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Session ordinaire de 1999-2000 - 32ème jour de séance, 76ème séance

1ÈRE SÉANCE DU JEUDI 25 NOVEMBRE 1999

PRÉSIDENCE de Mme Nicole CATALA

vice-présidente

Sommaire

MÉDIATEUR DES ENFANTS -deuxième lecture- 2

ARTICLE PREMIER 9

ART. 2 10

ART. 3 10

ART. 3 BIS 11

ART. 4 11

ART. 4 BIS 12

APRÈS L'ART. 4 BIS 12

ART. 8 12

ART. 9 13

ART. 10 13

ART. 11 13

ART. 12 13

APRÈS L'ART. 12 13

TITRE 14

EXPLICATIONS DE VOTE 14

FINANCEMENT DE LA SÉCURITÉ SOCIALE POUR 2000 -nouvelle lecture- (suite) 14

ART. 3 14

ART. 4 20

La séance est ouverte à neuf heures trente.

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MÉDIATEUR DES ENFANTS (deuxième lecture)

L'ordre du jour appelle la discussion en deuxième lecture de la proposition de loi instituant un médiateur des enfants.

Mme la Présidente - En l'absence du Gouvernement, je suspends la séance.

La séance est reprise à 9 heures 40.

Mme Ségolène Royal, ministre déléguée chargée de l'enseignement scolaire - La proposition de loi de Laurent Fabius et Jean-Paul Bret instituant un Médiateur des enfants revient en deuxième lecture devant l'Assemblée nationale deux semaines seulement après son examen en première lecture au Sénat -preuve de l'intérêt que l'Assemblée porte aux initiatives permettant de mieux assurer le respect des droits des mineurs. Ce souci est largement partagé par nos concitoyens dont une grande majorité avoue pourtant ignorer l'existence de la convention internationale des droits de l'enfant adoptée il y a dix ans. Selon une enquête de l'UNICEF, 91 % d'entre eux sont favorables à l'institution d'un Médiateur des enfants susceptible de proposer des modifications législatives pour mieux faire respecter les droits des enfants. Leurs préoccupations rejoignent donc celles des auteurs de cette proposition de loi comme celles du Gouvernement. Le ministère de l'éducation nationale s'est en effet fixé trois priorités en ce domaine : protéger les enfants contre toutes les formes de violences, en particulier sexuelles ; leur assurer un meilleur état de santé ; leur garantir le droit d'aller à l'école et d'y réussir en donnant plus aux enfants qui ont moins.

Depuis juin 1997, nous nous sommes efforcés de mieux inscrire dans les faits le respect du droit à l'éducation dont le principe est réaffirmé par la convention internationale des droits de l'enfant mais aussi par la loi d'orientation du 10 juillet 1989. Nous nous sommes attaqués à toute les formes de violences, d'abord à la plus injuste et la plus destructrice, les abus sexuels, en décidant de briser la loi du silence qui a trop longtemps étouffé la parole de l'enfant. Une importante instruction ministérielle qui, pour la première fois, employait le mot «pédophilie» a été diffusée dans tous les établissements scolaires. Celle-ci donne des indications précises et concrètes sur la manière dont la communauté scolaire doit agir face à des violences commises sur des mineurs, dans le double souci de la protection de l'enfant et du respect de la présomption d'innocence de la personne mise en cause. Nous avons mis fin aux mutations subreptices d'adultes coupables de tels méfaits.

En multipliant la diffusion d'outils de prévention -programmes vidéos, passeports pour le pays de prudence remis à 4 millions d'écoliers pour la troisième année consécutive- nous avons pu soutenir l'action pédagogique des enseignants.

La campagne contre le racket a été conduite avec succès.

Un guide pratique a été diffusé aux chefs d'établissement pour leur indiquer à la fois les sanctions pénales et le traitement pédagogique des phénomènes de violence.

La garantie des droits de l'enfant se traduit aussi par des mesures sociales : création du fonds social pour les cantines, création de postes d'assistantes sociales, d'infirmières et de médecins.

Toutes les actions de lutte contre l'échec scolaire rejoignent le souci de préserver le droit à l'éducation des enfants.

Enfin, le contrôle de l'obligation scolaire a été renforcé par une loi votée à l'unanimité par votre Assemblée.

La proposition de loi qui vous est soumise aujourd'hui institue un Médiateur des enfants, distinct du Médiateur de la République, qui serait chargé d'accueillir les réclamations de mineurs ou de leurs représentants légaux lorsqu'ils estiment qu'une administration ou une personne morale de droit privé n'a pas respecté les droits de l'enfant.

Le développement de la médiation en France est une nécessité, face au gigantisme de l'administration et à la masse des dossiers.

La médiation permet, non seulement d'éviter le face-à-face, mais encore de rapprocher les points de vue.

La création en 1973 du Médiateur de la République visait à permettre une plus grande équité dans la relation entre les citoyens et les services publics. L'institution a en effet rencontré un vif succès puisque le Médiateur a été saisi, en 1998, de plus de 45 000 réclamations.

D'ailleurs, depuis le 1er décembre 1998, s'inspirant de ce succès, le ministère de l'éducation nationale s'est doté d'un Médiateur chargé de recevoir les réclamations concernant le fonctionnement du service public de l'Éducation nationale dans les relations avec les usagers et ses agents.

Il ressort du bilan des six premiers mois de l'année 1999 que 800 dossiers ont été reçus par le Médiateur de l'Éducation nationale, mais très peu proviennent des élèves. Par conséquent, la création d'un Médiateur des enfants reste une nécessité.

Le rattachement du Médiateur des enfants au Médiateur de la République souhaité par les sénateurs ne répondrait pas aux attentes manifestées par les enfants et leurs familles. Le Médiateur des enfants doit être une entité à part, clairement identifiable et réservée aux enfants, pour que ceux-ci le considèrent comme un interlocuteur privilégié, créé pour eux, avec un fonctionnement administratif souple et original.

Par ailleurs, le champ de compétences porte sur le non-respect des droits de l'enfant, alors que le Médiateur de la République s'occupe des dysfonctionnements entre les usagers et l'administration. Le respect des droits fondamentaux des enfants ne doit pas s'arrêter aux structures administratives, car il est un principe universel et donc indivisible.

L'efficacité implique d'élargir le champ de compétence du Médiateur des enfants à l'ensemble des institutions. Le Médiateur des enfants doit pouvoir se saisir aussi des réclamations visant les personnes physiques ou morales de droit privé : établissements d'enseignement privés, établissements sociaux accueillant des enfants handicapés ou en difficulté, employeurs, membres de la famille.

La proposition initiale ne prévoyait pas d'informer les représentants légaux de l'enfant mineur ayant saisi le Médiateur des enfants. J'avais soutenu un amendement destiné à remédier à cette lacune, car le Gouvernement entend responsabiliser les parents sur leur mission d'éducation. N'oublions pas que les lois et les règlements prévoient l'information, voire l'autorisation des parents pour la plupart des actes ou des faits concernant leur enfant.

Toutefois, je ne puis méconnaître les situations fort délicates concernant des adolescents, en rupture avec leurs familles, où l'envoi d'un avis aux représentants légaux pourrait alimenter le conflit. Il faut donc donner au dispositif une certaine souplesse et permettre au Médiateur de juger s'il est indiqué d'informer les représentants légaux de l'enfant de la réclamation reçue.

J'ai le sentiment que nous _uvrons à la création d'une institution qui s'inscrit pleinement dans l'esprit de la convention internationale de l'enfant, dont nous venons de célébrer le dixième anniversaire. Si les clivages partisans s'effacent devant l'intérêt de l'enfant, il nous reste aujourd'hui à délimiter précisément les compétences de cette nouvelle institution qui a été vidée de son sens lors du débat au Sénat.

Je m'en remets à la sagesse de l'Assemblée pour faire triompher les droits de l'enfant à l'aube du troisième millénaire (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe communiste).

Mme Claudine Ledoux, rapporteuse de la commission des lois - Cette proposition de loi contribue à la consécration législative des droits de l'enfant. Le 19 novembre 1998, l'Assemblée nationale adoptait deux propositions de loi, l'une ordinaire, l'autre organique, émanant de MM. Laurent Fabius et Jean-Paul Bret, instituant une nouvelle autorité indépendante, le Médiateur des enfants, afin de garantir de manière efficace les droits de l'enfant définis par la convention internationale du 20 novembre 1989, dite convention de New York.

Ce texte découle des recommandations de la commission d'enquête sur les droits de l'enfant, qui a demandé à l'unanimité la création d'une nouvelle instance à l'instar de celles existant à l'étranger, notamment en Suède, en Norvège et en Wallonie. L'Assemblée avait opté alors pour la création d'un Médiateur des enfants, dont les missions et les prérogatives étaient calquées sur celles du Médiateur de la République tout en se réservant la faculté d'élargir ultérieurement son champ de compétence aux litiges pouvant naître dans la sphère privée.

Le Sénat a examiné ces deux propositions de loi le 9 novembre 1999. Tout en manifestant son accord sur le principe de la création d'un Médiateur des enfants, le Sénat a fort curieusement adopté les dispositions accessoires et bouleversé les dispositions essentielles. Il a ainsi adopté conforme la proposition de loi organique relative à l'inéligibilité du Médiateur des enfants, mais fortement amendé la proposition de loi ordinaire. Pour éviter que la nouvelle institution concurrence le  Médiateur de la République, il a rattaché à ce dernier le Médiateur des enfants. Celui-ci perdrait donc la qualité d'autorité indépendante, sa nomination ayant lieu après avis du Médiateur de la République et son rapport annuel étant simplement annexé au rapport remis par la médiature.

Cette situation subordonnée ne correspond pas aux conclusions de la commission d'enquête sur les droits de l'enfant. Si cette position n'est pas acceptable, est apparue, sur de nombreux bancs, la volonté d'aller plus loin et d'élargir les pouvoirs de la nouvelle autorité. Le sénateur Jacques Pelletier, ancien Médiateur, a ainsi suggéré une nouvelle architecture élargissant le champ de compétence du Médiateur des enfants aux litiges entre les personnes mineures et les personnes physiques et morales de droit privé.

