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Session ordinaire de 1999-2000 - 29ème jour de séance, 71ème séance

2ème SÉANCE DU LUNDI 22 NOVEMBRE 1999

PRÉSIDENCE de Mme Nicole CATALA

vice-présidente

Sommaire

          LOI DE FINANCES POUR 2000 -deuxième partie- (suite) 2

          ARTICLES NON RATTACHÉS (suite) 2

          ART. 62 2

          APRÈS L'ART. 62 2

          APRÈS L'ART. 63 4

          ARTICLES « SERVICES VOTÉS »
          ET ARTICLES DE RÉCAPITULATION 33

          SECONDE DÉLIBÉRATION 34

La séance est ouverte à quinze heures.

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LOI DE FINANCES POUR 2000 -deuxième partie- (suite)

L'ordre du jour appelle la suite de la discussion de la deuxième partie du projet de loi de finances pour 2000.

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ARTICLES NON RATTACHÉS (suite)

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ART. 62

M. Didier Migaud, rapporteur général de la commission des finances - Le président de la commission des finances a proposé que les collectivités locales puissent prendre, jusqu'au 15 novembre et non pas seulement jusqu'au 15 octobre comme initialement prévu, une délibération exonérant les entreprises de spectacle de taxe professionnelle. Tel est l'objet de l'amendement 215.

M. Christian Pierret, secrétaire d'Etat à l'industrie - Le Gouvernement est favorable à une mesure qui favorisera le développement de la culture sur le plan local

L'amendement 215, mis aux voix, est adopté.

L'article 62, ainsi modifié, mis aux voix, est adopté.

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APRÈS L'ART. 62

M. Michel Bouvard - Je vais retirer l'amendement 29 corrigé de M. Dumoulin. Nous avons en effet décidé ce matin en commission des finances de réexaminer le sujet, auquel nous espérons trouver une solution d'ici à l'examen du collectif.

L'amendement 29 corrigé est retiré.

M. Gilles Carrez - L'amendement 283 tend à supprimer le régime distinct d'imposition à la taxe professionnelle des professions libérales assujetties aux BNC qui emploient moins de cinq salariés. En effet, ces professions sont soumises à un régime dérogatoire dans lequel une part de leur taxe professionnelle est assise sur 10 % de leurs recettes. Lorsque j'avais soulevé ce problème lors de la discussion de la première partie du projet de loi de finances, M. Sautter m'avait répondu, comme en atteste le Journal officiel, que ces professions avaient eu « le talent d'obtenir un régime dérogatoire en 1975 avec une taxe professionnelle sans part salariale, si bien qu'elles avaient longtemps payé moins que les autres ». Or, c'est une contrevérité. En effet, lorsqu'en 1975, une part de la taxe a été assise sur les équipements, craignant que ces professions ne paient trop peu, on les a assujetties sur une part de leur chiffre d'affaires. Déjà pénalisées, ces professions vont donc l'être maintenant doublement puisque la réforme tendant à supprimer progressivement la part salariale de la taxe ne leur profitera pas. Pourquoi le Gouvernement ne les réintroduit-il donc pas dans le droit commun, d'autant qu'elles ont d'importantes capacités d'embauches ?

M. Sautter m'avait également objecté que cette mesure coûterait 3,6 milliards, ce qui est tout à fait démesuré. La réforme de la taxe professionnelle dans son ensemble ne coûte que 2 milliards en 2000. Nous avons fait des simulations en liaison avec l'UNAPL qui aboutissent à des coûts bien moindres. Enfin, lorsque le rendement de l'impôt sur les sociétés et sur le revenu est supérieur de 30 milliards aux prévisions, l'Etat pourrait se montrer plus généreux envers les professions libérales et plus soucieux de l'équité fiscale (Applaudissements sur les bancs du groupe du RPR et du groupe UDF).

M. le Rapporteur général - Aucun élément nouveau n'est intervenu depuis le débat en première lecture qui ait pu amener la commission à modifier sa position. Rejet donc.

Permettez-moi par ailleurs de vous faire observer que le coût de la réforme de la taxe professionnelle en 2000 avoisinera au total 10 milliards, et non pas 2.

M. le Secrétaire d'Etat - Et sur cinq ans, cette réforme coûtera de 20 à 25 milliards.

Sur l'amendement, même avis que le rapporteur général.

S'agissant des agents d'affaires et des intermédiaires employant moins de cinq salariés, le calcul de leur assiette a déjà été modifié.

L'amendement de M. Carrez réduirait l'effort contributif des professions libérales -c'est d'ailleurs son but- et cette réduction serait d'autant plus importante que la part des immobilisations dans le chiffre d'affaires de ces professionnels est très faible.

Je souhaite le retrait de cet amendement.

M. Gilles Carrez - Je le maintiens.

L'amendement 283, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Jean-Pierre Brard - Le Gouvernement ayant décidé de supprimer progressivement la part salariale de l'assiette de la taxe professionnelle, notre amendement 291 vise à étendre cette imposition aux actifs financiers.

M. le Rapporteur général - Avis défavorable.

M. le Secrétaire d'Etat - Comme M. Brard, le Gouvernement souhaite que les détenteurs d'actifs financiers soient mis à contribution. Plusieurs mesures ont déjà été prises en ce sens, comme l'imposition des plus-values au taux normal au lieu du taux réduit ou la réduction du taux de l'avoir fiscal pour les sociétés autres que les sociétés-mères.

Votre objectif est louable, Monsieur le député, mais la loi de finances doit vous donner satisfaction.

Mme la Présidente - Je n'ose penser, cependant, que M. Brard retire son amendement.

M. Jean-Pierre Brard - Vous êtes très perspicace, Madame la présidente (Sourires).

L'amendement 291, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Jean-Pierre Brard - Il existe des sociétés qui font des bénéfices et cependant licencient, considérant l'emploi comme une variable d'ajustement. Notre amendement 4 corrigé vise à la pénaliser. L'actualité a montré la pertinence de cet amendement.

M. le Rapporteur général - Tout en partageant le souci de notre collègue, la majorité de la commission a rendu un avis défavorable.

M. le Secrétaire d'Etat - M. Brard a raison de dire que l'emploi ne devrait pas être considéré comme une variable d'ajustement. Lui et son groupe, la majorité plurielle et le Gouvernement, nous sommes tous en ligne sur cette question, mais cet amendement ne peut être adopté, pour des raisons techniques. En effet, l'imposition à la taxe professionnelle est calculée sur la base de l'année n-2, alors que le dispositif envisagé porte sur l'année n-1.

Par ailleurs, les entreprises qui licencient sont déjà pénalisées, puisqu'elles ne peuvent provisionner leurs indemnités de licenciement.

M. Jean-Jacques Jegou - Je pourrais être d'accord avec M. Brard si, au lieu de vouloir interdire tout licenciement aux entreprises qui font des bénéfices, on s'efforçait au moins d'éviter que ces entreprises reçoivent des aides de l'Etat pour licencier ! Je pense à l'accord signé par le Gouvernement avec les industriels de l'automobile : l'argent du contribuable est distribué pour licencier des salariés de plus de 50 ans, dont un tiers seulement seront réembauchés.

Au lieu de faire la morale, le Gouvernement devrait se fixer une ligne de conduite claire.

Licencier n'est jamais agréable et les entreprises ne le font pas par plaisir, Monsieur Brard : vous le savez d'ailleurs, car il vous arrive sans doute, en tant que maire de Montreuil, de discuter avec les entrepreneurs de votre commune.

Je souhaite que le Gouvernement nous indique s'il compte faire en sorte que les entreprises bénéficiaires ne reçoivent pas de fonds publics pour licencier.

L'amendement 4 corrigé, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Jean-Pierre Brard - Le secrétaire d'Etat a dit que nous étions «en ligne» : malheureusement ce n'est pas en temps réel.

Quant à M. Jegou, j'observe qu'il n'a pas tenté de sous-amender mon amendement et que, sous la précédente législature, il n'a rien fait pour éviter la situation qu'il déplore aujourd'hui.

Notre amendement 292 vise à freiner le développement du travail précaire, qui constitue un véritable problème de société.

Si on peut admettre que les entreprises aient besoin d'une certaine souplesse, on ne peut accepter que le recours au travail précaire devienne la règle. Economiquement, rien ne le justifie et ce serait une grave régression sociale.

Le travail précaire peut prendre des formes multiples : contrats à durée déterminée, travail temporaire, sous-traitance ou faux statuts de travailleur indépendant. Au total, il représente aujourd'hui la moitié des embauches.

Le Premier ministre lui-même a évoqué ce problème dans son discours de Strasbourg, souhaitant la conclusion d'accords conventionnels. Je vous propose de contribuer à mettre en _uvre ce discours...

M. le Rapporteur général - Le discours de Strasbourg est une excellente référence, Monsieur Brard. Nous partageons votre souci. Martine Aubry a déjà pris des mesures contre le recours abusif au travail précaire et nous les avons votées. Cependant, ce n'est pas dans le cadre de la loi de finances qu'on prendra les mesures les plus adéquates. Le sujet mérite d'être approfondi. Avis défavorable.

M. le Secrétaire d'Etat - Le Premier ministre a indiqué, le 27 septembre à Strasbourg, qu'il souhaitait sanctionner financièrement le recours excessif à l'emploi précaire. Le Gouvernement prépare un projet de loi qui vous sera présenté au premier semestre 2000 et qui vise, en l'absence d'accord de branche, à instituer un mécanisme de correction financière. Vous aurez donc satisfaction.

M. Jean-Pierre Brard - Je retire mon amendement.

L'article 63, mis aux voix, est adopté.

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APRÈS L'ART. 63

M. Jérôme Cahuzac - J'ai co-signé l'amendement 30 corrigé de M. Jean-Louis Dumont, dont nous connaissons la compétence en matière de logement.

Le bénéfice de la majoration de la déduction forfaitaire sur les revenus fonciers instituée au profit des bailleurs de logements anciens dans le secteur intermédiaire par l'article 96 de la loi de finances pour 1999 est limité actuellement aux nouveaux baux.

Cet amendement vise à l'ouvrir aux baux reconduits ou renouvelés sous réserve du respect des conditions de loyer et de ressources. Il s'agit d'accélérer le développement d'un secteur locatif intermédiaire.

M. le Rapporteur général - Laissons vivre le dispositif Besson, avant de le corriger. L'adoption de cet amendement n'aurait qu'un effet d'aubaine pour les bailleurs, puisqu'il vise les logements en cours de location. La commission ne l'a pas adopté.

M. le Secrétaire d'Etat - Avis défavorable. Tout avantage fiscal doit avoir une contrepartie. Laissons vivre, en effet, le dispositif Besson : nous aurons l'occasion d'y revenir l'année prochaine. Je souhaite le retrait de cet amendement.

M. Jérôme Cahuzac - J'entends les arguments du rapporteur et du ministre mais je prends acte du fait que le principe n'est pas rejeté. Je suis persuadé que ce type de disposition finira par être adopté.

L'amendement 30 corrigé, est retiré.

M. Philippe Auberger - M. Christian Jacob m'a chargé de défendre son amendement 162, qui tend à organiser la responsabilité solidaire des membres des groupements d'employeurs -qui se développent notamment dans le secteur agricole.

M. le Rapporteur général - Avis défavorable car on ne provisionne qu'une charge probable -et non pas seulement éventuelle. En outre, le plafond retenu -8 % du chiffre d'affaires- est très élevé.

M. le Secrétaire d'Etat - Même avis.

L'amendement 162, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Jean-Jacques Jegou - Un amendement du rapporteur général sur la transmission d'entreprises a été adopté en première partie du projet de loi de finances, mais il ne concerne que les entreprises sous forme de société, et non les entreprises individuelles. Charles de Courson m'a demandé de défendre son amendement 134, qui tend, par souci de parallélisme, à prendre des mesures équivalentes pour les exploitants agricoles exerçant sous forme individuelle, ainsi que des dispositions facilitant l'installation des jeunes exploitants agricoles sans lien de parenté avec le cédant.

M. le Rapporteur général - La commission et l'Assemblée nationale avaient rejeté en première partie plusieurs amendements sur ce sujet dans l'attente du rapport de Mme Béatrice Marre et de M. Jérôme Cahuzac, qui ont été chargés de faire des propositions de réforme des prélèvements fiscaux et sociaux dans le secteur agricole.

En outre, l'amendement qui a été adopté en première partie à mon initiative concerne bien la transmission d'entreprises individuelles, y compris agricoles, mais seulement en cas de décès, alors que cet amendement-ci concerne également les donations.

M. le Secrétaire d'Etat - A ces raisons de rejet s'ajoute le fait qu'il existe déjà un régime de faveur pour la transmission à titre gratuit des entreprises.

L'amendement 134, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Philippe Auberger - L'amendement 156 de M. Jacob se situe dans la droite ligne de la politique agricole suivie dans le passé notamment par Michel Rocard, dont l'ambition était d'imposer l'ensemble des exploitants au bénéfice réel.

M. le Rapporteur général - Il est exact que le régime d'imposition des bénéfices agricoles prête à critique pour sa complexité, son archaïsme et son inéquité. On dit parfois que le bénéfice imposable est égal au bénéfice le plus faible que le cultivateur le plus maladroit peut tirer de la terre la plus maigre au cours de l'année la plus calamiteuse... (Exclamations sur les bancs du groupe du RPR) Dans l'attente des conclusions du rapport Marre sur ce sujet sensible, avis défavorable.

M. le Secrétaire d'Etat - Même avis.

L'amendement 156, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Michel Bouvard - Mon amendement 51 corrigé tend à favoriser l'investissement dans les exploitations agricoles en aménageant le système actuel de la déduction pour investissement, dont l'efficacité est limitée du fait du plafonnement, de l'incompatibilité avec les dispositions de l'article 72 B et de l'imputation sur la base d'amortissement.

Sans doute va-t-on me renvoyer une fois de plus au rapport de Mme Marre...

Je suggère que, lorsque Mme Marre aura avancé ses travaux, la commission des finances auditionne le ministre sur ces questions.

M. le Rapporteur général - Le nombre des amendements déposés sur ce sujet suffit à démontrer le besoin d'une réflexion de fond, conformément à l'esprit et à la lettre de la loi d'orientation agricole. Nous reverrons cela à la lumière du rapport de Mme Marre. Dans cette attente, avis défavorable à cet amendement ainsi qu'aux amendements 13 et 16.

M. le Secrétaire d'Etat - Lors de la discussion de la loi de finances pour 1984, nous avions adopté, pour favoriser l'investissement agricole, les dispositions qu'il nous est proposé de modifier. On ne saurait franchir cette nouvelle étape sans attendre le rapport de Mme Marre et la mise en place de l'ensemble de dispositions de la loi d'orientation agricole. En conséquence, même avis que la commission.

L'amendement 51 corrigé, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Jean-Jacques Jegou - L'amendement 13 est défendu.

L'amendement 13, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Gilbert Gantier - Les exploitants agricoles ne peuvent modifier la date de clôture de l'exercice qu'ils ont choisie lors de leur passage au réel, sauf en cas de reconversion d'activité. Mon amendement 10 corrigé a pour objet de leur permettre de la modifier une fois tous les dix ans.

M. Michel Bouvard - L'amendement 11, identique, est défendu.

M. Jean-Jacques Jegou - L'amendement 15 également.

M. Michel Bouvard - J'ajoute à l'appui de mon amendement 23 que cette mesure irait dans le sens de la simplification ; il n'y a donc aucune raison d'attendre le rapport Marre...

M. le Rapporteur général - Avis défavorable. La règle instaurée avait pour but de mettre fin à l'évasion fiscale. Il faudrait s'assurer que celle-ci ne risquerait pas de réapparaître. En outre, cette question relève du rapport Marre.

