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Session ordinaire de 1999-2000 - 33ème jour de séance, 79ème séance

2ÈME SÉANCE DU MARDI 30 NOVEMBRE 1999

PRÉSIDENCE de M. Laurent FABIUS

Sommaire

RÉCEPTION DU CHANCELIER SCHRÖDER 2

QUESTIONS AU GOUVERNEMENT 2

CONFÉRENCE DE SEATTLE 2

SORT DE M. RAÏNHA, LEADER DES SANS-TERRE BRÉSILIENS 3

CORSE 3

BAISSE DU CHÔMAGE 5

PILULE DU LENDEMAIN 6

SOMMET EUROPÉEN SUR LA PÊCHE 7

MÈRES DE FAMILLES EN DÉTENTION 7

ORGANISATION DE LA CHANCELLERIE 8

STATISTIQUES DU CHÔMAGE 9

TRANSPORT ROUTIER 10

CORSE 11

FINANCEMENT DE LA SÉCURITE SOCIALE POUR 2000 -nouvelle lecture- (suite) 12

EXPLICATIONS DE VOTE 12

RÉDUCTION NÉGOCIÉE DU TEMPS DE TRAVAIL (nouvelle lecture) 19

FIN DE LA MISSION D'UN DÉPUTÉ 25

La séance est ouverte à quinze heures.

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RÉCEPTION DU CHANCELIER SCHRÖDER

M. le Président - Je rappelle que le Chancelier de la République fédérale d'Allemagne, M. Gerhard Schröder, sera reçu dans l'hémicycle à 16 heures 30.

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      QUESTIONS AU GOUVERNEMENT

L'ordre du jour appelle les questions au Gouvernement.

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CONFÉRENCE DE SEATTLE

M. Alain Clary - Ma question s'adresse au Premier ministre. L'ouverture de la conférence de l'OMC à Seattle, aujourd'hui même, devrait consacrer le tiercé perdant de cette fin de siècle : mondialisation, libéralisation, uniformisation. Mais des millions de personnes qui rejettent la dictature des marchés se mobilisent sur le plan national et sur le plan international autour de l'idée simple que le monde n'est pas une marchandise. Cette prise de conscience citoyenne des enjeux du sommet de Seattle est d'autant plus nécessaire que les objectifs affichés par les multinationales américaines sont dignes des pires scénarios pour l'humanité au XXIème siècle. Fort heureusement, comme le révèle un récent sondage, face à la mondialisation, nos concitoyens sont inquiets mais nullement fatalistes.

Faire croire que la libéralisation du commerce international serait de l'intérêt de tous relève de la supercherie. En effet, tous les rapports, même ceux émanant des institutions officielles, confirment que les inégalités économiques et sociales s'aggravent à travers la planète et que le fossé Nord-Sud se creuse.

Monsieur le Premier ministre, vous avez déclaré hier devant l'Académie des sciences que «la France fera de la reconnaissance explicite du principe de précaution une priorité». Dès lors, notre pays ne devrait-il pas proposer au sein de l'Union européenne un modèle alternatif à celui de la domination de la finance ? Celui-ci exigerait de multiplier les exceptions au principe du libre-échange, notamment dans le domaine culturel, agricole, des services et de la santé.

Avec les centaines d'associations du monde entier manifestant aujourd'hui à Seattle, avec la délégation française, plurielle et combative, nous réaffirmons notre attachement à des échanges internationaux fondés sur la coopération et la solidarité dans une perspective de développement durable. En réalité, se confronteront à Seattle les nations souveraines et les multinationales, l'intérêt général et les intérêts financiers, l'être humain et l'argent (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste, sur plusieurs bancs du groupe RCV et du groupe socialiste).

M. Pierre Moscovici, ministre délégué chargé des affaires européennes - Les médias de la planète entière se tourneront en effet ce soir vers Seattle où s'ouvrira la conférence ministérielle de l'OMC, à laquelle participeront les gouvernements, mais aussi des organisations syndicales et des ONG. L'Union européenne a préparé cette échéance dans de bonnes conditions en fixant au commissaire Pascal Lamy qui négociera en son nom, un mandat précis et très politique.

Mondialisation, libéralisation, uniformisation : ce n'est pas ce que nous attendons de Seattle. Nous en escomptons au contraire davantage de régulation. L'Union européenne a intérêt au développement de ses échanges extérieurs, indispensables à la préservation de ses emplois et au renforcement de sa croissance. Le libre-échange n'en doit pas moins être régulé. C'est pourquoi l'Union demandera à Seattle que figure à l'agenda du prochain cycle de négociations une meilleure prise en compte par l'OMC des accords multilatéraux relatifs à l'environnement ; la création d'un forum conjoint entre l'OIT et l'OMC où sera abordée la question des normes sociales fondamentales ; l'application du principe de précaution ; le respect de la diversité culturelle par le biais de l'exception culturelle ; la transparence des marchés publics internationaux ; enfin, la promotion de politiques agricoles fortes. Soyez assuré, Monsieur le député, que nous resterons fidèles à Seattle au mandat voté il y a un mois.

La délégation française, représentée par Christian Sautter, Dominique Voynet, Catherine Trautmann et François Huwart, sera extrêmement vigilante quant au déroulement de cette conférence. Sa tâche sera difficile mais elle est très déterminée à faire valoir ses points de vue tout en étant solidaire des pays en développement (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe socialiste).

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SORT DE M. RAÏNHA, LEADER DES SANS-TERRE BRÉSILIENS

M. Patrick Malavieille - Monsieur le ministre des affaires étrangères, le 5 juin 1989, un propriétaire terrien et un policier ont trouvé la mort dans l'Etat brésilien d'Espirito Santo à la suite d'une fusillade déclenchée par le propriétaire d'une ferme improductive contre de petits paysans qui l'occupaient pacifiquement. L'enquête s'est très vite dirigée vers M. José Raïnha, responsable du mouvement brésilien des travailleurs ruraux sans terre. M. Raïnha a été condamné le 10 juin 1997 à 26 ans et 6 mois de prison par le tribunal de l'Etat alors que preuve a été apportée qu'il se trouvait, le jour des faits, à 2 000 kilomètres du lieu des événements et que l'arme du crime ne correspondait pas à celle présentée par l'accusation.

De toute évidence, l'action de M. Raïnha en faveur des sans-terre et pour la réforme agraire au Brésil a pesé lourdement dans cette décision de justice à laquelle des considérations politiques ne sont pas étrangères. Il doit comparaître en appel le 13 décembre devant le tribunal de la ville de Vitoria, où il risque une peine d'emprisonnement de 26 à 40 ans. Ce nouveau procès risque de ne pas répondre non plus aux exigences fondamentales d'équité et d'impartialité.

De très nombreux témoignages de solidarité, d'origine nationale et internationale, ont été adressés à M. Raïnha, victime d'une lourde injustice.

Quelles initiatives compte prendre le Gouvernement pour faire respecter les droits de l'homme et les normes juridiques que le Brésil a consenti à accepter, et pour empêcher que M. Raïnha soit condamné pour son action politique visant au partage des terres et des richesses dans son pays ? (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste et sur de nombreux bancs du groupe socialiste et du groupe RCV)

M. Hubert Védrine, ministre des affaires étrangères - Je ne reviens pas sur les circonstances de la condamnation, en effet choquante, de M. Raïnha. Nous redirons aux autorités brésiliennes notre émotion et notre préoccupation à l'occasion de ce procès en appel. Elles les partagent d'ailleurs pour une bonne part, le président Cardoso et le secrétaire d'Etat brésilien aux droits de l'homme ayant déclaré publiquement leur espoir que le jury d'appel réparerait «l'erreur» commise lors du premier procès.

M. Raïnha, de passage en France il y a peu, a été reçu le 17 novembre par le directeur des Amériques à mon ministère. J'ai aussi demandé à l'ambassade de France au Brésil d'assurer les représentations qui s'imposent et sollicité qu'un représentant puisse assister au procès (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe RCV).

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CORSE

M. Henri Plagnol - Monsieur le Premier ministre, les deux attentats commis récemment à Ajaccio en plein jour auraient pu provoquer des dizaines de morts. Cette nouvelle escalade dans la violence manifeste, hélas, l'impuissance de votre gouvernement à rétablir l'autorité de l'Etat en Corse.

M. Christian Bourquin - Et vous, qu'avez-vous fait ?

M. Henri Plagnol - Plus grave, face à une situation bloquée, nos concitoyens de l'île ou du continent, sont de plus en plus nombreux à douter qu'il existe une solution. C'est un défi lancé à l'ensemble de la nation. Il ne saurait être question que l'Etat cède au chantage ou dialogue avec ceux qui entretiennent une terreur aveugle. Mais encore faudrait-il que le choix de la fermeté, que nous partageons tous ici, repose sur l'exemplarité de l'Etat. Or deux rapports parlementaires ont révélé de très graves dysfonctionnements au sein des forces de police et de la justice dans la lutte contre le terrorisme en Corse. Ces dysfonctionnements sont allés jusqu'à entraver la recherche de la vérité dans l'enquête sur l'assassinat du préfet Erignac. Il semble que sur instruction de votre cabinet, Monsieur le Premier ministre, pour ne citer que cet exemple, les données que possédait le préfet Bonnet ont été transmises non pas directement au juge d'instruction chargé de la lutte antiterroriste en Corse mais au procureur de la République, sans que l'on sache pourquoi. Avec beaucoup de dignité, la veuve du préfet Erignac a déploré que «de médiocres querelles de personnes et des rivalités de corps» l'emportent sur la recherche de la vérité.

Ma question est simple. C'est celle que se posent tous les Corses qui souhaitent rester français. Quand tirerez-vous les conclusions des deux commissions d'enquête parlementaires pour remettre la police et la justice en état de marche et restaurer l'autorité de l'Etat en Corse ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF, du groupe DL et du groupe du RPR)

M. Lionel Jospin, Premier ministre - Deux très graves attentats ont été commis en Corse, dont les auteurs ont délibérément pris le risque de tuer. Mieux vaudrait à cet égard, Monsieur le député, stigmatiser ces auteurs anonymes que le Gouvernement (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe RCV ; protestations sur les bancs du groupe UDF, du groupe DL et du groupe du RPR).

J'exprime à nouveau ma sympathie aux personnes touchées et ma solidarité avec les Corses qui ont manifesté leur protestation et leur rejet de la violence. La violence ne peut pas apporter de solution au problème corse. C'est un poison mortel pour l'île car ce sont toujours les Corses qui en sont victimes, quelles qu'en soient les cibles. La garantie de l'Etat de droit est une priorité du Gouvernement. Les deux commissions d'enquête parlementaires ont d'ailleurs reconnu sur ce point la clarté de la politique menée et la nécessité d'en poursuivre la mise en _uvre.

Certes, ces commissions ont mis en lumière des dysfonctionnements anciens ou plus récents qui compliquent l'application de cette politique. Le Gouvernement analyse les propositions formulées par les commissions d'enquête pour en tirer les conséquences qui lui paraîtront appropriées.

