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Session ordinaire de 1999-2000 - 27ème jour de séance, 64ème séance

1ère SÉANCE DU JEUDI 18 NOVEMBRE 1999

PRÉSIDENCE de M. Patrick OLLIER

vice-président

Sommaire

          LOI DE FINANCES POUR 2000 -deuxième partie- (suite) 2

          COMMUNICATION 2

La séance est ouverte à onze heures.

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LOI DE FINANCES POUR 2000 -deuxième partie- (suite)

L'ordre du jour appelle la suite de la discussion de la deuxième partie du projet de loi de finances pour 2000.

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COMMUNICATION

M. le Président - Pour en terminer ce matin, comme j'en ai entendu exprimer le v_u, il faudrait que chacun y mette du sien. On ne peut poursuivre au-delà de 13 heures.

M. Jean-Marie Le Guen, rapporteur spécial de la commission des finances - Nous avons toutes raisons de nous réjouir du budget de la communication pour 2000. En effet, un effort considérable est fait en faveur de l'audiovisuel public avec 700 millions de plus pour le budget de France Télévision. Quant aux mesures concernant la presse, elles sont tout aussi satisfaisantes.

S'agissant de l'audiovisuel public, je me limiterai à trois recommandations. Le Gouvernement doit engager dès le début de 2000 la négociation des conventions d'objectifs et de moyens de façon qu'elles soient applicables dès la promulgation de la loi sur l'audiovisuel. Il doit aussi, dès maintenant, réformer totalement les règles comptables des entreprises, de façon à rendre plus lisibles leur fonctionnement, leurs engagements, mais aussi leur potentiel. Sinon, pas de bonne gestion, non plus que de contrôle efficace par le Gouvernement et le Parlement. Enfin, l'Etat doit mettre en _uvre sans retard un projet social d'entreprise donnant un mandat clair aux gestionnaires, qui doivent assumer pleinement leur responsabilité.

Un effort important est fait en faveur de France Télévision, je n'y reviens pas. D'autres auraient pu l'être, notamment en faveur de Radio France. Nous ferons d'ailleurs, avec M. Mathus, des propositions en ce sens. Nous espérons qu'elles seront entendues.

J'en viens à la presse écrite. Le rendement de la taxe destinée à alimenter le Fonds de modernisation de la presse est insuffisant, imputable, semble-t-il, à certaines carences des services fiscaux. Les recettes publicitaires sur lesquelles cette taxe est assise ont augmenté de manière considérable, mais le produit de la taxe n'a pas suivi. Il faut donc remobiliser les services fiscaux, d'autant que le secteur a grandement besoin de ces ressources pour se moderniser -je pense en particulier à l'AFP.

S'agissant des NMPP, je sais, Madame la ministre, que vous avez désigné un médiateur. Nous sommes, pour notre part, très attachés à la pérennité de la loi Bichet, que d'aucuns souhaiteraient remettre en question. Mais il faut dans le même temps parvenir à abaisser les coûts de distribution de la presse, beaucoup plus élevés en France qu'à l'étranger : il y va de l'avenir de la presse. L'Etat ne peut pas faire seul l'effort nécessaire : tous les acteurs devront y contribuer.

Le secteur de la communication connaît aujourd'hui une profonde réorganisation de ses méthodes et de ses techniques, annonçant sans doute une évolution de ses missions et l'extension de son champ. Cette réorganisation est plus avancée dans certaines entreprises que dans d'autres. Mais toutes sont désormais conscientes de la nécessité de se moderniser.

Le développement des technologies numériques et la banalisation d'Internet posent des défis à des entreprises qui jusqu'alors détenaient le monopole de la production et de la diffusion des produits audiovisuels et de l'information. Confrontés à une offre de produits nouveaux, d'ailleurs peut-être plus complémentaire que concurrente, les fournisseurs de programmes s'interrogent sur leur stratégie.

La nécessité pour l'Etat de maîtriser les dépenses publiques affecte bien sûr les entreprises publiques du secteur de la communication, mais aussi les entreprises privées recevant des aides publiques.

La conjugaison de ces deux contraintes doit devenir une chance. C'est le moment pour ces entreprises de gagner en efficacité, de diversifier leur offre et de toucher un plus large public. La démocratisation de l'information, de la culture et des loisirs reste en effet notre objectif.

M. le Président - J'ai consulté le service de la séance. Il ne paraît pas possible de terminer l'examen de ces crédits dans cette séance, car il faudrait la prolonger au moins jusqu'à 14 heures 30, alors que les personnels, ceux des comptes rendus notamment, ont travaillé cette nuit jusqu'à 3 heures. Je lèverai donc à 13 heures selon la règle.

M. Didier Mathus, rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles - La commission des affaires culturelles a souhaité organiser cette année son rapport pour avis autour d'un thème et a choisi celui du financement de la production audiovisuelle et cinématographique. Je vous invite à vous reporter au rapport écrit.

Le Gouvernement s'est indéniablement donné les moyens budgétaires d'appliquer sa réforme de l'audiovisuel dès 2000. L'inscription de 900 millions de remboursements des exonérations de redevance sur le compte d'affectation spéciale représente un effort sans précédent.

Les engagements pris sont tenus et l'objectif de 2,5 milliards en 2001 est désormais accessible. Nous serons vigilants sur ce point : le remboursement intégral des exonérations est considéré comme un préalable par les députés de la majorité.

La structure du budget des chaînes de télévision publique sera profondément modifiée dès 2000. Plus de ressources publiques, moins de recettes publicitaires : il s'agit bien d'une rupture avec la logique qui depuis 1993 avait fait de notre télévision publique une télévision commerciale à l'identité incertaine. Les moyens de l'audiovisuel public progressent de 883 millions, toutes sociétés confondues, grâce à des crédits budgétaires et sans hausse de la redevance -dont le rendement continue par ailleurs à s'améliorer.

Les moyens de France augmentent de 30,7 %, ceux de France 3 de 15,4 %. L'essentiel de cette augmentation doit bénéficier aux budgets de programmes. Le renchérissement des droits sportifs risque toutefois de l'amputer.

La part du budget financée par la publicité tombera à 40 % pour France 2 et à 27,8 % pour France 3. Il est essentiel que cette évolution repose sur un remboursement suffisant des exonérations de redevance figurant au compte d'affectation spéciale. Cette ressource doit absolument être « sécurisée ».

2000 sera une année charnière pour l'audiovisuel public, les crédits supplémentaires accordés au secteur lui permettant de commencer à moins dépendre de la publicité et de dégager des moyens nouveaux destinés à enrichir sa grille de programmes et à moderniser la production.

Il faut toutefois souligner les très mauvais résultats de France 2 en 1999. La perte d'audience de la chaîne sur la tranche 19-22 heures a réduit très fortement ses ressources publicitaires. Comme la chaîne a de surcroît dépensé plus que prévu à son budget, malgré un redressement à l'automne, son déficit pourrait avoisiner 160 millions en fin d'année, du même ordre qu'en 1998.

Pour France 3, la dégradation est telle qu'après un résultat positif en 1998, la chaîne pouvait terminer l'année avec un déficit du même ordre que France 2. Les mauvais résultats sont dus à la chute d'audience liée à l'incertitude sur l'identité des chaînes publiques. Il est préoccupant que l'effort budgétaire de l'Etat ne serve qu'à éponger les déficits. Ces entreprises n'échapperont pas longtemps à un véritable assainissement de leur gestion et à la remise en cause de certaines pratiques.

Le grave dérapage budgétaire constaté par la mission conjointe de l'inspection des finances et de l'inspection générale des affaires culturelles doit au moins permettre à l'Etat de cadrer la gestion et les missions de RFO avec plus de fermeté. Il doit également l'inciter à une vigilance accrue sur la gestion des autres sociétés.

L'exemple de RFI vient renforcer cette inquiétude. Les errements passés sur le mode d'émission en ondes courtes ont coûté cher à la collectivité mais permis à la société de dégager 80 millions de francs d'économies en deux ans. Mais on n'en trouve pas trace dans ce budget de RFI et avec le rétablissement de la subvention des affaires étrangères, le budget de RFI augmente même de 20 millions de francs. On peut s'interroger sur les raisons d'une telle mansuétude du ministère des finances, qui tranche singulièrement avec son comportement à l'égard des autres sociétés de l'audiovisuel public.

Mais je voudrais évoquer ici le système français de financement des industries de programmes, au moment où se dessinent les négociations de l'OMC et où resurgit le vieux débat sur la diversité culturelle.

Depuis l'après-guerre, la France a su développer un système complexe et efficace de soutien au cinéma, puis à la production audiovisuelle, afin de donner à la création tous les moyens de son développement. Ce système, contesté un temps par les tenants d'une libéralisation du marché et accusé d'archaïsme par l'opposition, a prouvé son utilité tant économique qu'artistique : il a préservé une capacité créative et productive et en garantissant la présence du cinéma et de la production audiovisuelle française dans le monde, et ce secteur a ainsi connu une hausse continue de son activité et de ses résultats depuis dix ans.