Cette solution a le mérite de répondre aux objections formulées par la majorité sénatoriale sans ôter à la nouvelle institution son caractère indépendant. Mais, en définitive, le Sénat n'a pas fait ce choix.

Ces éléments me conduisent, un an après l'adoption de la proposition de loi, à vous proposer d'adopter une version plus ambitieuse, rétablissant le caractère indépendant de la nouvelle autorité et élargissant ses prérogatives. Les relations avec le Médiateur de la République ont également été précisées afin d'éviter l'existence de compétences concurrentes et les doublons de personnels. Reste la question de la dénomination de cette nouvelle autorité.

J'ai proposé le terme de «Défenseur des enfants», mais la majorité de la commission a tranché dans un autre sens. Gageons que ce nouvel équilibre sera de nature à répondre aux préventions du Sénat et permettra l'adoption rapide d'un texte essentiel pour assurer la défense effective des droits de l'enfant au sein de la République (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe communiste).

Mme Martine Aurillac - Nous venons de fêter le dixième anniversaire de la convention des droits de l'enfant. Bien qu'elle ait été signée par tous les pays membres de l'ONU et ratifiée par la plupart, son application reste souvent insuffisante, même en France où les maltraitances et les suicides des enfants restent trop nombreux.

Le législateur s'est interrogé sur les réformes propres à mieux garantir les conditions favorables au développement de l'enfant. A cet effet, le rapport issu des travaux de la commission d'enquête présidée par M. Laurent Fabius et adopté à l'unanimité en 1997 préconisait l'institution d'un Médiateur des enfants. Il s'agissait, indépendamment du rôle irremplaçable du juge pour enfants de reconnaître l'enfant comme un véritable partenaire. Conçu comme une entité autonome, le Médiateur des enfants devait être doté de moyens et d'un statut comparables à ceux du Médiateur de la République.

Adoptée à l'unanimité le 19 novembre 1998 par notre Assemblée, la présente proposition de loi nous revient quelque peu modifiée par le Sénat, et je regrette le retard qui a été ainsi pris dans l'adoption de ce texte qui recueille l'accord de tous.

Le Sénat avait introduit une innovation importante, consistant à rattacher le Médiateur des enfants au Médiateur de la République, dans un souci de coordination de leurs activités. Il avait également adopté deux nouveaux articles, l'un transformant en obligation la faculté donnée au Médiateur des enfants de saisir l'autorité judiciaire, l'autre incluant son bilan d'activité dans le rapport annuel du Médiateur de la République.

Notre commission a redonné son indépendance au Médiateur des enfants par rapport au Médiateur de la République, tout en s'efforçant de prévenir les risques de conflits d'attribution entre les deux institutions. Ainsi, les attributions relevant de la sphère publique s'exerceraient par saisine du Médiateur de la République en vertu d'une convention entre les deux médiateurs. D'autre part, les compétences du Médiateur des enfants sont étendues au non-respect des droits de l'enfants par des personnes privées. Je ne suis pas certaine que ces propositions, difficilement applicables, améliorent le texte, mais ce n'est pas une raison pour différer cette réforme.

L'institution d'un Médiateur répond à un besoin pour faire de nos enfants des hommes et des femmes qui, demain, prendront toute leur place dans notre société. C'est pourquoi le groupe RPR votera cette proposition aussi consensuelle qu'opportune (Applaudissements sur tous les bancs).

M. Laurent Fabius - Très bien !

M. Bernard Birsinger - Lorsque fut créée la journée nationale des droits de l'enfant, nous nous interrogions sur la place qu'elle prendrait dans la vie nationale. De fait, elle consacre chaque année l'action de tous les défenseurs des droits de l'enfant. Prendra-t-elle la dimension universelle du 1er mai pour les travailleurs ou du 8 mars pour les femmes ? La convention universelle des droits de l'enfant, qui engage 180 pays signataires, affirme la personnalité de l'enfant.

Les enjeux sont importants pour l'humanité car les chiffres sont terribles : en une décennie, les guerres ont tué 2 millions d'enfants, en ont blessé ou mutilé 8 millions, en ont traumatisé 15 millions à vie ; 140 millions d'enfants dont les deux tiers de filles, ne sont pas scolarisés ; 150 millions de mineurs constituent une main-d'_uvre corvéable à merci.

La responsabilité des pays développés est engagée, en particulier celle de la France, où le Parlement mondial des enfants a proclamé qu'il faut s'efforcer de parvenir à la paix par tous moyens.

Il reste à accomplir un travail colossal. Certes, la situation est meilleure dans notre pays que dans la plupart des autres pays du monde. Les droits des enfants à la santé, au logement, aux loisirs, à l'éducation, y sont cependant remis en cause par le chômage, la pauvreté et la misère. Les maltraitances et les suicides, les inégalités sont autant de questions préoccupantes.

En ce qui concerne la santé à l'école, Madame la ministre, vous avez certes créé des postes, mais nous sommes encore loin du compte. En 1997, la proposition de loi adoptée par le Parlement des enfants, qui réclamait une infirmière par groupe scolaire, fut jugée irrecevable. Mais les enfants ont récidivé en 1999, réclamant une visite médicale régulière pour dépister les maltraitances.

La conquête des droits de l'enfant est loin d'être achevée. La France, qui fut un des premiers pays à ratifier la convention et le premier à avoir institué une journée nationale des droits de l'enfant, doit jouer un rôle moteur.

A cet égard, je me félicite des mesures législatives qui sont intervenues dans certains domaines, en particulier sur la reconnaissance de l'enfant comme «sujet de droit», même si la position de la Cour de cassation sur l'irrecevabilité de la convocation devant les tribunaux ternit la position de notre pays.

D'autres dispositions devraient intervenir à l'occasion de la réforme du droit de la famille afin de mieux garantir les intérêts des enfants.

Aujourd'hui, il nous est proposé d'inscrire dans notre droit la reconnaissance de l'enfant comme un individu à part entière. La création d'un Médiateur des enfants en fait des citoyens autorisés à revendiquer l'application de leurs droits. Selon un sondage de l'UNICEF, 91 % des personnes interrogées sont favorables à l'institution d'un Médiateur des enfants dans notre pays.

Ne décevons ni les enfants ni les citoyens, ni les associations, ni les professionnels de l'enfance. Il s'agit bien de créer une institution particulière chargée de promouvoir et de défendre les droits de l'enfant et qui ne saurait en aucun cas être mise sous tutelle du Médiateur de la République.

Une telle proposition semblait recueillir un consensus, le rapport de la commission d'enquête sur l'état des droits de l'enfant en France qui l'avait préconisée ayant été voté à l'unanimité des groupes de notre assemblée. Mais, dès qu'il s'est agi de légiférer, deux conceptions se sont affrontées. D'un côté, celle qui considère que les droits de l'enfant ne sont qu'un aspect des droits de l'homme et ne doivent pas faire l'objet d'un traitement particulier ; de l'autre, ceux qui pensent que l'enfant doit être considéré comme un individu à part entière dont la spécificité ne réside pas seulement dans le fait qu'il doit être protégé : la convention lui reconnaît la liberté d'expression, de pensée, de conscience et de religion, la liberté d'association et de réunion pacifique ainsi que la capacité d'agir pour faire respecter ses droits.

Il est important de revenir à l'esprit initial de la proposition.

A l'article 1, notre groupe avait déposé en première lecture deux amendements tendant à élargir le droit de saisine aux réclamations collectives ainsi qu'aux associations de défense des droits de l'enfant. Ils n'avaient pas été retenus mais j'espère qu'ils les seront aujourd'hui, Madame la ministre, puisque vous vous y êtes déclarée favorable.

D'autre part, le premier alinéa de l'article 3 nous inquiète, en ce qu'il donne la prééminence au Médiateur de la République en matière de droit public. Mais les pouvoirs du Médiateur des enfants sont accrus : il pourra se comporter en avocat auprès du Médiateur de la République. Cela dit, nous ignorons le contenu de la convention qui définira les relations entre ces deux institutions.

Le texte initial de la proposition, dans ses articles 5 et 6, affirmait plus nettement l'indépendance du Médiateur des enfants. Nous nous félicitons que la commission ait adopté un sous-amendement de M. Gouzes maintenant l'appellation de Médiateur.

Nous nous félicitons aussi que l'article 3 permette désormais à ce Médiateur de proposer des mesures législatives ou réglementaires propres à corriger des situations inéquitables pour les enfants et nous souscrivons à la proposition du groupe socialiste d'aller plus loin en l'autorisant à suggérer des mesures nouvelles.

Enfin, nous nous interrogeons sur les moyens, financiers notamment, dont disposera le Médiateur des enfants.

Le groupe communiste souhaite voir très vite ce texte aboutir et le Médiateur commencer son travail (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste et du groupe socialiste).

Mme Bernadette Isaac-Sibille - L'enfance en difficulté est le premier problème de notre société, et un problème mondial. S'il importe de parler des droits de l'enfant, il faut aussi rappeler les devoirs des adultes envers lui, devoirs encore accrus quand il est en difficulté. C'est pourquoi, comme notre rapporteur, j'aime beaucoup la formulation du président Fabius : «le Défenseur des enfants». Contrairement à celle d'autres pays, notre législation a tout prévu, puisque l'enfant mineur est titulaire de droits. N'oublions pas toutefois l'article 371-2 du code civil : «L'autorité appartient au père et à la mère pour protéger l'enfant dans sa sécurité, sa santé et sa moralité. A cet égard ceux-ci ont droit et devoir de garde, de surveillance et d'éducation». Même après le divorce ou la séparation, ils continuent à exercer en commun l'autorité parentale. S'ils sont dans l'incapacité de le faire, une décision de justice confie l'enfant au conseil général ou à un tuteur, selon des règles qu'a fixées la loi de décentralisation.