Encore faut-il ne pas appeler dysfonctionnement une procédure normale. En effet, la note d'information transmise par le préfet Bonnet au procureur général de la République était, dès le lendemain, sur le bureau du procureur.

Cela dit, notre politique en Corse est fondée sur le développement économique de l'île et sur la reconnaissance de son identité culturelle. Le contrat de plan Etat-région traduit cet engagement, la Corse étant la région métropolitaine dont les crédits d'Etat augmentent le plus. Des propositions ont été transmises à l'Assemblée de Corse pour tenir compte de la spécificité de sa fiscalité applicable aux successions.

D'autre part, le Gouvernement s'emploie à favoriser le développement de la langue et de la culture corses. Mais j'ai toujours indiqué, notamment lors du déplacement que j'ai effectué dans l'île au mois de septembre, que cette politique devait être accompagnée d'une politique de dialogue, ce qui appelle une prise de responsabilité de la part des élus de la Corse (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe RCV). Face au sentiment de malaise et de crispation qui persiste, ces élus doivent dire ce qu'ils souhaitent et faire des propositions pour satisfaire les attentes de la population dont ils tiennent leur mandat.

Je suis prêt à recevoir à l'hôtel Matignon, dès que possible, les élus de la Corse pour débattre de ces problèmes avec eux. Je suggère que participent à cette réunion des parlementaires, le président de l'exécutif, le président de l'Assemblée de Corse, deux représentants des groupes qui constituent cette assemblée ainsi que les présidents de conseil général.

Les Corses aussi ont besoin de mener un dialogue démocratique entre eux. Ces débats concernent les élus au premier chef, mais aussi les représentants de la société civile. Il faut que les Corses prennent la parole pour dire ce qu'ils rejettent et ce à quoi ils aspirent. Ma proposition est un acte de confiance. Il appartient aux élus de Corse d'exercer leurs responsabilités. Le Gouvernement assumera celles qui lui incombent pour concourir à cette démarche et en tirer les conclusions (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe RCV).

M. Christian Paul - Une violence aveugle a frappé une nouvelle fois la Corse, atteignant directement la population de cette île. Chacun, à Ajaccio comme ailleurs, ne peut que condamner sans ambiguïté de tels actes, auxquels ni le Parlement, ni le Gouvernement ne sauraient se résigner.

Depuis deux ans, le Gouvernement a rappelé que le respect de la loi par tous, y compris par les représentants de l'Etat, est la première condition pour résoudre les problèmes de la Corse, qu'il s'agisse de son développement économique ou de son identité culturelle. En agissant ainsi, le Gouvernement a donné un sens à l'action de l'Etat en Corse, lui a fixé un cap qu'aucun groupe politique n'a paru contester sur le fond.

Pour tous ceux qui ne désespèrent pas de trouver une issue durable à cette crise, pouvez-vous exposer, Monsieur le ministre de l'intérieur, vos priorités en vue de garantir le droit de chacun à la sécurité en Corse ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste)

M. Jean-Pierre Chevènement, ministre de l'intérieur - Le Premier ministre vient de rappeler quelle est la politique du Gouvernement en Corse. Il l'avait déjà exposée très clairement lors de son déplacement dans l'île au mois de septembre. Les lâches attentats qui auraient pu endeuiller la Corse ne feront pas dévier le Gouvernement de la ligne qu'il a fixée avec continuité depuis juin 1997. Ces attentats témoignent de l'impasse dans laquelle s'enferment de petits groupes violents, dont on peut se demander s'ils ont vraiment une stratégie ou s'ils ne vivent pas de la violence qu'ils organisent. Ce faisant, ils s'isolent de la population qui condamne avec indignation ces actions criminelles. Il serait temps que tous les démocrates unissent leurs voix pour stigmatiser cette violence aveugle. Ceux qui persévèrent dans la voie du crime auront des comptes à rendre à la justice. Ainsi ont été récemment traduites devant les tribunaux des personnes soupçonnées d'assassinat ou d'actes terroristes pour des délits commis en 1994, 1996 et 1998. L'attentat de jeudi dernier fait d'ores et déjà l'objet d'une enquête approfondie. Ses auteurs seront poursuivis avec détermination.

La seule voie pour offrir à la Corse un avenir pacifique est celle que le Premier ministre vient de rappeler : la voie du dialogue (Applaudissements sur les bancs du groupe RCV et du groupe socialiste).

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BAISSE DU CHÔMAGE

M. Gérard Terrier - En octobre, le nombre de demandeurs d'emploi a diminué de 26 400, soit 1 % par rapport au mois de septembre, au cours duquel une baisse record de 3 % avait déjà été constatée. Nous nous réjouissons de cette tendance à la baisse presque continue depuis juillet 1997.

De surcroît, cette diminution du chômage profite à tout le monde, y compris aux chômeurs de longue durée. L'emploi salarié progresse à un rythme rarement atteint. M. Sautter vient d'annoncer le franchissement du cap historique de 14 millions d'emplois salariés marchands. Selon l'INSEE, le moral des ménages est au plus haut. Bref, la France est placée dans un cercle vertueux : croissance, création d'emplois, confiance.

Dans ces conditions, Madame la ministre de l'emploi, peut-on espérer le retour au plein emploi ? Quels moyens envisagez-vous d'employer pour y parvenir ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe RCV)

Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité - Le chômage continue de baisser à un rythme accéléré : 83 000 chômeurs de moins en septembre et 26 000 encore en octobre. Le chômage des jeunes a diminué de 25 % depuis juin 1997. Le nombre des chômeurs adultes a été réduit de 470 000. De plus, notamment grâce à l'application de la loi contre les exclusions, le nombre des chômeurs de longue durée a diminué de 150 000.

Mais il reste encore de nombreux chômeurs, des hommes et des femmes qui souhaitent «monter dans le train». C'est pour eux que nous approfondissons l'action menée en faveur des chômeurs de longue durée. Je pense notamment au programme «nouveau départ» de l'ANPE, à la poursuite des emplois-jeunes -210 000 ont déjà été embauchés- et à la réduction du temps de travail.

Oui, les Français recommencent à espérer le plein emploi. Malgré une augmentation de sa population active de 200 000 personnes par an, la France connaît une baisse du chômage plus importante que ses concurrents, car le Gouvernement a su faire de l'emploi sa priorité dans les faits et pas seulement dans les discours.

Si nous sommes capables de redonner à chacun sa chance, nous pouvons réfléchir au plein emploi, soit une situation dans laquelle le taux de chômage n'excède pas 4 à 5 %, la durée du chômage étant de surcroît très courte.

Ces résultats montrent que le volontarisme est possible dans un pays comme le nôtre même à l'heure de la mondialisation dont chacun souhaiterait qu'elle soit mieux régulée (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe RCV).

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PILULE DU LENDEMAIN

Mme Conchita Lacuey - Vous avez annoncé récemment au salon de l'éducation, Madame la ministre, la possibilité d'autoriser les infirmières scolaires à délivrer la pilule du lendemain aux adolescentes en difficulté des collèges et lycées.

En France, on dénombre près de 10 000 grossesses non désirées par an, dont 6 500 donnent lieu à une IVG. Les chiffres du département de la Gironde sont supérieurs à la moyenne nationale.

Ces statistiques révèlent l'échec de l'information ainsi qu'une maîtrise imparfaite sinon une ignorance complète des moyens de prévention.

Depuis le 1er juin, la pilule du lendemain est en vente libre dans les pharmacies. Elle est délivrée sans ordonnance, n'a aucun effet secondaire grave et son efficience est de 95 % si la prise intervient dans les vingt-quatre heures qui suivent le rapport sexuel.

Votre proposition tient compte de tous ces éléments, mais des réserves ont été formulées par les parents d'élèves. En effet, certains parents s'inquiètent de voir l'éducation nationale se substituer à leurs responsabilités et craignent une banalisation des rapports sexuels sans protection. Pouvez-vous répondre à ces craintes ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste)

Mme Ségolène Royal, ministre déléguée chargée de l'enseignement scolaire - Je sais que cette décision, sur laquelle j'ai donné des précisions en réunissant, la semaine dernière, 300 infirmières scolaires, peut susciter des interrogations, voire des oppositions.

Elle a été mûrement réfléchie et répond à une urgence : sur 10 000 grossesses chez les jeunes filles de moins de 18 ans, 6 500 se terminent par un avortement, souvent accompagné de révélations sur des violences sexuelles. Il est nécessaire de mettre à la disposition de ces adolescentes en détresse les résultats des progrès scientifiques, d'autant que cette contraception d'urgence est en vente libre dans les pharmacies (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste). Cette mesure s'accompagne d'un protocole national en précisant les conditions d'application : il s'agit de répondre aux cas d'extrême urgence ou de détresse ; les parents seront informés, sauf si l'adolescente s'y oppose ; enfin, celle-ci sera mise en contact avec un centre de planning familial ou un service hospitalier spécialisé afin de l'accompagner, soit parce qu'il y a eu violence, soit parce qu'elle a été mal informée sur la contraception.

Cette décision s'inscrit dans une action plus générale d'éducation à la sexualité : la campagne que Martine Aubry lancera en janvier sera relayée dans les lycées et collèges car le système scolaire peut contribuer à la prévention des conduites à risques et rappeler certaines valeurs comme le respect de soi et des autres et le refus des rapports sexuels contraints, bref faire de l'information sexuelle une éducation au respect mutuel.

Je fais confiance aux infirmières scolaires pour remplir cette mission d'information et de dialogue avec les adolescentes, en particulier avec les plus démunies et les plus isolées, afin que pour elles aussi la naissance d'un enfant soit toujours un bonheur désiré (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe RCV et du groupe communiste).

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SOMMET EUROPÉEN SUR LA PÊCHE

M. René Leroux - Monsieur le ministre de l'agriculture et de la pêche, lors du dernier conseil des ministres de la pêche de l'Union européenne, un compromis sur l'organisation de ce secteur a été adopté. Vous avez obtenu certaines modifications par rapport aux propositions de la Commission et ces avancées devraient consolider un secteur qui a connu de graves difficultés et se redresse lentement. Pourriez-vous nous en préciser la teneur, notamment en ce qui concerne les sorties de flotte et les aides à la valorisation des produits ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste)

M. Jean Glavany, ministre de l'agriculture et de la pêche - Effectivement le conseil «Pêche» du 22 novembre a permis d'aboutir à un compromis sur la réforme de la politique des structures et sur l'organisation commune des marchés.

Sur le premier point la Commission proposait pour les catégories de bateaux ayant devancé les objectifs le retrait systématique de 130 % de la capacité de production pour chaque construction neuve et excluait tout renouvellement du reste de la flotte.

La France a obtenu une modification radicale du dispositif : le calcul des capacités autorisées de production ne se fera plus individuellement mais par catégorie de navires ; pour les catégories qui sont à jour par rapport aux objectifs annuels, le renouvellement au même niveau sera autorisé jusqu'en 2006 ; pour celles qui sont en retard, la faculté de renouveler les navires sera simplement réduite par l'application de la règle des 130 % jusqu'en 2001 ; un régime spécifique sera appliqué dans les DOM-TOM car ils ne connaissent pas les mêmes problèmes de réduction des ressources ; enfin, des aides spéciales seront accordées pour l'installation des jeunes pêcheurs.