A ce propos pouvez-vous confirmer, Madame la ministre, que, comme nous le souhaitons, l'abondement considérable de 900 millions du remboursement des exonérations de redevance figurera intégralement dans l'assiette du COSIP ?

L'ensemble du dispositif a permis, en 1998, d'assurer 55 % du financement de la production cinématographique et 60 % de la production audiovisuelle, leur permettant d'affronter l'internationalisation et la concurrence croissante du marché des programme et de résister à la tentation hégémonique des Etats-Unis.

Bien loin de brider le développement de la production et des chaînes de télévision, les obligations de production et de diffusion ont assuré, sur le long terme, une dynamique de croissance, tant par un soutien au renouvellement de la création que par un enrichissement continu de l'offre de programmes et donc des grilles. Et ceux qui y ont vu un temps une volonté de contrôle de l'Etat et un frein à la concurrence ont aussi obtenu de la sorte de grands succès populaires, on l'a vu par exemple avec Monte Cristo sur TF1.

Dans le contexte actuel d'explosion de l'offre grâce à l'adoption de la diffusion numérique, ce système apparaît plus que jamais nécessaire, ce qui nous conduit à en souligner les imperfections.

Pour le cinéma, le jeu des obligations de production des chaînes et du soutien du CNL, assurant un préfinancement quasi-total aux projets, aurait installé les producteurs et les réalisations dans un confort de création qui les inciterait à ne pas se préoccuper suffisamment de la nécessité de trouver un public. Une revalorisation des aides accordées en amont du processus de production -aide à l'écriture des scénarios- et en aval -soutien renforcé à la distribution, aux actions de communication et à l'exportation- pourrait remédier à ce travers.

Autre inconvénient : les chaînes de télévision, qui pèsent d'une façon décisive sur le financement du cinéma, pourraient être tentées de ne s'engager que dans des _uvres formatées pour le public massif des heures de grande écoute. Jusqu'à présent, les chaînes ont, pour l'essentiel, heureusement, échappé à cette tentation.

Mais, de grâce, faisons en sorte que l'enjeu économique de ce secteur ne paralyse ni la faculté de création, ni l'esprit critique. Il est navrant de constater que toute émission réellement indépendante sur le cinéma est aujourd'hui de facto interdite à la télévision et que certains réalisateurs en viennent à souhaiter la disparition de la critique...

Il serait fort utile par ailleurs de faire progresser la réflexion sur la fluidité des droits, notamment avec la multiplication des supports.

Dans un tout autre domaine, nous avons quelque inquiétude quant au financement de Radio France, en particulier pour le développement des radios locales. C'est pourquoi nous avons, mon collègue Jean-Marie Le Guen et moi-même, déposé un amendement qui répartit dès maintenant l'ensemble de l'excédent des exonérations de redevance entre les différentes sociétés de l'audiovisuel public.

MM. Roger-Gérard Schwartzenberg et M. Pierre-Christophe Baguet - Très bien !

M. le Rapporteur pour avis - Ce budget tranche singulièrement avec les budgets de misère des années 1993-1997 (Exclamations sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL) et la commission a donc jugé impératif de vous en proposer l'adoption (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe RCV).

M. Christian Kert - Je vais vous faire une confidence, Madame la ministre, nous avons failli voter votre budget (Murmures sur les bancs du groupe socialiste) car, avec 4,8 % d'augmentation, vous avez tenu les engagements que vous aviez pris au moment de la crise autour de la présentation de votre loi. De cela, il faut vous rendre hommage. Mais, une lecture plus attentive a tempéré notre enthousiasme... (Sourires)

En fait, vous anticipez votre réforme de l'audiovisuel public. Ainsi, la réduction de la durée maximale de la publicité sur les chaînes publiques conduit dès maintenant l'Etat à la compenser par des crédits budgétaires. On peut toutefois s'interroger sur la pérennité de cette disposition. Certes, vous avez affirmé que cet engagement est intégré dans un cadrage sur trois ans de l'évolution des dépenses de l'Etat arrêté par le Premier ministre. Mais quelle est la valeur réelle d'un tel engagement de Bercy en dehors des lois de programmation ? Comment garantir dans la durée vos propres engagements à l'égard des chaînes publiques ? Mais peut-être envisagez-vous que la redevance devienne, comme en Grande-Bretagne, la source de financement unique du secteur public, nous serions alors très éloignés du présent budget.

De plus, les augmentations prévues pour compenser la réduction de la publicité ne seront-elles pas déjà bien entamées par les mauvais résultats de l'exercice 1999 dus principalement à l'érosion de l'audience de la télévision publique ? Le rapport de M. Mathus évoque d'ailleurs cette éventualité avec un décalage de près de 160 millions pour France 2 et de 180 millions pour France 3. Il ne faut surtout pas qu'au lieu d'abonder la loi de finances rectificative on reporte comme en 1998 à l'année suivante les ressources supplémentaires nécessaires sous la forme d'une réduction de l'objectif de recettes publicitaires.

Comment, d'ailleurs, envisagez-vous la deuxième phase de réduction publicitaire, après 2000 ?

Autre aspect de votre réforme, dont le coût n'est toujours pas connu. Comment ne pas évoquer à ce propos les nombreux problèmes du pôle La Cinquième-Arte ?

La fusion prévue dans le texte Douste-Blazy et confirmée par votre réforme n'est toujours pas ratifiée, et les deux maisons cohabitent dans une ambiance d'incertitude -c'est peut-être le lot de toute cohabitation... (Sourires)

Notre rapporteur nous a assurés que des économies ont néanmoins pu être réalisées , ce qui montre qu'il n'est pas nécessaire d'être serein pour être économe... Par ailleurs, les Allemands se font tirer l'oreille pour entrer dans le processus de la fusion.

Les 3,5 % d'augmentation des crédits pour ces deux chaînes en attente de Pacs suffiront-ils à assumer leur ordinaire tout en faisant face à une situation exceptionnelle ? Nous n'en savons rien.

Enfin, aucun crédit n'est inscrit pour servir le projet numérique de France Télévision. Peut-être pourrions-nous d'ailleurs nous demander quelle est l'exacte situation financière de France Télévision avant que son arrivée dans la holding ne lui confère un autre statut.

J'en viens au volet social dans le secteur public. Comment entendez-vous répondre financièrement à l'exigence des 35 heures dans le secteur public de l'audiovisuel ? L'affaire doit être bouclée d'ici le 1er janvier 2000 mais elle ne se présente pas bien...

M. Olivier de Chazeaux - Il n'y a pas d'argent...

M. Christian Kert - Où trouvez-vous, dans votre budget, les crédits pour le plan d'embauche dont les patrons de France Télévision et de Radio France ont reconnu la nécessité ? Le rapporteur de la commission des finances relève déjà que nous avons assisté en 1998 pour France 2 et RFO à un véritable dérapage des charges du personnel puisque leurs masses salariales ont augmenté de plus de 10 %. Et le rapporteur pour avis nous a précisé qu'il n'y avait pas, dans le budget de France Télévision, de dotation spécifique pour les 35 heures alors que les négociations à ce sujet sont lourdes et complexes.

Dernier sujet de réflexion : la presse écrite. Pourquoi, Madame la ministre, vous acharnez-vous à ne pas entendre les patrons de presse qui vous disent que la ventilation des aides ne prend pas en compte la réalité des contraintes de la presse quotidienne régionale. Depuis trois ans, elle n'est éligible qu'à une part minime des aides à la presse, et de plus sur un seul critère, alors qu'elle représente 50 % de la presse d'information générale et politique. Et alors que la presse nationale bénéficie d'une aide, d'ailleurs justifiée, aux remboursements des fac-similé, la presse quotidienne régionale qui, elle, utilise la transmission par liaisons numériques, ne perçoit aucune aide à ce titre.

Voilà pourquoi nous voterons contre ce budget.

Néanmoins, nous allons nous retrouver pour condamner la déformation de nos propos au sujet des émissions religieuses sur les chaînes publiques. Il n'a jamais été question dans notre esprit de supprimer « le Jour du seigneur » le dimanche matin mais au contraire d'apporter une plus grande latitude dans la diffusion des émissions religieuses. Et de toute façon, l'ensemble des intervenants ont convenu de ne rien changer au dispositif actuel. C'était donc un injuste procès fait au Gouvernement et à la représentation nationale (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF, du groupe du RPR et du groupe DL et sur divers bancs).