Dans la présente proposition, il est impératif de préciser que le Médiateur ou Défenseur des enfants ne doit traiter que de leurs difficultés avec les administrations et institutions publiques : les difficultés d'ordre privé ou familial sont évaluées et prises en charge par les services du conseil général, qui demandent à son président, s'il y a lieu, d'intervenir auprès de la justice ; c'est alors le juge qui décide un placement ou une AEMO, financés par le conseil. Comment le Médiateur pourra-t-il travailler, si l'on considère la difficulté de l'enquête sur les cas d'enfants maltraités ou mal soignés ? Les services des conseils généraux font ce travail, qui est considérable, mais le texte n'en dit rien. Selon lui le Médiateur, depuis Paris, signalera au juge des enfants de l'endroit concerné -qui peut être à mille kilomètres- un cas qui, s'il est difficile, aura depuis longtemps été signalé au juge par le président du conseil général... Quel est l'intérêt de ce circuit, ou plutôt de ce court-circuit ? Dans les cas difficiles, heureusement, le lien parents-enfants doit être maintenu par les services du conseil général. Or la proposition ne cite pas une seule fois le mot «parents» et ne dit rien de ce lien, que le Médiateur devrait toujours maintenir -ce que, bien sûr, il ne pourra pas faire, puisqu'il sera à Paris et qu'on a supprimé ses représentants locaux ! La législation française a bien fait les choses : commençons par l'appliquer correctement.

Comme l'a dit le président Fabius dans Le monde du 7 novembre, il faut que les choses soient simples, le défenseur des enfants serait mieux placé auprès du Médiateur de la République, pour témoigner du sérieux de la fonction. Et il faudrait un défenseur auprès de chaque médiateur départemental ; il travaillerait à partir des plaintes des enfants, avec tous ceux qui s'en occupent déjà, assistantes sociales, éducateurs de rue, associations familiales... Mais il ne doit pas saisir la justice, ce qui incombe au président du conseil général. Une telle coordination de tous les acteurs qui entourent l'enfant permettrait une approche globale. Si le problème est très grave, le défenseur local en saisira le Médiateur de la République, qui -contrairement au Défenseur des enfants- a les compétences et le personnel nécessaires. On créerait ainsi, non une strate administrative de plus, mais un espace d'écoute et d'échange qui aidera l'enfant à devenir confiant et responsable envers la société.

Le président Fabius l'a dit avec raison : «une civilisation se juge au sort qu'elle réserve aux enfants». C'est dans cet esprit que le groupe UDF défendra plusieurs amendements (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF, du groupe du RPR et du groupe DL).

M. Jean-Paul Bret - L'enfant est une personne : tel est le principe qu'a établi le 20 novembre 1989, à New York, l'assemblée générale des Nations unies en ratifiant la convention internationale des droits de l'enfant. Celle-ci opère une révolution copernicienne dans le regard sur l'enfant : il n'est plus objet de droit, mais sujet de droit, et peut donc prétendre à des droits civils, sociaux et culturels.

La construction d'un édifice juridique autour de l'enfant s'est avérée complexe et lente. Aujourd'hui encore, notre pays, signataire de la convention, n'en applique pas toutes les recommandations. En 1998, le président Laurent Fabius a présidé une commission d'enquête parlementaire sur l'état des droits de l'enfant dans notre pays, dont j'étais le rapporteur. Elle a avancé quelque quarante propositions, dont l'instauration d'un Médiateur des enfants. Six mois plus tard, le 19 novembre 1998, notre assemblée a voté cette instauration ; le texte nous revient aujourd'hui en seconde lecture.

Longtemps, conformément à l'étymologie, on a entendu par enfant celui qui ne parlait pas et qui, en raison de cette absence de parole, devait être protégé. Si l'actuelle évolution juridique ne limite aucunement cette protection, elle _uvre pour la reconnaissance de sa parole chaque fois qu'il est concerné : parole en cas de divorce des parents, parole des enfants nés hors mariage, parole lors d'une décision de justice. Grâce à plusieurs dispositifs nouveaux sur l'égalité des filiations, l'autorité parentale, la suppression des inégalités successorales entre enfants légitimes et enfants adultérins, l'affirmation du droit à la connaissance de ses origines par l'aménagement ou la suppression de l'accouchement sous X, le projet de loi sur le droit de la famille que prépare actuellement Elisabeth Guigou entérine ce nouveau statut de l'enfant comme personne pleine et entière.

Plus encore qu'un statut, c'est une nouvelle forme de citoyenneté qu'acquiert aujourd'hui l'enfant. Pour relayer la parole de l'enfant citoyen, il existe déjà des conseils municipaux d'enfants et un Parlement des enfants. Cet automne à Paris, l'Assemblée nationale et l'Unesco ont réuni un Parlement mondial des enfants, où des adolescents de tous les pays ont témoigné de leurs visions du monde et de leurs aspirations pour le XXIème siècle. Ils ont élaboré un manifeste qui sera transmis aux chefs d'Etat de la planète. Ce document, unique dans l'histoire des hommes, illustre l'avancée extraordinaire que nous avons accomplie : à travers ces pratiques citoyennes, l'enfant aborde sa vie d'adulte avec le regard d'un individu éclairé et responsable. Ce sera là une des gloires de ce XXème siècle, même si tous les enfants n'ont pas encore les mêmes droits.

L'instauration d'un Médiateur des enfants dans notre pays est une étape supplémentaire à franchir. Si le Sénat l'a acceptée, il en a considérablement amoindri la portée en plaçant ce médiateur sous la tutelle et la dépendance du Médiateur de la République, ce qui dénature l'intention des auteurs de la proposition, dont je suis. Le Médiateur des enfants doit être une entité à part, doté d'une autonomie institutionnelle, pour qu'il soit visible et reconnu. Il faut donc sur ce point revenir sur le travail du Sénat pour retrouver l'intention d'origine. La médiation n'est pas le pré carré du Médiateur de la République, quelle que soit la pertinence de son action. Il existe déjà de nombreux médiateurs, et il y en aura sans doute d'autres.

Je regrette également que dans le souci d'apaiser le Médiateur de la République, qui s'est beaucoup dépensé pour mettre sous sa tutelle ce nouveau médiateur, on remplace le terme de Médiateur des enfants par celui de Défenseur des enfants, ce qui nous reconduit aux entraves de l'étymologie. L'enfant n'est pas seulement un être à protéger, mais une personne avec des droits. La notion de médiateur répond à cette idée, alors que celle de défenseur implique protection et vulnérabilité et confère implicitement à la nouvelle institution une mission d'avocat. Or il s'agit bien d'instituer une médiation à ce jour inexistante et non une défense, pour laquelle la justice apporte déjà des réponses.

Mais, soit ! Revenons à l'essentiel : la création d'une structure de médiation destinée à promouvoir les droits de l'enfant, et dont il faut ouvrir le plus largement possible le champ d'intervention. Nous entérinons ainsi la révolution opérée il y a dix ans avec la convention internationale sur les droits de l'enfant. D'autres pays comme la Norvège, la Suède, la Wallonie sont allés plus vite que nous ; leur expérience nous a servi.

Aujourd'hui nous franchissons une étape importante pour le droit, pour les enfants, pour les citoyens. Nous consacrons un nouveau droit plein et entier qui vaudra désormais pour tout citoyen : le droit d'être un enfant pour devenir adulte (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

M. Dominique Bussereau - Les deux propositions de loi que nous examinons tendent à instituer un Médiateur des enfants et à prévoir son inéligibilité. Elles sont issues des conclusions adoptées en mai 1998, sur le rapport de M. Jean-Paul Bret, par la commission d'enquête sur l'état des droits de l'enfant en France, que présidait M. Fabius. Cette initiative est louable, car elle s'inscrit dans un mouvement plus vaste de reconnaissance des droits de l'enfant. En particulier, la recommandation du Conseil de l'Europe adoptée en 1990 invite les Etats membres à envisager de nommer un médiateur spécial pour les enfants, «qui pourrait les conseiller, intervenir et, éventuellement ester en justice des poursuites en leur nom».

Ainsi, la création d'un médiateur des enfants, ou en tout cas d'un interlocuteur privilégié pour les enfants, est une demande forte de la société. Néanmoins, s'il est opportun de s'assurer qu'une autorité indépendante veille au respect des droits des enfants, il n'est sans doute pas nécessaire pour cela de créer une nouvelle institution. D'ailleurs, les dispositions proposées sont calquées sur celles qui concernent le Médiateur de la République : tout comme lui, le Médiateur des enfants sera une autorité indépendante, il sera nommé par décret en conseil des ministres, il ne pourra pas exercer ses fonctions conjointement avec certains mandats électifs, il sera compétent pour recevoir les réclamations individuelles concernant le fonctionnement des administrations, il recommandera à l'organisme mis en cause toute solution de nature à régler en droit ou en équité la situation du mineur concerné, il devra faire un rapport annuel au Président de la République et au Parlement. La seule différence qui n'est pas anodine réside dans la possibilité qui sera offerte au Médiateur des enfants de s'autosaisir de toutes les questions touchant aux droits de l'enfant.

La loi du 3 janvier 1973 n'interdit pas au Médiateur de la République de connaître des difficultés que peuvent rencontrer les enfants dans leurs relations avec les administrations. C'est ainsi, par exemple, qu'il a suggéré en juillet 1998 un aménagement du dispositif organisant le partage amiable d'une succession, lorsqu'un des copartageants est un mineur. A l'évidence donc, les deux médiateurs risquent de se faire concurrence, d'autant plus que leurs relations ne sont pas clairement définies. Le rapporteur de la commission des lois s'était d'ailleurs demandé en première lecture s'il n'aurait pas été plus simple d'élargir les compétences du Médiateur de la République ; l'Assemblée nationale a rejeté cette solution, considérant que la mise en place d'une institution nouvelle s'inscrivait mieux dans la dynamique créée par la convention de New York.