En ce qui concerne l'organisation commune du marché, le conseil européen a également adopté plusieurs propositions de la France : étiquetage obligatoire des produits jusqu'à la vente aux consommateurs, aides aux organisations professionnelles pour la valorisation des produits, modification du régime d'intervention, notamment en cas de crise.

Nous avons donc tout lieu d'être satisfaits de la conclusion de cette négociation. Elle donne un cadre stable à la politique structurelle et de réels moyens à la valorisation de la production. C'est donc un message d'espoir pour ce secteur, notamment pour les jeunes qui veulent s'installer (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe RCV et du groupe communiste).

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MÈRES DE FAMILLES EN DÉTENTION

M. Alain Tourret - Madame la Garde des Sceaux, la situation des femmes en prison est plus dure que celle des hommes car elles sont réparties dans trois prisons seulement. L'éloignement de leur domicile rend les visites des familles plus rares, ce qui est un obstacle à la réinsertion.

Mais que dire de la situation de leurs enfants ? Votre circulaire du 16 août 1999 prévoit que l'accueil des enfants de moins de 18 mois auprès de leur mère doit rester exceptionnel -66 places seulement existent. Aucun enfant de plus de 18 mois ne peut rester en prison. Certes, votre circulaire prend en compte la convention des Nations unies sur les droits de l'enfant. Mais ne faudrait-il pas aller plus loin et s'inspirer de la législation italienne de 1975 ? Celle-ci prévoit, pour les peines ou reliquats de peine de moins de quatre ans, que les mères d'enfants de moins de dix ans peuvent les exécuter chez elles. La même règle s'applique aux pères quand la mère est décédée. Ne pourrait-on inclure une telle disposition dans l'un des projets de loi actuellement en discussion ? (Applaudissements sur les bancs du groupe RCV,t du groupe socialiste et sur quelques bancs du groupe UDF)

Mme Elisabeth Guigou, garde des sceaux, ministre de la justice - La circulaire du 10 août dernier vise effectivement à améliorer la prise en charge des enfants de moins de 18 mois restant auprès de leurs mères détenues. Mais on ne peut généraliser cette mesure car il est préférable que l'enfant soit socialisé par le contact avec d'autres enfants.

C'est pourquoi il est très important de maintenir un lien étroit et régulier entre l'enfant et le parent détenu : j'ai prévu 2 millions cette année pour créer des parloirs spécifiques aux enfants, ainsi que des subventions aux relais associatifs et la création, à titre expérimental, d'unités de visites familiales permettant aux détenus de passer plusieurs jours avec leur famille.

Vous proposez que les parents d'enfants de moins de dix ans puissent purger leur peine en dehors de la prison. Les juges d'application des peines accordent déjà des mesures de libération conditionnelle ou de semi-liberté aux parents condamnés à des peines courtes ou n'ayant plus qu'un reliquat de peine court à effectuer. Je ne suis pas opposée à ce que nous allions plus loin et j'ai demandé à une commission présidée par M. Farge de réfléchir à ces mesures de libération conditionnelle : si vous le souhaitez, cette commission vous entendra.

La loi sur le bracelet électronique et la création de centres spéciaux pour les peines courtes -les deux premiers seront ouverts en 2000 à Metz et à Marseille- peuvent également contribuer à maintenir le lien familial ; il est en effet essentiel que l'enfant puisse garder une relation avec ses deux parents (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe RCV).

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ORGANISATION DE LA CHANCELLERIE

M. Pascal Clément - Madame la Garde des Sceaux, depuis plusieurs mois, l'opinion publique découvre votre vrai visage politique (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste). Il s'agit du visage de Janus Bifrons ! (Mêmes mouvements)

La face officielle est sereine : elle mène la réforme de la justice, n'intervient pas dans le cours des affaires et donne la priorité à la lutte contre la délinquance, notamment financière.

L'autre visage, c'est celui d'un ministre qui pratique une reprise en mains autoritaire de la magistrature. En ce qui concerne les nominations, le critère est désormais une fidélité totale à vos directives et à votre personne. Tous les directeurs de la Chancellerie ont été changés. Sept postes d'officiers de police judiciaire ont été supprimés à la section financière du Parquet de Paris. Est-ce durable ?

Vous avez nommé comme responsable de l'action publique à la direction des affaires criminelles, contre l'avis du directeur, un membre de votre cabinet. Pourquoi ?

Vous avez supprimé la sous-direction des affaires financières qui permettait aux procureurs d'harmoniser leurs décisions. Devront-ils demain s'adresser à votre cabinet ?

Enfin, le syndicat de la magistrature lui-même se révolte contre vos menaces de sanctions disciplinaires si l'on n'applique pas vos directives concernant l'action pénale, et contre le fait que vous demandez des remontées d'information heure par heure concernant les questions sensibles.

La confiance est rompue avec les magistrats, beaucoup de parlementaires et de Français. Nous serons convoqués en Congrès en janvier sur la réforme du Conseil supérieur de la magistrature. Ne porterez-vous pas personnellement la responsabilité de l'échec de cette réforme ? (Applaudissements sur quelques bancs du groupe du RPR et du groupe UDF)

Mme Elisabeth Guigou, garde des sceaux, ministre de la justice - Je vous permets tout à fait de porter des appréciations sur mon visage et de penser ce que vous voulez de l'organisation interne du ministère. Si des directeurs sont partis -pas tous-, c'est qu'ils souhaitaient un changement (Rires sur les bancs du groupe DL). Ils occupent des postes qui correspondaient à leurs capacités. Ainsi M. Marc Moinard, qui est resté directeur des affaires criminelles et des grâces deux ans après mon arrivée a été nommé procureur général à Bordeaux. M. Gilbert Azibert, qui est resté également deux ans directeur de l'administration pénitentiaire a été nommé président de la chambre d'accusation de la cour d'appel de Paris. Permettez donc au ministre compétent de savoir ce qu'il doit faire pour que l'organisation interne du ministère reflète la politique qu'il mène (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste). Ainsi, la direction des affaires criminelles et des grâces ne donnant plus d'instructions, il fallait réorienter son action vers la législation, les directives de politique pénale et l'évaluation de l'application par le Parquet de notre politique pénale.

Quant aux pressions que vous évoquez, il y a des règles pour la nomination des magistrats. Chaque fois qu'un poste devient vacant, il y a envoi dans tous les tribunaux de France, deux mois avant la nomination, d'une «liste de la transparence».

De nombreux députés RPR - Fulgéras !

Mme la Garde des Sceaux - Elle contient toutes les candidatures ; le Garde des Sceaux indique quelle est sa proposition et le CSM donne son avis conforme. Depuis que ce gouvernement est en place, aucune nomination ne s'est faite contre cet avis contrairement à ce que vous avez pu pratiquer dans le passé (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et sur certains bancs du groupe communiste).

Si le Président de la République soumet au Congrès la loi constitutionnelle que le Parlement a approuvée il y a un an par 700 voix contre 60 -dont la vôtre, Monsieur Clément- c'est précisément pour inscrire dans la Constitution que les nominations y compris celles des procureurs généraux qui sont aujourd'hui nommés comme des préfets, auront lieu après avis conforme du CSM. Malgré vos procès d'intention, les Français sauront discerner la volonté ferme du Gouvernement qui est que les politiques n'interviennent plus dans la justice (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe RCV et sur quelques bancs du groupe communiste).

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STATISTIQUES DU CHÔMAGE

M. Robert Lamy - Les chiffres du chômage ne sont-ils pas assez satisfaisants, pour que vous ayez besoin de manipuler les statistiques ? (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste) Faut-il que les 35 heures, la TGAP, la suppression des allégements de charges du plan Borotra soient négatives pour l'emploi pour que, malgré la croissance, vous ayez à maquiller les chiffres ? (Mêmes mouvements)

Le nombre de chômeurs serait passé de 4 170 000 en 1996 à 431 000 en 1999.

Mme Odette Grzegrzulka - Indécent !

M. Robert Lamy - Soit la définition du champ a changé, soit vous vous appuyez sur un comptage incluant des radiations à très grande vitesse.

M. Christian Bourquin - La question !

M. Robert Lamy - Un grand hebdomadaire a dénoncé les manipulations de statistiques auxquelles se livre votre cabinet. Les spécialistes de l'INSEE vous accusent dans une lettre ouverte de manipuler les chiffres du chômage. Qui devons-nous croire ? Les communiqués de victoire de votre cabinet ou les agents de l'Etat qui dénoncent la manière dont on leur fait remplir leur mission ? (Applaudissements sur les bancs du groupe du RPR)

Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité - Vous devez d'abord croire les Français qui voient que tous les jours la situation de l'emploi s'améliore (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste) et qu'ils n'ont pas besoin de l'article d'un «grand hebdomadaire» pour se rendre compte que depuis l'arrivée de la gauche la croissance a repris, le chômage des jeunes et même le chômage de longue durée baissent.

Vous devez croire, l'OCDE, le BIT, le New York Times, JP Morgan, selon lesquels le chômage baisse plus en France qu'ailleurs. Dès mon arrivée, j'ai rétabli la publication des trois catégories de chiffres du chômage, car le Gouvernement que vous souteniez avait voulu cacher le chiffre des chômeurs partiels. Les Français savent donc le nombre de chômeurs qui demandent un emploi à temps plein -il a baissé de 465 000 depuis notre arrivée-, le nombre de chômeurs partiels, et le chiffre du chômage au sens du BIT, qui n'est pas établi par nous.

Quant aux radiations, il y en a eu ces derniers mois 17 000 pour 400 000 personnes sorties des statistiques du chômage, soit 4 %. Pour moitié il s'agit de personnes que l'ANPE a convoquées pour leur proposer un emploi et qui ont alors déclaré qu'elles en ont déjà retrouvé un (Exclamations sur les bancs du groupe du RPR et du groupe DL). Cette réalité vous dérange. Il est vrai que cela ne vous arrivait pas, vous n'avez pas créé 830 000 emplois comme c'est le cas depuis notre arrivée (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et nombreux bancs du groupe communiste).

Enfin, les agents de l'ANPE qui travaillent tous les jours à aider les chômeurs méritent mieux que votre suspicion. Le Gouvernement ne leur fait aucune demande écrite ou orale, et s'occupe plus de régler les problèmes structurels que de manipuler les chiffres, comme vous le prétendez. En fait, vous êtes d'abord des mauvais joueurs ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe RCV et du groupe communiste)

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TRANSPORT ROUTIER

M. Thierry Lazaro - Madame, nous ne sommes pas sur un petit nuage comme vous, et nous vous invitons à écouter plus attentivement nos compatriotes (Quelques applaudissements sur les bancs du groupe du RPR ; huées sur les bancs du groupe socialiste).

