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Session ordinaire de 1999-2000 - 41ème jour de séance, 97ème séance

1ÈRE SÉANCE DU JEUDI 16 DÉCEMBRE 1999

PRÉSIDENCE de M. Raymond FORNI

vice-président

Sommaire

          CHAÎNE PARLEMENTAIRE 2

          ARTICLE PREMIER 13

          ART. 2 14

          EXPLICATIONS DE VOTE 21

La séance est ouverte à neuf heures.

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        CHAÎNE PARLEMENTAIRE

L'ordre du jour appelle la discussion de la proposition de loi de M. Laurent Fabius portant création de la chaîne parlementaire.

M. Didier Mathus, rapporteur de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales - Nous sommes saisis d'une proposition du Président de notre Assemblée, portant création d'une chaîne parlementaire. Un texte identique a été déposé par M. Poncelet au Sénat. Depuis 1992, l'Assemblée nationale et la Haute assemblée envisageaient de réaliser, ensemble, une chaîne parlementaire et civique. Après plusieurs ébauches, après de longues négociations, un accord a été conclu entre les bureaux des deux assemblées. Ainsi pourra être créée une chaîne qui garantira la présentation d'un programme de service public respectant le pluralisme des groupes politiques et, dans la forme, la spécificité des deux assemblées et l'autonomie du Parlement.

Cette proposition répond à une nécessité démocratique maintes fois soulignée. Le Parlement doit se doter de moyens de communication modernes pour remédier à la méconnaissance des citoyens sur ses travaux, pour combattre les idées reçues. D'après un sondage récent, 60 % des Français estiment que leurs élus sont corrompus ! Cette statistique infamante ne peut que blesser profondément tous ceux qui, comme vous et moi, se sont engagés dans la vie politique parce qu'ils considéraient que c'était la plus noble des tâches.

La France n'est pas la seule à s'engager dans cette voie. Au Canada, en Grande-Bretagne et aux Etats-Unis, nations pionnières en ce domaine, le succès est déjà patent. C'est particulièrement le cas pour la chaîne américaine C-SPAN, financée par une taxe prélevée sur les câblo-opérateurs et qui dispose d'un budget annuel de 28 millions de dollars. Son audience atteint parfois 30 % des téléspectateurs.

D'autres expériences ont été menées, avec des réussites variables, en Allemagne, au Danemark, en Suède, en Australie, en Inde et en Corée du Sud. En Italie et en Belgique, les projets ont dû être remis sur le métier.

La proposition de chaîne parlementaire est l'aboutissement d'une réflexion engagée en 1992. Dès 1994, une modification législative permettait aux Assemblées de produire et de diffuser des programmes sous l'autorité de leur bureau respectif. En 1997, le projet Douste-Blazy, qui prévoyait de nouvelles dispositions, est resté lettre morte en raison d'une dissolution dont l'actuelle majorité n'est pas responsable (Murmures sur divers bancs). En octobre 1993, Canal Assemblée nationale voit le jour, et le Parlement se dote de moyens techniques importants.

Il s'agit aujourd'hui, de franchir un cap, en créant une véritable chaîne thématique. Souhaitons-nous, ou non, que les travaux du Parlement soient mieux connus ?

Après six années de discussions difficiles avec le Sénat, la proposition présentée aujourd'hui entérine l'accord conclu, qui prévoit une structure simple. La chaîne parlementaire sera composée de deux sociétés de programmes indépendantes, placées l'une et l'autre sous l'autorité des bureaux. Leurs relations seront organisées par une convention approuvée par les deux bureaux. Un conseil de surveillance, composé de six députés et de six sénateurs représentant tous les groupes, des Présidents des deux assemblées et des deux présidents des sociétés de programmes arbitrera les difficultés éventuelles.

Afin de garantir le respect du principe constitutionnel de séparation des pouvoirs et l'autonomie des assemblées, la chaîne ne sera pas soumise à l'autorité du CSA. Il appartiendra donc aux bureaux et au conseil de surveillance d'édicter les règles qui s'imposeront aux sociétés de programme. Les procédures qui garantissent les droits de l'opposition, dont le Parlement, et notamment l'Assemblée nationale, a une grande habitude, seront naturellement scrupuleusement respectées : il en va de la crédibilité de la chaîne.

Les sociétés de programmes seront soumises au contrôle financier des questeurs et aux commissions spéciales chargées de la vérification des comptes.

Enfin, la proposition institue l'obligation de reprise gratuite des programmes pour tous les opérateurs de bouquets, qu'il s'agisse de câble ou de satellite. Selon ce principe, dit du must carry, la reprise doit être gratuite tant pour la chaîne que pour l'abonné.

Outre la retransmission des débats, la chaîne de l'Assemblée devrait programmer un journal, une revue de presse, une synthèse des travaux quotidiens, ou encore des séquences de l'histoire parlementaire, en partenariat avec d'autres institutions ou de grands services publics.

La chaîne disposera des moyens techniques existants, qui sont loin d'être négligeables. Le budget de la société de programmes de l'Assemblée sera d'environ 25 millions, budget économe pour une chaîne thématique : à titre de comparaison, le budget de Paris Première s'élève à quelque 100 millions. Ces crédits serrés devraient toutefois permettre de produire et de diffuser des informations de bonne qualité, avec un effectif, réduit, de vingt personnes, dont une dizaine de journalistes.

L'audience potentielle est estimée à 20 % des foyers français, soit 9 millions de téléspectateurs. Mais si elle était reprise dans un multiplex hertzien, la chaîne parlementaire pourrait toucher tous les foyers équipés d'un téléviseur.

Les instances des deux assemblées ont été informées régulièrement depuis que le projet de M. Douste-Blazy fut interrompu par la dissolution. Dès septembre 1997, le Président de l'Assemblée nationale a reçu mandat du bureau pour poursuivre les discussions avec le Sénat. Celles-ci, longues et difficiles, n'ont abouti que cet automne. Le bureau en a été informé à deux reprises. Il a notamment entendu longuement le président de la chaîne parlementaire-Assemblée nationale, Ivan Levaï, qu'il a désigné sur proposition de l'Assemblée. Ce dernier s'est également exprimer hier devant la commission des affaires culturelles.

M. Patrice Martin-Lalande - Oui, hier soir à 19 heures 30 !

M. le Rapporteur - L'information a été complète. La seule question est maintenant de savoir si nous voulons ou non une chaîne parlementaire afin de faire connaître à nos concitoyens les travaux du Parlement (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

M. Daniel Vaillant, ministre des relations avec le Parlement - Le Parlement est un lieu de parole, une instance de débat, un forum. Il doit être transparent et encourager la participation des citoyens au débat politique. Les médias doivent, quant à eux, contribuer à créer un lien plus étroit entre les élus et les citoyens, élargir le forum au-delà de l'enceinte du Parlement. Une presse politique et parlementaire libre, un Parlement transparent sont tous deux nécessaires dans une démocratie moderne.

Le gouvernement de Lionel Jospin, qui s'attache à replacer le Parlement au c_ur de la crise politique, entend ainsi combler le fossé qui s'est peu à peu creusé entre les élus et les citoyens. La création d'une chaîne parlementaire appuiera la revalorisation du Parlement entreprise depuis 1997. Cette chaîne doit le rendre plus accessible en même temps qu'elle contribuera à former les citoyens au débat public.

La transparence de la vie parlementaire est aujourd'hui plus nécessaire que jamais. N'oublions pas qu'il s'agit d'une conquête de la Révolution : Louis XVI dut renoncer à son projet de faire débattre les Etats Généraux à huis clos. La publicité des séances n'a toutefois de portée que si le droit du public d'assister aux séances s'accompagne de l'établissement d'un compte rendu officiel des débats, à la disposition de tous. L'administration de nos assemblées prit ainsi naissance dans le corps des secrétaires chargés par le décret du 28 fructidor an III de rédiger ce compte rendu, sommaire à l'origine, qui s'étoffa peu à peu. A l'écrit s'est ensuite ajouté l'audiovisuel. Dès le 23 mars 1956, la télévision filme l'entrée en séance du Président de l'Assemblée et le premier quart d'heure de séance. En janvier 1957, des équipements techniques de retransmission sont installés, mais il faudra néanmoins attendre 1982 pour que les questions au Gouvernement soient diffusées en direct sur France3 et octobre 1993 pour que Canal Assemblée nationale retransmette, en direct ou en différé, l'intégralité des débats en séance publique, suivi par le Sénat en avril 1996. Les deux assemblées se partagent, depuis, le temps d'antenne de Canal Assemblée, diffusé en clair sur le câble et les deux bouquets TPS et Canal satellite.

Une nouvelle étape, nécessaire et attendue, est franchie aujourd'hui avec la création d'une chaîne parlementaire.

Cette chaîne sera citoyenne. Au-delà de la simple retransmission des débats parlementaires, en séance publique ou en commission, elle dispensera aux citoyens une large information et une formation à la vie publique. Ses programmes seront élaborés par des sociétés indépendantes, le cas échéant, avec des partenariats ou des parrainages éclairant les travaux des assemblées.

La chaîne parlementaire sera indépendante : elle ne sera pas soumise à l'autorité du CSA. Il y va du respect du principe constitutionnel de séparation des pouvoirs. Cette autonomie a d'ailleurs été affirmée dès la loi du 1er février 1994 qui a posé les fondements juridiques de Canal Assemblée. La chaîne fera néanmoins partie du service public de l'audiovisuel qui continuera de retransmettre les questions au Gouvernement. Elle sera diffusée gratuitement par tous les opérateurs du câble et du satellite afin de lui donner l'audience la plus large. Les bureaux des deux assemblées veilleront à ce qu'elle respecte les principes du droit de l'audiovisuel et un conseil de surveillance, composé à parité de députés et de sénateurs, contrôlera son organisation. Ce Conseil aura également compétence pour statuer sur les litiges éventuels concernant la répartition du temps d'antenne -parité entre les deux assemblées et respect du pluralisme des groupes parlementaires. La chaîne devra enfin respecter les principes s'imposant aux chaînes thématiques tout comme le code des marchés publics, que pourront appliquer avec certaines adaptations les bureaux des assemblées, comme l'a reconnu le Conseil d'Etat le 5 mars 1999.