M. le Secrétaire d'Etat - Même avis que la commission. Pour certaines spéculations agricoles, les agriculteurs soumis au réel, peuvent depuis la loi de finances pour 1984, modifier la durée de l'exercice comptable.

Les amendements 10 corrigé, 11 corrigé, 15 corrigé et 23, mis aux voix, ne sont pas adoptés.

M. Jean-Jacques Jegou - L'amendement 14 est défendu.

M. Michel Bouvard - En présentant mon amendement 22, j'ai le sentiment que Mme Marre se substitue dans leur travail aux parlementaires en séance (Murmures sur les bancs du groupe socialiste). Là encore, cependant, il existe une disposition relative à la date des campagnes viticoles qui mériterait d'être adaptée sans attendre la remise d'un rapport. Ce problème de date se pose depuis l'adoption du règlement communautaire sur l'organisation du marché vini-viticole. La modification que nous proposons pourrait entrer en application dès la prochaine campagne.

M. le Rapporteur général - Avis défavorable. La question du décalage entre la date de la fin de la campagne et celle de la fin de l'exercice fiscal se pose en effet, bien que 80 % des viticulteurs ne calent pour l'une sur l'autre. Surtout, la date de la déclaration des stocks n'est pas encore arrêtée au niveau communautaire. Peut-être obtiendrons-nous que la date de déclaration soit fixée au 31 août. Votre amendement est prématuré. Laissons la négociation aller à son terme.

M. le Secrétaire d'Etat - Même avis que la commission.

M. Michel Bouvard - Au bénéfice des informations fournies par le rapporteur général, et faisant confiance à la capacité du Gouvernement de négocier une date favorable, je retire mon amendement.

L'amendement 22 est retiré.

M. Jean-Jacques Jegou - Suivant la démarche de M. Michel Bouvard, je retire l'amendement 14.

M. Philippe Auberger - L'amendement 159 de M. Jacob est défendu.

Mme Béatrice Marre - Monsieur Bouvard, je n'ai pas le sentiment de me substituer à l'Assemblée, dont je fais partie, et à laquelle mes propositions seront soumises. Mon amendement 312 tend à reporter d'un an la date limite d'installation fixée pour avoir droit la réduction de 50 % applicable au bénéfice des jeunes agriculteurs durant leur soixante premiers mois d'activité. Si ce dispositif n'est pas reconduit, les agriculteurs qui s'installeront l'année prochaine seront lésés. L'amendement de M. Jacob, qui tend à reconduire le dispositif pour cinq ans est excessif.

M. Philippe Auberger - Cette excellente explication me conduit à retirer l'amendement de M. Jacob au profit de celui de Mme Marre.

L'amendement 159 est retiré.

M. le Rapporteur général - L'amendement 312 est techniquement meilleur que celui de M. Jacob. L'abattement fiscal dont il s'agit est quelque peu controversé. Il représente environ 150 millions par an. Certains y voient un effet d'aubaine au caractère incitatif plus que douteux. Mme Marre aura à apprécier dans son rapport ce qu'il en est. Pour le moment, ce dispositif expirant le 31 décembre prochain, il est utile de le reconduire pour un an.

M. le Secrétaire d'Etat - Je félicite Mme Marre d'avoir identifié un dispositif qui complète heureusement les prêts spéciaux à moyen terme et prolonge les effets de la DJA. Le Gouvernement propose de lever le gage.

L'amendement 312 corrigé, mis aux voix, est adopté.

Mme la Présidente - Mme Marre fait l'unanimité !

M. Philippe Auberger - L'amendement 155 est défendu.

L'amendement 155, repoussé par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Philippe Auberger - L'amendement 167 est défendu.

L'amendement 167, repoussé par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Gilbert Gantier - L'amendement 270 tend à créer des bons de croissance. Nous proposons de regrouper les stock-options et les bons de souscription de parts de créateurs d'entreprises réservés aux entreprises de moins de quinze ans, le délai d'indisponibilité étant ramené de cinq à trois ans et la taxation forfaitaire étant fixée à 16 %, comme pour les plus-values mobilières.

M. le Rapporteur général - Avis défavorable. En première partie, l'Assemblée a accepté le calendrier proposé par le Gouvernement, suite à la mission de MM. Balligand et de Foucauld sur l'épargne salariale. Nous aurons un débat sur ce sujet l'an prochain. Tenons-nous en à ce calendrier.

M. le Secrétaire d'Etat - Le Gouvernement ne méconnaît pas l'intérêt de ce système de bons. Aussi bien est-ce le gouvernement de Lionel Jospin qui, dans la loi de finances pour 1998, a créé les bons de souscription de parts de créateurs d'entreprises. Mais il ne faudrait pas modifier la philosophie d'ensemble du dispositif des stock-options. Nous entendons les réserver aux petites sociétés de croissance. Les délais d'indisponibilité et d'ancienneté que vous proposez ne sont pas acceptables. La réforme de l'épargne salariale mérite d'être approfondie. La réflexion va mûrir et l'an prochain nous réexaminerons l'ensemble d'un système dont l'objectif n'est évidemment pas d'accorder de nouvelles facilités à certains contribuables mais de mobiliser l'économie française en faveur de l'innovation, de la croissance et de l'emploi. Rejet.

L'amendement 270, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Gilbert Gantier - L'amendement 274 tend à augmenter le plafond de la déduction de l'impôt sur le revenu pour les pertes en capital effectuées dans le cadre d'une souscription au capital d'une PME qui se trouve en difficulté.

La loi Madelin avait favorisé l'orientation de l'épargne de proximité vers les entreprises de taille moyenne. Cet amendement complète ce dispositif.

M. le Rapporteur général - Avis défavorable : nous avons déjà repoussé ce matin un amendement ayant le même objet. Seule la date d'entrée en vigueur de la mesure différait.

M. le Secrétaire d'Etat - Même avis.

L'amendement 274, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Jean-Pierre Brard - Nous avons déposé toute une série d'amendements destinés à lutter contre la fraude et l'évasion fiscales à la suite du travail que nous avons mené pendant un an et demi sur ce sujet. Il semble, en effet, que le système français laisse encore quelques marges de man_uvre aux fraudeurs, malgré les dispositions que nous avons adoptées l'an dernier. Ainsi, des incohérences subsistent. Je pense, en particulier, au « moratoire Sarkozy » qui permet aux propriétaires de bateaux localisés en Méditerranée de faire leurs emplettes -matériel hi-fi, cuisines allemandes- en franchise de TVA. Nous attachons la plus grande importance à l'adoption de ces amendements, sur l'application desquels nous serons très vigilants.

Cela dit, il ne couvrent pas toutes les sources de fraude, certaines mesures supposant l'adoption de dispositions internationales.

J'en viens plus précisément à l'amendement 295. Il tend à abaisser à 200 000 F le seuil à partir duquel l'administration fiscale peut imposer un contribuable en fonction de ses signes extérieurs de richesses en cas de disproportion évidente entre son train de vie et ses revenus. Il s'agit ainsi de lutter contre la grande et moyenne délinquance en s'attaquant à des signes extérieurs de richesse moins somptueux que ceux visés à l'article 168 du code général des impôts, lesquels témoignent d'une conception extrêmement bourgeoise du train de vie. Le seuil que nous proposons d'instituer serait maintenu au même montant pendant quelques années, puisque nous supprimons la disposition selon laquelle il évolue comme la première tranche du barème de l'impôt sur le revenu.

Bref, nous souhaitons que les services fiscaux puissent contrôler plus facilement certaines personnes qui roulent carrosse dans nos cités.

M. le Rapporteur général - Je salue le travail que M. Brard a effectué pendant plus d'un an pour lutter contre la fraude fiscale. Son rapport d'étape nous a déjà permis d'adopter plusieurs amendements l'an dernier. Il nous en présente aujourd'hui une nouvelle série. La commission a émis un avis favorable à l'adoption d'une dizaine d'entre eux, mais n'a pas retenu le 295. Certes, le problème de l'imposition des délinquants et trafiquants est réel, mais les techniques actuelles de contrôle fiscale permettent déjà de sanctionner un train de vie disproportionné par rapport aux revenus.

M. le Secrétaire d'Etat - Le Gouvernement partage l'avis de la commission et soutiendra, lui aussi, plusieurs amendements de M. Brard, dont il salue le travail très approfondi.

Cela dit, la taxation d'office en fonction du train de vie, telle que prévue par le code général des impôts, est, par définition, une mesure exceptionnelle et qui doit le rester. La méthode d'évaluation à laquelle elle donne lieu est indépendante de la déclaration des revenus souscrite et sa mise en _uvre n'implique pas une présomption de fraude.

Evitons de multiplier les situations conflictuelles pour un gain budgétaire relativement limité. En revanche, en cas de fraude présumée, l'administration est fondée à se montrer très vigilante sur la situation des délinquants qui tirent leurs revenus de trafics divers. C'est ainsi que, depuis quelques mois, le ministère de l'intérieur et celui de l'économie et des finances ont joint leurs efforts pour agir, dans le cadre de l'action nationale lancée contre la fraude et la délinquance.

Dans ces conditions, le Gouvernement souhaite le retrait de l'amendement 295.

M. Jean-Pierre Brard - Personnellement, je serais plutôt satisfait de créer des situations conflictuelles puisque la mesure que je propose vise des voyous ! (« Oh ! » sur les quelques bancs du groupe du RPR et du groupe UDF). Il m'est insupportable que, dans les cages d'escalier des immeubles de nos cités se côtoient des gens qui vivent péniblement avec le SMIC tandis que d'autres roulent carrosse ! Ma démarche est éthique et le gain budgétaire importe peu.

Cela dit, nous débattrons à nouveau l'année prochaine de ces questions en souhaitant que, d'ici là, Bercy nous informe précisément de ce qui est fait. En attendant, je retire l'amendement 295.

Quant au 302, il institue une obligation déclarative à la charge des contribuables qui, pour une partie au moins de leurs revenus, ont opté pour le prélèvement libératoire. Il s'agit de permettre à l'administration de disposer de tous les éléments d'appréciation pour savoir si les contribuables en question ont droit à certains avantages, tels que le plafonnement de la taxe d'habitation, dont certains titulaires de revenus élevés bénéficient abusivement en l'absence d'une déclaration de revenus soumis au prélèvement libératoire. Il en est des exemples célèbres !

M. le Rapporteur général - La commission a accepté cet amendement qui tend à assurer le strict respect de la loi. Il permettra aussi de renforcer la lutte contre la fraude à l'ISF en facilitant les recoupements.

L'amendement 302, accepté par le Gouvernement et mis aux voix, est adopté.

M. Jean-Jacques Jegou - Je défendrai à la fois l'amendement 240 et l'amendement 241, qui est de repli. Nous proposons de relever de 20 % dans le premier cas et de 10 % dans le second le nombre de parts attribuées aux personnes vivant seules pour le calcul de leur impôt sur le revenu, pour tenir compte du fait que leurs charges sont proportionnellement plus lourdes que celles d'un couple.

De nombreux célibataires se trouvent dans une situation difficile car l'insuffisance de leurs revenus fait qu'ils ou elles ne peuvent bénéficier de crédits ou même de baux. L'amendement invite à tenir compte de cette réalité.

M. le Rapporteur général - Notre collègue Dominique Baert avait formulé une proposition similaire, rejetée par le Gouvernement en raison de son coût. Des chiffres avaient alors été avancés qui ont été contestés et qui demanderaient sans doute à être précisés. Mais puisqu'une discussion plus large doit avoir lieu sur l'ensemble des prélèvements directs, ce sera l'occasion de tenir compte, aussi, de la situation des célibataires.

C'est pourquoi la commission propose le rejet des deux amendements.

M. le Secrétaire d'Etat - Lorsque M. Baert avait proposé un dispositif semblable à celui que vous préconisez, M. Sautter lui avait indiqué qu'une telle mesure aurait le coût fiscal prohibitif de 21 milliards. Vous conviendrez avec moi que cela n'est pas concevable. Cela étant, les amendements que vous proposez ont valeur de signal : mettant l'accent sur la situation parfois difficile des personnes célibataires, ils appellent à une réflexion approfondie, qui aura lieu. Dans l'intervalle, je suis contre leur adoption.

M. Jean-Jacques Jegou - Je vous remercie d'avoir bien voulu convenir qu'il s'agit d'un réel problème de société. Je crains cependant que l'habitude qu'ont prise vos conseillers de jongler avec les milliards ne les fasse déraper. Peut-être, en effet, la discussion d'un amendement relatif à un article non rattaché n'est-elle pas le meilleur moment pour résoudre un problème de cette envergure ; néanmoins, nous avons peu d'occasion de traiter de telles questions, si ce n'est dans le projet de loi de finances... et nous sommes dans le sujet !

Pour ce qui est maintenant de la réalité du coût de la mesure proposée pour les finances publiques, je tiens à rappeler que les estimations ont été plutôt fluctuantes, puisque l'on a commencé par parler de 30 milliards pour s'arrêter à 21 après s'être demandé si, après tout, ce ne serait pas plutôt 6...

Le Parlement, tous bancs confondus, doit être mieux traité, et ne peut se satisfaire d'approximations aussi vagues en réponse aux propositions qu'il fait. De même, le Gouvernement serait bien avisé d'écouter les élus lorsqu'ils proposent des économies... La mesure préconisée est certainement coûteuse, et je vous remercie d'avoir entrouvert une porte en indiquant que la réforme fiscale à venir tiendrait compte de la situation des célibataires. Il faudrait cependant mettre un terme à ce qui devient une habitude lassante et qui consiste à renvoyer la discussion sur une multitude de questions importantes, au motif que des rapports sont attendus. Ils sont, en effet, très attendus ! Mme Marre elle-même finit par en sourire ! Il est très bien de confier des rapports à nos collègues, mais la loi de finances se définit aussi dans cet hémicycle, dont le Gouvernement doit prendre garde à ce qu'il ne devienne pas un théâtre d'ombres ! Les rapports qui se succèdent, qu'ils émanent du Sénat ou de l'Assemblée, sont en général très bons et très documentés, mais ils ne doivent pas empêcher, au risque de lasser les électeurs, qui n'ont pas la patience des parlementaires, que la représentation nationale puisse traiter, au fond, les sujets qui intéressent le pays.

M. le Rapporteur général - Je tiens à faire observer que la commission des finances travaille dans un bon climat, et que beaucoup d'amendements sont adoptés au cours de ses travaux. Il n'en est pas moins vrai que certaines propositions doivent être replacées dans un ensemble. C'est ce qui explique l'intérêt de confier un rapport sur des questions précises à l'un ou à l'autre de nos collègues. Ces rapports n'empiètent ni sur les prérogatives de la commission ni sur celles de l'Assemblée, mais permettent de faire avancer les choses, en liaison étroite avec le Gouvernement. C'est une bonne méthode.

M. le Secrétaire d'Etat - Les calculs du ministère étaient, naturellement, parfaitement sérieux. Ils avaient établi que la mesure préconisée par M. Baert, et que vous reprenez, concernerait 8,4 millions de contribuables, soit 54 % des contribuables imposables, et qu'elle aurait pour conséquence un gain moyen de 2 500 F. Là où le bât blesse sérieusement, c'est que l'avantage fiscal serait de 12 500 F pour les contribuable dont le salaire mensuel est supérieur à 41 00 F. Il y aurait là un déséquilibre que, j'en suis certain, vous ne souhaitez pas encourager. C'est pourquoi j'invite à nouveau l'Assemblée à repousser un amendement dont les effets iraient à l'encontre de l'équité fiscale.