M. Roger-Gérard Schwartzenberg - L'exonération de redevance est accordée aux invalides et mutilés ainsi qu'aux personnes âgées de plus de 65 ans percevant l'allocation supplémentaire du Fonds de solidarité vieillesse. La justice sociale voudrait que cette exonération soit étendue à d'autres bénéficiaires de minima sociaux, qu'il s'agisse de l'allocation de solidarité spécifique, de l'allocation d'insertion, du RMI, de l'allocation adulte handicapé, de l'allocation d'assurance veuvage ou de l'allocation de parent isolé. Pour toutes ces personnes en difficulté, la loi contre l'exclusion prévoit un accès préservé à l'électricité, le gaz, l'eau et le téléphone. Mais pour beaucoup d'entre elles, la télévision est presqu'aussi essentielle car elle constitue l'un des rares moyens de conserver un contact avec la société. Et comment quelqu'un qui perçoit 1 741 F par mois -l'allocation d'insertion- ou à peine plus de 2 000 F pourrait-il s'acquitter des 751 F dus pour la possession d'un récepteur en couleurs ? En quoi les maigres ressources dont disposent les allocataires de ces minima sociaux sont-elles différentes de celles procurées par l'allocation supplémentaire du Fonds de solidarité vieillesse, soit 2 078 F par mois ?

M. Laurent Dominati - Très bien.

M. Roger-Gérard Schwartzenberg - J'ai donc déposé un amendement tendant à ce que le Gouvernement dépose avant le 30 juin 2000 un rapport relatif à l'assiette et au recouvrement de la redevance, actuellement réglementés par le décret modifié du 30 mars 1992. Ce rapport étudierait en particulier le coût d'une extension, pour motifs sociaux, des exonérations de redevance, étant entendu que le manque à gagner pour les radios et télévisions publiques devrait être totalement compensé par le budget de l'Etat. Car il ne s'agit évidemment pas de pénaliser l'audiovisuel public.

La reprise économique a amélioré sensiblement le rendement de la redevance audiovisuelle, qui augmentera en 2000 de 6 % en masse. Par ailleurs, le projet de loi de finances pour 2000 intègre une partie des excédents de redevance perçus en 1998. Si la totalité de ces excédents était finalement versée au budget 2000, soit 276 millions, l'on pourrait financer plus facilement une extension des exonérations de redevance.

Mais tout ne sera sans doute pas possible d'emblée. Si l'on doit procéder par étapes, la priorité pour 2000 me semble être l'exonération des bénéficiaires de l'allocation d'insertion, qui étaient 17 500 en 1997, et des chômeurs en fin de droits percevant l'ASS, qui étaient 475 000 cette même année.

Par ailleurs, il faut moderniser et simplifier le mode de perception de la redevance. Actuellement, tout détenteur d'un appareil récepteur de télévision doit en faire la déclaration dans le délai de 30 jours à compter de l'entrée en possession. Il serait très souhaitable d'insérer cette obligation déclarative dans le formulaire de déclaration des revenus, qui pouvait comporter une case à cocher où l'on déclarerait si l'on possède ou non un récepteur de télévision. Il faudrait aussi que le contrôle de cette obligation incombe aux agents chargés de contrôler l'impôt sur le revenu, et non plus aux agents du service de la redevance. Ce service spécifique employait 1 470 agents en 1999 et son coût de gestion s'élevait à 420 millions en 1992, ce qui représente un coût élevé pour une efficacité réduite. La réforme proposée consisterait à intégrer les agents du service de la redevance aux services fiscaux généraux, où ils renforceraient utilement la lutte contre la vraie fraude fiscale.

Je voudrais enfin évoquer Radio France.

Radio France doit à la fois accélérer le passage au numérique et la mise en place des nouvelles technologies, agir à armes égales face aux radios privées concurrentes, développer le réseau de ses radios locales, et moderniser socialement l'entreprise, notamment par le passage aux 35 heures. Pour mener à bien ces chantiers, elle a besoin de moyens à la hauteur de ses légitimes ambitions. Or cette entreprise publique connaît des difficultés financières, avec un résultat brut d'exploitation en déficit croissant depuis trois ans.

Pourtant, le projet de loi de finances pour 2000, qui augmente fortement les ressources de France 2 et France 3, prévoit seulement 63 millions de francs de crédits supplémentaires pour Radio France, alors que le passage au numérique nécessiterait 99,5 millions de francs, la couverture du territoire par le réseau de radios locales 24,5 millions et la rénovation sociale 15,4 millions. Quant aux crédits nécessaire pour affronter la concurrence, ils s'élèveraient à 49,5 millions. Pour 2000, Radio France avait donc exprimé une demande de 190 millions de francs, au-delà des mesures de simple reconduction. Il doit être possible de trouver un moyen terme entre cette somme et les 63 millions obtenus. Je soutiendrai à cette fin l'amendement de M. Mathus. Madame la ministre, n'oubliez pas de soutenir financièrement la radio du service public à laquelle les auditeurs et, parmi eux, les députés de la gauche plurielle sont très attachés. Merci d'«écouter notre différence » (Applaudissements sur les bancs du groupe RCV et du groupe socialiste).

Mme Catherine Trautmann, ministre de la culture et de la communication - Très bien !

M. Olivier de Chazeaux - Je ne partage évidemment pas la satisfaction des rapporteurs et de M. Schwartzenberg. Certes, au premier abord, ce projet de budget pourrait sembler séduisant mais ce n'est qu'un trompe-l'_il. En réalité, les moyens proposés ne serviront pas prioritairement à améliorer les programmes, donc la qualité du service, mais à compenser le manque à gagner dû à la baisse des recettes publicitaires.

Nous ne pouvons pas nous satisfaire, Madame la ministre, du milliard et demi que vous nous annoncez car il s'agit plutôt de 883 millions dont la ventilation n'est de surcroît guère satisfaisante puisqu'il apparaît que, plus une société propose des émissions proches de celles du secteur privé, plus elle est subventionnée. C'est vraiment le monde à l'envers.

Pour ce qui est de Radio France, M. Schwartzenberg a fort bien souligné que les 2,2 % supplémentaires seraient intégralement absorbés par de simples ajustements de fonctionnement. Vous ne donnez donc pas à Radio France les moyens de son développement.

M. Henri Plagnol - Très juste !

M. Olivier de Chazeaux - Pour ce qui est la presse quotidienne régionale, comme M. Kert, je déplore qu'elle ne soit éligible qu'à une part minime des aides à la presse, alors qu'elle joue un rôle essentiel. Vous préférez, Madame la ministre, soutenir des journaux comme l'Humanité.

M. Christian Cuvilliez - Très bon journal... (Sourires)

M. Olivier de Chazeaux - J'en suis très heureux pour ce journal. Il faut bien essayer de sauvegarder quelques antiquités de ce genre ! (Protestations sur les bancs du groupe communiste) mais ce n'est pas ainsi que vous développerez la liberté d'information.

D'autre part, ce budget ne tient pas compte des contraintes de la politique gouvernementale, en particulier de la réduction du temps de travail qui n'est pas financée, d'où les grèves que nous observons dans le service public audiovisuel.

Votre budget est une prime donnée à la facilité. Le temps n'est-il pas venu d'avoir le courage politique de dire qu'aucune réforme du secteur audiovisuel ne se fera sans une vision industrielle de son développement ? Des crédits supplémentaires auraient dû permettre sa modernisation technologique, mais votre projet est muet sur le numérique, alors que la Grande-Bretagne berce un grand programme en ce domaine et que le président de France-Télévision s'engage sur la voie du numérique terrestre. Une fois encore, l'économie précède la politique. Pourquoi ne pas doter dès aujourd'hui l'industrie audiovisuelle des fonds propres qui lui font si cruellement défaut ? Pourquoi ne pas réviser les mécanismes d'aide aux entreprises ? Votre budget ne permet rien de tout cela. Pourquoi les sociétés audiovisuelles ne disposeraient-elles pas d'un fonds d'aide à l'exportation ? Il est temps de l'affranchir d'un système empêtré dans les luttes d'influence entre certains milieux.

Il serait temps aussi de se préoccuper des rapports entre le service public audiovisuel et Internet dont les entreprises du secteur concurrentiel ont déjà saisi les potentialités. Mais vous faites l'audiovisuel dont vous rêviez dans les années 80, au lieu d'anticiper.

Pour toutes ces raisons, le groupe RPR ne votera pas ce budget qui révèle un archaïsme coupable (Applaudissements sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL).