Enfin, cette chaîne parlementaire disposera d'un statut juridique original exigeant de modifier la loi du 30 septembre 1986. Ce statut devra concilier la liberté éditoriale de la chaîne et le droit commun des sociétés : pour cela, la chaîne sera constituée de deux sociétés anonymes. La formule du GIP envisagée dans le projet du précédent gouvernement s'est en effet révélée inadaptée.

Le Gouvernement salue cette initiative parlementaire. Il approuve la proposition de loi présentée par les Présidents des deux assemblées -je tiens à saluer la présence dans l'hémicycle du Président Fabius- qui ont réussi à sortir le projet de son enlisement. Il s'en remet à la sagesse de l'Assemblée pour les amendements déposés par le rapporteur.

La chaîne parlementaire commencera de diffuser le 1er janvier 2000. A titre personnel, je souhaite bonne chance à l'équipe qui l'animera (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe communiste).

M. Marcel Rogemont - Enfin ! Enfin, nous sommes saisis d'une proposition de loi portant création d'une chaîne parlementaire. Depuis la loi de 1993 sur l'audiovisuel, qui autorisait une chaîne parlementaire, les présidents successifs de l'Assemblée nationale et du Sénat se sont essayés à présenter ensemble un texte. En est né, timide initiative Canal Assemblée qui ne remplit toutefois pas la mission souhaitée.

Le travail de ces présidents successifs, que je remercie, n'a pas été vain. Il a servi à bâtir peu à peu l'accord intervenu entre l'Assemblée nationale et le Sénat sur la création ensemble d'une chaîne parlementaire. Il faut aujourd'hui saluer cette victoire. Cette victoire est celle de ces présidents successifs comme celle des Présidents actuels de l'Assemblée nationale et du Sénat, ainsi que des bureaux des deux assemblées.

La télévision est un média culte qui entretient avec les politiques des relations complexes, subtiles et multiples, au point que l'on avait fini par penser que l'on n'y arriverait jamais. Nous y sommes : il faut s'en féliciter.

Une chaîne parlementaire est-elle nécessaire ? Assurément. Il y a place pour une chaîne permettant de mieux suivre les débats de notre assemblée, de mieux les comprendre, de montrer ce qu'est réellement le travail parlementaire.

Il y a place pour un média qui permettra de tisser une relation plus étroite entre les députés, les sénateurs et les citoyens de notre pays, et plus largement entre ces derniers et nos institutions.

Nos concitoyens n'ont que deux images du travail parlementaire : soit un hémicycle turbulent des questions d'actualité, soit un hémicycle clairsemé lors de l'examen des textes. Ces images fugaces laissent à penser que le député ne travaille que lorsqu'il est dans l'hémicycle ou encore qu'il ne vient à Paris que pour se montrer à la télévision lors des questions d'actualité.

La réalité du travail parlementaire n'est pas celle-là. Et si la chaîne avait pour seule ambition de montrer ce qu'elle est elle vaudrait déjà le coup. Mais la chaîne s'ouvrira aussi aux collectivités territoriales et aux grandes institutions comme la Cour des comptes ou le Conseil économique et social. Il s'agira d'une chaîne critique, essayant de toucher l'ensemble des publics. Elle devra notamment s'ouvrir, utile complément, à leur instruction civique.

Une chaîne parlementaire serait-elle une lubie franco-française ? Non, il en existe d'autres à travers le monde, et certaines, de qualité, remplissent une réelle mission de service public. Notre chaîne pourra bénéficier de ces expériences.

Avons-nous maintenant les moyens de nos ambitions ? Si des incertitudes pouvaient subsister sur la ligne éditoriale avant la réunion de la commission hier après-midi, la sincérité, le professionnalisme, la fougue, le sérieux, l'ambition de M. Ivan Levaï les a levées. Je crois aussi pouvoir dire, sans l'avoir entendu, qu'il en est de même de M. Elkabbach. Dès lors la chaîne parlementaire a donné rendez-vous à des personnes au professionnalisme reconnu et dispose des moyens humains d'une ambition.

Reste la question de l'organisation, de l'équilibre politique, notamment en période électorale. A-t-on définitivement réglé ces questions ? Outre que les deux sociétés seront sous la responsabilité des bureaux des assemblées et donc de nos groupes parlementaires, la loi instaure un conseil de surveillance, composé notamment d'un membre par groupe politique de chaque assemblée (Interruptions sur les bancs du groupe du RPR). Pourquoi ne pas faire confiance aux collègues qui nous représentent ?

M. Robert Pandraud - Ça va bloquer la vie politique !

M. Marcel Rogemont - A ma connaissance, l'Assemblée ne fonctionne pas si mal que cela ! L'entrée d'une télévision « intelligente » dans notre vie parlementaire est-elle susceptible de transformer notre institution ? Pas fondamentalement. Les bandes retraçant les débats de nos commissions dans la salle Lamartine montrent que nos travaux ne sont guère affectés par la présence de la télévision. En revanche, il est clair que l'entrée d'une télévision intelligente dans notre vie parlementaire rendra plus intelligible notre démocratie représentative. Là est le défi que nous relevons avec cette proposition.

Le groupe socialiste est déterminé à relever ce défi et appelle à voter, aux côté du Sénat notamment, pour la création de la chaîne parlementaire (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

M. Patrice Martin-Lalande - Le rapport de notre collègue Didier Mathus est, curieusement, placé sous les auspices de Robespierre... Ce n'est pas pour nous rassurer quand il s'agit de liberté parlementaire et de liberté d'expression (Applaudissements sur les bancs du groupe du RPR et du groupe UDF). Votre projet non plus d'ailleurs, dans son état actuel.

Nul, sur ces bancs, ne s'oppose au projet même d'une chaîne parlementaire. Le groupe RPR s'honore du travail effectué par Philippe Séguin, à la présidence de notre assemblée de 1993 à 1997, sur ce dossier.

Le projet qu'il proposait et la personnalité même du Président de l'Assemblée nationale de l'époque, toujours attentif aux droits de l'opposition, apportaient toutes les garanties. Cela n'a pas empêché l'opposition, représentée alors par Didier Mathus, aujourd'hui notre rapporteur, de s'élever contre les conditions de la création de cette chaîne. Elle aurait dû, disait-il « faire l'objet d'un conventionnement avec le CSA ». Il s'étonnait d'apprendre, « dans des conditions ahurissantes », la nomination pour cette chaîne d'un patron proche de la majorité, sans consultation de l'opposition...

M. Bernard Accoyer - L'histoire se répète !

M. Patrice Martin-Lalande - Enfin, il souhaitait que cette chaîne voie le jour dans le consensus, après le travail d'une commission ad hoc où tous les groupes seraient représentés.

En 1997, ces craintes se fondaient sur des a priori et des blocages politiques.

Pour notre part, quelle que soit la majorité en place, nous sommes favorables à la création d'une chaîne parlementaire.

Il est temps que notre Parlement, qui souffre d'une image parfois brouillée dans notre pays, se dote, après d'autres grandes démocraties, d'une chaîne.

Comme nous aurions aimé être associés à l'élaboration de ce projet, y apporter nos idées et nos suggestions !

Alors, nous aurions pu le voter, et manifester le consensus indispensable pour que la chaîne parlementaire soit vraiment celle de toute notre assemblée.

Comment pourrait-il en être autrement ? La chaîne parlementaire doit en effet être le porte-voix de notre assemblée et faire connaître nos travaux partout, dans le pays et au-delà, sans les déformer. Elle doit nous présenter tels que nous sommes, et non pas tels que nous voient ou voudraient nous voir des personnes dont nous ne mettons en cause ni le talent ni la bonne volonté.

Malheureusement, la méthode que le Président de l'Assemblée nationale a choisie ne nous donne, à ce jour, aucune garantie.

Nos questions sont restées malheureusement sans réponse.

La puissance de l'audiovisuel est telle que le principe de précaution doit être scrupuleusement respecté puisqu'il ne s'agira plus de retransmettre l'intégrité de nos travaux, mais de produire des programmes sur des sujets d'actualité, c'est-à-dire des sujets brûlants et qui font, comme il est normal en démocratie, l'objet de divergences entre nous.

La question de l'impartialité de la ligne éditoriale et celle du respect de tous les députés, singulièrement le respect des droits de l'opposition, devient centrale. Sans doute n'est-elle pas facile à résoudre, encore aurait-il fallu la poser dans la transparence.

On nous parle beaucoup du Sénat, qui agirait de concert avec notre assemblée. Or il a choisi une méthode très différente.

A une démarche personnelle, le Sénat a préféré un texte cosigné par un vice-président du bureau chargé de la communication. Je vous rappelle d'ailleurs qu'en 1997, le Président Séguin avait associé notre collègue Claude Gaillard, alors vice-président de notre assemblée et président de la délégation chargée de la communication. Aujourd'hui, la délégation n'a pas été saisie et notre collègue Cochet n'a rien eu à cosigner.

D'un côté une démarche personnelle, de l'autre un travail en équipe. Le bureau de l'Assemblée n'a pas non plus été informé des conventions si importantes qui uniront l'Assemblée et le Sénat et l'Assemblée et la société de programmes. Au Sénat, cette information a eu lieu une semaine avant la séance plénière.

Aujourd'hui même, alors que nous examinons la proposition de loi, nous ne connaissons pas la convention. Le bureau non plus.

M. Bernard Accoyer - Incroyable mais vrai !

M. Patrice Martin-Lalande - Les questions précises que les représentants de l'opposition au bureau ont posées lors de la réunion du 6 octobre sont restées sans réponse.

M. Laurent Fabius - C'est faux !

Mme Nicole Feidt - C'est tout à fait faux !