M. Jean-Jacques Jegou - Il me paraît extraordinaire que 8 millions de Français soient célibataires, et qu'ils représenteraient, de surcroît, 54 % des contribuables ! Sensible à la courtoisie dont vous avez fait preuve, je retire les amendements, mais si une commission ad hoc est créée, j'aimerais en faire partie, pour étudier ces chiffres d'un peu plus près.

Mme la Présidente - Je constate que les amendements 240 et 241 sont retirés.

M. Jean-Pierre Brard - Par l'amendement 2, M. Moutoussamy propose de proroger jusqu'à 2006 la réduction d'impôt liée aux investissements immobiliers réalisés outre-mer et conditionnés à l'existence de plafonds de loyers et de ressources des locataires. On voit bien que ce texte traduit le souhait de préserver la cohérence entre fiscalité équitable et justice sociale.

M. le Rapporteur général - La commission a été sensible à la préoccupation exprimée par M. Moutoussamy. Mais cet amendement susciterait un effet d'aubaine. Comme le Gouvernement s'est engagé à présenter un projet de loi d'orientation relatif aux DOM, je vous propose de renvoyer la question à l'examen de ce texte. Si cet amendement n'était pas retiré, j'en demanderais le rejet.

M. le Secrétaire d'Etat - Même avis. M. Brard aura pris date aujourd'hui et la question sera examinée à l'occasion d'un prochain projet de loi.

M. Jean-Pierre Brard - J'ai bien pris note de cet engagement. Souhaitant travailler dans le même esprit constructif qu'Ernest Moutoussamy, je retire donc cet amendement.

L'amendement 2 est retiré.

M. Gilbert Gantier - L'amendement 273 a pour objet de renforcer les fonds propres des PME dont chacun connaît l'importance dans le développement de l'économie nationale. Pour ces entreprises qui le plus souvent ne sont pas cotées, l'épargne de proximité constitue la principale source de fonds propres. Cette épargne a d'ailleurs été encouragée par la loi Madelin relative à l'entreprise individuelle, codifiée en article 199 terdecies O-A du code général des impôts. Ce texte prévoit, pour les particuliers souscrivant au capital des PME, une réduction d'impôt égale à 25 % des versements, plafonnée à 37 500 F pour les célibataires et à 75 000 F pour les couples mariés. Nous vous proposons de renforcer cet avantage fiscal.

M. Jean-Louis Idiart - Je défends l'amendement 20 de notre collège Eric Besson, retenu dans la Drôme en raison des intempéries. Celui-ci propose de porter le plafond des réductions d'impôt accordées dans le cadre de la loi Madelin respectivement à 45 000 F et à 90 000 F.

M. le Rapporteur général - L'amendement 273 va plus loin que l'amendement 20 puisqu'il tend à accroître le taux des réductions d'impôt tout en en relevant le plafond. C'est excessif : en effet, ces plafonds, bien souvent, ne sont pas atteints et une réduction d'impôt de 50 % serait trop importante.

L'amendement 20, pour sa part, mérite toute notre considération. Dans l'attente de la réforme de l'impôt sur le revenu qui sera présentée l'an prochain et qui pourrait comporter un volet relatif à l'innovation et aux créations d'emplois, je vous propose de rejeter ces deux amendements.

M. le Secrétaire d'Etat - Je salue le travail de MM. Idiart et Besson qui souhaitent encourager l'investissement de l'épargne dans les PME. C'est aussi une priorité pour le Gouvernement qui l'a d'ailleurs marquée avec la création des BSPCE, le report d'imposition des plus-values en cas de réemploi dans une société nouvelle, la mise en place des contrats d'assurance-vie dits DSK, dont au moins 5 % doivent être investis dans des sociétés non cotées, la prorogation de la réduction d'impôt consentie pour les investissements dans les PME et l'amélioration du dispositif permettant de déduire les pertes en cas de liquidation de la société.

La bataille de l'emploi se joue pour une large part dans les PME, en particulier innovantes. Pour autant, Monsieur Gantier, vos propositions sont excessives. Une réduction d'impôt de 25 % paraît suffisante, car c'est là le taux marginal d'imposition du plus grand nombre de contribuables. Elle est assez incitative sans être trop lourde pour le budget de l'Etat.

Le Gouvernement est hostile aux deux amendements, non dans leur esprit, mais une plus ample réflexion est nécessaire avant d'aller plus loin. Pour l'heure, j'invite leurs auteurs à les retirer.

Les amendements 273 et 20 sont retirés.

M. Philippe Auberger - L'amendement 164 est un amendement d'appel. Son auteur, M. Jacob, demande que l'on tienne compte de la spécificité des entreprises agricoles dans les règles de détermination des résultats assujettis à l'impôt sur les sociétés.

L'amendement 164, repoussé par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Jean-Louis Idiart - L'amendement 286 est défendu.

M. le Rapporteur général - Avis défavorable. Cet amendement tend à revenir sur une ouverture acceptée l'an passé. Je propose, comme tout à l'heure, de renvoyer l'examen de cette question au projet de loi d'orientation relatif aux DOM qui nous sera soumis prochainement.

M. le Secrétaire d'Etat - Rejet également.

L'amendement 286, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Jean-Pierre Brard - L'amendement 307 vise à supprimer toute déductibilité des intérêts d'emprunts contractés par les entreprises auprès d'établissements financiers, bancaire ou de sociétés, implantés dans des paradis fiscaux. Ces emprunts peuvent en effet légitimement susciter la suspicion. La technique du prêt adossé constitue une technique classique de blanchiment de capitaux soustraits à l'impôt et de recyclage des profits issus de la grande criminalité. La plus grande vigilance du législateur fiscal s'impose donc.

Je me permets de signaler que nos partenaires italiens s'interrogent sur le moratoire Sarkozy, souhaitant que nous en arrivions vite au même degré d'exigence éthique et de transparence fiscale qu'eux.

M. le Rapporteur général - La très grande majorité des membres de la commission des finances partage votre préoccupation. Mais pour prendre des mesures plus efficaces encore, il paraît nécessaire de traiter le sujet dans un cadre multilatéral, au sein de l'OCDE ou de l'Union européenne. Des négociations sont en cours au niveau européen et Dominique Strauss-Kahn avait formulé des propositions qui sont en cours d'examen. Attendons le résultat de ces négociations avant de prendre une mesure spécifique à la France. Si cet amendement est maintenu, je serai obligé d'en demander le rejet.

M. le Secrétaire d'Etat - Sur le moratoire de M. Sarkozy, je vous répondrai à propos d'un amendement ultérieur.

L'amendement en discussion présente le défaut de ne pas distinguer les transactions financières normales et celles qui consistent en des transferts de fonds illégaux vers les paradis fiscaux. On ne peut que partager votre objectif, Monsieur Brard mais le contrôle fiscal d'ores et déjà exercé permet de l'atteindre. Ce contrôle me paraît d'ailleurs en l'espèce la seule procédure applicable.

La coopération internationale est essentielle en ce domaine. Le récent rapport de l'OCDE sur la compétition fiscale dommageable, auquel notre pays a largement contribué, ouvre plusieurs pistes que nous entendons bien exploiter. Nous allons élaborer une liste des paradis fiscaux commune à tous les Etats membres. Puis nous adopterons des mesures de rétorsion conformes aux principes posés dans le rapport, en liaison avec l'ensemble de nos partenaires.

On assiste à une véritable prise de conscience parmi les Etats membres, ce dont on ne pouvait même pas se douter il y a encore deux ou trois ans.

Dans la mesure où nous avons le même objectif, je pense que vous pourriez retirer votre amendement.

M. Jean-Pierre Brard - Je ne crois pas qu'on puisse procéder à des transactions financières normales avec un paradis fiscal. Je pense en particulier à certains grands groupes nationaux qui devraient avoir davantage la fibre patriotique.

Je n'ignore pas, cependant, le travail accompli au plan international et vous avez eu raison de souligner l'importance du rôle joué par la France. Au cours des rencontres et des auditions qui ont eu lieu à l'étranger, il a souvent été rendu hommage à la qualité des services français et à des dispositifs comme TRACFIN : je pense au directeur des douanes américaines et à son homologue britannique.

Je retire cet amendement d'appel. Quant à mon amendement 306, de même inspiration, il est d'une nature un peu différente, puisqu'il vise à préciser que les charges versées à des entreprises implantées dans des paradis fiscaux ne seront déductibles que si elles ont été communiquées à l'administration fiscale, dans le cadre d'une présentation détaillée, versement par versement, sous une forme similaire à celle des mentions expresses, au moment de la déclaration des bénéfices de la société ou de la déclaration de revenus, pour les sociétés transparentes, et que si l'administration n'en a pas rejeté le principe dans un délai de six mois, sans préjudice naturellement d'une éventuelle remise en cause de la déductibilité en cas de renseignements erronés ou inexacts. Vous voyez la valeur pédagogique d'une telle disposition.

M. le Rapporteur général - Cet amendement étant de la même inspiration que le précédent, je suggère qu'il soit lui aussi retiré.

M. le Secrétaire d'Etat - Je partage l'avis du rapporteur général.

M. Jean-Pierre Brard - Je partage l'avis du secrétaire d'Etat... (Sourires)

L'amendement 306 est retiré.

Mme Nicole Bricq - Mon amendement 249 est lui aussi un amendement d'appel. Il vise à taxer les producteurs, importateurs et distributeurs de documents publicitaires gratuits, dont la valorisation coûte de plus en plus cher aux collectivités locales.

La distribution d'imprimés gratuits constitue une technique de marketing direct d'un rendement certain, mais le poids croissant des déchets obère les finances des collectivités locales. Il vous est donc proposé d'instituer un système de taxation analogue à celui qui existe déjà pour d'autres matériaux, afin que les collectivités locales ne financent pas seules la valorisation des imprimés.

Nous avons besoin d'un mécanisme dissuasif pour au moins stabiliser le volume de ce type de déchets.

M. le Rapporteur général - La commission a déjà repoussé, pendant l'examen de la première partie de la loi de finances, plusieurs amendements tendant à instituer une taxe sur les imprimés publicitaires distribués dans les boîtes aux lettres.

Il est exact, cependant, que le volume en devient considérable, ce qui pose un problème aux collectivités locales. Il nous faut procéder avec méthode, d'autant que ces imprimés sont déjà taxés en vertu d'une disposition de la loi de finances pour 1998 tendant à soutenir la presse quotidienne.

La question du courrier non adressé est examinée par un groupe de travail constitué par Mme la ministre de l'environnement. Ses conclusions doivent être publiées avant la fin de l'année. Mme la ministre de l'environnement a d'ailleurs précisé au Sénat qu'elle souhaitait, au début de l'année 2000, mettre au point un dispositif incitatif, qu'elle juge préférable à la création d'une taxe.

La commission estime que, si la voie fiscale ne doit pas être écartée a priori, il faut en tout cas attendre l'examen de la prochaine loi de finances pour statuer, compte tenu des résultats que donnera la négociation engagée par le Gouvernement. Nous aurons alors l'occasion de revenir sur cette mesure, que votre collègue préconisait déjà dans son rapport sur la fiscalité écologique.

M. le Secrétaire d'Etat - La publicité non adressée est nécessaire à l'équilibre financier du service public postal, qui assure un « service universel » au sens européen. Ne faisons pas perdre d'opportunités commerciales à ce grand service public auquel les députés sont attachés.

Par ailleurs, le secrétaire d'Etat à l'industrie que je suis souhaite préserver le chiffre d'affaires de l'imprimerie française, une des premières d'Europe. La bataille pour l'emploi consiste aussi à conserver des imprimeries sur notre sol.

Comme le rapporteur général, je souhaite qu'on évalue d'abord les effets de cette mesure. Le groupe de travail du ministère de l'environnement, s'il prend en compte les remarques que je viens de faire, nous apportera les éléments nécessaires. Vous devriez reporter le dépôt de votre amendement à l'examen de la prochaine loi de finances.

M. Jean-Jacques Jegou - Je suis un homme d'entreprise et je sais que certains carnets de commandes ne sont remplis que grâce à ces imprimés. Mais le volume en cause pose un réel problème aux collectivités locales.

On nous répond qu'il faut laisser La Poste faire de la gratte... On sait d'ailleurs dans quelles conditions : selon le bon vouloir des agents.

Je préside un syndicat intercommunal d'élimination de ordures ménagères. Nous demandons déjà à nos concitoyens de répartir leurs déchets dans quatre types de conteneurs pour essayer de réduire le coût exorbitant de la taxe sur les ordures ménagères. Il faudrait que les élus - via l'AMF par exemple- aient voix au chapitre dans la discussion en cours ; c'est aussi l'intérêt des contribuables.

Ces distributions massives de catalogues constituent une atteinte à l'environnement.

Le volume des publicités gratuites est de plus en plus important dans nos déchets ménagers. Je crains que nous ne nous trouvions l'année prochaine dans une situation encore aggravée.

Mme Nicole Bricq - Je suis prête à me ranger à l'idée d'un rendez-vous l'année prochaine. Mon intention n'est pas de pénaliser l'activité économique ; en revanche, je propose une contribution des entreprises productrices, distributrices et importatrices à la valorisation, comme cela existe déjà dans d'autres secteurs, afin que la charge ne repose pas sur le seul contribuable à travers le paiement de la taxe d'enlèvement des ordures ménagères.

M. le Secrétaire d'Etat - La solution réside dans le tri sélectif. Encourageons-le. Le ministère de l'environnement précisera les pistes à explorer.

L'amendement 249 est retiré.

M. Philippe Auberger - L'amendement 161 de mon ami Christian Jacob peut être considéré comme un amendement d'appel à l'attention de Mme Marre. Il a pour objet d'étendre les dispositions dont le bénéfice est limité aux GAEC -groupements agricoles d'exploitation en commun- aux autres formes civiles d'exploitation qui se sont développées.

M. le Rapporteur général - Défavorable, compte tenu du travail en cours.

M. le Secrétaire d'Etat - Défavorable ; l'auteur de l'amendement a déjà partiellement satisfaction.

L'amendement 161, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Jean-Pierre Brard - La moindre faille dans le système législatif est immédiatement utilisée, particulièrement en matière fiscale. Des cohortes de fiscalistes, parfois issus de l'administration fiscale, sont fort bien rémunérés pour réfléchir aux moyens de l'« optimisation fiscale », nouveau nom de l'évasion.

Parmi les failles identifiées par ces experts, on trouve les cessions de contrats d'assurance-vie rachetables. Dès lors que, contrairement aux donations, celles-ci ne font pas l'objet d'une procédure d'enregistrement, elles constituent un moyen de transmission occulte du patrimoine.

Je propose donc, dans mon amendement 319, de les soumettre à un droit d'enregistrement de 100 F. Il ne s'agit pas, on le voit, de pénaliser, mais de moraliser.

M. le Rapporteur général - L'idée est intéressante mais il faut la mûrir davantage d'autant que l'amende de 50 % prévue en cas d'infraction paraît excessive. Je suggère à M. Brard de retirer son amendement faute de quoi j'appellerai l'Assemblée à le repousser.

M. le Secrétaire d'Etat - Cette idée mérite d'être soumise à expertise mais il ne faut pas changer trop souvent les dispositions fiscales relatives à l'assurance-vie. Un «mûrissement», en effet, est nécessaire. Je demande donc à M. Brard de bien vouloir retirer son amendement.

M. Jean-Pierre Brard - Je partage l'idée que la législation fiscale doit être pérenne, mais en l'occurrence, il ne s'agit que d'éviter un oubli, sûrement involontaire. Je maintiens cet amendement.

L'amendement 319, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Jean-Pierre Brard - Mon amendement 299 vise à supprimer l'une des modalités de la fraude fiscale, les dons manuels qui ne sont ni enregistrés ni taxés. Il s'agit paradoxalement de dons effectués en dehors du cadre familial puisque ceux qui sont faits dans ce cadre sont soumis aux droits d'enregistrement avec certaines franchises.

