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Session ordinaire de 1999-2000 - 59ème jour de séance, 140ème séance

2ÈME SÉANCE DU MERCREDI 1ER MARS 2000

PRÉSIDENCE de M. Pierre-André WILTZER

vice-président

Sommaire

          RAPPEL AU RÈGLEMENT 2

          AIR FRANCE 2

          ARTICLE PREMIER 16

La séance est ouverte à vingt et une heures quinze.

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RAPPEL AU RÈGLEMENT

M. Claude Gaillard - Mon rappel au Règlement se fonde sur son article 58.

Au moment où nous entamons en séance publique la discussion du projet relatif à l'élargissement du conseil d'administration pour Air France, la commission de la production, saisie au fond, examine pour sa part l'important projet sur les solidarités urbaines.

S'il est déjà anormal que la séance publique et des réunions de commission soient concomitantes, il est inacceptable que soient concernés la même commission et les mêmes députés.

Je vous demande donc, Monsieur le Président, de saisir la Conférence des présidents afin qu'à l'avenir de tels dysfonctionnements ne nuisent plus au sérieux de notre travail législatif.

M. le Président - Je vous donne acte de votre rappel au Règlement. Ce n'est pas la première fois qu'un tel problème se pose mais je ferai part de vos observations à la Conférence des présidents afin que nous essayions d'éviter que de telles situations se reproduisent.

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          AIR FRANCE

L'ordre du jour appelle la discussion du projet de loi relatif à l'élargissement du conseil d'administration de la société Air France et aux relations de cette société avec l'Etat, et portant modification du code de l'aviation civile.

M. Jean-Claude Gayssot, ministre de l'équipement, des transports et du logement - Ce projet a pour objet d'augmenter le nombre des représentants des salariés au sein du conseil d'administration d'Air France et d'élargir l'autonomie de gestion de la compagnie nationale.

Il marque en quelque sorte l'épilogue du plan que nous avons voulu mettre en _uvre pour le redressement et pour le développement durable de cette entreprise, dans laquelle l'Etat est resté, reste et restera majoritaire.

Vous le savez, Air France revient de loin, et je n'ai jamais nié la réalité des efforts accomplis avant 1997 pour la sortir de l'ornière dans laquelle elle se trouvait quand le marché du transport aérien s'est brusquement dégradé, après la guerre du Golfe.

Le travail accompli depuis, par le président Spinetta, par son équipe et par l'ensemble des salariés de l'entreprise, conformément aux orientations définies par le Gouvernement, mérite également d'être salué.

Aujourd'hui, Air France noue des alliances, gagne des parts de marchés, et, pour la quatrième année consécutive, présente un résultat d'exploitation positif, tout cela sans avoir été privatisée, ce qui paraissait pourtant à certains comme la condition sine qua non de son développement. En effet, les efforts de nos prédécesseurs étaient réalisés dans le seul but de privatiser et donc, une fois la situation assainie, de vendre l'entreprise au plus offrant, quitte à prendre le risque à terme, sous l'effet d'une quelconque OPA, de la disparition d'une compagnie qui concourt pourtant de manière irremplaçable à la desserte aérienne intérieure et extérieure de la France. Certains grands du transport aérien ont connu ce triste sort et ont aujourd'hui disparu...

A l'inverse, les efforts déployés depuis 1997 s'inscrivent dans la perspective de la pérennisation et de l'essor de l'entreprise, donc dans l'intérêt général. Nous sommes désormais loin des 8 milliards de pertes de 1993 et le Gouvernement considère qu'en recapitalisant l'entreprise à hauteur de 20 milliards l'Etat n'a fait que son devoir d'actionnaire. La Commission européenne elle-même déclarait, le 4 septembre 1997, « nous ne demandons pas qu'une entreprise soit privée ou publique, mais qu'elle soit concurrentielle et qu'elle suive les règles du marché ». On disait également à l'époque, qu'Air France ne pourrait pas nouer d'alliances internationales si l'Etat restait l'actionnaire majoritaire. On voit aujourd'hui ce qu'il en est.

Air France s'emploie maintenant à bâtir son alliance globale, qui permet d'offrir, sous une marque unique, un réseau mondial formé de l'ensemble des réseaux de ses partenaires. Elle a signé à cette fin, le 22 juin dernier, un accord exclusif avec Delta Air lines, qui a vocation à être complété par d'autres, tel celui avec Aéro-Mexico.

La situation financière de l'entreprise rétablie, un très gros effort de restructuration de l'appareil de production a été réalisé. Une plate-forme de correspondance compétitive a été créée à Roissy. Un système de navettes a été développé sur les principales lignes du marché intérieur. Le réseau a été restructuré, les lignes les plus déficitaires ont été fermées.

L'ouverture du capital, en février 1999, a été un succès. La demande privée a dépassé très largement l'offre, et l'opération destinée aux salariés a été aussi innovante que réussie. La place importante de l'Etat dans le capital et le rôle qu'il joue n'ont manifestement découragé ni les salariés ni les investisseurs privés. Au contraire, cette présence est un gage de sérieux et de stabilité pour leur investissement. Le maintien de la compagnie dans le giron de l'Etat n'est donc absolument pas perçu comme un handicap.

La privatisation totale de British Airways eut des effets bien différents : après avoir pratiquement doublé, les actions de la société ont durablement et fortement baissé.

L'ouverture du capital permet à Air France de financer son projet industriel dont la réussite passe, notamment, par un renouvellement très important d'une flotte qui avait subi le choc économique du milieu des années 1990.

L'opération a permis de développer très fortement l'actionnariat salarié, qui date de 1995. Elle a été un élément du renouveau du dialogue social au sein de l'entreprise. La part du capital proposée aux salariés a été plus grande que dans les précédentes opérations d'ouverture de capital : 15 % des titres cédés, contre 10 % habituellement. Cette offre a été « sur-souscrite » par les salariés, dont près des trois quarts ont participé à l'opération.

La deuxième innovation a été l'échange entre salaire et actions proposé aux personnels navigants techniques. Un conflit avait eu lieu à l'époque. Pourtant cet échange, auquel ont adhéré près de 80 % des pilotes, participe directement à la baisse des coûts de production de la société -sans que le revenu des salariés ait baissé- et témoigne de la confiance des pilotes dans l'avenir de l'entreprise.

Air France est une des entreprises françaises où l'actionnariat salarié est le plus développé, avec environ 11 % du capital.

L'entreprise est en bonne santé. L'exercice courant devrait se terminer pour la cinquième année consécutive par un résultat d'exploitation positif. A l'issue de son dernier exercice, le 31 mars 1999, le résultat net était de 1,64 milliard. Les neuf premiers mois du présent exercice ont vu la compagnie accroître son offre de 12 %, son trafic de 13,3 %, ses recettes de 12,7 %.

Ce développement, dont la vitalité tranche avec les résultats des concurrents européens, a été favorisé par l'extension de l'aéroport de Roissy Charles-de-Gaulle, avec l'ouverture de la troisième piste et l'occupation par Air France du nouveau terminal F à Roissy 2.