M. Patrice Martin-Lalande - On l'a constaté hier encore en commission, les questions concernant la ligne éditoriale, le statut des journalistes, le financement, le respect de l'opposition etc. n'ont pas reçu une réponse précise. Même la nature juridique de la chaîne n'est pas clairement définie. Le conseil de surveillance n'aura qu'un rôle d'arbitrage entre les deux sociétés. Pour le reste, le droit commun des sociétés anonymes s'appliquera-t-il ? les conseils d'administration comporteront-ils d'autres membres que les parlementaires ? Faire des conventions annuelles avec les assemblées des « cahiers des charges » nous semble un mélange des genres. Examiner la proposition de loi sans connaître le texte des statuts des deux sociétés anonymes et des conventions avec les assemblées n'a guère de sens et revient à donner un chèque en blanc.

Les parlementaires ne cessent de critiquer le fait de voter des lois sans connaître les textes d'application. Dans ce cas, l'Assemblée avait toute latitude pour informer ses membres. Nous ne voyons aucune raison d'accepter ce traitement cavalier !

Compte tenu de toutes ces lacunes, le groupe RPR regrette de ne pouvoir voter ce texte en l'état et demande qu'il soit revu (Applaudissements sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL).

M. Pierre Goldberg - Depuis plusieurs années, le projet de création d'une chaîne parlementaire a fait l'objet de nombreuses propositions. Le débat d'aujourd'hui démontre que cette idée a fait son chemin

Cependant, on peut se demander la raison d'une telle précipitation pour en décider.

M. Bernard Accoyer - Bonne question !

M. Pierre Goldberg - Nous sommes, pour notre part, acquis au principe tant il est vrai que la télévision, avec les autres supports de la communication, fabrique l'information autant qu'elle la fait circuler.

Depuis les années 1950, la télévision a pénétré partout. L'information a connu un développement remarquable. Mais il serait illusoire de croire qu'elle est vraiment pluraliste et contradictoire.

Utiliser la télévision comme un instrument, rendant compte de « l'événementiel », c'est de façon subtile confisquer l'information politique. S'en remettre à l'offre et à la demande, opposer grand public et petit public, c'est justifier toutes les paresses, toutes les ségrégations.

La chaîne parlementaire qui nous est proposée doit rompre avec la télévision spectacle pour montrer à nos concitoyens comment s'élabore la loi qu'ils auront à respecter.

Cette chaîne tout public a pour objectif de développer l'information et le civisme dans une démarche pédagogique et interactive. Pour répondre en partie aux attentes, elle doit assurer entre le public et la représentation parlementaire un contact quotidien et direct. C'est ainsi qu'elle sera un instrument de « repolitisation ».

On sait que notre société est en proie au doute sur l'efficacité du politique, éprouve un sentiment de défiance devant les affaires, que les lieux de pouvoir semblent éloigner et opaques. Les médias sont de plus en plus bavards sur le politique, mais nos concitoyens se sentent de moins en moins informés.

Pourtant la revendication citoyenne explose, une partie de l'opinion résiste, choquée par l'incivisme, la corruption, l'abstention, la crise même de l'Etat. Elle veut être entendue. Pour intéresser les citoyens, la chaîne parlementaire doit innover. Pourquoi s'intéresserait-on à l'élaboration des lois ? Parce qu'elles doivent résoudre des soucis quotidiens, répondre à des débats de sociétés. La chaîne, loin de remplacer le travail des parlementaires, peut être un lien d'échanges et de débats, afin que les citoyens ne se sentent plus spectateurs d'une aventure qui se déroule sans eux.

En commission, on a posé de nombreuses questions touchant notamment au pluralisme. Qui aurait intérêt à une chaîne monocolore, artificielle, rabougrie ? L'information sur l'activité parlementaire doit se faire sans sectarisme. Selon le rapporteur, « l'équilibre entre l'opposition et la majorité devrait être trouvé facilement grâce à l'expérience démocratique des assemblées ». Cette réponse trop imprécise m'inquiète.

M. Patrice Martin-Lalande - Nous aussi.

M. Pierre Goldberg - Le pluralisme se résume-t-il à une équation mathématique des temps de parole ? Je pense que le Gouvernement apportera des garanties supplémentaires qui devraient écarter tout soupçon.

M. Bernard Accoyer - Les communistes soupçonnent le Gouvernement.

M. Pierre Goldberg - Cela engage bien sûr une certaine éthique du journalisme, suppose la rupture avec le spectaculaire.

La direction des deux sociétés de programme auront fort à faire. Pour l'Assemblée le Président a choisi Ivan Levaï. Nous aurions souhaité que son audition en commission ne soit pas aussi rapide.

Certains craignent aussi que les élus privilégient la chaîne aux travaux du Parlement. L'absentéisme a bien d'autres raisons, notamment le fonctionnement de nos institutions.

Il ne faudrait pas non plus laisser croire que le contrôle de la chaîne échappera aux parlementaires. Nous souhaitons donc des précisions sur la composition et sur le rôle du conseil de surveillance.

La chaîne, dotée d'un budget de 25 millions, devrait pouvoir diffuser dès la fin de janvier 2000. On aimerait plus de précisions sur les coûts, les salaires, les locaux prévus.

La chaîne ayant une mission de service public, nous ne pouvons envisager d'autre financement qu'une dotation annuelle des deux assemblées, sans participation privée ni publicité. L'exposé des motifs incite cependant à des coproductions et des partenariats. Vise-t-on en priorité les chaînes publiques ?

Le fait que chaque assemblée détiendra en totalité le capital de la société qui lui correspond devrait permettre un contrôle parlementaire efficace.

La mission de service public entraîne la gratuité. Or la chaîne sera diffusée par satellite, câble ou voie hertzienne -pour cette dernière, à l'avenir seulement. En attendant la gratuité pour tout abonné au câble ou à un bouquet satellite est un minimum.

Cette chaîne peut remplir ses objectifs à condition d'assurer effectivement la communication avec nos concitoyens. Prenons garde de ne pas connaître le même échec que certaines expériences étrangères en raison du peu d'intérêt de la programmation et peut-être des conditions d'élaboration et de fonctionnement.

Le groupe communiste votera cette proposition (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste).

M. Christian Kert - La chaîne parlementaire risquait de devenir notre Arlésienne. Finalement, elle va paraître. Sera-t-elle bien réelle ? Nous le verrons...

Il y a quelques années, le projet Douste-Blazy prévoyait un groupement d'intérêt public. Cette solution a notre faveur. Peut-être y reviendra-t-on...

Nul en tout cas ne conteste le principe de la création d'une chaîne parlementaire. La méconnaissance de nos travaux, un antiparlementarisme latent font que ce nouvel outil d'information objective et pluraliste sera bénéfique.

Aussi fallait-il rechercher le plus large consensus. Nous regrettons donc l'opacité qui a entouré sa préparation et le manque de précisions sur des éléments que le groupe UDF juge déterminants.

M. Bernard Accoyer - Ça augure mal de la suite.

M. Christian Kert - Pour l'anecdote, le texte a été inscrit à l'ordre du jour avant que nous en ayons connaissance. Certes de nombreuses négociations avaient eu lieu, mais c'est seulement une communication, lors du bureau de l'Assemblée du 6 octobre, qui a permis de connaître les grandes lignes du projet. Nous n'avons auditionné le futur PDG en commission qu'hier après-midi ; quelles que soient ses qualités, nous ne savons pas sur quels critères il a été recruté.

M. Marcel Rogemont - Le professionnalisme.

M. Christian Kert - Je regrette cette confidentialité des travaux préparatoires et le manque de concertation avec tous les groupes politiques. Pour la nomination des futurs dirigeants, l'Assemblée est en avance sur le Sénat. Mais celui-ci a une longueur d'avance sur nous pour la consultation des acteurs politiques par ces dirigeants. Nous avons l'impression que tout s'est déroulé entre les deux Présidents ; nous avons confiance en eux, mais le procédé nous choque.

Deux sociétés de programmes vont être mises en place. Chaque Président va-t-il disposer de sa propre chaîne ? On en a l'impression. L'article 2 évoque la « parité » du temps d'antenne, sans préciser comment se fera le partage.

Une convention entre les deux assemblées devra donc définir les conditions de mise en _uvre de cette parité. Mais comment sera-t-elle respectée si un débat est plus long que prévu, ou s'il interpelle un public plus large ? Quelles instances arrêteront cette convention ? On ne le précise guère, et l'on peut craindre, avec la forte personnalité des deux dirigeants déjà nommés, que la tâche ne soit pas simple.

De même, comment créera-t-on entre deux structures indépendantes, avec des organes différents de direction et peut-être une ligne éditoriale différente, une véritable synergie, nécessaire à la vie de cette chaîne parlementaire. Le choix fait en mars 1997 paraissait plus judicieux : il ouvrait la possibilité de constituer un groupement d'intérêt public ayant à sa tête un seul directeur, soumis au contrôle d'un conseil d'orientation composé uniquement de parlementaires, désignés à la proportionnelle des groupes. Sur ce point un amendement de M. Dominati devrait faire rebondir le débat. Car cette notion de contrôle n'apparaît pas directement dans la proposition de M. Fabius. Or nous sommes attentifs à la nécessité d'exercer, sinon un contrôle, du moins une surveillance sur la programmation et sa conformité avec les principes de neutralité et de pluralisme. La proposition de loi écarte tout contrôle du CSA, et Didier Mathus, dans son rapport, écarte également le contrôle de la Cour des comptes. Nous avons donc déposé des amendements tendant à créer un comité de surveillance devant lequel seront responsables les deux présidents ; il aura pour tâche essentielle de contrôler l'objectivité de la programmation et l'application du principe de neutralité. Cette chaîne ne doit pas mettre en valeur tel ou tel parlementaire, mais la vie parlementaire dans son ensemble En aucun cas elle ne doit être un instrument de pouvoir. Le rapporteur entend certes proposer un conseil de surveillance, d'un type un peu différent du nôtre, mais il entend l'intégrer à la convention liant les sociétés. On comprendra que l'opposition ait besoin d'une assurance inscrite dans la loi ; c'est pour nous une exigence.

D'autres questions demeurent. Les fonctionnaires de Canal Assemblée sont tenus par un devoir de réserve. Qu'en sera-t-il pour les journalistes de la chaîne ? Quel type de contrat de travail doit-on leur proposer ? A quelles règles, fixées par quelle autorité, obéira leur recrutement, déjà bien engagé, à entendre hier M. Levaï ? Quant au budget, il doit s'élever pour 2000 à 25 millions pour chacune des sociétés. Ne risque-t-il pas d'être rapidement dépassé ? Certains évoquent déjà la nécessité de le doubler, à la suite notamment, Monsieur le rapporteur, de vos réflexions qui mettent bien en parallèle les besoins de la chaîne parlementaire avec ceux de chaînes thématiques.