Les sectes extorquent de cette manière des sommes considérables à leurs adeptes. On ne dénoncera jamais assez leurs turpitudes, qu'il s'agisse des Témoins de Jéhovah, de la Scientologie ou, par exemple, de l'Eglise internationale du Christ, laquelle s'appuie sur cette phrase de Saint Luc : «Ainsi donc, quiconque d'entre vous ne renonce pas à tout ce qu'il possède ne peut être mon disciple»...

M. le Rapporteur général - On ne peut qu'être sensible à ce problème mais le sujet doit être retravaillé dans le cadre d'une réforme des droits de mutation à titre gratuit. En conséquence, avis défavorable.

M. le Secrétaire d'Etat - Même avis.

M. Jean-Pierre Brard - L'avis du ministre est un peu lapidaire... Je serais prêt à retirer mon amendement s'il n'engageait à appeler son administration à la vigilance.

M. le Secrétaire d'Etat - Le Gouvernement est très attaché à ce que les sectes ne bénéficient d'aucune mansuétude. Les services du ministère du budget redoubleront d'attention dans le cadre du droit commun, je vous en donne l'assurance formelle.

M. Jean-Pierre Brard - Ce que vous venez de dire est d'autant plus important que certains tribunaux administratifs se laissent aller à ne pas appliquer la jurisprudence du Conseil d'Etat et, en particulier, déroulent le tapis rouge devant les Témoins de Jéhovah. Je prends acte de votre engagement.

L'amendement 299 est retiré.

M. Jean-Jacques Jegou - La loi relative au Pacs venant d'être publiée au Journal officiel, mon amendement 256 corrigé revêt une actualité particulière. En effet, alors que le Pacs entraîne des avantages fiscaux pour ses signataires, rien de tel n'existe pour le concubins, dont la situation mérite d'autant plus d'être prise en considération que, je crois, les candidats au Pacs ne se bousculent pas.

Je propose donc d'assimiler, du point de vue fiscal, le concubinage et le mariage, comme je le fais depuis trois ans.

Ces avantages ne prendraient effet qu'en cas de concubinage notoire, attesté depuis au moins deux ans, comme il en va pour l'ISF. Cette précision s'adresse au rapporteur général qui m'a affirmé en commission que le concubinage n'existait pas juridiquement.

M. Jean-Pierre Brard - C'est du de Courson !

M. le Rapporteur général - Avis défavorable.

Nous nous heurtons toujours à la difficulté de définir le concubinage.

C'est cette difficulté qui a conduit le législateur à accorder aux souscripteurs d'un Pacs des avantages particuliers en contrepartie de leurs obligations réciproques. Il serait paradoxal de reconnaître aux concubins des avantages supérieurs à ceux accordés aux « pacsés ».

M. le Secrétaire d'Etat - Avis également défavorable. Il importe grandement de maintenir un équilibre entre avantage fiscal accordé et engagement pris. De ce point de vue, les personnes qui ne souhaitent pas souscrire un Pacs demeurent étrangères l'une à l'autre, quoi qu'il en soit de leur vie commune.

M. Jean-Jacques Jegou - Dans ce cas, pourquoi le concubinage existe-t-il au regard de l'ISF ? Et à quoi bon délivrer des certificats de concubinage comme nous le faisons en tant que maires ? En cas de concubinage notoire, lorsque l'un des concubins est hospitalisé ou décède, l'administration exige de l'autre qu'il règle les frais correspondants. Il est troublant de vous entendre dire, Monsieur le ministre, que des concubins notoires sont des personnes « étrangères » l'une à l'autre.

M. le Secrétaire d'Etat - Fiscalement !

M. Jean-Jacques Jegou - Quand on sait qu'il peut y avoir entre eux des dizaines d'années d'affection et de dévouement, comment parler d' « étrangers », même fiscalement ? Je maintiens mon amendement, et je vois que M. Brard, qui est maire lui aussi, m'écoute. Nous sommes ici en présence d'un grave problème de société. Alors que le Conseil constitutionnel a reconnu le Pacs comme une autre forme de mariage, il faudrait reconnaître le concubinage, à la faveur d'un amendement tel que celui-ci.

M. Jean-Pierre Brard - En somme, ça manque d'amour !

L'amendement 256 corrigé, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Gilles Carrez - L'amendement 165 de M. Jacob tend à ce que toutes les part de groupement foncier agricole détenues par des personnes physiques bénéficient du régime d'exonération partielle des droits de mutation à titre gratuit, qu'elles aient été détenues ou non par une personne morale.

L'amendement 165, repoussé par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Jean-Pierre Brard - Mes amendements 289, 290 et 288 portent sur le même sujet.

Etre propriétaire de son habitation principale ne saurait être considéré, dans la France de l'an 2000, comme un privilège qui interdirait de prendre en compte, dans le calcul de la cotisation du foncier bâti, le niveau des revenus, comme nous l'avons fait pour la taxe d'habitation.

Il ne faudrait pas que ces propriétaires viennent grossir les rangs des candidats à l'attribution d'un logement social. Le montant de la taxe sur le foncier bâti, ajoutée à celui de la taxe d'habitation, peut en effet conduire certains propriétaires, qui ne peuvent plus faire face à leurs charges, à devoir vendre leur logement. Il y a d'autant plus lieu de légiférer que les services fiscaux accordent moins de bienveillance au contribuable lorsqu'il s'agit d'acquitter le foncier bâti.

Nous sommes conscients du coût financier de ce que nous proposons. Mais il est urgent d'intervenir, d'autant qu'en Ile-de-France par exemple, il est insupportable d'entendre telle veuve très modeste déclarer qu'elle va vendre sa maison parce qu'elle n'arrive plus à payer le foncier bâti. On ne peut pas en rester aux propos lénifiants.

M. le Rapporteur général - La commission est sensible à ce qu'a dit M. Brard, qui pose en fait le problème de la précarité. Cependant, nous avons déjà adopté, dans ce projet de loi de finances, des mesures en faveur des personnes les plus modestes, et la commission n'a pas souhaité prendre des dispositions d'ordre général relatives au foncier bâti. Nous devrons y réfléchir plus à fond.

Nous souhaitons en revanche que les services du ministère des finances fassent preuve, au cas par cas, de la compréhension nécessaire. Avis défavorable.

M. le Secrétaire d'Etat - Ces trois importants amendements soulèvent une question que le Gouvernement veut étudier l'an prochain avec le Parlement.

Bien que les services fiscaux examinent toujours la situation des personnes en difficulté avec une grande ouverture d'esprit -les dégrèvements fiscaux accordés aux redevables de taxe foncière sur les propriétés bâties ont excédé 100 millions en 1998-, le problème soulevé par M. Brard est réel. Je vous propose de l'inclure dans la réflexion en cours sur la réforme de l'imposition locale et des impôts directs sur les ménages, qui devrait déboucher sur de premières mesures dès la prochaine loi de finances. Le Gouvernement s'engage à associer le Parlement à cette démarche dès la phase préparatoire et je souhaite, Monsieur Brard, que vous y participiez personnellement.

Mme la Présidente - La balle est dans votre camp, Monsieur Brard !

M. Jean-Pierre Brard - Mais à qui la renvoyer ? (Sourires)

J'accepte volontiers de participer à la concertation ainsi que vous me le proposez, Monsieur le ministre. Malheureusement, pour les gens qui n'ont plus grand chose sous la pédale, pour parler un peu vulgairement, 2001 est une échéance un peu lointaine. Donc, sans figer le débat dès aujourd'hui, je propose de passer la balle au Sénat afin que celui-ci voie quelle mesure pourrait être prise qui montrerait sur quelle voie le Gouvernement souhaite s'engager. Dans ces conditions, je pourrais retirer les trois amendements.

J'ajoute que lorsqu'on sollicite les services fiscaux, ils se contentent souvent de rejeter la demande en trois lignes, sans explication. Leur « souplesse » n'est pas toujours exempte de psychorigidité ! Ils doivent être plus réceptifs aux demandes des gens qui en ont vraiment besoin, surtout lorsqu'elles sont appuyées par les élus locaux, lesquels sont beaucoup mieux placés pour apprécier la situation des familles qu'eux-mêmes, si compétents soient-ils.

M. le Secrétaire d'Etat - Sans vouloir flatter l'Assemblée, pour laquelle j'ai une très haute estime, je préférerais qu'elle soit la première à traiter ces questions. Je suis certain que M. Brard lui-même aura à c_ur de réserver à l'Assemblée le rôle qui lui revient pour faire évoluer la taxe foncière. Il est objectivement trop tard aujourd'hui pour la réformer utilement dès cette année dans le sens que vous souhaitez.

Je m'engage donc à rédiger avec vous un rapport d'ici au printemps prochain, pour que des mesures puissent intervenir dès l'automne 2000. On peut difficilement aller plus vite et plus loin.

Enfin, le Premier ministre a indiqué récemment que les personnes les plus défavorisées bénéficieraient de mesures de grande ampleur, en ce qui concerne l'abandon des dettes fiscales et sociales.

Sous le bénéfice de ces engagements solennels, je souhaite que les amendements soient retirés.

M. Jean-Pierre Brard - A force de labourer, on avance !

Vous proposez que des mesures soient prises dès l'automne 2000, c'est-à-dire que vous nous offrez une session de repêchage.

Dans la mesure où vous avez l'habitude de tenir vos promesses, Monsieur le ministre, contrairement à M. Arthuis qui rogna les avantages concédés pour la taxe d'habitation, je retire les trois amendements.

M. Gilles Carrez - Mon amendement 285 a trait à la taxe d'habitation, qui pose un problème encore plus grave que la taxe foncière sur les propriétés bâties, car ceux qui en sont redevables ne disposent pas nécessairement d'un bien qu'ils peuvent réaliser. Et que le rapporteur ne me renvoie pas au rapport qui est prévu sur la taxe d'habitation. J'observe que la révision des valeurs locatives, qui aurait servi la justice fiscale, semble être abandonnée.

Je propose une mesure simple et équitable qui consiste à supprimer la part régionale de cet impôt. Elle coûterait beaucoup moins de 10 milliards à comparer au plus de 30 milliards de recettes supplémentaires enregistrées au 30 septembre au titre de l'impôt sur les sociétés et de l'impôt sur le revenus.

M. le Rapporteur général - Je suis très heureux de constater que les réflexions de la majorité donnent des idées à l'opposition. Mais il ne faut pas mettre la charrue avant les b_ufs. En première partie de la loi de finances, nous avons adopté un amendement demandant au Gouvernement de nous présenter un rapport sur la taxe d'habitation avant le 30 avril prochain. Le Gouvernement vient de s'engager à en étendre l'objet à la taxe sur le foncier bâti. Nous souhaitons que des propositions nous soient faites qui seraient appliquées dès l'automne 2000, mais plusieurs pistes de réflexion sont ouvertes : la suppression de la part régionale de la taxe d'habitation, mais aussi la suppression des frais de dégrèvement ou des frais d'assiette et cette liste n'est pas exhaustive.

Dans ces conditions, je vous propose de retirer cet amendement d'opportunité.

M. le Secrétaire d'Etat - Pour les mêmes raisons, j'en demande le rejet. Mieux vaut attendre le rapport sur les modalités de réforme de l'imposition locale. En outre, la mesure proposée coûterait 5,44 milliards à l'Etat, ce qui est inopportun.

M. Jean-Jacques Jegou - M. Carrez a raison et M. Brard, dont l'attitude un brin cabotine donne une ambiance sympathique à nos débats même si ses interventions paraissent parfois un peu longues à ceux qui attendent en comptant les points, a dit des choses intéressantes.

Si l'on veut réduire la fiscalité locale, il faut s'attaquer en priorité à ce qu'elle a de plus contestable.

Je constate que vous n'avez rien répondu à M. Carrez à propos de la révision des bases locatives. Pour ma part, j'aimerais savoir si le « 0,40 % » va enfin être supprimé. A vrai dire, je ne vois pas ce qui pourrait justifier son maintien, sauf à prétendre que le Gouvernement manque d'argent, ce qui est peu probable en cette fin d'année 1999 où les excédents ne cessent d'enfler, fruits du travail des Français versés à l'Etat.

J'ai cru comprendre, aussi, que la question de la taxe d'habitation vous intéresse singulièrement davantage que le foncier bâti, que vous semblez croire ne concerner que les nantis -ou ceux qui l'ont été. Imaginez, pourtant, la situation des veuves installées dans de grandes maisons qu'elles sont incapables d'entretenir ! De graves questions se posent, et restent à trancher, dont la moindre n'est pas de savoir si l'Etat autorisera les héritiers qui ne se seraient pas pliés à l'obligation alimentaire à l'égard de leurs parents âgés à recueillir l'intégralité de leur succession alors même que ces derniers auront dû faire appel à la solidarité nationale.

M. Jean-Pierre Brard - Contrairement à ce que vous semblez affirmer, je présente depuis dix ans des amendements qui tendent à aligner les règles qui prévalent pour la taxe d'habitation et celles qui régissent le foncier bâti. Ne prétendez donc pas que nous semblions découvrir les problèmes ! Les hommes politiques doivent être jugés sur leurs actes. Or, quel ministre, sinon M. Arthuis, a ratiboisé une partie du bénéfice des dispositions que nous avions fait voter pour alléger les charges qui pèsent sur les familles les plus modestes ? Vous voulez laver plus blanc, c'est votre droit. Mais commencez par vous rafraîchir la mémoire !

M. le Secrétaire d'Etat - Le «0,40 %» a été pérennisé par la loi de finances pour 1996... et je crois que vous avez voté cette disposition...

La révision des bases locatives n'est pas abandonnée. Il est cependant apparu que le transfert de charges auquel elle donnerait lieu avait des conséquences anti-économiques et, parfois, anti-sociales. L'Association des maires de France a pris toute la mesure des difficultés considérables auxquelles se heurte cette réforme, en particulier pour ce qui concerne les logements sociaux et, parfois, des quartiers entiers. Toutes les simulations montrent que l'on est loin de l'objectif recherché, qui est de simplifier et de rééquilibrer. La conviction du Gouvernement actuel n'ayant pas davantage été emportée que celle de ses prédécesseurs, la révision n'est pas abandonnée, mais elle est, c'est vrai, différée.

L'amendement 285, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Jean-Louis Idiart - Mon amendement 217 tend à préciser la portée des articles 1599 F bis et 1599 nonies A nouveaux du code général des impôts concernant la possibilité offerte aux conseils généraux et à l'Assemblée de Corse d'exonérer les véhicules propres de la taxe différentielle sur les véhicules à moteur.

En effet, la loi du 31 décembre 1997 dispose que «les conseils généraux et l'Assemblée de Corse peuvent, sur délibération, exonérer en totalité ou à concurrence de la moitié de la taxe différentielle sur les véhicules à moteur les véhicules qui fonctionnent, exclusivement ou non, au moyen de l'énergie électrique, du gaz naturel-véhicule ou du gaz de pétrole liquéfié.»

Actuellement, les services de l'Etat, interprétant cet article de manière restrictive, considèrent que l'exonération doit concerner l'ensemble des véhicules «propres», sans distinction.

Cette lecture aboutit donc, paradoxalement, à l'annulation de toute délibération allant dans le sens d'une exonération pour les seuls véhicules électriques.