Personne ne contestera qu'on ne doit pas en rester aux déclarations d'intentions en matière de droits de l'enfant. Cependant, il ne faudrait pas risquer de porter préjudice aux intérêts mêmes des enfants en rendant plus difficile le choix de l'autorité compétente. La création d'un Médiateur des enfants risque d'ailleurs d'ouvrir la voie à une multiplication de médiateurs spécifiques, qui poserait plus de problèmes qu'elle n'en résoudrait.

J'aurais donc préféré, pour ma part, une extension des droits du Médiateur de la République, qui est en général une personnalité politique de premier plan, qui dispose d'une administration expérimentée et qui a acquis une autorité incontestable.

La création d'une nouvelle autorité indépendante me paraît d'autant moins synonyme de simplicité que la notion de «droits de l'enfant» n'a aucun contenu juridique précis ; j'en veux pour preuve la non-applicabilité directe de l'ensemble des dispositions de la convention de New York. En outre, qu'en est-il de l'articulation avec l'autorité parentale ? Le père de famille que je suis se demande si un enfant pourra saisir le médiateur à l'insu de ses parents. J'aurais souhaité que les parents soient mieux associés à cette démarche.

Mme Bernadette Isaac-Sibille - Très bien !

M. Dominique Bussereau - Il reste qu'on ne peut qu'être favorable au développement de la médiation et qu'à une époque où les liens sociaux ont tendance à se distendre, les enfants ont besoin d'écoute et de compréhension. C'est pourquoi, même si la création d'un Médiateur des enfants n'est peut-être pas la solution la plus appropriée, le groupe Démocratie libérale, la cause étant noble, votera cette proposition de loi.

La discussion générale est close.

Mme la Présidente - En application de l'article 91, alinéa 9, du Règlement, j'appelle maintenant, dans le texte du Sénat, les articles de la proposition de loi sur lesquels les deux assemblées du Parlement n'ont pu parvenir à un texte identique.

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ARTICLE PREMIER

Mme la Rapporteuse - L'amendement 2 de la commission rétablit le caractère d'autorité indépendante de la nouvelle institution et il étend le champ de compétence de celle-ci à la sphère privée.

Mon sous-amendement 20 tend à substituer au mot «médiateur» le mot «défenseur». Un défenseur des enfants, en effet, n'a pas seulement un rôle de médiateur. Fait-il de la médiation lorsqu'il assure la promotion des droits de l'enfant, lorsqu'il organise des actions d'information sur ces droits, lorsqu'il suggère de transposer en droit interne des dispositions de la convention de New York ?

En outre, il est souhaitable d'adopter une dénomination qui soit parlante pour les enfants. Enfin, il faut éviter de créer la confusion avec d'autres instances de médiation, non seulement le Médiateur de la République mais aussi le Médiateur de l'éducation nationale.

Mme Bernadette Isaac-Sibille - Très bien !

M. Bernard Birsinger - Notre sous-amendement 15 tend à introduire la possibilité de réclamations collectives.

Mme la Rapporteuse - Défavorable, car il ne faut pas entrer dans une logique de pétition.

M. Bernard Birsinger - Notre sous-amendement 16 a pour objet d'ouvrir la saisine aux associations reconnues d'utilisé publique qui défendent les droits des enfants.

Mme la Rapporteuse - La commission est favorable à cet excellent amendement.

M. Bernard Birsinger - Notre sous-amendement 17 tend à donner la possibilité au Médiateur des enfants de s'autosaisir.

Mme la Rapporteuse - Défavorable, car la faculté d'autosaisine est déjà inscrite à l'article 3.

Mme la Ministre déléguée - Le Gouvernement est favorable à l'amendement 2. Il s'en remet à la sagesse de l'Assemblée sur le sous-amendement 20, en soulignant que le rôle du «défenseur» ne doit pas être confondu avec celui de l'avocat et que la nouvelle institution doit conserver un rôle de médiation, c'est-à-dire de conciliation.

Avis favorable aux sous-amendements 15, 16 et 17.

M. Bernard Birsinger - Le groupe communiste s'abstient sur le sous-amendement 20.

Le sous-amendement 20, mis aux voix, est adopté.

Le sous-amendement 15, mis aux voix, n'est pas adopté.

Le sous-amendement 16, mis aux voix, est adopté.

Le sous-amendement 17, mis aux voix, n'est pas adopté.

L'amendement 2 ainsi sous-amendé, mis aux voix, est adopté. L'article premier est ainsi rédigé.

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ART. 2

Mme la Rapporteuse - Le Sénat a soumis la nomination du Médiateur des enfants à l'avis du Médiateur de la République. L'amendement 3 rétablit les dispositions adoptées par l'Assemblée en première lecture. Le sous-amendement 21 est de coordination : Défenseur au lieu de Médiateur.

Mme la Ministre déléguée - Favorable à l'amendement, sagesse sur le sous-amendement.

Le sous-amendement 21, mis aux voix, est adopté.

L'amendement 3 ainsi sous-amendé, mis aux voix, est adopté. L'article 2 est ainsi rédigé.

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ART. 3

Mme la Rapporteuse - L'amendement 4 définit les prérogatives de la nouvelle autorité indépendante. Dès lors qu'une réclamation concerne une institution exerçant une mission de service public, le Médiateur des enfants devra, si elle présente un caractère sérieux, collaborer avec le Médiateur de la République dans des conditions prévues par voie conventionnelle. Si elle concerne une personne de droit privé, il est directement compétent pour examiner les réclamations.

Par ailleurs, la nouvelle autorité dispose d'un pouvoir de recommandation et de proposition. Elle peut s'autosaisir et suggérer des modifications de droit, notamment la transposition en droit interne des stipulations d'engagement internationaux.

M. Bernard Birsinger - Pour les problèmes sérieux, le Médiateur des enfants transmettra au Médiateur de la République. N'ayant pas de possibilité propre d'investigation, il s'adressera au réseau de correspondants départementaux de ce Médiateur. Nous voulons affirmer plus fortement sa position et notre sous-amendement 18 rétablit la formulation précédente.

Mme la Rapporteuse - La commission y est défavorable. Mieux vaut laisser ces deux autorités indépendantes organiser leur collaboration par voie conventionnelle.

Le sous-amendement 22 est de coordination.

M. Bernard Birsinger - Notre sous-amendement 19 rétablit le texte de première lecture qui prévoyait que «le Médiateur des enfants transmet au Médiateur de la République les réclamations relevant de la compétence de ce dernier.

Il informe le Médiateur de la République, tous les trimestres, des dysfonctionnements des organismes visés à l'article premier dont il a eu connaissance».

Mme la Rapporteuse - La commission y est défavorable.

Mme la Ministre déléguée - Le Gouvernement a défendu, au Sénat, le nom de Médiateur et son autonomie. Sur l'amendement 4 et les sous-amendements, sagesse.

Le sous-amendement 18, mis aux voix, n'est pas adopté.

Le sous-amendement 22, mis aux voix, est adopté.

Le sous-amendement 19, mis aux voix, n'est pas adopté.

L'amendement 4 sous-amendé, mis aux voix, est adopté. L'article 3 est ainsi rédigé.

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ART. 3 BIS

Mme Bernadette Isaac-Sibille - Mon amendement 12 est de suppression. Avec la décentralisation, c'est au président du conseil général qu'on signale les enfants en difficulté, et il a mission de saisir la justice. Comment fera un seul Médiateur des enfants, de Paris, sans moyens ? Déjà, le juge des enfants, le juge des tutelles, le juge des affaires familiales ne travaillent pas toujours ensemble. Si une quatrième instance saisit la justice, pauvres enfants !

Mme la Rapporteuse - A titre personnel je suis défavorable. Pourquoi supprimer le pouvoir de saisine d'une autorité indépendante ? Si le Défenseur repère un enfant en difficulté, il est de son devoir de saisir le juge. Mieux vaut le saisir deux fois que pas du tout. J'imagine que sur de tels dossiers il prendra contact avec le président du conseil général.

Mme la Ministre déléguée - Défavorable. Cet article rappelle les attributions de la nouvelle instance. Si les conseils généraux avaient été si efficaces, nous n'aurions pas tous ces problèmes de maltraitance. Plus il y aura d'adultes pour signaler les cas, mieux les enfants seront protégés.

L'amendement 12, mis aux voix, n'est pas adopté.

Mme la Rapporteuse - L'amendement 5 rétablit les dispositions relatives à la saisine de l'autorité judiciaire par le Médiateur, précédemment intégrées par le Sénat dans la loi instituant un Médiateur de la République.

Le sous-amendement 23 est de coordination.

Le sous-amendement 23, mis aux voix, est adopté.

L'amendement 5 ainsi sous-amendé, mis aux voix, est adopté.

L'article 3 bis est ainsi rédigé

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ART. 4

Mme la Rapporteuse - L'amendement 6 rectifié tend à rétablir les dispositions votées en première lecture en ajoutant une condition de transparence : le rapport annuel du Médiateur des enfants devra être publié.

Le sous-amendement 24 est de coordination.

Mme la Ministre déléguée - Avis favorable à l'amendement 6 rectifié. Sagesse pour le sous-amendement 24.

Le sous-amendement 24, mis aux voix, est adopté.

L'amendement 6 rectifié, ainsi sous-amendé, mis aux voix, est adopté et l'article 4 est ainsi rédigé.

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ART. 4 BIS

Mme la Rapporteuse - L'amendement 7 tend à supprimer des dispositions inutiles du fait de la rédaction proposée pour l'article 4.

L'amendement 7 accepté par le Gouvernement, mis aux voix, est adopté et l'article 4 bis supprimé.

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APRÈS L'ART. 4 BIS

Mme Bernadette Isaac-Sibille - L'amendement 14 tend à insérer un article ainsi rédigé : «Le Défenseur des enfants peut proposer de modifier toute disposition législative ou réglementaire relative aux droits de l'enfant et susceptible d'engendrer des situations inéquitables». L'expérience du Défenseur des enfants nous sera précieuse lorsque nous légiférerons... surtout après que des codes auront été adoptés par voie d'ordonnance.