M. Christian Cuvilliez - L'examen de ce budget intervient à un moment où même si l'on n'en a guère parlé jusqu'ici, les turbulences sociales sont fortes dans le secteur audiovisuel public. Les tensions sont vives à l'Agence France Presse. Un mouvement de grève a affecté France Culture, mardi 9 novembre. sur le devenir et l'identité de la chaîne après la réforme de sa grille de programmes. Mardi 16, c'est à propos de la réduction du temps de travail et de la convention collective de l'audiovisuel qu'un autre mouvement de grève a été déclenché à l'initiative de neuf organisations syndicales à France 2, France 3, Radio France outre-mer, Radio France International, l'Institut national de l'Audiovisuel et Arte. Le conflit porte, cette fois, sur l'évolution des effectifs et sur la formation.

En mai dernier, nous avons approuvé les objectifs du texte sur la liberté de communication : renforcer le service public, soutenir la production audiovisuelle. Nous avions souhaité que ces orientations se traduisent dans la stratégie financière du Gouvernement à l'égard du secteur public, notamment pour ce qui est du remboursement des exonérations de redevance.

Le présent budget se fixe trois objectifs : l'augmentation des moyens, toutes forces de financement confondues ; la réaffirmation des missions de service public ; le respect des engagements pris lors de l'examen en premier lecture du projet relatif à la liberté de communication.

Le budget du secteur public audiovisuel augment de 883 millions, soit 4,8 % au lieu de 2,6 % en 1999. Cette progression bénéficie prioritairement à France 2 et à France 3 mais profite aux autres sociétés : la Sept/Arte et la Cinquième mais je note que nos partenaires allemands de Arte paraissent peu disposés à entrer dans la holding France Télévision, comme nous l'avions craint ; Radio France Outremer -RFO- avec un soutien à l'effort de redressement financier qui devrait permettre de réduire de moitié le déficit d'exploitation constaté en 1999 ; Radio France dont les moyens auront augmenté de 182 millions en deux ans et qui devrait bénéficier en 2000 d'une mesure nouvelle liée à la numérisation ; enfin RFI dont je me réjouis que les efforts de rationalisation soient reconnus.

S'agissant du second objectif affiché, j'observe une première étape dans le rééquilibrage de la structure de financement du secteur public audiovisuel grâce à une majoration des ressources publiques. Cette mesure, jointe à la diminution des recettes publicitaires, portera la part des ressources publiques dans le financement du secteur public audiovisuel à 74 % en 2000, au lieu de 69 % en 1999.

Enfin, ce budget respecte les engagements pris lors de l'examen du projet relatif à la liberté de communication avec le rééquilibrage de la structure de financement et le renforcement des moyens du secteur public audiovisuel, l'application anticipée de la réduction de publicité à France 2 et France 3 dès le 1er janvier 2000, avant même l'examen au Sénat.

Nous approuvons le choix de ne financer la réforme ni par une augmentation de la redevance ni par une contribution supplémentaire.

Nous notons aussi votre volonté, Madame la ministre, de parvenir au remboursement intégral des exonérations de redevance en 2001, les crédits ouverts à ce titre passant à 811 millions dès cette année.

Nous partageons l'avis du rapporteur, M. Mathus, d'y ajouter les excédents de 1998 et 1999 dans la loi de finances rectificative.

J'en viens aux interrogations que suscite l'examen des bilans 1998 des entreprises publiques. Pourquoi ne pas fonder les prévisions budgétaires sur les comptes d'exploitation réels des différentes sociétés ?

D'autre part, l'équipement en numérique et la réduction du temps de travail imposeront un important effort d'adaptation aux entreprises.

Or le décret du 22 juin 1998 exclut les sociétés de service public du bénéfice des aides publiques versées au titre de l'application des 35 heures. Pourquoi handicaper ainsi France Télévision par rapport à TF1 ou à M6 ? Envisagez-vous de modifier ces dispositions ?

J'en viens à l'INA où la création d'emplois a d'emblée été exclue par la nouvelle direction, les négociations engagées devant déboucher sur un accord prévoyant le seul maintien des effectifs. Nous craignons que cette approche jointe à la reconduction en l'état de son budget, ne traduise un manque d'ambition pour le développement de cette entreprise, dont les missions ne se limitent pas à la conservation du patrimoine.

Enfin, à propos de l'Agence France Presse -AFP- la majorité plurielle vous a fait part, le 27 octobre dernier, Madame la ministre, de ses inquiétudes au moment où son président directeur général s'apprête à soumettre un plan de restructuration au conseil d'administration. Le statut de l'AFP étant défini par la loi, il convient de veiller au respect de la voie parlementaire pour tout changement de statut. Nous préconisons la recherche du dialogue social, le respect des personnels, leur information et leur consultation. Nous nous interrogeons sur les moyens d'investissement, qui ne doivent pas être nécessairement des crédits d'Etat sous forme de dotations supplémentaires, indispensables pour moderniser l'Agence. Une réunion interministérielle doit avoir lieu aujourd'hui même sur ce sujet.

A Radio France, la nouvelle grille de France Culture reflète une gestion qui s'apparente davantage au marketing et à la recherche de rentabilité qu'au respect des missions de service public.

Enfin, le présent budget double les aides à la presse à faibles ressources publicitaires. En ce qui concerne le fonds de modernisation créé grâce à l'initiative parlementaire, nous souhaiterions qu'il serve à soutenir les projets tendant à élargir le pluralisme. Pourrons-nous aussi avoir des précisions sur la gestion de ce fonds et sur les retards constatés dans l'étude des dossiers, qui risquent d'aggraver la situation de certains titres en crise ?

Au moment où la conférence interministérielle de l'OMC s'apprête à discuter du contenu des négociations du cycle du millénaire et où la communication audiovisuelle vient d'être reconnue comme élément constitutif de la diversité culturelle à préserver, il nous appartient de donner à la presse comme au secteur public de la communication les moyens de relever le défi d'une concurrence internationale accrue. Le groupe communiste prend acte de l'ensemble des points positifs de ce projet de budget et restera un partenaire attentif aux évolutions à venir (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste et du groupe socialiste).

M. Michel Françaix - Ce budget est particulièrement satisfaisant, car il apporte au service public des moyens en forte progression, une structure de financement plus conforme à ses missions et le respect des engagements contenus dans le projet de loi sur l'audiovisuel.

Le taux d'augmentation des crédits est le plus élevé depuis longtemps : 4,8 %, et même 7,6 % pour France 2 et 5,3 % pour France 3, sans que soient oubliées pour autant les autres sociétés du secteur public. La part de la publicité dans le budget des chaînes de télévision diminue, tandis que celle des ressources publiques s'accroît fortement, pour devenir enfin majoritaire dans le financement de France 2 -59 %- et prépondérante dans celui de France 3 -66 %. Mais il faudra aller encore plus loin, si nous voulons que les espaces publicitaires n'imposent plus leur rythme et leurs contraintes à l'ensemble des programmes. Enfin, et surtout, l'inscription de 900 millions pour rembourser les exonérations de redevance rend crédible leur remboursement intégral en 2001, prévu par le projet de loi, et procure d'ores et déjà au secteur public une marge de développement de l'ordre de 200 millions.

Si ce projet de budget répond donc à nos attentes et laisse sans voix, au passage, nos collègues de l'opposition qui ont convenu, en commission, qu'il n'était pas si mauvais que cela (Exclamations et rires sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL), nous ne devons pas nous cacher les difficultés à venir : le statut de l'AFP, les 35 heures dans le service public, les télévisions locales, le numérique hertzien, les problèmes juridiques posés par Internet. Je me permettrai donc d'être un peu hors sujet, ou plutôt d'anticiper sur les sujets de demain, puisque vous avez réglé, Madame la ministre, ceux d'aujourd'hui (Exclamations sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL). Vous auriez bien aimé pouvoir dire la même chose, mes chers collègues !

L'ébriété technologique semble paralyser les intelligences, la triple mutation de l'informatique, des télécommunications et de l'audiovisuel nous faisant passer sans transition d'une économie de pénurie à une économie d'abondance. Oui, il faut célébrer les vertus de la concurrence, mais à condition que les politiques publiques imposent les exigences du long terme aux myopies du marché et défendent les citoyens contre les méfaits d'une liberté sans frein. Il ne s'agit pas seulement de réagir, par de légitimes quotas, au déferlement de sous-produits déjà amortis avant même d'être exportés, ni de protéger les droits d'auteur, mais tout simplement de stimuler la création, sans laquelle c'est l'ensemble de la société mondiale qui s'appauvrit. Si la mondialisation est inévitable, l'uniformisation des cultures n'est pas une fatalité. L'universalité ne doit pas tuer la diversité.

La logique de la vitesse de circulation et du profit maximal à court terme sont incompatibles avec l'idée même de culture. De même que l'on peut parler anglais avec 300 mots, on peut aller vers un monde où ne s'échangeront plus qu'un nombre réduit de biens culturels se bornant à reproduire quelques modèles existants. Comme le rappelait Pierre Bourdieu («Ah !» sur les bancs du groupe RPR, du groupe UDF et du groupe DL), on ne comprend vraiment ce que signifie la réduction de la culture à l'état de produit commercial que si l'on se rappelle comment se sont constituées les _uvres aujourd'hui considérées comme universelles : en s'affranchissant peu à peu des lois du monde ordinaire. Quand les conditions écologiques de l'art sont détruites, l'art et la culture ne tardent pas à mourir, écrivait Ernst Gombrich.