M. le Rapporteur général - La commission a adopté cet amendement, qui vise avant tout à renforcer la liberté d'action des collectivités locales. A bien y réfléchir, il appelle cependant plusieurs observations. En premier lieu, il ne semble pas que l'interprétation de l'administration fiscale soit contraire à celle voulue par le législateur. J'avais d'ailleurs précisé, à l'époque, que l'exonération n'était pas possible pour partie, puisqu'elle était justifiée par des considérations environnementales. Ainsi le risque de rupture d'égalité était-il écarté. Si, en revanche, on en venait à favoriser un type de véhicule plutôt qu'un autre, c'est une logique industrielle qui prévaudrait, et le principe d'égalité de traitement serait alors bel et bien battu en brèche. En outre, tel qu'il est rédigé, l'amendement ne serait pas applicable aux conseils régionaux, non plus qu'à l'Assemblée de Corse, autre rupture d'égalité.

J'appelle donc mon collègue Idiart à bien vouloir retirer un amendement qui, outre qu'il compliquerait à l'extrême la législation relative aux vignettes et aux cartes grises, nuirait à la cohérence de l'action du Gouvernement, qui entend faire primer la préservation de l'environnement sur toute autre considération.

M. le Secrétaire d'Etat - L'Etat, les départements et les communes ont déployé des efforts considérables pour encourager l'utilisation de véhicules propres, qu'il n'est ni nécessaire ni indiqué de distinguer les uns des autres. Je vous invite donc à retirer l'amendement qui, s'il était adopté compliquerait de surcroît la tâche des buralistes. Le retrait me semble d'autant plus justifié que vous avez l'assurance que le Gouvernement prendra, en faveur des véhicules fonctionnant au gaz naturel, des mesures semblables à celles qu'il a déjà prises pour favoriser l'utilisation des véhicules électriques.

M. Jean-Louis Idiart - Les explications que j'ai entendues sont convaincantes, et je retire donc l'amendement, qui visait avant tout à élargir les possibilités de décision des collectivités territoriales. J'espère qu'elles continueront de pratiquer les exonérations, afin que l'usage de véhicules propres progresse.

Mme la Présidente - Je constate que la commission accepte le retrait de l'amendement 217.

M. Jean-Pierre Brard - Avec les amendements 6 et 315, nous cherchons à rendre aux collectivités locales la liberté de déterminer les taux de chaque taxe locale, indépendamment les unes des autres.

M. le Rapporteur général - Avis défavorable pour les deux amendements.

M. le Secrétaire d'Etat - Même avis. Je rappelle que le lien établi en 1982 ou 1983 entre les différents impôts locaux a permis de modérer leur hausse, au bénéfice de l'emploi.

L'amendement 6, mis aux voix, n'est pas adopté, non plus que l'amendement 315.

M. Jean-Pierre Brard - Je défendrai en même temps les amendements 297, 304 et 308 qui concernent tous les trois les paradis fiscaux. Afin de ne pas allonger le débat, je propose de ne pas revenir sur un sujet dont nous avons déjà largement débattu. Je m'en tiens aux engagements pris par le Gouvernement et je retire ces trois amendements.

M. le Secrétaire d'Etat - Leur philosophie inspirera néanmoins les propositions du Gouvernement sur le sujet.

Les amendements 297, 304 et 308 sont retirés.

M. Jean-Pierre Brard - L'amendement 220 vise lui aussi à lutter contre la fraude fiscale et le blanchiment de l'argent sale en ramenant de 50 000 à 20 000 F le plafond de l'obligation de paiement par chèque. Le montant de 50 000 F fixé par la loi de finances pour 1999 est encore trop élevé. Le plafond proposé cette année paraît raisonnable -certains de nos collègues envisageaient de l'abaisser jusqu'à 1 000 F ! Bien peu de nos concitoyens ont l'occasion de payer en espèces une somme de 20 000 F !

M. le Rapporteur général - La commission a adopté cet amendement sur la proposition de M. Brard. L'an dernier, le plafond avait déjà été ramené de 150 000 à 50 000 F. Il paraît raisonnable de descendre encore en deçà.

M. le Secrétaire d'Etat - Avis favorable du Gouvernement. Qu'on me permette de répondre maintenant à M. Brard s'agissant du moratoire Sarkozy. Je rappelle que le Gouvernement auquel appartenait M. Sarkozy a décidé en juin 1993, puis confirmé en mars 1995, un moratoire sur la taxation à la TVA pour l'avitaillement, les réparations, l'entretien et l'importation des navires de plaisance de location, les contrats de location restant eux soumis au régime de droit commun pour la TVA. Des lacunes sont toutefois apparues dans l'application du texte et il faut sortir de ce moratoire. Nous envisageons de faire entrer dans le champ du droit commun les opérations non actuellement soumises à la TVA. La direction générale des impôts mène une concertation avec l'ensemble des loueurs de navires. La complexité du sujet explique qu'il faille du temps pour aboutir mais des propositions seront faites à M. Sautter avant la fin de 1999.

M. Jean-Jacques Jegou - Je ne voterai pas contre l'amendement 220 car je ne voudrais pas que cela soit mal interprété. Je le juge toutefois totalement hypocrite. Lorsqu'on se targue de jouer les « M. Propre » comme M. Brard, encore faudrait-il aller jusqu'au bout. Pourquoi ne pas carrément fixer le seuil à 2 000 F ? Qui aujourd'hui paie en espèces une somme de 20 000 F sans avoir des intentions frauduleuses ? Les maquignons sur les marchés à bestiaux, me rétorquerez-vous. Mais à part eux ? L'argent sale de l'économie souterraine ne transite pas par les banques. Personne ne va l'y lever pour ensuite payer en liquide.

L'amendement 220, mis aux voix, est adopté.

M. Jean-Pierre Brard - Monsieur Jegou, c'est sous un gouvernement que vous souteniez qu'a été voté le moratoire Sarkozy. Et si vous souhaitiez à ce point lutter contre la fraude, que n'avez-vous alors déposé un amendement à cet effet ?

Mme la Présidente - Vous avez la parole pour défendre l'amendement 298 corrigé.

M. Jean-Pierre Brard - M. Jegou m'a agressé, je lui réponds.

Je souhaite aussi dire deux mots du moratoire Sarkozy. Je prends note de l'engagement du Gouvernement de régler la question avant la fin de 1999. Le sujet est difficile, avez-vous dit, je n'en doute pas étant donné les pressions exercées par les lobbies. En réintégrant dans le droit commun des opérations qui échappent actuellement à la TVA, vous adresserez aussi un signal en direction des agents de l'administration fiscale qui avaient le sentiment de couvrir des pratiques frauduleuses.

J'en viens à l'amendement 298 corrigé qui tend à renforcer la portée de l'interdiction, pour les particuliers non commerçants, de réaliser des paiements en espèces, en y incluant les primes versées au titre des contrats d'assurance vie ou d'assurance décès. Une erreur matérielle s'est glissée à la quatrième ligne de l'amendement où il conviendrait de supprimer le mot « assurance » qui figure deux fois.

M. le Rapporteur général - L'amendement 221 avait le même objet. La rédaction de l'amendement 298 corrigé paraît toutefois meilleure, notamment parce qu'il y est fait expressément référence à la loi du 22 octobre 1940. Je propose donc de retirer le premier au profit du second.

M. le Secrétaire d'Etat - Avis favorable à l'amendement 298 corrigé qui permettra d'améliorer encore la lutte contre la fraude.

L'amendement 221 est retiré.

L'amendement 298 corrigé rectifié, mis aux voix, est adopté.

M. Gilbert Gantier - Les contribuables qui s'acquittent de leur impôt avec retard se voient appliquer des pénalités de 0,75 % par mois, soit 9 % par an. Taux aujourd'hui parfaitement usurier, vous en conviendrez. Par ailleurs, l'Etat, lorsqu'il est débiteur, n'applique lui qu'une majoration au taux de 4,5 % l'an. L'amendement 264 tend donc à aligner le taux de l'intérêt de retard sur le taux de l'intérêt légal visé à l'article 1907 du code civil.

M. le Rapporteur général - Avis défavorable pour les raisons déjà exposées en commission des finances et lors de l'examen de la première partie.

M. le Secrétaire d'Etat - Le taux de l'intérêt de retard doit être assez élevé pour éviter que des contribuables aient intérêt à gérer au mieux leur trésorerie en payant leurs impôts en retard.

L'intérêt de retard doit être comparable aux intérêts réclamés par les établissements bancaires, qui vont aujourd'hui, selon la nature du prêt, de 6,67 à 12,94 %. Avec un taux annuel de 9 %, nous sommes bien dans cette fourchette.

Par ailleurs, le calcul de la majoration doit rester simple. Utiliser le taux d'intérêt légal, qui est variable, compliquerait grandement ce calcul.

Au demeurant, il faut récuser toute comparaison entre l'intérêt de retard et l'intérêt moratoire, ce dernier n'étant dû par l'administration qu'à l'issue d'une procédure contentieuse. Dans l'hypothèse où c'est le contribuable qui est débouté, le même intérêt est exigible.

L'intérêt de retard, lui, est réclamé lorsque le contribuable est défaillant, soit qu'il n'ait pas rempli sa déclaration, soit qu'il n'ait pas acquitté son imposition.

J'ajoute -mais ce n'est pas mon argument principal- que la réduction d'intérêts demandée coûterait plusieurs milliards. Avis défavorable.

M. Gilbert Gantier - Je ne comprends pas que l'Etat, quand il se rend coupable d'un retard, n'acquitte pas le même intérêt qu'un contribuable. Mon amendement ne porte pas sur les fraudes, mais sur des retards pris de bonne foi.

L'amendement 264, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. le Rapporteur général - L'amendement 222 de la commission, adopté à l'initiative de M. Brard, vise à compléter le 3 de l'article 1 728 du code général des impôts de manière à prévoir une majoration de 80 % en cas de découverte d'activités occultes, majoration applicable de plein droit. De la sorte, l'administration fiscale n'aurait plus à adresser de mise en demeure à seule fin de sanctionner un comportement manifestement frauduleux.

Cet amendement compléterait donc utilement la législation en vigueur. Il montrerait aussi que le législateur a la volonté de combattre le travail non déclaré.

L'amendement 222, accepté par le Gouvernement, mis aux voix, est adopté.

M. le Rapporteur général - En adoptant l'amendement 224, la commission a repris une suggestion de M. Brard : supprimer le bénéfice de la tolérance légale en cas de mauvaise foi, man_uvres frauduleuses ou abus de droit établis par l'administration -le contribuable étant toujours présumé de bonne foi.

Il n'est guère cohérent, en effet, de faire bénéficier d'une mesure de bienveillance un contribuable fraudeur.

L'amendement 224, accepté par le Gouvernement, mis aux voix, est adopté.

M. Jean-Pierre Brard - Mon amendement 296 est pour ainsi dire de coordination. Il vise en effet à plafonner le montant de la tolérance légale, qui s'élève à 5 % de la base imposable. Pour une grande entreprise, cette tolérance peut représenter jusqu'à 50 millions : cela vaut la peine, vous le voyez, de rémunérer des conseils avisés... Je vous propose de plafonner à 20 millions le montant de la tolérance.

M. le Rapporteur général - La commission n'a pas suivi notre collègue, estimant qu'il valait mieux continuer à raisonner en pourcentage.

L'adoption de l'amendement précédent suffit à résoudre le problème. Je souhaite donc le retrait de l'amendement 296.

Mme la Présidente - Monsieur Brard, vous désirez la parole avant que l'on entende le Gouvernement ?

M. Jean-Pierre Brard - Sans vouloir censurer le Gouvernement (Sourires), je veux dire au rapporteur que nous aurons plusieurs fois l'occasion de faire le point sur les mesures anti-fraude : je retire donc mon amendement 296.

Je retire aussi mon amendement 309, relatif au décryptage. Je souhaite toutefois appeler l'attention du Gouvernement sur l'utilisation des nouvelles technologies par les fraudeurs, qui ont toujours une longueur d'avance sur l'administration. Cependant, un seul cas ayant été constaté, il est peut-être trop tôt pour légiférer.

Je défendrai enfin mon amendement 330, qui vise à sanctionner les ventes sans facture entre sociétés.

M. le Rapporteur général - Je retire l'amendement 223 de la commission au profit de l'amendement 330, mieux rédigé.

L'amendement 330, accepté par le Gouvernement, mis aux voix, est adopté.

M. Jean-Pierre Brard - Mon amendement 331 vise à sanctionner les omissions ou inexactitudes constatées dans les factures d'une amende de 100 F, le montant total de l'amende ne pouvant excéder le quart de celui de la facture.

M. le Rapporteur général - Un dispositif semblable, adopté avec l'article 85 de la loi de finances pour 1998, a été annulé par le Conseil constitutionnel. L'amendement de M. Brard répond aux objections faites alors, puisque l'amende est plafonnée.

Il s'agit de renforcer la lutte contre la dissimulation de recettes ou d'activités.

Le dispositif proposé respecte la procédure du droit d'enquête.

Il est aussi demandé de faire référence à l'article additionnel que cet amendement vise à créer dans l'article 1736 du code général des impôts.

La commission n'a pas examiné l'amendement, auquel je suis personnellement favorable.

M. le Secrétaire d'Etat - Le Gouvernement approuve cet amendement de M. Brard, dont la rédaction répond aux objections du Conseil constitutionnel.

Il garantit la proportionnalité entre l'infraction et la sanction et donne à l'intéressé la possibilité de présenter ses observations avant le recouvrement. Le Gouvernement y est donc favorable, sous réserve de l'introduction du mot « comme » après les mots « et jugées ».

M. Jean-Pierre Brard - Je fais confiance au ministre.

L'amendement 331 ainsi rectifié, mis aux voix, est adopté.

M. Jean-Pierre Brard - Mes amendements 170 rectifié et 301, fruits d'une collaboration avec M. Cahuzac prévoient que, au-delà d'un certain montant de redressement, les revenus qualifiés d'origine indéterminée, taxés d'office à l'impôt sur le revenu selon les modalités prévues à l'article L. 69 du livre des procédures fiscales, seront présumés d'origine frauduleuse jusqu'à ce que le contribuable apporte au tribunal la preuve du contraire.

Actuellement, en effet, la répression pénale de la grande fraude fiscale se heurte au fait que l'administration lorsque le contribuable contrôlé se cantonne à un rôle passif, ne peut établir avec certitude l'origine des revenus.

M. Jérôme Cahuzac - Il s'agit de concilier deux principes de nature constitutionnelle, la présomption d'innocence et la nécessaire répression de la fraude fiscale. L'amendement qu'avait initialement progressé M. Brard a donc été complété par l'introduction d'un seuil -fixé à 2 millions dans l'amendement 170 rectifié et à 5 millions dans l'amendement 301.

M. le Rapporteur général - La commission a accepté l'amendement 170 rectifié.

M. le Secrétaire d'Etat - Sur le plan pénal, la mise en évidence de crédits bancaires ou d'encaissements en espèces excédant les revenus déclarés ne constitue qu'une présomption de soustraction à l'impôt ; il appartient au ministère public et à l'administration d'apporter la preuve de la matérialité des faits et du caractère intentionnel de l'infraction.

Ces amendements tendent à renverser la charge de la preuve, ce qui présente évidemment un intérêt dans la mesure où certains contribuables refusent de répondre aux demandes de justification de l'administration. Néanmoins, il n'est pas envisageable de déroger aux principes fondamentaux du droit pénal concernant la charge de la preuve de la présomption d'innocence ; cela porterait atteinte à l'indépendance des procédures fiscales et pénales, car le juge répressif serait contraint d'apprécier le bien-fondé d'un redressement supérieur à 2 millions. Par ailleurs, l'autorité judiciaire dispose de moyens d'investigation propres.

Enfin, ces amendements sont contraires à la Convention européenne des droits de l'homme : dans un arrêt du 25 février 1993, la Cour européenne des droits de l'homme a considéré que l'accusé ne peut en aucune façon contribuer à sa propre incrimination.