Ce développement profite à la compagnie mais aussi à toute la collectivité. Air France a créé plus de 3 500 emplois depuis avril 1997 et compte en créer 6 500 de plus dans les trois prochaines années grâce à la négociation avec les partenaires sociaux sur la réduction du temps de travail et à l'essor de l'activité. Alors que la compagnie avait dû supprimer 9 000 emplois pendant la crise, elle en aura créé au total plus de 10 000 entre 1997 et 2002.

La croissance d'Air France, qui gagne des parts de marché en Europe, ne se fait pas au détriment de la rentabilité. La compagnie garde la maîtrise de ses coûts. Il en a résulté, pour les neuf derniers mois de 1999, un résultat d'exploitation de 2,6 milliards, en progression de 45 %.

Ces bons résultats contribuent au renforcement de la structure financière de la société. Les capitaux propres en croissance régulière atteignaient 23,4 milliards fin 1999. En conséquence, l'endettement diminue puisqu'il n'était plus que de 9,8 milliards à la fin de l'année, contre plus de 14 milliards en mars 1999. Air France est désormais dans la norme des grandes compagnies de l'Union européenne.

L'ouverture du capital a donc été un succès et le développement de l'entreprise se poursuit, dans le cadre du secteur public. Ce cadre n'est pas synonyme d'immobilisme, comme le prouve le présent projet.

Le cadre institutionnel régissant la société doit tenir compte du changement apporté par l'ouverture du capital et par la situation de vive concurrence. La modernisation des relations entre l'entreprise et l'Etat actionnaire s'accompagne d'une meilleure implication des salariés.

L'ouverture du capital implique de modifier les conditions d'exercice de la tutelle de l'Etat. Il convient en particulier de recentrer l'exercice de la tutelle sur le conseil d'administration et d'adapter la composition de celui-ci. Tel est l'objet de ce projet.

S'agissant des relations entre l'Etat et l'entreprise, il vous est proposé de supprimer certaines procédures inutilement lourdes et des dispositions devenues obsolètes car relevant désormais de règlements communautaires. Par ailleurs, le texte recentre sur le conseil d'administration l'examen des projets d'investissements et de prise de participation.

Modernisation de la tutelle ne veut cependant pas dire suppression de la tutelle. Air France est appelée à rester dans le secteur public. L'Etat doit donc continuer à exercer l'ensemble de ses prérogatives d'actionnaire majoritaire, par son contrôle du conseil d'administration et dans le cadre de la tutelle exercée par le ministère des transports et celui de l'économie.

Mais Air France compte aussi de nouveaux actionnaires privés et l'actionnariat salarié s'y est considérablement renforcé.

L'élargissement du conseil d'administration de 18 à 21 membres permettra à celui-ci de refléter plus fidèlement la structure du capital tout en garantissant la représentation des salariés. Il complète l'accord signé avec les personnels navigants techniques.

Les modifications qui vous sont proposées permettent donc d'adapter le cadre institutionnel de la compagnie au contexte créé par l'ouverture du capital. Mais cette adaptation doit surtout donner à Air France les moyens de se développer au bénéfice de l'emploi (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste et du groupe socialiste).

M. André Capet, rapporteur de la commission de la production - Le chiffre d'affaires d'Air France pour l'exercice 1998-1999 s'est élevé à 60 milliards et le résultat net consolidé à 1,6 milliard. Air France compte 55 000 salariés, dont 3 500 pour le personnel navigant technique, 10 000 pour le personnel navigant commercial et 41 500 pour le personnel au sol.

La société transporte par an 37 millions de passagers qui effectuent en moyenne un trajet de 2 000 kilomètres. Elle détient le troisième rang mondial en matière de trafic de passagers et le quatrième pour le fret. Sa flotte, composée de 213 appareils effectue 1 300 vols par jour, avec un coefficient d'occupation des appareils de 76 %. Pour 1999-2000, le trafic de passagers devrait augmenter de 13 % et celui du fret de 7 %. 8 milliards d'investissements sont prévus.

Air France est une entreprise socialement exemplaire.

L'opération « salaires contre actions » a été un succès. L'accord du 29 octobre 1998, obtenu après une grève du personnel navigant technique de 10 jours, prévoyait que cet échange se ferait sur la base du volontariat sur le premier marché. 78,8 % des pilotes ont choisi de réduire leurs salaires en contrepartie d'actions. Leur participation s'élève à environ 6,8 % du capital.

Deux accords ont aussi été signés avec le personnel au sol et avec le personnel navigant commercial, qui détiennent désormais plus de 6 % du capital. Au total, plus de 72 % des salariés et plus du quart des anciens salariés ont acheté des actions. Air France est ainsi l'entreprise française cotée dont l'actionnariat salarié est le plus important.

La distribution de stock-options au personnel navigant technique devrait s'accompagner de la possibilité pour les autres salariés de souscrire à nouveau au capital. Dans le même esprit, il serait souhaitable que les salariés non pilotes soient davantage associés au comité stratégique et au comité d'audit.

L'ouverture -minoritaire- du capital à des actionnaires autres que l'Etat et les salariés peut elle aussi être considérée comme un succès : lors de sa première cotation sur le marché à règlement mensuel, la société comptait en effet 2,4 millions d'actionnaires particuliers. Et la demande de titres des investisseurs institutionnels a été quarante fois supérieure à l'offre.

L'Etat est resté actionnaire majoritaire. Sa part devrait cependant se réduire dans les années à venir sans pour autant descendre en dessous du seuil de 53 %. L'établissement de sa part à 62,8 % ne constitue qu'une étape, une dilution supplémentaire devant intervenir lors du dénouement de deux opérations : les obligations remboursables prises par la BNP et les bons de souscription d'actions accordés aux salariés en 1994 pouvaient être exercés jusqu'au 1er janvier 2000 et devraient faire tomber la part de l'Etat à moins de 57 %. Par ailleurs des actions gratuites seront distribuées, au plus tard jusqu'en 2003, aux particuliers ayant souscrit en février 1999 : à l'issue de cette distribution, la part de l'Etat serait alors réduite à 53 %.

Conformément à l'engagement du Premier ministre en 1997, l'entreprise a vocation à rester dans le secteur public. L'exemple de France Télécom, dont l'Etat contrôle plus de 60 % du capital, confirme que ce caractère public n'est un frein ni à l'appréciation de la société en Bourse, ni à son développement international.

L'ouverture de l'actionnariat d'Air France à de nouveaux investisseurs est allée de pair avec un redressement financier de la société qui, après des années de fort déficit, a renoué avec les bénéfices. De 1998 à 1999, le chiffre d'affaires a crû de 13 %, l'excédent brut d'exploitation de 20 % et le résultat net de 80 %. Quant aux actions, elles se sont valorisées d'environ 22 milliards.

La société est donc aujourd'hui bien éloignée de l'entreprise créée en 1948. L'évolution de son environnement et l'ouverture de son capital nécessitent de moderniser ses structures.

Le présent projet vise tout d'abord à réformer ses relations avec l'Etat. La tutelle est allégée du fait de la suppression du régime de l'autorisation préalable pour les participations prises par la société.