C'est pourquoi il nous faut une grande loi sur la société de l'information, à contre-courant du laisser-faire et de la chimère de l'autorégulation. Il nous faut régler à la fois le problème de la protection du consommateur, celui du droit d'auteur et celui de la confidentialité des échanges, tout en veillant à ce que les entreprises qui interviennent sur Internet contribuent à créer des formes nouvelles ancrées dans l'identité culturelle. Ne soyons pas protectionnistes, mais plaidons pour une organisation mondiale structurée !

C'est à ce prix que votre excellent budget, Madame la ministre, nous permettra de résister à la domination du marché sur la culture, de la technique sur la communication, du commerce sur la pensée. Je sais que vous y voyez comme moi une nécessité vitale, c'est-à-dire un devoir civique (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe RCV).

M. Laurent Dominati - Je croyais que nous étions venus pour expédier un budget de transition, et voici que nos collègues de la majorité le qualifient d'excellent, quand les orateurs de l'opposition le décrivent plutôt comme un trompe-l'_il. A l'heure où France Télévision vit une crise profonde, à laquelle je m'étonne que le rapport ne fasse même pas allusion, nous ne pouvons nous satisfaire d'un mini-débat.

Ce budget, en vérité, est révélateur du niveau réel des ressources publiques consacrées au secteur public et de l'impasse dans laquelle vous enfoncez ce dernier, Madame la ministre. Si vos amis se glorifient du milliard et demi qui lui a été consenti par Bercy, ils oublient de signaler que les dépenses supplémentaires qui lui sont imposées ne sont qu'à moitié couvertes par les excédents de redevance de 1998, et que les exonérations ne sont remboursées par l'Etat qu'à 36 %, au lieu des 50 % promis. Quant aux faramineux pourcentages d'augmentation annoncés, ils font tout simplement apparaître que la situation s'était fortement dégradée depuis 1995 ! La réalité, c'est que le secteur public dépend de plus en plus, financièrement parlant, du ministère des finances et du ministère de la communication.

Or, les besoins du secteur public sont, à périmètre constant, de plus en plus élevés. France Télévision est en situation de déficit structurel, et l'augmentation prévue pour les deux prochaines années compensera à peine les pertes cumulées de 1998 et 1999. Je me demande, d'ailleurs, comment l'on peut, même en anticipant sur le collectif de fin d'année, estimer le déficit total à 180 millions seulement, quand celui de France 2 est de 160 millions et celui de France 3 de 120 millions.

Le secteur public audiovisuel est en crise : crise du personnel, crise de la direction, crise financière, crise d'identité. Ne croyez pas que sa dépendance à l'égard de la publicité ait diminué : celle-ci lui assure 21 % de ses recettes, au lieu de 20 % en 1996, et l'effet sur les programmes n'est guère visible à l'_il nu. En d'autres termes, la dépendance commerciale est toujours la même, et celle vis-à-vis du Gouvernement et de l'Etat est renforcée. La raison en est que votre conception du secteur public, de ses missions, des relations entre les personnels et la direction n'a pas évolué. J'en veux pour preuves la fusion entre Arte et la Cinquième, ou le projet de France Télévision et les relations entre les chaînes publiques. A quoi se résume la collaboration entre Arte, la Cinquième, France 2 et France 3 ? A cinquante-cinq heures de programmes documentaires, soit quasiment rien, au regard de la masse des programmes relevant de la puissance publique. On mesure combien la « synergie » attendue n'est qu'un leurre.

M. Michel Françaix - Avant la loi.

M. Laurent Dominati - Mais avant la loi, rien n'interdit aux chaînes publiques de collaborer !

Ce n'est toujours pas le cas, du fait de concurrences entre chapelles, et parce que le personnel est mal associé au projet. D'où l'idée que je défends de faire entrer le personnel dans le capital de France Télévision. Cela vous aiderait à avancer dans la définition des missions du secteur public.

Vous manquez d'une vision d'avenir. Le président de France Télécom a nommé un directeur pour le développement de la télévision numérique, mais pas un franc n'est prévu ! Rien n'est fait pour prévoir ce que sera le secteur public de l'avenir. Il y a quelques semaines est apparue une nouvelle chaîne d'information : elle n'est pas publique, mais dépend de Canal Plus. Depuis près de deux ans fonctionne une chaîne de l'emploi : elle est privée. Vous n'avez pas de réflexion de fond sur ce que doit être le secteur public. En dispersant ses ressources, sans direction claire, l'Etat n'a aucune chance de maintenir un secteur public fort et respecté. Nous resterons décidément les derniers défenseurs d'un vrai secteur public !

Mais cette absence de définition d'une télévision publique nouvelle provient d'une très mauvaise compréhension de la société de l'information. Car on pourrait aussi parler de la presse. La presse parisienne a été considérablement aidée par vos prédécesseurs. Mais la presse quotidienne régionale attend toujours. Nous avons voté à l'unanimité une taxe destinée à alimenter un fonds de modernisation de la presse. Mais qui distribue ces fonds ? C'est vous, Madame le ministre, d'après les rapports même de nos collègues.

Mme Catherine Trautmann, ministre de la culture et de la communication - Non.

M. Laurent Dominati - Il y a certes une commission, mais elle est consultative et la décision vous appartient. Cela relève d'un certain arbitraire. Mais il y a plus inquiétant : la presse régionale n'a toujours rien reçu ou presque. Au bout de deux ans et demi, on peut s'en étonner.

M. Le Guen a évoqué les NMPP, M. Cuvilliez l'AFP. Sur tous ces points nous n'avons pas de réponses du Gouvernement, et nous avons le sentiment qu'il hésite constamment. Sur l'AFP, il ne devait pas y avoir de loi, mais un plan décidé en catimini par le président. Et puis, il y a quelques jours, vous avez annoncé un projet de loi, à la satisfaction du personnel et des parlementaires. C'était nouveau de la part du Gouvernement. Vous auriez dû adopter d'emblée l'ordre inverse : annoncer d'abord un projet, puis indiquer quelles mesures vous demandiez au président de prendre en attendant la loi.

Vous ne voyez pas à quel point le monde a changé. On peut aujourd'hui, en se connectant sur Internet par le câble parisien, écouter toutes les radios du monde ; demain ce seront toutes les télévisions. Je conclurai en vous posant quelques questions, Madame la ministre. Elles témoignent de l'état de crise où est à mon avis France Télévision, malgré le milliard supplémentaire. Quelles indications donnez-vous aux dirigeants de l'audiovisuel public sur les conventions collectives, le passage aux 35 heures, le développement de la télévision numérique ? Quel est votre souci concernant les ressources du secteur public, pour sa prochaine et nécessaire recapitalisation ? Pour toutes les raisons que j'ai évoquées, il est hors de question pour nous de voter ce budget (Applaudissements sur les bancs du groupe DL, du groupe du RPR et du groupe UDF).

M. Rudy Salles - J'interviendrai en mon nom et en celui de mon collègue Henri Plagnol, sur le thème de la radio publique. Avec une augmentation de 2,2 % de ses crédits, Radio France fait figure de parent pauvre dans le budget de la communication, dont l'augmentation globale est de 4,8 %. Elle aura donc des difficultés pour faire face à un certain nombre de défis.

Le premier est le passage au numérique.

Radio France a pris du retard sur les nouvelles technologies liées au numérique. Ce retard doit être à un rythme soutenu, en raison des positions déjà prises par la concurrence, en particulier Europe 1. Il est urgent de mettre en place un plan de mise à niveau dans la numérisation des outils de production et dans la construction de systèmes d'informations reliant les différentes entités de la Société. En dépendra la capacité, pour Radio France, dans les prochaines années, de développer de nouveaux produits et services liés à la radio, Internet en particulier.

Deuxième défi : la prise en compte de l'environnement concurrentiel. A cet égard, Radio France est vulnérable, sur trois points : l'insuffisance des moyens d'étude des attentes des publics, l'enrichissement qualitatif de son offre et l'étroitesse de ses moyens promotionnels. Les moyens d'études des publics sont très majoritairement absorbés par le contrat qui lie Radio France à Médiamétrie. Cette fourniture, indispensable, ne répond que partiellement aux besoins des cinquante-trois radios publiques. Des études qualitatives sont indispensables pour affiner la connaissance des publics, afin d'adapter l'offre. En second lieu, la situation très contrainte des stations ne leur permet guère d'attirer de grandes signatures ou des talents reconnus. Un renforcement des moyens d'enrichissement des programmes permettrait seul, à France Inter de tenir son rang parmi les grandes radios nationales. Enfin, Radio France dispose, pour promouvoir toutes ses antennes, d'un budget notoirement inférieur à celui que dépense pour une seule chaîne chacun de ses concurrents. Elle est ainsi fortement désavantagée face à l'offensive des groupes RTL, Europe 1 ou NRJ.

