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Session ordinaire de 1999-2000 - 55ème jour de séance, 131ème séance

3ÈME SÉANCE DU MARDI 22 FÉVRIER 2000

PRÉSIDENCE de M. Philippe HOUILLON

vice-président

Sommaire

          ARCHÉOLOGIE PRÉVENTIVE 2

          EXCEPTION D'IRRECEVABILITÉ 5

          MOTION DE RENVOI EN COMMISSION 21

          ARTICLE PREMIER 26

          APRÈS L'ARTICLE PREMIER 27

La séance est ouverte à vingt et une heures.

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      ARCHÉOLOGIE PRÉVENTIVE

L'ordre du jour appelle la discussion du projet de loi relatif à l'archéologie préventive.

Mme Catherine Trautmann, ministre de la culture et de la communication - Discipline essentielle, l'archéologie préventive assure la préservation du patrimoine ou, à défaut la transmission sous forme d'archives des témoignages contenus dans le sol, quand des éléments du patrimoine archéologique sont susceptibles d'être affectés par des travaux d'aménagement.

Situé au croisement de la science et du développement économique, le sujet vous est connu, puisque les élus sont régulièrement confrontés à des difficultés de conciliation entre le devoir de mémoire et les impératifs de l'aménagement du territoire.

Née de l'essor des grands chantiers qui remodèlent depuis les années 1960 les centres et les périphéries des villes, cette discipline s'est malheureusement développée en dehors d'un cadre légal adapté.

Son essor est en effet postérieur à la loi validée de 1941 sur l'archéologie, qui ne pouvait lui offrir un cadre pertinent d'exercice. Cette carence juridique a pesé sur cet outil majeur d'exploration des traces de notre passé et de restitution de l'histoire du cadre de vie.

Si les archives ont fait l'objet depuis le XIXe siècle de corps de doctrines, force est de constater que les archives du sol ont suscité un moindre intérêt. Ces temps me semblent aujourd'hui révolus. Je suis en effet frappée de la place prise par les repères patrimoniaux : là où il a longtemps été perçu comme un handicap, le patrimoine est, d'une manière croissante, considéré par les collectivités comme facteur de développement.

Dans ce contexte, j'ai voulu mettre fin aux malentendus créés par l'absence de cadre légal de l'archéologie préventive.

Je souhaite que les opérations d'archéologie préventive soient mises en _uvre sans délais, sur l'ensemble du territoire, que leurs coûts soient transparents et qu'elles soient guidées par une préoccupation constante d'équité. Dans le rapport que m'ont remis, en décembre 1998, MM. Bernard Poignant, maire de Quimper, Bernard Pecheur, conseiller d'Etat et Jean-Paul Demoule, archéologue et universitaire, la mise en chantier d'une réforme affirmant le caractère scientifique et de service public de l'archéologie préventive était préconisée. J'ai proposé au Gouvernement de retenir ces orientations.

Ainsi, le projet de loi qui vous est soumis affirme le rôle de prescription, de contrôle et d'évaluation scientifique de l'Etat. Il crée un établissement public à caractère administratif, placé sous la double tutelle du ministère de la culture et du ministère chargé de la recherche et qui a pour mission d'effectuer, pour le compte de l'Etat, les opérations de diagnostic et de fouilles rendues nécessaires par les risques de destruction de vestiges archéologiques à l'occasion de travaux, et, dans ce cadre, d'assurer des missions de recherche, de publication, de diffusion, d'animation et de formation.

L'Etat a la responsabilité d'assurer l'égalité de prestations, de coûts et de délais dans le traitement du patrimoine archéologique. Il a donc besoin d'un établissement public dont les capacités et le format soient suffisants pour intervenir à tout moment et en tous lieux.

Mais l'archéologie préventive n'est pas seulement l'affaire de l'Etat et du futur établissement public. Ce dernier doit en effet prendre appui sur l'ensemble des réseaux déjà constitués : services archéologiques des collectivités territoriales, centre national de la recherche scientifique, universités, associations qualifiées, etc... A cet égard, l'amendement de la commission des affaires culturelles qui permettra aux collectivités territoriales dotées de services archéologiques agréés d'être exonérées de la redevance quand elles peuvent prendre en charge une fouille, est conforme à l'esprit du projet et sera soutenu par le Gouvernement.

Cette volonté d'ouverture inspire également l'organisation du nouvel établissement, dans lequel les différents acteurs intéressés seront représentés et dont le fonctionnement sera très différent de celui de l'association pour les fouilles archéologiques nationales, qui procède d'une logique empirique aujourd'hui dépassée.

J'en viens au financement de l'archéologie préventive. Les prescriptions des services de l'Etat ont pour corollaire le versement par les aménageurs de redevances qui ont le caractère d'impositions de toute nature. Plusieurs parlementaires ont émis des observations sur le dispositif prévu à l'article 4 du projet et la commission des affaires culturelles a adopté plusieurs amendements destinés à l'améliorer. Ils seront soutenus par le Gouvernement. Lors de mon audition par votre commission, j'avais fait part de mon intention de rechercher les voies d'un dispositif plus simple et plus équitable pour les aménageurs. J'ai été attentive à leur préoccupation légitime de voir encadrer la part d'aléas inhérente au risque archéologique afin de rendre les coûts plus prévisibles. C'est pourquoi le Gouvernement propose à votre assemblée d'adopter un amendement à l'article 4 du projet, qui confirme le principe d'une double redevance.

Par souci de simplicité, un taux unique s'appliquera pour les sondages et les diagnostics. La charge supportée par les aménageurs sera exclusivement fonction de l'emprise au sol des travaux projetés. La redevance sera donc mutualisée dans son intégralité entre les aménageurs, qui seront en mesure, dès le stade de la prescription de l'Etat, d'anticiper les coûts.

Lorsque les services de l'Etat prescriront, à l'issue des diagnostics, une fouille archéologique, celle-ci donnera lieu au paiement d'une redevance, dont le montant variera en fonction de la nature des sites archéologiques. Il ne pourra augmenter au cours des fouilles, en fonction de difficultés imprévues.

Ainsi, l'établissement public ne pourra faire supporter aux aménageurs les coûts supplémentaires qu'entraînerait un allongement éventuel des délais de réalisation des diagnostics et fouilles.

Si les redevances sont établies par l'établissement public, ce sont bien les services de l'Etat qui fixeront l'ensemble de leurs paramètres de calcul. L'établissement public ne disposera donc d'aucune compétence discrétionnaire. Dans le même esprit, le Gouvernement soutient l'amendement créant une instance de médiation entre les aménageurs, l'établissement public et l'Etat.

Ensemble, nous avons ainsi mis au point un dispositif plus simple qui assure une meilleure égalité de traitement entre les aménageurs devant les charges publiques et qui tende à concilier les impératifs du développement économique et de la mise à jour de la part enfouie de notre passé.

En dépit d'une nécessité manifeste, un service public de l'archéologie préventive n'a jamais été créé. Ardemment souhaitée depuis 20 ans, cette réforme met notre législation en conformité avec les objectifs politiques auxquels la France a adhéré à travers la convention de Malte du 16 janvier 1992.

Je m'attacherai à redonner à l'archéologie programmée des moyens budgétaires afin que l'archéologie préventive, toujours effectuée dans l'urgence et sous la contrainte légitime de calendriers extérieurs à la seule logique scientifique, n'accapare pas la totalité du champ de la discipline. J'attends également des services déconcentrés de l'Etat qu'ils travaillent en partenariat croissant avec les collectivités territoriales.

La tenue de la carte archéologique sera assurée par l'Etat. Elle a vocation à devenir une banque de données patrimoniales, à la constitution de laquelle doivent concourir les collectivités territoriales, le réseau associatif et tous les membres de la communauté scientifique.

Un effort doit aussi être accompli en matière de publications. A cette fin, l'établissement public s'appuiera sur les nouvelles technologies de l'information pour élargir l'audience des publications scientifiques, dont la nécessité n'est plus à démontrer. Il faut aussi innover pour développer la curiosité d'un large public à l'égard du patrimoine archéologique.

Je suis déterminée, vous le savez, à démocratiser la culture. Je l'ai fait par des aménagements de tarifs dans les musées, les monuments, les théâtres. Une action pédagogique sur les sites archéologiques en est un autre moyen. L'archéologie est _uvre de professionnels, mais a aussi une dimension civique. Je souhaite que nous y réfléchissions et que nous agissions ensemble.

Les archives enfouies dont parlait Michelet exaltent une identité commune et énoncent une histoire partagée.

Je vous invite donc à élaborer ensemble ce texte. Je remercie le président de la commission, le rapporteur et tous ceux qui ont assisté à mon audition pour leur contribution. Je souhaite que le débat se poursuive dans le même esprit (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe communiste).

M. Marcel Rogemont, rapporteur de la commission des affaires culturelles - Je vous remercie d'abord, Madame la ministre, pour votre disponibilité et pour l'aide que nous a apportée votre entourage, notamment sur les aspects financiers. En outre, vous nous avez transmis les deux projets de décrets d'application. Nous pouvons donc délibérer dans les meilleures conditions.

Après quelques réflexions sur le retard pris à débattre de l'archéologie, je présenterai la scène sur laquelle les trois acteurs, scientifique, technique et économique évoluent, avant d'indiquer dans quel sens a travaillé la commission.

Pourquoi, en France, délibère-t-on si tardivement sur l'archéologie ? Si nos scientifiques se sont peu intéressés aux « Gaulois » pour exceller en Egypte ou en Grèce, c'est peut-être qu'une identité nationale déjà forte ne nécessitait pas qu'on y prête la même attention que ce fut le cas dans d'autres pays à la recherche de leurs racines pour fonder leur identité. La législation française est maigre. Après la loi de 1913 sur les monuments historiques, la loi de 1941 inspirée par Jérôme Carcopino organisait l'archéologie programmée. La découverte fortuite restait accessoire.

Or voilà que cet accessoire représente 90 % de la recherche archéologique. Désormais, l'archéologie programmée représente quelques dizaines de millions, l'archéologie préventive quelques centaines.

Les acteurs, eux, se sont organisés. Ce sont, sur le plan scientifique, les services régionaux et les commissions interrégionales de l'archéologie qui décident des fouilles. Mais pour traiter les problèmes en urgence, on a créé en 1973 un acteur technique, l'AFAN -qui reste dans un état d'incertitude juridique comme le montre une grève récente de ses agents. Face à eux, l'acteur économique, promoteur immobilier ou aménageur public, a peu de place. Il déclare la découverte fortuite, a l'impression de passer sous les fourches caudines des archéologues, et paye ici 300 000 F, plus loin un million pour un km d'autoroute. Il a souvent l'impression d'être pris dans un piège dont il ne peut sortir qu'en signant un chèque à l'AFAN.

S'il faut une nouvelle organisation sur le plan technique, il convient aussi de répondre à l'attente de l'acteur économique qui réclame une organisation préventive de l'archéologie préventive.

Cela signifie d'abord que le « risque archéologique » doit être mieux prévisible. Mettre toutes les informations de la carte archéologique à la disposition des mairies y contribuerait. Le coût de ce risque doit également être connu plus clairement. La redevance le permettra, comme son caractère forfaitaire permettra de mieux maîtriser les délais puisque les retards gêneront l'opérateur des fouilles plus que le financeur.

Il faut également assurer une plus grande transparence dans les coûts ainsi que dans les décisions.

Prévisibilité et transparence amélioreront ainsi la qualité de la pièce que jouent nos trois acteurs et qui respecte aussi les trois règles d'or du théâtre classique : unité d'action, dont le garant est l'Etat qui désigne un responsable scientifique ; unité de lieu, dont le garant est l'établissement public qui devra intervenir sur l'ensemble du territoire ; unité de temps que tous deux assureront car elle importe à l'acteur économique et à l'archéologue lui-même.

Entrant dans la sphère publique, l'archéologie préventive doit être confortée par des initiatives de médiation culturelle, afin d'y gagner une légitimité supplémentaire.

Ainsi pourrons-nous « protéger le patrimoine archéologique en tant que source de mémoire collective européenne et comme instrument d'études historique et scientifique » comme le demande la convention européenne de la protection du patrimoine archéologique signée à Malte en 1992 et ratifiée par la France en 1994.

C'est l'objet de ce projet. Nous l'attendions depuis longtemps et nous le voterons (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe communiste).

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EXCEPTION D'IRRECEVABILITÉ

M. le Président - J'ai reçu de M. José Rossi et des membres du groupe Démocratie libérale une exception d'irrecevabilité déposée en application de l'article 91, alinéa 4, du Règlement.

M. François Goulard - Ce projet sur l'archéologie préventive pouvait paraître anodin et de nature à faire l'objet d'un consensus. En réalité, il viole la Constitution sur au moins trois points, même si M. Le Garrec fait l'étonné en m'entendant...

Nous savons tous qu'il y a un difficile équilibre à trouver entre, d'une part, la nécessité de préserver ce que notre sol contient d'historiquement intéressant, de l'autre, celle de ne pas entraver la vie économique et sociale par un blocage indu des projets. Mais le dispositif que vous présentez pour ce faire, Madame la ministre, témoigne d'une approche simpliste. Que dit en effet l'article premier ? « L'Etat prescrit... ». Quoi ? Pas de formalité, pas de consultation, pas de commission, pas de contrôle ni de conditions...