Les 35 heures vont toucher de plein fouet les PME, et diminuer leur compétitivité de façon désastreuse. C'est un mauvais coup pour la France. La fédération des transports et logistique de France -5 000 entreprises, 230 000 salariés, la moitié de cette activité dans notre pays- a tenu son congrès à Marseille. Elle a dénoncé «le cauchemar des 35 heures». Les conditions de travail des chauffeurs routiers français vont s'aggraver. Comment les entreprises résisteront-elles à des concurrents européens que ne respectent pas les mêmes règles ? L'application brutale des 35 heures signifie 50 heures de travail en moins par mois que dans le reste de l'Europe. Cette année le transport combiné a déjà perdu 10 % de trafic. Qu'allez-vous faire pour éviter que le transport routier disparaisse, faisant 230 000 chômeurs supplémentaires ?

M. Jean-Claude Gayssot, ministre de l'équipement, des transports et du logement - Le Gouvernement est attaché à l'amélioration des conditions de vie et de travail des salariés du transport routier, particulièrement malmenés ces dernières années. Une démarche paritaire a été rétablie dans ce secteur. La voie normale du dialogue social a permis la signature de nombreux accords.

S'agissant de la réduction de la durée du travail, nous avons, avec Martine Aubry, tenu compte de la spécificité du transport routier. Dès la première loi, des aides financières ont été prévues pour les entreprises réduisant réellement la durée du travail tout en s'inscrivant dans la démarche des contrats de progrès, avec création d'emplois. Depuis le 1er septembre 1999, 80 accords d'entreprise ont été signés, concernant au total environ 20 000 salariés ; ils ont permis la création de 1 200 emplois.

La deuxième loi est en discussion ; je suis favorable à un dialogue entre partenaires sociaux et entre eux et le Gouvernement sur ses conditions d'application.

Enfin, vous savez les efforts que nous menons, avec le soutien des professionnels du transport routier et les syndicats, en faveur d'une harmonisation sociale par le haut et d'une directive européenne en ce sens (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste, du groupe socialiste et du groupe RCV).

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CORSE

M. Roland Francisci - Monsieur le Premier ministre, le 6 septembre dernier, bien qu'appartenant à l'opposition nationale, j'ai approuvé publiquement les déclarations que vous avez faites devant l'Assemblée de Corse. Oui, le vrai problème de la Corse n'est pas son statut -elle en a déjà eu deux- mais la violence, dont l'arrêt total doit demeurer le préalable à toute discussion.

Un député socialiste - Ecoute bien, Rossi !

M. Roland Francisci - La solution existe, elle est démocratique, conformément au v_u de l'immense majorité de mes compatriotes. La France est une grande puissance, unanimement respectée ; l'Etat ne doit pas céder au chantage des terroristes. Il ne doit discuter ni avec eux ni avec ceux qui cautionnent leurs méthodes.

Le 16 novembre, alors qu'une nouvelle vague d'attentats et de séquestrations venait de se produire, j'avais appelé votre attention sur l'escalade de la violence en Corse. Jeudi dernier, une étape inquiétante a été franchie, semant la consternation sur l'île et sur l'ensemble du territoire national. Ces actes odieux sont le fait de quelques irresponsables qui défient la Corse et la République et qui entendent substituer la loi des armes au dialogue démocratique. Seul l'Etat a le pouvoir et les moyens de les en empêcher ; il en a aussi le devoir. Est-il raisonnable de continuer à affirmer qu'il le fait, alors que, indique le rapport de la commission d'enquête de notre Assemblée, le taux d'élucidation des affaires de terrorisme en Corse est de 3 % ?

Les Corses se sentent abandonnés et ils ont peur. Nombreux sont ceux qui pensent à quitter l'île. Les déclarations de bonnes intentions ne suffisent plus ; ne laissez pas la Corse ressembler au Liban des années 80.

Monsieur le Premier ministre, que comptez-vous faire pour combattre le terrorisme et pour assurer aux habitants de l'île la paix et la sécurité auxquelles ils ont droit ? Avec l'ensemble de mes compatriotes, inquiets et désemparés, j'attends de vous des engagements clairs (Applaudissements sur les bancs du groupe du RPR).

Mme Elisabeth Guigou, garde des sceaux, ministre de la justice - Le Premier ministre nous a fait part de son sentiment au sujet du très grave attentat récemment perpétré, qui aurait pu tuer plusieurs dizaines de personnes. Au-delà de l'émotion et de l'indignation, l'important est de continuer à appliquer avec fermeté la politique définie par le Gouvernement et approuvée par le Président de la République.

Elle consiste, d'abord, à faire appliquer la loi avec détermination (Exclamations sur les bancs du groupe du RPR) ; ensuite, à prendre des décisions en faveur du développement de la Corse. A cet égard, le dernier contrat de plan Etat-région fait passer la Corse de la cinquième à la première place quant au volume de l'aide par habitant (Mêmes mouvements). En troisième lieu, cette politique tend à favoriser l'expression de l'identité culturelle de la Corse.

C'est la seule politique possible. Il est donc indispensable que les élus, lorsqu'ils s'expriment, ne renvoient pas dos à dos les terroristes et l'Etat, même s'il est vrai que nous devons corriger certains dysfonctionnements ; et il faut encourager les Corses à dénoncer les actes racistes et à se liguer contre les terroristes. Le Premier ministre vient d'annoncer que le Gouvernement était prêt à ouvrir à nouveau un dialogue avec les élus de Corse sur les moyens d'améliorer encore cette politique (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

La séance, suspendue à 16 heures 5, est reprise à 17 heures 55 sous la présidence de Mme Catala.

PRÉSIDENCE de Mme Nicole CATALA

vice-présidente

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FINANCEMENT DE LA SÉCURITE SOCIALE POUR 2000 -nouvelle lecture- (suite)

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EXPLICATIONS DE VOTE

L'ordre du jour appelle les explications de vote et le vote par scrutin public, en nouvelle lecture, sur l'ensemble du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2000.

Mme Dominique Gillot, secrétaire d'Etat à la santé et à l'action sociale - Poursuivre avec détermination l'effort engagé depuis plus de deux ans pour pérenniser notre système de sécurité sociale : tel est l'enjeu du projet qui vous est soumis et auquel vous avez rendu sa cohérence. Le Sénat l'avait beaucoup transformé, supprimant à tort le financement des allégements de charges et de la réduction du temps de travail, ainsi que les mesures relatives à la régulation des dépenses de ville, sans proposer de dispositif alternatif dont on puisse attendre une efficacité quelconque.

Vous avez rétabli ces dispositions ; c'est une bonne chose pour l'emploi, pour les entreprises, pour notre système de santé et pour notre économie. L'équilibre financier est la première condition d'une sécurité sociale efficace et protectrice. Cette année, le régime général devrait être proche de l'équilibre, son déficit étant limité à 4 milliards de francs, soit 0,3 % de ses dépenses et 1,5 % de l'ensemble des déficits publics, soit encore sept fois moins qu'en 1997. On mesure le chemin parcouru !

Qui plus est, ce redressement a été obtenu sans augmentation des cotisations ni baisse des remboursements, grâce à la conjonction de trois facteurs : la bonne tenue des recettes, due au retour de la croissance et au rééquilibrage des contributions respectives du capital et du travail dans le financement de la sécurité sociale ; les mesures correctrices, prises le plus souvent en accord avec les professionnels, pour maîtriser les dépenses de santé ; les politiques structurelles conduites depuis deux ans, notamment dans le domaine de l'hôpital et celui du médicament.

L'an prochain, le régime général devrait dégager, pour la première fois depuis quatorze ans, un excédent, estimé à 2 milliards environ. C'est tout simplement la fin du «trou de la Sécu».

M. Aloyse Warhouver - Très bien !

Mme la Secrétaire d'Etat - Il y a là matière à nous réjouir tous ensemble, au-delà de nos différences politiques. Quant à l'excédent de l'ensemble des administrations sociales, il devrait s'élever à une vingtaine de milliards, mais ces résultats, aussi encourageants soient-ils, ne doivent nullement infléchir notre détermination, et c'est pourquoi cinq orientations majeures ont été retenues dans le présent projet.

Dans le cadre de la poursuite des réformes structurelles en vue d'une meilleure maîtrise des dépenses de santé, nous avons engagé une profonde rénovation du cadre conventionnel, dont une étape décisive est proposée aujourd'hui à votre approbation. Il s'agit de placer la régulation de la médecine de ville sous l'entière responsabilité des caisses et des professionnels de santé, tout en privilégiant les mécanismes incitatifs. S'agissant du médicament, les priorités sont le développement des génériques, la réévaluation des produits et la réforme du remboursement, désormais fondé sur le service médical rendu. S'agissant de l'hôpital, son adaptation aux besoins de la population passe par la promotion de la qualité et de la sécurité des soins grâce à la poursuite de la politique d'accréditation, ainsi que par une politique volontariste de réduction des inégalités sociales et géographiques dans l'accès au soins grâce à la CMU, à la révision des schémas régionaux et à la différenciation des tarifs des cliniques privées en fonction de l'activité médicale réelle, telle que mesurée par les points ISA.

Le débat ouvert à l'occasion du projet de loi de financement de la sécurité sociale se poursuivra dès le printemps prochain avec l'examen du projet de loi de modernisation de notre système de santé.

En matière de retraites, la méthode du Gouvernement repose sur un triptyque simple : diagnostic, dialogue, décision. Après le diagnostic porté par le commissariat général du plan, des consultations ont été lancées auprès des partenaires sociaux pour définir au début 2000 des principes directeurs pour la réforme de nos régimes de retraite. Notre objectif est avant tout de consolider le système par répartition, seul garant de la justice sociale et de la solidarité entre générations, et de garantir le droit à la retraite pour tous.

Le fonds de réserve des retraites, qui s'établit aujourd'hui à deux milliards, sera abondé dès 2000 des excédents 1999 de la CNAV, soit 4,4 milliards, d'une partie de l'excédent prévisionnel 2000, soit 2,9 milliards, ainsi que de 49 % des prélèvements sur les revenus du capital, soit 5,5 milliards. A cela s'ajoutent la dotation de 3 milliards en provenance de la Caisse des dépôts et consignations votée grâce à un amendement de M. Le Garrec et les 4 milliards en provenance du fonds de mutualisation des caisses d'épargne. 22 milliards seront donc ainsi mis en réserve fin 2000 pour le financement des retraites futures. Cette dotation significative, deux ans seulement après la création du fonds, témoigne de la détermination du Gouvernement. Loin de constituer des réserves pour les retraites des futures générations, les gouvernements précédents ont accumulé des dettes que les Français seront obligés de rembourser jusqu'en 2014. Les dettes transférées à la CADES correspondant aux déficits des années 1994 à 1997 dépassent les 200 milliards.

Nous avons amélioré la prise en charge des maladies professionnelles. Le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 1999 offrait la possibilité aux salariés victimes de l'amiante de cesser leur activité de façon anticipée. Cette année, le dispositif sera étendu aux salariés des entreprises de flocage et de calorifugeage, des secteurs de la construction et de la réparation navale ainsi qu'aux dockers ayant travaillé dans des ports où transitait l'amiante. Enfin, une réforme, adoptée à votre demande, évitera que les victimes d'accidents successifs obtiennent pour un même taux d'incapacité, une indemnisation inférieure à celle obtenue dans le cas d'un accident unique.