Troisième défi : le développement de l'action régionale. De 1980 à 1988, Radio France, sous l'impulsion de quatre présidents successifs, a mis en place un réseau de radios locales qui compte aujourd'hui 38 stations de territoires, qui sont des outils d'aménagement du territoire, des moyens d'exercice de la démocratie locale, des instruments privilégiés de la création du lien social, et des acteurs quotidiens du service rendu au public. Ces radios locales de Radio France constituent un formidable réservoir d'informations pour des chaînes comme France Inter et France Info, à qui elles permettent d'être de véritables témoins de tout ce qui se passe en France.

Cet ensemble atteint 10,5 % d'audience cumulée quotidienne sur sa zone initialisée, soit l'équivalent de France Info ou d'Europe 1. Mais on a interrompu son développement il y a onze ans : aujourd'hui, les implantations de Radio France ne couvrent que quarante-trois départements. C'est pourquoi nous demandions, lors du débat de mai, une répartition équitable des radios locales. Des régions entière ne sont pas couvertes ; ainsi Midi-Pyrénées compte huit départements, mais plus aucune radio publique de proximité ; même situation dans de grandes concentrations urbaines comme Lyon, Nice, Toulouse, ou encore le nord de la Lorraine. Il faut tendre vers un maillage plus complet du territoire métropolitain en relançant de nouvelles implantations. Plusieurs projets sont à l'étude, mais ne pourront pas voir le jour dans le cadre d'un budget aussi étroit.

Quatrième défi : outre la mise en place des 35 heures, Radio France doit réaliser une modernisation sociale, liée en particulier aux technologies numériques. Celles-ci vont faire apparaître de nouveaux métiers, et remettre en question des situations professionnelles. Il faut accompagner ces mutations, notamment par des actions de formation professionnelle. Cette modernisation est le corollaire de l'effort technologique exceptionnel que Radio France doit accomplir.

Pour relever ces quatre défis, les moyens vont manquer. Je regrette donc que Radio France ne constitue pas une priorité dans ce budget. Je pourrais ajouter par ailleurs qu'aucun effort particulier n'est fait pour développer la télévision locale, qu'il s'agisse de France 3 ou du numérique terrestre, ce qui confirme nos craintes exprimées au printemps lors de la discussion de votre projet de loi. Voilà, Madame la ministre, autant de regrets et de questions, qui attendent des réponses (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF, du groupe du RPR et du groupe DL).

M. Pierre-Christophe Baguet - A première vue, on pourrait se réjouir de la bonne progression du budget de la communication, avec 4,8 % d'augmentation générale. Mais on déchante en analysant de près les crédits, et nos rapporteurs eux-mêmes ne partagent pas la satisfaction absolue qu'affiche votre ministère. Ainsi l'on s'inquiète de l'absence de toute consommation de sa taxe sur le hors-média, censée aider la presse depuis 1998 et l'autre du remboursement des exonérations de redevance, plafonné à 36 % au lieu des 50 % annoncés. Pour ma part je regrette de ne rien trouver pour l'avenir du secteur public de l'audiovisuel. Ce budget ne lui permettra pas de bien prendre le tournant du siècle. Rien sur le numérique hertzien, les nouveaux services, les nouvelles chaînes thématiques, Internet... Non seulement il n'y a pas un franc pour préparer cette révolution, mais la réflexion elle-même traîne. Ce budget de rattrapage risque de ne servir qu'à combler les déficits du dernier exercice, comme le craint le rapporteur lui-même page 17.

Nous approuvons certes la réduction de la part des recettes publicitaires dans le financement des chaînes publiques et la compensation que vous en opérez. Mais ce n'est pas une révolution : le ratio ressources publiques-ressources propres est un peu différent de celui de 1996. Plus inquiétant : l'audience des deux chaînes publiques a perdu 10 % en 1999, de sorte que l'objectif de recettes publicitaires n'a pas été atteint. Cet échec est peut-être l'effet des hésitations du Gouvernement quant à son projet de loi annoncé, puis retiré, et finalement présenté... Et comme l'objectif de recettes publicitaires pour 2000 a été fixé d'après la prévision pour 1999, non d'après le résultat réel, les déficits vont rapidement se creuser, et risquent d'absorber en grande partie les 883 millions supplémentaires que vous nous annoncez.

Vous n'abordez pas non plus le problème du financement des 35 heures. Comment les financerez-vous à France Télévision ? Et dans la perspective de la holding ? Le personnel des entreprises de l'audiovisuel public est actuellement en grève. Vos silences sur ce sujet ne sont pas la meilleure façon d'aborder le changement de structure de ce secteur.

Le remboursement annoncé des exonérations de redevance, qui devrait être total en 2001 et correspondre alors à 2,5 milliards, est une bonne chose. Mais ces engagements seront-ils respectés ? Notre rapporteur lui-même s'inquiète de la pérennisation du dispositif.

S'il faut se réjouir des bonnes rentrées de la redevance et des succès enregistrés dans la lutte contre la fraude, il faut aussi s'interroger sur le rapport coût de la collecte/recettes. Le coût indirect supporté par toutes les trésoreries principales du pays, d'ailleurs jamais chiffré, n'est pas neutre.

Votre budget est par ailleurs anti-pédagogique. En effet, la plus méritante des sociétés est la moins récompensée. A la date du 30 juin, France 2 a atteint 40 % de son objectif annuel de recettes de parrainage et autres ressources propres, France 3 50 % et Radio France 75 %. Or, l'augmentation de leurs budgets respectifs est exactement inverse : 7,6 % pour France 2, 5,3 % pour France 3 et 2,2 % pour Radio France. C'est injuste et grave pour l'avenir du service public de radio. Rien n'est prévu pour le passage au DAB, alors que les concurrents privés sont déjà très avancés sur le sujet et que les premiers tuners numériques seront accessibles au grand public dès avril prochain.

Le compte de soutien à l'industrie de programmes, le COSIP, est alimenté par une taxe assise, pour une part, sur les sommes versées par les annonceurs pour la diffusion de leurs messages publicitaires. La réduction de la durée des messages publicitaires sur les antennes publiques amoindrira mécaniquement les ressources du COSIP. On nous a assurés que les sommes correspondant aux compensations d'exonération de redevance seraient affectées au compte spécial de la redevance, si bien qu'elles seraient assujetties, par assimilation à la redevance, à la taxe sur les services de télévision. Nous nous inquiétons toutefois du fondement juridique de cette assimilation. En effet, si ces sommes étaient considérées comme une ressource à caractère budgétaire, elles ne seraient pas soumises à la taxe sur les services de télévision. M. Mathus nous a assuré en commission que l'intégralité du remboursement des exonérations serait versée au compte d'affectation spéciale des produits de la redevance et soumise à la taxe alimentant le COSIP. Madame la ministre, le confirmez-vous ? Il y va tout de même de 60 millions pour le COSIP.

Les aides à la presse progressent de 3,2 % dans le budget 2000, il faut s'en féliciter. Les aides à la presse d'information politique et générale se justifient par notre devoir de favoriser l'expression de toutes les opinions dans le respect de chacune. Mais ces aides, qui certes répondent à des finalités différentes, sont aujourd'hui éclatées en une multitude de fonds et de plans qui se sont superposés au fil des ans, ce qui rend aujourd'hui le dispositif difficilement lisible. Une réflexion d'ensemble s'impose, d'autant que l'explosion des nouvelles technologies de l'information modifiera, à terme, la donne pour la presse écrite.

M. le Rapporteur spécial - Tout à fait !

M. Pierre-Christophe Baguet - La modernisation des aides publiques est indispensable.

Les frais de distribution de la presse restent très importants. Nous attendons donc avec impatience les conclusions de la mission que vous avez confiée à ce sujet à M. Hassan.

Le fonds de remboursement des frais de fac-similés a été créé pour favoriser l'impression en province des quotidiens nationaux. Il devait permettre une meilleure décentralisation, une meilleure gestion des centres d'impression, des économies sur le transport et un bouclage plus tardif des quotidiens en province. Or, de 1997 à 2000, ses crédits sont passés de 26 à 6,5 millions. Plus grave encore, ceux des deux derniers budgets n'ont été que partiellement consommés. Mieux vaudrait réformer ce fonds, qui ne répond peut-être plus aux besoins en raison du développement du multimédia, que de le laisser disparaître progressivement.