Mme la Rapporteuse - La commission n'a pas examiné cet amendement, déjà satisfait par l'article 3. Avis défavorable donc.

Mme la Ministre déléguée - Cet amendement est en effet satisfait. Je m'en remets toutefois à la sagesse de l'Assemblée.

L'amendement 14, mis aux voix, n'est pas adopté.

Mme Bernadette Isaac-Sibille - L'amendement 13 tend à adjoindre au Défenseur des enfants des délégués départementaux. Il y va de l'efficacité de son travail.

Mme la Rapporteuse - A titre personnel, je dirai que cette disposition est prématurée, sans compter que le coût de la mesure ne serait pas négligeable. Dans un premier temps, mettons en place le Défenseur des enfants et donnons-lui les moyens nécessaires pour bien fonctionner.

Mme la Ministre déléguée - Le Gouvernement est défavorable à cet amendement car le Médiateur des enfants doit pouvoir décider lui-même de l'organisation de son travail. Ne lui imposons pas une structure dès le départ.

M. Dominique Bussereau - Je comprends mal ces réticences. Les correspondants départementaux du Médiateur de la République jouent un rôle essentiel. Ils conseillent les citoyens et adressent aux élus les requêtes susceptibles d'être transmises au Médiateur. Des correspondants départementaux du Médiateur des enfants seraient tout aussi indispensables. Pour que la création de cette nouvelle institution ne se réduise pas à un effet d'annonce, donnons au Médiateur des enfants les moyens de fonctionner efficacement.

Mme Bernadette Isaac-Sibille - Très bien !

L'amendement 13, mis aux voix, n'est pas adopté.

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ART. 8

Mme la Rapporteuse - L'amendement 8 tend à rétablir le texte voté en première lecture. L'article 8 réaffirme le principe de la séparation des pouvoirs de l'autorité administrative et de l'autorité judiciaire.

Le sous-amendement 25 est de coordination.

Mme la Ministre déléguée - Avis favorable à l'amendement 8. Sagesse pour le sous-amendement 25.

Le sous-amendement 25, mis aux voix, est adopté.

L'amendement 8, ainsi sous-amendé, mis aux voix, est adopté et l'article 8 est ainsi rédigé.

Mme la Présidente - Les articles 9, 10 et 11 ont été adoptés dans les mêmes termes par les deux assemblées mais, conformément à l'article 108, alinéa 5, je les appelle car ils font l'objet d'amendements de coordination.

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ART. 9

Mme la Rapporteuse - L'amendement 26 est de coordination.

Mme la Ministre déléguée - Sagesse.

L'amendement 26, mis aux voix, est adopté.

L'article 9 ainsi modifié, mis aux voix, est adopté.

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ART. 10

Mme la Rapporteuse - L'amendement 27 est de coordination.

Mme la Ministre déléguée - Sagesse.

L'amendement 27 mis aux voix, est adopté.

L'article 10 ainsi modifié, mis aux voix, est adopté.

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ART. 11

Mme la Rapporteuse - L'amendement 28 est de coordination.

Mme la Ministre déléguée - Sagesse.

L'amendement 28, accepté par le Gouvernement, mis aux voix, est adopté.

L'article 11 modifié, mis aux voix, est adopté.

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ART. 12

Mme la Rapporteuse - L'amendement 9 tend à simplifier la rédaction des dispositions relatives à l'indépendance de la nouvelle autorité et à l'articulation de ses prérogatives avec celles de l'autorité judiciaire.

Le sous-amendement 29, toujours la coordination.

Mme la Ministre déléguée - Avis favorable à l'amendement 9. Sagesse pour le sous-amendement 29.

Le sous-amendement 29, mis aux voix, est adopté.

L'amendement 9 ainsi sous-amendé, mis aux voix, est adopté, et l'article 12 ainsi rédigé.

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APRÈS L'ART. 12

Mme la Rapporteuse - L'amendement 10 rectifié tend à simplifier la rédaction des dispositions pénales applicables en cas d'usurpation du titre de la nouvelle autorité.

Le sous-amendement 31 est de coordination.

Mme la Ministre déléguée - Avis favorable à l'amendement et sagesse pour le sous-amendement.

Le sous-amendement 31, mis aux voix, est adopté.

L'amendement 10 rectifié ainsi sous-amendé, mis aux voix, est adopté.

Mme la Ministre déléguée - Il faut fixer dès maintenant les modalités de financement du Médiateur des enfants. Aux termes de l'article 40 de la Constitution, il appartient au Gouvernement de prévoir les moyens financiers lui permettant d'accomplir sa mission. Les crédits nécessaires seront inscrits au budget du Premier ministre, les dispositions de la loi du 10 août 1992 relatives au contrôle financier n'étant pas applicables à leur gestion et le Médiateur des enfants soumettant ses comptes au contrôle de la Cour des comptes. Tel est l'objet de l'amendement 1 du Gouvernement (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe communiste).

Mme la Rapporteuse - Sous-amendement 30 de coordination...

Mme la Ministre déléguée - Sagesse...

Le sous-amendement 30, mis aux voix, est adopté.

L'amendement 1 ainsi sous-amendé, mis aux voix, est adopté.

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TITRE

Mme la Rapporteuse - L'amendement 32 est de coordination. Le débat sur le titre a déjà eu lieu à l'article premier.

Mme la Ministre déléguée - Sagesse.

L'amendement 32, mis aux voix, est adopté.

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EXPLICATIONS DE VOTE

M. Jean-Paul Bret - Le groupe socialiste votera ce texte. Nous sommes à l'origine de la proposition de loi, la navette parlementaire a permis de l'améliorer, et je suis satisfait du dernier amendement proposé par Mme Royal, qui garantit une application rapide de ce texte (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe communiste).

Mme Bernadette Isaac-Sibille - L'UDF étant depuis ses origines le parti de la famille et de l'enfant (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste) sur le principe nous ne pouvons qu'être d'accord avec ce texte et nous le voterons, même si les dispositions relatives à la saisine de la justice nous inspirent de grandes inquiétudes.

M. Bernard Birsinger - Le groupe communiste va voter pour la création de ce Médiateur-Défenseur des enfants. Je suis heureux que la commission d'enquête trouve là un aboutissement concret. J'aurais certes souhaité que nous allions plus vite, mais il y a eu un blocage du Sénat. En tout cas, je me félicite du résultat. Nous souhaitons maintenant que le Médiateur soit désigné le plus rapidement possible et se mette à l'_uvre (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste et du groupe socialiste).

Mme Martine Aurillac - Nous voterons ce texte, en regrettant simplement que le rôle des conseils généraux n'y soit pas tout à fait conforme à l'esprit de la décentralisation («Très bien !» sur les bancs du groupe du RPR)

M. Dominique Bussereau - Le groupe DL votera également ce texte, même si je regrette que le Gouvernement en privilégie l'aspect médiatique et ait refusé la création de délégués départementaux, qui en aurait facilité l'application effective (Applaudissements sur les bancs du groupe DL, du groupe du RPR et du groupe UDF).

L'ensemble de la proposition de loi, mis aux voix, est adopté à l'unanimité. (Applaudissements)

La séance, suspendue à 11 heures 25 est reprise à 11 heures 35.

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FINANCEMENT DE LA SÉCURITÉ SOCIALE POUR 2000 -nouvelle lecture- (suite)

L'ordre du jour appelle la suite de la discussion, en nouvelle lecture, du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2000.

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ART. 3

M. Jean-Luc Préel - A ceux qui auraient des doutes, je rappelle que nous discutons bien de la loi de financement de la sécurité sociale, qui concerne, en principe, la santé, la famille et les retraites. Car cet article crée une taxe sur les bénéfices des entreprises dont on peut se demander ce qu'elle vient faire dans ce texte.

Cette taxe devrait rapporter 4,3 milliards en 2000 et 12,5 milliards à terme, ce qui n'est pas rien. Elle est destinée à financer partiellement les 35 heures. S'y ajoute une taxe sur les heures supplémentaires, dont le produit est évalué à 7 milliards et qui pénalisera les entreprises dont les carnets de commande sont saturés, mais que leur petite taille empêche de s'adapter aux 35 heures.

Le Gouvernement dit avoir compris que, pour encourager la création d'entreprises, il faut réduire le coût du travail et abaisser les charges. Cette conversion est récente puisque, dès sont arrivée au pouvoir, il a ramené à 1,3 fois le SMIC la baisse des charges qu'Alain Juppé avait accordée jusqu'à 1,33 fois le SMIC sans créer d'impôts supplémentaires.

Aujourd'hui, vous étendez cette exonération jusqu'à 1,8 fois le SMIC mais à enveloppe constante. Autrement dit, ce sont les entreprises qui la paieront. Vous procédez ainsi non à une baisse mais à une redistribution des charges.

Et que dire de la TGAP qui nuira à la compétitivité de nos entreprises et provoquera des délocalisations ?

M. Bernard Accoyer - Alors que nous devrions parler de la santé des Français et des moyens que nous voulons y consacrer, notre interlocuteur est le ministre de l'industrie ! Cela prouve bien que le Gouvernement a détourné la loi de 1996 . Son but est d'utiliser les fonds sociaux, destinés en principe à la famille, à la maladie et à la vieillesse, pour financer sa politique de l'emploi.

Les socialistes excellent dans l'art de créer de nouveaux impôts et de charger la barque des prélèvements au risque de provoquer des délocalisations d'entreprises et des transferts de production à l'étranger. La réduction du temps de travail, la contribution sur les bénéfices, la TGAP, la taxation des heures supplémentaires ne seront évidemment pas sans effet sur l'avenir économique et social de la nation. Peut-être la croissance permettra-t-elle de créer quand même des emplois, comme vous l'espérez. Il n'en reste pas moins que ces mesures affaibliront le dynamisme de notre économie.

Nous sommes particulièrement heureux que le Sénat ait modifié l'article 3 mais, bien entendu, la commission nous proposera de revenir au texte du Gouvernement, auquel nous sommes résolument opposés.