En outre, le projet prend en compte les obligations de service public définies par l'Union européenne, ce qui a conduit la commission à examiner les conséquences du projet sur certaines liaisons aériennes.

Les liaisons au départ de Paris vers la Corse ou vers d'autres villes du continent sont régies par l'article 4 du Règlement communautaire du 23 juillet 1992. Aux termes de l'article 2 du Règlement, les obligations de service public sont les « obligations imposées à un transporteur aérien en vue de prendre toutes les mesures propres à assurer la prestation d'un service répondant à des normes fixes en matière de continuité, de régularité, de capacité et de prix, normes auxquelles le transporteur ne satisferait pas s'il ne devait considérer que son seul intérêt commercial ». Les obligations de service public peuvent être imposées sur deux types de liaisons intracommunautaires : les services aériens réguliers vers un aéroport desservant une zone périphérique ou de développement, située sur le territoire de l'Etat imposant ces obligations ; les liaisons à faible trafic à destination d'un aéroport régional situé sur le territoire de cet Etat. Dans ces deux cas, ces liaisons doivent être considérées comme « vitales pour le développement économique de la région dans laquelle est situé l'aéroport ». Surtout, les obligations de service public ne peuvent être imposées que dans la mesure nécessaire pour assurer une prestation de service adéquate répondant aux normes précitées. L'Etat peut verser une compensation au transporteur aérien ainsi sélectionné.

Pour les liaisons « bord à bord », type Marseille ou Nice vers la Corse, l'obligation de service public s'inscrit, au nom de la continuité territoriale, dans le cadre de l'article 87, alinéa 2, du traité de Rome, qui prévoit la possibilité d'aides à la personne aux compagnies exploitant ces dessertes, qui jouissent par ailleurs d'une totale liberté tarifaire.

Le projet ne modifie pas la situation ; le principe des compensations ou des aides à la personne selon les cas n'est pas remis en cause.

Le conseil d'administration passe de 18 à 21 membres. La répartition des sièges, qui sera fixée par voie réglementaire, sera modifiée. Le conseil devrait compter un représentant de l'Etat supplémentaire, nommé par décret sur le rapport du ministre chargé du tourisme, deux représentants des actionnaires autres que l'Etat et les salariés -qui jusqu'à présent n'étaient pas représentés- et un représentant supplémentaire des salariés ; il perdra une personne qualifiée. Il devrait ainsi être composé de 6 représentants de l'Etat, 6 représentants des salariés, 2 représentants des salariés actionnaires, dont 1 du personnel navigant technique, 2 représentants des autres actionnaires et 5 personnalités qualifiées.

Les salariés actionnaires devraient être élus au sein de deux collèges réunissant respectivement le personnel navigant technique actionnaire et les autres salariés actionnaires. La subordination de la représentation à la détention d'une part minimale du capital ne devrait pas constituer une contrainte trop lourde, puisque ce seuil devrait être fixé à 2 % et pourrait évoluer de 1 % par an jusqu'en 2005.

Lors des auditions des organisations syndicales représentatives, nous avons pu constater l'intérêt que le personnel porte à son entreprise et son engagement pour assurer sa réussite. Le renforcement du rôle du conseil d'administration modifiera probablement la stratégie commerciale. Les alliances avec d'autres compagnies aériennes sont évidemment nécessaires, mais il faut être vigilant quant aux conséquences du développement de la société en termes d'infrastructures aéroportuaires, notamment à Roissy Charles-de-Gaulle qui risque d'arriver rapidement à saturation. Enfin, il est souhaitable que l'ensemble des salariés, y compris ceux qui ne font pas partie du personnel navigant technique, puisse participer activement au conseil d'administration (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

M. Claude Gaillard - Monsieur le ministre, vous rappelez dans l'exposé des motifs de votre projet la nécessité de rechercher en permanence l'efficacité économique et sociale et de procéder à des adaptations institutionnelles liées à l'ouverture du capital, comme pour toute entreprise publique évoluant dans un système concurrentiel -ce qui veut dire qu'une telle entreprise doit avoir un capital. Je regrette que ce raisonnement n'ait pas prévalu lorsque nous avons parlé d'EDF il y a quelques semaines ; sous le gouvernement précédent, il avait été appliqué à France Télécom. Quoi qu'il en soit, je me réjouis de l'avancée culturelle que constitue cet exposé des motifs.

En rappelant quelle a été l'évolution de l'emploi dans les années récentes, vous avez démontré qu'une approche plus libérale a des effets bénéfiques ; le représentant de l'UDF que je suis ne peut, là encore, que s'en réjouir.

S'agissant de l'efficacité sociale, vous avez souligné que les salariés s'impliquent fortement dans le devenir de leur entreprise lorsqu'ils deviennent actionnaires. Cette idée fait son chemin... Nous l'avions déjà développée à propos de France Télécom. Elle participe de ce compromis intelligent entre le capital et le travail.

Dès qu'une entreprise est dotée d'un capital, elle a capacité à passer des alliances ; quand l'Etat est majoritaire, c'est plus compliqué, mais nous n'avons jamais dit que c'était impossible.

Quant à la participation des salariés au capital, elle date d'avant 1997, mais elle a été réalisée un peu au détriment du pouvoir d'achat. Il nous faut remercier le personnel d'avoir fait cet effort. Je regrette que les groupes qui vous soutiennent, Monsieur le ministre, ne nous aient pas davantage appuyés sur la proposition de loi, soutenue par toute l'opposition, que nous avons défendue sur la participation à la croissance ; nous souhaitons que les salariés puissent devenir plus facilement actionnaires et que les distributions de stock-options se fassent dans des conditions transparentes. Nous constatons aujourd'hui que vous faites des petits pas dans notre direction...

Je me réjouis que le projet tende à supprimer le régime d'autorisation préalable pour les prises de participation dans des entreprises.

En ce qui concerne la composition du conseil d'administration, les salariés et l'Etat sont bien représentés mais je ne suis pas sûr que les autres actionnaires le soient suffisamment.

J'insiste sur la nécessité d'assurer le service public, c'est-à-dire d'assurer une bonne desserte du territoire, notamment en termes de coût.

Une question annexe : si la part de l'Etat dans le capital descend à 53 %, à quoi affectera-t-on les sommes tirées de la vente ?

Enfin, comment entendre ou répondre aux problèmes de saturation des aéroports ?

Monsieur le ministre, vous avez pris la bonne voie, mais je regrette que vous ne soyez pas allé plus loin. En signe d'encouragement, le groupe UDF s'abstiendra (Applaudissements sur les bancs du groupe du RPR et du groupe DL).

M. Jean-Pierre Blazy - Ce projet doit permettre à Air France de s'adapter aux mutations du transport aérien.

Au terme des opérations d'ouverture du capital, la part de l'Etat sera réduite à 53 % à l'horizon 2003. Il faut se féliciter que, conformément à l'engagement du Premier ministre, Air France reste une entreprise publique. La situation actuelle démontre que cela ne nuit en rien au développement, que ce soit en termes de valorisation boursière ou de rayonnement international.