Le fonds de modernisation de la presse, quant à lui, créé par la loi de finances pour 1998 était destiné à financer des projets de modernisation des agences de presse et entreprises de presse éditrice. Alimenté par une taxe de 1 % sur certaines dépenses hors média, il devait à l'origine collecter 500 millions (Dénégation de M. le rapporteur spécial) M. Mathus a d'ailleurs déclaré en commission que cet objectif était irréalisable. Or, il n'a collecté que 140 millions en 1998 et sans doute 160 en 1999. Plus grave encore, le premier franc collecté n'a toujours pas été affecté depuis deux ans. Le Gouvernement entend-il thésauriser encore longtemps au détriment de la presse écrite ?

Si nous pouvions en apparence nous réjouir de ce budget, son examen détaillé fait surgir trop d'inquiétudes pour que l'on puisse raisonnablement l'approuver (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF, du groupe DL et du groupe du RPR).

Mme Catherine Trautmann, ministre de la culture et de la communication - Le budget de la communication pour 2000 comporte des avancées très sensibles en faveur du pluralisme de l'information écrite et audiovisuelle. Il renforce le soutien apporté aux entreprises de presse et les moyens du service public audiovisuel. Il favorisera la modernisation de l'outil de production et permettra aux sociétés de l'audiovisuel public de renforcer leurs moyens de programmation.

Comme, déjà, en 1999, les aides directes à la presse bénéficient d'une priorité. En progression de 3,2 %, elles augmentent en effet plus fortement que l'inflation prévisionnelle, soit 0,9 %.

Dans un contexte difficile pour certains titres, il s'agit de conforter l'existence d'une offre pluraliste en matière de presse d'information générale, locale et nationale, représentative de toutes les sensibilités d'opinion, et d'accompagner l'indispensable modernisation des entreprises.

Les aides directes aux quotidiens nationaux à faibles ressources publicitaires, aux quotidiens de province à faibles ressources de petites annonces et à la presse hebdomadaire régionale augmenteront une nouvelle fois. Le soutien public apporté à la diffusion de la presse française à l'étranger sera lui aussi renforcé. Il en ira de même de l'aide au développement du portage.

Monsieur Le Guen, vous m'avez interrogé sur les NMPP. Je suis comme vous, attachée au principe de solidarité posé par la loi Bichet. La recherche d'une meilleure productivité n'en est pas moins nécessaire, vous l'avez reconnu. J'attends beaucoup des conclusions de la mission confiée à M. Hassan. La solution des difficultés actuelles suppose que les coûts puissent être réduits sans mettre en péril la qualité du réseau. Les éditeurs de presse doivent jouer leur rôle de coopérateurs.

L'augmentation de 1,2 % de la dotation de l'Etat à l'Agence France Presse permettra, quant à elle, de soutenir la réorganisation de l'Agence et son adaptation au nouveau contexte concurrentiel. Le développement du multimédia a profondément modifié le marché mondial de l'information. Forte de son savoir-faire et de son réseau mondial, l'AFP doit, afin de ne pas être distancée, engager une politique ambitieuse de modernisation et d'investissement. Pour cela, des partenariats, professionnels et financiers, sont aujourd'hui nécessaires. Le Parlement débattra le moment venu, de l'adaptation des statuts de l'Agence. Il n'y a pas lieu de s'inquiéter, dès lors que toutes garanties sont données quant à la préservation des valeurs fondatrices de l'Agence et de son rayonnement international, notamment son indépendance rédactionnelle. Sous ces conditions, le Gouvernement soutient l'avant-projet de plan stratégique proposé par le président et actuellement soumis à une concertation approfondie avec les représentants de la presse et les personnels.

Au sein des aides directes à la presse, l'aide au transport par la SNCF continue à peser d'un poids particulier. Nous ouvrirons prochainement une réflexion sur l'évolution de ce dispositif.

La situation du fonds de modernisation de la presse retient toute mon attention. En effet, le produit de la taxe sur la publicité qui lui est affectée n'est pas à la hauteur des espoirs qui avaient été placés en lui. Les raisons de cette situation, qui semblent tenir à la nature de l'assiette et aux modalités de recouvrement, doivent être élucidées. J'ai demandé à Christian Sautter d'y réfléchir. Je demeure raisonnablement optimiste. Ce fonds, qui intéresse les entreprises de presse, constitue un outil précieux pour leur modernisation.

Les subventions, que le comité d'orientation du fonds m'a proposé d'attribuer, seront prochainement notifiées à leurs bénéficiaires.

M. Pierre-Christophe Baguet - Ce n'est pas encore fait !

Mme la Ministre - Je tiens à rassurer M. Cuvilliez et les orateurs de l'opposition qui m'ont interrogée sur ce point. Si le versement des premières aides a tardé, cela s'explique par le délai de mise en place de ce comité. Mais ce n'est plus maintenant qu'affaire de jours ! Et un régime transitoire avait été prévu, qui a évité aux entreprises d'être pénalisées par ces retards. Une deuxième réunion du comité est prévue début décembre. Depuis le début, 150 projets de modernisation ont bénéficié d'aides pour un montant total de 300 millions.

J'en viens au budget de l'audiovisuel public pour 2000.

Dans sa déclaration de politique générale, le Premier ministre avait marqué sa volonté de renforcer les moyens consacrés à la culture et au secteur public audiovisuel.

Ma première tâche avait consisté, dans le cadre du budget pour 1998, à réparer les conséquences du budget pour 1997 que j'avais qualifié de « télécide ». Messieurs de l'opposition, n'ayez donc pas la mémoire courte. Je remarque d'ailleurs qu'après avoir convenu en commission que ce budget était un bon budget, vous avez dû faire des efforts pour trouver des arguments justifiant un vote négatif.

M. Michel Herbillon - Vous utilisez toujours le même argument. C'est vous qui êtes au pouvoir, parlons d'aujourd'hui et de demain.

Mme la Ministre - Le budget 1999 franchissait une première étape vers le développement, notamment de France 3. Mais cela ne suffisait pas pour remédier au relatif sous-financement du secteur public audiovisuel français par rapport à ses principaux homologues européens, qu'expliquent largement les exonérations de redevance. Puis le projet de loi audiovisuelle a été lancé afin d'aller vers une organisation plus cohérente du pôle télévisuel public, de réduire la dépendance des chaînes de télévision généralistes à l'égard de la publicité et de renforcer les moyens de l'ensemble du secteur public audiovisuel.

Ce budget est un budget de développement. En augmentation de 4,8 %, il permettra un renforcement important des moyens du service public, notamment en matière de programmes. Cette évolution est très supérieure à celles dont il avait bénéficié en 1998 et 1999.

Elle est particulièrement sensible pour France 2 et France 3, dont les budgets augmentent respectivement de 7,6 % et de 5,3 %, et marque une véritable rupture par rapport aux tendances récentes.

France 2 est ainsi dotée des moyens nécessaires à l'exercice de sa mission de grande chaîne de référence du service public, s'adressant à un public diversifié. France 3 est confortée dans ses missions de chaîne généraliste et de télévision de proximité. Le rôle essentiel que jouent les autres entreprises du secteur public audiovisuel n'est pas négligé pour autant.

Ainsi les moyens de Radio France progresseront dans une proportion comparable à celle des deux précédents budgets. Le plan de numérisation de l'outil de production bénéficie d'une mesure nouvelle et son financement sera garanti dans les prochaines lois de finances.

Des équipes de direction nouvelles sont aujourd'hui en place à France 2 et France 3 comme à Radio France. J'attends d'elles qu'elles engagent la modernisation de ces entreprises et affirment la vocation culturelle de leur programmation.

Le budget de Radio France Internationale augmentera de 2,8 %, ce qui permettra de nouveaux développements. L'effort public en faveur de RFI devra toutefois être accru au cours des années à venir afin de permettre l'extension du réseau de reprises en modulation de fréquences de ses programmes, dont la qualité est mondialement reconnue. Cela me paraît très important au moment où nous entendons, à partir de l'implantation mondiale de l'AFP et de la diffusion de RFI, affirmer notre conception de l'exception culturelle et défendre le pluralisme. Je vois là aussi un moyen efficace de renforcer la présence de la France à l'étranger.

Le montant des ressources publiques affecté à Réseau France Outremer sera accru afin de permettre un indispensable retour à l'équilibre. Après une période de dérapage de ses charges d'exploitation, RFO va mieux grâce à l'effort de maîtrise des charges externes réalisé par ses dirigeants. Le plan stratégique de RFO qui est en cours de discussion avec ses autorités de tutelle devra donc conjuguer à la rigueur accrue de la gestion le maintien d'une offre radiophonique et télévisuelle publique diversifiée.