Je souhaite donc le retrait de ces amendements, mais le Gouvernement s'engage à consulter les parlementaires intéressés pour parvenir à un texte plus adapté.

M. Jean-Pierre Brard - On connaît la frilosité de la Chancellerie ; en même temps, on ne peut pas être complètement sourd à ces arguments, même s'il peut paraître curieux en l'espèce d'invoquer les droits de l'homme. Nous pourrions retirer nos amendements aujourd'hui et y revenir en deuxième lecture, quand nous nous serions fait nous-même notre opinion.

M. le Rapporteur général - La nécessité de lutter contre la fraude fiscale étant un principe reconnu par le Conseil constitutionnel, il peut paraître surprenant que l'on puisse invoquer tel ou tel texte protecteur des libertés pour justifier la fraude, même si, bien sûr, nous sommes soucieux de respecter la Convention européenne des droits de l'homme. Renvoyer à la deuxième lecture n'est pas la bonne solution, le Conseil constitutionnel nous ayant rappelé que tout amendement non adopté en première lecture et qui ne pourrait pas être examiné par le Sénat ne saurait être adopté définitivement.

Je propose donc le retrait, et le dépôt d'un nouvel amendement lors du collectif, après que nous aurons retravaillé la question en liaison avec le ministère des finances et la Chancellerie.

M. le Secrétaire d'Etat - La répression de la fraude fiscale fait partir des objectifs fondamentaux du Gouvernement, qui partage totalement les objectifs des auteurs des amendements. Mais il apparaît à la Garde des Sceaux, au ministre des finances et à moi-même qu'il serait trop rapide de renverser la charge de la France en matière pénale au détour d'une disposition qui ne correspond pas à une application stricte du droit européen. Il convient donc de remettre l'ouvrage sur le métier et de prendre le surplomb nécessaire afin de ne pas porter atteinte à un principe fondamental du droit pénal. Donnons-nous quelques mois pour étudier cette question.

M. Jean-Pierre Brard - Le droit ne doit pas être fait pour les voyous. Il est vrai aussi que la volonté de combattre la fraude doit revêtir la forme législative adéquate. La proposition du rapporteur général de renvoyer la question au prochain collectif nous convient. Alors que le pauvre salarié ne peut rien dissimuler, le tricheur habile pourrait faire échapper à l'impôt des sommes considérables ? C'est immoral !

Les amendements 170 rectifié et 301 sont retirés.

M. Jean-Pierre Brard - Notre amendement 310 tend à étendre la procédure contradictoire aux redressements opérés en matière de taxe professionnelle. Actuellement, la fiscalité locale échappe à cette procédure, au profit de simples rectifications qui sont de nature à favoriser des comportements de fraude ou d'optimisation fiscales dans le domaine de la taxe professionnelle, puisque les entreprises n'encourent aucune pénalité.

M. le Rapporteur général - Avis défavorable.

M. Christian Sautter, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie - La proposition de M. Brard part d'une excellente intention. Mais, pour une fois, je me place du point de vue des collectivités locales. La procédure suggérée est plus longue. Or l'administration fiscale doit communiquer les bases de la fiscalité locale aux collectivités dès le 31 janvier, pour qu'elles puissent voter les taux d'imposition applicables aux nouveaux établissements. Or le calcul de la base étant parfois complexe, il arrive que les services fiscaux établissent eux-mêmes la déclaration. Les rectifications sont opérées sans délai, et sans dommage pour les contribuables. Pour continuer à informer rapidement les collectivités locales sur les bases de leur taxe professionnelle, la procédure actuelle est la plus performante.

De plus, le contrôle sur pièces en matière de taxe professionnelle a procuré près de 5 milliards en 1998. Un débat contradictoire retarderait de plusieurs mois la mise en recouvrement, au préjudice de la trésorerie des collectivités locales.

Votre proposition risquerait d'altérer un peu la qualité des relations entre l'Etat et les collectivités locales. Je vous suggère donc de retirer votre amendement.

M. Jean-Pierre Brard - Je ne suis pas convaincu. Mieux vaut plus un peu plus tard que moins tout de suite !

L'amendement 310, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. le Rapporteur général - La commission a adopté l'amendement 219 à l'initiative de M. Brard. La situation actuelle favorise les grands fraudeurs qui se jouent des frontières. L'article que nous proposons de supprimer a été introduit par la loi du 8 juillet 1987, à la suite d'un amendement de M. Arrighi et des membres de la commission des finances appartenant au groupe du Front national. Il s'agissait de manifester l'opposition de la France à la disposition de la convention du Conseil de l'Europe organisant des interventions des fonctionnaires des administrations fiscales en territoire étranger. Cette convention concernant l'assistance administrative mutuelle en matière fiscale avait été élaborée conjointement avec l'OCDE, et ouverte à la signature en 1988. Dix ans plus tard, le maintien de ce texte dans notre droit fiscal constitue un symbole difficile à perpétuer.

De plus il est souhaitable d'abroger cet article L 80C puisque la France envisage d'adhérer à la convention du Conseil de l'Europe.

M. le Ministre - Le Gouvernement ne peut que faire chorus quand il s'agit de lutter contre la fraude dans un esprit de coopération européenne. Oui, la France adhérera à la convention.

L'amendement 219, mis aux voix, est adopté.

M. Jean-Pierre Brard - Notre amendement 305 tend à introduire davantage de transparence dans les dossiers qui peuvent être envoyés au pénal. Actuellement le ministre transmet à la commission des infractions fiscales les dossiers qui lui semblent relever de cette procédure.

Nous cherchons à protéger le Gouvernement, pour qu'il ne soit pas soupçonné de choisir les dossiers transmis à la CIF selon des critères qui ne seraient pas purement objectifs. Naturellement je ne parle pas du gouvernement actuel.

Nous proposons donc que les dossiers soient transmis systématiquement dès lors que les droits éludés dépassent 500 000 F et 30 % de l'impôt qui était initialement dû.

M. le Rapporteur général - Avis défavorable. Evitons l'excès de rigidité.

M. le Ministre - L'amendement confond l'importance matérielle des redressements et l'élément intentionnel de la fraude, contre laquelle M. Brard veut lutter. La procédure actuelle est préférable.

M. Jean-Pierre Brard - Je ne suis pas convaincu.

L'amendement 305, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Jean-Louis Idiart - L'amendement 313 est très attendu par les exploitants de réseaux de transports publics en commun. Il permettrait de concrétiser l'engagement du Gouvernement de lutter contre l'engorgement des villes, la pollution et les difficultés de communication en zone rurale. En effet le gouvernement français n'a pas encore décidé d'exonérer de TICG les transports publics.

De surcroît, la mesure de rattrapage de TICG inscrite dans la dernière loi de finances grèvera encore plus fortement le budget des transports publics, ce qui va à l'encontre des dispositions prises pour favoriser les activités peu polluantes.

Depuis 1992, conformément à la directive européenne 92/81, les opérateurs de transports publics urbains de neuf pays européens bénéficient d'une exonération totale ou partielle de taxe sur les carburants.

Mon amendement 313 tend donc à permettre aux exploitants de transports publics urbains et interurbains d'être remboursés de la hausse de 7 centimes de la TICG prévue cette année. Le dispositif est calqué sur celui que le Gouvernement a fait adopter pour les poids lourds dans la loi de finances pour 1999. J'espère qu'il sera retenu. En tout état de cause, Monsieur le ministre, pouvez-vous préciser la politique du Gouvernement en ce domaine ?

M. le Rapporteur général - La commission n'a pas adopté cet amendement, car le dispositif retenu l'an dernier en faveur des poids lourds tenait compte des spécificités de ce secteur d'activité : une concurrence internationale forte ; l'absence quasi-totale de carburants de substitution et des marges déjà réduites. En revanche, les transports en commun ne subissent pas les mêmes contraintes et en ce qui les concerne, la priorité a été donnée à l'utilisation de carburants propres pour lutter contre la pollution.

Il n'a donc pas semblé cohérent de retenir la proposition de M. Idiart.

M. le Ministre - Le rapporteur général a fort bien défini la politique du Gouvernement qui vise à préserver l'emploi des professionnels de la route, soumis à une très forte concurrence et à encourager le recours à des énergies propres, telles que le GPL, le GNV ou les émulsions d'eau dans le gazole, qui ont déjà bénéficié de mesures favorables.

Dans ces conditions, je souhaite que l'amendement soit retiré ou, à défaut, repoussé.

M. Michel Bouvard - Je regrette la position du Gouvernement et je veux insister sur la discrimination dont les gestionnaires de réseaux de transport public de province sont victimes par rapport à ceux d'Ile-de-France. En effet, la hausse du prix des carburants, en particulier du gazole, va obliger les premiers à augmenter le versement transport ou la participation des collectivités locales à l'équilibre de ces réseaux qui, contrairement à ceux d'Ile-de-France, ne perçoivent pas de dotation d'équilibre de la part de l'Etat.

La mesure qui nous est proposée serait d'autant plus justifiée qu'elle bénéficierait aux réseaux qui ont fait le plus d'efforts pour développer des moyens de transport propres. En outre, le renouvellement de la flotte des réseaux de transport urbain de province s'imposera bientôt et ne bénéficiera pas des aides de l'Etat qui avaient été accordées pour sa création. Outre qu'elle affectera leur équilibre financier, l'augmentation des charges de ces réseaux nuira à leurs capacités de renouvellement de leur parc.

M. Jean-Louis Idiart - C'est par modestie que nous avons aligné le dispositif proposé sur celui applicable aux poids lourds, espérant qu'il serait adopté. Son coût n'excède pas 50 millions.

On ne peut à la fois tenir des discours pour encourager les transports en commun et les taxer comme ils le sont. Cela dit, je suis prêt à retirer l'amendement si le Gouvernement s'engage à étudier ce dossier et m'apporte des apaisements.

L'amendement 313, mis aux voix, est adopté.

Mme Nicole Bricq - Par l'amendement 216, adopté par la commission, nous proposons de proroger jusqu'au 31 décembre 2005 l'exonération de TICGN et de TIPP applicable au fioul lourd, au gaz naturel et au gaz de raffinerie dans des installations de cogénération. Il convient, en effet, d'encourager la cogénération au moment où elle commence à se développer car elle est très rentable énergétiquement tout en préservant l'environnement.

M. le Rapporteur général - Avis favorable.

M. le Ministre - Avis favorable et je lève le gage.

L'amendement 216, mis aux voix, est adopté.

M. Jean-Jacques Jegou - Je reprends l'amendement 232 de M. Saumade, qui n'est pas défendu, à seule fin d'entendre les explications du ministre sur la distinction entre dépenses de fonctionnement et dépenses d'investissement en matière de voirie, pour l'éligibilité des travaux des collectivités locales au fonds de compensation de la TVA. Comment justifier, par exemple, la distinction qui est établie entre la réfection totale d'une route et les simples revêtements de voirie ?

La réglementation en vigueur va à l'encontre de ce que nous souhaitons pour favoriser le développement des entreprises du bâtiment et des travaux publics, lesquelles sont pénalisées par les difficultés qu'ont les collectivités locales à entretenir et à renouveler leurs installations.

M. le Rapporteur général - La commission n'a pas retenu cet amendement relativement révolutionnaire puisqu'il remet en cause la distinction entre dépenses de fonctionnement et dépenses d'investissement. Elle préfère poursuivre le dialogue avec le Gouvernement sur le problème du fonds de compensation de la TVA.

Je propose donc à l'Assemblée de ne pas adopter un amendement qui, outre qu'il serait très coûteux, remettrait en cause un principe fondamental sans que l'on sache avec précision quelles conséquences en découleraient.

M. le Ministre - Le Gouvernement n'est pas opposé à l'extension des charges des dépenses éligibles au FCTVA lorsqu'il s'agit de dépenses d'investissement : rappelez-vous les berges de torrents, ou encore les travaux d'urgence. Cependant, avec cet amendement, une barrière est franchie, puisque vous entendez rendre éligibles des dépenses de fonctionnement. Je ne suis pas mûr pour ce grand saut et je suis donc contre l'amendement.

M. Jean-Jacques Jegou - Chacun aura compris que si j'ai repris l'amendement, c'est pour ouvrir une discussion. Or, elle n'a pas eu lieu. Contrairement à vous, Monsieur le ministre, je suis maire depuis 18 ans et, au fil des ans, j'ai vu se réduire comme peau de chagrin, avec des restrictions successives, le nombre des dépenses éligibles au FCTVA. Qui peut nier, pourtant, que les travaux de voirie et de ravalement, dont la durée d'amortissement est supérieure à 10 ans, peuvent à bon droit être assimilés à des dépenses d'investissement ?

Mme la Présidente - Veuillez conclure.

M. Jean-Jacques Jegou - Cela étant dit, je retire l'amendement.

Mme Nicole Bricq - Avec l'amendement 239, nous proposons de réparer une anomalie. La notion de « recettes accessoires » définies dans une circulaire de 1994 comme celles inférieures à 20 % des ressources des communes, a pour effet d'empêcher celles d'entre elles qui valorisent le mieux leurs déchets -au-delà des 20 %- de bénéficier du FCTVA, lorsqu'elles investissent dans un centre de tri. Il est paradoxal que cette mesure discriminatoire frappe les collectivités qui respectent le mieux les objectifs de la loi de juillet 1992, et que plus l'on valorise les déchets, moins l'on récupère la TVA.

M. le Rapporteur général - La commission, qui a longuement débattu de cet amendement, était très partagée. Elle a exprimé un avis plutôt défavorable, mais elle a souhaité qu'une discussion s'engage avec le Gouvernement à ce sujet, tout en estimant qu'il ne figurait pas au rang des priorités. Les explications de M. le ministre inciteront peut-être notre collègue à retirer un amendement que, sinon, j'inviterai l'Assemblée à repousser.

M. le Ministre - Les auteurs de l'amendement posent un vrai problème. Sans entrer dans une argumentation technique, je rappellerai que le Gouvernement a consenti un effort financier important en réduisant à 5,5 % le taux de TVA applicable aux travaux visant à la collecte, au tri et, généralement, au traitement des déchets. Par cette décision politique, il a marqué l'importance qu'il attache au tri sélectif. Je vous invite donc à bien vouloir retirer cet amendement.

Mme Nicole Bricq - Je connais cette argumentation mais elle ne me convainc pas. On aurait certes pu avancer que le dispositif que nous préconisons est coûteux -et encore faudrait-il chiffrer précisément ce coût. Mais je maintiens que deux mécanismes contradictoires sont en vigueur, ce qui justifierait au minimum que l'administration fiscale interprète avec plus de souplesse la notion de «recette accessoire». Je retire l'amendement, mais je reviendrai sur cette question, car la logique et l'équité sont bafoués.

M. Philippe Auberger - Les collectivités locales engagent des dépenses d'investissement dans ses locaux mis à la disposition de l'Etat -gendarmerie, bureau de poste, perceptions...- pour maintenir des services publics. Certes, des loyers leur sont proposés en contre partie de la mise à disposition de ces locaux, mais ils n'ont que peu à voir avec les prix du marché. On peut même dire que, comme ils ne tiennent pas compte des travaux effectués, ils sont dérisoires, d'autant que l'administration refuse, abusivement à mon sens, l'indexation. Pour ce qui concerne ma commune, l'affaire, qui a failli se terminer devant le tribunal, s'est réglée parce que des travaux étaient indispensables, dont la réalisation a été conditionnée à l'augmentation de loyer. On voit que les termes de la discussion sont par trop inégaux. Dans ces conditions, la compensation de ces loyers insuffisants par un remboursement de TVA ne serait que justice. C'est ce à quoi tendent les amendements 281 et 280.