Le calendrier pourra-t-il être tenu ? Avec optimisme notre rapporteur envisage un démarrage fin janvier. Les deux sociétés seront-elles prêtes en même temps ? Même si les deux présidents n'envisagent pas de course poursuite, l'un serait sûrement bien fâché si l'autre prenait de l'avance. On le voit : il aurait été bon que nous entendions M. Levaï et M. Elkabbach.

Qu'en sera-t-il des programmes d'accompagnement ? Essentiellement consacré à transmettre en direct nos débats en commission ou en séance, le programme de la chaîne comportera toutefois des émissions éducatives et civiques, en partie destinées aux écoles. Il est donc légitime de s'interroger sur leur contenu, et sur les « montages » qui seront réalisés : un montage, c'est un choix, forcément subjectif.

On peut résumer toutes ces interrogations en une seule : quelle sera la nature réelle de la chaîne parlementaire ? Sera-t-elle civique, citoyenne, éducative, informative ? Le plaidoyer réussi d'Ivan Levaï en faveur d'une chaîne qui montre le véritable travail parlementaire, cette sorte de mouvement des libertés autour de l'écriture de la loi, nous aurait convaincus, s'il en était besoin, du bien-fondé du projet. Mais la proposition n'en offre pas la matérialisation, et notre souci est de nature fondamentalement démocratique : comment parler des uns sans ignorer les autres ? Comment éviter de faire « téléfabius » ici et « téléponcelet » là-bas ? Comment équilibrer les plateaux d'une balance quand les poids qui pèsent sur eux ont la densité des idées ? C'est à l'auteur de la loi que le groupe UDF souhaite s'adresser, et je regrette que le Président Fabius ait quitté nos bancs : lui, plus que d'autres peut-être, connaît la stabilité et la fragilité des rapports qui tissent la vie de cette assemblée. Stabilité, car deux cents ans de République en ont assis le socle. Fragilité, car cet édifice est humain et requiert cette volonté de se parler et de se comprendre avant de s'affronter. Cet équilibre ne doit pas être rompu. Si, pour mieux servir l'image, on créait de nouveaux conflits, ce serait à nouveau l'écume qui l'emporterait sur la vague. C'est pourquoi nous attachons tant d'importance au fait que la loi maîtrise ces problèmes. Si elle ne le faisait pas, nous ne pourrions la faire nôtre (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF, du groupe du RPR et du groupe DL).

M. Laurent Dominati - Je me suis réjoui à l'annonce, il y a quelques mois, de la création d'une chaîne parlementaire, et même de la nomination de MM. Elkabbach et Levaï, comme je m'étais réjoui deux ans et demi plus tôt de l'annonce par les Présidents Séguin et Monory de la création d'une telle chaîne. C'est que, dans ma naïveté, je pensais qu'on avait tout organisé et prévu pour qu'elle soit la chaîne de tous les parlementaires, une vraie chaîne du Parlement, et que des garanties avaient été prises auprès de tous les groupes pour que le jour de sa création soit un jour heureux, un jour d'enthousiasme unanime pour toute l'Assemblée...

Si je demandais aux gens qui nous écoutent, que ce soit dans les tribunes ou par Canal Assemblée, comment ils s'y prendraient pour créer une chaîne parlementaire qui soit la chaîne des groupes politiques et des débats politiques, avec les affrontements sérieux qu'ils comportent, que répondraient-ils ? Sans doute commenceraient-ils par en charger la personne qui, au sein de l'Assemblée, est en charge de la communication, c'est-à-dire un de nos vice-présidents. C'est ce qui fut fait en 1997 avec M. Gaillard. Aujourd'hui il s'agit de M. Cochet, qui n'est pas là, n'ayant pas été associé à la discussion ni au travail préparatoire...

Ils auraient sans doute nommé ensuite, en accord avec le Sénat, un expert indépendant, chargé de consulter tous les parlementaires et les journalistes : c'est ce qu'avaient fait MM. Séguin et Monory. Cette fois-ci ce n'a pas été le cas ; quant aux grands professionnels qui ont été approchés, nous ignorons même la nature de leur mission. Enfin, ce travail étant fait, les experts auraient rendu compte au bureau de l'Assemblée, discuté avec les représentants de chaque groupe, puis nous aurions eu un débat aboutissant à une disposition législative. Ce travail a été fort bien fait sous la précédente législature, et la disposition a été proposée le 20 mars 1997 : c'était l'article 16 bis de la loi Douste-Blazy sur la communication. Il résultait de tout ce travail préparatoire, que pourtant certains jugeaient insuffisant !

Ainsi, M. Mathus se déclarait favorable sur le principe, mais s'étonnait des conditions dans lesquelles la chaîne parlementaire allait voir le jour. Moi-même, je me suis montré sensible à ces arguments. J'ai rappelé alors, devant M. Gaillard -qui était là- et le Président de l'Assemblée -qui était là également- qu'une telle chaîne devait être créée sur la base d'un consensus absolu. Si l'opposition n'est pas d'accord, disais-je alors, je ne vois pas comment nous pourrions décider cette création : nous risquerions d'être accusés de créer la chaîne de la majorité.

Oui, c'est ce que je disais à mon gouvernement quand vous étiez dans l'opposition : cette chaîne ne peut reposer que sur le consensus, et bien que nous ayons fait un bon travail, si les députés socialistes -à l'époque une cinquantaine- ne sont pas d'accord, il faut encore attendre jusqu'à ce qu'ils soient convaincus. Telle était la position du républicain et du démocrate que je suis.

Or vous n'avez fait aucun travail préparatoire. Vous n'avez nullement associé les parlementaires et les groupes. Nous avons été informés il y a environ une semaine. Il n'y a pas eu de débat préalable. Vous n'avez même pas trouvé d'accord avec le Sénat : une chaîne pour toi, une chaîne pour moi, ce n'est pas un accord, c'est un constat de désaccord ! Ce n'est pas un acte fondateur, il ne crée pas la chaîne du Parlement, mais les chaînes de deux Parlements divisés... M. Mathus a changé d'avis depuis 1997 ; c'est sans doute qu'il est discipliné, et obéit à je ne sais qui. Mais à l'époque il affirmait qu'on ne pouvait créer le chaîne que dans le consensus. S'il était aujourd'hui fidèle à ce propos, il demanderait qu'on attende le consensus de l'opposition.

Car on peut encore améliorer les choses. Nous sommes prêts à débattre de la chaîne parlementaire dès ce matin, mais à une condition : que vous acceptiez nos amendements. Sinon, vous pouvez bien sûr passer en force, et créer votre demi-chaîne. Mais si nous voulons que ce soit un beau, un grand jour, j'en appelle au Président de l'Assemblée, s'il peut m'entendre à travers les murs : Monsieur le Président, revenez ! Réunissez tous les députés, car vous êtes le président de tous les députés. Mettons-nous d'accord sur ce que doit être une chaîne du Parlement tout entier, contrôlée par des responsables qui ne peuvent être que des parlementaires, membres en alternance de la majorité et de l'opposition : nul besoin alors de se référer au CSA ou au bureau de l'Assemblée. Mettons-nous d'accord, nous avons le temps. Vous pourriez même remporter ainsi une victoire, en réfutant mon discours et en réussissant à faire vraiment la chaîne de tout le Parlement.

Pour le moment, nous sommes dans la confusion totale. Crée-t-on une nouvelle Cinquième, chaîne d'éducation civique, ou une chaîne du Parlement, totalement neutre, employant des personnels ayant le même statut que les fonctionnaires parlementaires ? M. Mathus pensait il y a peu de temps qu'il fallait choisir entre ces deux voies ; pour notre part, nous pensons qu'on peut associer les deux, à condition de se mettre d'accord sur les responsabilités, le contrôle, le programme. Or, de tout cela, nous n'avons aucune idée réelle.

S'agit-il simplement d'un accord Fabius-Poncelet ? Depuis combien de temps êtes-vous informés, mes chers collègues ? Avez-vous été consultés ? Songez que nous créons cette chaîne non pas pour les deux mois qui viennent, mais pour dix ou vingt ans. Un acte aussi important mérite un peu plus de précautions... Il devrait être l'occasion pour le Parlement de surmonter les divisions entre les deux assemblées et entre les groupes politiques.

Nous sommes ouverts à la discussion, qu'elle soit publique ou qu'elle ait lieu dans une salle de réunion. Si vous n'acceptez pas nos amendements, cette chaîne sera la vôtre ; nous lui souhaiterons bonne chance, mais en considérant qu'elle est mal partie, faute de manifester l'esprit d'ouverture qui s'impose et dont devrait témoigner le Président de l'Assemblée nationale et la majorité (Applaudissements sur les bancs du groupe DL, du groupe UDF et du groupe du RPR).

M. le Président - A ceux qui ont mis en cause le Président Fabius, je voudrais signaler qu'il ouvre à 10 heures un colloque au Palais de justice de Paris sur le droit des enfants. Si une chaîne pédagogique existait déjà, il n'aurait pas été contraint de nous quitter pour porter le message de l'Assemblée nationale.

Monsieur Dominati, je souhaiterais qu'à défaut de courtoisie à l'égard du Président de l'Assemblée nationale, vous en ayez quelque peu à l'égard de M. Poncelet.

M. Laurent Dominati - Rappel au Règlement !

M. le Président - Vous aurez la parole quand M. Mathus sera intervenu.

M. le Rapporteur - Nos collègues de l'opposition étaient pour la chaîne parlementaire la semaine dernière, ils sont contre cette semaine... Quand on en appelle au consensus, il faut faire preuve d'un peu plus de continuité dans ses positions. Il a suffi que Mme Alliot-Marie soit élue présidente du RPR pour que celui-ci change d'avis ! (Exclamations sur les bancs du groupe du RPR) Je suggère à M. Accoyer de prendre contact avec M. Poncelet pour avoir les informations qui lui font défaut.