M. François Goulard - La discussion de la loi de financement revêt cette année un caractère très particulier : nous sommes conduits à parler des 35 heures, de l'environnement, de l'industrie, de la fiscalité des ménages et des entreprises... C'est le choix du Gouvernement. Ce n'est pas le choix de la clarté, et il réduit le temps que nous consacrons à ce qui devrait être l'objet de cette loi. Je crains que notre protection sociale n'en pâtisse.

Quant à cet article 3, en pérennisant la majoration d'un prélèvement sur les entreprises, il prolonge un prélèvement provisoire, qui aurait dû être supprimé. Et l'affectation de cette ressource au financement des 35 heures crée le risque d'un accroissement de ce prélèvement au fil des ans, de sorte que l'impôt sur les sociétés restera supérieur chez nous à ce qu'il est chez nos principaux partenaires.

Un autre inconvénient est la distorsion créée entre les entreprises qui font plus de 5 millions de résultat et de 50 millions de chiffre d'affaires et les autres. L'idée que les PME pourraient être moins taxées que les grandes entreprises n'est certes pas absurde, et est appliquée dans certains pays. Mais ses défenseurs l'entendent généralement dans le sens d'un impôt réduit pour les petites entreprises et non pas alourdi pour les grandes ! D'autant qu'à 5 millions de résultat et 50 millions de chiffre on n'a pas affaire à de très grandes entreprises, mais à des entreprises moyennes, celles-là même qui font défaut à notre tissu économique, comparé par exemple à celui de l'Allemagne.

A cela s'ajoute une distorsion plus grave, celle des allégements de charges sociales. Certaines entreprises verront le surcoût des 35 heures partiellement compensé par un allégement de charges, d'autres en seront écartées, et seront donc fragilisées dans la concurrence.

Mais, bien sûr, ce que nous contestons, au-delà de ces inconvénients, c'est ce grand mouvement financier de prélèvement sur les entreprises et les ménages pour reverser à certaines entreprises, pour plus de 100 milliards en année pleine. Il est au service d'une idée absurde, selon laquelle on pourrait gagner autant en travaillant moins. Nous la contestons, ainsi que toutes les mesures qui en découlent.

M. Christian Pierret, secrétaire d'Etat à l'industrie - Je souhaite répondre aux orateurs sur la question de la compétitivité de notre économie, et de l'impact sur celle-ci des articles 3 et 4, par rapport à la situation de nos partenaires européens.

Rappelons d'abord une évidence : l'ensemble du dispositif se construit sur la base d'un prélèvement constant. Vous évoquez des distorsions de concurrence. Il est vrai que le taux de l'impôt sur les sociétés en France, soit 40 %, est plus élevé que dans certains pays concurrents. En Allemagne il est de 42,20 % ou de 31,65 % selon que les bénéfices sont distribués ou réinvestis. En Autriche, il est de 34,25 % pour les PME. En Belgique, il est de 39 % et aux Etats-Unis de 35 %, avec des taux réduits progressifs dans certains États. Mais cette différence entre les taux n'efface pas le fait qu'en France, rapporté au PIB, l'IS n'en représente que 1,72 % en moyenne sur les quatre dernières années, contre 3,8 % en Italie et aux Pays-Bas, plus de 2 % en Espagne, 2,9 % en Suède, 3,4 % dans cette Grande-Bretagne qu'invoquent souvent les défenseurs du moins d'impôt...

M. Bernard Accoyer - Les charges sociales n'y sont pas les mêmes !

M. le Secrétaire d'Etat - Ils les financent autrement. Ce taux est, enfin, de 2,5  % aux Etats-Unis et, c'est vrai, de 0,8 % en Allemagne hors taxe professionnelle -mais celle-ci est assise notamment sur les résultats des entreprises. Nous sommes donc devant un paradoxe : à première vue, le taux de 40 % peut paraître assez élevé pour que l'article 3 n'en rajoute pas (Approbations sur les bancs du groupe DL et du groupe du RPR) ; mais dans la réalité économique l'impôt sur les sociétés n'est pas plus lourd en France que dans les autres pays d'Europe, au contraire (Protestations sur les mêmes bancs). Il y a d'ailleurs à cela des raisons techniques, concernant la détermination de la base imposable, la rentabilité de certains secteurs, mais cette analyse nous mènerait trop loin.

Revenons donc à l'article 3. J'ai montré que globalement il n'y a pas de distorsion de concurrence liée au rôle de l'IS dans notre pays. Il y en a si peu que les délocalisations que vous évoquiez, se font le plus souvent dans l'autre sens : les entreprises étrangères se localisent en France assez souvent pour que nous soyons le deuxième pays européen en matière d'implantation d'investissements étrangers. Malgré l'impôt sur les sociétés, les charges sociales et tous les prélèvements que vous dénoncez, le site français est donc parfaitement compétitif.

En outre, loin de charger la barque, la loi de finances pour 2000 va une nouvelle fois apporter aux entreprises des allégements considérables. Ce sont 10,4 milliards d'allégements sur la taxe professionnelle -excusez du peu- avec une nouvelle étape de la réduction de sa base salaires. C'est la suppression de la surtaxe de 10 % sur l'IS, soit 12,4 milliards. C'est le passage de cet impôt de 40 à 37,8 % en 2000. Quant à l'article 3, il ne concerne que 4 185 entreprises sur les centaines de milliers que compte notre pays. A ce format restreint de l'article, à notre politique constante de réduction de la charge fiscale des entreprises, j'ajouterai la neutralité de la TGAP, qui pèse sur les importations, exonère les exportations, et garantit ainsi le caractère dynamique de notre approche du problème. Je vous accorde que la vraie question est celle de la compétitivité globale ; je pense à cet égard avoir répondu point par point à votre argumentation, et démontré qu'elle n'établit aucune comparaison défavorable pour la France face aux autres pays européens (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

M. Alfred Recours, rapporteur de la commission des affaires sociales pour les recettes et l'équilibre général - Contrairement à certains collègues, je me réjouis, après vous avoir entendu, Monsieur le ministre, que ce soit vous qui représentiez le Gouvernement pour l'examen des articles 3 et 4. S'agissant des recettes, il fallait en effet que certaines choses soient dites. La commission des affaires sociales est plus habituée à discuter de santé, de retraites, etc. Mais dans ce débat, et je réponds sur ce point à M. Accoyer, il nous faut d'abord étudier les recettes. Dès la fin de l'article 4, nous aborderons la santé, la famille, les retraites ; mais, bien sûr, plus on passe de temps sur les recettes, plus on a l'impression dans un premier temps de ne pas discuter des thèmes que nous souhaitons aborder ensuite...

L'article 3 prévoit des recettes nouvelles, dont nous avons d'ailleurs largement débattu à l'article 2. Pour parler comme un ancien Président de la République, personne n'a le monopole de la création d'impôts. On a évoqué la taxe professionnelle : c'est M. Chirac qui a eu cette lumineuse idée il y a vingt-cinq ans. Et depuis lors les gouvernements successifs se sont demandé comment réduire l'impact de cet impôt, qu'on a pu qualifier d'imbécile. Le Gouvernement a fait un effort considérable : l'allégement de la taxe professionnelle est évalué à un peu plus de 10 milliards pour le budget 2000.

En outre, nous faisons disparaître des impôts obsolètes, à commencer par les taxes sur les cartes d'identité.

M. Bernard Accoyer - Et l'explosion de la CSG ?

M. Alfred Recours, rapporteur - Vous y avez contribué ! La différence, c'est que vous l'avez fait sans but (Rires sur les bancs du groupe DL et du groupe du RPR), tandis que notre objectif était d'opérer un basculement vers la CSG des cotisations d'assurance maladie, améliorant ainsi le pouvoir d'achat des salariés de 1,1 % -ce qui a contribué à la croissance, et donc à l'emploi (Exclamations sur les bancs du groupe DL et du groupe du RPR).

L'amendement 7 tend à rétablir les dispositions adoptées en première lecture relatives à la contribution sociale sur les bénéfices des sociétés. Il n'y a rien de scandaleux à demander aux entreprises les plus capitalistiques une contribution qui reste modérée... On peut parler de pérennisation pour 4 000 entreprises ; en revanche, les entreprises dépassant 50 millions de chiffre d'affaires mais dont le bénéfice est inférieur à 5 millions voient disparaître la contribution à laquelle elles étaient assujetties.

Je ne réinterviendrai pas sur les sous-amendements, à une exception près, car ils ont déjà été discutés en première lecture, et j'en proposerai à nouveau le rejet.

M. Jean-Luc Préel - Monsieur le secrétaire d'Etat, nous nous réjouissons d'avoir pu grâce à vous commencer à engager un dialogue avec le Gouvernement. Nous serions preneurs de vous garder cet après-midi et ce soir ! (Sourires).

Mon sous-amendement 144 tend à supprimer le I de l'article 235 ter ZC, c'est-à-dire à supprimer cet impôt nouveau destiné à financer partiellement les 35 heures. Il nous paraît en effet plus raisonnable de s'en tenir à la règle posée par la loi de 1994, à savoir la compensation, par un versement à l'ACOSS, des exonérations de charges décidées par l'Etat. Point n'est besoin de faire appel à un nouveau fonds.

M. le Secrétaire d'Etat - Le Gouvernement est naturellement hostile à ce sous-amendement. La décision d'instituer une nouvelle contribution a été prise pour permettre l'allégement des charges sociales des entreprises, cheval de bataille de l'opposition pour un montant qui s'élève à 25 milliards en 2000. Toutes les entreprises bénéficieront de cette réduction de charges.

MM. François Goulard et Bernard Accoyer - Mais non !

M. le Secrétaire d'Etat - En revanche, 4 185 entreprises seulement seront concernées par la contribution. Gardons bien à l'esprit l'importance des enjeux : il s'agit de soutenir une dynamique favorable à l'emploi.

M. François Goulard - On mesure ici tout l'inconvénient qu'il y a à aborder des questions fiscales à l'occasion de ce débat sur la sécurité sociale. C'est bien la fiscalité des entreprises dans son ensemble qui est en jeu.