M. le Rapporteur général - La commission a repoussé ces amendements, qui remettent en cause le principe de patrimonialité. Le sujet abordé est d'importance, mais la réponse apportée n'est pas la plus pertinente puisque les collectivités territoriales, propriétaires des locaux qu'elles louent, ne sont pas éligibles au FCTVA.

La question est celle du juste prix. Mais le fait que l'administration ne le paie pas toujours ne doit pas conduire à remettre en cause un principe fondamental !

La commission invite donc l'Assemblée à se prononcer contre les amendements, mais elle vous prie aussi d'intervenir, Monsieur le ministre, pour inciter l'administration à payer le juste prix et, en particulier, à tenir compte dans la détermination du loyer, du coût des travaux engagés.

M. le Ministre - Le principe de l'éligibilité au FCTVA est accepté dans le cas où l'urgence est manifeste. Le Gouvernement n'est donc pas insensible aux appels qui lui sont lancés.

Comme il s'agit pour l'essentiel d'équipements réalisés en zone rurale, il ne serait pas inéquitable que l'effort soit partagé entre l'Etat et les collectivités car ces équipements servent le développement des territoires ruraux. Si mon avis est défavorable donc, j'ai bien entendu l'appel lancé aux administrations de respecter un juste prix.

L'amendement 281, mis aux voix, n'est pas adopté, non plus que l'amendement 280.

M. Ollier remplace Mme Catala au fauteuil présidentiel.

PRÉSIDENCE de M. Patrick OLLIER

vice-président

M. Michel Bouvard - L'amendement 322 tend à rendre éligibles au FCTVA les investissements réalisés sur la voirie nationale par une collectivité pour le compte de l'Etat dans le cadre d'une convention de mandat. L'Etat a ainsi souvent sollicité les départements de montagne par le passé et il est probable qu'il sollicitera encore largement les collectivités dans le cadre des prochains contrats de plan Etat-région. L'amendement 322 de M. Guillaume n'a rien de révolutionnaire puisqu'il vise seulement les infrastructures nouvelles. Il est tout à fait justifié car il s'agit souvent d'opérations très coûteuses pour les collectivités dans un domaine qui, de surcroît, relève de la compétence de l'Etat.

M. le Rapporteur général - La commission n'a pas examiné cet amendement mais à titre personnel, je lui aurais déconseillé de l'adopter. D'une part, il serait très coûteux. D'autre part, les collectivités ne sont pas maîtres d'ouvrage pour ces travaux.

M. le Ministre - L'enveloppe globale que l'Etat consacrera aux contrats de plan Etat-région pour la période 2000-2006 atteindra 120 milliards, montant sans commune mesure avec les moyens accordés par le passé. L'Etat consent donc un effort considérable dans le triple objectif de favoriser, grâce à des investissements judicieux, l'emploi, la solidarité et le développement durable. Ne lui en demandez pas davantage ! Avis défavorable.

M. Michel Bouvard - Le rapporteur général prétend que cet amendement serait coûteux. Encore faudrait-il évaluer plus précisément ce coût.

Je mesure l'effort consenti par l'Etat pour les prochains contrats de plan mais le routes n'y bénéficient pas de la priorité.

L'amendement 322, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Jean-Pierre Brard - L'amendement 303 vise à renforcer les sanctions pénales à l'encontre des fraudeurs à la TVA et propose des mesures graduelles. En cas d'escroquerie à la TVA en bande organisée, la peine maximale d'emprisonnement serait portée de sept à dix ans et l'amende maximale de 5 à 50 millions, ce qui rapprocherait les sanctions de celles applicables en cas de trafic de stupéfiants. Ceci est tout à fait justifié car le profit retiré des fraudes tournantes de type carrousel y est parfois supérieur. Il est si considérable que la criminalité organisé a investi ce champ.

Il semble par ailleurs que les magistrats n'utilisent pas aujourd'hui toute l'échelle des peines à leur disposition. Nous aimerions avoir des précisions à ce sujet. La loi s'applique à tous de même façon et une mansuétude particulière à l'égard des grands délinquants serait incompréhensible. La législateur fait la loi, les magistrats doivent l'appliquer.

M. Michel Bouvard - Très bon rappel !

M. Jean-Pierre Brard - En tout cas, pas inutile.

Les peines prévues dans le cas de fraudes à la TVA sont sans commune mesure avec le préjudice causé à la collectivité nationale.

L'amendement 303 prévoit également que le Gouvernement remettra un rapport étudiant l'intérêt de créer, au sein du ministère de l'économie et des finances, une section spécialisée disposant de compétences de police judiciaire semblables à celles du National Investigation Service des douanes britanniques, qui constitue une véritable police de la TVA.

Enfin, l'amendement propose de renforcer la vigilance exercée sur les circuits de distribution de produits susceptibles d'avoir fait l'objet de procédures de carrousel.

M. le Rapporteur général - La commission, qui a été sensible à de nombreux arguments de M. Brard, n'a toutefois pas adopté l'amendement 303. Les fraudes à la TVA, en particulier intra-communautaires, posent un véritable problème. Mais il convient tout d'abord que les magistrats appliquent toute l'échelle des peines existantes. La Chancellerie devra appeler leur attention sur ce point.

M. le Ministre - M. Brard a tout à fait raison de dénoncer les pratiques de type carrousel. Mais il n'appartient pas à la loi de finances de compléter le code pénal. Je m'enquerrai auprès de ma collègue la Garde des Sceaux de savoir si effectivement toute l'échelle des peines disponibles n'est pas aujourd'hui utilisée. S'agissant de la création d'une section spécialisée, je la crois inutile. Elle risquerait de faire doublon d'autant que les administrations fiscales disposent déjà d'équipes opérationnelles sur le terrain.

Je demande donc à M. Brard de retirer son amendement. A défaut, j'en demanderai le rejet.

M. Jean-Pierre Brard - La mansuétude des magistrats dans cette forme de criminalité -dont l'ampleur est sous-estimée- entraîne la généralisation de pratiques mafieuses dans certains secteurs économiques : composants électroniques, téléphones mobiles, ordinateurs, textile. Votre réponse, Monsieur le ministre, ne me satisfait donc pas et je maintiens mon amendement.

L'amendement 303, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. le Président - Nous avons tous accepté le principe d'une séance prolongée. Mais celle-ci ne saurait se prolonger au-delà de 21 heures. Si nous n'accélérons pas le rythme de nos travaux, je devrai suspendre la séance à 20 heures pour la reprendre à 21 heures 30.

M. Michel Bouvard - L'amendement 160 est défendu.

L'amendement 160, repoussé par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Michel Bouvard - L'amendement 157 est défendu.

L'amendement 157, repoussé par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Jean-Jacques Jegou - L'amendement 252 est défendu.

L'amendement 252, repoussé par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Gilbert Gantier - L'amendement 278 a pour objet de compléter l'analyse des résultats du contrôle fiscal qui figure chaque année dans le fascicule « Voies et moyens » annexé au projet de loi de finances. Cela permettrait d'apprécier l'importance réelle de la fraude en distinguant clairement les raisons principales de la non conformité des déclarations, celle-ci résultant parfois de simples erreurs.

L'amendement 278, repoussé par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. le Rapporteur général - En adoptant l'amendement 218 rectifié, à l'initiative de M. Brard, la commission a souhaité pour la deuxième année consécutive, améliorer la présentation des données relatives aux contrôles fiscaux.

A cet égard, je remercie le Gouvernement d'avoir adopté, conformément au v_u de l'Assemblée, une présentation par circonscription régionale.

La commission a par ailleurs repoussé l'amendement 311 de M. Brard.

M. Jean-Pierre Brard - Cet amendement vise à rendre plus transparent le fonctionnement de l'administration fiscale et à améliorer l'information du Parlement. Il faut donner une plus grande publicité aux remises et modérations accordées par le Gouvernement.

M. le Ministre - Le Gouvernement, qui tient son engagement d'améliorer l'information du Parlement, est favorable à l'amendement 218 rectifié. Il est en revanche défavorable à l'amendement 311, dont l'adoption entraînerait des enquêtes statistiques compliquées et obligerait l'administration à motiver la totalité des remises gracieuses.

L'amendement 218 rectifié, mis aux voix, est adopté.

M. le Président - L'amendement 311 tombe.

M. le Ministre - L'amendement 326 du Gouvernement a une grande importance, puisqu'il vise à proroger jusqu'au 31 décembre 2000 l'annualisation du temps partiel instituée par la loi du 25 juillet 1994 dans les trois fonctions publiques.

M. le Rapporteur général - La commission ne l'a pas examiné mais elle l'aurait certainement adopté. Il s'agit d'une très bonne mesure.

L'amendement 326, mis aux voix, est adopté.

M. Gilbert Gantier - J'ai déjà appelé ce matin l'attention du Gouvernement sur le problème du plan d'épargne par actions. Tel qu'il a été conçu dans la loi de 1992, le PEA n'est ouvert qu'aux sociétés de droit français. Or Dexia est devenue une entreprise de droit belge.

Si le Gouvernement s'engage à revoir prochainement le dispositif du PEA, je suis prêt à retirer mon amendement.

M. le Rapporteur général - Il faut en effet réfléchir à l'élargissement des PEA après les restructurations intervenues. En outre, la Commission européenne a engagé une procédure contre la France, qui n'en est encore qu'au stade de l'action motivée, sur la question des assurances vies.

La commission préfère que la question soit examinée, avec un peu de recul, à l'occasion du prochain collectif. Avis défavorable.

M. le Ministre - Le PEA est un bon dispositif de soutien de l'épargne. Se pose aujourd'hui le problème des actions européennes. Le Gouvernement y réfléchit et nous en reparlerons lors de l'examen de la loi de finances rectificative. Je pense que vous pouvez retirer votre amendement.

M. Gilbert Gantier - Je le retire. Il faudra aussi revoir la question du niveau maximum des PEA et songer à leur traduction en euro, qui s'imposera à partir de 2002.

M. le Ministre - L'amendement 327 du Gouvernement vise à proroger jusqu'au 31 décembre 2000 le congé de fin d'activité institué par la loi du 16 décembre 1996 sur l'emploi dans la fonction publique.

Il s'agit d'une mesure à laquelle le Gouvernement tient, et les fonctionnaires aussi. Elle a été annoncée le 18 novembre par mon collègue Zuccarelli, au cours de la réunion organisée pour tirer le bilan de l'accord salarial du 10 février 1998.

M. le Rapporteur général - La commission, qui n'a pas examiné cet amendement, aurait sans doute approuvé une mesure aussi positive.

M. Jean-Jacques Jegou - Pouvez-vous me rappeler le nombre d'annuités nécessaires pour bénéficier du congé de fin d'activité ?

Je voterai cet amendement. Cependant, les partenaires sociaux s'étant retirés de l'ARPE, le fossé se creuse encore entre fonctionnaires et salariés du privé.

M. Philippe Auberger - Pour répondre à mon collègue Jegou, je crois me souvenir qu'il faut 37,5 annuités de cotisation pour partir à 58 ans et 40 annuités pour partir à 56 ans.

Par ailleurs, Monsieur le ministre, cet amendement ne doit viser que la fonction publique d'Etat. Or la même mesure est attendue dans les collectivités locales et la fonction publique hospitalière. Envisagez-vous de l'étendre ?

M. le Ministre - Je vous remercie d'avoir répondu à M. Jegou.

Cette mesure s'étendra automatiquement aux trois fonctions publiques.

L'amendement 327, mis aux voix, est adopté.

M. Jean-Jacques Jegou - Mon amendement 257 est défendu.

L'amendement 257, repoussé par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Michel Bouvard - Mon amendement 53 est identique à un amendement que j'ai déposé l'année dernière, ainsi qu'à un amendement au récent projet relatif aux dotations communales. Le ministre de l'intérieur m'a renvoyé au ministre des finances, m'expliquant que des négociations sont en cours pour qu'à Modane, tous les contribuables, qu'ils soient Français ou étrangers, soient assujettis aux impôts locaux. Au moins, si une exonération est accordée par l'Etat, elle doit s'accompagner d'une compensation pour les collectivités concernées.

La commune de Modane a perdu 20 % de sa population et les 500 000 F de manque à gagner résultant du traité franco-italien du 21 janvier 1951 représentent un quart de sa capacité d'investissement.

M. le Rapporteur général - Avis défavorable.

M. le Ministre - Je serai quant à moi plus encourageant (Sourires). Des négociations sont en cours et le Gouvernement ne désespère pas de parvenir à un accord au cours de l'année prochaine. Je souhaite, en attendant, le retrait de cet amendement. Une lueur apparaît dans le ciel de Modane... (Sourires)

M. Michel Bouvard - Je retire mon amendement. En attendant qu'une solution soit trouvée, le ministère de l'intérieur pourrait sans doute trouver le moyen d'aider Modane et les autres communes concernées à financer leurs investissements.

M. Jean-Pierre Brard - L'expression « plan social » cache bien des turpitudes et plusieurs fois les juridictions ont annulé des plans sociaux abusifs. Or ceux-ci, bien souvent, étaient financés par les deniers publics !

Sans aller jusqu'à rendre de tels plans passibles de sanctions pénales, il faut au moins améliorer le contrôle du financement public, que je propose, dans mon amendement 325, de plafonner à 40 % des dépenses.

M. le Rapporteur général - La commission n'a pas examiné cet amendement, sur lequel je suis quant à moi réservé. Le Gouvernement a clairement indiqué qu'il préférait les mesures de reclassement interne aux licenciements et les crédits d'accompagnement des restructurations sont en diminution, comme nous l'avions souhaité. La ministre de l'emploi veille à ce que le financement public des plans sociaux reste limité au strict nécessaire.

Il m'apparaît toutefois plus efficace de laisser aux représentants de l'Etat dans les départements le soin d'apprécier au cas par cas les conditions du financement public des restructurations ; une mesure générale ne me semble pas pertinente.

M. le Ministre - Même avis. En outre, le plafond de 40 % risque d'être compris par les entreprises comme un plancher.

L'amendement 325, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Jean-Pierre Brard - Notre Assemblée a adopté jusqu'à présent neuf amendements anti-fraude. Je lui propose maintenant, par mon amendement 294, de progresser sur la méthode en créant un observatoire de la fraude.

En effet, les auditions menées dans le cadre de mon rapport sur la lutte contre la fraude et l'évasion fiscale ont montré la nécessité de constituer une structure de veille dans laquelle seraient représentés les différents services de l'Etat et qui aurait une vision d'ensemble des pratiques frauduleuses. Les opérations de coopération entre la direction générale des impôts et la direction générale des douanes et droits indirects témoignent de l'intérêt de la démarche.

L'observatoire assurerait la circulation de l'information entre les différents services de l'Etat en matière de fraude économique, qui s'accompagne inéluctablement d'une fraude fiscale. Il disposerait d'un personnel permanent composé de magistrats, fonctionnaires des impôts et des douanes et policiers, ainsi que d'un budget autonome.

S'agissant des compétences et des pouvoirs de l'observatoire, le dispositif proposé s'inspire de ce qui a été prévu pour le service central de prévention de la corruption.

Un rapport annuel serait remis au Parlement ; les ministres auraient l'obligation de répondre aux observations qui y seraient consignées.

M. le Rapporteur général - Entre la précédente loi de finances et les dispositions votées cette année, l'Assemblée aura adopté l'équivalent d'un texte de loi contre la fraude fiscale. La volonté de la majorité plurielle en la matière est ainsi bien démontrée.

Néanmoins la commission n'a pas adopté cet amendement, considérant qu'il n'était pas opportun de créer une nouvelle structure. Mieux vaut mesurer d'abord l'effet des dispositions qui ont été prises. J'invite d'ailleurs l'Assemblée à s'interroger sur la multiplication d'organismes extra-parlementaires, qui finissent par attenter à la légitimité du Parlement.