A M. Dominati, qui a parlé avec son sens de la nuance habituel, je voudrais dire que la situation de l'opposition en 1997 était un peu différente de ce qu'elle est aujourd'hui. La majorité de l'époque avait, par exemple, refusé que l'opposition ait un siège de vice-président au bureau. Nous n'avons donc pas de leçons à recevoir !

Chacun se pose en rédacteur en chef en puissance de la nouvelle chaîne. J'ai entendu avec intérêt Christian Kert nous expliquer ce qu'il faudrait faire ; sans doute a-t-il la nostalgie d'une époque où le ministre de l'information dictait les titres du journal télévisé...

M. Edouard Landrain - Minable !

M. le Rapporteur - Nous, nous voulons une chaîne indépendante, animée par des journalistes indépendants. Les députés n'ont pas à dicter le contenu des émissions en direction de la jeunesse.

Nous posons aujourd'hui la première pierre de cette chaîne parlementaire, qui est le résultat de sept ans de discussions avec le Sénat. Elle a failli voir le jour au printemps 1997, avec le projet de loi Douste-Blazy ; ce n'est pas notre faute si le Président de la République a dissous l'Assemblée nationale. Les deux assemblées ont décidé d'avoir deux sociétés de programmes distinctes : constatons-le ; il reste que l'accord est là.

On nous dit qu'on ne connaît ni la convention, ni les statuts ; imagine-t-on qu'ils aient pu être établis avant l'adoption de la proposition de loi ? Procédons dans l'ordre ! Nous posons l'acte fondateur de la chaîne ; ensuite, les bureaux des assemblées décideront du reste, en toute autonomie. Il serait parfaitement illégitime de faire le contraire.

M. Jean Le Garrec, président de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales - Je m'étonne toujours un peu que le ton devienne polémique dès qu'on passe des travaux en commission à la discussion dans l'hémicycle (Exclamations sur les bancs du groupe du RPR). Le 8 décembre, lorsque Didier Mathus a présenté ce texte en commission, nous avons eu un débat de fond assez serein, sans manifestation d'opposition réelle. J'avais souhaité l'audition de M. Levaï : elle a eu lieu hier. A ma demande, nos administrateurs ont établi un compte rendu très précis, afin que chacun d'entre vous ait entre les mains les réponses à des questions précises.

Abandonnons la polémique, et reconnaissons qu'il y a un décalage grandissant entre le travail parlementaire et la vision qu'en a l'opinion publique.

M. Patrice Martin-Lalande - Là-dessus, nous sommes tous d'accord.

M. le Président de la commission - La désaffection pour la politique s'accompagne de la disparition de la rubrique parlementaire dans les journaux. On préfère les « petites phrases » au compte rendu de nos débats de fond... Tout cela est extrêmement dangereux. Nous avons donc à répondre à une nécessité impérieuse ; au moment où sept ans de travaux sont en train d'aboutir, cette nécessité l'emporte largement sur les interrogations qui sont formulées.

M. Bernard Accoyer - A condition d'avoir un bon texte !

M. le Président de la commission - Par ailleurs, le principe de précaution est respecté. Je remercie beaucoup M. Kert d'avoir hier, lors de l'audition de M. Levaï, posé les questions essentielles. Nos collègues peuvent se reporter aux pages 4 à 7 du compte rendu de la commission : les réponses sont claires (« Non ! » sur les bancs du groupe du RPR). Par ailleurs, M. Fabius a adressé à tous les présidents de groupe une lettre précisant clairement les rôles du bureau, du conseil de surveillance et des questeurs (Interruptions sur les bancs du groupe du RPR et du groupe UDF).

Quant au pluralisme, sa meilleure garantie est le Règlement de notre assemblée, qui en fait le principe même de nos travaux. Par ailleurs, la jurisprudence constitutionnelle sur la liberté de communication s'impose à nous et s'imposera à cette nouvelle chaîne. Enfin, chacun d'entre vous exercera un contrôle immédiat sur le fonctionnement de celle-ci : M. Accoyer pourra se trouver en désaccord avec la présentation faite de nos débats ; eh bien, à peine ouverte la séance qui suivra, M. Accoyer fera un rappel au Règlement ! Je connais assez M. Accoyer pour savoir qu'il surveillera en permanence les émissions de la chaîne parlementaire ! Aussi, cessons de nous faire peur, puisque nous savons, tous, que la pluralité d'expression sera respectée. Certes, l'objectivité absolue n'existe pas. Pour autant, n'est-il pas préférable de doter le Parlement d'un moyen d'expression spécifique même s'il est parfois critiquable, plutôt que d'entretenir, par des petites phrases distillées dans la salle des quatre colonnes, la relation d'attraction-répulsion qui unit parlementaires et journalistes ?

Vous avez posé des questions sur le calendrier de mise en _uvre de la chaîne, sur le recrutement et le salaire des journalistes, sur la composition des équipes. A toutes ces questions, vous avez eu des réponses. J'ai moi-même demandé un exemple de programmation-type et j'ai eu une réponse. Considérez donc que cette proposition constitue un acte fondateur, celui que nous attendons depuis sept ans. Tout sera-t-il réglé pour autant ? Certes pas. Mais les structures ainsi créées évolueront sous notre contrôle à tous, et l'exercice d'un droit de critique légitime vous permettra -et nous permettra- de corriger progressivement les imperfection inévitables d'une chaîne que nous souhaitons, tous, civique. Notre objectif à tous, membres d'une opposition et d'une majorité qui fluctuent au rythme de la démocratie, est de mettre sur pied un organe d'expression parlementaire. Faisons-le ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste)

M. le Président - Conformément aux dispositions de l'article 91, alinéa 4, du Règlement, j'appelle la discussion des articles de la proposition de loi dans la rédaction de la commission.

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ARTICLE PREMIER

M. Laurent Dominati - Je souhaite être éclairé sur la distinction qui doit être faite entre l'article premier et l'article 2 de la proposition. Le travail préparatoire accompli jusqu'au milieu de l'année 1997, après que des experts eurent été consultés pendant des mois, avait conduit à la rédaction d'un article unique.

Le président de la commission affirme que des réponses ont été apportées aux questions que nous avons posées hier. Mon intention n'est certes pas de mettre en cause la compétence de M. Levaï, qui a réussi son examen de passage -ce dont personne ne doutait véritablement. Toutefois, ce n'est pas lui qui crée la chaîne parlementaire, et rien ne justifie une telle précipitation après tant d'immobilisme ! Si vous souhaitez réellement qu'un consensus s'établisse, veillez à ce qu'il soit répondu aux questions que nous nous posons et non à celles que vous vous posez ! Votre souci devrait être de défendre l'opposition, la majorité trouvant dans le Gouvernement et dans le Président de l'Assemblée ses alliés naturels. Tenez compte des observations de l'opposition, où vous pouvez vous trouver demain, comme je l'ai fait pour ma part, il y a deux ans, sans esprit partisan !

La chaîne parlementaire s'engage mal, à la fois parce que son statut juridique est mal défini et parce que la manière de procéder n'est pas la bonne. La confusion induite par l'existence de deux articles quand un seul aurait dû suffire dit assez l'inachèvement des travaux préparatoires. Je le redis : ni M. Kert ni moi-même ne souhaitons être journalistes : nous voulons seulement être des députés responsables de la chaîne du Parlement. C'est pourquoi nous sommes prêts à voter la proposition si vous acceptez les amendements que nous avons déposés.

M. Patrice Martin-Lalande - L'article premier prévoit différents modes de diffusion des programmes, mais ne dit rien de la voie filaire, alors que les progrès technologiques permettent désormais la transmission d'images par cette voie. Il serait dommage de ne pas élargir de la sorte l'éventail des modes de diffusion possibles. C'est ce à quoi tend l'amendement 14.

M. le Rapporteur - La commission n'a pas examiné l'amendement, qui formule une proposition intéressante mais qui pose un problème juridique certain. Le texte propose en effet de modifier la loi du 30 septembre 1986, qui ne fait pas mention -et pour cause !- de la diffusion filaire. On sait, d'autre part, que le Gouvernement a annoncé le prochain dépôt d'un projet de loi relatif aux nouveaux services de communication. L'amendement y trouverait sa place naturelle. C'est pourquoi je suis défavorable à son adoption dans le cadre de nos travaux actuels.

M. le Ministre - Même avis !

M. Laurent Dominati - Le rapporteur ne répond pas à la question que je lui ai posée, et que je répète donc : la création de la chaîne parlementaire découle-t-elle de l'article premier ou de l'article 2 ? Canal Assemblée nationale subsistera-t-il ? Y aura-t-il alors deux chaînes pour la seule Assemblée ? Soit je comprends mal le texte parce que j'ai été mal informé, soit l'impréparation explique la confusion qui demeure. Dans les deux cas, des éclaircissements sont nécessaires.

M. le Rapporteur - Auriez-vous lu les comptes rendus des réunions de la commission que vous seriez dûment informé.

M. Laurent Dominati - Je l'ai fait, hélas !

M. le Rapporteur - Depuis le vote, en 1994, de la loi Carignon, que vous souteniez, ce qui n'était pas mon cas...

M. Laurent Dominati - Vous étiez heureux de m'avoir, à cette époque !

M. le Rapporteur - L'article premier autorise le Parlement à produire et à diffuser des programmes audiovisuels, et l'article 2 organise la production et la diffusion de ces programmes.

Canal Assemblée nationale sert uniquement à retransmettre les débats qui ont lieu en séance, notamment au réseau de diffusion interne, et il continuera de le faire.

M. Laurent Dominati - Tel est l'objet de l'article premier ?

M. le Rapporteur - Vous m'avez questionné sur Canal Assemblée nationale, je vous réponds.

M. Laurent Dominati - Non !

M. le Rapporteur - Manifestement, votre intention est bien davantage de d'animer nos débats, ce dont je vous remercie, que d'écouter les réponses qui vous sont faites.

L'amendement 14, mis aux voix, n'est pas adopté.

L'article premier, mis aux voix, est adopté.