La compagnie s'est inscrite dans le mouvement d'alliances internationales qui est en train de reconfigurer l'espace aérien mondial. Au grand dam des partisans des privatisations sauvages, elle s'affirme comme l'une des grandes compagnies mondiales. On peut cependant regretter l'absence d'alliance avec au moins un partenaire européen d'envergure. Cette situation est paradoxale.

Sur le fond, la réforme du conseil d'administration et l'ouverture de celui-ci aux salariés sont susceptibles de conforter la culture d'entreprise de la compagnie nationale. La volonté de mettre administrateurs salariés et administrateurs non salariés sur un pied d'égalité et la gestion transparente recherchée par la direction sont autant de gages de réussite pour Air France. Avec France Télécom, celle-ci est sans doute en train de définir le modèle nouveau des entreprises françaises du secteur public.

Il me faut cependant ouvrir ici une parenthèse sur un épisode douloureux de l'histoire récente : la fusion-absorption d'UTA. Au terme de cette opération menée en 1992, les 6 000 salariés concernés n'ont pu être indemnisés comme le prévoyaient leurs statuts. La direction du Trésor avait évalué le coût de la mesure à 600 millions mais l'indemnisation décidée en 1993 a été calculée, non en fonction de la valeur d'UTA, entreprise bénéficiaire vendue pour plus de 7 milliards, mais en fonction de la valeur d'Air France, alors déficitaire -et, de plus, certains ayants droit ont été oubliés...

J'aurais pu être à vos côtés, Monsieur le ministre, lorsqu'en 1994, vous avez saisi le Conseil constitutionnel de cette spoliation ! Aujourd'hui, il est indispensable que, comme je vous en ai pressé et comme nous en pressent les salariés désabusés, vous vous attachiez à régler à l'amiable ce dossier, avant que la Cour des droits de l'homme n'en soit saisie par une association de ces salariés. Les séquelles du passé doivent être éliminées !

La modification de la structure de l'actionnariat s'est accompagnée, pour Air France, d'un remarquable redressement financier. La forte croissance du trafic aérien et la politique du « hub « y ont sans doute contribué. Cependant, ce développement ne pourra continuer dans des conditions harmonieuses que si la compagnie prend en compte l'exigence environnementale : actuellement, quels que soient les efforts faits pour remplacer les avions les plus bruyants, cette croissance est génératrice de nuisances et aucune entreprise ne peut plus ignorer le territoire dans lequel son activité s'inscrit. L'exigence environnementale est d'ailleurs en train de s'amplifier aux abords des plates-formes aéroportuaires, les riverains n'entendant plus exonérer de leurs responsabilités les compagnies aériennes.

Il faut qu'Air France trace la voie aux autres dans ce domaine, qu'elle conduise sa modernisation et son expansion commerciale avec la volonté de contribuer au développement durable des territoires concernés.

J'ai proposé que les compagnies acquittent une taxe de 3 F par passager et d'1 F par tonne de fret afin d'alimenter des fonds de compensation des nuisances sonores permettant aux collectivités riveraines de tous les grands aéroports français de mener des politiques ambitieuses au bénéfice de leur population. Air France devra ouvrir ce dossier et je souhaiterais, Monsieur le ministre, que nous puissions aussi l'étudier ensemble.

Le développement d'Air France suppose, enfin, que la compagnie dispose d'infrastructures adaptées au marché mondial actuel, mais aussi aux impératifs environnementaux. L'extension controversée Paris-Charles de Gaulle satisfait à la première de ces exigences. Pour satisfaire à la seconde, vous avez pris, il y a deux ans et demi, l'engagement de limiter l'extension de cette plate-forme à 55 millions de passagers et à 480 000 mouvements : on prévoyait alors que ces plafonds seraient atteints en 2015. Or, aujourd'hui, la croissance très rapide du transport aérien et les effets de la politique du « hub » nous laissent penser que ce seuil de saturation sera atteint à brève échéance. En 1999, 43 millions de passagers, dont 28 millions pour Air France, ont transité par Roissy et 470 000 mouvements ont été enregistrés...

Il est donc indispensable de prendre une décision quant à la construction d'un troisième aéroport international desservant la région parisienne. Il y va de la place de la France dans le transport aérien européen et de l'avenir de l'entreprise. Mais il y va aussi de la préservation de notre environnement et de l'aménagement équilibré de notre territoire. Trop d'erreurs ont été commises depuis la décision de construire Roissy, et aujourd'hui ce sont quelque 500 000 personnes qui souffrent des nuisances dues à cette plate-forme. Le site de ce troisième aéroport doit être choisi en tirant les leçons du passé !

Il y a aussi là un enjeu de sécurité. Les instances internationales de l'aviation civile constatent des retards de plus en plus fréquents. En outre, le Conseil des ministres européens des transports s'est demandé si la croissance du trafic aérien ne devait pas être limitée en raison de son impact sur l'environnement, et il commence à envisager de gérer la pénurie. En France, malgré les concessions des autorités militaires qui ont libéré une partie de son espace aérien, aucune amélioration notable n'a pu être enregistrée. Cette saturation ne risque-t-elle pas de nuire à l'exigence de sécurité maximale ? Il faut en tout cas réfléchir aux moyens de renforcer la coopération entre le contrôle civil et le contrôle militaire.

Toutes ces constatations montrent la nécessité d'une politique européenne plus efficace, de mesures en faveur d'un « ciel européen unique » et d'un renforcement des pouvoirs, ainsi que de la construction du troisième aéroport en France.

Le 30 juin dernier, en séance publique, vous vous étiez engagé à prendre une décision sur ce dernier sujet avant le 31 décembre. Rien n'est venu.

Lors de mes nombreuses consultations, j'ai pu constater que trop d'acteurs du transport aérien n'ont pas pris conscience que le seuil de 55 millions de passagers était une limite infranchissable et que, tranquillisés par la mise en place du leurre de Beauvilliers destiné à rassurer les riverains de Roissy, ils espèrent que le troisième aéroport ne verra pas le jour, pensant que les échéances électorales permettront de passer outre l'engagement du Gouvernement.

Monsieur le ministre, vous avez su tenir d'autres engagements ! Il vous appartient maintenant de démentir tous ceux qui pensent que ce gouvernement ne tiendra pas celui-ci. Ce troisième aéroport donnera, j'en suis certain, une chance exceptionnelle à Air France de s'affirmer dans le monde comme une compagnie de premier rang et à la France d'accroître encore son rayonnement international.

Ce projet confirme une politique ambitieuse et volontaire. Puisse-t-il bénéficier d'un très large accord afin de permettre à la compagnie nationale de poursuivre son redressement et de s'affirmer au niveau européen et mondial. La participation accrue des salariés au conseil d'administration sera par ailleurs la garantie d'un développement concerté de l'entreprise.

Mettant le droit en accord avec la réalité, ce texte devrait alléger la tutelle étatique et nous placer en règle avec le droit communautaire sans toutefois remettre en cause le service public. Comme notre rapporteur, je pense qu'il faudra être attentif à son impact économique et à ses effets sur la situation des salariés d'Air France, et que nous devrons veiller à ce que la politique commerciale de la société préserve aussi bien ses intérêts financiers que ceux de notre territoire et de notre environnement.