En matière de politique familiale, nous intervenons dans trois directions essentielles : l'aide aux familles pour la prise en charge des jeunes adultes -l'âge limite pris en compte pour le calcul des allocations logement et le versement du complément familial a ainsi été relevé à 21 ans-, le soutien aux parents dans leur rôle éducatif à travers notamment la création d'un réseau d'écoute et d'appui ; l'amélioration de l'articulation entre vie familiale et vie professionnelle grâce à la réduction du temps de travail, au soutien à la reprise d'activité des femmes et au développement des structures d'accueil des jeunes enfants. La pérennité des ressources consacrées à la politique familiale est garantie par ce projet.

J'en viens à la réforme du financement de la protection sociale qui vise à favoriser l'emploi. Vous avez rétabli le nouveau dispositif d'allégement de charges unifié, proposé par le Gouvernement et qui remplacera la ristourne dégressive Juppé. Il sera à la fois plus puissant et plus ample que cette dernière pour supprimer la trappe à bas salaires -les allégements iront jusqu'à 1,8 SMIC désormais. Ces allégements représenteront en régime de croisière 65 milliards, soit 25 milliards de plus que la ristourne Juppé. Ils seront complétés par une aide pérenne aux 35 heures, de 4 500 F par salarié dans les entreprises passées aux 35 heures.

Cette réforme des cotisations patronales était, de l'avis de tous, essentielle pour enrichir notre croissance en emplois. Pour donner la priorité à l'emploi, comme le Gouvernement en a fait le choix, aucune piste ne doit être négligée. C'est pourquoi, à l'occasion de ce texte, nous poursuivons la baisse du coût du travail pour les salaires bas et moyens. Une telle réforme visant à favoriser l'emploi mérite le soutien de tous.

Je remercie une fois encore le président de la commission des affaires sociales et les cinq rapporteurs pour le travail qu'ils ont accompli sur ce texte.

Celui-ci engage un nouveau train de réformes qui prolongeront celles engagées depuis deux ans et demi. Vous lui avez rétabli sa cohérence et redonné une ambition. Celle-ci est simple : pérenniser notre système de protection sociale fondé sur la justice sociale, l'égalité des droits et la solidarité entre les individus et les générations. Un tel projet mérite la mobilisation de tous. Une fois encore, celle de votre assemblée n'a pas manqué et je vous en remercie (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

M. Jean-Luc Préel - Je regrette l'absence de Mme Aubry que nous croyions plus attachée à ce projet et avec qui nous aurions bien aimé débattre. (Murmures sur les bancs du groupe socialiste)

Ce projet de loi de financement de la sécurité sociale, que nous avions critiqué en première lecture, avait été heureusement amélioré par le Sénat. Nos collègues avaient notamment revu le volet relatif au financement et rejeté le fonds prévu pour les 35 heures. Ils avaient également réécrit l'article 17 en substituant aux inadmissibles lettres-clés flottantes la prise en compte des pratiques individuelles dans le cadre d'une régionalisation.

Le Gouvernement et sa majorité ont balayé ces améliorations, souhaitant revenir au texte de la première lecture. Nous ne pouvons donc que reprendre nos critiques et appeler à voter contre ce texte.

Le financement des 35 heures occupe une place très importante dans ce projet de loi qui devrait être consacré aux problèmes de santé, de famille et de retraite. Pour financer cette réforme, vous proposez de créer un fonds avec conseil d'administration et conseil de surveillance. Il aurait été plus simple d'appliquer la loi de 1994 qui prévoit que l'Etat compense intégralement les exonérations qu'il décide et les verse à l'ACOSS.

Ce fonds sera alimenté par des recettes qui ne sont pas appropriées. Je ne reviens pas sur l'improvisation du mode de financement envisagé initialement, sur votre reculade à la veille du débat en raison d'un front uni des partenaires sociaux, avec pour résultat un bricolage étonnant.

Vous faites appel à hauteur de 39,5 milliards à la taxe sur les tabacs qui devrait servir à soigner les victimes du tabagisme et surtout à prévenir le fléau. Vous prélevez 5,6 milliards sur la taxe sur les alcools qui serait elle aussi mieux utilisée à financer les soins et la prévention. Vous affectez aussi à cette réforme le produit de la TGAP, soit 3,2 milliards qui devraient servir à améliorer la qualité de l'environnement, de l'air, de l'eau, et par exemple à mettre aux normes les élevages. Vous créez un nouvel impôt sur les bénéfices des entreprises qui rapportera 4,3 milliards et prenez 7 milliards dans la poche des salariés auxquels les heures supplémentaires ne seront plus payées.

En dépit de ce bricolage, il manquera en 2001 20 milliards. Les 35 heures ne sont donc pas financées, non plus d'ailleurs que la CMU.

De surcroît, ce projet ne prépare pas l'avenir du pays. Vous ne profitez pas de la croissance pour entreprendre les réformes indispensables. Vous n'avez pas de politique familiale. Bien plus, vous abrogez la loi de 1994 qui prévoyait d'étendre le bénéfice des prestations au-delà des 20 ans des enfants.

Vous n'avez simplifié ni les prestations ni les références, aujourd'hui trop nombreuses et ingérables.

Vous revalorisez les prestations de 0,5 % seulement alors que l'inflation prévue est de 0,9 % : les familles perdront donc bien en pouvoir d'achat.

Alors que les données démographiques connues de tous ont été confirmées par le rapport Charpin et qu'il y a urgence, vous demandez d'attendre. Le fonds de réserve est demeuré virtuel. La revalorisation proposée des retraites, de 0,5 %, signe elle aussi une baisse du pouvoir d'achat des retraités. Vous proposez d'augmenter les cotisations à la CNRACL, ce que les collectivités apprécieront.

Nous souhaitons, nous, conforter les régimes par répartition en accroissant l'autonomie de la CNAV, en créant une caisse de retraite des fonctionnaires gérée paritairement, en harmonisant progressivement des règles appliquées aux divers régimes, enfin en prévoyant une épargne retraite.

Dans le domaine de la santé, votre gestion fondée non sur les besoins de la population mais sur les dépenses de l'année précédente, est essentiellement comptable.

Vous n'améliorez en rien la prévention et l'éducation à la santé alors que notre pays connaît un retard dramatique en la matière.

Vous ne consacrez pas même un seul article aux hôpitaux qui jouent un rôle majeur dans notre système de soins et dont beaucoup, malgré la compétence et le dévouement de leur personnel, connaissent de grandes difficultés.

Mais nos deux reproches majeurs concernent l'étatisation rampante et l'instauration de sanctions collectives par le biais des lettres-clés flottantes.

Vous confiez en apparence la gestion de l'ambulatoire à la CNAM, mais vous l'encadrez strictement et gardez en dernier ressort la main. Dans le même temps, vous conservez les hôpitaux et le médicament, et récupérez les cliniques. Vous renforcez donc l'étatisation du système. Plus grave encore, alors que chacun réclame la fongibilité des enveloppes, vous renforcez les rigidités.

Alors que le dispositif des lettres-clés flottantes, la plus perverse des sanctions collectives, a déjà été censuré par le Conseil constitutionnel l'an passé, vous nous le proposez de nouveau. Nous déférerons donc à nouveau cette loi au juge constitutionnel.

L'UDF réclame un «Grenelle de la santé». Elle est convaincue que la solution réside dans la responsabilisation de chacun des acteurs et surtout dans la régionalisation permettant de conduire une politique de santé de proximité, de mieux adapter l'offre aux besoins, et de développer la prévention.

Désapprouvant le volet recettes de ce projet, notamment le financement ubuesque des 35 heures, l'UDF le rejettera (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF, du groupe DL et du groupe du RPR).

M. Gérard Terrier - Ce projet de loi de financement de la sécurité sociale permettra de renforcer encore la qualité des soins et d'abonder plus largement le fonds de réserve des retraites.

Au terme de ces deux lectures, je tiens à relever plusieurs motifs de satisfaction. D'une part, les comptes de la sécurité sociale seront à l'équilibre en 2000 (Murmures sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL). Chacun, sur tous les bancs, devrait s'en réjouir. Tous les gouvernements successifs, depuis de nombreuses années, appelaient de leurs v_ux ce retour à l'équilibre, indispensable à la pérennité de notre système de protection sociale.

Alors que tous avant lui ont échoué, ce gouvernement y parvient. A lui seul, ce constat devrait recueillir l'approbation de tous.

Deuxième motif de satisfaction : cet équilibre est obtenu sans augmentation des cotisations ni diminution des dépenses de santé. L'ONDAM augmente même de 2,5 % ainsi que vous l'aviez demandé l'an dernier, messieurs de la minorité.

Troisième élément de satisfaction : nous abondons pour la première fois le fonds de réserve des retraites. A la fin de l'exercice pour lequel nous votons ce budget, plus de 20 milliards l'alimenteront. Certes, c'est encore insuffisant mais au moins ce fonds est-il créé et il sera encore alimenté de manière à couvrir les besoins de nos concitoyens.

Enfin, nous poursuivons la réforme de l'assiette des charges patronales, qui avait été amorcée par le basculement des cotisations salariales sur la CSG. C'est une orientation capitale. La substitution du progrès technologique au travail des hommes est une bonne chose, à condition de prendre en considération ses conséquences sur l'emploi et sur son financement.

Ce projet de loi marque un progrès social et économique. La baisse des cotisations patronales sur les bas salaires, facteur de justice sociale, améliorera aussi la compétitivité de nos entreprises, nous aidant ainsi à atteindre l'objectif de plein emploi.

Les familles bénéficient aussi de mesures significatives, telles que le maintien de l'allocation de rentrée scolaire. Notre politique en faveur des familles ne se contente pas de mots !

Bref, ce projet rassurera tous les Français sur les objectifs poursuivis par le Gouvernement. C'est pourquoi le groupe socialiste le votera (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

M. Jean Bardet - Une nouvelle fois, je regrette l'absence du ministre de l'emploi et de la solidarité (Protestations sur les bancs du groupe socialiste). Je comprends votre lassitude mais j'observe que Mme Aubry prend l'habitude de ne pas nous faire l'honneur de participer à nos débats. Cela dit, depuis la volte-face du groupe communiste en première lecture, il n'y a plus de suspense : ce projet de loi sera adopté.

Le groupe RPR votera contre, pour des raisons que nous avons déjà exposées.

Nous dénonçons le financement même indirect des 35 heures par les prestations sociales, par la taxe sur les bénéfices des entreprises, par la taxation des heures supplémentaires, par la taxe sur les activités polluantes, qui devrait servir à la dépollution.

Nous déplorons l'absence de politique familiale à long terme et la non-adaptation de nos régimes de retraite.

L'article 18 du projet aggravé par l'article 57 de la loi de finances risque de porter gravement atteinte au secret médical.

Nous nous opposons aussi à l'abandon de la politique contractuelle lié au fait que, dans les discussions avec les professionnels de santé, la CNAM aura toujours le dernier mot. Et que dire de l'institution de lettres-clés flottantes qui ne sont que la reprise, sous une autre forme, des sanctions collectives ? Nous désapprouvons votre démarche qui consiste à confier la responsabilité de la médecine de ville à la CNAM et celle de l'hospitalisation publique et privée à l'Etat.