M. le Ministre - L'important est de renforcer la lutte contre la fraude fiscale ; M. Brard a été à l'origine de nombreux amendements adoptés en ce sens. Mais créer un observatoire indépendant du Parlement ne me paraît pas une idée très heureuse. Le Gouvernement et son administration sont à la disposition du Parlement pour répondre à ses questions. Je demande donc le rejet de cet amendement.

L'amendement 294, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Gilbert Gantier - L'inspection des finances est un corps de grande qualité. Il faudrait que, comme la Cour des comptes, elle soit tenue de transmettre au Parlement les rapports qu'elle produit : tel est l'objet de mon amendement 234.

M. le Rapporteur général - Avis défavorable. Nous avons déjà évoqué ce sujet. La publicité d'un rapport pourrait entraîner l'édulcoration des critiques formulées.

M. le Ministre - Le Gouvernement apprécie les compliments de M. Gantier à l'inspection des finances, qu'il faut étendre à tous les corps d'inspection, mais il est défavorable à cet amendement. En effet ces rapports contiennent fréquemment des informations nominatives. En outre, ils servent souvent à préparer les décisions de l'exécutif et il convient de respecter la séparation des pouvoirs. Enfin, leur divulgation pourrait porter atteinte à des procédures engagées devant les juridictions.

Le Gouvernement est prêt, et il l'a montré, à fournir au Parlement les éléments de rapports qui peuvent lui être utiles, mais il est hostile à un principe général de publicité.

L'amendement 234, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Jean-Jacques Jegou - Il est bon de lutter contre la fraude, mais il faut aussi parler des erreurs de l'administration. Les amendements 194 et 277 concernent les dispositions prises hâtivement par l'administration fiscale qui, parfois, contraignent les entreprises à cesser leur activité. Ils tendent à demander au Gouvernement un rapport sur les abus commis par l'administration fiscale et sur les moyens d'y remédier.

M. le Rapporteur général - Avis défavorable.

M. le Ministre - Ces deux amendements supposent que l'administration fiscale est irresponsable de ses actes ; or elle travaille sous l'autorité du juge et lorsqu'elle est sanctionnée, elle verse des dommages et intérêts.

En second lieu, les amendements reflètent le soupçon que l'administration fiscale se concentrerait sur les petits contribuables, parce que la chasse y serait plus facile. Or les PME dont le chiffre d'affaires est inférieur à 2 millions sont contrôlées en moyenne une fois tous les 50 ans, alors que les entreprises de plus de 100 millions de chiffre d'affaires le sont tous les cinq ans.

Les pénalités automatiques réclamées contre l'administration favoriseraient les gros contribuables procéduriers.

Les amendements 194 et 277, successivement mis aux voix, ne sont pas adoptés.

M. Gilbert Gantier - Mon amendement 275 est analogue à celui que j'avais présenté dans la discussion du budget pour 1992. Bien que la commission des finances et son rapporteur général, actuellement ministre, l'eussent repoussé, la majorité d'alors, assez semblable à celle d'aujourd'hui, l'avait adopté, et il était devenu l'article 80 de la loi de finances. En fait, il ne fut jamais appliqué.

Mais il a retrouvé une vigueur nouvelle avec le rapport de M. Jean-Jacques François, qui conclut que la comptabilité de l'Etat n'est pas bien tenue, et que manque en particulier une évaluation précise du patrimoine immobilier de l'Etat.

Il est indispensable que l'Etat dispose enfin d'une évaluation de son patrimoine, premier pas vers une organisation de la comptabilité de l'Etat qui soit comparable à celle d'une entreprise.

M. le Rapporteur général - Rejet. Il est vrai que la comptabilité patrimoniale de l'Etat est archaïque, et qu'il faudrait disposer d'une situation détaillée du patrimoine immobilier de l'Etat. Le point a été abordé par le groupe de travail présidé par le Président de l'Assemblée, sur l'efficacité de la dépense publique et le contrôle parlementaire. La mission d'évaluation et de contrôle s'en préoccupe également. Nous avons demandé que soit établi chaque année un bilan et un hors-bilan de l'Etat, accompagné de projections à trois ans, afin d'évaluer le patrimoine de l'Etat et ses engagements à long terme. Le rapport de M. François va dans le bon sens. La Conférence des présidents m'a demandé de faire des proposition de révision de l'ordonnance organique du 2 janvier 1959. Je vous en entretiendrai l'an prochain. Donnons-nous rendez-vous pour ce débat.

M. le Ministre - Il existe déjà un compte général de l'administration des Finances, publié chaque année en avril. Ainsi une sorte de bilan de l'Etat a été établi cette année. Ce document est tout à fait perfectible, et le rapport François a ouvert des pistes dans ce sens.

Mon ministère travaille à une comptabilité patrimoniale. Vous en verrez le résultat concret dans le prochain compte général. Vous y trouverez, cher Monsieur Gantier, la comptabilisation de la dette de l'Etat en droit constaté, l'introduction progressive de nouveaux modes de valorisation pour les participations et les immobilisations physiques de l'Etat, et un premier recensement des engagements futurs et des risques pesant sur l'Etat.

Ainsi le Gouvernement vous entend. Nous accélérons les travaux. Peut-être aurait-on pu déjà le faire entre 1993 et 1997.

L'amendement 275, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. François Vannson - J'ai gardé notre amendement 324 pour la bonne bouche !

Je l'avais présenté l'an dernier. Il s'agit de réduire de 50 % les droits de consommation d'alcool dans le cadre d'une production personnelle dans la limite de 10 litres.

L'an dernier, vous m'aviez répondu que vous faisiez le rêve que, avec l'extinction progressive des bouilleurs de cru, ce type d'amendement disparaîtrait. Vous étiez cependant conscient que ce rêve ne se réaliserait peut-être pas encore cette année, et vous aviez raison.

De tels propos ont créé un vif émoi dans la population rurale et chez des milliers de bouilleurs de cru. Par cet amendement, mes 41 collègues cosignataires et moi offrons la chance à l'Assemblée de rattraper une injustice, et de mettre la législation française en conformité avec la législation européenne.

Cette décision donnerait toute leur portée aux propos de M. Glavany, qui se présente souvent comme le défenseur du monde rural. Or la distillation fait partie des traditions du monde rural.

Il serait malvenu d'opposer cette année l'argument de lutte contre l'alcoolisme, alors que tous les alcools sont en vente libre dans tous les commerces. Ces petites productions non commercialisables sont destinées à la consommation familiale et contribuent ainsi à l'entretien des vergers.

Dans les couloirs de l'Assemblée, l'immense majorité des députés est favorable à cette mesure, que je vous demande de voter.

M. le Rapporteur général - La commission n'a pas examiné l'amendement. Si elle l'avait fait, elle aurait regretté qu'un tel amendement puisse encore être déposé. Nous avons eu la chance d'y échapper pendant quelques années. Sur le privilège des bouilleurs de cru, les arguments des uns et des autres sont bien connus.

M. le Ministre - Ce dernier amendement ressemble à la tradition de boire une dernière goutte à la fin d'un bon repas. Je ne veux pas sacrifier à cette tradition et je demande le rejet de cet amendement. Nous sommes tous intéressés à ce que l'alcoolisme régresse, même l'alcoolisme familial.

L'amendement 324, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. le Président - Nous avons terminé l'examen des articles et des amendements portant articles additionnels non rattachés.

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ARTICLES « SERVICES VOTÉS » ET ARTICLES DE RÉCAPITULATION

M. le Président - J'appelle maintenant les articles « services votés » et les articles de récapitulation.

L'article 37, mis aux voix, est adopté.

L'article 38, tel qu'il résulte des votes intervenus sur l'état B, et l'état B, mis aux voix, sont adoptés.

L'article 39, tel qu'il résulte des votes intervenus sur l'état C, et l'état C, mis aux voix, sont adoptés.

Les articles 42 et 43, successivement mis aux voix, sont adoptés.

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SECONDE DÉLIBÉRATION

M. le Président - En application de l'article 101 et 118, alinéa 5, du Règlement, le Gouvernement demande qu'il soit procédé à une seconde délibération des articles 38 et de l'état B, 39 et de l'état C, 41, 43, 55 et 63 undecies de la deuxième partie du projet de loi de finances et, pour coordination, à une nouvelle délibération de l'article 36 et de l'état A de la première partie.

La seconde délibération est de droit.

La commission interviendra dans les conditions prévues à l'alinéa 3 de l'article 101 du Règlement.

M. le Ministre - Je demande une courte suspension de séance.

La séance, suspendue à 20 heures 30, est reprise à 20 heures 35.

M. le Ministre - Cette seconde délibération tend à apporter deux types de corrections. La principale a pour objet de procéder à la coordination nécessaire entre les chiffres votés en première délibération et les engagements pris en fin de première partie ainsi que lors de l'examen des budgets ; la seconde, plus limitée revient sur deux articles votés en seconde partie de la loi de finances et donc sans impact sur le montant du déficit.

Par les amendements 45 et 46, le Gouvernement vous propose de revenir à la répartition de la redevance audiovisuelle prévue par l'article 55, mais il s'engage à répartir intégralement les excédents de 1998 dans le projet de loi de finances rectificative. Nous aurons alors l'occasion d'en reparler.

En second lieu, le Gouvernement demande à l'Assemblée de revenir sur l'article 63 undecies qui avait aligné le régime des transports publics sur celui des poids lourds en matière de TIPP. Votre commission des finances s'était prononcée contre cet amendement. Cela ne signifie pas pour autant que le Gouvernement se désintéresse de la situation des entreprises de transport public de voyageurs et de l'augmentation de leurs charges. Mais la voie fiscale ne lui paraît pas la mieux adaptée pour atténuer leurs difficultés.

Quant aux autres amendements, ils tirent les conséquences d'engagements pris par le Gouvernement.

Ainsi, les crédits du BAPSA sont-ils majorés de 1,2 milliard pour financer la revalorisation des petites retraites agricoles.

De même, conformément aux v_ux de votre commission, il est procédé à une majoration des dépenses de 550 millions, répartie sur plusieurs titres et plusieurs ministères, ce qui explique les nombreux amendements déposés, et à la majoration de 20 millions des crédits en faveur des anciens combattants, comme nous l'avions annoncé en première partie.

Enfin, le Gouvernement entend combler plusieurs souhaits émis au cours des débats. Les crédits du centre national du cinéma sont ainsi majorés de 1 million au profit de la filière du dessin animé à La Réunion. Les crédits de la CNIL sont majorés de la même somme pour la conforter dans l'exercice de ses missions. Un million supplémentaire est aussi prévu pour améliorer les conditions de fonctionnement de la société nationale de sauvetage en mer. 10 millions sont inscrits au budget de la sécurité routière afin de créer une prime permettant d'équiper de soupapes les véhicules roulant au GPL qui en sont dépourvus. La capacité d'engagement de l'agence française de développement est majorée de 140 millions et celle de l'ADEME de 100 millions.

Enfin, les 600 millions annoncés par le Premier ministre jeudi dernier pour financer les engagements de l'Etat à l'égard des victimes des récentes inondations sont déjà prévus au budget des charges communes au titre des dépenses accidentelles et seront débloqués en gestion.

Pour en terminer, l'état A est corrigé pour coordination avec ce qui a été voté en matière de BAPSA, de TVA prévue pour RFF et de compensation de la suppression des DMTO pour les SAFER.

A l'issue de cette seconde délibération, le déficit s'élève à 215,420 milliards.

Par ailleurs, conformément à l'article 44, alinéa 3, de la Constitution et à l'article 96 du Règlement, le Gouvernement demande qu'il soit procédé à un seul vote sur les articles faisant l'objet de cette seconde délibération ainsi que sur l'ensemble de la loi de finances pour 2000.

Ce vote aura lieu mardi ainsi que la Conférence des présidents l'a prévu.

M. le Rapporteur général - La commission n'a pas examiné ces amendements, mais je ne crois pas trahir sa pensée en leur donnant un avis favorable.

Je me réjouis que cette seconde délibération soit plus courte que celle de l'an dernier et ne revienne pas sur de nombreux amendements adoptés par notre assemblée. Une seule des mesures proposées va à l'encontre d'un v_u émis par la commission des finances et par celle des affaires culturelles : elle a trait à la répartition de la redevance audiovisuelle. Certes, le ministre s'est engagé à répartir intégralement les excédents de 1998 dans la loi de finances rectificative, mais nous aurions préféré que ce soit fait dès maintenant. Nous poursuivrons le dialogue en espérant que, dans le collectif, le Gouvernement approuvera la répartition proposée par notre assemblée.

Quant aux autres propositions, elles sont conformes aux engagements que le Gouvernement avait pris -ce qui ne nous surprend pas- ou à des demandes que nous avions nous-mêmes formulées.

Pour terminer, je remercie le Gouvernement, qu'il s'agisse de votre prédécesseur, M. Dominique Strauss-Kahn, ou de vous-même, Monsieur le ministre, du dialogue constructif qu'il a noué avec notre Assemblée. Mes remerciements s'adressent aussi à vos services, ainsi qu'à la Présidence. Je n'aurai garde d'oublier la commission des finances, non plus que tous nos collaborateurs qui nous ont permis de travailler dans de bonnes conditions.

Je vous remercie également, mes chers collègues, de votre assiduité tout au long de la présentation de ce budget, ainsi que la presse, qui suit nos travaux et en rend compte.

J'inviterai l'Assemblée à voter ce projet de loi de finances au cours de sa séance de demain après-midi.

M. le Ministre - Je tiens à mon tour à vous remercier, sincèrement et chaleureusement, Monsieur le président, ainsi que le président de la commission, le rapporteur général et l'ensemble des membres de la commission, qu'ils soient de la majorité ou de l'opposition, pour la qualité de leurs interventions. Je remercie également ceux qui, n'étant pas membres de la commission, nous ont fait l'honneur et le plaisir de participer à nos travaux. Je remercie encore le service de la séance, les collaborateurs de la commission et des groupes politiques ainsi que mes propres services.

Je me joins enfin à l'hommage rendu par le rapporteur général à M. Dominique Strauss-Kahn, et je remercie enfin M. Christian Pierret de m'avoir suppléé alors que j'étais empêché. Je salue enfin la presse, qui rend toujours compte de nos travaux avec sagacité.

M. le Président - Je suis sensible à ces remerciements, qui s'adressent avant tout aux services de l'Assemblée.

A la demande du Gouvernement et en application de l'article 44, alinéa 3, de la Constitution, les votes sur les amendements 1 à 47 seront réservés.

En application de l'article 44, alinéa 3, de la Constitution, le Gouvernement demandera à l'Assemblée de se prononcer par un seul vote sur l'article 38 et l'état B modifié par les amendements 1 à 25 ; l'article 39 et l'état C modifié par les amendements 26 à 41 ; l'article 41 modifié par les amendements 42 et 43 ; l'article 43 modifié par l'amendement 44 ; l'article 55 modifié par l'amendement 45 ; l'amendement 46 supprimant l'article 63 undecies ; l'article 36 et l'état A modifié par l'amendement 47, ainsi que l'ensemble du projet de loi de finances.

Conformément à la décision de la Conférence des présidents, les explications de vote et le vote, par scrutin public sur les dispositions ayant fait l'objet de la seconde délibération et sur l'ensemble du projet de loi de finances pour 2000, auront lieu demain après-midi, après les questions au Gouvernement.

Prochaine séance, demain, mardi 23 novembre à quinze heures.

La séance est levée à 20 heures 55.

                      Le Directeur du service
                      des comptes rendus analytiques,

                      Jacques BOUFFIER


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