Au bénéfice de ces observations, le groupe socialiste votera ce projet (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

M. Gilbert Gantier - La groupe Démocratie libérale et Indépendants ne peut que se féliciter de la libéralisation du transport aérien, dont l'adoption de ce projet marquera une nouvelle étape. Notre soutien ne vous a d'ailleurs jamais manqué, Monsieur le ministre, lorsqu'il s'est agi de travailler au développement de ce secteur. Les décisions européennes qui nous contraignent dans ce domaine, nous permettent en fait de nous adapter à un monde qui s'ouvre et qui bouge : citons les directives de 1979 et 1989, relatives à la limitation des émissions sonores de certains avions ; le règlement de 1992 sur les tarifs, le règlement de 1992 sur l'accès des transporteurs aériens communautaires aux liaisons aériennes intracommunautaires, le règlement de 1991 relatif à l'harmonisation des règles techniques et des procédures administratives...

La situation d'Air France peut paraître satisfaisante aujourd'hui, ce dont il faut savoir gré à la direction et au personnel de la compagnie, mais je continue de déplorer le statut particulier de celle-ci : que n'est-elle privatisée à 100 % au lieu de l'être à 44 % ? L'actionnariat salarié concerne 71 % du personnel, ce que l'on peut considérer comme un bon début. Il existe également des projets d'épargne salariale, -espérons qu'ils seront plus prometteurs que les esquisses du Gouvernement, telles qu'on peut en prendre connaissance par les journaux...

Pour ce qui est du présent projet, je ne peux que me réjouir de l'allégement de la tutelle ministérielle sur les prises de participation. Air France devient peu à peu une entreprise normale. Elle pourra ainsi développer les partenariat internationaux qui lui font actuellement défaut par rapport à ses concurrentes, allemandes et britanniques notamment.

Le présent projet porte de 18 à 21 le nombre des membres de son conseil d'administration et modifie leur répartition.

L'Etat nommera désormais six représentants, contre cinq aujourd'hui, ce sixième représentant étant nommé sur proposition du ministre chargé du tourisme. Alors que l'Etat allège sa tutelle pour les prises de participation, il est paradoxal qu'il la renforce au sein du conseil d'administration !

Le nombre des personnalités qualifiées, pourtant choisies soit en raison de leurs compétences techniques ou scientifiques, soit en raison de leur connaissance du transport aérien, soit en raison de leur qualité de représentant des usagers, passera de six à cinq.

Les actionnaires autres que l'Etat et les salariés auront désormais deux représentants ce qui est tout à fait normal. Dans quelle entreprise un actionnaire ne serait-il pas représenté au conseil d'administration ?

Les salariés actionnaires auront deux représentants, contre un aujourd'hui. C'est là encore la moindre des choses puisqu'ils détiennent tout de même 13 % à 14 % du capital.

Le nombre d'administrateurs représentant les autres salariés de la compagnie reste de six.

44 % du capital d'Air France est donc représenté au conseil d'administration par seulement 4 administrateurs sur 21, soit moins de 20 %. Les actionnaires autres que les salariés ne disposent que de deux représentants, soit moins de 10 % du total, alors qu'ils détiennent plus d'un tiers du capital. On peut donc légitimement s'interroger sur les critères de répartition des postes d'administrateur.

Les représentants de l'Etat sont encore trop nombreux au sein du conseil d'administration quand ceux des actionnaires ne le sont pas assez. Dans ces conditions, comment rendre Air France attractive pour une coopération avec des entreprises étrangères qui ne souffrent pas, elles, du carcan de l'Etat ? Cette situation est préoccupante.

M. Jean-Pierre Blazy - Mais non !

M. Gilbert Gantier - J'appelle, enfin, l'attention sur l'amendement déposé par mon collègue Paul Patriarche concernant la continuité territoriale.

La collectivité territoriale de Corse est tenue, dans le cadre de son statut de 1991 et de l'enveloppe budgétaire de continuité territoriale de lancer tous les trois ans un appel d'offres pour désigner les compagnies aériennes qui assureront la continuité territoriale entre l'île et le continent. Dans le cadre de la convention de partenariat en cours, Air France assure les vols entre la Corse et Paris et perçoit en contrepartie une subvention de continuité territoriale. Sans cette subvention, Air France ne soumissionnerait pas.

Or Air France a conclu un partenariat avec la compagnie Corse-Méditerranée qui sous-traite quelques lignes. Ce partenariat permet de maintenir 200 emplois de personnels au sol, dans l'ensemble des aéroports corses, ces personnels étant rémunérés par Air France. Si demain Air France ne pouvait plus bénéficier de la subvention précitée du fait de l'article premier du projet de loi et de ce fait ne répondait pas à l'appel d'offres, les conséquences pour la compagnie Corse-Méditerranée seraient dramatiques.

Interrogé sur cette question, l'Office des transports de la Corse souligne que l'article 2 du texte prévoit que le cas spécifique des obligations de service public définies par l'article 4 du règlement CEE n° 2408/92 doit être pris en compte.

L'Office conclut que le projet de loi adapte le code de l'aviation civile à la réglementation communautaire à laquelle l'enveloppe de continuité territoriale est conforme. Pouvez-vous, Monsieur le ministre, nous confirmer que ce texte ne remet pas en question l'utilisation de cette enveloppe ?

Pour conclure, vous allez dans la bonne direction s'agissant de la gestion d'Air France : privatisation, certes partielle, actionnariat salarié, peut-être bientôt fonds de pension. A quand la privatisation totale de la compagnie ?

M. le Rapporteur - Ce n'est pas pour demain.

M. Gilbert Gantier - A quand le retrait de l'Etat du conseil d'administration ?

Pour toutes ces raisons, je m'abstiendrai sur ce texte (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF).

M. François Asensi - En moins de vingt ans, les règles du jeu du transport aérien mondial ont été complètement bouleversées sous la pression du libéralisme économique. Cela a eu des répercussions sur la situation sociale des personnels et sur la situation financière des compagnies.

En Europe, depuis le 1er avril 1997, celles-ci évoluent dans un espace aérien de libre concurrence, où les tutelles étatiques ont disparu. C'est dans ce contexte de marche forcée vers la déréglementation qu'Air France, après des années de pertes abyssales, a dû rechercher la voie de la croissance, engager des réformes et adapter sa structure juridique.

Les pouvoirs publics ont largement contribué au redressement du pavillon national et à son développement sur les cinq continents. Une recapitalisation à hauteur de 20 milliards, le lancement de la construction de deux nouvelles pistes à Roissy et la conclusion d'un accord bilatéral de trafic aérien avec les Etats-Unis ont permis d'assurer la survie d'Air France. De même, l'ouverture partielle de son capital aux salariés et à des actionnaires autres que l'Etat, décidée à l'initiative du Gouvernement, lui a permis de se doter des moyens financiers indispensables à son développement.

Cette ouverture du capital et l'échange salaire contre actions ont modifié la structure de l'actionnariat de la compagnie.