Monsieur le ministre, nous pourrions vous répondre que si dans d'autres pays le rapport entre le produit de l'impôt sur les sociétés et le PIB est plus élevé que chez nous, c'est peut-être que les résultats des entreprises y sont plus élevés, ou encore que les investissements étrangers en France sont souvent des rachats de sociétés existantes, et non des installations nouvelles. Au-delà, vos propos sur l'allégement des charges des entreprises n'empêcheront pas le fait que la loi sur les 35 heures a renchéri de manière dramatique le coût du travail en France. C'est la raison de notre opposition déterminée à ce projet.

M. Bernard Accoyer - Ce sous-amendement 116 est de repli ; il tend à relever le seuil.

On voit bien que le ministre ne croit pas à sa démonstration. Il sait très bien que la réduction autoritaire du temps de travail est un mauvais coup porté à notre économie, mais il joue la comédie de la solidarité gouvernementale. Son ancien collègue, M. Dondoux, qui a été éconduit dans les conditions que l'on sait (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste), s'était exprimé dans la presse à ce sujet.

Vous prétendez que toutes les entreprises bénéficieront de la baisse des charges. C'est faux, vous ne connaissez pas le texte. Ou alors, c'est une avancée considérable, et nous y souscrivons. Car nous sommes pour une baisse des charges généralisée, alors que la logique de votre majorité déchirée (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste), c'est de prélever toujours plus. Et cette année, vous atteignez un record !

Au fond, vous savez bien que ce texte aura des conséquences néfastes pour notre industrie. Vous nous dites qu'il y aura 25 milliards de nouveaux allégements cette année, en plus de la ristourne Juppé. Mais vous dites aussi que la CSB s'appliquera à niveau de prélèvement constant. Comment croire un tel mensonge ? Et l'an prochain, où trouverez-vous les 45 milliards supplémentaires qui seront nécessaires ?

Toutes ces incohérences dans votre propos prouvent combien vous vous tenez à distance d'un texte que vous n'approuvez pas, car il nuit à l'industrie française.

M. le Secrétaire d'Etat - Avis défavorable. Je reviens sur les charges sociales, même si Mme Aubry vous a déjà exposé tout cela avec le talent que nous lui connaissons (Rires sur les bancs du groupe DL, du groupe UDF et du groupe du RPR). La réduction de charges de 21 000 F par emploi et par an pour un salarié au SMIC est supérieure à ce que coûtera l'aménagement du temps de travail. Vous le contestez. Mais l'Union des industries textiles qui parlait d'un coût de 6 000 F par emploi, il y a quelque temps, annonce maintenant 2 000 F par emploi au SMIC pour le passage aux 35 heures. Face à cela, la baisse de taxe professionnelle est évaluée à 2 000 ou 3 000 F par an et par emploi, grâce à l'exonération de la part salariale, à quoi s'ajouteront les gains de productivité résultant de l'aménagement-réduction du temps de travail. Même si celui-ci a un coût, il est donc largement couvert. Ce raisonnement vous gêne, pourtant le patronat l'accepte. Pour les industries de main-d'_uvre, la réduction des charges aura un effet dynamique sur l'emploi.

M. Jean-Luc Préel - Que nous apprécions votre cordialité et votre sens du dialogue ! Et nous ne manquerons pas de dire à Mme Aubry tout le bien que vous pensez d'elle... (Sourires) Je souhaite que vous mettiez autant de conviction à nous expliquer pourquoi il fallait créer un fonds avec conseil d'administration et conseil de surveillance afin de gérer des transferts de taxe et d'impôt finançant les 35 heures. Ce nouveau «machin» est inutile. Passer par l'ACOSS aurait été plus simple. C'est pourquoi notre sous-amendement 118 vise à atténuer l'impact de ces dispositions.

Ce que vous faites, ce n'est pas une baisse globale des charges, c'est un transfert à masse constante, contrairement au gouvernement Juppé, qui a procédé à une baisse réelle. Mais si les choses se passent comme vous le dites, l'an prochain il manquera 20 milliards pour financer les 35 heures. Où les trouverez-vous sans créer un impôt nouveau ?

M. le Secrétaire d'Etat - Défavorable. Je m'étonne de vote hostilité à la création de ce fonds, alors qu'il s'agit d'assurer la transparence, et la démocratie puisque des parlementaires siégeront au conseil de surveillance.

M. Jean-Luc Préel - L'ACOSS suffisait.

M. le Secrétaire d'Etat - C'est pourtant l'esprit qui a présidé à la création du FSV. Alors, vérité en 1994, erreur en 1999 ? Je ne comprends plus.

M. François Goulard - Toutes les entreprises bénéficieront de l'allégement des charges, selon vous. Vous omettez de dire qu'il s'agira de celles qui ont conclu un accord avec les organisations syndicales, accord dont le refus n'est pas forcément le fait de l'employeur.

Quant à votre plaidoyer sur l'allégement des charges, le compte n'y est pas. 100 à 110 milliards d'allégements en régime permanent, 10 milliards pour la taxe professionnelle, disons 120 milliards en tout. C'est sans proportion avec l'augmentation de 11,4 % du coût du salaire horaire sur l'ensemble de la masse salariale versée par les entreprises. Vous compensez en partie les charges et -en créant des distorsions de concurrence- vous ne les allégez pas.

M. Alfred Recours, rapporteur - Il n'est pire sourd que qui ne veut entendre. Hier, notre collègue Fousseret demandait un meilleur remboursement des prothèses auditives. Il est urgent de lui donner satisfaction pour que les membres de l'opposition puissent être appareillés.

M. Bernard Accoyer - C'est à peine remboursé !

M. Alfred Recours, rapporteur - Nous sommes donc d'accord. Nous y gagnerions du temps. Nous ayant entendus, ils ne répéteraient plus inlassablement la même chose jour et nuit.

Quant aux 105 à 110 milliards qui, effectivement, ne sont pas financés -mais il les faut pour 2001- nous verrons dans la loi de financement votée en 2000. De toute façon la somme qu'il faudra trouver alors représente environ le même montant que ce que nous avons mis sans difficulté dans le fonds de réserve des retraites cette année et 1 % de l'ensemble des dépenses de protection sociale. Nous y pourvoirons grâce à la croissance et à un certain nombre de recettes. A ce propos, je souligne l'humour du sous-amendement 117. La commission a proposé d'exonérer de la CSB les entreprises ayant un chiffre d'affaires inférieur à 50 millions ou des bénéfices inférieurs à 5 millions. MM. Debré, Rossi et Douste-Blazy nous proposent de passer de 50 millions à 5 milliards. Ils sont cent fois plus généreux que la commission. Mais tant qu'à faire dans l'excès, pourquoi pas 50 milliards ? Rejet.

M. le Secrétaire d'Etat - Même avis que le rapporteur sur le sous-amendement 117, pour les raisons qu'il a excellemment développées.

Le Gouvernement, favorable à l'amendement 7, souhaiterait toutefois qu'il soit sous-amendé. Son sous-amendement 148 tend à exiger la motivation systématique des sanctions fiscales prévues en cas de paiement tardif de la contribution sociale sur les bénéfices et à accorder un délai de trente jours au contrevenant pour formuler ses observations, orales ou écrites. Il répond à un souci de protection des droits des contribuables et de transparence qui devrait recueillir l'unanimité de l'Assemblée.

Traduisant dans le droit fiscal les dispositions du projet de loi relatif aux droits des citoyens dans leurs relations avec l'administration, voté mardi par l'Assemblée en deuxième lecture, cette règle générale figure dans le projet de loi de finances rectificative pour 1999 adopté hier en conseil des ministres. Le sous-amendement 148 vise donc à mettre immédiatement en conformité le projet de loi de financement de la sécurité sociale avec la règle qui sera prochainement adoptée. Je précise que les sanctions concernées sont celles énoncées au I de l'article 1668-D du code général des impôts.

M. Bernard Accoyer - Je suis, bien sûr, défavorable au rétablissement de l'article 3 qui crée un nouvel impôt. Mais je souhaiterais à ce stade du débat faire une remarque générale. Nous sommes en effet choqués de la tournure que prennent nos travaux. On nous parle de fiscalité, de financement des 35 heures alors que nous devrions traiter dans le cadre du projet de loi de financement de la sécurité sociale, de protection sociale et de solidarité. Monsieur le ministre, Monsieur le rapporteur, connaissez-vous le taux de remboursement des prothèses auditives ?

M. le Secrétaire d'Etat - Oui, car il se trouve que ma dernière fille est sourde à 80 %.

M. Bernard Accoyer - Ces prothèses (Murmures) ne sont remboursées qu'à 15 %, ce qui pose de graves difficultés, notamment aux personnes atteintes de surdité profonde qui ont besoin de deux prothèses. Le remboursement des mutuelles ne couvre qu'une faible part de la dépense, si bien que les familles, déjà obligées de payer elles-mêmes la maintenance des prothèses et leurs piles, doivent supporter presque entièrement leur coût d'acquisition. Jamais la seconde prothèse n'est remboursée chez les personnes âgées et chez les adolescents de plus de 16 ans, son remboursement soulève presque toujours des problèmes au niveau des caisses primaires. Et les appareils stéréophoniques, souvent indispensables chez les personnes âgées, ne sont eux aussi remboursés qu'à 15 % et pour une seule oreille. Quant aux implants cochléaires (Interruptions sur les bancs du groupe socialiste), technique de pointe très développée aux Etats-Unis, ils restent limités dans notre pays où l'accès aux nouvelles technologies médicales est, d'une manière générale, rationné parce que les moyens ne sont pas affectés là où ils seraient nécessaires (Mêmes mouvements). Il est incroyable, je le redis, de traiter ici de fiscalité alors que nous devrions nous intéresser à la couverture sociale et à la solidarité.

Mme la Présidente - Je vous donne la parole, Monsieur le rapporteur, mais je vous remercie d'être bref.