Dès lors, le seul recours pour les propriétaires concernés sera le tribunal administratif ou le Conseil d'Etat sur la base de l'erreur manifeste d'appréciation. Cette absence de garanties constitue à nos yeux une atteinte excessive au droit de propriété, lequel est protégé par notre Constitution via la référence à la Déclaration des droits de l'homme. Et vous savez que pour qu'il y ait atteinte au droit de propriété, le juge constitutionnel n'exige pas qu'il y ait dépossession : l'atteinte excessive à la jouissance ou à l'usage d'un bien suffit. Madame la ministre, permettez-moi de vous dire que le législateur de 1941, horresco referens, était plus protecteur des droits des tiers que ne l'est votre projet puisqu'en l'absence d'accord amiable, il prévoyait une enquête publique.

A l'article 2, vous tentez de trouver une solution légale à une situation pour le moins baroque, le fait que l'AFAN travaille depuis longtemps dans des conditions que je qualifierais d'« a-légales », puisque ses interventions ne se fondent sur aucun texte. L'association a d'ailleurs été épinglée plusieurs fois par la Cour des comptes et par le conseil de la concurrence. Vous proposez donc de créer un établissement public, au bénéfice duquel vous instituez au passage un monopole. Il s'agit là non seulement d'une solution peu efficace mais encore d'une atteinte à une liberté fondamentale, elle aussi protégée par la Constitution : la liberté d'entreprendre. Voyez à ce sujet la décision du Conseil du 16 janvier 1982 sur les lois de nationalisation.

Mme Christine Boutin et Mme Bernadette Isaac-Sibille - Très bien !

M. François Goulard - L'institution de ce monopole privera d'activité les entreprises travaillant actuellement dans le secteur de l'archéologie préventive, sans que soit prévue leur juste et préalable indemnisation. C'est une atteinte à la liberté économique d'entreprendre.

Cette chape de plomb d'un monopole d'Etat est aussi une atteinte à la libre initiative des collectivités locales qui souvent ont créé des services ad hoc et à celle des associations.

L'article 4 traite des redevances destinées à financer le nouvel établissement public. Vous avez annoncé tout à l'heure un changement de pied du Gouvernement sur ce point. Je ne crois cependant pas que l'amendement du Gouvernement lève complètement mon objection.

Dans le texte initial, en tout cas, vous confiez à l'établissement public le soin de fixer l'impôt puisque c'est lui qui déterminera en fonction du degré de complexité des sondages à effectuer, la contribution nécessaire, laquelle pourra varier dans des proportions considérables, allant de 100 à 8 000 F.

M. le Rapporteur - Mais non ! C'est du passé.

M. François Goulard - Dans le texte déposé sur le bureau de notre assemblée, il en va bien ainsi.

M. Jean Le Garrec, président de la commission des affaires culturelles - Mais nous avons travaillé depuis.

M. François Goulard - Le fait que cet établissement public détermine lui-même les ressources dont il a besoin bafoue l'article 34 de la Constitution qui réserve au législateur le soin de fixer les modalités et le taux de l'impôt.

Pour toutes ces raisons, il y a lieu de voter notre exception d'irrecevabilité.

Cette loi, Madame, c'est de l'archéo-socialisme. Les solutions qu'elle propose -EPA, monopole d'Etat- auraient été envisageables dans les années 60 mais, compte tenu de la diversité croissante de la vie économique et sociale, elles ne sont plus possibles aujourd'hui. Je crains cependant qu'il y ait une majorité pour les adopter. Il nous restera donc à les soumettre au Conseil constitutionnel. Je ne sais s'il y a un lobby de l'archéologie mais je présume qu'il est de toute façon moins puissant que celui de l'électricité et j'ai donc bon espoir de réunir le nombre requis de députés pour le saisir (Applaudissements sur les bancs du groupe DL, du groupe UDF et du groupe du RPR).

Mme Catherine Trautmann, ministre de la culture et de la communication - M. Goulard a voulu me convaincre d'archéo-socialisme, mais son discours était, lui, archéo-libéral. Car ses arguments ne tiennent pas dès lors que nous traitons ici d'une compétence régalienne. L'Etat est en effet détenteur et responsable des archives du sol, ce qui lui confère bien toute autorité pour prescrire les mesures qu'il juge nécessaires et ce selon les modalités définies par la loi.

L'établissement public, lui, est chargé du diagnostic et des fouilles. Et je vous rassure, il peut agir en partenariat avec les services des collectivités locales, les entreprises spécialisées et les associations.

M. François Goulard - La loi n'en dit rien.

Mme la Ministre - Ne confondez pas ce qui relève de la loi et ce qui relève du décret.

Vous vous plaignez de l'absence de commission. Mais il existe bel et bien une commission interrégionale d'archéologie, la CIRA, qui se prononce sur les prescriptions faites par les services de l'Etat dans les régions.

Vous dites aussi qu'aucune protection n'est offerte aux propriétaires. Mais les décisions dont ils pourraient pâtir relèveront des mêmes contrôles et des mêmes voies de recours que toute décision administrative. De plus, un amendement de votre rapporteur prévoit une commission de médiation.

La liberté d'entreprendre n'est quant à elle nullement mise à mal, puisque les entreprises travaillant dans ce secteur pourront parfaitement être sollicitées pour des travaux entrepris en région. J'ai lu dans un journal local que telle société était décidée à défendre son activité jusque devant le Conseil constitutionnel s'il le fallait et je constate que certains se font l'écho de ces menaces... (Protestations sur les bancs du groupe UDF et du groupe du DL) Vous avez parlé, Monsieur Goulard, de « lobby ». Je voudrais au contraire souligner l'objectivité du Gouvernement dans cette affaire. D'abord, le débat a été long et lent. Ensuite, nous nous sommes appuyés sur ce rapport très complet, établi par un représentant des collectivités locales, un conseiller d'Etat et un universitaire.

Vos arguments sur la redevance ne tiennent pas davantage que les précédents. D'abord, le principe de celle-ci va être voté par le Parlement -si du moins ce projet est adopté. Ensuite, l'exigibilité de la redevance pour les aménageurs sera exclusivement fonction de la réalisation effective de diagnostics et de fouilles. Il y aura bien un lien entre l'archéologie préventive et les impositions créées. Il ne s'agit donc pas d'une imposition qui ne s'appuierait sur rien. Les services de l'Etat en fixeront tous les paramètres ; l'établissement public n'aura à sa charge que la collecte.

Les choses sont donc claires. A l'Etat incombent la prescription, le contrôle, l'évaluation, le calcul de la redevance. Quant à l'établissement public, il agit ; il ne lui appartient pas de fixer la redevance, mais seulement de la lever auprès des aménageurs. En outre, s'il y a dépassement du prix des fouilles ou des délais, ce sera à la charge de l'établissement : nous inversons donc la charge qui pesait jusqu'alors sur les aménageurs. Elle pèsera désormais sur les responsables de la prescription , c'est-à-dire l'Etat et l'établissement public (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

M. le Rapporteur - Un mot sur la notion de monopole. L'établissement public administratif reçoit en effet des droits exclusifs, pour répondre aux milliers d'actes d'archéologie préventive qui doivent s'accomplir sur tout le territoire. Mais ces droits exclusifs sont en fait une responsabilité, qui garantit l'ensemble des travaux, en temps et coût proportionnels à l'action. Que l'établissement public soit responsable, cela signifie qu'il doit pouvoir tout faire, non qu'il doit tout faire, et ce n'est pas ce que propose le texte du Gouvernement, non plus que les amendements, qui nous permettront de prendre en compte cet aspect du problème. Vous avez une vision trop totalisante de l'action de l'établissement public (Rires sur les bancs du groupe DL, du groupe UDF et du groupe du RPR). Or ce n'est pas ainsi qu'il va fonctionner : il est ouvert sur la communauté scientifique et sur tous les partenaires de l'archéologie.

D'autre part, il serait intéressant que nos collègues portent leur regard sur l'organisation de l'archéologie préventive dans les autres pays d'Europe. Les diverses solutions retenues ne permettent nulle part de dire qu'il y a concurrence, ou celle-ci est illusoire. Au mieux, on a de petits monopoles locaux, mais non la capacité de répondre à l'ensemble des besoins d'archéologie préventive sur tout le territoire et par rapport à toutes les décisions des acteurs économiques.

Il faut garantir l'activité économique contre le « risque archéologique », et pour cela un établissement public est nécessaire (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

M. le Président - Nous en venons aux explications de vote.

M. Emile Blessig - L'archéologie fait partie d'un patrimoine à défendre. Pour cela il existe différentes solutions. La vôtre repose sur un monopole exclusif, ce qui va à l'encontre des libertés minimales, garanties notamment par la décentralisation. Parmi les « propriétaires », en effet, figurent non seulement des propriétaires au sens du code civil, mais des collectivités locales, des territoires qui veulent aménager. Vous leur opposez une démarche de monopole, où nulle concertation n'est prévue, et où l'établissement public, au nom du pouvoir régalien de l'Etat, imposera sa décision à tous niveaux.

L'UDF considère que cette vision est contraire à la Constitution, mais aussi à toute la manière dont nous voulons travailler. Nous voterons donc l'exception d'irrecevabilité (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF, du groupe du RPR et du groupe DL).

M. Jacques Pélissard - Que se passe-t-il aujourd'hui ? La moitié des fouilles sont le fait de l'AFAN, le quart, des services archéologiques territoriaux, et le dernier quart des universités et du CNRS. Nous avons donc une recherche pluraliste. Vous voulez passer à une situation de monopole, perspective opposée à toute cette richesse, et condamnée en mai 1998 par le conseil de la concurrence.

Seule une approche territoriale est pertinente dans la démarche archéologique. On ne saurait appréhender les richesses territoriales à partir de la seule action d'une équipe nationale. L'exception d'irrecevabilité est donc justifiée, et le groupe RPR la votera (Applaudissements sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL).

M. François Goulard - Je le dis à Mme la ministre, ce n'est pas au regard des bonnes intentions du Gouvernement que se juge la constitutionnalité d'une loi : c'est en fonction de son texte. A l'article premier vous ne prévoyez aucune modalité d'appréciation de l'atteinte au droit de propriété : nous sommes donc fondés à penser qu'il y a atteinte à ce droit.

Pour ce qui est, d'autre part, du monopole, Mme la ministre s'est autorisée une polémique subalterne, suggérant que nous défendions les intérêts de telle entreprise -qui existe d'ailleurs plutôt dans sa région que dans la mienne. Mais je m'honore de défendre les intérêts d'une entreprise, s'ils sont lésés par un texte contraire à la Constitution !

Ce monopole est totalement inadapté aux besoins de l'archéologie préventive.

A l'article premier, vous affirmez qu'il appartient à l'Etat de décider des mesures d'archéologie préventive, et nous sommes tous d'accord sur ce point. Mais auriez pu disposer, dans un article 2, qu'outre un établissement public -résultant de la transformation d'une association mal fondée juridiquement- il existait d'autres acteurs de l'archéologie préventive.

Vous pourriez écrire que l'Etat a un pouvoir de prescription, et même de contrôle : pourquoi pas un dispositif d'agrément des associations et organismes chargés de l'archéologie préventive ? Nul d'entre nous n'y aurait trouvé à redire. Mais ce qui est inacceptable est d'établir un monopole, en niant l'existence et les compétences de tous les autres acteurs actuels. Tous les milieux concernés -à part quelques-uns qui verront leur situation confortée- ne peuvent qu'être révoltés par cette démarche. Nous maintenons donc que ce texte n'est pas conforme à la Constitution, pour ne rien dire de ses inconvénients pratiques, qu'analyseront M. Cardo et d'autres collègues (Applaudissements sur les bancs du groupe DL, du groupe du RPR et du groupe UDF).

M. Serge Blisko - Je suis un peu surpris, car il me semble que vous n'avez compris ni la lettre, ni l'esprit du projet. Il améliore la liberté de ceux qui vont entreprendre : vous proclamez qu'il va la restreindre. Il s'agit au contraire de prévention. L'établissement public pourra donner clairement l'état de la question, en avertissant les aménageurs, qu'ils soient publics ou privés, qu'ils sont dans une zone à « risque archéologique ». Qui plus est, il leur communiquera par avance une redevance tarifaire et des délais, ce qui est très protecteur : le promoteur, la collectivité locale sauront ainsi où ils vont. En outre la prise de risque incombe à l'établissement public.

Mme la ministre l'a bien dit : l'Etat ne s'arroge pas un droit. Depuis les débuts de l'archéologie préventive, il se veut l'acteur principal. Mais il n'y aura pas de monopole des opérations. Il y aura association avec les archéologues des collectivités locales, comme avec les associations -les « sociétés savantes »- et les bureaux d'études privés. Nul ne souhaite interdire à quelque entreprise ou association de travailler. Sur cette question de monopole, je vous trouve donc extraordinairement crispés, en fonction d'une lecture du texte qui ne correspond pas à sa réalité.