Actionnaire majoritaire, l'Etat entend conserver jusqu'à 53 % du capital de l'entreprise dont le maintien dans le secteur public a été garanti par le Premier ministre lors de sa déclaration de politique générale. Air France, qui occupe le troisième rang mondial pour le trafic passagers et le quatrième pour le fret, a achevé son redressement financier et dégage, depuis l'exercice 1996-1997, un résultat net positif. Son endettement est tombé de 14,4 à 9,8 milliards de francs. C'est la seule compagnie européenne dont le trafic et les recettes croissent à deux chiffres.

L'évolution de son environnement et de la structure de son actionnariat salarié exige aujourd'hui des adaptations institutionnelles. Tel est l'objet de ce projet.

L'article premier vise à mettre la compagnie en conformité avec les réglementations européennes et à adapter les relations entre l'actionnaire principal, l'Etat, et la société. Avec la libéralisation du ciel, les compagnies aériennes sont soumises à des règles de droit communautaire qui suppriment toutes les marges de man_uvre des Etats. Toutes les règles concernant notamment le régime des subventions, les procédures d'autorisations préalables de prise de participation sont définitivement supprimées.

L'article 2, quant à lui, supprime toutes les dispositions relatives à la contrainte d'équilibre financier et prend en compte les obligations de service public.

Ces deux articles qui consacrent l'allégement de la tutelle administrative, n'appellent pas d'observations particulières de notre part. Nous prenons acte de ces évolutions juridiques.

Enfin, l'article 3 porte de 18 à 21 le nombre des membres du conseil d'administration pour tenir compte de l'entrée de nouveaux actionnaires privés et du renforcement de l'actionnariat salarié.

Cet allégement de la tutelle étatique par un transfert du pouvoir de contrôle au conseil d'administration suscite quelques réserves notamment pour ce qui est de la représentation des salariés et du poids accordé aux personnels navigants techniques dans le nouveau « gouvernement d'entreprise ». L'article 3 n'indique pas clairement la répartition des sièges entre les administrateurs non plus que leurs modalités de nomination ou de révocation.

Tous les salariés, actionnaires ou non, doivent être représentés au conseil d'administration. Sinon de nouvelles tensions risquent d'apparaître entre les différentes catégories de personnel et de nuire à la cohésion sociale et à l'équilibre général de l'entreprise.

Le fonctionnement harmonieux du conseil d'administration et du « gouvernement d'entreprise », véritable innovation sociale rompant avec une tradition d'opacité, exige la recherche d'un équilibre permanent qui tienne compte des aspirations des salariés et de leurs compétences.

Le renforcement du rôle du conseil d'administration ne sera pas neutre sur la stratégie commerciale d'Air France, s'agissant notamment du « hub » de Roissy, dont l'extension suscite l'inquiétude des élus et des riverains.

Pour séduire la communauté financière et attirer les souscripteurs des fonds de pension, Air France fait actuellement valoir ses capacités de développement à Roissy Charles-de-Gaulle. Mais cet appel aux fonds de pension relève d'une vision à court terme qui peut contrarier la stratégie de développement de la compagnie.

J'exprime mes plus vives réserves sur le projet d'Air France de créer de nouvelles structures aéroportuaires sur son « hub » de Roissy. En effet, cette extension entraînera un développement du trafic supérieur aux engagements pris en 1997 vis-à-vis des communes riveraines, à savoir une limitation du trafic à 55 millions de passagers et le plafonnement de l'énergie globale à la valeur atteinte en 1997.

Tout dépassement de ce seuil serait inacceptable pour deux raisons. D'une part, des engagements ont été pris. D'autre part, l'accroissement des nuisances sonores serait intolérable pour les riverains.

M. Jean-Pierre Blazy - C'est vrai.

M. François Asensi - Maire de Tremblay-en-France, sur le territoire de laquelle se trouve une partie de l'aéroport, je veux être l'interprète des riverains pour demander que les engagements de 1997 soient tenus. Je le dis sans démagogie aucune, ayant été le seul élu de la zone concernée à être contre l'extension de l'aéroport. J'attends donc avec intérêt, Monsieur le ministre, votre réponse à la question écrite que je vous ai adressée en février au sujet du troisième aéroport.

M. le Ministre - Il y a trois semaine à peine !

M. François Asensi - Mais vous allez pouvoir y répondre ! Le groupe communiste votera ce texte et souhaite que la représentation nationale dispose d'un suivi de sa mise en _uvre (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

M. Alain Marleix - Le présent projet vise à toiletter les textes qui s'appliquent à Air France en les adaptant au droit communautaire et au contexte de libéralisation accélérée du transport aérien, et à réformer la composition du conseil d'administration du fait de l'ouverture du capital de l'entreprise. Comme l'a dit M. le rapporteur, l'importance que le Gouvernement accorde à ce dossier ne se mesure pas à l'épaisseur du rapport de notre commission, au demeurant excellent. Force est cependant de relever le décalage entre la modestie de ce projet et l'enjeu crucial qu'il constitue pour le devenir de la compagnie. Dans un contexte de libéralisation massive -et peut-être trop précipitée- de transport aérien, Air France est-elle bien armée ? Compte tenu des pesanteurs inhérentes à son statut, pourra-t-elle faire face à la stratégie des grandes alliances mondiales ?

M. Jean-Pierre Blazy - Mais oui ! C'est sûr !

M. Alain Marleix - Ces adaptations que prévoit ce projet nous paraissent bien timorées. Les demi-mesures qui sont proposées ne peuvent se poser en stratégie d'avenir pour la compagnie.

M. le Rapporteur - Il n'est pas de pire sourd que celui qui ne veut pas entendre !

M. Alain Marleix - Les dispositions tendant à alléger la tutelle de l'Etat restent très limitées. Certes, l'article premier supprime la référence à une intervention ministérielle pour ce qui concerne la détermination des conditions d'exploitation et son deuxième alinéa supprime le principe des subventions pour l'exploitation de lignes en concurrence avec d'autres compagnies françaises. Enfin, le chapitre II met un terme au régime d'autorisation préalable. Imposée par Bruxelles, ces évolutions sont positives mais relèvent davantage de l'homéopathie que du traitement de choc dont la compagnie aurait besoin pour asseoir ses positions. Seront-elles suffisantes pour rassurer les partenaires étrangers potentiels ? Certainement pas. Tout porte à croire que la politique de privatisation à géométrie variable du Gouvernement portera préjudice à la compagnie, marginalisée par un statut anachronique qui fait d'elle une exception dans le ciel mondial.

Le succès éclatant rencontré auprès des Français souscripteurs de l'action Air France fait regretter que le Gouvernement refuse de s'engager dans la voie d'une privatisation totale qui, à court terme, semble d'ailleurs irrémédiable. Les obligations de service public ne justifient plus le maintien du statut actuel car les liaisons avec l'outre-mer ne sont pas les moins rentables ! Seules des options idéologiques motivent la position du Gouvernement ; liées aux équilibres de la majorité plurielle, elles s'exercent au détriment de l'intérêt de l'entreprise.