M. Alfred Recours, rapporteur - La commission n'abuse pas de la parole non plus d'ailleurs qu'elle ne critique le temps pris par l'opposition, ici dans son rôle normal.

Monsieur Accoyer, vous avez vraiment le chic pour tomber à pic ! Vous aviez essayé de me piéger en première lecture sur le prix des lessives, voilà que vous avez voulu faire de même avec le ministre sur le prix des prothèses auditives. Vous avez eu sa réponse. Tenez-en compte. Nos débats gagneraient en hauteur (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

M. Bernard Accoyer - Précisément, il sait qu'il s'agit d'un vrai problème. Nous ne pouvons pas dans un débat général décréter taboues certaines questions au prétexte qu'elles peuvent toucher à des cas personnels.

Mme la Présidente - Chacun aura compris que le propos de M. Accoyer, pour malheureux qu'il ait été, était involontaire.

Les sous-amendements 144, 116, 118 et 117, successivement mis aux voix, ne sont pas adoptés.

Le sous-amendement 148, mis aux voix, est adopté.

L'amendement 7 ainsi sous-amendé, mis aux voix, est adopté et l'article 3, rétabli, est ainsi rédigé.

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ART. 4

M. Jean-Luc Préel - L'article 4 traite de la TGAP dont le Gouvernement propose d'affecter le produit au financement des 35 heures. Je ne suis pas du tout convaincu par la théorie du double dividende, chère au rapporteur. Cette taxe aurait dû être affectée à la prévention des pollutions et à l'amélioration de la qualité de l'air, de l'eau et de l'environnement en général. Des projets de mise aux normes des élevages patinent aujourd'hui car le financement de l'Etat ne suit pas. Je ne sais pas ce que Mme Voynet pense de tout cela mais il m'étonnerait qu'elle soit satisfaite !

Cette affectation de la taxe aura de surcroît des effets pervers puisqu'en effet, plus l'on utilisera de lessives et autres produits polluants, mieux se portera le fonds de financement de l'allégement des cotisations patronales et meilleur sera l'équilibre des comptes sociaux. Les lessives phosphatées seront fortement taxées alors même que les phosphates sont des substances naturelles non toxiques. Les usines de fabrication fermeront, entraînant de nombreuses suppressions d'emplois, alors même que la qualité de l'environnement ne sera pas améliorée. Il aurait été plus logique de taxer l'ensemble des lessives. Quant à la taxation des produits phytosanitaires, elle est particulièrement injuste, reposant sur les seuls agriculteurs qu'elle pénalisera donc par rapport à leurs concurrents étrangers. Elle est en outre illogique puisqu'un produit toxique mais utilisé à faible dose à l'hectare sera peu taxé quand un produit peu dangereux mais de poids moléculaire élevé le sera fortement.

Au total, la TGAP qui rapportera pourtant plus de trois milliards dès l'année prochaine et à terme 12,5 milliards par an, est une mesure injuste et inefficace.

M. Bernard Accoyer - Quelques mots sur la TGAP : nouveau prélèvement fiscal, nouvelle justification : le financement des 35 heures.

Si une contribution supplémentaire sur les bénéfices pour abonder les baisses de charges a au moins la logique de la clarté, cette extension de la TGAP est un non-sens. Elle n'encouragera nullement la réduction des pollutions. Il existe un certain nombre de certifications pour réduire les atteintes à l'environnement : mais la mise aux normes européennes exige des investissements importants qui mériteraient d'être soutenus. On tourne le dos à cette logique. Actuellement, il y a en France dix fois moins d'installations certifiées qu'en Allemagne.

La taxation des produits phytosanitaires avec une grille qui aboutit à taxer plus selon le poids que selon la toxicité aura des effets pervers sur les entreprises implantées en France. En effet, les grands groupes localisés à l'étranger ne subiront qu'une taxation très faible, alors que les établissements de production français vont être assassinés. Un millier d'emplois sont en jeu. Je vous rappelle d'ailleurs l'amendement adopté, en ce qui concerne les phosphates, pour épargner deux circonscriptions qui sont, comme par hasard, celles de M. Fabius et de Mme Aubry ! Je suggère qu'on applique la même doctrine à géométrie variable à d'autres produits, comme les chlorates qui sont utilisés par les usines de Savoie.

Mais la conséquence la plus choquante de ce texte, c'est de faire payer le coût des 35 heures aux agriculteurs -vu le mode de fixation des prix agricoles, ils ne pourront répercuter la hausse des prix des produits phytosanitaires- alors qu'eux travaillent souvent 70 heures par semaine, et cela toute l'année !

M. François Goulard - La thèse défendue par Mme Aubry selon laquelle la TGAP serait un impôt sur le capital et que son affectation au fonds d'allégement des charges sociales marquerait donc la première étape d'une vaste réforme consistant à asseoir les cotisations sociales davantage sur le capital et moins sur les salaires est vraiment tirée par les cheveux. Cette affectation a été décidée sous l'empire de la nécessité et sûrement pas pour rééquilibrer l'assiette des cotisations sociales.

Deuxième remarque, la procédure qui consiste à faire examiner par la commission des affaires sociales, à l'occasion d'un projet de loi de financement de la sécurité sociale, des dispositions fiscales de ce type n'est pas bonne. Cela relève de la commission des finances ou de celle de la production. Il y a là un vice de construction.

Troisième remarque, un examen attentif de cet article montre que cette TGAP n'est pas bien ciblée sous l'angle de la défense de l'environnement. Elle réunit des impôts anciens qui n'ont rien à voir avec la pollution et des impôts nouveaux créés sans réflexion suffisante sur leur impact écologique. Ce texte n'a pas été convenablement préparé.

Dernière remarque, comme cela a été dit, la taxation des produits phytosanitaires va peser en fin de compte sur l'agriculture. Au moment où s'ouvre une nouvelle phase de négociations de l'OMC qui risque d'aboutir à une réduction des aides européennes à l'agriculture, croyez-vous opportun d'augmenter les charges de l'agriculture française ? C'est un non-sens et ce point est très mal ressenti par les professions concernées.

M. Alfred Recours, rapporteur - M. Goulard disait hier qu'on pouvait espérer que les produits polluants se vendraient moins s'ils étaient plus chers. Aujourd'hui il déplore qu'on les taxe.

Il ajoutait qu'il était d'accord avec l'affectation du produit de cette taxe à des activités utiles à nos concitoyens. Nous, nous considérons comme utile que ces recettes, même si elles ne sont pas pérennes, soient consacrées à l'allégement des charges sociales pour stimuler l'emploi. Notre divergence réelle porte donc sur ce que l'on considère comme utile ou non.

L'introduction de cette disposition dans la loi de financement de la sécurité sociale, pose, c'est vrai, des problèmes techniques et son examen requiert une expertise plus poussée que celle dont dispose la commission des affaires sociales. Mais cela ne signifie pas que nous ne pouvons pas l'acquérir !

Dans l'immédiat, la question des phosphates a été réglée par l'amendement adopté en première lecture et dont nous défendons le rétablissement. Il subsiste une difficulté, sur laquelle le ministre pourra peut-être nous répondre. La taxation des produits phytosanitaires est calculée selon un double critère de toxicité et de quantité utilisée à l'hectare. Il semble que cela puisse aboutir à ce qu'un produit peu polluant, mais répandu en grande quantité, soit plus taxé qu'un produit plus toxique mais dosé de manière plus faible et que la taxation à l'hectare soit donc supérieure dans le premier cas («Très bien !» sur les bancs du groupe du RPR).

M. Jean-Luc Préel - Nous l'avions dit en première lecture sans avoir été entendus.

M. Alfred Recours, rapporteur - Cela dit, la loi doit prévoir le montant global de la recette. En revanche, certains éléments, en particulier les classes de toxicité relèvent du pouvoir réglementaire et nous ne pouvons pas les modifier. Si le ministre nous éclairait sur d'éventuelles dispositions réglementaires, ses réponses pourraient nous satisfaire à ce stade de la discussion.

M. le Secrétaire d'Etat - Le principe de la TGA est simple. On impose la substance active contenue dans le produit commercialisé proportionnellement à sa toxicité et proportionnellement à sa quantité. C'est donc bien la molécule active contenue dans le produit répandu et non le produit lui-même qui est taxée.

Théoriquement, l'emploi en grande quantité d'un produit contenant une substance faiblement toxique peut être taxé comme celui d'un produit fortement toxique utilisé en petites quantités. C'est normal dans le mesure où l'atteinte à l'environnement est équivalente.

Cela dit, nous verrons, en liaison avec les ministres de l'environnement et de l'agriculture si la classification des produits doit être adaptée pour éviter d'éventuels problèmes.

M. Accoyer s'est inquiété du sort d'une entreprise qui produit un désherbant dans la composition duquel entre le chlorate de soude. Cette substance figure dans l'arrêté du ministre de l'agriculture du 30 mars 1988 en tant que substance non dangereuse normalisée. A ce titre, elle n'est pas soumise à la TGAP.

La création de cette taxe, Monsieur Goulard, a donné lieu à un long travail préalable. J'ai des contacts hebdomadaires avec les secteurs industriels qui seront concernés. Dès mai 1998, Mme Voynet a créé un groupe de travail à ce sujet réunissant des agriculteurs et des représentants de son ministère.

Le but de la TGAP est de prévenir, dès 2000, la pollution de l'eau et les atteintes à l'environnement. Sa logique, soit le double dividende emploi-environnement, légitime qu'on affecte son produit à l'allégement des charges sur les bas salaires. De surcroît, c'est une mesure de simplification et économiquement équilibrée, qui ne nuira pas à la compétitivité de nos entreprises. En effet, l'Allemagne, le Royaume-Uni et l'Italie créent une taxe de ce type destinée à financer la baisse des cotisations sociales.

La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance, qui aura lieu cet après-midi, à 15 heures.

La séance est levée à 13 heures 5.

                      Le Directeur du service
                      des comptes rendus analytiques,

                      Jacques BOUFFIER


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