Au demeurant, chaque fois qu'un permis de construire est demandé, une liste de prescriptions s'impose au déposant. Pourquoi voulez-vous faire sortir l'archéologie de cette liste ? Vous êtes fondés à défendre la liberté d'entreprendre, mais non à affirmer que l'Etat l'entrave chaque fois qu'il agit. Dès que vous entendez les mots « public », « administratif », vous sortez vos griffes... Soyez plus détendus et lisez le projet. L'article 4 comporte une autre vision que celle que vous dites. De plus, un amendement du Gouvernement témoigne qu'il a été sensible aux préoccupations exprimées par tous les groupes de l'Assemblée et par les collectivités locales en matière de simplification, d'opposabilité, de procédures précontentieuses. Ce texte est donc très protecteur pour ceux qui veulent entreprendre. Le groupe socialiste ne peut que regretter votre intervention, et rejeter l'exception d'irrecevabilité (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe communiste).

M. Bernard Outin - Quand nos collègues de l'opposition entendent le mot « public », j'ai l'impression qu'ils réagissent comme des chiens de Pavlov (Rires sur les bancs du groupe DL) : certains mots déclenchent des réflexes... Et s'il s'agit de « monopole public », le réflexe est démultiplié ! Mais cet établissement public encaissera une redevance : il ne va pas vendre des prestations. Il peut passer des conventions avec les autres secteurs de l'archéologie. C'est cela, le monopole : le pouvoir d'agir au nom de l'intérêt général. Nous ne voterons donc pas l'exception d'irrecevabilité (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

L'exception d'irrecevabilité, mise aux voix, n'est pas adoptée.

M. Bernard Outin - Il était grand temps que le Gouvernement dépose un projet réglementant l'archéologie préventive en la plaçant clairement dans le champ d'action du service public.

Nous apprécions cette démarche, qui répond à la demande des professionnels et de la collectivité.

Trop d'affaires ont mis en danger l'archéologie préventive, risquant d'entraîner dans son sillage l'archéologie. Aménagement du territoire et vestiges de notre histoire se sont retrouvés en situation de collision frontale.

Trop de complaisances à l'égard des aménageurs se sont multipliés, jusque dans les plus hautes sphères politiques.

Il fallait « faire le moins cher possible dans le délai le plus court possible ».

Rodez, Saint-Omer sont le reflet d'une gestion inappropriée de l'archéologie préventive. Celle-ci, parce qu'elle participe du respect d'un bien commun, doit prendre un nouvel essor, à travers une large concertation afin de concilier aménagement du territoire et préservation du patrimoine archéologique, en application du principe de précaution. Il faut sortir de la culpabilité pour engager une démarche de responsabilité collective, en instituant une réglementation claire et transparente.

Plus l'archéologie sera préventive, plus les coûts pour tous seront réduits. Cela participe d'une certaine citoyenneté et du respect de l'intérêt général.

La reconnaissance de l'archéologie ne s'est pas faite en un jour. Ce projet doit permettre à l'archéologie préventive d'être véritablement reconnue comme discipline à part entière, située au confluent d'intérêts culturel, social et économique.

Les sites archéologiques sont devenus des sources d'informations irremplaçables pour retracer l'histoire des sociétés.

Aussi, depuis 20 ans, la communauté archéologique lutte-t-elle pour que l'archéologie préventive soit reconnue comme une priorité publique, et relève des missions de service public.

Le projet met fin aux errements juridiques de la loi de 1941, en organisant le mode de financement et le fonctionnement de l'archéologie préventive.

C'est l'occasion de consacrer l'archéologie préventive en complétant la démarche de sauvetage par une démarche de précaution.

L'Etat doit être le garant de ce nouveau régime. Ici, nous sommes face à des risques potentiels de destruction de notre patrimoine archéologique. Sa préservation, son étude, sa mise en valeur relèvent de la seule puissance publique.

Que le projet consacre ce principe par la création d'un établissement public est fondamental. Nous vous proposons d'affirmer dès l'article premier que l'archéologie préventive relève de missions de service public.

Il importe que l'établissement public soit doté de sa propre instance scientifique. Sa vocation scientifique sera consacrée par la publication systématique des résultats de recherche, et l'obligation de passer convention avec les établissements publics de recherche. Le principe d'une cotutelle de la Culture et de la Recherche est indispensable.

Les services déconcentrés de l'Etat, les collectivités territoriales, l'établissement public seront les trois éléments d'un pilotage national de l'archéologie préventive. Aussi faut-il veiller aux moyens humains et financiers que l'Etat mobilisera pour permettre à ses services d'assumer les charges nouvelles d'une archéologie préventive en plein développement.

Assurez-nous que les personnels relèveront bien du statut de la fonction publique car un projet de décret nous inquiète sur ce point. Les capacités du ministère de la culture ne sont-elles pas fragilisées, puisque de 1993 à 2000 les opérations en archéologie préventive ont décuplé alors que les services régionaux de l'archéologie, qui comptaient 280 agents en 1993 ont perdu 15 postes ?

Au fil des années les collectivités territoriales sont devenues des acteurs incontournables de l'archéologie préventive.

Or le projet ne les reconnaissait pas suffisamment. Partout où les collectivités territoriales ont donné les moyens à des services d'archéologie de fonctionner les résultats sont probants.

Mme Christine Boutin - C'est la vérité.

M. Bernard Outin - C'est pourquoi nous proposons de renforcer leur rôle en rendant obligatoire par voie de conventionnement la coopération avec les collectivités territoriales -de même nous soutenons la démarche du rapporteur demandant que l'Etat dresse une carte archéologique nationale et des cartes locales avec le concours des établissements publics, des organismes de recherche, des collectivités territoriales.

Selon votre dossier de presse, l'application de la nouvelle loi sera assurée par un comité interministériel de la recherche archéologique. Celui-ci, prévu depuis 1994, verra-t-il enfin le jour ?

Pour financer l'établissement public, vous avez choisi une redevance, le système de la taxe ayant le défaut d'exonérer celui qui paie de ses responsabilités.

Ce système à deux étages, le premier relatif au diagnostic, le deuxième aux fouilles, permet à l'aménageur de réviser son projet pour ne pas avoir à payer la deuxième partie, tout en préservant les vestiges archéologiques.

Nous vous proposerons un amendement tendant à assujettir la redevance à un système déclaratif, afin d'engager les opérations de diagnostic avant l'autorisation d'utilisation du sol.

Nous apprécions la proposition du rapporteur de faire référence à la loi du 19 juillet 1986, ce qui permet de prendre en compte les carrières. Mais nous continuons à penser qu'il faut élargir encore l'assiette, quand on sait que notre patrimoine archéologique se situe majoritairement dans la zone des deux mètres.

Enfin, le remboursement des exonérations de redevance doit se réaliser avec la plus grande rigueur.

L'établissement public recevra par ailleurs des subventions de l'Etat qui doit donc tenir ses engagements. Aussi souhaiterions-nous que vous nous éclairiez sur le volume de ces subventions, sachant qu'en 1993 l'AFAN recevait une subvention de fonctionnement de l'ordre de 5 millions et que depuis 1996 celle-ci est devenue quasiment nulle.

La principale faiblesse du texte réside dans les restrictions du financement, et dans la présence d'un pouvoir discrétionnaire de l'Etat. Je souhaite que notre débat ouvre des perspectives prometteuses (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

M. Christian Kert - Nous n'avons pas de chance ! Chaque fois que l'occasion s'en présente, j'aimerais, Madame la ministre, vous faire le plaisir de voter le texte que vous nous proposez. Mais, alors que nous attendions un projet qui fasse le consensus, vous n'avez, dit-on, consulté à peu près personne. Il semble que vous répondiez seulement à une nécessité conjoncturelle, celle de réformer l'AFAN. Par crainte de voir l'archéologie préventive tomber dans le domaine concurrentiel, vous créez un monopole légal pour toute intervention archéologique. Ce retour au jacobinisme est regrettable. Pourquoi tourner ainsi le dos à la décentralisation avec la création de ce nouvel établissement public, au détriment des acteurs de l'archéologie préventive, de plus en plus nombreux, qui ont acquis une connaissance historique du terrain que ne parviendront pas à rattraper les archéologues de l'établissement public, quelles que soient leurs qualités ?

Etes-vous sûre, Madame la ministre, que la création de cet établissement public jouissant d'un monopole sur les opérations de sondage et de fouille, mettra fin aux critiques adressées par la Cour des comptes à l'AFAN, en particulier quant à la dérive des comptes et à la lourdeur des procédures ? Certes, la restructuration de cette association s'imposait mais rien ne justifie un monopole contraire aux engagements européens de la France et aux dispositions du traité de Rome sur la concurrence.

Le groupe UDF a déposé des amendements destinés à prendre en considération tous les acteurs de l'archéologie préventive : collectivités territoriales, associations d'archéologues bénévoles, organismes agréés par l'Etat... De leur adoption dépendra notre position sur ce projet.

En commission, le rapporteur a rappelé que le personnel de l'AFAN dirige environ la moitié des opérations d'archéologie préventive et les collectivités territoriales un quart. Les équipes locales sont souvent trop peu nombreuses pour mener à bien ces opérations. En ce cas, pourquoi ne pas détacher l'archéologue local auprès de l'établissement public ? Mais ce n'est possible que si celui-ci ne dispose pas d'un monopole absolu.

D'autre part, quel sera désormais le rôle exact des conservateurs du patrimoine, qui devraient être les intermédiaires entre collectivités et établissement public ?

Pour ce qui est du financement de l'archéologie préventive, vous soutenez, Madame la ministre, tout comme le rapporteur, que le nouveau dispositif est plus équitable et plus simple que l'ancien. J'en doute après avoir entendu le rapporteur nous lire une formule mathématique pour le moins difficile à comprendre par des littéraires ! Notre sentiment est bien plutôt que vous créez une usine à gaz. Seule l'institution d'un taux unique de redevance serait un progrès. Le montant de la redevance reste inacceptable pour les aménageurs.

Nous aurions aimé que vous nous soumettiez un projet décentralisateur intégrant l'archéologie dans une dynamique culturelle générale. Malheureusement, votre texte relève davantage du domaine des souhaits que de celui des certitudes. C'est pourquoi le groupe UDF ne le votera pas (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF).

M. André Aschieri - L'archéologie est en crise, parce que son activité a été transformée de l'intérieur sous l'effet du développement de l'archéologie préventive lié à l'aménagement du territoire.

Au nom des Verts, je tiens à souligner les progrès que marque ce projet. Il fait de l'archéologie préventive un véritable service public à caractère scientifique et conforte cette activité sur des bases légales, dans l'intérêt de tous.

Outre sa dimension culturelle, l'archéologie permet d'orienter les aménagements d'urbanisme futurs.

Depuis 1975, les gouvernements successifs ont demandé une vingtaine de rapports sur l'archéologie, mais aucun n'a permis d'entreprendre une réforme comparable à celle que vous nous proposez aujourd'hui.

La précarité croissante de l'emploi scientifique et la jurisprudence souvent favorable aux grands aménageurs, nous imposent de voter cette réforme.

Si le projet ne nous satisfait pas entièrement, je note avec plaisir que certains de nos amendements ont été retenus ou repris. Je remercie notre rapporteur de la qualité de son écoute.

J'insisterai sur deux points essentiels.

Le transfert à un établissement public de la mission d'exécution des travaux doit s'accompagner d'un renforcement de la capacité de l'Etat à décider, et à contrôler la réalisation de ces tâches. Nous avons tous à l'esprit des situations dans lesquelles des transferts de compétences, sans moyens appropriés, entravaient le fonctionnement des établissements publics.

Je plaide aussi pour une mutualisation des coûts de l'archéologie. En effet, comment de petites communes pourraient-elles assumer le coût des fouilles, lorsqu'il s'agit de projets de construction autres que ceux ouvrant droit à l'exonération, lors de la découverte d'un site archéologique particulièrement riche ?

Enfin, nous espérons qu'une réforme ambitieuse et attendue sera entreprise, qui ira bien au-delà de la résolution du problème de l'AFAN.

Les Verts souhaitent qu'une nouvelle loi traite de toute l'archéologie et pas seulement de l'archéologie préventive. Pourquoi ne pas commencer par rapprocher le droit de l'archéologie du droit de l'environnement, comme le proposait le rapport Godineau de 1990 ? Les principes que nous défendons dans le domaine de l'environnement, valent aussi pour l'archéologie. Définissons un principe de l'aménageur-payeur pour préserver le patrimoine à l'instar du principe du polleur-payeur.

Nous souhaitons aussi que soient encouragées les associations qui inventorient les sites et dont je salue le travail. Les membres de l'institut de préhistoire et d'archéologie des Alpes-Maritimes et le groupe de recherches historiques en Provence m'ont montré une ébauche de carte archéologique du département, fruit d'années de recherche en collaboration avec la DRAC. De telles recherches locales devraient être encouragées. Elles permettraient, en entretenant une mémoire collective vivante d'éviter de prévoir des travaux dans des zones riches en histoire. J'insiste sur la nécessité de publier les recherches et les résultats, et pas seulement au niveau local. Il faut déconcentrer les savoirs.