Mise sur le marché mutuel, l'action Air France n'a d'ailleurs toujours pas décollé. Comme me le rapportait récemment un petit actionnaire : « Nous sommes la seule compagnie au monde à annoncer de brillants résultats sans que cela fasse décoller l'action ». A l'évidence, Air France n'a pas l'action qu'elle mérite et sa stagnation témoigne du manque de confiance des Français sur sa capacité à définir une stratégie d'entreprise cohérente sur le long terme. Ne nous y trompons pas : le RPR n'a jamais prôné un libéralisme débridé. Mais autant le maintien du monopole pour la SNCF -réaffirmé dans la réforme Juppé-Pons de février 1997- lui semblait fondé, autant une telle approche semble anachronique et dommageable en matière de transport aérien.

Certes, la compagnie a des atouts considérables...

M. Jean-Pierre Blazy - Merci de le reconnaître enfin !

M. Alain Marleix - ...qu'il s'agisse de ses résultats financiers et de sa gestion, de la maîtrise des coûts d'exploitation, de la modernisation de sa gestion commerciale, de l'excellence de sa flotte, du niveau du coefficient de remplissage -supérieur à 75 % ou du « hub » de Roissy Charles-de-Gaulle qui constitue un atout majeur face à Londres ou Francfort. Sur ce point, je rends hommage, Monsieur le ministre, à votre décision courageuse d'ouvrir une nouvelle piste à Roissy. Je tenais à le souligner car le mérite vous en revient personnellement.

M. Gilbert Gantier - Eh oui !

M. Alain Marleix - Mais la compagnie souffre aussi des handicaps structurels des services publics à la française : grèves à répétition, suradministration globale, lourdeurs de gestion; difficultés à communiquer, changements trop fréquents de président -cinq en dix ans et autant de stratégies différentes. Ces faiblesses sont d'autant plus regrettables qu'Air France bénéficie de personnels d'une qualité exceptionnelle.

N'oublions pas non plus que les salariés actionnaires détiennent aujourd'hui 11,4 % du capital social et qu'ils se sont investis dans la première phase de la privatisation, ce qui rend nécessaire la modification du conseil d'administration. A cet égard, le projet reste elliptique quant à la répartition des sièges et nous souhaitons qu'une place significative soit donnée aux représentants des personnels actionnaires.

Vous me permettrez aussi d'évoquer la spoliation qu'ont subie les anciens salariés d'UTA lors du processus ténébreux de fusion avec Air France. Les six mille salariés concernés veulent porter l'affaire devant la CICE. Il est donc urgent que le Gouvernement se penche sur ce dossier afin d'aboutir à une négociation dans le cadre national. Ayez à l'esprit, Monsieur le ministre, que ces salariés demandent d'abord à être reçus et écoutés.

M. Jean-Pierre Blazy - Voilà un point d'accord entre nous !

M. Alain Marleix - Mais le risque majeur qui pèse sur la compagnie nationale est celui de son isolement et de son encerclement dans un contexte marqué par la conclusion d'alliances gigantesques. Air France ne risque-t-elle pas de se marginaliser face à « Wings » -formée autour de KLM et de Norwest Airlines-, à « One World », créée en 1998 autour de British Airways et d'American Airlines -et qui compte aujourd'hui sept compagnies internationales- ou à « Star Alliance » qui regroupe neuf compagnies et assure 8 250 vols quotidiens grâce à une flotte de 1 680 appareils ? Face à elles, Air France nous paraît très affaiblie malgré son alliance avec Delta -qui est l'une des « majors » américaines- et ses accords avec Aéro-Mexico. Pour respectables qu'elles soient, ces ententes ne compensent pas le handicap lié à l'absence de grand partenaire européen ou asiatique et la fin de non recevoir d'Iberia, d'Alitalia ou de KLM a eu un caractère presque vexatoire. Il est urgent que la compagnie trouve de nouveaux alliés et il est à craindre que les atermoiements et la timidité du Gouvernement sur ce dossier... (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe communiste : « Indécrottable ! ») fassent peser de nouvelles menaces sur Air France, au moment même où le transport aérien mondial connaît un essor très prometteur.

En conséquence, le groupe RPR s'abstiendra, tout en formant pour Air France des v_ux de plein succès (Applaudissements sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL).

La discussion générale est close.

M. le Ministre - Je demande une suspension de séance.

La séance, suspendue à 22 heures 45, est reprise à 23 heures 5.

M. le Ministre - Je remercie tous les orateurs pour l'intérêt qu'ils portent à un projet qui ne comporte que quelques mesures mais qui est important pour la compagnie et pour son personnel.

Le rapporteur, en particulier, a fait un excellent travail. Je partage son souhait, qui est aussi celui de M. Asensi, que les non-pilotes soient étroitement associés aux nouvelles méthodes de gouvernement de l'entreprise. Les représentants de l'Etat au conseil d'administration veilleront à ce qu'il en soit ainsi, en particulier au sein du comité stratégique qui doit être créé.

Tous, vous avez reconnu la bonne santé de notre compagnie nationale, qui se développe plus vite que ses concurrentes puisque, comme l'a relevé M. Asensi, elle est la seule à afficher une croissance à deux chiffres, de son trafic comme de ses recettes.

Je n'ai relevé aucune critique fondamentale de ce projet chez les orateurs de la majorité pas plus que chez ceux de l'opposition. Cela signifie sans doute qu'il s'agit d'un bon texte.

M. Alain Cacheux - Tout à fait !

M. le Ministre - Air France est une entreprise exemplaire, notamment sur le plan social. Elle est une entreprise publique -ce point peut faire débat et M. Marleix a regretté qu'elle ne soit pas privatisée-, dont M. Capet a relevé le dynamisme et la rentabilité. Il a aussi noté que ce texte ne modifie nullement les obligations de service public pas plus que le principe des subventions. Je le confirme.

On peut aussi souligner une certaine amélioration des relations sociales qui a conduit, ces derniers temps, les syndicats de personnels navigants à lever plusieurs préavis de grève.

Si certains craignent, Monsieur Asensi, que la représentation des pilotes soit trop importante par rapport à celle des autres salariés, elle est toutefois liée à leur première place parmi les salariés actionnaires, puisqu'ils détiennent 6 % du capital. Le projet recherche un équilibre entre personnel navigant, techniciens et autres salariés.

Il n'y a pas, Monsieur Gantier, de renforcement de la représentation de l'Etat puisque, passant de 4 à 5 représentants quand le nombre total d'administrateurs passera de 18 à 21, elle demeurera approximativement de 28 % pour 57 du capital détenu. En fait, en dehors des salariés actionnaires, qui disposeront de 10 % des administrateurs pour 11 % des actions, toutes les autres catégories seront légèrement sous représentées, car nous avons voulu rester fidèles à l'esprit de la loi de 1983 relative à la démocratisation du secteur public qui organise les conseils d'administration autour de trois grandes catégories : les représentants de l'Etat -ici, six-, les représentants des salariés -six-, les personnalités qualifiées -cinq-, auxquels s'ajoutent deux représentants des salariés actionnaires et deux représentants des autres actionnaires. Cette composition permettra de faire appel à des compétences variées et dotera le conseil d'administration de capacités de gestion fort utiles dans un secteur très concurrentiel.