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ART. 2

M. Edouard Landrain - M. Le Garrec s'est référé à un texte de la commission datant d'hier... que nous n'avons pas mais que nous aurions bien aimé avoir.

M. le Président de la commission - Je vous le ferai apporter spécialement !

M. Edouard Landrain - J'en viens à l'article 2.

Le rapporteur qualifie d'original le statut juridique de la nouvelle chaîne parlementaire. Je le trouve, pour ma part, d'un flou inquiétant. En effet, cette chaîne, sans existence juridique légale, sera composée de deux sociétés de programme indépendantes placées sous le contrôle du bureau de chacune des assemblées. Un conseil de surveillance, aux pouvoirs limités, composé à parité de députés et de sénateurs et des deux présidents-directeurs généraux des sociétés de programmes, statuera sur l'organisation de la chaîne, veillant notamment à une juste répartition du temps d'antenne entre les deux assemblées. Chaque société de programme, quant à elle, conclura annuellement une convention avec l'assemblée dont elle relève. Qui sera responsable de quoi ? Comment l'ensemble fonctionnera-t-il ? Force est de constater que l'article 2 n'apporte pas de réponses.

M. Levaï, dont je ne conteste nullement les compétences, nourrit de grandes ambitions pour la nouvelle chaîne, comme il l'a expliqué hier devant la commission. Il souhaite notamment qu'elle sorte de l'enceinte du Parlement. Ce serait en effet une bonne chose mais qu'adviendra-t-il en cas de difficultés ? Le Règlement de l'Assemblée sera dans tous les cas opposable, nous a indiqué M. Le Garrec. Si cela ne fait pas de doute à l'intérieur de l'Assemblée, qu'en sera-t-il à l'extérieur ? Voilà un autre point qui aurait mérité des éclaircissements.

Dans la lettre qu'il a adressée à Jean-Louis Debré, le Président Fabius explique que les bureaux de l'Assemblée nationale et du Sénat passeront convention entre eux, contracteront avec la société de programme qui dépendra d'eux et définiront ses statuts ainsi que son cahier des charges. « Je ne doute pas que les collègues que notre confiance nous a fait désigner sauront sur ces différents points se montrer vigilants, comme à leur habitude », conclut-il. Mais comment les bureaux, investis de tant de missions, pourront-ils assurer leur tâche, non pas de surveillance, mais...

M. Marcel Rogemont - Ils sauront faire.

M. Edouard Landrain - Tout cela reste flou. Si l'on avait pris le temps de consulter chacun et de défricher le terrain, nous ne poserions pas ces questions aujourd'hui et nous pourrions voter d'une seule voix la création d'une chaîne parlementaire. Malheureusement, ce texte, bouclé à la va-vite, comporte trop d'ambiguïtés qui nous gênent et vous gênent également, chers collègues de la majorité. Il suffit de vous écouter dès lors que vous vous éloignez quelque peu du discours officiel...

Je souhaite, pour l'heure, obtenir réponse à mes questions sur un article des plus nébuleux.

M. Laurent Dominati - Il est clair que l'article 2 crée une nouvelle chaîne parlementaire après que l'article 1, que nous venons de voter, a assuré la pérennité de Canal Assemblée. Contrairement à ce qu'affirme le rapporteur, qui les confond sans cesse, il s'agira bien de deux entités différentes.

La chaîne parlementaire sera composée de deux sociétés de programmes, la chaîne parlementaire-Assemblée nationale et la chaîne parlementaire-Sénat, dotées chacune d'un président, d'un règlement et d'un cahier des charges différents. Chaque société de programmes passera convention avec le bureau de l'assemblée dont elle relève. Voilà l'édifice auquel vous êtres parvenus après deux ans et demi de négociations, ou peut-être en une nuit puisque la lettre du Président Fabius à laquelle notre collègue vient de faire allusion ne date que de cette nuit. Reconnaissez que l'on peut faire plus simple sur le plan juridique !

Je rappelle que j'avais déposé lors de l'examen du projet de loi de Mme Trautmann, un amendement tendant à créer une chaîne parlementaire, refusé au motif qu'il fallait prendre le temps de la réflexion et de la consultation. Et voilà qu'aujourd'hui, vous nous présentez un texte ayant le même objet, comportant malheureusement quantité d'ambiguïtés et d'incertitudes. Qu'est-ce que la chaîne parlementaire à laquelle font référence tous les articles du texte ? Se réduit-elle aux sociétés de programme indépendants qui la composent ? Existe-t-elle par elle-même ? Peut-être M. Cochet, vice-président chargé de la communication, qui vient d'arriver, pourra-t-il m'apporter des éclaircissements.

Le texte actuel n'est de nature à rassurer ni l'opposition ni les professionnels. Aussi je vous propose ou bien de nous réunir de nouveau d'ici à Noël pour éclaircir les points qui exigent de l'être ou bien d'adopter nos amendements qui y tendent. Je fais d'ailleurs observer que ce sont les mêmes que ceux adoptés il y a deux ans et demi.

M. Bernard Accoyer - L'article premier du texte maintient Canal Assemblée, l'article 2 crée une nouvelle chaîne parlementaire : telle est bien la réalité et l'analyse de M. Dominati est sur ce point la seule pertinente.

Alors que chacun s'accorde sur l'intérêt pour le Parlement de mieux faire connaître ses travaux et de développer la communication en direction des citoyens, pourquoi cette précipitation qui a nui à la clarté du texte ? Ces ambiguïtés resteront comme une tache originelle dans la création de cette chaîne parlementaire.

Au-delà, se pose une question de fond, de portée institutionnelle même. Alors que jusqu'à présent, la publicité des débats parlementaires était assurée au travers des services des comptes rendus, composés de fonctionnaires parfaitement objectifs -auxquels je rends hommage-, voilà que l'on s'apprête à intercaler un filtre entre nos travaux et ceux auxquels ils sont montrés, qu'il s'agisse des citoyens ou des journalistes. Mutation considérable ! En effet, on parle déjà de « ligne éditoriale » qui, nécessairement, variera au gré des responsables de la chaîne. Les journalistes, quels que soient leurs professionnalisme et leur objectivité, ne peuvent réprimer leur antipathie non plus que leurs sympathies, faire fi de leur sensibilité. Aussi y aura-t-il toujours des sélections et des interprétations source de litiges et de frustrations. Alors que ce nouvel outil devrait contribuer à rapprocher le Parlement des citoyens, nous craignons au contraire, qu'élaboré dans la précipitation, il ne les en éloigne.

Je ne reviens pas sur les raisons pour lesquelles les assemblées parlementaires se sont dotées d'un Règlement spécifique et relèvent de dispositions administratives et spécifiques particulières. Un large débat aurait dû avoir lieu sur ce texte qui touche aux pouvoirs des bureaux des assemblées en un domaine aussi essentiel que celui de la communication.

Cet article aurait donc dû être élaboré de façon beaucoup plus sérieuse par un travail en commission. Nous ne pouvons l'accepter en l'état (Applaudissements sur les bancs du groupe du RPR et du groupe UDF).

M. Laurent Dominati - L'amendement 3 reprend une rédaction commune au Sénat et l'Assemblée nationale, votée le 20 mars 1997 : vous remarquerez l'élégance, la concision et la simplicité de ce texte, qui traduit un véritable consensus.

Le premier alinéa est ainsi rédigé : « Les deux assemblées parlementaires constituent un groupement d'intérêt public en vue de concevoir et de produire les programmes de la chaîne parlementaire ». Quand on fait état, dans la lettre de M. Fabius, d'un accord « péniblement trouvé » et qui n'est en fait qu'un partage, je regrette qu'on n'ait pas repris cet accord-là, d'autant que la majorité sénatoriale n'a pas changé.

La suite de l'amendement -« Ce groupement est constitué sans capital et ne donne lieu ni à réalisation, ni à distribution de bénéfices »- lève toutes les ambiguïtés sur le capital fourni par chacune des assemblées.

« Le conseil de surveillance du groupement est composé de députés et de sénateurs désignés en nombre égal et en assurant une représentation proportionnelle de tous les groupes parlementaires ». On aurait pu aller plus loin en proposant deux représentants par groupe, comme l'a fait M. Fabius pour la mission d'évaluation des travaux parlementaires. Mais je laisse cela à sa sagesse...

« Le conseil de surveillance est présidé alternativement et pour une période d'un an par un député et par un sénateur. Il désigne le directeur général qui assure le fonctionnement de la chaîne parlementaire ». La présidence en alternance est un ajout de ma part car le texte de 1997 était muet sur ce sujet. Cette solution me semble équilibrée : il ne s'agit pas d'avoir tantôt la chaîne de l'Assemblée, tantôt celle du Sénat, tantôt la chaîne de la majorité, tantôt celle de l'opposition, il s'agit d'avoir la chaîne de tous, avec pour principe de ne pas avoir de ligne éditoriale au sens où on l'entend dans un journal. « La convention constitutive du groupement est approuvée par les bureaux des deux assemblées. Le budget du groupement est doté à part égale par les deux assemblées ». C'est le mode habituel de fonctionnement des offices communs aux deux assemblées.

Enfin, « la chaîne parlementaire ne diffuse aucun message publicitaire et aucune émission de téléachat ». Cela va sans dire, mais cela va encore mieux en le disant.

J'ai supprimé les deux derniers alinéas, qui indiquent que la chaîne parlementaire n'est pas soumise au contrôle du CSA.

Cet amendement, qui reprend le texte adopté par l'Assemblée et le Sénat en 1997, pourrait être voté aujourd'hui dans l'enthousiasme général, ce qui nous permettrait de terminer le travail dans dix minutes dans une unanimité réconfortante à la veille de Noël et de l'an 2000. Merci d'avance à tous ! (Rires sur divers bancs)

M. le Président - Quel enthousiasme et quelle mémoire ! Mais en faut-il vraiment pour affirmer que la majorité du Sénat n'a pas changé récemment ? (Sourires)

M. le Rapporteur - Je comprends que M. Dominati ait la nostalgie du temps où la présidence du Sénat était assurée par l'un de ses amis -depuis l'UDF s'est fait subtiliser cette présidence par le RPR- et où il y avait dans cet hémicycle 500 députés de ses amis. Mais les temps changent, même si vous semblez ne pas vous en être aperçu : il y a une nouvelle majorité ici, il y a de nouveaux Présidents au Sénat et à l'Assemblée et ils ont abouti au texte qui nous est proposé.