Dans cette perspective, il convient de créer des structures régionalisées propres à fonder une archéologie de proximité. On ne peut encourager les collectivités locales à développer des services archéologiques sans leur donner les moyens de le faire.

L'archéologie doit devenir un outil moderne au service de l'aménagement du territoire. L'avenir de nos paysages ne doit pas être l'uniformisation. Il faut respecter leur diversité. Faisons de l'archéologie des paysages un véritable outil au service de l'aménagement du territoire. Privilégions une vision géographique et dynamique de l'environnement.

La recherche paléo-paysagère et archéologique doit devenir une composante majeure des choix d'aménagement du territoire. A cet égard, nous regrettons l'absence de relation entre un projet de réforme de l'archéologie et la loi d'aménagement durable du territoire.

Une grande action nationale doit être menée auprès des collectivités territoriales et des services administratifs. Il convient de former les décideurs, les techniciens mais aussi les élus à cette nouvelle culture, à cette nouvelle lecture de nos paysages pour faire évoluer les comportements en matière de protection de l'environnement, d'aménagement du territoire et de démocratie locale. Je me plais à croire que cette éducation des élus et des techniciens provoquerait un élan comparable à celui qui a accompagné la découverte du patrimoine au XIXe siècle.

C'est le sens de l'évaluation des effets des politiques publiques sur le paysage entreprise par la ministre de l'aménagement du territoire.

A terme, pour réconcilier culture et aménagement du territoire, il faut repenser la gestion centralisée de l'archéologie.

Celle-ci ne doit pas dépendre seulement de votre ministère mais aussi de ceux de la recherche et de l'environnement.

Une véritable réforme de l'archéologie est d'ordre scientifique et politique. Les Verts proposent un changement de perspective qui réforme l'archéologie non en l'adaptant à la logique actuelle de l'aménagement du territoire mais pour concevoir autrement son développement durable.

En conclusion, et en attendant une réforme d'une plus grande ampleur, les députés Verts voteront sans réserve ce projet de loi (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

M. Pierre Cardo - Une réforme pour remédier aux dysfonctionnements de l'archéologie préventive pour pallier les carences de l'Etat dans un domaine où il affirme la mission de service public de l'archéologie, s'imposait. Et le présent projet est censé proposer une solution cohérente, au moins pour ce qui est de l'archéologie préventive.

Cinquante ans après la première réglementation législative des fouilles archéologiques, on ne peut pas dire, malgré la création, en 1973, de l'association pour les fouilles archéologiques nationales, que la France se soit donnée les moyens de développer cette science.

Comment s'étonner dès lors de la floraison d'intervenants divers dans ce domaine ?

La logique voudrait que l'Etat assume ses responsabilités et qu'il s'en donne les moyens, dans un cadre national et européen. Sans entrer dans le détail du projet dont il a déjà été abondamment question, je m'attarderai sur la définition de l'archéologie préventive que retient notre rapporteur qui la décompose en trois opérations : le diagnostic, les opérations de fouilles proprement dites et le rendu, c'est-à-dire la publication des résultats.

S'agissant du diagnostic, il est lié à l'établissement par l'Etat de la carte nationale archéologique, qui incombe jusqu'à présent à l'AFAN. Mme la ministre a admis que 95 % des données scientifiques provenaient de l'archéologie d'urgence, conduite dans le cadre de chantiers publics ou privés. On mesure ainsi l'intérêt qu'il y aurait à donner à l'Etat le monopole de l'activité archéologique puisque la quasi-totalité des résultats obtenus ne procède pas de son action ! Pourtant, l'établissement de la carte nationale archéologique constitue bien une mission de service public qui relève de la responsabilité de l'Etat.

Mme Christine Boutin - Absolument !

M. Pierre Cardo - Pour ce qui est de sa mise en _uvre, je ne vois pas d'inconvénients à ce qu'elle soit assurée par d'autres acteurs que l'Etat lui-même.

J'en viens aux opérations de fouilles dont Mme la ministre comme M. le rapporteur me semblent avoir une conception inadaptée. Dans un avis du 19 mai 1998, le conseil de la concurrence a réaffirmé que procéder à des fouilles constituait une activité économique soumise au droit de la concurrence. Approuvée par la loi du 26 octobre 1994, la convention de Malte stipule de son côté que les Etats associés doivent favoriser l'émergence d'un régime juridique de protection du patrimoine archéologique. Il appartient donc aux Etats, en matière d'archéologie préventive, de garantir la signification scientifique des opérations de recherches archéologiques et, aux termes de l'article 6 de la convention, d'en développer les moyens. Vous affirmez, Madame la ministre et Monsieur le rapporteur, que votre projet est conforme au droit européen et à la convention de Malte. Notre interprétation est toute autre. Garantir la signification scientifique d'une opération n'oblige pas à la faire soi même. A ce stade, la mission de service public consiste à établir un cahier des charges et à contrôler sa bonne exécution.

M. le Rapporteur - Nous sommes d'accord !

M. Pierre Cardo - La mission de votre établissement consiste donc plutôt à fouiller la question qu'à farfouiller sur le site !

Vous reconnaissez d'ailleurs vous-même, Monsieur le rapporteur, que les fouilles constituent une activité économique au sens strict, tout en rappelant que le rapport Demoult, Pecheur et Poignant, s'il ne nie pas la dimension économique de l'archéologie préventive, considère que les trois opérations -diagnostic, fouille, rendu- ne sont pas intellectuellement séparables.

Autrement dit, si je regarde une carte pour m'assurer de la nature d'un site archéologique, je ne puis m'empêcher d'aller le fouiller moi-même, sauf à mettre en péril mon équilibre intellectuel !

J'aurais espéré que notre assemblée fasse preuve d'un peu plus d'indépendance d'esprit à l'égard d'un gouvernement dont le projet n'est pas simple mais simpliste sur un dossier important.

La convention de Malte exige -je l'ai rappelé- que l'Etat accroisse les moyens matériels de l'archéologie préventive. Ce projet n'est pas conforme à cet objectif. L'établissement public recevra des subventions et sera financé par les aménageurs pour les projets de plus de 5 000 m2 de SHON, les autres étant exonérés de taxe. Or très peu de projets de cette envergure voient le jour. Il y aura donc peu d'argent et les seuls financeurs seront les collectivités locales. Au regard de la mission globale et monopolistique que vous voulez confier à cet établissement et des moyens dont il devra disposer, on peut s'interroger sur le bien fondé du dispositif que vous proposez.

J'en viens à présent au rendu et à la publication des résultats. S'il s'agit bien d'une activité de service public, rien ne fait obstacle à ce que le cahier des charges impose des conditions de rendu.

Je m'en tiens là car ce texte doit être refusé sur le principe en ce qu'il prétend imposer un monopole d'Etat à une activité économique. De même, au nom d'une idéologie dépassée, il évacue de la manière la plus inélégante les bénévoles qui sont à l'origine de la plupart des découvertes archéologiques.

Au demeurant, votre projet contient suffisamment d'éléments pour convaincre le Conseil constitutionnel, le conseil de la concurrence ou toute autre instance de son incompatibilité avec les règles de la concurrence, la convention de Malte, les principes communautaires et l'intérêt de la science. Parce qu'il ne peut être amendé, le groupe DL votera contre ce projet de loi (Applaudissements sur les bancs du groupe DL, du groupe UDF et du groupe du RPR).

M. Serge Blisko - Il existe dans notre société un décalage entre l'image mythique de l'archéologie, et la réalité de sa pratique. L'archéologie d'aujourd'hui est tout sauf un aventurier individualiste. Depuis cinquante ans, l'archéologie -qui rend toujours hommage à Schliemann, Mariette et Champollion- a considérablement évolué dans son objet, dans ses approches comme dans ses méthodes.

Si les objets demeurent au c_ur de la recherche archéologique, la rupture avec une archéologie qui se limite à la quête du bel objet est désormais consacrée. La notion de culture matérielle s'est imposée, et l'exploration d'un site tel que celui de Pincevent, en Seine-et-Marne, sous la direction d'André Leroi-Gourhan, à partir de 1964, compte au nombre des ruptures épistémologiques qui caractérisent les progrès de la discipline.

Un autre effet induit de cette évolution est l'institutionnalisation de l'archéologie, son entrée à l'université, et la professionnalisation de ses structures. En l'espace de quelques décennies, l'archéologie est passée de l'amateurisme éclairé tel qu'on l'a connu dans les « sociétés d'antiquaires » du XIXe siècle au professionnalisme.

Parmi les éléments qui ont contribué au renouveau de l'archéologie, figurent l'explosion urbaine de l'après-guerre, les grands programmes autoroutiers, ou encore la politique de remembrement rural. De là est née une archéologie de l'urgence, aujourd'hui heureusement relayée par l'archéologie préventive. Or, comme l'indique très justement notre rapporteur, 90 % des données scientifiques exploitables proviennent de cette branche de la discipline, dont l'encadrement juridique et financier est jusqu'à présent inexistant. A ce jour, seule l'AFAN, association de droit privé créée en 1973 par un simple échange de lettres entre les ministres de la culture et des finances, remplit une mission de service public en étant la destinataire exclusive des crédits alloués aux recherches sur le territoire national, dans le cadre d'opérations de sauvetage et de fouilles programmées. En quinze ans, l'AFAN est devenue un acteur essentiel de la recherche archéologique française, sans que personne ne l'ait jamais décidé ni prévu. Mais elle souffre d'un financement insuffisant et le statut d'association de la loi de 1901 ne semble pas le mieux adapté. Selon le rapport de MM. Demoul, Pecheur et Poignant, les coûts des diagnostics et des fouilles entrepris par l'AFAN n'ont cessé d'augmenter et leur variation suivant les régions demeure mal expliquée. Enfin, la nécessaire collaboration scientifique entre l'AFAN et l'université ou le CNRS reste mal assurée et le résultat de fouilles n'est pas assez mis en valeur.

C'est à ces problèmes que le projet répond et je vous en remercie, Madame la ministre, d'autant que comme le disait plaisamment le président de la commission des affaires sociales, « ce n'est pas très souvent qu'on a l'occasion de discuter d'archéologie dans notre assemblée ».

S'agissant du statut, le projet crée un établissement public national à caractère administratif plus adapté que l'AFAN.

Placé sous l'autorité conjointe des ministères de la culture et de la recherche, cet établissement travaillera en collaboration avec les chercheurs du CNRS, les services archéologiques des collectivités territoriales et les associations qualifiées, qui seront représentées dans son conseil d'administration et son conseil scientifique.

Ensuite, lors de votre audition le 9 février dernier, vous avez confirmé que l'établissement public développera la démocratisation de l'accès aux découvertes archéologiques en assurant une médiation culturelle sur les lieux de fouilles et en communiquant au public les résultats des travaux.

Le financement sera, nous l'espérons, plus transparent. Bien évidemment les constructions de logements individuels ou de logements sociaux sont exonérées. Le projet de loi institue une redevance sur les opérations de sondage et de diagnostic et une autre redevance sur les opérations de fouille quand elles sont nécessaires. Ces redevances tiennent compte de la stratigraphie c'est-à-dire de la profondeur. Je me réjouis également que les tarifs fixés dans la loi soient publics et opposables. Ainsi les aménageurs seront en mesure d'anticiper le coût des diagnostics.

Ce projet vise en fait à gérer le mieux possible l'urgence.

Les fouilles de sauvetage, parents pauvres de l'archéologie française, sont nées de la dénonciation de scandales retentissants tel que celui de la place de la Bourse à Marseille qui a abouti à la préservation, imprévue au départ, des vestiges de l'antique Phocée.

Mais ces fouilles restent le fruit de contraintes externes, la crainte d'une destruction ou le choix « politique » de la mise en valeur de ruines.

Ces 25 dernières années, les archéologues ont préservé des données extrêmement importantes de notre passé alors que dans les années 50 en France 1 500 et 2 000 sites archéologiques furent victimes des grands chantiers autoroutiers.

L'on est passé aujourd'hui du sauvetage à la prévention. Il reste à faire en sorte que l'établissement public que nous allons créer dresse rapidement la carte archéologique de la France, car nous sommes très en retard par rapport à la Suède, à la Grande-Bretagne et aux Pays-Bas.

Cette carte permettra d'alerter les aménageurs sur la présence de zones archéologiques à risque, de choisir les zones qui doivent être préservées et celles qui doivent être fouillées en priorité.

En conclusion, je tiens à saluer le travail de nos archéologues qui en Europe, en Égypte, au Proche et au Moyen-Orient, ou en Extrême-Orient ont contribué à sauvegarder le patrimoine mondial de l'humanité ainsi que tous ceux qui, en France, font revivre notre histoire et notre mémoire (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

M. Bruno Bourg-Broc - Ce projet était attendu, pour remédier à une situation que chacun déplorait. Mais le résultat n'est pas satisfaisant.

Ce texte est inachevé et mal ficelé. Ainsi au II de l'article 4, les modalités de financement sont totalement revues par un amendement du Gouvernement, que vous nous avez d'ailleurs adressé. Mais la préparation et la concertation ont été sommaires. En outre, ce mode de financement est une usine à gaz. Quelques exemples auraient été bien utiles. « Hauteur moyenne de la couche archéologique », « évaluation moyenne des structures archéologiques à l'hectare », ce jargon ne nous éclaire guère.