La Cinquième et la Sept-Arte bénéficient elles aussi d'une progression importante de leur budget. Elles sont ainsi confortées dans l'exercice de leurs missions de chaîne éducative d'une part, et de chaîne culturelle franco-allemande, à ouverture européenne, d'autre part. La France a la chance de disposer d'un cinquième réseau entièrement consacré à la diffusion en clair de programmes éducatifs et culturels. Sans exclure toute innovation, il importe que la nature de la programmation de la Cinquième et d'Arte demeure conforme à leurs missions, auxquelles je suis attachée.

Si le budget de l'Institut national de l'audiovisuel est stable par rapport à l'année dernière, il comporte les moyens nécessaires à sa modernisation. Ainsi la part consacrée à la numérisation de la chaîne d'exploitation des archives sera accrue, de même que les crédits destinés au plan de sauvegarde et de restauration des archives, qui est au c_ur de la mission patrimoniale de l'INA.

Le budget du secteur public est fidèle aux engagements pris dans le cadre du projet de loi audiovisuelle, adopté en première lecture par votre Assemblée. Il renforce les moyens du secteur public audiovisuel tout en permettant une réduction de la durée de la publicité et en assurant un rééquilibrage de sa structure de financement dans un sens plus conforme aux missions de service public.

Redevance et remboursement des exonérations de redevance confondus, la progression des ressources publiques atteint 1,5 milliard. Elle permet naturellement de compenser la baisse des ressources publicitaires liée à la réduction de la durée de la publicité sur les antennes de France 2 et de France 3 dans le contexte d'une évolution de l'audience moins favorable qu'espéré. A ce propos, je rappelle qu'une loi ne saurait contraindre ni l'audience à se fixer sur une chaîne ni les annonceurs à lui être fidèles. J'ajoute que cela irait l'encontre des théories de ceux qui entendent laisser jouer pleinement le marché...

Bien évidemment, Messieurs les rapporteurs, la négociation des contrats d'objectifs et de moyens aura lieu, comme vous le souhaitez, dans le courant de 2000. Elle doit être engagée au moment où se prépare la nouvelle configuration du groupe.

Le budget 2001, avec l'application complète de la loi audiovisuelle et la réduction de deux minutes de publicité, prévoira également la compensation intégrale de cette réduction par des crédits budgétaires versés au compte d'affectation spéciale de la redevance et par des moyens nouveaux au profit des programmes.

Les moins-values de recettes publicitaires attendues au titre de 1999 feront quant à elles l'objet d'une compensation dans le cadre de la loi de finances rectificative de fin d'année.

Au-delà de cette compensation, la progression des ressources publiques permettra une forte augmentation des moyens des entreprises audiovisuelles publiques. Cette augmentation ne sera donc pas financée par une course aux recettes publicitaires aléatoires, qui bride la prise de risque éditorial et artistique, mais bien par des ressources publiques.

C'est ainsi que nous pouvons garantir, Messieurs Dominati et de Chazeaux, le passage au numérique hertzien. Je présenterai des amendements à ce propos à l'occasion de l'examen de la loi audiovisuelle par le Sénat. Le bilan du livre blanc sera bientôt connu et nous disposerons d'un cadre législatif et des moyens nécessaires pour répondre aux attentes des téléspectateurs.

Le budget du secteur public pour 2000 est ainsi un budget d'expansion, qui écarte la crainte d'une paupérisation liée à la réduction de la publicité.

Le coût de la réforme audiovisuelle ne pèsera pas sur le téléspectateur : comme en 1999, les tarifs de la redevance suivront simplement l'inflation. Il n'affectera pas non plus le contribuable, sous la forme d'une augmentation d'impôts ou d'un renoncement à une baisse d'impôts : l'augmentation des crédits budgétaires destinés à rembourser les exonérations de redevance s'inscrit dans la limite globale de progression des dépenses du budget général de l'Etat fixée par le Premier ministre au niveau de l'évolution prévue des prix à la consommation.

Le montant des crédits budgétaires destinés à rembourser les exonérations de redevance, qui s'élève à 900 millions de francs dans le projet de budget pour 2000, permettra d'assurer un remboursement intégral de ces exonérations en 2001, année où la loi audiovisuelle, qui en prend l'engagement, entrera en vigueur.

L'affectation au compte d'affectation spéciale des crédits correspondant aux exonérations de redevance garantit effectivement, Monsieur Mathus, l'intégration de ces sommes dans l'assiette du COSIP.

M. Pierre-Christophe Baguet - Félicitations !

M. Olivier de Chazeaux - C'est insuffisant !

Mme la Ministre - La réforme permet, comme vous le souhaitez, l'accroissement du soutien à la production audiovisuelle et cinématographique. Le montant des moins-values de redevance liées aux exonérations est de 2,5 milliards.

Par l'ensemble de ces dispositions, nous ne faisons qu'anticiper l'application de la loi audiovisuelle. Avec la réduction de la durée de la publicité, c'est une conception plus exigeante du service public qui doit s'affirmer.

L'augmentation des ressources publiques en 2000 va permettre d'engager une importante réduction de la publicité sur les antennes de France 2 et France 3. Leurs cahiers des charges seront prochainement modifiés à cette fin. A compter du 1er janvier 2000, la durée maximale de la publicité par heure glissante sera ramenée de douze à dix minutes et la durée maximale de chaque écran publicitaire sera plafonnée à quatre minutes.

En 2000, les tunnels publicitaires ne vont pas disparaître, mais ils seront fortement raccourcis, plus de temps étant consacré aux programmes. Les choix de programmation seront moins dépendants de recettes publicitaires aléatoires.

Bien entendu, le temps ainsi dégagé pour les programmes ne devra pas être accaparé par un allongement de la durée des messages d'auto-promotion, dont la longueur et la répétition affectent la qualité de l'antenne sans utilité démontrée, donc l'audience des chaînes. Il conviendra d'examiner les conditions d'une plus grande retenue des chaînes publiques en la matière.

Les ressources publiques redeviennent ainsi prépondérantes dans le financement de France 2 : elles représentaient 48,7 % des ressources de la chaîne en 1999 ; elles atteindront 59,1 % en 2000. La réaffirmation des missions de service public s'accompagne d'un financement public majoritaire. Voilà qui est cohérent et qui permet aux chaînes de prendre des risques éditoriaux et de faire preuve d'originalité.

M. Michel Herbillon - C'est un v_u pieux...

Mme la Ministre - Cette évolution rapprochera France 2 et France 3 de la plupart de leurs homologues européens.

Je suis parfaitement consciente de la faiblesse des fonds propres de France 2 et de France 3. Cette question devra être traitée dans le cadre du processus conduisant en 2000 à la création de la holding France Télévision. Les contrats pluriannuels d'objectifs et de moyens que nous allons élaborer, la progression des moyens et l'équilibre plus vertueux entre les différentes sortes de ressources nous permettront aussi de faire un très grand pas en avant.

A travers ce budget 2000, c'est une ambition forte que le Gouvernement souhaite exprimer. Celle d'un service public jouant un rôle central en matière d'information, d'enrichissement culturel et de loisir pour nos concitoyens. Celle d'un service public qui sache maîtriser collectivement sa modernisation. L'application de la loi sur l'aménagement et la réduction du temps de travail offre une occasion déterminante à cet égard.

Il est exact que le projet de budget pour 2000 ne prend pas en compte le besoin de financement lié à l'application de la loi sur l'aménagement et la réduction du temps de travail.

Plusieurs députés UDF et RPR - Quel aveu !

Mme la Ministre - Ce besoin sera déterminé après la conclusion des négociations et le financement correspondant sera dans la prochaine loi de finances. Les présidents concernés savent parfaitement à quoi s'en tenir à ce sujet.

En réduisant la dépendance des grandes chaînes généralistes à l'égard de la publicité, ce budget leur permet de prendre des risques éditoriaux et de faire le pari de l'innovation. J'y veillerai en ma double qualité de ministre de la culture et de ministre de la communication, responsable devant la représentation parlementaire et, au-delà, devant nos concitoyens, d'une meilleure affirmation de l'identité du service public en matière de la programmation.

M. Schwartzenberg souhaite, au nom de la justice sociale, une extension des exonérations de la redevance. Le Gouvernement étudiera la question avec le souci de garantir, comme le souhaite M. Le Guen, la pérennité de cette ressource.

Garantir aux chaînes publiques un financement public suffisant constitue une grande ambition. Telle est celle de ce projet de budget, dont je souhaite qu'il nous fasse prendre le tournant de l'efficacité et de la modernité (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe RCV et du groupe communiste).

M. le Président - Avec les questions et les amendements, nous en aurions encore pour plus d'une heure...

La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance qui aura lieu cet après-midi à 15 heures.

La séance est levée à 13 heures 5.

                      Le Directeur du service
                      des comptes rendus analytiques,

                      Jacques BOUFFIER


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