Il serait vain de débattre sur le fond puisque nous avons bien compris que vous ne le voulez pas. Nous prenons acte de votre nouveau comportement politique qui, depuis une quinzaine de jours, est fondé sur la détestation de l'adversaire.

M. Laurent Dominati - Vous ne pouvez pas dire cela !

M. Robert Pandraud - Je ne fais pas de ce sujet un problème politicien : j'étais déjà contre le principe de la chaîne parlementaire lors de la précédente législature, je le reste.

Combien y-a-t-il d'abstentionnistes et d'organisations politiques qui ne sont pas représentés au Parlement et qui ont quand même le droit d'exister ? Le monopole donné aux groupes parlementaires est exorbitant.

Que vont faire les élus ? Ils vont désigner des journalistes indépendants ? Ça n'existe pas. Le seul personnage indépendant qu'on peut imaginer serait un noble vieillard décoré des plus hauts insignes de la Légion d'honneur, totalement asexué et à la limite du gâtisme ! (Rires sur divers bancs)

Mais si vous prenez M. X. ou M. Y., il aura, bien sûr, sa sensibilité. Que se passera-t-il pendant les périodes électorales qu'il s'agisse des municipales, des européennes ou d'autres élections ? Et en période de dissolution ? Vous verrez que cette chaîne va se transformer en instrument de propagande ! Je sais bien qu'il y a un antidote : cette chaîne va être tellement ennuyeuse et partiale que personne ne l'écoutera ! (Rires sur divers bancs)

Il est souhaitable que nos débats soient retransmis, tels quels, mais je dénie toute représentativité à un journaliste et je suspecte a priori tout ce qu'il pourra dire sur nos travaux. Vous verrez qu'une fois de plus les porte-parole des groupes auront le monopole de l'expression : je me situe en dehors de ce système ; nous avons chacun notre légitimité aux yeux de nos électeurs et je ne me vois pas demander telle ou telle autorisation pour prendre la parole.

M. le Président - Vous n'avez pas d'exemple particulier à nous donner de ce personnage indépendant, asexué et proche du gâtisme, cela aurait pu intéresser l'Assemblée ? (Rires sur divers bancs)

M. Robert Pandraud - Je pense à certains présidents de la Cour de cassation, avant qu'il n'y ait une limite d'âge ! (Mêmes mouvements)

M. le Rapporteur - Avis défavorable.

M. Edouard Landrain - L'amendement de M. Dominati est de bon sens.

Mais une question n'a pas encore été évoquée : quand les assemblées siégeront ensemble en Congrès à Versailles, quelle sera la chaîne mandatée ce jour-là ? (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste) Il faut y réfléchir.

L'amendement 3, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Bernard Accoyer - L'amendement 8 vise à garantir un certain équilibre quand aux temps de parole.

Que se passe-t-il aujourd'hui avec Canal Assemblée ? C'est une retransmission fidèle de nos travaux et le nombre des spectateurs qui la suivent est considérable, à toute heure du jour et de la nuit -malheureusement ils peuvent constater que la nuit l'hémicycle est bien peu garni ! La nouvelle chaîne montrera-t-elle un hémicycle vide ?

L'amendement 8 fixe le temps de parole au sein de ces émissions au prorata de l'effectif des groupes parlementaires.

C'est déjà ce que pratique Canal Assemblée. M. Mathus, dont le discours a bien changé, nous dit que les journalistes seront fidèles à la ligne éditoriale. Je pense qu'il y aura des problèmes.

Plusieurs députés socialistes - Il y a toujours des problèmes !

M. Bernard Accoyer - Un jour vous aussi serez dans l'opposition. Cela va plus vite que vous ne croyez, surtout quand on est sur un petit nuage comme vous. Après les 35 heures, toutes ces dépenses publiques, la chute ne sera que plus claire, hélas pour la France (Rires sur les bancs du groupe socialiste). Cet amendement est donc de justice.

M. Michel Françaix - M. Dominati ne pourrait presque plus intervenir.

M. le Rapporteur - Cet amendement n'a pas été examiné. Je doute qu'il recueille l'assentiment de M. Pandraud. Nous ne voulons pas une information administrée. A titre personnel, rejet.

M. François Loncle - Ce qui m'étonne le plus de la part de l'opposition, surtout libérale, c'est son incapacité à s'habituer à la liberté et à la responsabilité des journalistes. Leur faire si peu confiance, c'est leur manquer de respect.

Canal Assemblée a déjà été un progrès, et France 3 poursuivra ses rediffusions. Laissez-moi évoquer quelques souvenirs. Pendant les années 1970 et la première moitié des années 1980 -donc en partie sous une législature de gauche- les membres de l'équipe technique qui assurait les retransmissions avaient tous leur carte du SAC. Je ne sais si c'était obligatoire à l'embauche... Après une époque sinistre où le ministre de l'Information, dont il nous faut respecter la mémoire, composait lui-même le menu du journal de 20 heures, la loi Fillioud a ouvert des espaces de liberté. Cette chaîne parlementaire en ouvre un nouveau.

L'amendement 8, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Patrice Martin-Lalande - Lors du débat budgétaire, Mme la ministre de la culture m'a confirmé le maintien des émissions religieuses du dimanche matin même s'il se créait des chaînes thématiques. De façon plus générale le problème se pose aussi pour le sport ou les travaux de l'Assemblée. Mon amendement 1 indique donc clairement que les obligations de retransmission des sociétés nationales prévues à l'article 55 de la loi de 1986 continueront à s'appliquer. D'ailleurs beaucoup de Français ne recevront pas la chaîne parlementaire.

M. le Ministre - La proposition de loi n'introduit aucune dérogation à la loi de 1986. France 3 conserve les mêmes obligations de diffusion. Défavorable.

M. le Rapporteur - Même avis. L'article 55 continue à s'appliquer. Cet amendement n'a pas de raison d'être.

M. Patrice Martin-Lalande - Mieux vaut que ce soit dit.

M. le Président - Nous ne prétendons pas nous substituer aux émissions religieuses...

M. Laurent Dominati - Seriez-vous en état de grâce ?

L'équipe technique se composait de membres du SAC, a dit M. Loncle. Je suis trop jeune pour me rappeler cette époque.

M. le Président - Vous vous vantez ! (Sourires)

M. Laurent Dominati - J'en ai connu d'autres depuis 1981... mais s'il s'agissait de techniciens, cela ne concernait pas la ligne éditoriale.

M. François Loncle - Le cameraman était un journaliste.

M. Michel Françaix - Vous n'y connaissez rien !

M. Laurent Dominati - Le vrai problème est la nature de la chaîne. Chaîne d'information confiée à des journalistes ou chaîne du Parlement ? C'est ce que nous disons, que nous avons toujours dit. Ne parlez pas de détestation, Monsieur Mathus, vous disiez la même chose et c'est vous qui avez changé. Vous disiez comme nous qu'une telle chaîne ne peut se fonder que sur le consensus, vous vouliez même créer une commission ad hoc. Il n'y a nulle détestation : nous vous aimons !

M. le Rapporteur - Timeo danaos et dona ferentes.

L'amendement 1, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Christian Kert - Dans la rubrique « souvenir, souvenir » sur l'ORTF, c'est François Léotard qui a privatisé TF1 qui marche bien. Quand vous avez voulu créer une chaîne privée, vous avez offert la Cinq à un groupe étranger avec le succès que l'on sait.

Nous souhaitions une seule société. Il y en aura deux. L'amendement 11, cosignée par tous les groupes de l'opposition, crée un comité de surveillance par société. Il n'est pas question de censure. Nous connaissons les qualités de M. Levaï et de M. Elkabbach, et il serait suicidaire pour de grands professionnels de ne pas être loyaux. Mais les chaînes publiques et privées acceptent l'autorité d'un CSA : on peut donc admettre que les grands professionnels qui veilleront à notre chaîne parlementaire accepteront l'autorité d'un comité de surveillance. Nous proposons donc de créer pour chacune des deux sociétés un tel comité, composé de parlementaires ; dans notre idée, ces derniers devraient être désignés par le bureau de chaque assemblée, à la proportionnelle des groupes. Le président de chaque société serait responsable devant ce comité de surveillance.

M. le Rapporteur - Je comprends le souci de M. Kert, bien que sans doute le terme de « surveillance » doive heurter sa nature libérale ; mais on pourra trouver un autre nom... Je rappelle toutefois que la proposition de loi ne comporte que les dispositions dérogatoires du droit commun. J'appelle votre attention sur le huitième alinéa de l'article 2 : « La nature, la composition, le mode de désignation et les compétences des autres organes dirigeants sont déterminés par les statuts de chaque société de programme approuvés par le bureau de l'assemblée à laquelle elle se rattache. » Rien n'empêche donc le bureau de notre assemblée de créer un organe de contrôle ou de suivi, mais c'est à lui qu'il appartient de le faire. Je suis donc défavorable à l'amendement, non pas sur le fond, que le bureau reprendra peut-être, mais parce que cette disposition n'a pas à figurer dans la loi.

M. le Ministre - Même avis.

L'amendement 11, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Bernard Accoyer - L'adoption de mon amendement 9 est rendue plus nécessaire encore par le refus du précédent, qui aurait permis d'entourer d'une plus grande sérénité la mise en place de la nouvelle chaîne. Je propose d'écrire : « La diffusion des travaux des commissions prévue à l'article 43 de la Constitution est autorisée sur décision du bureau de la commission concernée, après consultation de ses membres ».

Permettez-moi d'évoquer une anecdote survenue il y a un peu plus d'un an en commission des affaires culturelles. Un matin, travaillant sur un texte somme toute banal, nous avons été frappés par une subite affluence des membres socialistes de la commission. Nous commençons nos travaux. Soudain font irruption les caméras d'une grande chaîne de télévision... Il y avait eu délit d'initié. En conséquence, dès lors que l'on décide la transmission par la nouvelle chaîne des travaux des commissions, il faut que ces séances soient connues de tous les commissaires, au préalable et dans un délai suffisant. Faute de quoi il y aurait nécessairement rupture de l'égalité et de l'équilibre. D'où l'utilité de mon amendement.