Plus généralement, le texte n'est pas cohérent. Ou l'on considère que l'archéologie préventive relève du service public ; dans ce cas son financement relève de l'impôt. Ou l'on considère que les opérateurs doivent payer, que l'archéologie préventive relève du domaine concurrentiel ; alors l'EPA doit devenir un EPIC et ses ressources provenir de ses activités. Mais vous voulez le service public et en même temps faire payer aux opérateurs une redevance à un établissement monopolistique.

Pour notre part, nous pensons, suivant l'avis du conseil de la concurrence de mai 1998, que l'archéologie préventive doit relever du domaine de la concurrence. A l'heure où la législation européenne contraint à juste titre à démanteler les monopoles, il est curieux d'en instituer un nouveau. Comme je l'ai dit, l'EPA doit devenir un EPIC pour se financer par ses activités. Plusieurs opérateurs peuvent tout à fait intervenir dans les fouilles, pourvu qu'ils offrent toute garantie scientifique. Ce sera le cas s'ils sont choisis sur une liste agréée par l'Etat -comprenant des professionnels du CNRS, de l'Université, des services des collectivités territoriales- ce qui assurera indépendance et qualité.

Outre cette critique fondamentale, il est important qu'à l'article premier soient fixés des délais précis pour décider ou non de la réalisation de fouilles. Les aménageurs ont besoin d'un calendrier exact et il serait judicieux de prévoir ces délais si l'on impose des obligations nouvelles.

D'autre part, l'article 4 spécifie que les redevances d'archéologie sont dues par les personnes publiques ou privées « projetant d'exécuter des travaux ». L'aménageur qui dépose une demande de permis de construire puis l'abandonne sera-t-il redevable ? Il faut préciser ce qu'il en est.

Le groupe RPR a déposé des amendements. En l'état, il ne votera pas ce texte qui ne remédie pas aux dysfonctionnements de l'AFAN et est incohérent (Applaudissements sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL).

M. André Vauchez - Ce projet était attendu car il était temps de mettre fin à une situation qui n'avait que trop duré. La création de l'AFAN en 1973 avait certes apporté une solution au problème des fouilles préventives mais force est de constater que des dérives s'étaient ensuite produites et que l'association faisait l'objet de sévères critiques de la part des élus locaux, portant non sur la qualité scientifique du travail effectué mais sur les retards, le manque de communication et, surtout les coûts, imprévisibles, évolutifs et parfois élevés. Tant et si bien que beaucoup de petites et moyennes communes étaient amenées à renoncer aux aménagements prévus.

Il faut dire que les choses sont difficiles quand une commune se trouve en quasi-totalité dans une zone à risque archéologique et qu'elle doit combiner cette contrainte avec les autres du POS -routes, voies ferrées, rivières, canaux.

Ce projet va nous permettre de tourner la page. La création d'un établissement public est une bonne chose dès lors que la protection des vestiges constitue un droit régalien. La situation des personnels de l'AFAN pourra être réglée dans ce cadre, qui permet aussi aux archéologues territoriaux d'intervenir dans les fouilles -ce qui balaie l'accusation de monopole.

Reste la question du financement. Il faut mettre fin à l'injustice qui fait que certaines communes doivent assumer, en raison du risque archéologique, des investissements beaucoup plus onéreux que ceux d'autres communes situées à quelques kilomètres. En 1997, 4 288 sites ont été recensés en Bourgogne, contre 10 653 en Franche-Comté, pourtant deux fois plus petite et moins réputée pour son passé. Pauvres communes de Franche-Comté !

Je comprends bien que les communes qui recèlent des vestiges soient sollicitées financièrement mais de là à en faire les seuls payeurs ! Ne pourrait-on pas, s'agissant du patrimoine de tous, aller plus loin dans la mutualisation en retenant cette proposition d'un rapport de 1989 qui tendait à asseoir celle-ci sur une taxe additionnelle à la taxe locale d'équipement ?

Pour le moment, cette formule n'a pas été retenue. J'espère néanmoins que ce projet répondra aux attentes des collectivités locales (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

Mme Bernadette Isaac-Sibille - Les trois devoirs de l'archéologue sont la conservation, la restauration et la publication, car la responsabilité de l'archéologue ne cesse pas avec la fin de la fouille.

Une loi était nécessaire, mais pourquoi en limiter la portée, comme le fait l'exposé des motifs, à la nécessité de donner un cadre légal au financement de l'archéologie de sauvetage et de résoudre le problème des personnels de l'AFAN ? Le contenu d'une véritable loi sur l'archéologie ne devrait pas se résumer à cela. C'est bien pourquoi nous voterons pour le renvoi en commission de ce texte, dans l'espoir que nous revienne ensuite une loi qui prenne en compte tous les problèmes de l'archéologie. Mais je reconnais que nous attendons une telle loi depuis vingt ans.

Sans arrêt, le Gouvernement parle de décentralisation mais il n'a de cesse de tout recentraliser. Voilà aujourd'hui qu'il crée un établissement public administratif national, doté de droits exclusifs, alors que l'archéologie des collectivités territoriales joue depuis des années un rôle croissant, en pratiquant de nouveaux systèmes de fouille mais aussi en créant des lieux de conservation très utiles pour l'élaboration de banques de données. Élue depuis 23 ans d'un territoire qui a été classé « patrimoine mondial de l'humanité », je puis témoigner de l'action innovante qui a été menée à Lyon par Francisque Collomb et du travail accompli depuis. Nous avons su _uvrer avec le ministère de la culture, la préfecture, les universités, le CNRS ; nous avons signé des conventions adaptées à nos problèmes et adapté aussi nos POS en conséquence . Alors pourquoi vouloir tout recentraliser aujourd'hui ?

Quant au financement des fouilles par une redevance acquittée par les aménageurs, il illustre une fois de plus le goût du Gouvernement pour cette solution simple consistant à faire payer les collectivités locales.

Forts de notre expérience lyonnaise, nous avions d'autres solutions à proposer dans ce domaine comme dans d'autres. D'autres villes et départements auraient certainement pu aussi vous faire utilement profiter, Madame la ministre, de leur expérience. Mais vous ne faites aucun cas de l'archéologie des collectivités territoriales.

C'est pourquoi je voterai contre ce projet en espérant qu'un jour tous ceux qui consacrent leur vie à cette passion qu'est l'archéologie se rencontrent pour proposer une vraie réforme. Car l'histoire de France s'inscrit, Madame, dans celle de tous les départements. Faites leur donc un peu plus confiance ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF et du groupe du RPR)

M. Bernard Schreiner - La nécessité de réformer le système actuel ne fait pas de doute, compte tenu du mécontentement général et de l'évolution qu'a connue l'archéologie préventive ces dernières années. Le dispositif mis en place en 1977 se voulait d'ailleurs temporaire. Il était donc devenu indispensable de donner une assise juridique claire à la préservation du patrimoine.

La question est de savoir si le texte proposé aujourd'hui apporte des réponses complètes et durables aux dysfonctionnements de l'archéologie préventive ou s'il a pour seul objectif de sauver l'AFAN, dont l'existence est largement contestable au regard du droit européen, si l'on en croit l'avis rendu par le conseil de la concurrence en mai 1998.

Le présent projet s'attache d'abord à définir l'archéologie préventive et le rôle que doit jouer l'Etat en la matière.

Nul ne conteste aujourd'hui qu'il soit du devoir de l'Etat d'intervenir pour « protéger le patrimoine archéologique en tant que source de la mémoire collective européenne et comme instrument d'étude historique et scientifique » comme le souligne la convention de Malte de 1992 ratifiée par la France. Mais de quelle manière doit-il le faire ? Selon le Conseil de la concurrence, l'activité archéologique peut être considérée comme une activité économique relevant du traité de Rome : dans ce cas, le monopole de l'AFAN contrevient aux dispositions du traité sur la concurrence et les abus de position dominante.

Il est d'ailleurs à noter qu'un tel monopole n'existe dans aucun pays européen. Généralement, les fouilles s'y effectuent sous le contrôle des autorités en charge de l'archéologie, conformément à la convention de Malte mais nulle part il n'existe un opérateur unique de fouille. Les statuts de ces opérateurs sont très divers : structure parapublique, association, entreprise privée, fondation... Le moins que l'on puisse dire est que le projet ne s'est guère inspiré de ces exemples européens.

On comprend bien que l'archéologie préventive, mission d'intérêt général, n'est pas une activité économique ordinaire, relevant des seules lois du marché. Mais la solution du monopole donné à un établissement public est insatisfaisante. Tout d'abord, dans cet établissement, la confusion des rôles sera la règle. Il aurait fallu distinguer clairement les fonctions de contrôle, de prescription et d'organisation, des fonctions de fouilles ; la réforme aurait été plus conforme au droit européen. Le projet permet certes à l'établissement public de passer convention avec d'autres personnes morales, mais cela ne suffira pas à éviter la confusion des rôles, d'autant que le texte ne précise pas les conditions d'accès des personnes privées extérieures.

On peut tout craindre, si l'on considère les difficultés que rencontrent les quelques entreprises privées aujourd'hui présentes sur le marché.

On peut aussi s'interroger sur l'aptitude de cet établissement à répondre rapidement aux demandes, compte tenu de sa taille et de l'ampleur de la tâche. La rigidité de la structure allongera les délais, à l'encontre de l'objectif du projet, qui est, selon l'exposé des motifs, de répondre « à la fois aux souhaits des aménageurs, qui très légitimement demandent que leur terrain soit libéré le plus rapidement possible de la contrainte archéologique, et aux impératifs publics qui exigent que soit assurée dans de bonnes conditions l'étude de traces du passé vouées à la disparition ». Quant à la mise en place d'un « véritable zonage archéologique pour mettre fin à l'imprévisibilité actuelle de l'archéologie préventive », elle peut constituer une avancée intéressante pour les aménageurs, à condition que les fouilles se réalisent dans des délais raisonnables. L'établissement public pourra-t-il garantir de tels délais ?

Enfin quelle est dans ce dispositif la place des collectivités locales ? Elles supportent souvent les contraintes liées aux fouilles, et doivent les financer. Le projet initial ne prévoyait même pas leur représentation au sein du conseil d'administration. Un amendement de M. Rogemont, adopté par la commission, y a heureusement remédié.

Les modalités de financement prévues sont loin d'être satisfaisantes pour les collectivités locales. Malgré l'amendement introduit cet après-midi, elles seront les grandes perdantes de la réforme, car elles devront financer les opérations, et aucune mutualisation n'est prévue sur le territoire national. Sur ce point nous sommes mécontents, et ne pouvons voter ce texte (Applaudissements sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL).

M. Jean Briane - Je veux féliciter M. le rapporteur pour la qualité de son rapport, grâce auquel moi, qui ne suis pas membre de la commission, j'ai pu entrer vraiment dans ces problèmes d'archéologie préventive.

Je ferai trois séries d'observations, Madame la ministre. La première concerne la problématique. La France a un riche patrimoine archéologique, que nous devons préserver, comme élément de mémoire collective et source de connaissance historique. La France a ratifié la convention de Malte, et il faut s'y tenir. Mais le fait archéologique doit être abordé comme un risque collectif. De nombreux acteurs sont concernés : l'Etat tout d'abord, qui doit exercer son droit régalien, mais aussi les aménageurs, les maîtres d'ouvrage publics et privés, et les professionnels de l'archéologie, experts individuels ou groupés en associations.

Et ce que je souhaite est que ce risque archéologique soit vraiment mutualisé. Sur cet objectif nous pourrions sans doute nous mettre d'accord.

Pour ce qui est, en second lieu, de vos propositions, je suis d'accord sur la prérogative de l'Etat, mais non sur la manière de l'exercer. Déjà, en 1973, la création de l'AFAN fut peut-être une erreur, compte tenu des comportements observés par la suite. L'AFAN est d'abord une association d'archéologues ; elle est composée de gens de qualité, mais peut-être les responsabilités qu'on lui a confiées ont-elles provoqué certains dérapages. Aujourd'hui la création d'un établissement public administratif me paraît une erreur encore plus grande. Errare humanum est, perseverare diabolicum...

Ce qui me conduit pour finir à évoquer nos contre-propositions. Pour régler vraiment les problèmes de l'archéologie préventive, il faut éviter la formule de l'établissement public administratif, qui sera une usine à gaz, au coût et au fonctionnement très lourds. Il faut mutualiser le risque. Il est nécessaire de simplifier le processus, de le rendre plus opérationnel, et donc de le déconcentrer dans les régions, territoires pertinents pour l'aménagement. Madame la ministre, vous avez des services dans les régions, et l'on y trouve des associations qualifiées, qui pourraient être agréées. Il faut simplifier le processus pour le dynamiser, ce que ne pourra faire l'établissement public.

Nous avons déposé quelques amendements. Pour ma part, je me suis abstenu de proposer des amendements radicaux, tendant à récrire certains articles. En effet, je fais partie de l'opposition : déposer de tels amendements m'a paru inutile, compte tenu du manichéisme qui prévaut dans cette maison et que j'ai vu, avec regret, se développer au fil du temps (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF, du groupe du RPR et du groupe DL).