J'indique à M. Gaillard que le passage de la participation de l'Etat de 56,7 à 53 % interviendra progressivement entre avril 2000 et mai 2003, lorsque l'Etat délivrera les actions gratuites aux investisseurs individuels, aux pilotes et aux salariés ayant souscrit des actions lors de l'ouverture du capital de février 1999.

M. Marleix a évoqué les alliances. Je ne veux pas faire de polémique mais je ne puis que constater que la politique d'alliance d'Air France a démarré après celle des autres compagnies. Que ne l'avez-vous lancée plus tôt, vous et vos amis qui ne cessiez de parler de privatisation ? Non seulement vous n'avez pas suscité la moindre alliance d'Air France mais en plus vous avez laissé les autres compagnies en passer. Il a bien fallu rattraper le retard.

Et d'abord il a fallu conclure un accord avec les Américains, qui avaient rompu les négociations en 1992. Nous avons éviter l'accord de ciel ouvert qu'ils réclamaient et nous sommes parvenus à un compromis équilibré : chaque fois qu'ils gagnent une fréquence, nous en gagnons une aussi.

Je ne crois vraiment pas, Monsieur Marleix, que Delta, soit un partenaire mineur. 800 avions et 149 millions de passagers, ce n'est pas rien. D'ailleurs, sur les liaisons transatlantiques, Air France et Delta font ensemble mieux que toute autre alliance, mieux notamment qu'American Air Lines et British Airways... Air France évalue le gain qui résulte pour elle de cette alliance à 1 milliard de francs par an -700 millions en recettes et 300 en surcroît d'efficacité. Economiquement profitable, cette alliance a en outre le mérite de la solidité, alors que vous pouvez noter ailleurs des frémissements, des agitations, voire des rumeurs de retrait.

J'ajoute qu'en deux ans, Air France a signé des accords de partage de codes avec 25 compagnies aériennes.

Vous avez évoqué l'âge moyen de la flotte. Jusqu'en 1997, il avoisinait dix ans ; nous l'avons ramené depuis à sept ans et demi.

Un député socialiste - Pas comme les pétroliers !

M. le Ministre - L'action n'a pas augmenté autant qu'elle aurait dû, a dit encore M. Marleix. Elle se situe aujourd'hui à 16 euros, après avoir atteint 20 euros. Les variations sont celles de l'ensemble du secteur. Et il reste que l'action a pris 15 % depuis l'ouverture du capital, ce qui représente un placement intéressant sinon spectaculaire et 15 % de bonus, c'est mieux que bien des augmentations de salaires dans notre pays.

Vous avez été plusieurs, dont M. Marleix, à vous inquiéter du dossier UTA. Je dirais là encore que s'il avait été traité plus tôt, nous aurions aujourd'hui moins d'ennuis... (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste)

M. Alain Marleix - En tout cas, nous nous y serions pris autrement !

M. le Ministre - Quoi qu'il en soit, le cas est actuellement jugé en Cassation. La justice ayant à se prononcer, vous comprendrez que je ne puisse en dire plus. La décision doit intervenir en 2000.

MM. Blazy et Asensi se sont inquiétés des nuisances. Je partage leurs préoccupations et je crois que si le transport aérien n'intègre pas mieux les problèmes d'environnement, cela se retournera contre lui. Cela étant, l'intérêt général commandait la réalisation de pistes supplémentaires à Roissy. Mais l'engament que j'ai pris concernant les 55 millions de passagers sera tenu, croyez-le bien (« Très bien ! » sur les bancs du groupe socialiste).

La question du troisième aéroport, et plus généralement des infrastructures portuaires, se pose avec d'autant plus d'acuité que l'évolution du trafic aérien est encore plus rapide que prévu. Vous m'avez rappelé, Monsieur Blazy, que j'avais pris l'engagement de me prononcer avant la fin de 1999. C'est exact, mais à l'époque nous pensions que les schémas de service seraient finis en 1999. Or du retard a été pris. Je vous confirme aujourd'hui que la question sera bien traitée dans ce cadre. Des études sont en cours et devraient aboutir durant l'été 2000. Nous pourrons alors nous prononcer sur l'opportunité d'une telle infrastructure et sur le site géographique.

M. Gantier s'est fait l'écho de préoccupations relatives à la desserte de la Corse et à l'avenir d'Air France dans cette desserte.

La disposition qui semble vous inquiéter, Monsieur Gantier, n'interdit pas en elle-même les subventions. L'article premier supprime simplement une disposition devenue totalement obsolète. Et je puis vous rassurer : la réglementation européenne permet bien de subventionner des compagnies qui exploitent des lignes soumises à des obligations de service public, lorsqu'elles le font en exclusivité et qu'elles ont été choisies après un appel d'offres.

C'est le cas aujourd'hui d'Air France pour les liaisons Orly-Ajaccio, Orly-Bastia, Orly-Calvi, en application de l'article 4 du règlement communautaire dont nous avons déjà parlé.

L'article 87 alinéa 2 du traité de Rome permet par ailleurs d'accorder des aides à caractère social, notamment à certaines catégories de passagers qui utilisent des lignes desservant certaines régions insulaires. C'est d'ailleurs le système qui vient d'être mis en place pour les liaisons dites « de bord à bord » entre la Corse, d'une part, Marseille et Nice, d'autre part, système dont bénéficie notamment la compagnie Corse Méditerranée.

Mme Loyola de Palacio vient aujourd'hui même de me faire savoir, au nom de la Commission, que ce système était compatible avec le traité de Rome. Le moment venu, les passagers d'Air France pourraient en bénéficier.

Air France pourra continuer à percevoir des subventions. Il serait tout de même étonnant qu'un Gouvernement aussi attaché au service public que celui auquel je participe ne veille pas à faire bénéficier cette compagnie de toutes les dispositions propices au maintien de la continuité territoriale entre la Corse et le continent (« Très bien ! » sur les bancs du groupe socialiste).

C'est pourquoi l'amendement de M. Patriarche me semble inutile, voire dangereux. La Commission européenne pourrait en effet l'interpréter au mieux comme redondant et au pire contradictoire avec les dispositions communautaires.

Tels sont les éléments de réponse que je souhaitais vous apporter, en réponse à des interventions dont je salue à nouveau la qualité (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste et du groupe socialiste).

M. le Président - En application de l'article 91, alinéa 9, du Règlement, j'appelle maintenant les articles du projet dans le texte du Gouvernement.

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ARTICLE PREMIER

M. Gilbert Gantier - Compte tenu des déclarations de M. le ministre, je retire l'amendement de M. Patriarche (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe communiste).

L'article premier, mis aux voix, est adopté.

L'article 2, mis aux voix, est adopté, de même que l'article 3.

M. le Président - Je ne suis saisi d'aucune demande d'explication dr vote.

L'ensemble du projet, mis aux voix, est adopté.

Prochaine séance demain jeudi 2 mars à 15 heures.

La séance est levée à 23 heures 30.

                      Le Directeur du service
                      des comptes rendus analytiques,

                      Jacques BOUFFIER


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