Enfin, nous dénonçons la vision strictement économique et comptable de ce PLFSS, puisque l'ONDAM a été fixé après qu'ont été définis des objectifs de recettes, et non des objectifs sanitaires.

Avant de conclure, je déplore le mépris dans lequel l'opposition a été tenue tout au long du débat. Même lorsqu'elle a fait des propositions constructives favorablement accueillies sur les bancs de cette assemblée, le Gouvernement les a repoussées le plus souvent sans même donner le début d'une explication ! La raison en est simple. C'est que, pendant que l'opposition s'exprimait, Mme la ministre de l'emploi soit n'écoutait pas, soit discutait avec les rapporteurs, soit plaisantait avec ses conseillers («Nul» sur plusieurs bancs du groupe socialiste et du groupe communiste).

Je terminerai en insistant sur un aspect beaucoup plus grave de ce projet : il ne relève aucun des défis que nous aurons à affronter au cours des années à venir. Notre système de protection sociale est en danger. Vous vous vantez de résultats proches de l'équilibre, mais vous savez qu'ils sont liés à la reprise économique mondiale. Qu'il y ait une inversion de tendance, et le déficit sera de nouveau là.

Vous n'avez résolu aucun des problèmes majeurs, qu'il s'agisse du chômage, de la famille, des retraites, de la médecine de ville ou des hôpitaux.

Vous créez une médecine à plusieurs vitesses en ouvrant, en catimini, une voie royale aux assurances privées qui s'empressent de rembourser les médicaments que la CNAM ne rembourse pas. Nous voulons, pour notre part, une expérimentation au grand jour limitée dans le temps sans sélection des risques.

Vous portez, Madame la ministre, une lourde responsabilité car, au cours de ce débat, l'opposition vous a posé de vraies questions mais vous n'avez pas voulu l'entendre et encore moins lui répondre (Applaudissements sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL).

M. Jean Pontier - L'objectif de ce projet de loi est à la fois clair et ambitieux, hors d'atteinte, diront les sceptiques, avec un déficit de 4 milliards en 1999. Nous regrettons la non-parution des décrets d'application de la couverture maladie universelle qui doit entrer en vigueur au 1er janvier 2000.

Ce projet est ambitieux, puisqu'il prévoit un excédent du régime général de 2 milliards en 2000, compte tenu des fonds spéciaux destinés au financement des 35 heures et du fonds de réserve pour les retraites. Dans un souci de clarté, il faudra ouvrir ultérieurement le débat sur l'affectation des réserves de la sécurité sociale si ses excédents se révélaient durables.

Ce retour annoncé à une meilleure santé des comptes sociaux devrait vous permettre, Madame la ministre, d'améliorer différents aspects de notre protection sociale. Il s'agit d'abord d'une meilleure régulation de la médecine de ville par les caisses et par les professionnels de santé qui concilie la maîtrise des dépenses de médicaments, de prothèses et d'appareils, avec le maintien des remboursements à un niveau convenable, notamment en ce qui concerne l'optique et la dentisterie.

Deuxièmement, de l'adaptation de l'offre hospitalière aux besoins, notamment grâce à la mise en réseau des établissements de proximité, y compris entre le secteur public et privé à partir des schémas régionaux d'organisation sanitaire.

Troisièmement, de l'amélioration de la sécurité au travail, dont la prise en charge des victimes de l'amiante est un bon exemple, quand bien même un peu tardif, de même que l'éradication du saturnisme et l'information sur le radon.

Quatrièmement, du renforcement de la politique familiale -allocations familiales, complément familial, allocation de parent isolé, allocation parentale d'éducation, allocation de rentrée scolaire, allocation de soutien familial, aide à l'emploi d'assistantes maternelles, allocation pour jeune enfant.

Cinquièmement, de l'adaptation des régimes de retraite par répartition grâce à la constitution d'un fonds de réserve qui atteindra environ 20 milliards en 2001 et une meilleure prise en charge des personnes âgées dépendantes. A cet égard, les modalités d'attribution de la prestation spécifique dépendance, ne sont pas pleinement satisfaisantes.

Sixièmement, il s'agit de l'effort fait pour l'intégration des personnes handicapées par la création des structures adaptées aux besoins et l'application du plan pluriannuel de maisons d'accueil spécialisées pour les adultes.

Septièmement, de la réforme des cotisations patronales assises sur les salaires, afin de favoriser l'emploi.

Si, on peut regretter que le plan de refondation du système de soins de la CNAM n'ait pas donné lieu à une concertation plus approfondie, si on ne peut qu'espérer le déblocage des relations conventionnelles avec les professionnels de santé, si on peut redouter la fin du paritarisme comme l'offensive des assurances privées, on doit, en revanche, se féliciter de ce projet qui conforte la protection sociale.

Son redressement prometteur, s'il est dû en partie à la croissance et à la baisse du chômage, est aussi le fruit des mesures correctrices et des réformes structurelles que le Gouvernement a prises depuis deux ans.

Voilà pourquoi le groupe RCV votera ce projet (Applaudissements sur les bancs du groupe RCV et du groupe socialiste).

M. François Goulard - Assez curieusement, le débat sur ce projet en deuxième lecture a essentiellement porté sur le financement des 35 heures. Cela tient au fait que le Gouvernement impute les dépenses de la politique de l'emploi sur le financement de la sécurité sociale. Ce mélange des genres, difficilement acceptable, nous amène à parler de la fiscalité des entreprises et de la lutte contre la pollution plutôt que du financement de la protection sociale. C'est une infraction grave au principe de l'unité budgétaire qui nuit à la clarté du budget de l'Etat et du budget de la sécurité sociale. Cela est particulièrement regrettable.

Vous mettez en place, pour financer le surcoût considérable des 35 heures -plus de 10 % pour l'ensemble des entreprises !- des allégements de cotisations sociales à la fois insuffisants, conditionnels, partiels et inégalitaires. La charge va peser sur certaines entreprises sans raison valable : c'est notamment le cas de l'agriculture, qui va supporter le poids de la TGAP, alors même que les agriculteurs travaillent souvent deux fois 35 heures par semaine (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF ; protestations sur les bancs du groupe socialiste).

Votre projet n'apporte pas la moindre réponse au lancinant problème des retraites : vous en reportez la solution de débat en débat, de rapport en rapport, vous contentant d'affecter quelques malheureux milliards au fonds de réserve, soit à peine le dixième du déficit prévisible du régime général en 2007.

Sur ce dossier fondamental, la seule bonne réponse, à terme, est d'ordre démographique. Notre système de retraite par répartition, s'il doit être consolidé, est néanmoins inégalitaire : les actifs d'aujourd'hui paient des retraites globalement convenables à d'anciens actifs qui ont, eux, relativement peu cotisé ; ces actifs d'aujourd'hui ne toucheront demain que des retraites indigentes. Il est nécessaire d'introduire le paramètre familial dans le régime des prestations, ne serait-ce que pour corriger l'inégalité subie par les femmes, qui touchent des pensions de réversion particulièrement faibles.

Mais s'il y a un chapitre qui est oublié dans ce texte, c'est bien celui de la politique familiale : les ambitions de la loi de 1994 ont été abandonnées ; vous n'avez strictement aucune politique familiale !

En ce qui concerne l'assurance maladie, à part une hausse considérable des cotisations, le dossier n'a pas avancé depuis trois ans : vous en restez au principe des sanctions collectives, injustes et inapplicables. Qu'elles s'appellent reversement ou lettres-flottantes, elles subiront probablement le même sort devant le juge constitutionnel.

Vous instaurez une scission entre l'assurance maladie et les ARH, entre la médecine de ville et les hôpitaux, alors qu'il faudrait les faire coopérer.

Bref, vous ne vous attaquez pas aux problèmes de fond et confirmez ainsi que la sécurité sociale n'est pas la préoccupation de votre gouvernement et que, décidément, vous préférez le court terme à l'avenir ! (Applaudissements sur les bancs du groupe DL, du groupe UDF et du groupe du RPR)

Mme Jacqueline Fraysse - Ce texte s'inscrit à mi-mandat du Gouvernement de gauche. En 1997, les Français ont exprimé des attentes fortes concernant la protection sociale : nous ne devons pas les décevoir.

A l'issue de la première lecture, nous avions émis des réserves importantes sur le texte proposé. Au Sénat, la droite en a aggravé les insuffisances et a tenté de nous resservir le plan Juppé, qui l'a conduite là où nous savons. On aurait pu penser que des enseignements en auraient été tirés.

Certes, cette année, l'ONDAM a été calculé en fonction des dépenses réalisées et non par rapport à l'ONDAM précédent. Cependant le procédé consistant à imposer des enveloppes sans avoir déterminé les besoins subsiste. Cette logique n'a pas été remise en cause.

Mme la Présidente - Chers collègues, je vous demande d'écouter Mme Fraysse.

Mme Jacqueline Fraysse - Concernant le financement, nous souhaitions une véritable réforme des cotisations patronales, pénalisant les entreprises qui spéculent et licencient et favorisant celles qui créent des emplois.

Nous nous retrouvons avec une augmentation des exonérations et la création de taxes sur les heures supplémentaires et sur les lessives, qui pénaliseront les salariés et les consommateurs. Seule la contribution sur les bénéfices implique les entreprises, mais son taux -0,23 %- est bien trop modeste au regard des sommes brassées par la Bourse.

La nature des recettes ne garantit pas la pérennité du financement de la sécurité sociale et ne permet pas de répondre aux exigences légitimes de la population et des professions concernées. Tous les jours, l'insatisfaction s'exprime, dans les CAF, les hôpitaux comme chez les retraités et les professionnels. Nous sommes nous-mêmes insatisfaits des mesures proposées et des moyens dont disposent les représentants de la nation pour faire évoluer ce projet (Applaudissements sur les bancs du groupe DL).

Le texte voté en première lecture a été rétabli. Nos réserves demeurent. L'augmentation du minimum vieillesse et des pensions de réversion et la reconnaissance des centres de santé ne suffisent pas à apaiser nos craintes, d'autant que le pouvoir d'achat des allocations familiales et des retraites baisse (Applaudissements sur les bancs du groupe DL). Les assurés sociaux ont droit à un système de protection plus efficace : cela exige une réorientation des richesses créées, notamment dans les entreprises, vers l'ensemble des citoyens.

Pour les mêmes raisons qu'en première lecture, nous nous abstiendrons (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste).

Mme la Présidente - Je salue le mérite de Mme Fraysse, qui a parlé dans un brouhaha certainement très pénible pour elle.

Par 272 voix contre 235 sur 538 votants et 507 suffrages exprimés, l'ensemble du projet de loi est adopté.

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RÉDUCTION NÉGOCIÉE DU TEMPS DE TRAVAIL (nouvelle lecture)

Mme la Présidente - J'ai reçu de M. le Premier ministre une lettre m'informant que la commission mixte paritaire n'ayant pu parvenir à l'adoption d'un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi relatif à la réduction négociée du temps de travail, le Gouvernement demande à l'Assemblée de procéder à une nouvelle lecture de ce texte.

Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité - Depuis deux ans le Premier ministre a fait de l'emploi la priorité du Gouvernement et aucune piste n'a été négligée -nous commençons d'ailleurs à en voir les résultats.

En ce qui concerne la réduction du temps de travail, la méthode retenue a été la négociation.

La loi du 13 juin 1998 était un appel à la négociation. Il a été entendu. Plus de 18 000 accords d'entreprise et 112 accords de branche ont été signés, et un tiers des salariés des entreprises comptant plus de 20 salariés sont passés ou vont passer aux 35 heures. Sur de nombreux points, les 50 000 négociateurs ont innové.

La seconde loi poursuit dans le même sens. Le prébilan d'avril et le bilan de mi-septembre, qui en ont constitué la base, ont été examinés avec les organisations patronales et syndicales. J'y insiste, car on a dit à tort qu'il n'y avait pas eu concertation. Avant le conseil des ministres du 28 juillet, nous avons entendu à plusieurs reprises les syndicats, les 50 plus grandes branches professionnelles, le CJO, les experts-comptables, l'ANDCP. Avant la première lecture nous avons discuté de nouveau, parallèlement à la commission, avec les syndicats, le MEDEF et des organisations comme l'UPA qui ont exposé leurs difficultés. Les syndicats ont fait des demandes dont vous avez largement tenu compte dans le texte de première lecture.

Le Sénat n'a tenu compte ni de la concertation ni de la dynamique engendrée par les accords. Le texte qu'il a voté interromprait le processus de réduction du temps de travail. Ainsi il a maintenu le calendrier des aides prévues par la loi du 13 juin 1998 mais en supprimant l'aide structurelle sans rétablir le dispositif de Robien. Il a supprimé l'allégement de charges sociales alors qu'il avait voté une proposition de loi sur ce sujet. C'est peu cohérent. Ce qui l'est plus de sa part, c'est d'avoir fait la part large à la flexibilité et à la précarisation sans garanties ni contreparties pour les salariés, ce qui va à l'encontre de la lettre et de l'esprit des accords. Pour les cadres, je ne peux accepter le renvoi à la négociation de branche. Il faut donc rétablir la loi dans le texte que vous avez voté en première lecture.

Cette seconde loi a pour objectif la réussite des 35 heures, par la négociation entreprise par entreprise. Elle s'appuie sur les accords signés qui, je le répète, sont et seront applicables. 94 accords de branche sont déjà étendus, 23 sont à l'examen et seule une convention se situe hors du cadre de la loi. Je suis ouverte à toute modification qui la rendrait applicable. Seules les clauses exclues des conventions collectives lors de l'extension car elles étaient contraires au droit ne seront pas applicables. Elles concernent par exemple le travail du dimanche, le temps de formation ou le forfait tous horaires.

D'autre part, on peut désormais négocier dans l'accord d'entreprise des dispositions qui jusque-là relèvent de la loi, telle la contrepartie des heures supplémentaires. La loi vise donc à développer encore le dialogue social.

Certains s'inquiètent de quelques conflits en cours, surtout d'ailleurs dans le secteur public, et qui dans certains cas, ont trait aux 35 heures. Il peut aussi arriver qu'on aboutisse à la négociation par le conflit. Il ne faut pas en faire une règle, mais ces cas restent limités. Il est en tout cas essentiel que la loi encadre la négociation. Elle apporte aux salariés comme aux entreprises un certain nombre de garanties. Ainsi la prise en compte de la vie familiale et professionnelle dans l'entreprise est une première.

Certains points ont soulevé des problèmes. Je pense d'abord à la situation des cadres. Ils ne doivent pas être tenus à l'écart de la réduction du temps de travail. Leurs organisations y étaient opposées il y a un an justement car elles craignaient qu'ils ne restent à l'écart. Il fallait saisir l'occasion. Nous avons donc défini trois catégories : les cadres dirigeants, catégorie que vous avez précisée ; les cadres travaillant en équipe, auxquels doit s'appliquer la même réglementation qu'à l'ensemble des salariés ; une catégorie dont la fonction permet mal de déterminer ses horaires ce qui n'empêche pas que lorsque c'est possible, il faille insister pour qu'ils le soient et que tous les contrôles s'appliquent à eux. Pour les autres seulement, qui ont des fonctions spécifiques nous avons accepté le forfait annuel. Nous inventons ainsi la durée maximale annuelle de jours travaillés de 217 jours. Il faudra aller plus loin dans le contrôle et les sanctions. Mais il n'y a pas beaucoup de pays où les cadres supérieurs ont cinq semaines de congé, dix jours fériés et dix à douze jours de repos.

M. François Goulard - On ne vous le fait pas dire.

Mme la Ministre - Alors ne soutenez pas les quelques organisations qui sont venues devant l'Assemblée la semaine dernière. Mais je suis heureuse que les cadres réagissent et que leurs organisations se montrent plus attentives au souhait des jeunes cadres de concilier vie professionnelle et vie familiale. De toute façon, les cadres pourront toujours aller devant les tribunaux faire constater que leur rémunération ne correspond pas au minimum de la convention collective auquel s'ajoutent les heures supplémentaires majorées.

M. Maurice Leroy - Voilà ce qu'on appelle connaître le terrain !

Mme la Ministre - Parfaitement. J'ai justement travaillé dans une entreprise où je gérais les cadres. J'y ai constaté que dans la filiale américaine à 17 heures il n'y avait plus personne dans les bureaux. Puisque vous prenez souvent les Etats-Unis pour modèle, retenez-en aussi ce qui est positif. La diversité des solutions correspond à la diversité des situations. Sur ce sujet comme sur les autres, je souhaite que la réglementation soit appliquée : il est facile d'adopter des dispositions pour se faire plaisir, mais il est temps de passer à un véritable contrôle. «Faire une loi et ne pas la faire exécuter, c'est autoriser la chose même qu'on veut défendre», disait Richelieu. Nous sommes en train d'accomplir une petite révolution en matière de durée du travail des cadres ; je me réjouis que leurs problèmes aient été traités dans 90 % des accords signés.

Des questions ont été posées sur les conditions de travail des salariés ; de nombreux amendements adoptés en première lecture y répondent.

Nous avons souhaité lier les allégements de charges sociales à la réduction de la durée du travail afin qu'ils aient une contrepartie en termes de créations d'emplois. Je me réjouis que vous ayez adopté des amendements qui permettront de faire chaque année un bilan des résultats obtenus.

Ce texte dépasse le cadre de l'entreprise ; il est l'occasion de nous interroger sur l'organisation de la société. Nous devons faire preuve de réalisme, afin que la loi soit appliquée dans toutes les entreprises et pour tous les salariés. Je fais confiance aux organisations syndicales pour veiller à ce que toutes les catégories soient concernées et à ce que les créations d'emplois soient les plus nombreuses possibles. L'analyse des accords signés jusqu'à présent montre que cette confiance est méritée (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe RCV).

M. Gaëtan Gorce - rapporteur de la commission des affaires sociales - En deux ans et demi, l'économie française aura créé près d'un million d'emplois et le taux de chômage aura reculé de plus de deux points. La dynamique engagée laisse penser qu'il pourrait passer au-dessous de 10 % avant la fin de la législature.

Cette évolution ne doit rien au hasard. Elle résulte d'une politique de relance de la consommation et de l'investissement. Elle nous permet d'engager désormais des réformes en profondeur qui commandent le retour au plein emploi : nouvelle politique du marché du travail, prenant mieux en compte les exigences de qualification, de formation et de mobilité professionnelle, nouvelles stratégies locales pour l'emploi, politique des territoires tendant à combler les inégalités, enrichissement de la croissance en emplois. A cet égard, la réduction négociée du temps de travail constitue sans doute la tentative la plus forte de modernisation de nos relations économiques et sociales depuis la Libération, parce qu'elle remet l'emploi au c_ur des politiques économiques, parce qu'elle s'appuie sur la négociation collective et parce qu'elle ouvre la voie à une société du temps libéré, facteur d'épanouissement personnel mais aussi de développement d'activités nouvelles.

Je vous proposerai de rétablir, pour l'essentiel, le texte que nous avons voté en première lecture. Nous étions en effet parvenus à un équilibre entre la prise en compte des contraintes des entreprises, les aspirations des salariés et l'objectif prioritaire de création d'emplois.

Nous ne partageons pas les conceptions du Sénat sur la réduction du temps de travail, et peut être moins encore sur la négociation et le droit du travail. Je ne peux d'ailleurs m'empêcher de mettre en relation les dispositions qu'il a votées avec les amendements déposés par nos collègues de l'opposition, allant le plus souvent dans le sens d'une plus grande flexibilité et d'un affaiblissement des droits des salariés.

Le Sénat n'a pas hésité à supprimer les garanties apportées aux salariés en matière de calcul du temps de travail effectif, d'équivalence ou d'astreinte. S'agissant du temps partiel, il a rejeté le progrès que constituait la mise en place d'un délai de prévenance de sept jours en cas de modification de la répartition de la durée du travail. Il a également supprimé le droit reconnu aux salariés de refuser cette modification, notamment lorsqu'il pouvaient faire valoir des obligations familiales impérieuses. Il a supprimé toute rémunération des heures complémentaires. Contredisant ses propres déclarations, il a écarté les propositions visant à faciliter le passage du temps partiel au temps plein et vice versa, c'est-à-dire le temps partiel choisi. Concernant les cadres, il a posé le principe d'une dérogation systématique au droit commun du temps de travail. Enfin, il a exprimé une curieuse conception de la négociation, dont il chante pourtant les vertus, en permettant au chef d'entreprise de déroger unilatéralement aux minima horaires et hebdomadaires. Les discours sur l'esprit d'initiative, la simplification des procédures, le primat de la négociation ne servent que d'alibi à une vision passéiste des relations de travail.

Les articles 8 et 12 bis ont été votés conformes. Pour le reste, je vous propose de rétablir le texte de l'Assemblée nationale, sous réserve de quelques modifications mineures et d'une rédaction nouvelle de l'alinéa de l'article L.212-4 relatif au temps d'habillage et de déshabillage. A cet égard, notre préoccupation a été de prendre en compte la spécificité de certains secteurs, sans rien retrancher des acquis, et d'introduire l'exigence d'une contrepartie -financière ou en repos- lorsque ces temps ne sont pas assimilés à du temps de travail effectif. Enfin, je vous proposerai de reprendre une disposition du Sénat relative aux conséquences financières pour les établissements sociaux et médico-sociaux de la jurisprudence de la Cour de cassation relative au régime d'équivalence. S'agissant des cadres, nous avons le souci, tout en respectant le principe du forfait-jour, d'éviter qu'il puisse être appliqué de façon abusive.

Il s'agit bien de nous prononcer sur une loi relative à la réduction négociée du temps de travail. Une partie de l'opposition considérant en effet avec nous que la RTT est créatrice d'emplois, le débat ne porte plus que sur la place faite respectivement à la loi et à la négociation.

L'opposition et le président du MEDEF prétendent que la deuxième loi ne respecterait pas les accords de branche ou d'entreprise déjà signés. Curieux paradoxe qui voudrait qu'une loi qui a déclenché un mouvement de négociation sans précédent n'ait d'autre objet que de venir aussitôt en contredire les conclusions... La première loi a enclenché un processus de négociation, qui elle-même a inspiré la seconde loi dont nous débattons, laquelle renvoie également à la négociation la mise en _uvre de ses principales dispositions.