M. le Président de la commission des affaires culturelles - Je m'associe à M. Briane pour remercier votre rapporteur. Il a fait un excellent travail sur un sujet difficile, et pour un débat attendu depuis longtemps. Je rappelle en effet que c'est la première fois que le Parlement est appelé à débattre de ce problème, qui n'avait jamais fait l'objet d'une loi -le texte du 27 septembre 1941 n'en était pas une.

Chacun reconnaît -mais vous ne le dites pas assez- que l'AFAN a fait un excellent travail. Mais on voit bien que sa structure et sa forme de financement ne sauraient perdurer. Reconnaissons ces deux points entre nous, et mettons-nous déjà d'accord à leur sujet : nous pourrons alors débattre plus clairement.

Je souhaite revenir sur trois problèmes qu'a abordés notre rapporteur, avec l'appui de M. Blisko. J'insisterai d'abord, Madame la ministre, sur la nécessité d'établir une carte archéologique. Il faut en outre qu'elle puisse être communiquée : nous y tenons beaucoup, et c'est d'ailleurs une obligation légale. Il faut que progressivement cette carte devienne un instrument important de connaissance, mais aussi de décision.

D'autre part, notre rapporteur a proposé une série d'amendements qui ouvrent le conseil d'administration aux collectivités locales, qui ouvrent le conseil scientifique aux associations d'archéologues bénévoles, qui ouvrent les possibilités de conventionnement... C'est donc, contrairement à ce qu'on dit certains, une structure très souple qui se dessine, très ouverte, adaptable à toutes les formes de conventionnement, y compris avec des groupements de communes ou des grandes villes. La fixation bureaucratique qu'ont dénoncée certains intervenants n'est pas dans le texte, surtout avec les amendements du rapporteur.

Enfin, beaucoup d'interventions ont porté sur le système de financement. On constate ici un peu d'hésitation. Le rapporteur, en négociation avec le Gouvernement, a introduit un amendement qui a fait l'objet cet après-midi d'un long débat, auquel ont participé certains membres de l'opposition, comme M. Schreiner. Des documents ont été distribués, comparant les coûts de diagnostic et de fouilles dans la procédure de l'AFAN et dans celle du projet, et faisant apparaître une certaine maîtrise des dépenses. Cet amendement est important, car il introduit une responsabilité pour l'établissement public, et dissocie ce qui relève du diagnostic de ce qui relève des fouilles, tout en imposant le respect des délais

Certains de vous demandent une mutualisation. J'en suis surpris. Le financement tel qu'il est proposé introduit un principe de responsabilité. Mutualiser le financement le rendrait indolore, et c'est alors que l'établissement public tomberait dans la bureaucratisation et l'irresponsabilité que vous refusez. Bien entendu, comme l'a rappelé M. Vauchez, les petites communes peuvent rencontrer des difficultés de financement qui les conduisent à une forme de mutualisation.

L'un de vous a parlé de risque collectif. Non ! Il s'agit bien d'une richesse collective qui peut induire un développement d'activités.

Au total, le dispositif se caractérise par son équilibre, sa souplesse, son ouverture sur un large conventionnement et sur la responsabilisation de l'établissement public. Voilà le bon moyen d'éviter la centralisation et la bureaucratisation, sauf à ce que certains ici considèrent que le marché résoudra tout. Pour nous, la préservation du patrimoine public ne relève pas de la logique de marché (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe communiste).

Mme la Ministre - Pendant plusieurs années, j'ai bénéficié du travail des archéologues, que je respecte profondément. Ceux qui ont travaillé dans le cadre de l'AFAN et encouru beaucoup de mépris méritent mieux que ce que j'ai parfois entendu dire à cette tribune. S'il avait existé depuis vingt ans un tel souci de l'archéologie, et après trente rapports, il aurait été possible d'élaborer un projet. On peut déclarer que le nôtre est simpliste. Mais c'est la première fois que l'Etat fait face à sa responsabilité. Ce texte répond aux préoccupations du conseil de la concurrence et, comme le Conseil d'Etat l'a reconnu, il confie à l'Etat la responsabilité insécable de l'acte archéologique, qui va du constat au chantier de fouille jusqu'à la publication. Ce lien n'avait pas été établi depuis la loi de 1941, qui ignorait l'archéologie préventive. Notre projet complète donc la loi protectrice de 1941.

Ce texte veille à éviter les fouilles qui ne sont pas indispensables. Je regrette qu'on ne parle de risque de fouille qu'à l'occasion d'opérations d'aménagement. J'ai eu à connaître de ces problèmes dans une ville où les strates archéologiques atteignent des dizaines de mètres puisqu'elles remontent à la période préhistorique. Nous précisons dans quelles conditions s'opèrent les fouilles. Il ne s'agit pas de fouiller partout. Actuellement, 29 % des diagnostics seulement sont suivis de fouilles. Il faut le rappeler, sinon les fouilles apparaissent comme un moyen d'empêcher certains aménagements.

Le principe de financement suppose un partage de la charge de nature à éviter des tarifs de fouilles différents d'une zone à l'autre. Nous sommes parvenus, je crois, à un système clair et transparent qui fonde la responsabilité de l'Etat. Le versement d'une redevance différente pour le diagnostic et pour la fouille tient compte de la spécificité de chacune des deux opérations. La liberté d'entreprendre des aménageurs est ainsi garantie d'emblée. Les communes qui n'auraient pas les moyens d'assumer des fouilles particulièrement importantes, peuvent toujours recevoir des subventions du budget de l'Etat.

Nous avons retenu la redevance plutôt que la négociation de gré à gré, qui n'est pas équitable et pourrait conduire à sacrifier la qualité des fouilles.

La création de l'AFAN a mis fin à certaines pratiques, comme l'entrée en action des bulldozers de certains aménageurs. Ce n'est pas si ancien. Pour autant, il ne s'agit pas de bloquer les opérations de construction. Nous avons établi deux types d'exonérations, l'un pour les habitations à usage personnel avec une limite de surface, l'autre pour le logement social.

Qu'en est-il du monopole ? L'Etat met en _uvre sa responsabilité en matière d'archéologie préventive par l'intermédiaire d'un établissement public attributaire d'un revenu fiscal. Un tel dispositif n'a rien d'original. Le statut des personnels de l'établissement répondra aux exigences du statut des agents contractuels de droit public.

S'agissant de la décentralisation, chacun sait que je tiens le plus grand compte de la situation des collectivités territoriales. Mais quand il s'agit de préserver le patrimoine national, l'Etat ne peut pas exiger des collectivités qu'elles se substituent à lui dans ses responsabilités. Je respecte leur liberté. Si elles veulent être parties à des conventions, elles bénéficieront d'une exonération de redevance. Il existe des services régionaux d'archéologie, qui ont sans doute besoin de moyens renforcés, mais qui attestent que l'Etat est déjà concentré. Des partenariats locaux sont donc possibles, et en cas de différend la commission de médiation peut être saisie.

J'avais prévu que la représentation des collectivités locales dans le conseil d'administration serait traitée par le décret. Si le recours à la loi peut rassurer les parlementaires, j'y suis toute disposée.

L'établissement d'une carte archéologique préoccupe la direction de l'architecture et du patrimoine. Ce travail prendra un certain temps, mais on peut déjà alerter les aménageurs dans le choix des terrains où opérer, et les élus locaux pour l'élaboration de leurs documents d'urbanisme.

En revanche, lorsque la carte est suffisamment complète, on peut utilement alerter les aménageurs en les incitant à choisir un terrain plutôt qu'un autre ou les responsables locaux au moment de l'élaboration de leurs documents d'urbanisme.

Bien entendu, cette cartographie archéologique doit être complétée par un inventaire du bâti, des monuments historiques, des espaces et des sites protégés.

D'autre part, des moyens budgétaires supplémentaires seront affectés aux publications et l'accent sera mis sur la diffusion. Notre objectif est que les découvertes réalisées grâce aux fouilles ne soient pas seulement perçues comme des charges mais soient mises au service du développement culturel de certaines communes ou régions. Autrement dit, l'archéologie implique certes une dépense, mais dont on peut tirer avantage.

Certains orateurs de l'opposition ont posé de bonnes questions mais les réponses qu'ils y ont apportées ne me paraissent guère recevables. Sur un sujet aussi compliqué, il n'était pas évident d'aboutir à une loi et à un mode de financement aussi simples. Je remercie les collaborateurs de la direction de l'architecture et du patrimoine ainsi que mes collaborateurs directs de s'être attelés à la tâche pour obtenir ce résultat (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe RCV).

La discussion générale est close.

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MOTION DE RENVOI EN COMMISSION

M. le Président - J'ai reçu de M. Jean-Louis Debré et des membres du groupe RPR une motion de renvoi en commission, déposée en application de l'article 91, alinéa 6, du Règlement.

M. Jacques Pélissard - Je ferai d'abord trois constats : l'archéologie préventive constitue un aspect essentiel de la recherche archéologique ; la situation de l'AFAN, qui a fait du bon travail, ne peut plus durer ; la loi de 1941 est obsolète.

Pour toutes ces raisons, la profession réclamait une réforme depuis deux décennies. Mais une réforme opérée en l'an 2000 doit répondre à la situation actuelle, non à celle d'il y a vingt ans. Actuellement, l'activité de sauvetage représente 95 % des interventions, mais ce qui aurait dû être une dimension nouvelle de l'archéologie est devenu une fin en soi. Réintégrer l'archéologie préventive dans une démarche scientifique est un impératif catégorique, qui implique un suivi scientifique, mais aussi des moyens de conservation des « archives du sol ».

Qu'est-ce qui justifie ce projet de loi ? La nécessité de créer un cadre légal du financement de l'archéologie de sauvetage et de résoudre la question sociale posée par les personnels de l'AFAN. Je ne nie pas l'importance de ces problèmes, mais une loi peut-elle officialiser des pratiques contestables ?

Selon M. Troadec du service archéologique de Bourges, l'objectif est seulement de réparer les effets désastreux d'une absence de politique depuis vingt ans et le projet est fondé sur une vision particulièrement réductrice de l'archéologie. L'activité de fouilles de sauvetage devient le « môle » de la réforme au détriment de la discipline tout entière. Il ajoute qu'on ne peut parler de réforme quand une proposition consiste à confirmer ou même à aggraver une situation d'impasse.

Cette analyse s'explique par le fait que votre projet pèche par une absence de concertation que des centaines de scientifiques ont dénoncée, Madame la ministre, dans une pétition qu'ils vous ont adressée le 8 juin 1999. Après l'adoption du texte par le Conseil des ministres, les professionnels n'ont reçu aucune information sur les conséquences qu'il aurait pour l'exercice de leur activité. Cette pétition, signée par 400 archéologues est restée sans réponse.

D'autre part, malgré l'importance de ce projet compte tenu des sommes en jeu et des multiples acteurs impliqués -État, collectivités locales, aménageurs, équipes d'archéologues-, la commission n'a procédé à aucune autre audition que la vôtre, Madame la ministre. Aucune étude d'impact, notamment financière, n'a accompagné ce projet.

Sur le fond, votre projet est imprécis.

J'en veux pour exemple les conséquences que l'institution du monopole aura sur la situation des archéologues territoriaux. Comme l'indiquent clairement son exposé des motifs et son article 2, le projet donne à l'établissement public à créer le monopole de l'intervention dans le domaine de l'archéologie préventive. Cette disposition pose un problème juridique. En effet, selon l'avis rendu par le conseil de la concurrence le 19 mai 1998, l'exécution de fouilles constitue une activité économique soumise aux règles du droit de la concurrence. Du reste, un tel monopole n'existe dans aucun autre pays européen. Selon les cas, on trouve des opérateurs parapublics, des coopératives, des associations ou encore des fondations. La notion même de recherche d'Etat est dépassée. La recherche ne peut être que pluraliste ; les archéologues municipaux comme ceux du CNRS doivent y être associés.

Le monopole pose aussi le problème de la gestion décentralisée des fouilles. Lors d'un colloque de l'Association nationale des archéologues des collectivités territoriales, qui a eu lieu au Sénat le 9 juin 1999, un membre du service archéologique de Lyon a décrit la façon dont ce service a été associé, dès l'origine, aux travaux de réalisation d'une ligne de métro et d'une voie périphérique dont le phasage devait être concilié avec les opérations archéologiques. Il concluait : « Forte de cette expérience, la collectivité étudie une solution qui intégrerait les exigences archéologiques à ses projets ».

Je pourrais aussi citer M. Révillon du service archéologique de Seclin déclarant « qu'une véritable archéologie territoriale est née. Elle promet de prendre en compte l'étude de la dynamique des occupations humaines au sein d'un territoire donné... Ces nouvelles démarches montrent comment la pérennité du travail des services archéologiques des collectivités territoriales facilite la réalisation de synthèses inaccessibles à des équipes mobiles... ». Cette opinion rejoint celle du directeur du centre archéologique de Seine-Saint-Denis.