M. le Président - Cette disposition figure déjà à l'article 46 de notre Règlement.

M. le Rapporteur - C'est ce que j'allais dire. Cet amendement est donc inutile.

L'amendement 9, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Bernard Accoyer - Je propose par l'amendement 10 la disposition suivante : « Lorsque les propos d'un parlementaire ont été déformés au cours de l'une de ces émissions d'accompagnement, ce dernier bénéficie d'un droit de réponse lors de l'émission suivante ». Dès lors que nous sortons du mode de fonctionnement de Canal Assemblée -dont je souhaiterais d'ailleurs savoir s'il va continuer à émettre, notamment la nuit- il est indispensable de prévoir cette possibilité de rectification, tout comme nous pouvons rectifier nos votes quand ils ont été enregistrés de façon erronée.

M. le Rapporteur - Cet amendement méritera d'être examiné par le bureau, qui fixera des règles. Mais il existe aujourd'hui un droit commun du droit de réponse dans les sociétés audiovisuelles, fixé par la loi, et qui s'appliquera naturellement aux chaînes parlementaires : l'amendement est donc inutile.

M. le Ministre - Même avis.

L'amendement 10, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Laurent Dominati - L'amendement 4 revient sur l'idée de conseil de surveillance. Je note à ce sujet une contradiction, ou au moins une incertitude, entre les propos tenus ce matin et les documents écrits envoyés aux groupes. Le Président de l'Assemblée écrit en effet qu'il y aura un conseil de surveillance, comportant six députés et six sénateurs ; dans son esprit, il s'agit d'une instance arbitrale destinée à régler d'éventuels litiges entre les deux assemblées. Ce conseil existera sans doute plus tard, car il ne figure pas dans la loi ; nous verrons bien comment il se met en place. J'indique au passage à M. Mathus que ce n'est pas M. Kert qui a introduit ce terme de « surveillance », mais le Président de l'Assemblée ; nous ne faisons qu'amender vos propositions. En revanche, rien n'est dit d'un conseil de surveillance ou d'orientation propre à chaque société de programme. Nous pensons qu'il faut créer ces deux conseils -à ne pas confondre avec le conseil de surveillance qu'envisage le Président Fabius-, que chacun d'eux soit présidé par un parlementaire et que celui-ci soit pris alternativement dans la majorité et dans l'opposition. Il proposerait au bureau un directeur général.

Au passage, j'aimerais que M. le rapporteur nous en dise plus sur ce conseil de surveillance dont parle M. Fabius et qui ne figure pas dans la loi.

M. le Rapporteur - La proposition de M. Dominati ne manque pas d'intérêt, à un détail près : c'est qu'elle est en contradiction avec l'article L.O. 146-3 du code électoral selon lequel « sont incompatibles avec le mandat parlementaire les fonctions de chef d'entreprise, de président de conseil d'administration, de président et de membre de directoire, de président de conseil de surveillance, d'administrateur délégué, de directeur général, directeur général adjoint ou gérant exercées dans (...) les sociétés ou entreprises dont l'activité consiste principalement dans l'exécution de travaux, la prestation de fournitures ou de services pour le compte ou sous le contrôle de l'Etat, d'une collectivité ou d'un établissement public ou d'une entreprise nationale ou d'un Etat étranger ».

M. Laurent Dominati - Ce n'est pas sérieux. C'est nous qui faisons la loi ! Ce que nous votons aujourd'hui n'a pas moins de valeur que les lois déjà existantes, auxquelles sont dérogatoires nombre de vos propositions : ainsi la chaîne n'est pas contrôlée par le CSA, ni soumise à la Cour des comptes... D'autre part, je n'obtiens toujours pas de réponse à mes questions, notamment sur le conseil de surveillance qu'évoque le texte de M. Fabius. Je fais une proposition sérieuse sur l'alternance entre majorité et opposition : pas de réponse non plus. La loi, c'est nous ! Ou plutôt ce sera vous, puisque, refusant de travailler en commun vous ferez tout seuls votre loi et votre chaîne.

M. le Rapporteur - J'ai cité l'article « L.O. » 146-3 : la loi ordinaire n'a pas capacité de déroger à la loi organique.

M. le Ministre - Même avis.

M. Yves Cochet - Je souhaite faire une mise au point sur certains propos de M. Dominati, qui a dit, en mon absence, que la délégation à la communication et moi-même n'aurions pas du tout été associés à ce projet.

M. Laurent Dominati - J'ai dit que vous n'en aviez pas la responsabilité. L'aviez-vous ?

M. Yves Cochet - Non, car depuis deux ans, le question se traite entre le Président du Sénat et celui de l'Assemblée ; mais nous avons été associés depuis le début. Je regrette d'ailleurs d'avoir rarement vu les membres de l'opposition dans notre délégation, notamment pour discuter de la chaîne parlementaire. Je ne crois pas qu'il y ait eu déficit de concertation ; mais évidemment c'est votre jeu de le dire.

L'amendement 4 mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Bernard Accoyer - Aucune considération rationnelle ne saurait s'opposer à l'adoption de l'amendement 6. L'article 2 dispose : « Ces deux sociétés de programme sont dirigées par des présidents directeurs généraux nommés pour trois ans par les bureaux des assemblées, sur proposition de leur Président ». Je propose que cette nomination vaille pour la durée de la législature. Par honnêteté d'abord : il n'échappe à personne, en effet, que le futur PDG de la société de programmes de l'Assemblée nationale a été coopté par le Président de notre assemblée. Dans un souci de bonne gestion des finances des assemblées, ensuite : on n'imagine pas qu'en cas d'alternance, le nouveau Président de l'Assemblée ne souhaite pas jouir des mêmes prérogatives que son prédécesseur ; il voudra lui aussi choisir le président du principal instrument de retransmission de nos travaux ; il licenciera donc le PDG en place, ce qui coûtera très cher au contribuable...

Rien ne peut justifier un contrat à durée déterminée de trois ans. Ne nous cachons pas la réalité de ce que sera ce nouvel outil médiatique, qui aura nécessairement une ligne éditoriale.

M. le Rapporteur - L'objectif du contrat de trois ans est précisément d'éviter le spoil system à l'américaine : nous ne voulons pas que les présidents changent avec les alternances politiques. Avis défavorable.

M. Bernard Accoyer - Si l'on veut des personnels indépendants, tenus à une absolue obligation de réserve, il suffit de recruter des fonctionnaires. Pourquoi ne pas se satisfaire de ceux qui ont si bien fait fonctionner Canal Assemblée ?

L'amendement 6, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. le Président - L'amendement 11 n'ayant pas été adopté, l'amendement 12 tombe.

M. Laurent Dominati - Puisque la majorité n'est pas ouverte à la discussion, je retire mon amendement 5.

M. Bernard Accoyer - Il est en effet inutile que nous continuions à faire de la figuration. Non seulement je retire mon amendement 7, mais je me retire.

M. Patrice Martin-Lalande - Je retire mon amendement 13.

L'article 2, mis aux voix, est adopté.

Les articles 3 et 4, successivement mis aux voix, sont adoptés.

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EXPLICATIONS DE VOTE

M. Laurent Dominati - Hélas, nous ne voterons pas la création de cette chaîne parlementaire, que nous avions été les premiers à souhaiter. La majorité n'a pas voulu que nous tentions de nous mettre d'accord à la faveur d'une suspension de séance, elle n'a voulu adopter aucun de nos amendements. Bien plus, elle n'a pas répondu à nos question, ni même à celles qu'elle se pose, je pense au conseil de surveillance mentionné par M. Fabius.

Nous ne savons pas qui sera responsable de cette chaîne. Peut-être sera-ce, pour la moitié, M. Levaï, qui sera sans doute plus démocrate que cette majorité !

Monsieur Mathus, je vous approuvais lorsque vous disiez qu'une chaîne parlementaire et civique ne peut être fondée que sur le consensus. J'étais alors dans la majorité et ma conclusion était qu'il fallait continuer à travailler notre projet, afin que cette chaîne soit bien celle de tout le Parlement et de tous les groupes. Aujourd'hui, pas un seul membre de la majorité n'a suggéré à ses collègues de nous écouter. Cela augure mal de la suite.

J'espère néanmoins que la qualité de nos travaux -parfois bons, parfois moins bons-, le sens des responsabilités des parlementaires, une bonne collaboration entre l'Assemblée nationale et le Sénat et la compétence des professionnels permettront, malgré ce mauvais départ, de faire de cette chaîne une réussite.

M. Marcel Rogemont - En commission, aucune opposition à ce texte ne s'était manifestée.

M. Laurent Dominati - Si !

M. Marcel Rogemont - Non, rien ne laissait présager la position que vous adoptez aujourd'hui. Cette proposition de loi a mis sept ans pour aboutir ; Assemblée nationale et Sénat, dont les majorités sont différentes, ont réussi à se mettre d'accord. C'est donc en toute confiance que nous pouvons adopter ce texte.

M. Christian Kert - La bonne ambiance de nos travaux en commission ne signifiait pas que nous allions voter ce texte... Nous ne le voterons pas car nous considérons qu'on est allé trop vite. Nous ne manifestons de défiance ni à l'égard des journalistes, ni à l'égard du Président de l'Assemblée nationale, qui a prouvé, vis-à-vis de votre majorité, comme vis-à-vis de notre assemblée, son sens de l'équilibre. Nous n'avons pas davantage de raisons de nous défier du futur président de la société de programmes : son professionnalisme éprouvé devrait lui interdire toute partialité.

Cependant, aucune garantie n'est apportée sur la manière dont les équilibres politiques seront maintenus. C'est pourquoi nous ne voterons pas cette proposition de loi.

L'ensemble de la proposition de loi, mis aux voix, est adopté.

Prochaine séance cet après-midi, à 15 heures.

La séance est levée à 12 heures.

                      Le Directeur du service
                      des comptes rendus analytiques,

                      Jacques BOUFFIER


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