Ce projet, comme nous nous y étions engagés, valide des innovations utiles mais qui ne reposaient jusqu'alors sur aucun support juridique. Il en va ainsi de la réduction du temps de travail sous forme de jours, des nouvelles modalités d'alimentation du compte épargne-temps, de la modulation individualisée des horaires, de la possibilité d'organiser des actions de formation, du décompte annuel pour les cadres. A l'inverse, le Sénat a voté un amendement qui, s'il était confirmé, contraindrait à renégocier les accords comportant des clauses non conformes à l'état du droit à la date de leur signature... La loi respecte ainsi la parole donnée aux partenaires sociaux comme les accords passés entre partenaires sociaux.

On nous reproche d'avoir méconnu la volonté des partenaires sociaux de relever le contingent libre d'heures supplémentaires, à savoir celui en deçà duquel les entreprises peuvent recourir aux heures supplémentaires sans avoir à en référer à l'inspecteur du travail, fixé depuis 1982 à 130 heures. Le second contingent est celui au-delà auquel le recours aux heures supplémentaires est soumis à l'autorisation de l'inspection du travail et qui, pour chaque heure au-delà des 130, donne lieu à un repos compensateur de 100 %. Si le droit permet à une convention collective ou à un accord de branche d'élever le seuil du contingent libre en deçà duquel l'accord de l'inspecteur du travail n'est pas requis, il ne permet en aucune manière une dérogation à la règle de repos compensateur dès la 131 ème heure. Le projet ne modifie en rien cette règle, directement issue de la négociation au début des années 80.

Les organisations syndicales ont d'ailleurs rappelé qu'elles ne s'étaient engagées que sous réserve du respect de ce dispositif. Ne sont écartées, en fin de compte, que les clauses, peu nombreuses, qui sont contraires à l'ordre public social, qu'il s'agisse du repos compensateur, du travail du dimanche ou du forfait tous horaires - c'est bien le moins ! Aussi les critiques faites à la loi sur ce point sont-elles entièrement dépourvues de fondement, et l'on peut même se demander s'il ne s'agit pas d'un prétexte.

Ne nous y trompons pas : nous assistons à une dérive politique et idéologique du MEDEF, engagé dans une tentative de déstabilisation consciente et systématique de notre système de relations sociales, que l'un des vice-présidents de cette organisation vient d'ailleurs de théoriser dans la revue Commentaire. Il s'agit d'abord de saper les fondements mêmes de notre droit social en récusant la vocation de la loi à en garantir le progrès et l'équilibre ; il s'agit ensuite, en remettant en cause la gestion paritaire des organismes de sécurité sociale, d'ouvrir la voie à la création d'un système d'assurance privée. L'approche du président du MEDEF repose sur l'idée que notre économie, soumise à la mondialisation, ne peut rester efficace qu'en s'affranchissant des règles de droit et de protection sociale héritées des quarante dernières années. Pour notre part, nous refusons de séparer progrès économique et progrès social et d'admettre que la compétitivité économique repose sur la régression sociale.

Le MEDEF propose une «nouvelle Constitution sociale», de la définition de laquelle la nation et ses représentants seraient exclus, une sorte de néo-corporatisme où entreprises et salariés fixeraient eux-mêmes les règles qui leur seraient applicables et les financements qui leur seraient nécessaires. Je n'insisterai pas sur le paradoxe selon lequel cet hymne à la négociation est lancé par ceux-là mêmes qui la récusent aujourd'hui pour l'UNEDIC comme pour les 35 heures, ni sur celui qui veut que des représentants patronaux issus de la fonction publique ou des grandes institutions se fassent les chantres de la libre entreprise et de l'esprit d'initiative. Je préfère parler de l'avenir de notre système de relations sociales.

Notre choix est celui d'une société contractuelle, celui de la négociation - impulsée, confortée et encadrée par la loi - comme vecteur de la modernisation économique et sociale. La réduction du temps de travail en fournit l'illustration, qui appelle à revoir l'organisation du travail au sein de l'entreprise, la répartition des effectifs, le rôle de la hiérarchie, l'évolution des salaires, le partage des gains de productivité. Elle suppose de reconsidérer la légitimité et la représentativité des acteurs, et pas seulement des organisations de salariés. Si la notion d'accord majoritaire apporte une première réponse, le renforcement de la représentation du personnel et de la présence syndicale dans les entreprises devrait être la première étape de notre réflexion. La négociation, enfin, est indissociable du dialogue interprofessionnel et de l'intervention de la loi, si l'on veut mettre en perspective des revendications et des contraintes vécues différemment selon les entreprises ou les catégories de salariés. La modernité n'est pas du côté de ceux qui nient la complexité des enjeux et masquent mal, ce faisant, leur refus du changement.

Avons-nous raison de vouloir favoriser la dynamique du dialogue et de la négociation, de vouloir remettre au c_ur du débat social la question du partage des gains de productivité, de vouloir bâtir un nouveau droit du travail qui fasse du progrès économique le support du progrès social, de refuser de céder aux oukazes d'une organisation patronale qui cherche à jouer un rôle politique ? Nous sommes une majorité, ici et dans le pays, à penser que oui ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe RCV)

M. Jean Le Garrec, président de la commission des affaires sociales - Je crains que nous ayons quelque mal, par ces débats forcément répétitifs, à nous convaincre les uns les autres, mais je fais confiance au temps pour arbitrer nos divergences. La qualité des interventions du Gouvernement et du rapporteur me permettra de m'en tenir à cinq réflexions rapides.

En premier lieu, je rappellerai trois évidences économiques. Le chômage n'est pas seulement conjoncturel, mais aussi structurel, chacun le sait même s'il n'en tire pas toujours les conséquences. La «destruction créatrice» théorisée par Schumpeter est devenue de plus en plus destructrice et de moins en moins créatrice. Pour réduire d'une unité le nombre des chômeurs, il faut créer deux emplois. Tels sont les trois principes qu'il faut garder en permanence à l'esprit, d'où la nécessité d'agir, pour lutter contre le chômage, sur toute une série de leviers : croissance, emplois-jeunes, lutte contre l'exclusion, ARPE, aide à la création, etc. Comme l'a écrit l'OCDE, l'an dernier, dans un document très intéressant, le développement durable ne peut être la simple addition de données macro-économiques favorables : il doit considérer l'homme dans son double rapport à la société et à l'environnement, et ne pas perdre de vue le fait que la destruction n'est plus aussi créatrice qu'elle l'était dans les années soixante et soixante-dix. Tout le reste est épiphénomène.

Ma deuxième réflexion a trait à la nécessité de soutenir les chefs d'entreprise, car je ne confonds pas les interventions d'un certain patronat dans le champ du politique avec l'attitude de la plupart des chefs d'entreprise, qui sont légalistes et qu'il faut simplement aider à passer ce cap délicat. A ce titre, les statistiques sont intéressantes : on recense, en un an, 14 000 demandes d'appui-conseil et plus de 1000 interventions, dont le bilan d'ensemble est positif. La réduction du temps de travail sera un vecteur essentiel du développement durable, et c'est ne pas connaître les entreprises que de refuser de le voir ; il est vrai que cela suppose un autre regard, regard qu'un patron de PME n'a pas toujours le temps d'avoir (Interruptions sur les bancs du groupe UDF).

Ma troisième réflexion porte sur l'évolution nécessaire du rapport de l'homme au travail. On parle de plus en plus de polyvalence, on voit resurgir la notion d'enrichissement des tâches, mais prenons garde à ne pas laisser l'intensité du travail s'aggraver, ainsi qu'à ne pas favoriser le développement du «travail pauvre». Nous devons garder ce souci en tête lorsque nous posons le problème de la baisse des charges sur les bas salaires.

Ma quatrième préoccupation a été longuement développée par le rapporteur : c'est l'élargissement du dialogue social. Pour ma part, je trouve profondément hypocrite le discours qui consiste à déplorer l'atonie du dialogue social et l'intervention croissante de l'Etat et de la loi, tout en refusant de voir la révolution tranquille que constitue la réduction du temps de travail. Les négociations en cours font remonter de nombreux problèmes enfouis, qui ne sont pas tous liés, tant s'en faut, à la réduction du temps de travail, et le mouvement qui s'amorce chez les cadres est très significatif. Ce n'est pas d'aujourd'hui, en effet, que leurs conditions de travail se dégradent, que leur position dans l'entreprise se fragilise, que leurs compétences sont sous-utilisées, que l'on pratique à leur égard la politique du «kleenex» à l'approche de la cinquantaine - ce sont d'ailleurs les mêmes qui licencient les salariés qu'ils trouvent trop âgés et qui prônent l'allongement de la durée du travail pour financer les retraites...

Ne croyons surtout pas que nous pourrons surmonter ces difficultés par la seule vertu de la loi : celle-ci doit se borner à poser les garanties et les garde-fous indispensables. Les organisations syndicales sont prêtes à jouer le jeu, plus encore que nous ne pouvions l'imaginer il y a peu. Quelque chose est en train de se passer, qui débordera le MEDEF. Celui-ci ne pourra tenir longtemps sur ses positions actuelles, à proposer une «Constitution sociale» qui relève des représentants de la nation, ou à faire croire qu'il veut négocier tout en prenant le paritarisme en otage. Les masques vont tomber, le Parlement jouera son rôle et prendra des initiatives si nécessaire.

Cinquième et dernière réflexion : l'essentiel est dans le suivi de l'application du texte.

Jamais projet de loi n'aura donné lieu à un tel travail de réflexion préalable : déjà le débat sur la loi d'incitation avait donné lieu à des échanges fructueux, puis ont suivi les deux rapports préalables de M. Gorce, sans parler de la multitude de contacts pris avec les organisations syndicales, patronales et les chefs d'entreprise. Je proposerai à la commission, au-delà du questionnaire habituel établi chaque année, d'assurer de la même façon le suivi du texte et d'en faire rapport devant ses membres. En effet, inévitablement, des difficultés surgiront (Murmures sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL). Il importera que nous soyons à l'écoute.

Mme la Présidente - Veuillez conclure, je vous prie.

M. le Président de la commission - Devant la gravité des problèmes actuels, rien ne serait pire que l'abandon de la volonté politique d'y faire face -et ce n'est pas moi qui ai le premier parlé de la «fracture sociale». Madame la ministre, c'est cette volonté que vous incarnez et que nous soutenons (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

La suite du débat est renvoyée à la prochaine séance.

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FIN DE LA MISSION D'UN DÉPUTÉ

Mme la Présidente - Par lettre du 26 novembre 1999, M. le Premier ministre m'a informée que la mission temporaire précédemment confiée à M. François Patriat, député de la Côte-d'Or, avait pris fin le 18 novembre 1999.

Prochaine séance ce soir, à 21 heures.

La séance est levée à 19 heures 30.

                      Le Directeur du service
                      des comptes rendus analytiques,

                      Jacques BOUFFIER


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