Ne boudons pas la richesse que constitue l'apport des archéologues municipaux, des universitaires ou des chercheurs du CNRS. Ne passons pas d'une décentralisation inachevée à une décentralisation qui serait niée.

Malgré les efforts méritoires du rapporteur pour amender le projet, le rôle des archéologues territoriaux reste fragile.

L'apport de la commission est réel : c'est maintenant l'EPA qui associe par voie de convention. C'est un progrès mais n'est-ce pas une pétition de principe : si l'EPA refuse d'associer ou associe de façon marginale, un recours sera possible devant la commission administrative prévue par l'amendement 17, mais, entre-temps, l'aménageur sera soumis à la contrainte du temps. Il sera amené à subir la position unilatérale de l'EPA. Il ne peut y avoir de négociation équilibrée entre celui que l'on peut associer de façon unilatérale et celui qui, telles les collectivités locales en l'espèce, demande cette association.

En réalité, l'EPA est érigé en seul juge de la participation des services archéologiques des collectivités territoriales, du CNRS et des universités. Ce rôle prééminent est confirmé par les modalités de la désignation du responsable scientifique. Dans le texte initial, l'Etat est cantonné dans un rôle de simple approbation. Grâce à vos efforts, Monsieur le rapporteur, il revient maintenant à l'Etat de désigner, sur proposition de l'EPA. L'opérateur des fouilles, financées par la redevance dont il est le destinataire -c'est-à-dire l'EPA- est en réalité le seul maître de la désignation. Percepteur unique, décideur principal du choix du responsable scientifique, réalisateur unique des sondages, opérateur unique des fouilles... Il nous faut, face à un rôle aussi exorbitant, revoir les modalités du contrôle de l'établissement.

J'en viens au système des redevances qui s'avère éminemment contestable. Il présente d'abord une complexité effroyable. Lors de votre audition devant notre commission, vous avez précisé, Madame la ministre, que le dispositif allait être amélioré. Il a fallu attendre le 14 février 2000, pour un projet de loi déposé le 5 mai 1999, pour disposer d'un amendement qui rend l'article 4-II encore plus complexe, modifie une nouvelle fois la formule de calcul du montant de la redevance et en bouleverse l'architecture initiale. Il y a là une source de controverses infinies. Où commence, par exemple, la stratification en matière de fouilles ? Nombre d'archéologues considèrent que les notions retenues ne correspondent à aucune réalité archéologique. Quid, Monsieur le rapporteur, de la variable N qui correspond au nombre de structures archéologiques à l'hectare ? Jamais des sondages et des diagnostics, même poussés, ne permettront de la définir avec précision. Et d'ailleurs, qu'est-ce qu'une structure archéologique ? S'agissant, pour reprendre votre exemple, des fouilles non stratifiées, comment justifier l'écart des montants de redevance entre les sites de Chambly et de Glisy au seul motif du nombre de structures archéologiques à l'hectare ? Cette seule variable fausse le calcul. Pour des surfaces fouillées analogues, le montant de la redevance passe de 149 730 F à 1 757 700 F ! Et je rappelle que cette variante ne peut être déterminée de façon scientifique. J'observe que le caractère hermétique de cet article vous a d'ailleurs conduit à lui adjoindre une notice explicative. Le système risque en outre d'être à la fois incontrôlable et injuste. L'EPA est en effet le seul maître du calcul de la variable qui détermine le montant de la redevance. Pour les opérations de fouille, le chiffre qui découle de l'application de la formule peut certes prémunir l'aménageur contre des coûts supérieurs à l'estimation, mais la redevance devant par définition correspondre au service rendu, des fouilles négatives sur la superficie servant d'assiette au calcul risquent d'être contestées. La situation inverse n'est pas exclue, avec un coût réel de fouilles largement supérieur à la redevance légale, au détriment cette fois de l'établissement public.

Le dispositif est donc porteur d'effets pervers et, Monsieur Le Garrec, il ne responsabilise en aucune façon. Ce qui responsabiliserait l'opérateur, c'est la stimulation de la concurrence. Sans concurrence, il n'y a pas de responsabilité.

M. Bernard Outin - Cela n'est pas prouvé !

M. Jacques Pélissard - Enfin, il s'agit d'un dispositif extrêmement coûteux. S'agissant des fouilles, le coût serait, aux termes du présent projet, largement majoré. Pour ma propre ville, pour un parking de 1 200 m2 avec une profondeur de fouilles de trois mètres, le devis de l'AFAN s'élève à 900 000 F. Avec le système que vous proposez, le montant des opérations peut être évalué à 2 232 000 F. Le risque de renchérissement par rapport aux anciennes prestations de l'AFAN est donc réel.

La concurrence ou l'intervention de services archéologiques territoriaux permettrait de mieux maîtriser les coûts que cette loi archaïque qui instaure un monopole, sur laquelle nous pourrions utilement revenir en commission en retenant une approche novatrice.

Il est tout d'abord nécessaire -et je souhaite le dire avec force- de réaffirmer le rôle de l'Etat en tant qu'interlocuteur de tous les archéologues et de garant de l'application des textes réglementaires qui s'imposent à la discipline. Les services régionaux d'archéologie n'ont pas démérité. Il convient de conforter leur rôle au sein des DRAC.

S'agissant du financement, je ne suis pas d'accord avec la réponse que vous avez faite à plusieurs de nos collègues lorsque vous avez, Madame la ministre, parlé de la mutualisation. Tous les citoyens de notre pays sont intéressés au patrimoine archéologique qui constitue une richesse nationale. Dans l'optique réaffirmée du caractère de service public national de l'archéologie préventive, pourquoi pénaliser financièrement les zones riches en sites archéologiques ? Un financement -très allégé- pourrait porter sur l'ensemble des 56 millions de mètres carrés construits chaque année dans notre pays. Le budget de l'AFAN est d'environ 500 millions. Une contribution de 10 F par mètre carré, collectée par un EPA chargé de la seule gestion de la redevance, permettrait de financer ce qui relève de la responsabilité directe de l'Etat : la carte nationale archéologique, les opérations exonérées, la diffusion -qui est le parent pauvre de l'archéologie préventive-, la conservation ou la mise en valeur du mobilier trouvé dans des musées.

Pour ce qui concerne les acteurs, leur pluralisme doit être affirmé : l'AFAN opérateur -et non plus simple collecteur de redevances-, les archéologues municipaux et départementaux, les chercheurs du CNRS, les universitaires, les coopératives d'archéologues, les associations... Il faut des acteurs qui soient agréés par l'Etat mais qui évoluent dans un contexte concurrentiel. Un tel cas de figure existe déjà pour les géomètres-experts qui exécutent des missions de service public. Ainsi, chaque structure choisie par l'aménageur, sur la base d'un cahier des charges établi par les services régionaux d'archéologie et dans le cadre d'un appel d'offres, fixerait le montant de sa prestation. Chaque maître d'ouvrage pourrait être aidé par l'Etat dans le cadre du soutien aux fouilles archéologiques, la dépense étant supportée par l'établissement public mais expertisée par le SRA. Un tel système existe déjà en matière de protection de l'environnement : l'ADEME, par exemple, reçoit le produit de la taxe sur la mise en décharge et subventionne la construction des installations de traitement des déchets, comme l'agence des eaux subventionne les opérations d'assainissement. Mais dans les deux cas le collecteur n'est pas l'opérateur. Dans votre projet, vous opérez une confusion des genres préjudiciable.

La solution que nous proposons permet de concilier le rôle central de l'Etat, l'absence de monopole, la mutualisation du financement et le soutien de la collectivité nationale aux opérations de prévention.

Ce texte est un effort louable pour résoudre une situation qui a trop duré. Mais il ne relève pas d'une approche globale et cohérente. Il contient de bons éléments. Il faut le renvoyer en commission où, après l'audition de tous les acteurs de la filière, on élaborera un texte vraiment novateur (Applaudissements sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL).

Mme la Ministre - On veut laisser croire qu'il n'y a pas eu concertation. Les auteurs du rapport que j'ai demandé ont écouté tous les acteurs du secteur. A partir du moment où le conseil des ministres a adopté le projet, j'ai rencontré l'ensemble de ses représentants et j'ai présenté le texte au conseil consultatif des collectivités locales avant qu'il ne vienne en commission à l'Assemblée. Il y a donc eu une concertation complète avec ceux qui seront nos interlocuteurs demain.

M. Pierre Cardo - Le groupe DL est favorable au renvoi en commission. Un texte aussi important mérite en effet un consensus plus large.

Avec la création de l'établissement public, l'Etat sera à la fois juge et partie. Et le financement prévu n'est ni clair ni juste.

Pourquoi ne pas s'être inspiré des modes de financement et d'intervention existant déjà dans d'autres cadres ? S'agissant par exemple des risques naturels, l'Etat est seul prescripteur et l'inspection générale des carrières établit une carte des risques à partir de sondages et de forages réalisés par des opérateurs privés. De même pour les monuments historiques, les architectes des bâtiments de France prescrivent, fixent le cahier des charges, contrôlent l'exécution mais ce ne sont pas eux qui font les travaux, pour lesquels il y a appel d'offres. On peut s'inspirer de ces exemples pour, en commission, rendre le texte plus acceptable, comme il le mérite.

M. Christian Kert - Les propositions de M. Pélissard rejoignent les préoccupations du groupe UDF. Je ne doute pas que vous ayez fait un effort de concertation. Mais des acteurs importants du secteur semblent ne pas y avoir été sensibles. Le malaise, le mécontentement sont réels.

Le monopole met en cause le pluralisme et la liberté qui doit exister dans la recherche en archéologie préventive ; il porte atteinte à la compétition scientifique qui est importante localement et à la décentralisation. Pourquoi l'archéologie échapperait-elle à l'évolution générale ?

En écoutant votre plaidoyer pour ce projet, j'ai mesuré le fossé qui nous sépare. Il est nécessaire de discuter de nouveau et le groupe UDF votera la motion de renvoi en commission.

M. Bruno Bourg-Broc - La démonstration de M. Pélissard était rigoureuse. Ce texte, aux intentions louables, reste souvent nébuleux, même amendé. Vous avez d'ailleurs reconnu que l'opposition posait les bonnes questions mais vous n'y avez pas répondu.

Vous estimez que la concertation a eu lieu. Mais ce que dénonce la pétition du 8 juin 1999 signée par 400 professionnels de l'archéologie, c'est l'absence de concertation dans ce projet.

Les dispositions de 1941 régissant l'archéologie préventive sont obsolètes. On a mis 60 ans avant de les réformer. Nous ne demanderons pas de renvoyer ce texte aux calendes grecques mais de quelques semaines, pour que la commission l'examine de nouveau. Le groupe RPR votera la motion de renvoi.

M. Serge Blisko - M. Pélissard a fait une très bonne intervention. Mais ce fossé dont parle M. Kert a été comblé en partie et il faut féliciter le rapporteur d'avoir amélioré le texte. La concertation a bien eu lieu depuis mai et des incompréhensions ont été dissipées.

L'émotion était réelle chez les archéologues des collectivités territoriales. Mais en commission comme dans son discours aujourd'hui, la ministre a levé leurs inquiétudes. Il n'est pas question de les négliger. Nous nous félicitons de leur existence dans certaines collectivités -toutes ne peuvent en avoir, d'où l'importance des services de l'Etat et des régions- et ils font un très bon travail scientifique. Leur place a été reconnue, à côté des autres archéologues.

Quant au monopole, ce n'est pas un monopole d'opération. Il n'y a pas un opérateur unique, mais possibilité de passer des conventions avec les collectivités territoriales même si elles n'ont pas de services propres mais mettent du matériel à disposition.

L'amendement du Gouvernement à l'article 4 serait « effroyable ». Pas du tout. C'est une simple multiplication d'une surface par un prix. On obtient 2,58 F du mètre carré ou 26 000 F à l'hectare. Le dispositif initial n'était pas clair. Mais inutile de retourner en commission, puisque le Gouvernement a fait le travail.

M. Bernard Outin - Un renvoi en commission peut être motivé par la volonté de présenter d'autres propositions. Lors des travaux de la commission, nous n'en avons pas vu. C'était pourtant le moment d'en faire.

De même ai-je envie de dire à M. Goulard, qui faisait référence à la version initiale du texte, que pour avoir le droit de venir en troisième semaine, il faudrait être venu en première et en deuxième semaines.

Bref, nous avons bien travaillé en commission. Il est temps maintenant de passer à la discussion dans l'hémicycle.

La motion de renvoi en commission, mise aux voix, n'est pas adoptée.

M. le Président - J'appelle maintenant, dans les conditions prévues par l'article 91, alinéa 9, du Règlement, les articles du projet de loi dans le texte du Gouvernement.

