (Applaudissements sur les bancs du groupe DL, du groupe UDF et du groupe du RPR).

M. Bernard Outin - Depuis Jules Ferry, bien des ministres de l'instruction publique d'abord, de l'éducation nationale ensuite ont eu la charge qui est la vôtre aujourd'hui. Bien des réformes ont été décidées pour adapter l'école aux évolutions de la société... ou aux choix budgétaires de la majorité en place.

« La charte pour l'école du XXIème siècle », « un collège unique pour tous plus juste », « le lycée du XXIème siècle » intégrant le lycée professionnel : autant de chantiers lancés depuis 1997-1998.

Votre objectif d'adapter l'école, le collège et le lycée de la République au monde moderne pour former des citoyens autonomes et responsables, insérés dans la vie sociale et professionnelle est un objectif que beaucoup d'entre nous partageons sur ces bancs.

Vos réformes sont de nature à favoriser l'égalité des chances. Jacques Brel chantait : « fils de bourgeois ou fils d'apôtre, tous les enfants sont comme les nôtres ce n'est qu'après,... » Nous parlons, nous, « d'égalité des chances » car nous savons que les conditions de vie pèsent lourdement sur les chances de certains enfants. A mesure qu'ils grandissent, l'inégalité des chances se creuse. Il est de la responsabilité du système scolaire de corriger cette tendance.

Cela dit, ce projet de budget nous laisse un peu sur notre faim car les moyens ne sont pas tout à fait à la hauteur des besoins. Il comporte un crédit de 240 millions pour l'aide personnalisée en 6ème et 5ème et un autre de 53 millions pour l'aide individualisée au lycée, malheureusement tous deux en heures supplémentaires. Alors que le Gouvernement a fait de la lutte contre le chômage sa priorité, il serait préférable de créer autant de postes que ces crédits le permettent.

Si un volume d'heures supplémentaires est nécessaire, il doit être limité. Or, avec 5,6 milliards prévus à ce titre, les heures supplémentaires augmenteront de 10 % en 2000. La transformation d'un tiers seulement d'entre elles permettrait de créer 15 000 postes.

Le développement de l'accès aux technologies de l'information et de la communication dans les collèges ne peut pas s'appuyer sur les seuls conseils généraux et l'effort de 7,5 millions fait par le ministère pour l'informatique pédagogique est largement insuffisant. Décuplé, il aurait été un signe fort adressé aux enseignants. Il y va pourtant en ce domaine de l'égalité des chances.

Au nom de l'égalité des chances, nous approuvons les engagements pris en faveur de ce principe de l'intégration des enfants handicapés en milieu ordinaire.

Ces efforts doivent trouver leur traduction dans la formation des personnels spécialisés d'autant que la situation des réseaux d'aide reste préoccupante.

L'année dernière, la Fédération des conseils des parents d'élèves intervenait auprès du Premier ministre pour que soient supprimés les droits d'inscription aux examen et concours. C'est chose faite dans ce budget pour le second degré. Cette mesure de justice sociale devrait être complétée de façon à assurer la gratuité du service public d'éducation. Ainsi, la gratuité des livres scolaires et, en lycée professionnel, des équipements personnels nécessaires à la formation serait une première traduction des propos du ministre sur l'amélioration de la condition des élèves, en particulier pour ceux dont la famille n'est pas des plus aisées.

La déception est grande chez certaines catégories de personnels de l'éducation nationale. Certes, 3 300 emplois d'enseignants du second degré sont créés, conformément au plan de résorption de l'emploi précaire, mais cela reste insuffisant en particulier pour faire face à l'afflux d'élèves en lycées professionnels. Il faut dire que la campagne de promotion de l'enseignement professionnel, avec la participation médiatique d'Aimé Jacquet, a été une réussite. Mais pourquoi lancer une telle campagne si les moyens ne suivent pas ? Assurément, ses résultats sont allés au-delà de vos prévisions.

Compte tenu de l'évolution démographique des élèves et du maintien du nombre de postes d'enseignants, il devrait être possible d'améliorer la scolarisation des moins de trois ans et le taux d'encadrement. Toutefois, le manque de professeurs dans certaines disciplines comme l'anglais ou les sciences physiques souligne la nécessité d'une gestion prévisionnelle des effectifs. Cette nécessité vaut aussi pour les personnels ATOS, surtout si vous voulez, Monsieur le ministre, vous rapprocher de l'objectif « zéro défaut ».

La transformation de 10 000 contrats emploi solidarité en 10 000 contrats emploi consolidé ne peut faire oublier qu'il reste encore 50 000 personnes en CES, soit l'équivalent de 25 000 emplois. Alors que les collectivités locales ont construit, agrandi ou rénové les établissements, l'Etat n'a pas, dans le même temps, créé assez de postes pour en assurer l'entretien. C'est pourquoi les chefs d'établissement sont contraints, trop souvent, de faire appel au dispositif des CES.

La création de 150 emplois de personnels médico-sociaux est insuffisante au regard des besoins, sur lesquels le Parlement des enfants a attiré notre attention. M. Birsinger y reviendra.

En tout état de cause, la réussite des réformes engagées passe par la création d'emplois stables et par la présence d'adultes en nombre suffisant dans les collèges et lycées -en particulier si l'on veut lutter contre la violence.