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ARTICLE PREMIER

M. Jean Briane - Je n'ai rien contre le rappel des prérogatives de l'Etat en matière d'archéologie préventive mais je suis gêné par ce que dit le rapport sur la genèse du projet de loi, né, d'une part, de la nécessité de se conformer aux engagements internationaux de la France -cela, je l'admets parfaitement-, d'autre part, de l'interrogation sur la nature juridique de l'AFAN et sur la compatibilité de ses interventions avec le droit, national et communautaire, de la concurrence. Avons-nous donc affaire à une réforme de l'archéologie préventive ou à un projet de sauvetage de l'AFAN ? Il ne faudrait pas que ce deuxième objectif compromette la cohérence du dispositif et l'AFAN ne saurait être à la fois juge et partie. Elle trouvera sans doute son compte dans ce projet, mais tel ne sera pas le cas des autres acteurs de l'archéologie préventive -collectivités territoriales, aménageurs, constructeurs publics ou privés. Il nous le font d'ailleurs savoir.

M. Pierre Cardo - Mon amendement 95 tend à supprimer cet article pour les raisons que j'ai déjà exprimées. Je m'inquiète en particulier de lire, dans un alinéa qui va devenir article additionnel, que l'Etat désignera, sur proposition de l'établissement public, le responsable scientifique de toute opération d'archéologie préventive. Sachant que cet établissement dépendra de deux ministres, celui de la culture et celui de la recherche, je crains que beaucoup de temps soit ainsi perdu.

M. le Rapporteur - L'amendement n'a pas été discuté en commission, mais personnellement, je suis contre.

Mme la Ministre - Avis défavorable.

L'amendement 95, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Bernard Outin - Par notre amendement 32, nous voulons ancrer l'idée que l'archéologie préventive relève de missions de service public.

M. le Rapporteur - Favorable.

Mme la Ministre - Favorable.

L'amendement 32, mis aux voix, est adopté.

M. le Président - Nous en arrivons à trois amendements en discussion commune : le 44, le 68 et le 52.

M. Jean-Louis Fousseret - Mon amendement 44 souligne que l'archéologie préventive est partie intégrante de l'archéologie en général. Il convient en effet de ne pas dissocier les deux.

M. Jacques Pélissard - L'amendement 68 est sensiblement le même.

M. Christian Kert - De même que l'amendement 52.

M. le Rapporteur - Les trouvant trop déclaratifs, la commission a rejeté ces trois amendements. Mais l'Assemblée peut en décider autrement.

Mme la Ministre - Devant une telle convergence entre différents bancs, je m'en remets à la sagesse de l'Assemblée.

L'amendement 44, mis aux voix, est adopté.

M. le Président - Les amendements 68 et 52, satisfaits, tombent.

M. Christian Kert - Notre amendement 51 tend à substituer à l'expression « délais appropriés » trop floue, les mots : « délais fixés par la présente loi ».

M. Bruno Bourg-Broc - Mon amendement 23 répond au même souci de précision. On ne voit pas bien en effet quelle réalité juridique recouvre la notion de « délais appropriés ».

M. le Rapporteur - La commission a émis un avis défavorable car des fouilles à Salon-de-Provence, par exemple, ne requièrent pas les mêmes délais que des fouilles à Châlons-en-Champagne. Chaque cas est particulier. Je précise à l'intention de M. Bourg-Broc que les services régionaux de l'archéologie ont un délai d'un mois pour se prononcer.

Mme la Ministre - Défavorable.

L'amendement 51, mis aux voix, n'est pas adopté, non plus que l'amendement 23.

M. le Rapporteur - L'amendement 1 de la commission, rédactionnel, substitue aux mots « d'aménagement » l'expression plus large : « concourant à l'aménagement ».

L'amendement 1, accepté par le Gouvernement, mis aux voix, est adopté.

M. le Rapporteur - L'amendement 2 de la commission supprime le deuxième alinéa de cet article. Il reviendra plus loin mais il est préférable de traiter séparément du rôle de l'Etat et de la carte archéologique.

L'amendement 2, accepté par le Gouvernement, mis aux voix, est adopté.

L'article premier, modifié, mis aux voix, est adopté.

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APRÈS L'ARTICLE PREMIER

M. le Rapporteur - L'amendement 3 de la commission a pour objet de préciser le rôle de l'Etat en matière de recherche archéologique, en disposant que c'est l'Etat qui désigne le responsable scientifique de toute opération d'archéologie préventive.

Mme la Ministre - Favorable.

M. Christian Kert - Le sous-amendement 53 tend à préciser dans quels cas l'Etat peut prescrire des mesures de sauvegarde du patrimoine archéologique. Dans ce but nous proposons d'ajouter, au début de la première phrase, les mots : « Lorsque des indices concordants établissent la présence de vestiges archéologiques ».

M. le Rapporteur - Pour savoir s'il existe des indices concordants, il faut déjà faire la première partie de l'opération d'archéologie préventive, c'est-à-dire les sondages et le diagnostic. La commission a donc repoussé ce sous-amendement.

Mme la Ministre - Défavorable.

Le sous-amendement 53, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Jacques Pélissard - Le sous-amendement 70 a pour but d'ouvrir aux aménageurs le choix du responsable scientifique -qui peut être un agent des collectivités territoriales, de l'établissement public, des services du ministère, etc -avec agrément de ce responsable par l'Etat.

M. le Rapporteur - Pour moi l'Etat doit désigner le responsable scientifique, en fonction des informations portées à sa connaissance. Il peut s'agir d'un membre des catégories que vous citez, ou du CNRS, de l'Université, ou un archéologue d'une collectivité locale : toutes ces possibilités sont ouvertes par le texte, sans qu'il soit besoin de précision supplémentaire.

Mme la Ministre - Défavorable.

Le sous-amendement 70, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Jacques Pélissard - Le sous-amendement 66 a pour objet de supprimer les mots « sur proposition de l'établissement public créé à l'article 2 ». L'Etat doit jouer pleinement son rôle.

Le sous-amendement 66, repoussé par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Christian Kert - Dans la logique de nos propos depuis le début de cette discussion, nous estimons que l'archéologie préventive ne doit pas être cantonnée dans la fonction publique de l'Etat, mais étendue à la fonction publique territoriale. C'est pourquoi le sous-amendement 54 -qui ne va sans doute pas enthousiasmer notre rapporteur- a pour but de déterminer la manière dont l'Etat peut déléguer aux collectivités territoriales dotées de services archéologiques tout ou partie des missions de l'archéologie préventive.

Le sous-amendement 54, repoussé par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, n'est pas adopté.

L'amendement 3, mis aux voix, est adopté.

M. le Rapporteur - L'amendement 4 de la commission concerne la carte archéologique. Il est souhaitable que ce document regroupe toutes les informations disponibles, et qu'on appelle tous les partenaires de l'archéologie à concourir à sa réalisation. Mais l'important est surtout la communicabilité de ce document. Je souhaite notamment qu'il soit communiqué aux maires. La mairie est en effet le lieu habituel où l'on va quand on a besoin d'informations sur le destin des terrains que l'on possède ou sur lesquels on envisage une opération. Je suis très conscient qu'il ne peut s'agir de documents opposables à des tiers, comme l'est un POS. La carte ne peut être opposable tant qu'elle n'est pas entièrement établie. Il ne peut s'agir que d'éléments concourant à l'information des citoyens. C'est dans cet esprit qu'il faut lire l'amendement 4.

Mme la Ministre - Cet amendement pose problème dans chacun de ses alinéas. Je comprends bien le souci qu'exprime M. le rapporteur de mettre les informations à la disposition de ceux qui en ont besoin. Mais le premier alinéa suppose l'existence d'une carte archéologique nationale et de cartes archéologiques locales : il n'existe en réalité qu'une carte nationale, établie avec la coopération des collectivités locales. D'autre part, le deuxième alinéa est trop ambigu : on pourrait en inférer que l'utilisation d'extraits de ces documents serait déterminante pour délivrer les autorisations de travaux. J'entends bien le discours de M. le rapporteur. Avant d'être opposable, la carte archéologique devra être définitivement établie, ce qui demande du temps. Là n'est pas le souci de M. Rogemond : il veut donner, à ceux qui en ont besoin, accès aux informations.

Mais sa rédaction, trop ambiguë, peut être source de difficultés. Je souhaiterais donc que l'amendement soit retiré, car à mes yeux ses inconvénients pèsent plus lourd que son intention, que je partage ; en deuxième lecture nous pourrions rechercher une rédaction qui offre moins d'ambiguïtés.

M. le Rapporteur - Il me semble difficile de supprimer cet amendement, puisqu'un amendement supprimant la carte archéologique a été adopté. Or cette carte est un élément essentiel. Le premier alinéa de l'amendement doit donc être maintenu. Je serais toutefois d'accord pour le rectifier en supprimant les mots « et des cartes archéologiques locales ».

Quant au second alinéa, il ne tend pas à affirmer que ce ou ces documents auront un rôle déterminant dans la délivrance des autorisations de travaux par les autorités compétentes.

Il s'agit simplement de donner à celles-ci les informations, parce que c'est en mairie que les citoyens vont habituellement chercher ces informations. Je maintiens donc l'amendement en le rectifiant.

M. le Président - Nous avons donc un amendement 4 rectifié : les mots « et des cartes archéologiques locales » sont supprimés, et j'ajoute qu'il faut en conséquence, au deuxième alinéa, remplacer « des extraits de ces documents » par « des extraits de ce document ». Compte tenu de cette rectification, l'avis du Gouvernement est-il toujours défavorable ?

Mme la Ministre - Je suis favorable à la nouvelle version du premier alinéa, mais je souhaite sous-amender le second pour en réduire l'ambiguïté.

Il pourrait être ainsi rédigé : « Les autorités compétentes pour délivrer les autorisations de travaux ont communication d'extraits de ce document, dans des conditions déterminées par décret en Conseil d'Etat ».

M. le Rapporteur - Excellente proposition !

M. Pierre Cardo - Le document en question est-il opposable aux tiers, comme le sont, dans le domaine de l'urbanisme, les PPR, avec les contraintes qui s'y attachent ? Ce document a bien une valeur juridique ? Sinon, à quoi sert-il ?

M. Jacques Pélissard - Nous acceptons le premier alinéa de l'amendement. En revanche, par le sous-amendement 71, nous proposons de remplacer le deuxième alinéa par la rédaction suivante : « Il communique à toute personne publique ou privée qui lui en fait la demande toute information ou document existant sur les éléments du patrimoine archéologique susceptibles de se trouver dans un site géographique ; le défaut de réponse dans un délai de deux mois à compter de la réception de la demande vaut présomption d'absence de contrainte archéologique sur le site ».

La notion floue d'« extraits » est ainsi supprimée. Il est affirmé clairement que c'est l'Etat qui communique l'information. Enfin, le délai de deux mois permet aux services de répondre sur ce qui demeure dans tous les cas une présomption.

Mme la Ministre - J'ai souhaité, avec le sous-amendement 100, rester le plus possible fidèle à la proposition de la commission. Je crois répondre aussi au souci exprimé par M. Pélissard

Reste que la carte archéologique, tant qu'elle ne sera pas complète et validée, ne sera pas opposable.

M. le Rapporteur - Quand on habite Lons-le-Saunier, on n'a pas besoin de connaître la situation archéologique de Salon-de-Provence. C'est pourquoi il est fait référence à des extraits. Surtout, la carte archéologique offre des présomptions ; elle ne fournit pas de certitudes. C'est pourquoi elle ne sera jamais opposable aux tiers. Il s'agit simplement d'attirer l'attention sur des risques possibles, que seul un sondage diagnostic permet de mesurer exactement.

Le sous-amendement du Gouvernement est excellent.

Le sous-amendement 71, mis aux voix, n'est pas adopté.

Le sous-amendement 100, mis aux voix, est adopté.

M. le Président - Le sous-amendement 87 tombe.

L'amendement 4 rectifié, modifié, mis aux voix, est adopté.

M. Bernard Outin - Autrefois, les fouilles archéologiques étaient l'occasion de découvrir des trésors. Aujourd'hui, on ne peut plus assimiler à des trésors ceux des objets trouvés dans les fouilles qui témoignent de la vie quotidienne et du fonctionnement des sociétés. Notre amendement 39 corrigé permet d'effectuer le tri. Les objets qui n'ont pas de valeur marchande resteront la propriété de l'Etat et seront exposés dans les musées les plus proches.

M. André Aschieri - Notre amendement 45 est identique, et M. Outin s'est clairement

expliqué. Les objets doivent recevoir un nom et une destination. S'ils relèvent de l'article 717 du code civil, ce sont des objets trouvés ; s'ils relèvent de l'article 716, il s'agit de trésors à partager entre le découvreur et le propriétaire du lieu.

M. le Rapporteur - Nous examinons un projet relatif à l'archéologie préventive. Les amendements en discussion sont de portée plus générale et ne nous intéressent pas ici. Avis défavorable.

Mme la Ministre - Rejet également. Le premier paragraphe conduit à une expropriation sans indemnité au profit de l'Etat. Les désaccords sur le fait que les objets relèvent ou non de l'article 716 risquent de susciter de nombreux contentieux. Le deuxième paragraphe étant la conséquence du premier, j'y suis également défavorable.

Les amendements 39 corrigé et 45, mis aux voix, ne sont pas adoptés.

La suite du débat est renvoyée à la prochaine séance, qui aura lieu cet après-midi, mercredi 23 février, à 15 heures.

La séance est levée à 1 heure 15.

                      Le Directeur du service
                      des comptes rendus analytiques,

                      Jacques BOUFFIER


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