Cependant, ce budget reste le premier des budgets de l'Etat et progresse de 3,5 %, ce qui témoigne de la priorité donnée par le Gouvernement à l'enseignement scolaire. Plusieurs mesures positives sont à souligner, à commencer par le maintien du nombre d'instituteurs et de professeurs malgré une baisse démographique de 30 000 élèves. On sait bien que face à une telle situation, une majorité de droite avait fait un autre choix. L'accélération de l'intégration des instituteurs dans le corps des professeurs d'école -24 000 instituteurs intégrés en 2000 contre 14 000 en 1998-1999- constitue aussi une bonne mesure, de même que la création de 1 500 postes d'assistants de langues étrangères, de 5 000 postes d'aides éducateurs, de 1 000 postes de personnels ATOS et de 1 000 emplois de maîtres d'internat-surveillants d'externats.

Enfin, la carrière des personnels ATOS connaîtra une amélioration et l'an 2000 coïncidera avec l'extinction de la catégorie des professeurs de lycée professionnel du premier grade. Mais il ne faudrait pas oublier les promesses qui ont été faites à ceux d'entre eux qui sont partis à la retraite.

Au total, nous constatons des progrès sensibles dans ce budget. C'est pourquoi, alors que nous nous étions abstenus l'an dernier, cette année nous voterons pour (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste, du groupe socialiste et du groupe RCV).

Mme Huguette Bello - La décennie qui s'achève aura vu les résultats scolaires s'améliorer sensiblement à la Réunion. Ainsi, plus de la moitié d'une génération atteint désormais le niveau du baccalauréat contre moins du tiers il y a douze ans. Il faut voir là les conséquences des efforts entrepris par les pouvoirs publics et de l'attitude des parents qui savent que la formation constitue la meilleure chance d'avenir pour leurs enfants.

Mais des efforts restent à faire pour que soient atteints les mêmes pourcentages de réussite qu'en métropole.

A l'initiative du ministre de l'éducation nationale, un plan de rattrapage sur quatre ans a été lancé en 1997 pour combler l'énorme retard des taux d'encadrement scolaire de notre académie. Ses résultats sont loin d'être négatifs. Mais le rattrapage aurait été plus rapide et plus efficace si simultanément des mesures avaient été prises pour réduire le coût prohibitif du fonctionnement de l'éducation nationale à la Réunion. Cette année, sept cents professeurs ont été nommés dans l'île. Sans prendre en compte la surrémunération de 53 % en vigueur dans la Fonction publique, je voudrais évoquer les crédits qui ont accompagné la mutation de ces sept cents enseignants. Les dépenses se décomposent en trois postes.

Il y a d'abord la prime dite d'éloignement qui, servie aux sept cents nouveaux enseignants, occasionne pour l'Etat, dans l'hypothèse la plus basse, une dépense d'environ 190 millions. Cette prime correspond au versement à chaque agent muté d'une somme équivalent à douze mois de salaire. Elle est servie en trois tranches de quatre mensualités chacune. S'il a une famille, le fonctionnaire voit chacune de ces tranches augmentée d'un mois de traitement pour son conjoint et d'un demi-mois pour chaque enfant à charge.

Il y a ensuite les remboursements des voyages des fonctionnaires et de leurs familles qui, en 1999, correspondent, toujours pour ces sept cents enseignants, à une dépense d'environ huit millions.

Il y a enfin les frais de déménagement qui peuvent être estimés à vingt-cinq millions. Au total, l'arrivée des sept cents enseignants représente, sans compter les salaires, une dépense de 223 millions.

Instituée à une époque où un séjour à la Réunion occasionnait beaucoup de complications et de risques, la prime d'éloignement semble n'avoir désormais d'autre justification que l'avantageuse tradition qu'elle a créée.

De telles sommes auraient pu être affectées à la création de postes supplémentaires. Et la directrice d'école maternelle que je suis ne peut s'empêcher de penser qu'elles auraient notamment pu servir à améliorer le taux de scolarisation des enfants de moins de trois ans, qui atteint 12 % à la Réunion contre 35 % en métropole.

L'éducation nationale doit prendre en compte l'environnement particulier de l'enseignement à la Réunion. Or la remise en cause de la ratification de la charte des langues régionales par la France a compromis les espérances de voir la langue créole mieux considérée dans l'enseignement. Une fois de plus, nous vous suggérons donc l'inscription du créole au titre de la loi Deixonne. Il est par ailleurs capital pour notre développement que les langues de la région soient enseignées : l'anglais, cela va de soi, mais aussi celles parlées en Inde et en Chine.

Autre problème spécifique à prendre en compte, celui du calendrier scolaire. Depuis longtemps, deux thèses s'opposent.

Les uns veulent adopter le calendrier dit climatique en vigueur dans tout l'hémisphère sud. Les autres veulent se rapprocher progressivement du calendrier métropolitain. Récemment, des décisions du rectorat de la Réunion sont allées dans le sens de cette deuxième thèse, ce qui a soulevé beaucoup de polémiques dans l'île et a fait l'objet d'avis négatifs de la part du Conseil académique de l'éducation nationale. Cette option s'est également attiré les vives critiques des deux principaux syndicats d'enseignants.

Il s'agit là d'une question de grande importance. Nous vous demandons donc que soit rapidement créé un groupe de travail chargé d'élaborer le calendrier qui corresponde le mieux aux exigences de l'enseignement à la Réunion (Applaudissements sur les bancs du groupe RCV, du groupe socialiste et du groupe communiste).

La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance qui aura lieu ce soir à 21 heures.

La séance est levée à 19 heures 30.

                      Le Directeur du service
                      des comptes rendus analytiques,

                      Jacques BOUFFIER


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